Référence de cet article : Bernard KoffiLOUKOU (2013). La compagnie aérienne multinationale Air Afrique, retour sur un véritable outil de développement économique en Afrique, Rev iv hist,22,57-65.

LA COMPAGNIE AERIENNE MULTINATIONALE AIR AFRIQUE, RETOUR SUR UN VERITABLE OUTIL DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE EN AFRIQUE

Dr. Bernard Koffi KOFFI Assistant Département d’Histoire Université Félix Houphouët-Boigny Cocody- (Côte d’Ivoire) [email protected]

RÉSUMÉ Créée en 1961, la compagnie aérienne multinationale Air Afrique a contribué au développement économique des Etats en Afrique pendant plus de trois décennies. Elle fut un maillon fort du trafic aérien international par le transport des biens et des personnes, permettant ainsi l’ouverture de l’Afrique aux autres continents. Elle a été également, un instrument de renforcement des économies des Etats africains par son rôle d’opérateur économiques favorisant l’essor des échanges interafricains et du tourisme. Mots clefs : Transport aérien, Air Afrique, Développement économique, Echanges inte- rafricains, Tourisme

SUMMARY Created in 1961, the multinational Air Afrique company contributed to the economic development of States in during more than three decades. It was a strong link of the international air traffic by the transport of the goods and the persons, so allowing the opening of Africa the other continents. It was also, an instrument of strengthening of the economies of the African States by its operator’s economic role favoring the development of the interafrican exchanges and the tourism. Keywords: Air transport, Air Afrique, Economic development, Interafrican exchanges, Tourism

Bernard Koffi LOUKOU (2013). La compagnie aérienne multinationale Air Afrique, retour sur un véritable outil de développement économique en Afrique 57 INTRODUCTION Créée le 28 mars 1961 à Yaoundé, au Cameroun, par onze Etats africains1, la compagnie aérienne multinationale Air Afrique disparut définitivement en 2002 des espaces aériens de l’Afrique, de l’Europe, de l’Amérique et du Moyen-Orient pour cause de faillite avérée due en grande partie à la mauvaise gestion. C’est pourquoi, pour la majorité des personnes, Air Afrique fut un échec total. Par outil de développement économique, il faut entendre instrument favorisant les évolutions positives voire le progrès dans les changements structurels des Etats et des populations en Afrique. Ces changements engendrent l’enrichissement des Etats et l’amélioration des conditions de vie des populations. Alors comment la compagnie aérienne multinationale Air Afrique a-t-elle contribué efficacement durant ces années d’existence au développement économique des Etats en Afrique ? La présente étude, se propose de présenter les différents rôles joués par la com- pagnie Air Afrique qui firent d’elle un outil de développement économique en Afrique. Pour soutenir notre démonstration, nous procéderons par un croisement des sources d’archives d’Air Afrique et des sources imprimées disponibles en la matière, notam- ment les articles de journaux. Ainsi, un double indice cumulatif a pu être dégagé pour décrire les missions d’agent de développement économique de la multinationale Air Afrique : le premier rend compte de son rôle de vecteur du trafic international et le second relève son action dans le renforcement des économies des pays membres.

I- UN MAILLON FORT DU TRAFIC AÉRIEN INTERNATIONAL La compagnie multinationale Air Afrique participait à l’animation du trafic aérien au plan international par son intense activité tant au niveau du transport des passagers qu’en termes de transport des marchandises à l’exportation comme à l’importation. Afin de faciliter aisément ses activités, Air Afrique mit en place une organisation conséquente de son réseau de trafic. Aussi, la compagnie ouvrit-elle diverses escales en Afrique, en Europe, en Amérique et au Moyen–Orient pour favoriser une meilleure ouverture du continent africain sur le reste du monde. En effet, en Afrique, outre les pays membres, des escales furent ouvertes dans les pays non membres tels que le Nigéria, le Libéria, le , le , la Guinée. En Europe, la France, l’Italie, la Suisse furent les principaux Etats desservis par la compagnie. L’Amérique et le Moyen-Orient ne furent pas en reste, car les dessertes vers respectivement les Etats Unis et l’Arabie Saoudite permirent à la compagnie d’y effectuer ses activités. En outre, des accords de coopération furent conclus entre Air Afrique et d’autres compagnies (, Swissair, Alitalia et en particulier) de manière à harmoniser le développement du trafic entre ces pays et les Etats membres. Ces accords de coopération représentèrent non seulement l’entrée de la compagnie Air Afrique dans la concurrence internationale, mais également en contrepartie, la

1 Le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Dahomey (Bénin actuel), le , la Haute-Volta ( actuel), la Mauritanie, le , le Sénégal et le Tchad

58 © EDUCI 2013. Rev iv hist,22:57-65. ISSN 1817-5627 possibilité aux compagnies étrangères d’ouvrir une brèche dans la zone d’exploita- tion d’Air Afrique. Ainsi, la création des compagnies aériennes nationales telles que Maroc, Egyptair, et Camair, les accords passés avec des pays africains anglophones notamment le Nigéria, la Sierra Léone, le Ghana,… et des Etats francophones comme le Mali et le Zaïre permirent d’accroître davantage les offensives des compagnies africaines et européennes (, KLM, Lufthansa,…) contre Air Afrique. C’est pourquoi, la compagnie Air Afrique en 1977 sortit d’une situa- tion sécurisante, pour se trouver confrontée avec une concurrence aigüe exigeant toujours plus d’agressivité commerciale. Concernant la clientèle, Air Afrique conserva tout au long de son exploitation une proportion majoritaire de clientèle « haute contribution ». Il faut dire que les recettes de la compagnie sur les vols longs-courriers s’évaluèrent à plus de 70% grâce aux coupons de vol « haute contribution »�. Cette clientèle de haute gamme regorgeait de personnel administratif (ambassades, consulats, ministères, organismes natio- naux et internationaux, etc.), d’hommes d’affaires (responsables de grandes firmes commerciales, industrielles ou financières), de techniciens, d’experts. A partir 1966, Air Afrique développait sa clientèle touristique en lançant des circuits et des séjours organisés. Ainsi, dans différents Etats comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, la multi- nationale offrait, avec des hôteliers, restaurateurs et agents de voyages, des forfaits très avantageux. La compagnie parvint également à élaborer une gamme très large de réductions aux clientèles des moyenne et basse contributions, mais avec le souci constant de ne pas provoquer un glissement de la haute contribution vers les moyenne et basse contributions. En 1970, Air Afrique transporta la «clientèle pèlerinage à la Mecque» grâce à des vols spéciaux, plus de 5.000 passagers à partir d’Abidjan, , Nia- mey, etc. En 1974, 27 rotations de l’avion DC8 permirent d’acheminer vers Djeddah 6.345 pèlerins pour aboutir à 6.861 passagers à savoir 28 vols en 1981. En outre, la compagnie répondit aux besoins de clientèles très diverses provenant des familles, du troisième âge, des marins, des sportifs, des congrès, des artistes, des excursions, etc. Le développement des échanges de marchandises entre les Etats africains et l’Europe suscita un grand intérêt de la part de la compagnie Air Afrique. Cette dernière se dota alors non seulement d’infrastructures adaptées et adéquates mais surtout d’aéronefs spécialisés pour le fret. Ainsi, le fret aérien connut une expansion rapide sur l’axe Europe-Afrique, à cause du sous-équipement et parfois de l’enclavement des pays africains qui faisaient d’eux exclusivement des importateurs de produits manufacturés et de matériels d’équipement. En retour, l’Afrique exportait vers l’Europe des productions agricoles (café, ananas, avocats,…), des peaux d’animaux (bovins et reptiles), des produits halieutiques (crevettes, écrevisses…). L’intensité des activités de transport des passagers et du fret aérien permit à la multinationale d’occuper une place non négligeable au niveau mondial. Aussi, la participation de la compagnie Air Afrique dans le trafic Europe-Afrique connut-elle une croissance. Elle était estimée, en 1963, à 30% pour atteindre 73% en 1978 pour les longs-courriers et les réseaux locaux. Mieux, en 1965, Air Afrique se classa 1ère compagnie du continent africain pour la longueur de son réseau (94.000 km) et le fret transporté (16.700 tonnes) et 2ème compagnie en Afrique pour les passagers

Bernard Koffi LOUKOU (2013). La compagnie aérienne multinationale Air Afrique, retour sur un véritable outil de développement économique en Afrique 59 (280.000 passagers)2. En outre, en 1974, la compagnie occupait le 44ème rang sur 112 membres du classement de l’International Air Transport Association (IATA) pour les passagers transportés en services réguliers intérieurs et internationaux3. Toutes ces reconnaissances constituaient une confirmation de ce que la compa- gnie multinationale Air Afrique fut un excellent vecteur du trafic international dans la mesure où, par ses activités, elle assura une meilleure ouverture du continent africain sur le reste du monde et permit l’accès des Etats aux grands réseaux de communi- cation ainsi qu’aux nouvelles formes de développement. En plus de son intervention remarquée dans le développement du trafic international, la multinationale contribua au renforcement des économies des Etats membres.

II- UN INSTRUMENT DE RENFORCEMENT DES ÉCONOMIES DES ETATS AFRICAINS Dans les actions d’Air Afrique, le fait à remarquer était l’intervention de la multi- nationale dans les économies des Etats membres. Ainsi, dans le souci de consoli- der les économies des Etats membres, la compagnie se donna le rôle d’opérateur économique. Elle ne manqua pas également de contribuer à l’essor des échanges interafricains et de se faire remarquer en tant que promoteur du tourisme. Dans les différents Etats membres, Air Afrique fut une entreprise pourvoyeuse d’emplois. Ses activités généraient directement plus de 5.000 emplois en Afrique, dont un nombre appréciable d’emplois hautement qualifiés (ingénieurs, pilotes, informaticiens,…) et plus encore, si l’on incluait les emplois induits des fournisseurs. Le recrutement de ce nombre important de travailleurs s’avérait possible en par- ticulier sous l’effet de la politique de développement de la compagnie conduisant sans doute à l’intensification de ses activités et par ricochet à sa croissance même. D’une valeur avoisinant les 40 milliards de francs CFA de 1963 à 1981, l’effectivité des investissements de la compagnie s’observait généralement dans la construction ainsi que l’équipement des sièges et des immeubles administratifs dans chacun des Etats membres. Les infrastructures et matériels aux niveaux de l’informatique, des télécommunications, des escales et centres fret, des activités industrielles et de l’avionique y occupaient aussi une place de choix. Ajoutons également qu’avec l’entretien des avions, la multinationale mit en œuvre une politique d’augmentation de la charge réalisée par ses propres centres industriels (, Abidjan et ). Cette politique permit d’accroitre le niveau d’activité au sein des Etats membres et à réduire la dépendance financière et technique à l’égard de l’Europe. Le transfert de technologie entre le nord et le sud ne fut donc pas seulement une volonté mais il fut également une réalité. Ainsi, de moins de 30% de la charge de main d’œuvre de maintenance sur les 7 avions de la flotte aérienne en 1963, les centres industriels réalisaient, en 1981, 70% de la charge de main d’œuvre de maintenance sur une flotte en exploitation de 15 aéronefs4.

2 Air Afrique, Histoire d’une compagnie, Abidjan, Air Afrique, 1983, 56p (p13) 3 Air Afrique, Quinzième anniversaire, Abidjan, Air Afrique, 1976, 28p (p7) 4 Air Afrique, Défis et perspectives d’une compagnie aérienne multinationale africaine : l’expé- rience d’Air Afrique, Op. Cit., p10

60 © EDUCI 2013. Rev iv hist,22:57-65. ISSN 1817-5627 Par ailleurs, le renforcement des échanges entre les Etats africains s’identifiait comme une priorité de la multinationale Air Afrique. Entreprise multinationale africaine, Air Afrique se voulait une compagnie au service des Etats africains en général et des Etats membres en particulier. Aussi, la compagnie assurait-elle dans les condi- tions optimales les trafics aériens interafricains aussi bien des passagers que des marchandises. Elle parvenait désormais à se placer en pôle position et à demeurer incontournable dans les échanges interafricains. Outre la densité de son réseau, la part des marchés intérieurs de la multinationale en Afrique au cours des années 1970 oscillait entre 32 et 38%5. Ce qui lui permit, malgré son apparition tardive dans le ciel africain, d’occuper la première place devant la compagnie Ethiopian (créée en 1949), au niveau des échanges entre les Etats africains. Le tableau suivant nous donne, de 1975 à 1980, une idée de l’évolution aussi bien de l’ensemble du trafic des passagers et du fret de la multinationale Air Afrique que de la part du trafic interafricain dans l’ensemble des activités. Une étude plus appuyée du trafic interafricain réalisé par Air Afrique de 1975 à 1980 nous indique que ce trafic concernant les passagers et les marchandises connaissait une croissance.

Tableau I : L’évolution du trafic interafricain des passagers et fret d’Air Afrique de 1975 à 1980

TRAFIC DES MARCHANDISES TRAFIC DES PASSAGERS (en tonnes) ANNEES Résultat global Part du trafic Résultat global du Part du trafic du trafic interafricain trafic interafricain

1975 429.027 41,85% 42.300 24,03%

1976 472.826 45,63% 45.102 25,11%

1977 491.942 45,94 % 48.999 26,35%

1978 542.114 47,09% 49.277 27,22%

1979 589.203 48,22% 49.942 28,58%

1980 630.884 49,65% 50.364 29,27%

TOTAL 3.155.996 46,40% 285.984 26,80%

Sources : Air Afrique, Exercice 1975, Abidjan, Air Afrique, 1975, 51p (p38) Air Afrique, Exercice 1976, Abidjan, Air Afrique, 1976, 55p (p41) Air Afrique, Exercice 1977, Abidjan, Air Afrique, 1977, 55p (p42) Air Afrique, Exercice 1978, Abidjan, Air Afrique, 1978, 55p (p46) Air Afrique, Exercice 1979, Abidjan, Air Afrique, 1979, 55p (p47) Air Afrique, Exercice 1980, Abidjan, Air Afrique, 1980, 55p (p43) A travers ce tableau, précisément, au niveau du trafic des passagers de la multinationale Air Afrique, l’on constate qu’en 1975, l’effectif global des passagers transportés était de 429.027 dont 41,85% représentaient la part du trafic réalisés

5 «Air Afrique : réussite ou échec ?», in Jeune Afrique, n°921, 30 août 1978, pp33-47 (p45)

Bernard Koffi LOUKOU (2013). La compagnie aérienne multinationale Air Afrique, retour sur un véritable outil de développement économique en Afrique 61 entre les pays africains, avec une prépondérance du transport des passagers des pays de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), soit 75,67% des échanges interafricains. La part du trafic interafricain continuait de progresser jusqu’en 1980. Ainsi, en 1976, le pourcentage passait à 45,63%, soit une augmentation de 3,78% de 1975 à 1976. De 45,94% de l’effectif total des passagers de la compagnie en 1977, la part interafricaine évoluait à 47,09% (+ 1,15%) en 1978 ; 48,22% (+1,13%) en 1979 pour aboutir en 1980 à 49,65%, soit une hausse de 7,80% entre 1975 et 1980. Quant à la part du trafic interafricain dans l’ensemble du résultat au niveau du fret, elle était de 24,03% en 1975 ; 25,11% en 1976; 26,35 en 1977 ; 27,22% en 1978 ; 28,58% en 1979 et 29,27% en 1980. Ce qui donnait une évolution de 5,24% de 1975 à 1980 ainsi qu’une hausse annuelle qui oscillait généralement entre 0,69 et 1,36%. Le constat général à faire en observant le tableau était l’évolution crescendo aussi bien du trafic interafricain des passagers que de celui des marchandises (fret). Mieux, les moyennes de 46,40% et de 26,80% respectivement pour le trafic des passagers et pour celui du fret nous permettent d’affirmer que les activités interafricaines occupaient une place de choix dans l’ensemble des activités globales de la compagnie Air Afrique, et par voie de conséquence, contribuaient de façon dynamique au développement des échanges entre les Etats en Afrique. En effet, le développement des échanges entre les Etats africains illustré par leur trajectoire ascendante était la résultante de nombreux aménagements effectués par la compagnie. Ceux-ci reposaient sur l’acquisition de nouveaux aéronefs, l’ouverture de nouvelles lignes telles que des lignes côtières pour les Etats de la CEDEAO, des lignes transsahariennes pour certains pays et des lignes cargos exclusivement pour le fret. Ces changements apportés par la multinationale portaient en outre sur l’instauration de nouvelles grilles tarifaires comme les tarifs « Inter Afrique » qui offraient, au niveau du fret, des réductions de l’ordre de 70 à 85% sur le réseau intérieur. Ces différents aménagements permettaient non seulement la mise de l’avion à la portée des Etats africains, mais surtout l’accentuation du rôle de la multinationale Air Afrique dans les échanges interafricains. Au demeurant, c’était du point de vue qualitatif que ce rôle revêtait sa plus grande importance, eu égard à la faiblesse et à la dégradation des réseaux routier et fer- roviaire du continent. D’où les difficultés d’acheminement des marchandises d’une région à une autre. Pour illustrer cela, une marchandise partant d’Abidjan à destination de allait connaître selon son mode de transport des fortunes diverses6. En surmontant donc les insuffisances, la multinationale Air Afrique devenait un moyen efficace pour les voyages express. Elle jouait ainsi un rôle d’appoint très important dans les échanges. Ces derniers sur les liaisons intérieures contribuaient à assurer le renforcement et la survie des économies des Etats africains. Enfin, le dynamisme du tourisme en Afrique en général et en Afrique francophone en particulier devait beaucoup à la compagnie multinationale Air Afrique. En effet, en 1966, Air Afrique lança véritablement le tourisme africain à l’ouest du continent.

6 Par train, de la gare ferroviaire de Treichville à celle de , la marchandise met un jour. Puis, de Ouagadougou à Niamey, faute de voie ferrée, elle est transportée par camion durant un jour et demi, soit au total deux jours et demi. Par camion, le transport de la marchandise va se faire dans la meilleure des hypothèses en trois jours. En avion, le voyage va compter deux heures au maximum.

62 © EDUCI 2013. Rev iv hist,22:57-65. ISSN 1817-5627 Jusqu’en 1981, la compagnie avait consacré plus de 2 milliards de francs CFA pour imposer l’image de cette activité économique auprès du grand public européen et américain de même qu’auprès de plus de 800 professionnels du secteur7. Pour ce faire, la compagnie effectua de nombreuses actions publicitaires et de relations publiques se résumant à des campagnes d’affichage, des films, de la publicité dans les journaux et à la radio, à la décoration des vitrines dans les agences de voyages, etc. Mais, ces actions de communication ne représentaient rien à côté des réalisations de la compagnie dans le cadre de la promotion du tourisme africain. Ces réalisations étaient, d’une part, la création des campements de chasse et des centres de pêche sportive, et d’autre part, la mise en place de diverses entre- prises touristiques. En effet, la création des campements de chasse et des centres de pêche sportive constitua le premier pan des réalisations d’Air Afrique. Ainsi, une fois, le recensement des possibilités d’accueil dans les Etats membres effectué, Air Afrique décida en 1967 d’organiser et de lancer elle-même des circuits touristiques en Afrique après entente avec les hôteliers et les tours operators. En outre, en feuilletant les brochures publiées par la compagnie, on comptait, vers la fin des années 60, une vingtaine de possibilités de voyages couvrant l’ensemble des Etats membres, depuis le séjour balnéaire jusqu’au circuit de découverte en passant par des séjours plus sportifs pour les chasseurs et les pêcheurs. C’est pourquoi, dès 1970, la compagnie Air Afrique prit en gérance les centres de pêche sportive à Nouadhibou, en Maurita- nie et à Dakar, au Sénégal. La compagnie ouvrit également dans le delta du fleuve Sénégal, le campement de Maka-Diama. D’autres réalisations de ce type virent le jour comme le campement de chasse de Keur Massène en Mauritanie et celui de Tillabéry au Niger ainsi que le parc des oiseaux du Djoudj au Sénégal et celui du Diaouling en Mauritanie créé en 1979. En sa qualité de promoteur et de bénéficiaire du tourisme, Air Afrique ne put se désintéresser de ce genre d’activité. Aussi, intervint-elle directement dans la mesure de ses moyens, pour la création de nombreuses sociétés touristiques. En effet, la compagnie Air Afrique comprit, dès la fin des années 60 qu’il fallût développer l’infras- tructure hôtelière encore très embryonnaire dans les Etats membres. Aussi, à l’instar des grandes compagnies aériennes, la compagnie multinationale créa-t-elle, en mars 1970, sa filiale, la Société de Développement Hôtelier et Touristique de l’Afrique de l’Ouest (HOTAFRIC) dont elle détint 52,33% du capital social8. Cette filiale aida les Etats à promouvoir leurs réceptifs touristiques et hôteliers. Jusqu’à la fin de ses acti- vités en 1975, HOTAFRIC avait contribué utilement au développement du tourisme africain à la fois par ses études et par des réalisations. Ainsi, HOTAFRIC suscita l’étude et la création de certains hôtels comme l’hôtel intercontinental au Gabon et entreprit les négociations avec le Club Méditerranée pour la gérance du complexe hôtelier du Cap Skirring au Sénégal. Par ailleurs, d’autres interventions furent encore à mettre au compte de la multinationale Air Afrique. Il s’agit, d’abord, de la création et du lancement d’agences de voyages africaines telles que Tchad Tourisme et Tourisme dont Air Afrique participait respectivement à hauteur de 37,8% et 37,5% des actions9. Ensuite, il n’est pas inutile de mentionner les prises de participation 7 Air Afrique, Défis et perspectives d’une compagnie aérienne multinationale africaine : l’expé- rience d’Air Afrique, Abidjan, Air Afrique, 1994, 18p (p9). 8 Air Afrique, Histoire d’une compagnie, Op. Cit., p19 9 Air Afrique, Contact, le bulletin de liaison d’Air Afrique, n°7-8, Op. Cit., p17

Bernard Koffi LOUKOU (2013). La compagnie aérienne multinationale Air Afrique, retour sur un véritable outil de développement économique en Afrique 63 d’Air Afrique dans des chaines hôtelières africaines comme 50,38% des actions de la Société Mauritanienne de Tourisme et d’Hôtellerie (SMTH), 20% des actions de la Société Hôtelière et Immobilière du Congo (SHIC), 15% des actions de la Sorentente, 8,33% du capital social de la Société Hôtelière du Nord Cameroun (SHNC). Toutefois, au cours des années 1975 et 1976, la multinationale Air Afrique amorça avec sagesse un grand tournant. Ayant constaté avec satisfaction que le tourisme africain était, par ses soins, mis définitivement sur orbite, Air Afrique passa alors le relais aux professionnels du tourisme à savoir les grossistes et les agences de voyage, se contentant de conserver la gestion et la commercialisation de ses campements.

CONCLUSION Notre analyse minutieuse et approfondie des activités et actions de la compagnie révèle qu’elle fut un outil incontestable de développement économique des Etats africains. Jusqu’à sa faillite en 2002, Air Afrique fut un excellent vecteur du trafic international dans la mesure où, par ses activités, elle assura une meilleure ouverture du continent africain sur le reste du monde et permit l’accès des Etats aux grands réseaux de communication ainsi qu’aux nouvelles formes de développement. Par ailleurs, la compagnie se donna le rôle d’opérateur économique dans le souci de consolider les économies des Etats membres. Ainsi, elle fut une entreprise pour- voyeuse d’emplois. Entreprise multinationale africaine et se voulant une compagnie au service des Etats africains en général et des Etats membres en particulier, Air Afrique assurait dans les conditions optimales les trafics aériens interafricains aussi bien des passagers que des marchandises. En outre, elle effectua non seulement de nombreuses actions publicitaires et de relations publiques mais également des réalisations dans le cadre de la promotion du tourisme africain. Elle intervint aussi directement dans la mesure de ses moyens, pour la création de nombreuses sociétés touristiques.

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

I- Sources Air Afrique, Traité relatif aux transports aériens en Afrique, Yaoundé, Air Afrique, 1961, 26p. Air Afrique, Exercice 1975, Abidjan, Air Afrique, 1975, 51p Air Afrique, Exercice 1976, Abidjan, Air Afrique, 1976, 55p Air Afrique, Quinzième anniversaire, Abidjan, Air Afrique, 1976, 28p Air Afrique, Exercice 1977, Abidjan, Air Afrique, 1977, 55p Air Afrique, Exercice 1978, Abidjan, Air Afrique, 1978, 55p Air Afrique, Exercice 1979, Abidjan, Air Afrique, 1979, 55p Air Afrique, Exercice 1980, Abidjan, Air Afrique, 1980, 55p Air Afrique, Contact, le bulletin de liaison d’Air Afrique, n°7- 8, décembre 1981, 37p Air Afrique, Histoire d’une compagnie, Abidjan, Air Afrique, 1983, 56p Air Afrique, Défis et perspectives d’une compagnie aérienne multinationale africaine : l’expé- rience d’Air Afrique, Abidjan, Air Afrique, 1994, 18p.

64 © EDUCI 2013. Rev iv hist,22:57-65. ISSN 1817-5627 2- Bbibliographie «Air Afrique : réussite ou échec ?», in Jeune Afrique, n°921, 30 août 1978, pp33-47 BERRON (H.), «L’association Air Afrique – UTA et les transports aériens dans les pays d’Afrique noire francophone», in Les cahiers d’Outre- Mer, Vol 29, n°114, avril-juin 1976, pp113-136. GERMAIN (P.), Les avions, , PUF, 1995, 127p. KOBE (S.), Problèmes de transport en Afrique de l’ouest, Paris, OECD publishing, 1967, 185p. REICHMAN (S.), Le transport aérien en Afrique Occidentale. Essai d’étude géographique, Liverpool, Institut des Transports Aériens (ITA), documents hors-série, 1965, 153p VAN HASSELT (L.), «Les perspectives du transport aérien dans les pays en développement», in Le courrier Afrique Caraïbes Pacifique-Union Européenne, n°169, mai 1998, pp56-58

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