TI 164B-167B Cortial Abbaye De Tournus
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
164 Tournus occupe un rang d’honneur parmi les localités françaises qui ont leurs annales. Élégance du site, fertilité du sol, antiquités des origines, lustre historique, souvenirs archéologiques et religieux : tout concourt à l’auréoler. Entre Châlon et Mascon, quasi au milieu des deux, au centre du croissant formé de Verrières au Villars par les riantes collines qui encadrent la Saône, une jolie ville nommé Tournus, beaucoup plus longue que large, bien orientée, assise commodément ou plutôt négligemment jetée sur la rive droite du fleuve indolent vient encore embellir la perspective. "Le paisible bourgeois de Tournus, qui des rives nonchalantes de la Saône, regarde là- haut, les restes épars de l'antique abbaye, ses bâtiments convertis en manufactures, ses fortifications éventrées, sa basilique elle-même déchue au rang de simple paroisse silencieuse du canton, n'a certes pas oublié que dans ce cloitre morne, si vivant jadis, régnaient les tout- puissants seigneurs, les maîtres séculaires de ses pères" (A. Bénet. archiviste de la Saône et Loire) 165 Il faut reconnaître que si la modeste cité jouit d'un certain renom, elle en est redevable surtout à son Abbaye souveraine, dont le rôle fut assez important au Moyen-âge et à l'ombre de laquelle d'ailleurs, s'est développée la ville moderne. À l'arrivée des reliques de S t Philibert en 875, non seulement la ville proprement dite n'existait sans doute pas encore, mais à cause des invasions barbares, le castrum était abandonné, la banlieue en friche, l'abbaye de S t Valérien presque déserte. Peu à peu les nombreux sujets de la nouvelle ruche monacale, la venue des grands seigneurs avec leur suite dépensière, les processions publiques et les fréquents pèlerinages individuels accrurent la population rurale en remettant en honneur les travaux des champs, et la population urbaine, en attirant par l'appât du gain, les petits boutiquiers, artisans ou trafiquants. Aussi, l'un des vieux historiens de Tournus a remarqué judicieusement que Tournus comme beaucoup d'autres villes, doit son agrandissement à sa qualité de ‘lieu de dévotion’. “L'affluence des hommes qui venaient de toutes parts en voyage à l'Abbaye, engressa Tournus d'argent; et la richesse des habitants fut cause d'y bastir”. Aujourd'hui encore, la parure la plus riche de Tournus est l'église abbatiale de S t Philibert. En ses longs siècles d'existence, le vieux sanctuaire a passé par 4 phases très distinctes: 165 1°– Érigé sur le tombeau d'un martyr, l'oratoire S t Valérien se transforma après l'arrivée des religieux de S t Philibert, en la grande église romane par laquelle fut englobé et supplanté le temple primitif. t 2°– Jusqu'en 1627, S Philibert-de-Tournus resta église monacale gouvernée d'abord par un Abbé Régulier, et à partir de 1498 par un Commanditaire. 3°– Au XVII e siècle, les moines ayant obtenu du Pape leur sécularisation, l'église du monastère fut convertie en Collégiale de chanoines sous le gouvernement d'un Titulaire séculier jusqu'à la suppression du titre abbatial en 1785 et sous l'autorité spirituelle de l'évêque de Châlon durant les quelques années qui précédèrent la Révolution. 4°– Réduite pendant la crise révolutionnaire, au rôle d'église constitutionnelle, puis de temple de la Raison et de vulgaire entrepôt, la vieille Basilique catholique fut affectée, à la suite du Concordat, au service paroissial et desservie par un curé-archiprêtre. Comment Tournus est devenue le tombeau de S t Philibert – Foyer du christianisme à Tournus, le tombeau du martyr S t Valérien fut le berceau de l'église S t Philibert. 166 C'est dire que la fondation originelle remonte à la fin du second siècle, à l'époque où cessa la violence de la persécution déchaînée dans la Gaule lyonnaise par Marc-Aurèle. Par quelles vicissitudes un moine du VII e siècle, né à Eauze (Gers) élevé à Aire dans les Landes, et ayant vécu tour à tour à Paris et à Soissons, en Brie, en Normandie, en Poitou et près des côtes de Vendée, dans cette ile de Noirmoutier où il est mort en 684, est-il devenu le patron de la belle église de Tournus? Comment ses restes, après avoir occupé successivement plusieurs demeures sépulchrales, en Poitou, en Bretagne, en Anjou et jusqu'en Auvergne ont-ils été apportés sur les rives de la Saône? Un chroniqueur du IX e siècle, Ermentaire, religieux de l'abbaye de Noirmoutier, qui faisait partie de la troupe émigrante, rapporte qu'au cours de l'invasion normande, les t religieux de S Philibert, pour soustraire aux pirates le corps de leur saint fondateur furent obligés, malgré les fortifications élevées par leurs soins, de quitter le monastère noirmoutrin. Ils portèrent leur précieux trésor de couvent en couvent, à Déas d'abord, aujourd'hui S t Philibert de Granlieu (Loire Inférieure); puis à Cunauld, sur les bords de la Loire, près de Saumur; puis à Messay, en Poitou. Et même alors “leur vie se passait en allées et venues de Cunauld à Messay, suivant que les Bretons et les Normands remontaient ou redescendaient la Loire. Pendant trente deux ans, la communauté n'eut plus ni domicile ni nom fixe: tantôt ils s'appellent les Religieux de Noirmoutier, tantôt: les religieux de Déas, de S t Philibert ou de Cunauld”. Un autre annaliste, Falcon, continue, au IX e siècle, le récit de cette pérégrination mouvementée à travers l'ouest et le centre de la France. Sa “Chronique tournusienne” nous apprend qu'après avoir franchi les quarante t lieues séparant l'Anjou de l'Auvergne, les fuyards s'arrêtèrent à S Pourcain- sur-Sioule, pour se fixer définitivement trois ans après à Tournus. Annexe 166 Importance de l'Abbaye de Tournus – Aussi le 14 Mai 875, avec les reliques de S t Philibert, entrait dans l'antique abbaye une vitalité jusque là inconnue Nombreux, les nouveaux propriétaires arrivent escortés de la faveur royale. Fils de Comte et fort bien en cour, leur chef, l'Abbé Geilon, avait su intéresser les grands aux infortunes de sa Congrégation criante et obtenir du roi domaines et privilèges. Outre l'abbaye S t Valérien, avec le vieux château fortifié qui en dépendait et toutes les fondations en l'honneur du martyr, Charles-le Chauve avait mis la communauté philibertine en complète possession du domaine de Tournus, c'est-à-dire de la banlieue avec ses terres arables et ses vignes et avec tous ses habitants. Par la même charte il lui concédait encore trois villages situés en Bresse et sur le territoire de Genève et de Laussanne; et ajoutait, pour la restauration du monastère, le prieuré de S t Romain en Maçonnais; puis confirmant toutes les faveurs précédemment octroyées aux moines de Noirmoutier, pendant leur séjour dans l'ile et depuis leur émigration, il voulut que les propriétés d'Asnières dans le Saintonge et de la Bousselière au nord du Maine ainsi que les prieurés de Sainte-Prudence en Poitou et de Cunauld en Anjou, servissent à perpétuité à la subsistance des moines et aux nécessités des pauvres. Par la bulle du 15 Octobre 876, le Pape Jean VIII approuvera, trois ans t après, tous ces bienfaits, de même que les précédentes donations de S Pourçain en Auvergne et Goudet en Velay, avec leurs nombreuses dépendances. Dans la suite, la liste des fondations s'accrut rapidement, comme il est aisé de s'en convaincre par les bulles de Calixte II (1119) et d'Alexandre III (1179) où se trouve le dénombrement complet de plus de 180 églises et chapelles, 30 villages et villas, 20 prieurés qui dépendaient alors de l'abbaye 167 et qui étaient situés dans les anciens diocèses de Luçon, Nantes, Poitiers, Angers, Bourges, Autun, Clermont, Le Puy, Die, S t Paul-trois- Châteaux, Orange, Vaison, Vienne, Lyon, Macon, Châlon- sur-Saône, Besançon, Genève et Lausanne. Voici à titre documentaire; la liste des propriétés dans le Velay: “In Aniciensis : monasterium S ti Philiberti, Ecclesiam S. Petri de Saletas, S. Felicis de Landos, S. Maria de Prastasias, S. Martini Corconensis, capellam S. Philiberti, S. Cyrici, S. Mauricii Vallamblanensis, S. Vincentii, capellam in castro Senoil, S. Maria de Baisan, capellam in castro Rocol, S. Juliani Chaspiniani, de castro Mercolio, Ecclesiam S. Quintini.” e Vers le milieu du XVI siècle, les dépendances de l'abbaye comprennent, pour le diocèse du Puy, les prieurés de Goudet , de Chaspinhac et de Beaulieu . On possède le tableau d'une imposition proportionnelle établie par l'abbé de Fitigny en 1458: Sont taxés: les prieurés de Goudet à 15 écus d'or; celui de la Voûte à 8; celui de Beaulieu à 6 et celui de Chaspinhac à 5. En 1730, par suite du mouvement de décentralisation qui se dessina dès e la fin du 14 siècle, la liste des prieurés dépendant directement de l'Abbaye comprend pour le diocèse du Puy: Le Goudet, Chaspinhac, La Voûte et Beaulieu. L'Abbaye jouissait de tous les droits seigneuriaux: tels les droits de justice, de lods et ventes, d'aubaine, de pêche et de chasse, de mainmorte, de corvées, de banalités, de dime et du privilège de monnayage. C'est dire la puissance et la considération de l'antique Abbaye!.. 167 .