UNIVERSITE D’AIX-MARSEILLE

Faculté de Droit et de Science politique d’Aix-Marseille

THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT

Présentée et soutenue publiquement par

Lingwei LI

Le 9 novembre 2017

LES PLACES RESPECTIVES DE LA MEDECINE CHINOISE ET DE LA MEDECINE OCCIDENTALE DANS LE DROIT CHINOIS ENTRE 1840 ET 1982

Membres du Jury

Madame Hoang Anh NGUYEN, Professeur à l’Université nationale du Viêt Nam de Hanoï, Rapporteur

Madame Geneviève REBECQ, Maître de conférences à l’Université de Toulon, Rapporteur

Monsieur Banggui JIN, Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille, Codirecteur de Recherche

Monsieur Antoine LECA, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille, Directeur de Recherche

Résumé Pendant des milliers d’années, la médecine chinoise jouit d’une notoriété importante. Cependant, après la première guerre de l’ en 1840 et avant la promulgation de la Constitution de 1982, cette médecine locale a vécu une phase de lente décadence. Ce changement est dû à la mutation radicale de la société chinoise et à la confrontation avec la culture et de la médecine occidentales de l’époque. Dans le but de remédier à la situation délicate du moment et de pallier les difficultés sanitaires du pays, les pouvoirs politiques successifs ont tenté d’installer différents systèmes de santé systématisés, modernisés voire occidentalisés : soit en privilégiant la médecine occidentale, parfois même avec une intention d’abolir la médecine chinoise, soit en stimulant une collaboration des deux médecines. En s’appuyant sur cette histoire de la rencontre et de la cohabitation souvent heurtée des médecines chinoise traditionnelle et occidentale moderne, ainsi que sur les particularités de chaque médecine, il parait judicieux de vouloir procéder à une collaboration des deux médecines avec plus de profondeur, afin de mieux gérer la santé publique. En effet, cette collaboration aurait le mérite de perfectionner le système de santé, de stimuler l’activité médicale, d’alléger les dépenses de santé et enfin d’améliorer la santé et le bien-être de la population. Bien entendu, aujourd’hui, améliorer la situation d’existence et de développement de la médecine traditionnelle est une obligation pressante. Mots-clefs : Médecine chinoise, Médecine occidentale, Statut juridique, Coexistence, Abolition, Système de santé, Soins de santé primaires.

Abstract For millennia, Chinese medicine has been of some renown. However, during the period going from the of 1840 to the promulgation of the Constitution in 1982, this medicine has slowly declined. This change is mainly due to the radical mutation of Chinese society on its whole, and to its increasing confrontation with western culture and medicine. Successive political regimes have tried to set up diverse health systems, which they modernized or westernized, in order to remedy the delicate health situation and relieve some burden from existing institutions. They either openly supported Western medicine, even to the point of wanting to abolish its Chinese counterpart, or tried to stimulate some form of collaboration between the two medicines. Based on this history of clashes and forced cohabitation, and on the specific aspects of each of them, it seems a sound goal to proceed to a deeper collaboration between these two medicines, to help and manage public health more efficiently. Indeed, this collaboration could in itself better the current health system, would stimulate medical activity, could reduce healthcare costs and finally should improve global health and wellbeing of the Chinese population. But of course, it is first and foremost a pressing duty to enhance the current status of existence and state of development of Chinese traditional medicine. Keywords : Chinese medicine, Western medicine, Legal status, Coexistence, Abolition, Health system, Primary health care.

L’Université d’Aix-Marseille n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinons doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

Madame Nguyen,

Je vous remercie très sincèrement et suis très touchée que vous ayez accepté de faire partie de ce jury.

Madame Rebecq,

Je vous suis particulièrement reconnaissante d’avoir accepté de siéger dans ce jury.

Monsieur Jin,

En tant que codirecteur de ma thèse, votre soutien, vos conseils, vos encouragements et votre bienveillance m’ont insufflé la confiance nécessaire à l’aboutissement de ce travail de recherches. Permettez-moi de vous en remercier très sincèrement.

Monsieur Leca,

C’est un honneur pour moi que vous ayez accepté de diriger cette thèse. Votre écoute, vos conseils avisés, votre totale disponibilité dans le suivi ont été particulièrement précieux tout au long de ce travail. Je vous en remercie très sincèrement.

A mes parents,

Votre confiance, votre dévouement et votre amour ont été déterminants dans la poursuite de ce travail. Je vous en remercie et vous aime du plus profond de mon cœur.

A mes amis, Tania, Fabien …,

Sans vos encouragements, vos conseils et vos aides, ce travail n’aurait pu être ce qu’il est aujourd’hui. J’exprime ma profonde reconnaissance pour vos soutiens constants tout au long de ces années de thèse.

Liste des abréviations

al. Alinéa Art. Article av. J.-C. Avant Jésus-Christ CA Cour d’Appel CAA Cour administrative d’Appel Calif. California Cass.civ Cour de Cassation, chambre civile Cass. crim Cour de Cassation, chambre criminelle CDSA Centre de droit de la santé CE Conseil d’Etat chap. Chapitre CMS Commission du mouvement de la santé CNCTST Comité National Chinois pour les termes en Sciences et Technologies Coll. Collection dir. Direction doct. Doctrine éd. Edition, ou éditeur GERA Groupe d’études et de recherches en acupuncture Ibid. Ibidem, au même endroit ISO Organisation internationale de normalisation liv. Livre MO Médecine occidentale MTC Médecine traditionnelle chinoise n° Numéro OMS Organisation mondiale de la Santé ONU Organisation des Nations Unies op. cit Dans l’ouvrage précité p. Page

PCC Parti communiste chinois CPC Communist Party of PMI Personnel de la protection maternelle et infantile PNC Parti nationaliste chinois rapp. Rapport rééd. Réédition Rev. Revue RPC République Populaire de Chine R.P. de Chine République Populaire de Chine s.d. Sans date sect. Section s.v. Sub verbo TCM Comité de terminologie Trad. Traduction Tribunal. Corr. Tribunal Correctionnel vol. Volume WHA World Health Assembly WHO Word Health Organization ZZJC Edition du Zhuzi jicheng

PREMIERE PARTIE : LES PLACES RESPECTIVES DE LA MEDECINE CHINOISE ET DE LA MEDECINE OCCIDENTALE DANS LE DROIT CHINOIS A L’EPOQUE IMPERIALE (1840-1911)...... 33

TITRE I : LE SYSTEME MEDICAL DANS LE DROIT CHINOIS TRADITIONNEL...... 35 Chapitre I : La relation entre la philosophie, la médecine et le droit chinois dans leur contexte culturel traditionnel...... 37 Chapitre II : Le statut de la médecine chinoise dans le droit chinois avant la Réforme de la fin de la dynastie Qing (1840-1900)...... 65 TITRE II : LES PREMIERS CHANGEMENTS DU DROIT CONCERNANT LA MEDECINE...... 105 Chapitre I : Les premières discussions visant la médecine chinoise et la médecine occidentale...... 107 Chapitre II : Aux origines des nouvelles institutions médicales (1901-1911)...... 143

DEUXIEME PARTIE : LES PLACES RESPECTIVES DE LA MEDECINE CHINOISE ET DE LA MEDECINE OCCIDENTALE DANS LE DROIT CHINOIS A L’EPOQUE REPUBLICAINE (1912-1982)...... 183

TITRE I : LA SITUATION DE LA COEXISTENCE DES DEUX MEDECINES DANS LE SYSTEME DE SANTE DE LA REPUBLIQUE DE CHINE ET DANS CELUI DES TERRITOIRES SOUS CONTROLE DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS (1912-1949)...... 185 Chapitre I : La médecine dans le droit de la République de Chine (1912-1949)...... 187 Chapitre II : Les statuts juridiques des deux médecines dans les territoires sous contrôle du Parti communiste chinois (1927-1949)...... 237 TITRE II : COHABITATION DES DEUX MEDECINES DANS LE DROIT DE TAÏWAN, ET DANS LE DROIT DE LA CHINE CONTINENTALE (1949- 1982)...... 275 Chapitre I : Statuts juridiques des deux médecines, précédant et suivant l’installation du gouvernement du Parti nationaliste chinois à Taïwan...... 277 Chapitre II : Les deux médecines dans les systèmes de santé établis par le Parti communiste chinois (1949- 1982)...... 331

Introduction

La loi de la médecine et de la pharmacopée chinoises de la République populaire de Chine a été promulguée le 25 décembre 2016 et elle est entrée en vigueur le 1er juillet 20171. La portée historique de cet évènement est remarquable : pour la première fois dans l’histoire de la Chine, le statut juridique et le développement de la médecine traditionnelle chinoise sont spécialement et rigoureusement confirmés et protégés par un corps de règles claires et ordonnées.

Il est vrai que dans le but de mieux soigner les maladies humaines et de préserver le capital santé de la population, aujourd’hui la tendance à une meilleure estime de la médecine traditionnelle et au développement de la complémentarité de la médecine traditionnelle et de la médecine moderne dans les pratiques médicales s’est beaucoup accentuée. Dans ce contexte, mieux gérer et contrôler les actes de soins de la médecine traditionnelle et régulariser certaines méthodes de traitement dont les vertus curatives sont pratiquement avérées mais auxquelles la législation n’a toujours pas accordé sa reconnaissance, devient une problématique qui intéresse de plus en plus le monde du droit.

Au niveau mondial, la médecine chinoise est assurément un des représentants les plus emblématiques des médecines traditionnelles. En effet, son droit de la santé se basant sur la relation entre la médecine chinoise et la médecine occidentale, développée pendant les vicissitudes de l’histoire de la Chine entre 1840 et 1985, a connu des changements extrêmement complexes, radicaux mais représentatifs :

Bien que la médecine chinoise soit une médecine locale jouissant d’une certaine notoriété depuis des milliers d’années, à partir du XIXe siècle et surtout de la première guerre

1 « 中华人民共和国中医药法 (Zhonghuarenmingongheguozhongyiyaofa, Loi de la médecine et de la pharmacopée chinoises de la R. P. Chine) », The National People’s Congress of the People’s Republic of China, consulté le 27 avril 2017, http://www.npc.gov.cn/npc/xinwen/2016-12/25/content_2004972.htm. 21 de l’opium en 1840, qui a marqué la fin de « l’antiquité chinoise », elle est entrée alors dans une lente phase de décadence sous la pression de la culture et de la médecine occidentales.

C’est grâce à son approche scientifique, rigoureuse, et avérée du soin que la médecine occidentale a pris rapidement une position très forte et a gagné de plus en plus de terrain dans les pratiques médicales des pays d’Extrême-Orient, jusqu’alors régis par la tradition. Dès lors, les statuts juridiques de ces médecines traditionnelles dans les droits de ces pays ont été radicalement et profondément entamés. Par exemple, au Japon, pendant la restauration de Meiji entre les années 1860 et 1890, l’Etat publie le Code médical compréhensif et les Régulations d’examen pour la licence médicale en 1874, puis à partir de 1879 les lois pour les praticiens en médecine et pour les praticiens en dentisterie. Peu à peu le gouvernement a effectivement aboli la médecine traditionnelle du pays, dite médecine Kampo2.

Une telle interdiction n’a jamais vu le jour en Chine, malgré de nombreux bouleversements et de nombreux tours et détours, qui ont ébranlé le statut de la médecine traditionnelle chinoise. D’où une interrogation fondamentale qui est à l’origine de cette thèse : pour quelles raisons la médecine chinoise est-elle arrivée à conserver sa place dans le droit chinois et comment y est-elle parvenue ?

Avant de proposer des éléments de réponse, et par souci de clarification, une explication brève sur l’appellation de la médecine chinoise et celle de la médecine occidentale parait nécessaire :

La définition de la médecine traditionnelle donnée par l’Organisation mondiale de la Santé(OMS) est : « l’ensemble des connaissances, compétences et pratiques basées sur les théories, croyances et expériences auxquelles différentes cultures ont recours pour entretenir la santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, soulager ou soigner des maladies physiques et

2 Dominique MANGA, « L’encadrement juridique de la Kampo Medicine (漢方医学), ou méthode “Han” au Japon », éd. par Antoine Leca, Jun Shen, et Banggui Jin, Les cahiers de droit de la santé n°20 (Colloque sino- européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises, Bordeaux: les Études Hospitalières, 2015), 459‑80. 22 mentales »3. Evidemment elle s’applique à la médecine chinoise, qui est considérée comme une « tradimédecine ».

L’expression « médecine chinoise » est une invention sémantique née de la comparaison avec la médecine occidentale. La première a porté plusieurs noms différents dans des contextes historiques spéciaux : si on met à part les appellations utilisées depuis la Chine très ancienne4 jusqu’au XIXe siècle cette médecine a été appelée « médecine han5 », « médecine nationale », « médecine chinoise », « médecine du pays » et « médecine traditionnelle chinoise », ce qui reflète les vicissitudes de l’histoire chinoise de cette époque6. Ainsi l’exemple de l’appellation « médecine traditionnelle chinoise » illustre ce fait. C’est une dénomination occidentale et ce que les Occidentaux appellent ainsi n’est pas toujours très « traditionnel » car en RPC la « médecine chinoise » a été réorganisée, au point que selon certains auteurs ce serait une création récente7.

Au sens large, la médecine chinoise, c'est-à-dire la médecine de Chine, pays multiculturel à majorité Han, contient non seulement la médecine han, mais aussi les autres médecines traditionnelles qui existent en Chine, propres à certaines minorités, comme la

3 « OMS | Médecine traditionelle: définitions », WHO, consulté le 16 mai 2017, http://www.who.int/topics/traditional_medicine/definitions/fr/. 4 Les noms différents empruntés par la médecine chinoise durant la longue histoire de la Chine selon les époques étaient principalement : Qi Huang (岐黄), Qing Nang (青囊), Xing Lin (杏林), Xuan Hu (悬壶), Lingwei Li, « Médecine traditionnelle chinoise (zhong guo chuan tong yī xue 中国传统医学), médecine chinoise (zhōng yī, 中医 ), médecine han (han yī, 汉医), médecine nationale (Hua yī, 华医 ) et médecine du pays (Guoi yī, 国医): essai de clarification », in Le droit de la médecine chinoise dite « traditionnelle »: actes du Colloque sino-européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises, des 16 et 17 décembre 2013, Hangzhou, Chine, [organisé par Aix-Marseille Université, l’Académie des sciences sociales du Zhejiang et l’Université de médecine traditionnelle chinoise du Zhejiang] : [actes du XIIIe Colloque du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille, éd. par Antoine Leca, Jun Shen, et Banggui Jin (Bordeaux: Les Études Hospitalières, 2015), 33‑43. 5 La médecine han (汉医 han yi). Il s’agit de la principale ethnie présente en Chine : elle constitue environ 92 % de la population chinoise. L'ethnie han est également le plus grand groupe humain, et la plus grande ethnie du monde avec 1,3 milliard d'individus. Environ 90 % des Han se trouvent en Chine, les autres se trouvent principalement en Asie du Sud-Est et en Amérique du Nord, « Han (ethnie) », Wikipédia, 13 février 2014, http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Han_(ethnie)&oldid=101221497. 6 Antoine Leca, « Préface », in Le droit de la médecine chinoise dite « traditionnelle »: actes du Colloque sino- européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises, des 16 et 17 décembre 2013, Hangzhou, Chine, [organisé par Aix-Marseille Université, l’Académie des sciences sociales du Zhejiang et l’Université de médecine traditionnelle chinoise du Zhejiang] : [actes du XIIIe Colloque du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille, éd. par Antoine Leca, Jun Shen, et Banggui Jin (Bordeaux: Les Études Hospitalières, 2015), 33‑43. 7 A. Ibid., 18. 23 médecine tibétaine, la médecine mongole ou la médecine locale des autochtones de Taïwan, qui sont dites « médecines ethniques » (ou ethnomédecines).

Quant à la médecine occidentale, c’est à partir du dernier tiers du XIXe siècle que des nouvelles techniques microbiologiques sont mises au point et permettent l’établissement de la relation entre les maladies infectieuses et les microbes par Louis Pasteur(1822-1895) et Robert Koch(1843-1910). Cette médecine entre historiquement dans le monde de la science moderne et les spécialistes voient dans cette inflesion un tournant fondamental dans l’histoire de la médecine occidentale, passée de l’ère de la tradition à celle de la science8. Désormais, elle est appelée médecine scientifique, médecine moderne, médecine conventionnelle ou médecine tout court par les Occidentaux et par les Chinois, glissement sémantique qui contribuera à nourrir chez ceux-ci la méfiance envers la médecine traditionnelle de leur pays, regardée comme « non- scientifique ».

Le terme « médecine occidentale » apparait dans la seconde moitié du XIXe siècle. En effet, c’est en 1857 que le missionnaire anglais Benjamin Hobson(1816-1873) a utilisé pour la première fois l’expression dans son livre Abrégé de médecine occidentale9 pour désigner une médecine venant de l’Occident. Cette appellation a été rapidement accueillie par les autres missionnaires étrangers et les Chinois10. A la fin de la dynastie Qing, l’utilisation des termes « médecine occidentale » et « médecine chinoise » étaient devenu des locutions courantes et banales. Déjà, la terminologie commençait à être employée dans les textes officiels des gouvernements successifs.

Suivant cette clarification, dans ce travail, nous emploierons ces différentes dénominations selon les situations différentes et la nécessité du déroulement d’analyse.

8 Bruno Halioua, Histoire de la médecine (Paris: Masson, 2001), 145‑49. 9 Abrégé de médecine occidentale (Xi Yi Lue Lun, 西医略论), Li, « Médecine traditionnelle chinoise (zhong guo chuan tong yī xue 中国传统医学), médecine chinoise (zhōng yī, 中医 ), médecine han (han yī, 汉医), médecine nationale (Hua yī, 华医 ) et médecine du pays (Guoi yī, 国医): essai de clarification », 38. 10 Ibid. 24

Selon la légende mythique des trois empereurs, Fuxi11, Shennong12, Huangdi13, qui sont considérés comme les créateurs de la médecine chinoise, cette médecine est un savoir qui est né en accompagnant l’apparition de la société humaine et celle de la culture correspondante. De fait, si nous cherchons dans la théorie classique de la médecine chinoise, nous découvrons rapidement que la charpente conceptuelle de cette médecine est fondamentalement formée par le principe de yin et yang et par la théorie des Cinq Eléments, qui représentent une part essentielle des systèmes philosophiques chinois. Parfois la démarcation entre cette médecine et ces pensées est si peu distincte qu’en 1985, l’auteur Christian Proust a même rédigé une thèse pour répondre à la question : la médecine traditionnelle chinoise est-elle une médecine ou une philosophie14 ?

Il ne s’agit pas seulement du domaine médical, car le droit chinois, notamment la mentalité juridique ancienne chinoise, est également caractérisée par ces pensées traditionnelles. En effet depuis l’antiquité, la société chinoise fonctionne strictement avec ses propres codes culturel, éthique, politique et juridique, et ces derniers sont aussi des manifestations directes de « la pensée chinoise » 15 . Nous pouvons même nous interroger : si la mentalité juridique chinoise et la médecine chinoise ont une commune origine, est-ce que cela ne pourrait pas être considéré comme l’une des raisons pour lesquelles la médecine chinoise jouissait d’une place exclusive et presque immuable dans le droit chinois ? On est en présence d’un tout dont les composantes sont difficilement dissociables.

Certainement, le droit concernant la médecine et les activités de ses praticiens existait dans la Chine ancienne ; et cependant, selon la série d’annales dynastiques chinoise la plus reconnue, Vingt-Quatre histoires, la médecine n’occupait à cette époque qu’une place peu importante dans le système juridique du pays16. Même en arrivant à la dynastie Qing, l’Ebauche d’une histoire des Qing montre que la situation n’a pas beaucoup changé17. Selon les auteurs

11 Fuxi (伏羲). 12 Shennong (神农). 13 Huangdi (黄帝). 14 Christian Proust, « Médecine traditionnelle chinoise: médecine ou philosophie ? » (Thèse en philosophie, Paris 8, 1985). 15 M. Granet, «La pensée chinoise » , 1934 rééd. A. Michel, collection L’évolution de l’humanité, Paris, 1980 (568 p.) 16 Qian Sima, Zhifeng Song, et fei Han, Vingt-Quatre histoires (Beijing publishing group, 2008). 17 Erxun Zhao, Ebauche d’une histoire des Qing, vol. 1 (Zhonghua Book Company, 1977). 25

Xu Jiangyan et Yan Guoli, la raison principale de ce phénomène est que dans la société traditionnelle chinoise, les activités médicales ordinaires sont généralement considérées par les gouvernements impériaux comme des détails18, sauf celles qui concernent la santé des membres des familles impériales.

Bien que la première guerre de l’opium en 1840 ait marqué la fin de « l’antiquité chinoise », le véritable changement du système juridique chinois doit attendre jusqu’à la « Réforme des nouvelles politiques » en 1901. En attendant, le droit chinois reste toujours traditionnel, c’est-à-dire un droit marqué par l’héritage du confucianisme, des légistes et du Code Tang et complètement indépendant du droit romano-germanique et de la common law.

Le droit concernant les praticiens en médecine et leurs activités se répartit dans le droit administratif et le droit pénal : le droit administratif encadre principalement l’organisation et le fonctionnement des établissements médicaux impériaux et la formation des médecins impériaux, et le droit pénal agit dans les cas où les pratiques médicales qui ont violé le droit nécessitent des sanctions. Cette disposition n’exclut pas les responsabilités civiles des parties. En effet, il s’agit d’une des caractéristiques du droit chinois traditionnel : le droit civil fusionne avec le droit pénal. Autrement dit, ce qui concerne les responsabilités civiles des parties étaient inscrit dans le code pénal. Cette situation est tellement spéciale qu’on ne le peut trouver que dans le droit chinois traditionnel. Par conséquent, c’est un « témoin » très représentatif pour étudier en profondeur le statut juridique classique de la médecine chinoise dans la société ancienne.

Depuis XVIe siècle, sous l’impulsion de l’Eglise catholique, les missionnaires chrétiens tentaient de répandre l’Evangile en Chine, souvent au moyen d’une première présence médicale19. Cependant, à cause de la « Querelle des rites » entre le XVIIe et le XVIIIe siècles, cette première tentative d’introduction de médecine fut stoppée. Environ un siècle plus tard, les

18 Jiangyan Xu et Guoli Yan, « 清朝御用医药机构在帝王吏治中的作用探析 (Qingchaoyuyongyiyaojigouzaidiwanglizhizhongdezuoyongtanxi, L’analyse sur la fonction des organismes médicaux impériaux dans l’administration de la dynastie Qing) », World Journal of Integrated Traditional and Western Medicine 2, no 9 (2007): 505‑6. 19 Etiemble, Les Jésuites en Chine (1552-1773): la querelle des rites, éd. René Julliard, Paris, 1966 (297 p.). 26 missionnaires entrèrent à nouveau en Chine avec leur médecine moderne. Les historiens chinois nomment ce moment la seconde période de l’introduction de la médecine occidentale. Elle constitue réellement un tournant de l’histoire de la médecine en Chine. En effet, certains chercheurs considèrent que l’introduction de la médecine moderne en Chine est une des raisons principales ayant conduit à la perte de la place centrale de la médecine chinoise dans la société20 .

Il ne faut pas négliger que les mouvements de pensée s’opposant à la théorie et aux pratiques de la médecine chinoise chez les lettrés et les progressistes chinois ont également fait leur effet. C’est le cas de Yu Yue, qui voulait à tout prix « abolir la médecine chinoise, mais garder la pharmacopée chinoise »21.

En sus des figures emblématiques comme Yu Yue, il semble que deux courants sociaux ont décisivement ébranlé les fondations de l’édifice tradimédical chinois. Il s’agit d’abord du courant d’occidentalisation du XIXe siècle. La défaite de la guerre de l’opium en 1840 et celle de la guerre sino-japonaise en 1894 ont bouleversé la classe dirigeante chinoise. Rapidement, le gouvernement a lancé un « Mouvement d’auto-renforcement22 » entre 1861 et 1895, au cours duquel les premiers élèves chinois ont été envoyés dans les pays occidentaux et au Japon, pour découvrir les savoirs scientifiques nouveaux, dont la médecine moderne23. Un peu plus tard, ces jeunes Chinois qui ont assimilé les connaissances les plus récentes de l’époque vont devenir les soutiens les plus constants de l’abolition de la médecine chinoise. Ensuite, avec l’arrivée de plus en plus conséquente des nouvelles technologies occidentales, les Chinois commencèrent à douter de leur propre culture. C’est donc une tendance d’opposition générale à la culture traditionnelle chinoise avec laquelle la médecine chinoise est étroitement liée qui s’est propagée.

20 Lina Fan, Lu Fu, et Yandong Ma, « 从清末《医学报》看西医传入对中医学术的影响 (Congqingmo 《yixuebao》kanxiyichuanruduizhongyixueshudeyiingxiang, En observant le “ Journal de la médecine” de la fin de la dynastie Qing, pour savoir l’influence de l’introduction de la médecine occidentale sur la médecine chinoise) », Chinise medical culture, no 03 (2015): 39‑42. 21 Voir « I. Yu Yue et ses pensée sur la médecine chinoise » du « Chapitre I : Les premières discussions visant la médecine chinoise et la médecine occidentale. ». 22 Mouvement d’auto-renforcement (yangwuyundong, 洋务运动). 23 Jun Feng, « Pursuits of Studying Abroad: an imperial-financed System in Times of Westernization Movement in the 19th Century of China », Journal of University, no 03 (2001): 45. 27

C’est la Réforme des nouvelles politiques entre 1910 et 1911 qui a véritablement brisé le système du droit chinois traditionnel. C’est aussi à partir de ce moment que le terme « santé » dans le sens de santé publique est apparu pour la première fois dans le nouveau droit chinois marqué par sa modernité et son occidentalisation. A la suite de l’avancement de cette fameuse réforme, un premier système national moderne de santé a été établi. Aussi, à partir de ce moment, on peut réellement employer le terme « droit de la santé » (Weishengfa24 en Chinois) pour désigner l’ensemble des règles juridiques s’appliquant à l’organisation et au fonctionnement des activités exercées en faveur du traitement des maladies, du bien-être et de l’hygiène collectifs de la population. Dans le nouveau système sanitaire et le nouveau système juridique, la situation des deux médecines a évolué.

La révolution de 1911 a mis la fin à l’époque impériale et a fait entrer la Chine dans son histoire désormais républicaine. Entre 1912 et 1949, c’est la période de la République de Chine pendant laquelle plusieurs gouvernements gèrent le pays successivement : le gouvernement provisoire (janvier 1912 - mars 1912), le gouvernement de Beiyang 25 (1912-1928), le gouvernement Guomin également appelé le gouvernement nationaliste (1928-1949).

Ces pouvoirs ont espéré établir des institutions médicales modernes qui seraient inspirées de celles des pays occidentaux ou occidentalisés, comme celle du Japon après la restauration de Meiji. Pendant ce temps, une des questions essentielles qui s’est présentée a été de savoir si, pour établir un système de santé moderne, on devait ou non abolir la médecine chinoise. La controverse était alors très vive : d’un côté, les projets d’abolition de la médecine chinoise inspirés par la pensée de Yu Yue étaient radicaux, mais sous la pression économique et politique, des divergences existaient dans les gouvernements ; de l’autre côté, le monde de la médecine chinoise a riposté énergiquement, face à cette crise de survie. Ce bras de fer entraîna un blocage effectif, ce qui explique que la législation n’ait pas produit la loi attendue par les « Occidentalistes » ordonnant l’abolition de la médecine chinoise. Cependant, c’est aussi la raison pour laquelle la règlementation du pouvoir exécutif a pu être prolifique mais souvent contradictoire.

24 Weishengfa (卫生法). 25 Beiyang (北洋) signifie « Océan du nord ». La dénomination « gouvernement de Beiyang » désigne l’autorité centrale de la République de Chine entre 1913 et 1928. 28

A la suite de sa défaite dans la guerre civile en 1949, le régime du Parti nationaliste s’est déplacé sur l’île de Taïwan, dernier réduit de son pouvoir. Pour des raisons historiques et géographiques, la situation sanitaire de Taïwan était très différente de celle de la Chine continentale : d’abord, à Taïwan, historiquement, la médecine traditionnelle incluait la médecine han (qui était toutefois considérée comme une médecine étrangère par une partie de la population locale) et la médecine locale des autochtones de Taïwan26. Ensuite, avant l’arrivée du gouvernement nationaliste, le niveau d’implantation et de développement de la médecine moderne était plus élevé que celui de la Chine continentale. D’abord parce que les Occidentaux essayaient d’introduire leur médecine à Taïwan depuis le XVIIe siècle27 28 ; puis Taïwan étant devenue une colonie japonaise entre 1895 et 1945, les Occupants ont promu sans réserve la médecine moderne et établi un système de santé spécial mais selon eux modernisé29. Le statut juridique de la médecine han avait été repris dans le droit de l’époque impériale30 ; la médecine amenée par les Occidentaux vers le XVIIe siècle avait peu à peu disparu du sol de Taïwan ; enfin le statut de la médecine locale des autochtones taïwanais était assuré et protégé par l’ordre interne de la société tribale31. Ainsi la médecine moderne était imposée aux Taïwanais par le droit colonial des Japonais. En réalité, il s’agit donc de la confrontation des systèmes sanitaire et juridique parmi celui conservé par les autochtones taïwanais, celui établi par les Japonais et celui finalement amené par le gouvernement nationaliste. Selon les archives, il semble que le droit de la santé du régime du Parti nationaliste élaboré dans les années 1920 se soit adapté difficilement à la situation de l’île32.

26 Shengkun Chen, 近 代 医 学 在 中 国 (Jindaiyixuezaizhongguo, La médecine moderne en Chine) (Taibei: Contemporary Medicine, 1978), 126. 27 台湾基督长老教会百年史 (Taiwanjiduzhanglaojiaohuibainianshi, Cent ans d’histoire de l’Eglise Presbytérienne à Taïwan) (Taibei: The Presbyterian Church in Taiwan, 1984), 24. 28 Yongwen Ye, 台湾医疗发展史医政关系 (Taiwanyiliaofazhanshi: yizhengguanxi, Histoire de l’évolution de médecine à Taïwan: la relation entre la médecine et la politique), 1re éd. (Taibei: Hungyeh Publishing, 2006), 34. 29 Li Tianduo, 日本流行文化在台灣與亞洲 (Ribenliuxingwenhuazaitaiwanyuyazhou, La culture populaire à Taïwan et en Asie) (Yuan-liou Publishing, 2002), 25‑26. 30 Yuting Yan, 台湾医学教育的轨迹与走向 (Taiwanyixuejiaoyudeguijiyuzouxiang, la trajectoire et l’orientation de la formation de médecine de Taïwan) (Taibei: Yi Hsien Publishing, 1998), 18. 31 Kaji Cihung, « 泰雅族东赛德克群传统医疗概念 (Taiyazudongsaidekequnchuantongyiliaogainian, Le concept médical traditionnel des Seediq-est des Atayal) », in 原住民传统医疗与现代医疗 (Yuanzhuminchuantongyiliaoyuxiandaiyiliao, La médecine traditionnelle des Aborigènes et la médecine moderne) (Taibei: Taiwan Aborigines Foundation, 2001), 62. 32 Voir « Section II : Début de la seconde moitié du XXe siècle : les deux médecines sous une administration perturbée. » du « Chapitre I : Statuts juridiques des deux médecines, précédant et suivant l’installation du gouvernement du Parti nationaliste chinois à Taïwan. ». 29

Il ne faut pas oublier que sur le territoire continental de la Chine, entre 1927 et 1949, le Parti communiste chinois, qui contrôlait la plupart des régions rurales, apparaissait déjà comme un pouvoir politique alternatif. Bien que les villes soient devenues de plus en plus modernes grâce au courant d’occidentalisation, le régime économique essentiel des campagnes demeurait encore celui de l’autarcie. C’est-à-dire que le développement de la cause de la santé publique dans les campagnes restait bien loin en arrière par rapport aux villes et que la médecine chinoise demeurait la seule médecine employée par la population rurale dans le traitement quotidien des maladies.

Pendant la guerre civile entre le Parti nationaliste et le Parti communiste, depuis le soulèvement de Nanchang en 192733, les troupes communistes étaient confrontées au sort de ses soldats blessés et malades. Les conditions de traitement médical étaient alors si mauvaises que la conscription devenait difficile34. La médecine a été considérée non seulement comme un art de guérir, mais selon Mao Zedong, « un des trois moyens du renforcement des bases révolutionnaires35 ». Au départ, les fonctions principales des bases du Parti communiste se concentraient sur les services logistiques de l’armée, aussi bien le système de santé établi dans leurs bases a été inspiré de celui de l’Armée rouge chinoise et marqué par ses caractéristiques rudimentaires et pragmatiques. Il est certain que la réalité, surtout le manque grave de ressources médicales, n’a pas permis d’établir un système de santé comme celui qui avait été fondé par le Parti nationaliste, et par conséquent le pouvoir communiste a inventé de nombreuses solutions originales et parfois efficaces en profitant au mieux possible des avantages de chaque médecine. C’est par exemple à cette époque que l’idée de fusionner la médecine chinoise et la médecine occidentale apparait pour la première fois sur la base

33 Le soulèvement de Nanchang (南昌起义, Nanchangqiyi), le 1er août 1927, est le premier affrontement militaire entre le Parti nationaliste chinois et le Parti communiste chinois, et est considéré comme l’un des premiers épisodes de la guerre civile entre ces deux Partis. Selon la décision de la Commission militaire révolutionnaire centrale du Parti communiste chinois du 30 juin 1933, le 1er août est le jour commémoratif de la fondation de l’Armée rouge chinoise, Chunzeng Lin, « “八一” 建军节与 “八一” 军旗的由来 (“Bayi”jianjunjieyu"Bayi"junqideyoulai, les origines du jour des forces armées “Bayi” et du drapeau militaire “Bayi”) », Trade Union Financial Affairs of China 8 (1996): 47. 34 Kemin Yang, « 关于湘赣边苏区情况的综合报告 (1929 年 2 月 25 日 ) (GuanyuXiang- Ganbiansuquqingkuangdezonghebaogao (1929/2/25), Rapport synthétique sur la situation de la base soviétique Xian-Gan (le 25 fevrier 1929)) », in 新中国预防医学历史资料选编 (Xinzhongguoyufangyixuelishiziliaoxuanbian, Recueil des documents historiques de la médecine préventive de la nouvelle Chine), éd. par Enxian Gao, 1 (Pékin: People’s Military Medical Press, 1986), 2. 35 Zedong Mao, Selected Works of Mao Zedong, vol. 1 (Pékin: People’s Publishing House, 1966), 54. 30 antijaponaise de Shan-Gan-Ning36 : ainsi voyait le jour le premier système de coopérative de médicaments, embryon du système de la coopérative médicale rurale établi dans les années 1960. Nous devons noter que l’expérience de ce dernier a été approuvée au niveau mondial par l’OMS dans sa déclaration d’Alma-Ata du 12 décembre 1978 sur les soins de santé primaires37.

En 1949, le Parti communiste chinois a fondé la République Populaire de Chine. Le système étatique de santé et son administration étaient très politisés. En pratique les décisions amenées par les réunions gouvernementales et les instructions diverses données par les dirigeants politiques constituaient le contenu du droit de la santé.

A partir de ce moment, la médecine moderne a été mieux acceptée. Reconnue, elle est devenue la médecine officielle. Mais dans le même temps, ou du moins depuis 1958, la médecine chinoise a été déclarée « trésor national » par le gouvernement. A cette époque Mao publia une instruction restée célèbre : « La médecine et la pharmacologie chinoises sont un trésor extraordinaire, elles doivent être diligemment explorées et améliorées »38.

La coexistence des deux médecines a vécu plusieurs mouvements politiques telle que la réforme démocratique, le mouvement de transformation socialiste, le mouvement du Grand Bond en avant, le mouvement des communes populaires, une série d’ajustements économiques importants, la grande révolution culturelle prolétarienne, etc., et ces mouvements ont apporté des influences variées : certains ont favorisé l’avancement conjoint des deux médecines, par exemple le système de « médecins aux pieds nus » et celui de la coopérative médicale rurale39, tandis que d’autres ont créé beaucoup de perturbations, tels que l’exécution des slogans de

36 Zhifeng Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period » (Thèse en histoire, Fujian Normal University, 2015), 148. 37 « OMS | Déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires », WHO, consulté le 30 mars 2017, http://www.who.int/topics/primary_health_care/alma_ata_declaration/fr/. 38Wang Li, "La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Son application en droit français et en droit chinois", op. cit., p. 395. Cité par Antoine Leca dans son texte « Préface… » 39 Voir « I. Pendant la grande révolution culturelle entre 1966 et 1976. » du « « Chapitre II : Les deux médecines dans les systèmes de santé établis par le Parti communiste chinois (1949-1982). ». 31

« mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise » et des « médecins en médecine occidentale qui étudient la médecine chinoise »40.

Evidemment durant plus d’un siècle de l’histoire, chaque système de santé des différents régimes possède sa propre particularité. Quels étaient les niveaux de coexistence de la médecine chinoise et de la médecine occidentale dans ces systèmes ? Les droits de la santé établis par les différents gouvernements concernant les statuts et la gestion des deux médecines pouvaient-ils répondre aux besoins sanitaires du pays ? Afin de trouver des solutions juridiques favorisant l’établissement d’un système de santé permettant la coexistence harmonieuse et la gestion efficace des deux médecines, y-a-t-il des leçons à tirer de ces expériences ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous allons développer ce travail en deux parties : il importe tout d’abord de considérer de manière précise les places respectives de la médecine chinoise et de la médecine occidentale dans le droit chinois à l’époque impériale entre 1840 et 1911 (1ère partie), puis à l’époque républicaine à partir de 1911 (2ème partie).

40 Voir « A. Deux étapes exploratoires de la relation entre les deux médecines. » du « Chapitre II : Les deux médecines dans les systèmes de santé établis par le Parti communiste chinois (1949-1982). ». 32

Première partie : les places respectives de la médecine chinoise et de la médecine occidentale dans le droit chinois à l’époque impériale (1840-1911).

Après la première guerre de l’opium en 1840 et jusqu’à 1900, le système médical de la Chine conserve son ordre ancien (titre I). A partir de 1901 et avant la révolution chinoise de 1911, c’était la « Réforme des nouvelles politiques » de la dynastie Qing qui a effectivement brisé le cadre du droit traditionnel chinois et qui a apporté les premiers changements du droit concernant la médecine (titre II).

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Titre I : Le système médical dans le droit chinois traditionnel.

Avant de développer ce Titre I, il faut noter que, contrairement au droit français, le droit chinois dont nous parlons ici est un système juridique traditionaliste qui existait pendant l’époque impériale qui gouvernait la Chine depuis des millénaires, soit avant la « Réforme des nouvelles politiques » entre 1901 et 1911. Depuis l’époque des Royaumes combattants (vesiècle av. J.-C.-221 av. J.-C.), ce système de droit s’est caractérisé par l’opposition entre la vision confucianiste et l’école légaliste. Selon le confucianisme, l’organisation de la société est cellulaire, au sein de laquelle la nation, comme la famille, étaient soumises à l’autorité absolue du chef ; contrairement aux règles écrites qui sont l’idée soutenue par l’école légaliste, les Rites sont des principes absolus dans la société. La loi est un pis-aller quand le contrôle des rites est échoué. C’était durant la dynastie Tang (618-907) que le mariage final entre les rites et la loi écrite est définitivement établi, ce qui définit l’influence sur le droit chinois jusqu’au XXe siècle, dont le droit de la dynastie Qing.

Evidemment, la médecine chinoise et le droit chinois ont un lien très étroit avec la culture traditionnelle chinoise. Afin de définir leur realtion exactes, nous commençons d’abord par la relation entre la philosophie, la médecine et le droit chinois dans leur contexte culturel traditionnel (chapitre I), ensuite par le statut de la médecine chinoise dans le droit chinois traditionnel, c’est-à-dire le droit avant la Réforme de la fin de la dynastie Qing (1840-1900) (chapitre II).

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Chapitre I : La relation entre la philosophie, la médecine et le droit chinois dans leur contexte culturel traditionnel.

Après avoir tenté de présenter la pensée philosophique chinoise relative à la sino- médecine (section I), on s’efforcera d’analyser l’application de la pensée philosophique chinoise à la sino-médecine chinoise (section II).

Section I : La pensée philosophique chinoise concernant la médecine chinoise.

L’idée de rechercher la pensée philosophique de la médecine peut interpeller un Occidental pour lequel l’art de guérir est une science et « la science ne pense pas » (Heidegger).

Autre est l’approche intellectuelle de la pensée chinoise. Le terme qui désigne la « philosophie » en chinois est « 哲学 » (zhe xue). Dans la langue classique chinoise, « 哲 » signifie « l’intelligence ou la sagesse » ; « 学 » signifie « la connaissance ou le savoir ». Mais aucun des deux idéogrammes ne qualifie spécialement la matière philosophique, en tant que discipline spécifique du savoir occidental. Pendant la longue histoire de la Chine, les idées à proprement parler chinoises pénètrent brillamment les religions, les courants de pensées, la société, la politique, voire la littérature et l’art de l’Empire. Mais le terme « 哲学 » n’est pas usité avant la fin du XIXe siècle. A cette époque, il fut tiré d’un néologisme emprunté au Japonais tetsugaku. En langue chinoise d’aujourd’hui, « 哲学 » équivaut à « une connaissance qui éveille l’intelligence humaine ».

Bien entendu, si on cherche l’origine de la philosophie, celle-ci renvoie à une tradition exclusivement européenne inventée par les Grecs et seulement bien plus tard exportée dans d’autres cultures. Au fur et à mesure, son contenu s’est enrichi des différents caractères des différentes cultures. Depuis que le mot de « philosophie » a été introduit dans leur langue, par les intellectuels chinois, la réalité qu’elle sous-tend s’est intégrée dans le contexte culturel spécifique chinois. Il a donc un sens divergent que celui que recouvrait à l’origine le terme « 哲

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学 » (zhe xue) et la « philosophie » telle qu’elle est appréhendée en Chine a subi, pour ainsi dire, une sinisation de sa terminologie.

Néanmoins, selon le point de vue de certains auteurs occidentaux, la philosophie chinoise n’existerait pas : ce serait plutôt des pensées chinoises, qui « ne serait qu’une petite sœur, insuffisamment formée et développée, de la philosophie occidentale…41». Car le mot « philosophie », issu du Grec ancien, est spécialement consacré à exprimer un « art de créer des concepts42». Quant à la Chine, « l’absence de théorisation à la façon grecque ou scolastique - qui expliquerait sans doute la tendance chinoise aux syncrétisme43»- disqualifierait l’idée même d’une philosophie chinoise, la pensée chinoise apparaissant plutôt « comme un stade « pré- philosophique », à moins qu’elle ne soit cantonnée au domaine vague de la « sagesse »44.

Ce n’est pas le point de vue des Chinois qui définissent leur philosophie comme une « pensée systématique et réfléchie sur la vie ». Selon le philosophe et historien philosophique chinois Feng Youlan45, la place que la philosophie a occupée dans la civilisation chinoise a été comparable à celle que la religion a eue dans d’autres civilisations ; en Chine, la philosophie a été le souci de toute personne éduquée. C’est une philosophie qui n’est pas seulement dans les traités qui développent de manière suivie un thème ou une notion, comme une riche littérature de commentaires dit classiques, mais aussi un pan composite de la culture intellectuelle, comportant des poèmes, lettres, préfaces et autres écrits de circonstance46 qui a ses propres techniques de réflexion et d’expression : une volonté d’approfondir un sens plutôt que de clarifier un concept ou un objet de pensée47.

Les arguments qui dénient l’existence de la philosophie chinoise reflètent en fait un jugement négatif sur la conception générale de cette philosophie. En même temps, ils démontrent la différence voire le conflit susceptible de s’élever entre ces deux cultures. Le conflit sur les pensées peut conduire à des changements politiques ou sociaux majeurs, mais avant de connaitre ce grand antagonisme entre la pensée chinoise et la pensée occidentale au

41Nicolas Zufferey, Introduction à la pensée chinoise ([Paris]: Marabout, 2008), 20. 42 Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise (Paris: Ed. du Seuil, 1997), 29. 43 Ibid., 30. 44 Ibid., 29. 45 Youlan Feng, « 中国哲学简史 (Zhongguozhexuejianshi, Une brève histoire de la philosophie chinoise) », consulté le 28 mai 2017, http://www.phil.pku.edu.cn/res/files/fengyoulan/chph/fyl01.htm. 46Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 29. 47Ibid., 31. 38 début du XVIIIe siècle, la pensée chinoise s’est d’abord enrichie en suivant sa trajectoire particulière.

Dans les Rites des Zhou48, on trouve l’essence de la pensée cosmologique de la Chine ancienne. A la période dite des Royaumes Combattants, les échanges engendrent une diversification des courants qui sont à la source de toute sagesse chinoise et même, in fine, de toute la culture de l’Extrême-Orient. En mettant à part le bouddhisme, qui est diffusé en Chine au Ier siècle av. J.-C. et qui, entre les Xe et XVIe siècle, s’assimile à la pensée chinoise, les courants de pensée sont ceux des Cents Ecoles, le confucianisme et le Taoïsme.

En examinant les traits des Cent écoles, on peut voir ressortir de manière fréquente les termes comme yin et yang, qi, les Cinq Eléments, Tao, Yi49, ou Li50, etc. En effet, avec ces termes originels, les Chinois forgent les notions fondamentales de la pensée philosophique chinoise, pas seulement dans des courants de pensée abstraite, mais aussi dans tout le domaine de la culture, dont la médecine chinoise.

Nous allons dans un premier temps examiner les thèmes les plus importants (I), puis les principales écoles philosophiques ayant influencé la médecine chinoise (II).

I. Les thèmes les plus importants dans la philosophie traditionnelle chinoise.

Il s’agit principalement des concepts du yin et yang (A), de la théorie des Cinq Eléments (B) et du qi ou de l’énergie (C).

48周礼, Zhou li, premier livre qui décrit l’institution d’Etat et son fonctionnement selon la pensée confucianiste. Le livre est paru dans le milieu du IIe siècle avant J.-C., Rites de Zhou, consulté le 22 juillet 2013, http://guoxue.lishichunqiu.com/jingbu/zhouli/. 49 Yi(義). 50 Li(礼). 39

A. Le concept du yin et yang.

1- yin et yang. En observant la culture traditionnelle chinoise, on peut facilement avoir l’impression que tous ses aspects s’imprègnent des notions de yin et de yang. Les caractères yin (阴) et yang (阳) se rencontrent déjà dans les inscriptions antiques gravées sur des os d’animaux ou des carapaces de tortue. Selon le premier dictionnaire de caractères chinois, Shuowen Jiezi51, yin signifie sombre, le sud de la rivière et le nord de la montagne ; yang signifie clair par rapport à et en opposition au yin. Mais ici, yin et yang n’ont pas encore pris leur sens philosophique. En effet, le moment où le yin et le yang devinrent des symboles philosophiques chinois n’est pas antérieur à leur mention dans le Livre des Mutations52qui est l’ouvrage de base de la civilisation chinoise, « l’une des sources essentielles de la pensée cosmologique et de la philosophie chinoise en général53 ».

Dans le Livre des Mutations, selon la structure de l’hexagramme, les traits continus et les traits discontinus composent soixante-quatre résultats. Parmi ces symboles, le yang est représenté par trois traits continus ; le yin est figuré par trois traits discontinus. Au cours des manipulations, avec deux figures initiales (yin et yang) fournis, on dispose de qian54 qui signifie le Ciel et kun55 qui signifie la Terre, de six traits yang et six traits yin, représentés par six traits continus et six traits discontinus, plein ou brisés. Selon ces symboles, yin représente la part féminine de la nature, le froid, la passivité, et le sombre. A l’inverse, le yang représente la part masculine de la nature, le chaud, l’activité et le lumineux. Ensemble, ils réunissent l’essentiel de la cosmologie chinoise.

51说文解字, ouvrage du début du IIe siècle, achevé vers 100. Rédigé par Xu Shen (许慎 58-147). Considéré comme le premier dictionnaire de caractères chinois. Dans ce dictionnaire, on analyse les compositions des caractères chinois et classe ces derniers par des clés (pian pang), Michael Loewe, éd., Early Chinese Texts: A Bibliographical Guide, Early China Special Monograph Series, no. 2 (Berkeley, Calif.: Society for the Study of Early China : Institute of East Asian Studies, University of California, Berkeley, 1993). 52 En chinois : Yi Jing 易经, également orthographié Yi King ou Yi-King. Selon les différentes versions de traduction, le titre peut être « Classique des changement » ou « Traité canonique des mutations ». Il s’appelle aussi Mutation des Zhou (Zhouyi 周易), Cyrille J.-D. Javary et Pierre Faure, Yi Jing: le livre des changements = Yijing (Paris: Michel, 2007). 53Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 254. 54 Qian (乾). 55 Kun (坤). 40

2- La relation du yin et du yang est assez subtile. La cosmologie chinoise considère que le yin et le yang sont deux polarités complémentaires et interdépendantes qui partagent l’univers. Le yin et le yang résident dans chaque être et chaque phénomène. En général, selon le grand commentateur Wang Fuzhi (1619-1692)56, le yin et le yang sont interdépendants : « il n’y a pas de yin sans yang, ni de yang sans yin », « ils s’appuient l’un sur l’autre et ne peuvent se quitter ». Les éléments de yin et de yang sont liés, opposés et se succèdent mutuellement. Quant à leur état existant, comme les choses statiques absolues n’existent jamais, le rapport alterné du mouvement et du repos représente l’étape initiale de l’interaction du yin et du yang. Par le moyen de la circulation du qi, le yin et le yang sont deux énergies fondamentales qui fonctionnent dans l’univers, et qui représentent un équilibre, autrement dit une « harmonie ».

3- Le fonctionnement du yin et du yang est un sujet d’importance : on en trouve mention dans le Livre des Mutations : Le Faîte suprême engendre les deux modèles. Les deux modèles engendrent les quatre figures, lesquelles engendrent les huit trigrammes. Ceux-ci déterminent le faste et le néfaste. La détermination du faste et du néfaste engendre les grandes œuvres57.

De même au chapitre 42 du Tao Te King58 : il est dit que le Tao a produit un, un a produit deux, deux a produit trois, trois a produit les dix mille êtres. Les dix-mille êtres fuient le repos et l’obscurité ; ils vont vers le mouvement et l’éclat ; un souffle immatériel forme l’harmonie59.

Les deux textes montrent que dans la cosmologie chinoise, l’infini de la multiplicité part d’une origine unique : soit le Faîte suprême, soit un grand Un.

On prend sa racine dans le Grand Un. Du Grand Un sont issus les deux modèles, des deux modèles sont issus le yin et le yang. Le yin et le yang se modifient et se transforment, l’un en haut, l’autre en bas. […] Les quatre saisons se succèdent […]. Les dix-mille êtres trouvent

56Wang Fuzhi (王夫之), son nom de plume est Chuanshan (船山). 57Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 262. 58道德经,ou Dao De Jing, Tao Tö King selon les traductions. En consultant plusieurs ouvrages, 道, « la voie » est souvent traduite soit par « Dao », soit par « Tao ». Selon la règle de Pinyin, 道 se prononce comme « Dao », mais « Tao » correspond à la prononciation française. Dans ce travail, nous utilisons le « Tao » comme la seule traduction de 道. 59Lao zi, Marc Haven, et Daniel Nazir, Tao te king: le livre du Tao et de sa vertu (Paris: Dervy, 2001). 41 ainsi leur origine : ils prennent consistance dans le Grand Un et se transforment dans le yin et le yang60.

Le yin et le yang sont deux énergies universelles, leurs combinaisons par interaction font advenir tout le réel. C’est la raison pour laquelle on peut dire que tout être découle toujours de la transformation du yin et du yang.

B. La théorie des Cinq Eléments.

4- La théorie des Cinq Eléments. En chinois, s’appelle Wuxing (五行). La traduction la plus courante en français est « Cinq Eléments » : eau, feu, bois, métal et terre. Mais cette traduction est contestable, parce qu’elle traduit seulement l’idéogramme « wu (五) », qui signifie « cinq », mais ne restitue pas « xing ( 行 ) » qui signifie « conduire », « circuler », « agir », etc. En effet, « xing » révèle le mouvement de ces Cinq Eléments, mais aussi correspond à la conception du Tao. La théorie des Cinq Eléments implique les Cinq Eléments se présentant sous forme d’un pentagramme inscrit dans un cercle. En se transformant, en se détruisant ou en se corrodant, ils sont aussi un concept de base pour la cosmologie chinoise traditionnelle, aussi bien que pour l’alchimie qui fait partie de la pharmacopée chinoise dans l’ancien temps.

5- L’origine de la théorie des Cinq Eléments naît à l’époque de la dynastie Shang (XVIIe –XIe siècle av. J.-C.), et se concrétise au début de la dynastie Zhou (1059-771 av. J.-C.)61.On découvre la première description des Cinq Eléments dans le Classique des documents62 qui fut achevé aux environs de la fin de l’IVe siècle avant notre ère :

60 Lüshi Chunqiu (Printemps et Automnes du sieur Lü) 5, 2 (Dayue), éd. ZZJC, p. 46, cité par Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 262‑63. 61 Yajun Cheng, « 中医哲学的唯物自然观刍议 —— 五行学说与中医学的结合 (Zhongyizhexuedeweiwuziranguanzhuoyi-wuxingxueshuoyuzhongyixuedejiehe, Essai sur la conception matérialiste de la philosophie de la médecine chinoise-la fusion entre la théorie des Cinq Eléments et la théorie de la médecine chinoise) », Tian Fu New Idea, no 04 (2009): 30. 62书经(Shu Jing) ou 尚书(Shang Shu), recueil de documents qui s’est composé des discours, des conseils, des décrets, etc. de la politique et de l’administration des souverains de l’antiquité chinoise. La période concernée 42

Les cinq agents sont : eau, feu, bois, métal, terre. Il est dans la nature de l’eau d’humidifier et de couler vers le bas ; dans celle du feu de brûler et de s’élever dans les airs ; dans celle du bois d’être courbé et redressé ; dans celle du métal d’être ductile et d’accepter la forme qu’on lui donne ; dans celle de la terre de se prêter à la culture et à la moisson. L’eau qui humidifie et coule vers le bas devient salée ; le feu qui brûle et s’élève devient amer ; le bois, courbé et redressé, devient acide ; le métal, qui change de forme dans sa ductilité, devient âcre ; la terre, en étant cultivée, prend une saveur douce63.

6- La fonction. Selon la théorie des Cinq Eléments, ces cinq agents ne représentent pas simplement les cinq substances matérielles, surtout après la combinaison avec la théorie du yin et du yang, aux environs de la fin des Royaumes Combattants, aux IIIe–IIe siècle. Les cinq agents figurent les caractères divers :

L’eau : le noir, l’hiver, le froid, le goût salé, le nord ;

Le feu : le rouge, la colère, l’été, l’amer, le soleil, le sud ;

Le bois : le bleu ou le vert, le printemps, le goût aigre, l’est ;

La terre : le jaune, la fin de l’été, le goût sucré, le centre ;

Le métal : le blanc, le coucher de soleil, l’automne, le goût piquant, l’ouest.

Les relations des Cinq Eléments se présentent par un cycle de génération ou engendrement64 et un cycle de domination ou destruction65. Tous les éléments de l’univers sont classés dans ces cycles. La loi de succession est présentée par le schéma suivant :

embrasse depuis le IIIe millénaire av. J.-C. jusqu’à 627 av. J.-C. La rédaction été effectuée par des équipes de greffiers et de secrétaires organisées par les rois, Joseph Henri Prémare et Claude de Visdelou, Le Chou-king: un des livres sacrés des Chinois, qui renferme les fondements de leur ancienne histoire, les principes de leur gouvernement & de leur morale (N. M. Tilliard, 1770). 63« 五行,一曰水、二曰火、三曰木、四曰金、五曰土。水曰潤下,火曰炎上,木曰曲直,金曰從革, 土爰稼穡。潤下作鹹,炎上作苦,曲直作酸,從革作辛,稼穡作甘。 » Classique des documents, chap. Hongfan, traduction Séraphin COUVREUR, Chou King, les Annales de la Chine, rééd. Paris, Cathasia, 1950, p. 196-197, cité par Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 244. 64 Génération ou engendrement (生, Sheng). 65 Domination ou destruction (克, ke). 43

Bois

Eau Feu

Métal Terre

Relation de génération Relation de domination

En suivant les flèches, le cycle de génération ou engendrement est : métal → eau → bois → feu → terre → métal, c’est-à-dire, le métal peut être fondu par une forte température et devient liquide : l’eau ; l’eau arrose et fait pousser les arbres :le bois ; le bois peut être allumé et produit du feu ; le feu peut brûler les végétaux qui deviennent de la cendre qui est une sorte de terre ; la terre contient des minéraux qui est la source du métal. Le cycle de domination ou destruction est : métal → bois → terre → eau → feu → métal, c’est-à-dire, le métal peut être fondu par le feu ; le feu peut être éteint par l’eau ; l’eau est endiguée par la terre, et la terre est labourée par le bois de la charrue.

Les Cinq Eléments abstraient les essentiels et les relations de toutes les choses. Ils sont des substances indispensables à la vie humaine. En composant avec la théorie du yin et du yang, la théorie des Cinq Eléments devient une dialectique plus complexe qui s’applique à tous les phénomènes observables, dont la médecine chinoise.

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C. Le qi ou l’énergie.

7- qi. L’être humain est fait de qi qui est souvent traduit par « énergie ». Ce terme est une notion très lointaine : l’origine du mot qi reste mystérieuse, aucune graphie qui pourrait correspondre à sa signification actuelle n’ayant pu être identifiée avec certitude dans les inscriptions Shang66 ou Zhou67 68. En effet, le qi est considéré comme une sorte de « souffle vital » qui circule, en suivant des voies ou des canaux que l’on nomme méridiens, irriguant le corps de tous les êtres humains.

8- Le qi et la santé. Le qi n’est ni matière ni esprit69, en effet, il est distinct des formes concrètes. Ce souffle anime les êtres vivants : l’homme doit la vie à une condensation de qi. Tant qu’il se condense, c’est la vie ; mais dès qu’il se disperse, c’est la mort 70, ainsi pour l’univers : le qi est le principe de réalité unique et un qui donne forme à toute chose et à tout être dans l’univers, ce qui implique qu’il n’existe pas de démarcation entre les êtres humains et le reste du monde 71.

Selon sa théorie, le qi est divisé en six aspects : grand yang, moyen yang, petit yang, grand yin, moyen yin et petit yin. Cette théorie est souvent liée à la santé physique. La médecine chinoise préconise qu’en cultivant le qi, l’état du corps arrive à obtenir un équilibre de yin et yang. La distinction entre la santé et la maladie dépend de l’influence dominante du « souffle intègre72 » ou du « souffle vicié73 » sur le fonctionnement de l’organisme.

66 La dynastie Shang, 商朝, environs de 1570 à 1045 av. J.-C. 67 La dynastie Zhou, 周朝, de 1045 à 256 av. J.-C. 68Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 239. 69Isabelle Robinet, Histoire du Taoïsme : Des origines au XIVe siècle (Paris: Cerf, 1991), 14. 70Zhuangzi 22, éd. Zhuangzi jishi de GUO Qingfan, ZZJC, p. 320, cité par Cheng, Histoire de la pensé e chinoise, 1997, 240. 71Ibid. 72 Souffle intègre (正气, Zheng qi). 73 Souffle vicié (邪气, Xie qi). 45

II. Les principales écoles philosophiques ayant donné leurs influences à la médecine chinoise.

En Chine ancienne, surtout durant la période des Printemps et des Automnes ainsi que celle des Royaumes combattants, la pensée philosophique chinoise a connu une grande prospérité. Ces périodes sont considérées comme l’âge d’or de la philosophie chinoise. A cette époque, de nombreuses écoles de pensée se développèrent. Ensemble, on les appelle les Cent écoles 74 . Parmi ces Cent écoles, on cite généralement : le confucianisme, le taoïsme, le bouddhisme et bien d’autres qui ont massivement transmis leurs influences à l’ordre de la société, dont la mentalité juridique et l’éthique de la profession médicale. Mais si l’on devait restreindre le champ d’observation quant à la provenance des influences sur la médecine chinoise traditionnelle, il est évident que confucianisme (A) et taoïsme (B) occupent la place de choix.

A. La pensée fondamentale confucéenne.

9-L’origine de la pensée confucéenne. Confucius est un pédagogue et moraliste qui vécut à la fin de la période des Printemps et des Automnes (772-481 av. J.-C.) et qui est considéré comme le fondateur de la tradition philosophique en Chine ancienne.

La pensée confucéenne en chinois est une pensée de Ru (儒). Ce caractère 儒 représente le « lettré », et l’idéogramme signifie « doux, souple, flexible, etc. ». Avant la dynastie Qin (221-207 av. J. -C.), la pensée confucianiste fut déjà comprise dans les « Cent écoles de pensée » et connut son expansion lors de la période dite des Royaumes combattants (770- 221 av. J.-C.). Depuis l’époque de la dynastie Yin et de la dynastie Shang (des environs de 1570 à 1045 av. J.-C.) Ru était un terme générique utilisé pour les intellectuels recevant des charges de bienséance. Après sa mort, le sens de Ru changea fondamentalement, et devint une école de pensée fondée par Confucius (551-479 av. J.-C.).

74 Les Cent écoles (诸子百家, Zhuzibaijia). 46

10- L’essentiel de la pensée de Confucius se base sur une recherche de l’« harmonie ». C’est une harmonie entre l’homme et l’ordre général du monde dans tous les aspects de la vie. Grâce au perfectionnement moral, l’homme se met en harmonie avec lui-même et contribue à l’ordre social ; grâce au rite, il se met en harmonie avec lui-même et les autres, et trouve sa place dans la société. Lorsque l’homme est en harmonie avec lui-même et avec les autres, lorsqu’il joue sa partition dans la société, l’ordre règne et le peuple vit en paix. Cela vaut bien entendu pour le premier des hommes, le souverain, qui, grâce à son comportement moral et à son souci permanent du bien-être de ses sujets, participe à l’harmonie universelle75.

11- La vertu et l’ordre social. Pour atteindre cette harmonie, Confucius met l’accent sur la vertu. Selon lui, la nature humaine n’est ni bonne ni mauvaise, aussi tout homme a la possibilité de devenir un sage, ou de se comporter comme un sot. La clef d’un bon ordre social est la vertu qui est une richesse intérieure que tout homme peut acquérir :

Quand le gouvernement repose sur des règlements et que l’ordre est assuré à force de châtiments, le peuple se tient à carreau mais demeure sans vergogne. Quand le gouvernement repose sur la vertu et que l’ordre est assuré par les rites, le peuple acquiert le sens de l’honneur et se soumet volontiers76.

La finalité de la morale confucéenne est d’acquérir une noblesse spirituelle.

12- L’étude et l’ordre social. Confucius préconise l’importance de l’étude. Comme il est dit dans le Liji∙Daxue 77:

Ceux qui voulaient organiser l'État, réglaient leur cercle familial ; ceux qui voulaient régler leur cercle familial, visaient d'abord à développer leur propre personnalité ; ceux qui voulaient développer leur propre personnalité rendaient d'abord leur cœur noble ; ceux qui

75Zufferey, Introduction à la pensée chinoise, 67. 76Lunyu, II, 3, traduit par P. Pyckmans, 1978, p.16, cité par Ibid. 77礼记∙大学, le Classique des rites, œuvre classique de confucianisme, compilés et commentés par les confucéens, « Rites de Zhou ». 47 voulaient ennoblir leur cœur rendaient d'abord leur pensée digne de foi ; ceux qui voulaient rendre leur pensée digne de foi perfectionnaient d'abord leur savoir.

Dans la société, selon l’arrangement hiérarchique, ce qui veut trouver sa place dans l’ordre des choses doit d’abord se perfectionner par l’étude.

13- L’éthique professionnelle des médecins est influencée par la pensée confucianiste. Au sujet de la médecine chinoise, pour la pensée confucianiste (ou « ruiste »), il faut surtout souligner la bienveillance, ou humanité. Cette bienveillance peut se traduire par l’amour universel du Ciel et de la Terre pour tous les êtres existants. Bien entendu, dans l’ancienne société, cet amour doit respecter la hiérarchie rigoureuse des liens politiques et familiaux. Et la bienveillance, la piété filiale et le respect des aînés sont les éléments essentiels. Ceux-ci insistent sur les devoirs d’abnégation, d’obéissance et de fidélité. Les médecins ont donc développé leur éthique professionnelle d’après cette conception de la morale sociétale, et l’expression Ru yi (médecin confucianiste), qui était la plus haute réputation pour un médecin en médecine chinoise78, reflète cette réalité.

B. la pensée fondamentale Taoïste.

14- Tao. Le terme Tao en chinois est « 道 (Dao) ». L’idéogramme signifie « voie, méthode, doctrine ». Selon Laozi, qui est considéré a postériori comme le fondateur du taoïsme, le Tao présente le principe fondamental de l’origine des « mille êtres » dans l’univers. Il est dit dans le chapitre I du Tao Te King que le Tao est la Porte de toutes les essences79. Le mot Tao représente généralement le taoïsme, mais il est aussi employé par tous les courants de pensée,

78 Lingwei Li, « Médecine traditionnelle chinoise (zhong guo chuan tong yī xue 中国传统医学), médecine chinoise (zhōng yī, 中医 ), médecine han (han yī, 汉医), médecine nationale (Hua yī, 华医 ) et médecine du pays (Guoi yī, 国医): essai de clarification », in Le droit de la médecine chinoise dite « traditionnelle »: actes du Colloque sino-européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises, des 16 et 17 décembre 2013, Hangzhou, Chine, [organisé par Aix-Marseille Université, l’Académie des sciences sociales du Zhejiang et l’Université de médecine traditionnelle chinoise du Zhejiang] : [actes du XIIIe Colloque du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille, éd. par Antoine Leca, Jun Shen, et Banggui Jin (Bordeaux: Les Études Hospitalières, 2015), 33‑43. 79Lao zi, Haven, et Nazir, Tao te king, 25. 48 pas seulement à l’école du Tao. L’homme se règle sur la terre, la terre se règle sur le ciel, le ciel se règle sur le Tao. Le Tao n’a d’autre loi que lui-même80, et c’est le Tao qui donne la nature humaine.

15- Le « non-agir » et la santé. Dans ses principaux traits, le taoïsme propose une manière de travail sur soi-même qui lie son être avec la nature ou le cosmos tout entier, et qui permet d’harmoniser le yin et le yang, le corps et l’esprit. L’activité de l’homme doit suivre la nature : « non-agir ». Le Tao a produit un, un a produit deux, deux a produit trois, trois a produit les dix mille êtres. Les dix mille être fuient le repos et l’obscurité ; ils vont vers le mouvement et l’éclat ; un souffle immatériel forme l’harmonie81. Le Tao est yin et yang ; le Tao est l’origine de l’univers. Le souffle (qi) vient du Tao, ils sont les bases du cosmos.

Le taoïsme accorde de l’importance aux moyens de s’entretenir : Atteindre le Vide parfait, c’est se fixer fermement dans le Repos82. Le souffle d’esprit préfère le repos que le mouvement. Pour conserver ce souffle, il faut toujours garder le repos. Le souffle d’esprit est tranquille, l’énergie vitale peut donc être suffisamment conservée dans le corps et par conséquent, l’homme ne sera jamais malade.

***

Evidemment, les concepts du yin et yang, de la théorie des Cinq Eléments, du qi et les pensées confucéenne et taoïste ont jeté les bases de la civilisation chinoise. Le confucianisme préconise la vertu, la bonté et la sagesse et le taoïsme estime « non-agir ». Les deux doctrines ont également forgé l’ordre de la société de la Chine ancienne, y compris l’éthique professionnelle des médecins en médecine traditionnelle et la mentalité juridique des Chinois.

80Lao zi, Haven, et Nazir, Tao te king, 49. 81Lao zi, Haven, et Nazir, Tao te king. Chapitre 67. 82 Lao zi, Haven, et Nazir, Tao te king. Chapitre 40. 49

Section II : Application de la pensée philosophique chinoise à la médecine chinoise.

En profitant des connaissances théoriques et des expériences pratiques des ancêtres chinois qui ont combattu diverses maladies, et avec une pensée philosophique basée sur le matérialisme antique simple et la pensée dialectique spontanée, la médecine chinoise établit sa propre logique de la physiologie humaine, de la pathologie, du diagnostic des maladies, de la prévention et du traitement médical.

Selon la définition donnée par le Comité National Chinois pour les termes en Sciences et Technologies (CNCTST)83, la médecine traditionnelle chinoise est : une science intégrée qui est fondée sur les théories de la médecine et de la pharmacopée chinoises et l’expérience pratique, et qui étudie la loi de transformation de la santé et de la maladie, la prévention, le diagnostic, le traitement, la réadaptation et les soins, dans les activités de la vie humaine84.

Nous commençons d’abord par l’origine de la médecine chinoise (I), ensuite par l’assimilation de la pensée philosophique chinoise (II).

I. L’origine de la médecine chinoise.

Parmi de nombreux ouvrages qui concernent la médecine chinoise, on peut trouver des exposés sur son origine qui remonte jusqu’à la plus haute antiquité, c’est-à-dire aux environs du IIIe millénaire avant Jésus-Christ. Principalement, il s’agit de la légende des empereurs mythiques ou des histoires sur la sorcellerie (A), cependant, en réalité, la naissance de la

83全国科学技术名词审定委员会, Quanguokexuejishumingcishendingweiyuanhui, China National Committee for Terms in Sciences ans Technologies. 84Zhong yi yaoxue ming ci shen ding wei yuan hui (Comité de terminologie TCM) et Quanguokexuejishu ming ci shen ding wei yuan hui (China) (Comité national pour les termes en science et technologie), Zhong yi yaoxue ming ci, 2004 = Termes chinois dans la médecine chinoise traditonnelle et de la pharmacie, 1re éd. (Pékin, Chine: la science presse, 2005). 50 médecine chinoise est un résultat de l’interaction des conditions géographiques, climatiques et culturelles (B).

A. La légende mythique.

Selon la légende mythique chinoise, les trois premiers empereurs Fuxi85, Shennong86, Huangdi87 sont des bâtisseurs de la médecine chinoise (1), en effet, cette légende a juste prouvé le lien particulier entre la médecine et la sorcellerie dans la plus haute antiquité (2).

1) Les trois empereurs mythiques.

À l’époque légendaire apparurent de célèbres empereurs mythiques, les trois premiers empereurs étant : Fuxi, Shennong, Huangdi qui sont représentés comme les créateurs de la médecine chinoise.

16- Fuxi est un empereur de la mythologie chinoise, originaire de Haidai88. Son peuple souffrait souvent des maladies à cause de sa façon de se nourrir : ils consommaient la peau, la fourrure et le sang crus de leurs proies. Fuxi enseigna donc à son peuple les méthodes de cuisson, de chasse, de pêche, et leur donna des armes en métal. Il leur transmit aussi la façon de faire des sacrifices aux dieux ou aux ancêtres. Parmi ses contributions supposées à la civilisation chinoise, l’invention des huit trigrammes89 du Livre des Mutations est la plus remarquable. En partant de cette invention, les six énergies, les cinq viscères, les six organes, les mutations des Cinq Eléments, le yin et le yang, les quatre saisons peuvent être décrites. En manipulant les huit

85 Fuxi (伏羲). 86 Shennong (神农). 87 Huangdi (黄帝 l’empereur Jaune) 88 Haidai (海岱). 89 Huit trigrammes (八卦, Bagua). 51 trigrammes, avec la connaissance acquise de l’époque, on classifia les types des maladies et l’on créa les remèdes de traitement.

17- Shennong. Suivant la légende chinoise, Huangdi céda sa souveraineté à son successeur Shennong qui est connu comme le deuxième empereur mythique dans l’histoire chinoise : l’empereur Yan90. L’empereur Yan venait de l’ethnie Jianghan 91. La traduction littérale de son nom est « agriculteur divin ». Il est considéré comme une divinité qui jouissait d’une grande importance dans la société agricole archaïque. Selon le folklore médical, Shennong était un praticien rigoureux sur les plantes médicamenteuses. Dans le but de confirmer les effets exacts des simples, il goûtait tous les jours des plantes médicinales. Grâce à sa capacité de ressusciter, il arriva à gouter soixante espèces de plantes toxiques en un jour. On attribue la rédaction de Shennong bencao jing92 à Shennong lui-même. Dans cet ouvrage, il a mentionné 360 espèces de plantes médicinales et leurs effets médicamenteux. Jusqu’à nos jours, cet ouvrage fait encore partie des classiques traditionnels de la médecine chinoise. Conformément à sa contribution sur les plantes médicamenteuses, Shennong est souvent réputé le père de la pharmacopée chinoise.

18- Huangdi93 est le successeur de l’empereur Yan. Il vient de l’ethnie Heluo94. Il est considéré comme un souverain civilisateur de la haute antiquité dans la tradition chinoise, et est aussi un ancêtre brillant de la médecine chinoise. La paternité du Huangdi Nei Jing95 qui est le plus ancien ouvrage sur la théorie fondamentale de la médecine chinoise, est attribuée à

90 L’empereur Yan (炎帝, Yandi). 91 L’ethnie Jianghan (江汉民族, Jianghanminzu). 92Shennong bencao jing (神农本草经, le Classique de la matière médicale du Laboureur Céleste). Le plus ancien ouvrage chinois sur les médicaments végétaux, animaux et minéraux. La version originale n’existe plus. Après plusieurs reconstitutions, la version présente est rédigée par Sun xingyan, pendant la dynastie Qing. Généralement, on considère que la compilation écrite originale le fut pendant la dynastie Han, environ le début de notre ère, cité par Peiqing Su et Wenxiang Zhan, 中医哲学概论 (Zhongyizhexuegailun, Introduction à la philosophie de la médecine chinoise) (Pékin: China Press of Traditional --Chinese Medicine, 2009), 57-62. 93 Huangdi (黄帝 l’empereur Jaune) 94 L’ethnie Heluo (河洛民族, Heluominzu). 95 Huangdi Nei Jing (黄帝内经, Classique interne de l’empereur Jaune), cité par Ibid. 52

Huangdi96. Les théories qui y sont abordées sont encore considérées comme la base de la formation en médecine chinoise dans les instituts de la médecine d’aujourd’hui.

19- Deux principales raisons expliques la légende mythique des trois empremeurs. Depuis Fuxi, jusqu’à Huangdi, la légende des trois empereurs démontre le processus de la création de la médecine chinoise : la conception (cosmologique archaïque) – l’expérience – la théorie. Bien entendu, selon les données historiques, le vrai processus doit être bien plus tardif chronologiquement. La raison pour laquelle les trois empereurs mythiques sont estimés créateurs de la médecine chinoise peut s’expliquer par deux raisons : d’abord, en Chine ancienne, pour que les idées neuves apparaissent plus convaincantes, les intellectuels avaient tendance à les attribuer à leurs ancêtres. Donner à la médecine chinoise une antiquité aussi honorable était de nature à consolider son prestige. Comme on le verra plus tard, cet argument fut retourné pendant la première moitié du XXe siècle, face au grand débat sur l’abolition de la médecine chinoise. La seconde raison est qu’on peut classer les trois empereurs parmi les grands sorciers de l’Antiquité. Car, en Chine, comme dans d’autres parties du monde97, on a pu écrire que « la médecine vient de la sorcellerie ».

2) La médecine et la sorcellerie.

20- La relation entre les sorciers et les médecins. Dans la plus haute antiquité, la médecine et la sorcellerie se mêlaient et se confondaient, donc le médecin et le sorcier guérisseur étaient souvent une seule et même personne. Dans le recueil de données géographiques et de légendes de l’antiquité chinoise, Shanhaijing 98 , on peut trouver des

96 L’ouvrage ne date que du IIIe siècle avant Jésus-Christ. Il est le plus ancien ouvrage de médecine chinoise. Le contenu se présente comme un dialogue entre l’empereur Jaune et son médecin et ministre Qi Bai et se divise en deux parties : Su Wen et Ling Shu. Il aborde les aspects de la médecine, les méthodes de traitement, surtout le traitement par acupuncture. 97 Olivier Nkulu Kabamba, Les médecins en Afrique et la sorcellerie. Une herméneutique de leur rencontre, L’Harmattan, Paris, 2014. 98 Shanhaijing (山海经, Livre des Monts et des Mers ou Classique des montagnes et des mers). Ce livre est composé entre les Royaumes combattants et les Han, cité par Peiqing Su et Wenxiang Zhan, 中医哲学概论 (Zhongyizhexuegailun, Introduction à la philosophie de la médecine chinoise), 57-62. 53 références aux grands sorciers chinois comme le Sorcier Peng99, le Sorcier Di100, le Sorcier Yang101, le Sorcier Lü102, etc. Ce sont des personnages encyclopédiques : ils sont des prophètes qui surveillent l’ordre de la société, des intermédiaires qui se chargent de la communication entre l’homme et les dieux, ainsi des créateurs et des diffuseurs de l’expérience et de la culture.

21- Les premières méthodes de traitement des maladies sont issues de la sorcellerie. Dans la société primitive, comme dans toutes les civilisations, quand les anciens Chinois n’arrivèrent pas à expliquer raisonnablement de nombreux phénomènes naturels ou des maladies incompréhensibles, ils cherchèrent à recourir aux énergies surnaturelles et mystérieuses. Dans ce contexte-là, les fantômes et les monstres surnaturels furent appréhendés comme sources et raisons des maladies. Les méthodes de la conjuration et de l’exorcisme furent inventées et développées dans le but de guérir les maladies, et d’apporter le bien-être. Le moyen de traitement privilégié utilisé par les médecins-sorciers fut de parler des symptômes des maladies aux dieux. Selon le « Suwen∙Yijingbianqilun103 », dans l’antiquité pour guérir une maladie, les traitements consistaient à émouvoir les dieux ou dompter les monstres, par le chant, la danse, la divination, le sacrifice, la prière, le souhait ou l’incantation.

Il en est sort des inventions inattendues qui se sont avérées très profitables. Initialement, l’alcool médicinal servait à la communication avec les dieux ; les aiguilles et les poinçons de pierres étaient employés pour exorciser l’énergumène ; le qigong 104 venait de la danse de sorcellerie… Ces pratiques démontrent que la médecine chinoise est une cumulation des expériences de besoin de survie et d’activité spirituelle.

Bien entendu, cette symbiose est passée par un processus long et complexe. Au départ, les connaissances médicales ont été systématisées par des sorciers guérisseurs qui avaient quitté leurs tâches matérielles pour s’occuper du culte et des affaires des bienséances105. On peut dire que l’impulsion initiale de la médecine vint du besoin de se défendre face aux maladies et aux mauvaises conditions de vie. Avec l’intention de cumuler et de diffuser les connaissances

99 Le Sorcier Peng (巫彭, Wupeng). 100 Le Sorcier Di (巫抵, Wudi). 101 Le Sorcier Yang (巫阳, Wuyang). 102 Le Sorcier Lü (巫履, Wulü). 103 « Suwen∙Yijingbianqilun (素问∙移精变气论) », cité par Ibid. 104 Le qigong (气功). 105 Ibid., 57‑61. 54 médicales, la médecine s’enrichit constamment. Finalement, elle se sépara de la sorcellerie et le médecin devint une profession spécialisée.

B. Les conditions objectives et le contexte culturel.

La médecine traditionnelle s’enracine dans la culture chinoise qui est elle-même conditionnée par ses aspects géographiques et climatiques (1). En même temps, chaque civilisation est née avec des conditions spécifiques, et a été influencée par les propres contextes dans lesquels elle s’est développée (2).

1) Les aspects géographiques et climatiques.

22- La condition géographique a décidé le caractère indépendant de la médecine chinoise. La Chine ancienne comprend une grande variété de paysages. À l’est et au sud-est se trouvent la mer Jaune, la mer de Chine orientale et la mer de Chine méridionale ; au sud-ouest se trouve les hautes montagnes ; au nord-ouest s’étendent les déserts du Takla-Makan et du Gobi ; et au nord se trouve la Sibérie qui était rarement fréquentée par les humains. Pendant l’antiquité, par manque de moyens de transport, ces conditions géographiques empêchèrent longtemps une communication suivie avec les autres cultures. Conséquemment, la culture chinoise a pu garder son caractère spécifique.

23- Les impacts de la condition climatique. Couvrant une surface immense, la Chine possède de nombreux climats : au nord, un climat sec avec de sévères hivers ; au centre, un climat plus tempéré ; au sud, un climat subtropical humide. Les quatre saisons sont bien distinctes et les différences des températures entre l’été et l’hiver sont bien marquées. Selon la théorie de la médecine chinoise, l’influence de ces conditions climatiques détermine six causes de maladies : « le vent, le froid, l’humidité, le chaud, le sec et le feu ». Les gens du sud n’ont

55 pas le même physique et les mêmes habitudes de vie que les gens du nord, et il en va de même pour les maladies qu’ils rencontrent. De ce fait, les différents climats impliquent que la médecine chinoise adapte ses moyens de traitement aux aspects extérieurs et aux conditions particulières des saisons et des lieux. Par exemple, la manipulation de l’acupuncture change en fonction des saisons.

De plus, les différents climats sont favorables à la diversification et à la multiplication des espèces. La pharmacopée chinoise est à base de médicaments végétaux, animaux et minéraux. Grâce à ces climats variés, il existe de riches ressources en la matière : d’après les recherches, il y aurait environ 8 000 sortes de substances médicinales en Chine106.

Suivant le développement des connaissances sur la nature, la science et la technique, et en face des progrès de la médecine occidentales, amenée par les puissances européennes aux XVIIIe et XIXe siècles, ces conditions objectives ne pouvaient plus seules suffire à conserver la spécificité de la médecine chinoise. Si la médecine chinoise est parvenue à résister à ces vicissitudes avec succès, la raison en est probablement le contexte culturel au sein duquel elle se trouvait.

2) Le contexte culturel.

La médecine chinoise s’enracine profondément dans sa culture. Généralement, on considère que les caractéristiques de la culture chinoise comprennent les trois traits suivants : l’intégralité, l’humanité et la continuité.

24- Premièrement, sur l’intégralité : en récapitulant la pensée chinoise abordée par les Cent écoles, la culture traditionnelle chinoise recherche dans l’univers un « ensemble harmonieux entre le ciel et l’humain107 ». Cette conception a d’abord été décrite par le penseur

106 Ibid., 63. 107 Ensemble harmonieux entre le ciel et l’humain (天人合一, tian ren he yi). 56 chinois du taoïsme, Zhuangzi108 et elle est quasiment le point de départ de toutes les grandes pensées traditionnelles chinoises. Selon Confucius, l’ensemble du ciel et de la terre fait naître les dix milles êtres109. Aussi il est dit dans le chapitre 25 du Tao De King : l’homme se règle sur la terre, la terre se règle sur le ciel, le ciel se règle sur le Tao, le Tao n’a d’autre loi que lui- même110. Donc l’humain voire les dix milles êtres sont les enfants de la nature, et les êtres vivants coexistent intégralement dans l’univers. Cette intégralité demande que les activités humaines correspondent à la loi de la nature. L’homme doit se perfectionner avec le temps qui passe.

Inspirée par cette intégralité totale, la médecine chinoise voit le ciel, la terre et l’homme comme une unité organique. L’harmonie entre le ciel et l’homme, l’harmonie entre le corps et l’esprit entraînent un fonctionnement organique correct. Les activités physiologiques et les modifications pathologiques des organes ont des liens non seulement avec leurs apparences de fonctionnement interne, mais aussi avec l’univers externe, c’est-à-dire les quatre saisons, le qi, les quatre directions, les cinq positions etc. L’homme est né du qi du ciel et de la terre, formé par la loi des quatre saisons ; l’homme doit s’adapter au ciel et à la terre, au soleil et à la lune.

En outre, la médecine chinoise n’a pas négligé l’influence sociale. Elle considère en effet que hormis la raison climatique, la santé ou la maladie ont un lien étroit avec l’environnement social et le moral. L’environnement social influence le moral, et logiquement ensuite, le moral agit sur le corps. Pour bien connaitre la problématique d’une maladie et son diagnostic complet, il faut tenir compte du corps, du moral et de l’environnement tous ensemble.

Cet ensemble est toujours en mouvement. La théorie du yin et du yang présume que le repos est relatif et temporaire, mais que le mouvement est éternel. Le mouvement et le repos représentent « le stade initial de l’interaction du yin et du yang ». Le yin et le yang représentent l’ensemble de tout mouvement111. S’inspirant de cette idée, la médecine chinoise estime que tous les commencements, les développements, les changements et les dépérissements sont basés sur le mouvement. Dans l’univers, le repos absolu est inexistant. Le corps humain est un organisme qui fonctionne sans cesse. La vie humaine apparaît soit douce et lourde comme la

108 Ou « Maitre Zhuang », (369-286 av. J.-C.). 109 La totalité des créatures, 万物, la transition en pinyin est Wanwu. 110Lao zi, Haven, et Nazir, Tao te king, 49. 111 François Jullien, Figures de l’immanence: pour une lecture philosophique du Yi king, le classique du changement (Paris: B. Grasset, 1995), 245. 57 terre, soit dure et légère comme le ciel. La médecine chinoise cherche un équilibre entre le Yin et le Yang.

25- Deuxièmement, sur l’humanité : le confucianisme préconise une grande bonté pour tous. « L’amour universel du Ciel et de la Terre pour tous les (êtres) existants ». Cet amour est dégagé de tout souci égoïste, et promeut une bonne concorde entre tous les éléments composant l’ordre social. Mettre l’accent sur l’éthique est un des piliers fondamentaux des cultures traditionnelles. L’harmonisation et la nécessité d’une éthique individuelle fait coexister les humains, le soutien pour la paix, la perfection du caractère, l’amour pour tous etc., démontrant l’aspect humanitaire de la culture chinoise dans ses traditions les plus diverses.

Au milieu d’un équilibre dans l’univers, l’homme est toujours le centre. Le respect de l’humanité, comme chez les confucianistes, était donc le but le plus élevé de la médecine chinoise. Au-dessous du ciel et au-dessus de la terre, en tenant compte des milles êtres, tout est moins précieux que l’humain112 ; et d’après le Qianjin yaofang113, la vie humaine est très importante, elle est donc plus précieuse que mille liang d’or. Préserver et protéger la vie et la santé des patients relevaient de la responsabilité sacrée du médecin.

26- Troisièmement, sur la continuité : le caractère successif de la culture chinoise est assez fort. Cette succession vient de l’esprit traditionnel chinois qui a pour habitude de respecter les ancêtres et de suivre leurs théories ancestrales. Pour cette raison, la culture chinoise est une sorte de culture interprétée. En interprétant les classiques, les Chinois s’habituent à exprimer leurs pensées, cherchent des sagesses dans la tradition, ou créent de nouvelles idées mais toujours en référence au corpus classique.

L’influence de cette continuité sur la médecine a traversé la naissance et l’évolution de cette dernière : c’était vraisemblablement la sorcellerie qui avait été le catalyseur donnant « naissance » à la médecine chinoise à la haute époque. La théorie de la médecine chinoise s’est donc formée pendant la période des Royaumes combattants. A partir de la dynastie des Han occidentaux (206 av. J.-C. – 9), le yinyang et les Cinq Eléments furent employés dans la

112 Shizong Gao et Tianxing Yu, 黃帝素问直解 (Huangdisuwenzhijie, L’explication de Suwen) (Scientific and Technological Literature Press, 1982). 113 Simiao Sun, 千金方 (Qianjinfang), trad. par Ruixian Zhang (Huaxia Publishing House, 1993). 58 physiologie chinoise. En suivant la tradition de la « confiance envers le passé »114, les médecins perfectionnèrent progressivement cette médecine autant par l’interprétation des classiques, que par les pratiques qui se développèrent ensuite.

II. Assimilation de la pensée philosophique chinoise.

Le débat au sujet de la relation entre la médecine chinoise et la pensée philosophique chinoise existe depuis toujours. La médecine chinoise est-elle une médecine ou une philosophie ? La pensée chinoise est profondément et subtilement intégrée dans la théorie de la médecine traditionnelle chinoise. Au lieu et place d’une assimilation de l’une par l’autre, Médecine et philosophie s’unissent pour ne former qu’une 115. Le yin et le yang, les Cinq Eléments, et l’énergie sont les fondements des différentes pensées philosophiques, il en va de même pour la médecine chinoise comme nous l’avons vu. En profitant de ces théories de yin et yang (A), des Cinq Eléments (B) et de l’énergie (C), depuis le diagnostic jusqu’à la guérison, avec des traitements relevant de la pharmacopée, l’acupuncture et la moxibustion, la manipulation, le massage, la ventouse, le qigong, la diététique médicale, etc., le but final est de parvenir à la réconciliation et la réhabilitation du yin et du yang, afin que le corps se redresse et que la maladie soit guérie.

A. Le yin et le yang dans la théorie de la médecine chinoise

A partir du grand Un, la relation entre yin et yang est reconnue comme l’origine de tous les devenirs. Ceci est donc la fonction de production du yin et du yang. La production du yin et du yang se réalise par le mouvement et le repos qui sont dominés par l’harmonie. Sans cette domination, on ne peut pas maintenir les transformations et le développement dans une sphère

114Zufferey, Introduction à la pensée chinoise, 66. 115 Christian Proust, « Médecine traditionnelle chinoise: médecine ou philosophie ? » (Thèse en philosophie, Paris 8, 1985), 239. 59

équilibrée. Un yin et un yang, c’est ce que l’on appelle le Tao. Le Tao est « la voie du Ciel » qui représente la totalité du réel. L’énergie du yin et du yang remplit tous les domaines.

Quant à la médecine traditionnelle chinoise, la présence du yin et yang sert à la conservation des énergies. Le yin se rapporte au froid, au passif, au sombre… alors que le yang se rapporte au chaud, à l’actif, au lumineux. Une harmonisation de l’échange de yin et de yang est la base d’une bonne santé. Les médecins anciens combinent les deux polarités dans tous les domaines théoriques et pratiques : les structures et les fonctionnements des tissus, des viscères et des organes ; le diagnostic, le traitement et même la prévention de maladie116 :

27- Yin et yang avec le corps humain. Selon le rapport complémentaire du yin et yang, le corps humain est divisé en partie de yin et en partie de yang : toute la partie haute du corps, l’extérieur, le dos, les tranches latérales des extrémités ont le caractère du yang ; toute la partie basse du corps, l’intérieur, l’abdomen, l’aspect médian des extrémités ont le caractère du yin. Ainsi pour les viscères, selon leur fonction physiologique ou leur localisation, le cœur, le foie, la rate, les poumons et les reins qui possèdent des appartenances aux organes « pleins » et qui se chargent de préserver la substance vitale sont classés comme yin ; l’intestin grêle, la vésicule biliaire, l’estomac, le gros intestin et la vessie qui ont des appartenances aux organes « creux » et qui se chargent de la transformation et du transit des aliments, substances nutritives et déchets sont classée comme yang. A part la position des organes dans le corps, la fonction et la substance provoquent aussi des distinctions : le sang est une substance, donc il est yin ; le qi est un souffle qui fonctionne et circule au sein de l’organisme, donc il est yang. Selon la caractéristique de transformation du yin et du yang, suivant l’orientation des flux, le méridien peut se présenter soit yin soit yang.

28- Le fonctionnement de l’organisme est totalement régi par la dialectique du yin et du yang. Si le fonctionnement correspond au principe harmonieux du yin et du yang, le métabolisme est en bon état. Par contre, le manque de coordination entre le yin et le yang

116 Hiria Ottino, « L’entente clinique: les états de santé et de maladie en médecine chinoise et ses principes de traitements » (Thèse en ehtno-médecine, Université de la Polynésie française, 2005), 49‑52. 60 entrainera inévitablement une maladie, et la séparation définitive du souffle de yin et du souffle de yang conduit à la fin d’une vie.

29- Yin et yang dans le diagnostic des maladies. Pour analyser une maladie et détecter l’état du patient, un diagnostic complet est indispensable. En médecine traditionnelle chinoise, les principales méthodes du diagnostic s’appellent « les quatre examens » : l’observation, l’auscultation, l’interrogatoire et la palpation. Les symptômes qui représentent le yin sont les maux endogènes, les anomalies liées au froid et à l’asthénie, comme une attitude morne, le teint terne, la voix grave à l’élocution difficile, l’appréhension du froid, le fait de ne pas être assoiffé, la diarrhée, le pouls immergé, lent, l’asthénie, etc. Les symptômes qui figurer le yang sont les maux exogènes, les anomalies liées à la chaleur et à la sthénie comme un teint clair et brillant, une voix claire, de la température, une altération permanente, la constipation, le pouls émergé, rapide, large, glissant, en sthénie, etc.

30- L’équilibre entre yin et yang est le but du traitement. Lorsque le syndrome est détecté par le diagnostic, plusieurs principes thérapeutiques peuvent être employés. Généralement, la médecine chinoise classe les syndromes en quatre sortes : excès de yang, excès de yin, insuffisance de yang et insuffisance de yin. L’excès de yang se traite par des préparations de type yin pour neutraliser cet excès ; l’excès de yin se traite par des préparations de type yang pour neutraliser cet excès ; l’insuffisance de yang se traite par des préparations qui ont la qualité de tonifier par la chaleur ; l’insuffisance de yin se soigne par des préparations qui ont l’effet de nourrir le yin. Le but thérapeutique est de restaurer l’équilibre du yin et du yang.

B. Les Cinq Eléments dans l’organisme humain.

La théorie des Cinq Eléments est utilisée pour établir la base de la médecine chinoise par rapport à la physiologie et à la pathologie, ainsi que pour guider la pratique depuis la prévention jusqu’au traitement :

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31- La correspondance entre les Cinq Eléments et les viscères suit leurs natures. La nature du bois est une production ou un croisement, il correspond donc à la nature du foie qui a une fonction de drainage et de régulation ; la nature du feu est chaleur, il correspond donc à la nature du yang et du cœur qui a pour fonction de réchauffer ; la nature de la terre est de produire et de favoriser la transformation de toute chose, elle correspond donc à la rate qui est à l’origine des naissances et des transformations ; la nature du métal est une purification, il correspond donc aux poumons qui peuvent purifier le sang ; la nature de l’eau est une humidification, elle correspond donc aux reins qui ont la capacité de gérer l’absorption d’eau et de contenir les liquides organiques117.

32- Le fonctionnement. La relation d’engendrement des cinq viscères se présente par un cycle de génération : « l’énergie des reins (eau) va nourrir le foie (bois) ; le foie stocke le sang et aide le cœur (feu) ; le cœur va réchauffer la rate (terre) ; la rate transforme les aliments et nourrit les poumons (métal) ; les poumons purifient et amènent l’énergie aux reins (eau)118 ».

La relation de domination des cinq viscères se présent par un cycle de contrôle : « l’énergie des poumons (métal) peut contenir la montée en excès du yang du foie (bois) ; l’action de contrôle du foie sur la rate (terre) peut drainer la congestion de celle-ci ; la rate par son transport pourra stopper le débordement de l’eau des reins ; l’eau des reins pourra contenir l’excès de feu du cœur ; la chaleur du cœur permettra de contrôler le rafraichissement en excès des poumons (métal)119 ».

La théorie des Cinq Eléments applique aussi une interaction pathologique mutuelle : une maladie pulmonaire (métal) peut être une conséquence de dysfonction des autres viscères selon les relations d’interdépendance des viscères120.

117Proust, « Médecine traditionnelle chinoise », 134‑135. 118Ibid., 135‑36. 119Ibid., 137. 120Ibid., 138. Exemple donné par Proust : « une maladie du foie peut se transmettre à la Rate : - le bois profite de la faiblesse de la terre et l’agresse, mais une maladie de la Rate peut aussi influencer le bon fonctionnement du Foie par le Cycle d’insulte (Cycle de Contrôle Inversé). –Lorsque le Foie et la Rate sont malades ensemble, ils s’influencent mutuellement, car le bois est congestionné et la terre est vide ou bien obstruée. – Une maladie du Foie peut influencer le Cœur (la mère rend son fils malade). – Le Foie peut insulter les Poumons et les désorganiser. – Le foie est le fils des Reins, la maladie du fils peut atteindre la mère. Ce qui est pour le Foie, l’est aussi pour les autres organes. » 62

Tableau des Correspondances principaux des Cinq Eléments :

CINQ ELEMENTS BOIS FEU TERRE METAL EAU Cinq Directions Est Sud Centre Ouest Nord Cinq saisons Printemps Eté Long- Automne Hiver été Cinq souffles Vent Chaleur Humide Sec Froid Cinq Couleurs Bleu-vert Rouge Jaune Blanc Noir Cinq Organes Tsang Foie Cœur Rate Poumons Reins Cinq Organes Fou Vésicule Petit Estomac Gros Vessie Biliaire intestin Intestin Cinq Organes des Œil Langue Bouche Nez Oreille sens Cinq organes des Mains et Visage Bouche Peau Cheveux apparences Pieds Cinq gouts Aigre Amer Doux Acre Salé Cinq céréales Blé Millet Sorgho Paddy Légumineuse Cinq Corps Forme Muscles Poules Chair Peau Poils Os Tendons Cinq Emotion Colère Plaisir Pensée Tristesse Craint

C. L’énergie ou le qi dans l’organisme humain.

33- L’importace du qi dans le corps humain. Le corps humain est une unité d’énergie, de forme, et de l’esprit. Tout corps humain existe par une convergence du qi. Il est dit dans « Ling shu » : « l’être vivant ne doit pas être compris comme une matière animée par l’énergie. C’est l’énergie qui a orienté la matière, elle-même énergie, vers le phénomène vital. L’énergie ne peut se voir et se comprendre qu’au travers de modifications matérielles121 ».

121 Cité par Proust, « Médecine traditionnelle chinoise », 147. 63

34- Le qi et la santé. Les manifestations de l’énergie dans le corps humain se présentent avec quatre principaux aspects :

- l’énergie Yuan, l’énergie originelle, qui active et stimule l’activité physiologique des organes, viscères et méridiens.

- l’énergie Zong, l’énergie première, qui est l’énergie ancestrale ou héréditaire, qui rejoint les vaisseaux du cœur, et qui active la circulation de l’énergie et du sang ;

- l’énergie Ying, l’énergie nourricière, qui est le résultat de la transformation des aliments, solides et liquides, et de l’air ;

- l’énergie Wei, l’énergie défensive, qui est chargée de défendre l’organisme contre les agressions extérieures comme le froid ou la blessure du corps.

Ces quatre énergies avec le sang et les liquides organiques construisent la base du fonctionnement de l’organisme. L’énergie du corps est en perpétuellement en mouvement à l’intérieur de l’organisme. Une désorganisation de ces mouvements peut conduire à la maladie et une cessation marque une fin de la vie. Les énergies peuvent être en excès, en plénitude ou en situation de vacuité. La santé est en relation avec la circulation et l’équilibre de l’énergie dans le corps humain.

***

Tant la légende mythique que les raisons objectives, l’origine de la médecine chinoise nous montre que la naissance de la médecine chinoise représente un long processus de recherche dans le but de guérir des diverses maladies. La théorie de cette médecine est issue de la pratique. En même temps, l’assimilation des théories de yin et yang, des Cinq Eléments et de l’énergie a décidé que la médecine chinoise est un savoir ancien qui fait partie importante de la culture traditionnelle chinoise.

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Chapitre II : Le statut de la médecine chinoise dans le droit chinois avant la Réforme de la fin de la dynastie Qing (1840-1900).

Le droit de la dynastie Qing se présente principalement par deux recueils officiels : Daqinglüli122 et Daqinghuidian123. Daqinglüli est le code pénal fondamental qui contient deux parties : les lois124 et les articles supplémentaires 125 . Sous le nom de loi, ce sont les anciennes dispositions et ordonnances portées par les dynasties précédentes : Tang, Song, Ming etc., et conservées par la dynastie Qing après la conquête de l’empire. Les articles supplémentaires sont des édits ou décrets édictés par les empereurs de la dynastie Qing dans le but d’adapter les lois aux situations réelles et d’éviter des applications défectueuses. Ces articles et les lois ont le même niveau d’autorité, néanmoins les premiers peuvent être abrogés, tandis que les lois sont immuables. Daqinghuidian est une série de collections sur l’organisation du gouvernement Mandchou. C’est dans ces deux recueils que l’on trouve généralement les règles sur le droit civil, administratif et pénal qui concernent le statut de la médecine chinoise. Bien entendu, il ne faut pas oublier les coutumes et les jurisprudences enregistrées dans des livres très variés.

En nous basant sur ces dispositions anciennes, dans un premier temps nous allons étudier les institutions médicales sur les établissements médicaux et la formation en médecine chinoise (section I), puis dans un second temps nous analyserons les dispositions concernant l’exercice de la médecine chinoise : la prévalence des règles à caractère de sanction (section II).

122 大清律例, le Code pénal fondamental de la grande dynastie Qing , rédigé en 1646, et révisé trois fois par la suite (l’empereur Kangxi, l’empereur Yongzheng, et l’empereur Qianlong), valable jusqu’à la fin de la dynastie Qing. Néanmoins, une partie de ce code continue de s’appliquer à Hong Kong, en raison de l’occupation par l’Angleterre. Selon le droit anglais, le fait de respecter des jurisprudences conduit à une prolongation de validité de ce code jusqu’à 1971. 123 大清会典,la Collection des statuts de la grande dynastie Qing, recueil juridique des dispositions administratives de la dynastie Qing. Dénomination de l’ensemble des cinq versions (version de Kangxi, version de Yongzheng, version de Qianlong, version de Jiaqing et version de Guangxu), valable jusqu’à la fin de la dynastie Qing. 124 Les lois (律, lü). 125 Les articles supplémentaires ou l’appendice (例, li). 65

Section I : Les institutions médicales sur les établissements médicaux et la formation de la médecine chinoise.

Durant la dynastie Qing, selon la hiérarchie féodale, les empereurs et leurs familles royales disposent de toutes les ressources médicales. Malgré la différence entre la classe privilégiée et la masse, les besoins médicaux des sujets sont souvent ignorés volontairement. Cette différence des statuts de la médecine chinoise dans les différentes classes sociales est illustrée par les institutions médicales sur les établissements médicaux (I) et la formation en médecine chinoise (II).

I. Les établissements médicaux.

La hiérarchie sociale de l’époque détermine que la médecine chinoise est alors distinguée en deux catégories, par la médecine pour les empereurs et les nobles et la médecine pour le peuple. Même si ce sont globalement les mêmes médecines qui s’appuient sur une théorie identique et ont des attaches innombrables, leurs différences sont considérables et peuvent se démontrer par des organisations distinctes, c’est-à-dire les établissements médicaux de la médecine de palais (A) et les établissements médicaux de la médecine ambulatoire (B).

A. Les établissements médicaux de la médecine de palais.

En Chine ancienne, un institut médical contient les médecins, les personnes assistées et les personnels administratifs. Dans le même temps, la médecine s’est divisée en branches, dont la médecine générale, la chirurgie, la diététique et la médecine vétérinaire. Mais cette distinction des différentes matières est plus pertinente et présente dans le traitement pour la classe privilégiée, surtout pour les empereurs et leur famille.

Au début de la dynastie Qing, l’institut médical hérite de celui de la dynastie Ming. En suivant le régime précédent, la médecine de palais contient généralement la Cour de Médecine impériale (1), la Pharmacie impériale (2) et la section de reboutement (3) en effet, la dernière est une particularité du système médical de palais de la dynastie Qing.

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1) La Cour de Médecine impériale.

Par Daqinghuidian, le droit a fixé l’organisation de la Cour de Médecine impériale (a) et les services de cette Cour (b).

a) L’organisation de la Cour de Médecine impériale.

La Cour de Médecine impériale126 est établie en 1644 par l’empereur Shunzhi. C’est l’établissement primordial dans le système médical impérial, et possède la fonction la plus compliquée et la plus importante : elle n’est pas seulement un organisme de traitement, mais aussi un établissement de gestion et de formation médicale :

35- L’effectif de la Cour prouve que la médecine de Han a constitué l’essentiel de la médecine de palais et son organisation était très hiérarchique : depuis sa création, la direction se compose par un Yuanshi127, un Zuoyuanpan128 et un Youyuanpan129. Le Yuanshi est le chef de la Cour de la Médecine impérial, qui doit être un mandarin mandchou, et qui est supérieur au Zuoyuanpan et au Youyuanpan. Ces responsables de la Cour de Médecine impériale se chargent de la gestion ordinaire des médecins, d’élaborer les règles médicales du palais, et d’apporter les différents services médicaux selon les édits impériaux. A part la direction, il y a encore 15 médecins impériaux130et 100 officiers des différents niveaux, dont 30 Limu131, 40 Yishi132 et 30 Yiyuan133 . Sauf le responsable de la Cour, Yuanshi, doit être un Mandchou, les restes des officiers sont d’origine ethnique Han. Selon les cinq versions de Daqinghuidian, l’effectif de la Cour de Médecine impériale

126 太医院(tai yi yuan), 太(tai) : impérial,医(yi) : médecine, 院(yuan) : cour ou maison. 127 Yuanshi(院使). 128 Zuoyuanpan (左院判). 129 Youyuanpa(右院判). 130 Médecin impérial (御医, médecin impérial). 131 Limu (吏目, administratif). 132 Yishi(医士). 133 Yiyuan(医员). 67 est variable selon les différentes époques des empereurs134 . Mais d’après la version publiée pendant la règne de l’empereur Guangxu (1875-1908) jusqu’à la fin de l’Empire, l’essentiel de l’organisation de la Cour de Médecine impériale est presque toujours le même, c’est-à-dire un Yuanshi Mandchou, avec un Zuoyuanpan et un Youyuanpan, qui sont les responsables des 9 matières médicales 135 et des affaires médicales impériales. L’effectif contient 13 médecins impériaux, 26 Limus, 20 Yishis, 30 Yisheng136. En cas de poste vacant, le Zuoyuanpan pourvoit au poste du Yuanshi ; le Youyuanpan pourvoit au poste du Zuoyuanpan ; le médecin impérial pourvoit au poste de Youyuanpan. Si le poste de Yisheng est vacant, le recruté doit être quelqu’un qui connaît à fond la théorie de la médecine, qui n’a jamais commis un crime et qui est recommandé ensemble par les Yiguan et Yishi de la Cour de Médecine impériale ; ensuite, le Yisheng pourvoit au poste du Yishi ; le Yishi pourvoit au poste du Limu ; le Limu pourvoit au poste du médecin impérial. Ces changements de postes doivent être confortés par l’édit de l’empereur.

36- Les médecins impériaux étaient des médecins élites du pays. Parce que d’abord la majorité de ces médecins sont formés par la Cour de Médecine impériale, ensuite les médecins hors de la Cour mais ayant une réputation excellente peuvent également être appelés et devenir des médecins impériaux. Selon l’édit de l’empereur Yongzheng de 1723 : un bon médecin doit être quelqu’un qui est aisé d’expérience ; si les mandarins extérieurs à Pékin rencontrent des médecins qui maîtrisent excellemment l’art de guérir, et que les résultats de traitements sont remarquables, ces mandarins doivent autoriser ces médecins, accompagnés par un élève, à venir à Pékin pour que leurs compétences soient examinées ; les officiers supérieurs dans l’armée peuvent aussi présenter de bons médecins à la Cour de Médecine impériale, et après l’entretien tenu par le ministère des Rites et la Cour de Médecine impériale, les médecins qualifiés seront recrutés137 . Cet édit était toujours explicable même après la première guerre de l’opium en

134 Dans la neuvième année de règne de l’empereur Shunzhi (1653), d’après le décret du ministère des Rites, le nombre des Yishi est de 40 ; il y a aussi 20 médecins qui s’occupent de transcrire les ordonnances et 20 médecins qui se chargent de la préparation des médicaments, Ren Xigeng, Annales de la Cour de Médecine Impérial-fonction, 1923,3. 135 Sur les matières médicales, voir la suite du texte du même paragraphe. 136 Yisheng (医生, médecin). 137 Dans la XLVIIe année du règne de l’empereur Kangxi (1708), en raison d’un manque de médecins, la Cour de Médecine impériale recruta 20 médecins éminents sélectionnés dans le pays137. Dans la première année de règne de l’empereur Yongzheng (1723), la Cour de Médecine impériale ajouta encore 5 médecins impériaux, Ren, 太医 院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:17. 68

1840138.

37- La fonction des médecins impériaux. Selon le code administratif, Daqinghuidian, les habiles médecins qui forment cette Cour ont pour office de soigner l'empereur et sa famille et de leur donner les remèdes nécessaires. Ils peuvent aussi, avec permission, visiter les grands mandarins malades. C’est une responsabilité extrêmement lourde, de sorte que, avant de présenter quelque médecine à l'empereur, ils doivent toujours la goûter les premiers139.

Les médecins se distinguent, par leurs spécialités, en service intérieur et en service extérieur. Le service intérieur se situe au palais de l’empereur et aux palais des proches de l’empereur140; les médecins qui s’occupent du service extérieur se présentent à la Pharmacie impériale141.

La fonction des médecins impériaux n’est pas à vie. Si ces médecins ne peuvent plus exercer leur fonction à cause de l’âge ou de la maladie, après vérification de la Cour de Médecine impériale, ils peuvent quitter leurs fonctions. Si la maladie est guérie, ces médecins doivent en revanche rentrer à la Cour de Médecine impériale. Principalement, et juridiquement parlant, il est interdit de profiter de cette retraite pour exécuter son activité médicale indépendamment, en dehors de la Cour de Médecine impériale142.

38- Suivant le développement de la médecine chinoise, la division médicale est assez précise arrivée à la dynastie Qing. Conformément aux enregistrements des cinq versions du Daqinghuidian, il y avait 11 matières principales au début de la création de la Cour de la Médecine impériale, qui sont la médecine générale, la pédiatrie, la typhoïde, la gynécologie, la chirurgie143, l’acupuncture, l’ophtalmologie, l’odontologie, la palynologie, le reboutement et la

138 Jun Liang et Lijuan Cao, « 清末太医院之整顿 (Qingmotaiyiyuanzhizhengdun, La remise en ordre de la Cour de Médecine impériale à la fin de la dynastie Qing) », Beijing Journal of Traditional Chinese Medicine, no 09 (2007): 614‑16. 139 Collection des Statuts de la présente dynastie Ts'ing, vol.86, art. la Cour de Médecine impériale. Cité par Gui Boulais, Manuel du code chinois, vol. 1 (Chang-Haï: Imprimerie de la Mission Catholique, 1923), 156. 140 Le Palais de Ningshou (宁寿宫), le Palais de Cining (慈宁宫), le Palais de Qianqing (乾清宫), le Palais de Zhongcui (钟粹宫), le Palais de Shoukang (钟粹宫) et le Palais de Shouan (寿康宫). 141 大清会典 (Daqinghuidian, Code administratif). la Collection des statuts de la grande dynastie Qing. 142 Gang Kun, 钦 定 大 清 会 典 (Qindingdaqinghuidian, Code administratif authentiqué par l’empereur) (Qinghuidianguan, 1899), vol. 81. 143 Il faut distinguer cette chirurgie avec la chirurgie qui vient de l’Europe. Ce terme est employé spécialement dans le contexte où on divise la médecine chinoise en deux branches : la médecine interne et la médecine externe. Cette dernière branche s’occupe uniquement des nombreux clous, furoncles, abcès, dont sont affligés les Chinois. 69 variole144 . Le rajustement eut lieu au fur et à mesure : en 1797, la variole fusionne avec la pédiatrie, et la palynologie fusionne avec l’odontologie ; en 1801, le reboutement est transféré sous l’égide impériale, pour lequel les médecins mongols possèdent leur spécialité ; en 1822, selon l’édit de l’empereur Daoguang, l’acupuncture date de longtemps, mais utiliser des aiguilles et du feu sur le corps de l’empereur ne constituent pas des traitements adéquats, par conséquent, la Cour de Médecine impériale a supprimé pour toujours l’acupuncture145. Vers la fin de l’empire, le fonctionnement de la Cour de Médecine impériale est beaucoup perturbé par les désordres sociaux. En 1866, après 30 ans de suspension de l’enseignement officiel de la médecine, il ne reste que la médecine générale, la pédiatrie, la chirurgie, l’ophtalmologie, l’odontologie, et 5 matières, dont la typhoïde et la gynécologie fusionnent avec la médecine générale146.

b) Les services de la Cour de Médecine impériale.

Les services de la Cour de Médecine impériale comprennent généralement deux grandes parties, à savoir le traitement des maladies et le bien-être :

39- Les médecins impériaux donnent soins aux empereurs et leurs responsabilités. Si l’empereur est malade, pour le soigner, et dans le but d’éviter de se tromper, il faut d’abord envoyer plusieurs médecins et leur demander de faire leurs diagnostics séparément afin de garantir la sûreté des traitements. Conformément au Daqinghuidian dans la version de l’empereur Guangxu, les ordonnances se réfèrent au résultat du diagnostic, et les remèdes doivent correspondre aux ordonnances prescrites. Au moment où l’empereur prend sa médecine, il faut premièrement diviser la médecine en deux portions et faire goûter la première par les médecins et les officiers proches de l’empereur. S’il y a une erreur pendant le processus de préparation, le remède ne correspond pas à l’ordonnance ou qu’une erreur sur le nom de la médecine servie est commise, les médecins concernés seront condamnés au crime de

144 la médecine générale (大方脉), la pédiatrie(小方脉), la typhoïde (伤寒科), la gynécologie(妇人科), la chirurgie(外科), l’acupuncture(针灸科), l’ophtalmologie(眼科), l’odontologie(口齿科), la palynologie ( 咽喉科) , le reboutement ( 正骨科) et la variole ( 痘 疹 科 ) , 大清会典 (Daqinghuidian, Code administratif), vol. 86 (Imprimerie Jicheng de , 1715). 145 Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:3. 146 Ibid., Zhizhang:1. 70 sacrilège147.

40- Les médecins impériaux prennent également en charge les soins de santé des mandarins supérieurs. Comme le texte le dit, à part les services médicaux pour l’empereur et ses proches, ils s’occupent occasionnellement de la santé des mandarins supérieurs, y compris de celle des provinciaux sous l’ordre de l’empereur148. Ce droit est fixé par le Daqinghuidian pendant l’empereur Guangxu149.

En effet, la fondation de la dynastie Qing s’appuie sur le système des Huit Bannières qui engendre les classes privilégiées après la conquête du pouvoir, et qui devient l’ossature du pouvoir politique mandchou jusqu’à la fin de la dynastie Qing. Bien que le droit médical des classes privilégiées soit inférieur à celui de l’empereur, il demeure éminemment supérieur à celui de la masse des sujets. Cette réalité est confirmée par certain édits de l’empereur ou par les coutumes : selon le Qingshigao150, quand une personne de la classe privilégiée est malade, l’empereur envoie parfois ses médecins ordinaires et leur octroie de la médecine précieuse. En réalité, pendant la Chine impériale, la classe privilégiée est généralement bien fortunée et ne rencontre pas forcément de difficultés pour obtenir des traitements corrects en cas de maladie. Dans ce cas-là, le comportement de l’empereur est plutôt pour démontrer son estime envers la personne : le sens symbolique est plus important que le comportement réel. Au fur et à mesure, cet acte est devenu une coutume qui n’est pas enregistré dans le code fondamental mais bien respecté par les empereurs successifs151.

41- Les médecins impériaux offrent aussi des services médicaux dans le domaine public, comme l’examen impérial 152 , le recrutement de soldats, les ouvriers travaillant pour des constructions publiques, ainsi que pour les prisonniers. Malgré le niveau de compétence concernant l’art de guérir de ces médecins est généralement beaucoup plus bas que ceux qui

147 Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:12. 148 大清会典 (Daqinghuidian, Code administratif). 149 À l’époque de l’empereur Qianlong (1736-1796), les mandarins supérieurs qui habitaient à Pékin n’avaient pas besoin de demander l’accord de l’empereur pour recevoir le traitement des médecins impériaux. 150 En juillet 1674, Longxi (frère de l’empereur Kangxi) fut malade. L’empereur Kangxi alla chez lui et envoya ses médecins ordinaires pour guérir sa maladie ; en septembre 1762, … le médecin de palais fut envoyé chez Hu Baoquan pour traiter sa maladie…, Erxun Zhao, 清史稿 (Qingshigao, L’article de l’histoire de la dynastie Qing) (Zhonghua Book Company, 1977), 136.344. 151 Lei Zhang, « Research on Beijing Medical Mode of Chinese Medicine in Qing Dynasty » (Thèse en histoire, China Academy of Chinese Medical Sciences, 2010), 26. 152 L’examen impérial, 科举, keju, les examens mandarinaux qui permettent d’entrer dans la bureaucratie de l’Etat depuis 605 jusqu’à la fin de la dynastie Qing en 1905. 71 sont en charge de la santé de la famille impériale, ce service est précisé par Daqinglüli153 dans lequel les soldats, les ouvriers travaillant pour le public et les prisonniers ont le droit de recevoir des traitements corrects en cas de maladie :

Pour le service médical dans l’armée, il est différent de celui d’aujourd’hui, que ce soit au niveau de la technique médicale ou encore quant à la forme de service. Ici nous focalisons l’analyse sur la forme de ce service. Même si on ne trouve guère de documentation qui démontre qu’il existe des officiers de santé attachés en titre aux corps de troupes, on peut voir quelques détails selon le décret impérial : c’est la Cour de Médecine impériale qui choisit les médecins

153 L’article 377 : du Soin que l’on doit prendre des Soldats et des Ouvriers travaillant pour le Public, quand ils sont Malades. Dans toutes les juridictions civiles ou militaires, où il y aura des soldats attachés particulièrement à des postes du Gouvernement, ou des ouvriers employés aux travaux publics, toutes les fois que ces personnes deviendront malades ou auront quelque infirmité, l’officier commandant en avertira dûment et en bonne forme l’officier dont le devoir est de fournir les médicaments et de porter des secours aux malades : si ledit commandant manque à donner cet avis, ou que , l’ayant donné, l’officier de santé ne porte pas l’assistance nécessaire, l’individu qui aura négligé son devoir, sera sujet à recevoir 40 coups, et cette punition ira jusqu’à 80, si un malade vient à mourir par suite de cette négligence. L’article 398 : des mauvais Traitements faits aux prisonniers. L’article 401 : de la Fourniture d’Habits et de Vivres pour les Prisonniers. Toutes les fois que des individus mis en prison, n’auront ni familles ni parents, qui puissent leur donner les choses nécessaires, ils s’adresseront aux autorités supérieures pour qu’elles ordonnent qu’on leur fournisse des aliments et des habits, ainsi que les secours de la médecine lorsqu’ils seront malades ; on demandera aussi, au nom de ceux qui ne seront point accusés de crimes capitaux, qu’ils puissent, quand ils seront malades, être débarrassés de leurs fers et de leurs menottes, et, en faveur de ceux qui ne seront sujets qu’à la punition de 50 coups et au- dessous, qu’ils sortent de la prison, en cas de maladie, sous caution suffisante d’y revenir lorsqu’ils seront guéris, et enfin, pour ceux qui tomberont dangereusement malades, ou qui seront devenus infirmes incurables, que leurs familles aient un libre accès dans leur prison pour les soigner. Quoique les officiers et les employés des prisons n’aient pas l’option d’accorder ou de refuser aucune des demandes susdites, cependant s’ils ne les formulent pas au nom des prisonniers quand elles devront leur être accordées légalement, ils seront punis de 50 coups pour cette négligence ; et si, dans ces entrefaites, un coupable, punissable d’une peine capitale, vient à mourir, pour la même cause, ils en recevront 60 : si le coupable est punissable du bannissement perpétuel et qu’il meure faute de secours, ils en recevront 80 ; si le coupable est punissable du bannissement à temps, et qu’il perde la vie, parce qu’ils n’auront pas fait passer sa demande, leur punition sera de 100 coups : enfin, si le coupable ne doit être puni que du bambou, on les condamnera à 60 coups et au bannissement pour une année, comme ayant omis de remplir leur devoir à son égard, en ne faisant point état de ses besoins. Si l’officier inspecteur de la prison est prévenu de la négligence des autres officiers et des employés, et qu’il ne prenne cependant pas connaissance exacte de leur délit, il encourra la même punition ou la même peine qu’eux. Quand les officiers des prisons auront dûment sollicité les indulgences conformes à cette loi, si les officiers supérieurs retardent un jour à appointer leurs justes requêtes, ils seront punis de 10 coups, et pour chaque jour additionnel de retard, d’un degré de plus, jusqu’à ce que ladite punition se monte à 40 coups. Si un prisonnier meurt en conséquence des délais ci-dessus, apportés par les officiers supérieurs, alors, dans le cas où ce prisonnier aurait commis un délit capital, les dits officiers supérieurs seraient punis de 60 coups ; ils le seraient de 80, s’il avait été condamné à un bannissement perpétuel ; de 100, s’il l’avait été à un bannissement temporaire, et ils seraient sujets à 60 coups et à être bannis pour un an, si le prisonnier ne devait être puni que du bambou. L’autorité de la Dynastie Tsing, Ta-Tsing-Leu-Lée ou les lois fondamentales du Code pénal de la Chine: avec le choix des statuts supplémentaires, originairement imprimé et publié à Pékin, dans les différentes éditions successives sous la sanction et par l’autorité de tous les empereurs Ta-Tsing, composant la dynastie actuelle, 译 George Thomas Staunton 及 Félix Renouard de Sainte-Croix, 卷 II (Paris, France: Lenormant, Gagliani, Laloy, 1812), 252–253 et 296-298. 72 qui doivent rendre accompagner l’armée. Les médecins missionnés doivent être accompagnés par les envoyés du ministère de la Défense, et se rendre disponibles dans le plus bref délai. Si les médecins se font remplacer lors de leur obligation à l’armée par des charlatans ambulants ou par des personnes ignorantes, les substituts et ceux qui les auront loués pour servir à leur place seront punis154.

Quant aux médecins impériaux qui assurent les traitements pour les prisonniers, ils s’acquittent de leur fonction à la prison du ministère de la Justice155. Normalement, leur fonction dure 6 ans. Chaque jour où ils accomplissent leur fonction, chaque médecin impérial reçoit une évaluation sur la qualité de son service. Si le résultat est positif, le médecin impérial peut envisager une promotion. Dans le cas contraire, le médecin impérial en question sera réprimandé156.

42- La dernière fonction importante de la Cour de Médecine impériale est de répondre au besoin antiépidémique. En cas d’épidémie, sous l’ordre de l’empereur, le gouvernement s’adresse à la Cour de Médecine impériale et lui demande d’envoyer des médecins impériaux pour enrayer la maladie. Cette fonction a existé depuis les origines de la Cour de Médecine impériale, jusqu’ à ses derniers jours : à Pékin, pendant la période d’épidémie, la Cour de Médecine impériale installa des chambres de soin pour soigner les malades et donner des médicaments au peuple157.

2) La Pharmacie impériale.

43- L’origne de la Pharmacie impériale. La Pharmacie impériale158 est un organisme médical accessoire de la médecine de palais. Sa première création est en 1364, où elle est nommée Shangyaoju159, ensuite elle a existé pendant la dynastie Ming (1368-1644). Après la chute de la dynastie Ming, celle de la dynastie Qing est établie en 1653 pendant la période de l’empereur Shunzhi (1643-1661). En 1661, elle fut supprimée, également par l’empereur

154 Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:15. 155 Ministère de la Justice (刑部, Xingbu). 156 Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:7. 157 Ibid., Zhizhang:16. 158 Pharmacie impériale (御药房, Yuyaofang, 御(yu) : impérial, 药房(yaofang) : pharmacie). 159 Shangyaoju(尚药局). 73

Shunzhi, mais est à nouveau rétablie en 1667. Selon l’édit de l’empereur Kangxi en 1672, la Pharmacie impériale fut gérée par le département impérial des Ménages160 , mais appartient majoritairement à la Cour de Médecine impériale.

44- L’effectif de la Pharmacie impériale depuis son établissement n’est pas très élevé. On ne trouve pas de chiffres exacts vers la fin de la dynastie Qing dans le Daqinghuidian, mais quelque exemple selon d’autres sources : en 1672, il y avait 2 Zongguan taijian yisheng161, 2 Fuguan shouling162 , 1 Kuguan shouling taijian 163 , 16 Bitieshi 164 , 4 Lingcun165 , 6 Shouling taijian166, 10 Taijian yisheng167, 19 Taijian168, 30 Fuyi169 ; en 1675, ont été supprimés 6 Shouling taijians, 10 Taijian yisheng, 4 Cuiling ; en 1691, ont été ajouteés 1 Guanling 170 , 1 Neifuguanling171 , et supprimés 2 Zongguan taijian yisheng, 2 Guanku shouling, 1 Guanku shouling taijian ; en 1694, ont été ajoutés 26 fuyi ; ou encore en 1699, 1 Bitieshi a été supprimé. Les modifications des effectifs de la Pharmacie impériale suivent souvent les besoins actuels et réels de la Cour de Médecine impériale172.

45- L’organisation. Cette pharmacie qui se situe à la Cité interdite comprend deux parties : la Pharmacie impériale interne qui supervise les besoins médicamenteux de l’empereur et ses proches, et la Pharmacie impériale externe qui est pour les services internes du palais. Vers la fin de la dynastie Qing, la structure du palais est devenue encombrante. En dessous de la Pharmacie impériale, plusieurs pharmacies accessoires sont installées aux habitations des membres impériaux importants comme la pharmacie du palais de Shoukang173, la pharmacie du palais de Chuxiu174 et la pharmacie de l’ancien palais d’Eté.

160Département impérial des Ménages (内务府, Neiwufu). 161 Zongguan taijian yisheng (总管太监医生, le chef qui est un médecin, et qui est un eunuque). 162 Fuguan shouling (府管首领, le chef général). 163 Kuguan shouling taijian (库管首领太监, le chef de magasin qui est un eunuque). 164 Bitieshi (笔贴式, le secrétaire). 165 Lingcun (领催, le caissier). 166 Shouling taijian (首领太监 le chef des eunuques). 167 Taijian yisheng (太监医生, médecin-eunuque). 168 Taijian (太监, l’eunuque). 169 Fuyi (夫役, la corvée). 170 Guanling (管领, le chef). 171 Neifuguanling (内副管领, le vice-chef intérieur). 172 Zhang, « Research on Beijing Medical Mode of Chinese Medicine in Qing Dynasty », 27. 173 Palais de Shoukang (寿康宫, Shoukanggong), le palais se situe à l’ouest de la Cité Interdite, où habitait la concubine de l’ancien empereur. 174 Palais de Chuxiu (储秀宫, Chuxiugong), le palais pour la concubine de l’empereur, lequel se situe à l’ouest de la Cité Interdite. Il était le palais de Cixi. 74

46- La fonction principale de ces pharmacies est de garder des ingrédients médicinaux venant, comme le tribut, des provinces, d’acheter des ingrédients médicinaux et de préparer les médecines pour les membres de la famille impériale175. Les ingrédients médicinaux dont la Pharmacie impériale a besoin sont achetés chez les herboristes qui se chargent de choisir des ingrédients médicinaux considérés comme de la meilleure qualité. Ensuite, les officiers de la Pharmacie impériale justifient et choisissent une seconde fois ces ingrédients. Ce sont les médecins de la Pharmacie impériale qui préparent eux- mêmes les médicaments servis176.

3) La section de reboutement.

47-L’origine. La section de reboutement s’appelle Chuobanchu177 en Chinois, En effet, celle-ci est une section de l’écurie impériale178, qui est chargée du maintien de tous les chevaux du palais. Cet organisme appartient au département impérial des Ménages, dans la Cité interdite. L’apparition de cette section était liée au besoin médical militaire : après des années de guerre pour s’emparer du pouvoir, les médecins mongoles ont accumulé une riche expérience pour guérir des déboîtements ou des blessures traumatisées parmi les soldats de l’armée mandchoue. Sous l’empereur Qianlong, le gouvernement réaménagea le dispositif médical, et commença à prêter de l’importance à ces médecins mongols.

48- Le statut de la médecine mongole dans la médecine de palais. L’existence de cette section est une des spécialités de la médecine de palais de la dynastie Qing. Car cela montre que l’une partie de la médecine mongole était sérieusement assimilée dans la médecine de palais179 :

Malgré le statut d’officier du palais, la position de ces médecins mongols était assez bas.

175 Jiangyan Xu, Jun Liang, et Jingwei Li, « 清朝御药房名实及紫禁城署所居址考辨 (Qingchaoyuyaofangmingshijizijinchengshusuojuzhikaobian, L’appellation et l’emplacement de la Pharmacie impériale de la dynastie Qing) », 2008, 156. 176 Kun, 钦定大清会典 (Qindingdaqinghuidian, Code administratif authentiqué par l’empereur), vol. 81. 177 Chuobanchu (绰班处). 178 Ecurie impériale(上驷院, Shangsiyuan). 179 Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:1. 75

« Le chef des médecins mongols » est le médecin le plus expérimenté parmi tous les médecins mongols du palais et qui a pour charge non seulement de la gestion de la section de reboutement, mais aussi d’enseigner les élèves et les médecins mongols. Cependant, par rapport au responsable de la Cour de Médecine impériale lequel était dans le cinquième rang du classement officiel des fonctionnaires impériaux, « le chef des médecins mongols » se situait juste dans le huitième rang du même classement officiel180.

Ainsi, l’organisation de cet section était beaucoup plus simple que celle de la Cour de Médecine impériale. Les candidats sont choisis parmi les membres de la Bannière Jaune, la Bannière Jaune à bordure et la Bannière Blanche181. 10 personnes pour chaque Bannière, donc 30 personnes au total assument la fonction de « médecin mongol » qui ont pour mission de guérir les déboitements et autres blessures traumatiques des soldats du gouvernement182.

Les activités des médecins mogols privilégiaient les traitements pour les officiers de palais avec des règles sévères : quand l’officier de palais est blessé, il faut lui envoyer le médecin mongol. Le délai de guérison doit être fixé, et s’il y a un retard, le médecin mongol sera puni 183.

B. Les établissements médicaux de la médecine ambulatoire.

Depuis la naissance de la médecine chinoise en Chine, l’accès à la profession médicale n’était toujours pas contrôlé, c’est-à-dire que tout le monde qui avait la volonté d’être médecin pouvait en exercer l’art. Il existe bien sûr une exception comme nous l’avons vu, dans le cas de la sélection des médecins impériaux. Pour le reste des cas, l’Etat ne se soucie pas de l’enseignement de la médecine ni de la qualification des médecins en circulation. Le peuple fait la différence spontanément entre les médecins compétents et les médecins ignorants, en fonction de leurs résultats de traitement et de leur volonté.

180 Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:1. 181 La Bannière Jaune, la Bannière Jaune à bordure et la Bannière Blanche font partie du système de Huit Bannières du pouvoir mandchou, Mark C. Elliott, The Manchu way: the eight banners and ethnic identity in late imperial China (Stanford University Press, 2001), liv. Préface. 182 Le médecin mongol le plus connu vers la fin de la dynastie Qing est Xiaxiwu (1880-1960) de la Bannière Blanche qui entre au Chuobanchu en 1899 et devient l’expert d’ostéopathologie en R.P. de Chine. 183 Zhao, 清史稿 (Qingshigao, L’article de l’histoire de la dynastie Qing), 3778. 76

La médecine ambulatoire est représentée principalement par les praticiens individuel (1), les pharmacies (2) et une petite partie des œuvres de bienfaisances (3).

1) Les praticiens individuels

Sous le nom général « Yi 184 », les médecins qui pratiquent l’art de guérir individuellement ont des appellations différentes, par le peuple, comme « Vendeur de médicament 185 », « Daifu 186 » ou « Langzhong 187 ». Selon les statuts et les spécialités, la composition de la profession est assez complexe qui inclut « Guanyi 188 », « Shiyi 189 », « Minjianyi190» :

49- Guanyi. Guan (官) signifie autorités, fonctionnaire, officiel etc., le Guanyi (官医) est ainsi un médecin employé par les autorités locales pour soigner les maladies des prisonniers dans les prisons locales. Seuls les médecins qui sont en exercice de leur profession peuvent être recrutés. Parmi eux, il se trouve aussi des médecins impériaux. En effet, les salaires des médecins impériaux sont assez bas, dans ce cas-là, en pratique, la Cour de Médecine impériale n’interdit pas expressément aux médecins impériaux de pratiquer les activités en dehors de palais, qui permet certains médecins impériaux d’avoir un revenu supplémentaire191.

En général, les Guanyi sont des médecins généralistes qui ont suivi une formation à la Cour de Médecine impériale, et qui ont souvent une compétence incomparable dans un domaine. Le statut social des Guanyi est inférieur que celui des médecins impériaux mais beaucoup plus honorable que celui des autres médecins ambulatoires. Ils soignent les prisonniers et de temps en temps le peuple, et en gardant son statut officiel local, ils peuvent dans le même temps être

184 Yi (医, médecin ou médecine). 185 Vendeur de médicament (Maiyao Xiansheng, 买药先生). 186 Daifu (大夫). 187 Langzhong (郎中). 188 Guanyi (官医). 189 Shiyi (仕医). 190 Minjianyi (民间医). 191 Ke Xu, 清稗类钞 (Qingbaileichao, Anthologie des anecdotes de la dynastie Qing) (Pékin: Zhonghua Book Company, 1984), 4119. 77 médecins ambulatoires192.

50- Shiyi. En chinois, le terme Shi (仕) a des sens comme officier, fonctionnaire et mandarin. Les Shiyi (仕医) sont des mandarins qui connaissent l’art de guérir et qui soignent les maladies. Celui-ci est une succession de Ruyi193. Depuis que les lettrés ont commencé à « mettre leurs pieds dans la médecine » à l’époque de la dynastie Song (960-1279), et malgré le mépris qui existait toujours pour la profession médicale, le nombre de lettrés qui apprend la médecine augmente continuellement. Ces médecins ne demandent souvent guère de rémunération pour se distinguer des « vrais médecins » et pour conserver leur honneur d’être lettrés. La situation a naturellement évolué jusqu’à la fin de l’Empire : après la première guerre de l’opium en 1840, et au fur et à mesure, le fonctionnement de la Cour de Médecine impériale fut interrompu, et ainsi la formation et la pratique de la médecine ambulatoire furent durement perturbées. A la faveur du chaos social, la profession médicale devint lucrative. En ajoutant à ces conditions un désespoir grandissant quant à leur influence sur la politique réelle, les lettrés s’orientent de plus en plus vers le domaine médical professionnel.

51- Minjianyi. Les Guanyi et les Shiyi sont des médecins qui ont plus ou moins de liens avec les autorités. Ce n’est pas le cas pour les Minjianyi (民间医), lesquels peuvent être traduits par les « médecins populaires ». Bien entendu, il existe des charlatans et des médicastres, mais ils n’entrent pas dans le cadre de notre discussion. Les vrais médecins qui ont des statuts populaires et qui pratiquent leur profession médicale sont la majorité incarnant le terme « le médecin en médecine chinoise ». Les domaines de compétence des médecins populaires sont variables, d’un bout à l’autre du spectre des spécialités de la médecine chinoise, mais la majorité se spécialisent en médecine interne. Traditionnellement, au cours d’un traitement, les « internistes » appliquent aussi l’acuponcture vue par la médecine d’aujourd’hui comme un traitement externe. Après l’édit de l’empereur Daoguang émis en 1822 qui concerne la

192 Ibid. 193 Ruyi (儒医), médecin confucianiste, apparaît à la dynastie Song (960-1279). Les Ruyis sont des intellectuelles confucianistes qui ont , malgré le mépris pour la profession médicale de la société, accepté et pratiqué la médecine chinoise, Lingwei Li, « Médecine traditionnelle chinoise (zhong guo chuan tong yī xue 中国传统医学), médecine chinoise (zhōng yī, 中医 ), médecine han (han yī, 汉医), médecine nationale (Hua yī, 华医 ) et médecine du pays (Guoi yī, 国医): essai de clarification », in Le droit de la médecine chinoise dite « traditionnelle »: actes du Colloque sino-européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises, des 16 et 17 décembre 2013, Hangzhou, Chine, [organisé par Aix-Marseille Université, l’Académie des sciences sociales du Zhejiang et l’Université de médecine traditionnelle chinoise du Zhejiang] : [actes du XIIIe Colloque du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille, éd. par Antoine Leca, Jun Shen, et Banggui Jin (Bordeaux: Les Études Hospitalières, 2015), 37. 78 suppression de l’acuponcture dans la médecine de palais, ce sont les médecins populaires qui ont maintenu cette manière de traitement au milieu du peuple194.

Parmi les médecins populaires, en effet leurs statuts sociaux sont liés avec leurs spécialités. Parce que, d’abord, les médecins héritiers des familles médicales sont excellents, en profitant de leurs recettes secrètes de famille transmises depuis plusieurs générations, souvent meilleurs que les praticiens en médecine externe ou que les chirurgiens, en plus, grâce à leurs connaissances relativement systématisée, ce sont les seuls médecins qui s’orientent dans le domaine de la pédiatrie ; ensuite, la plupart des médecins sont des lettrés, et pour l’honneur d’être lettrés, ils se sont seulement mis à la médecine interne ou à la médecine généraliste ; puis, en comparaison avec les deux premiers, les praticiens en médecine externe ou les chirurgiens héritiers de techniques ancestrales qui s’occupent de nombreuses maladies courantes comme le clou, le furoncle, ou encore l’abcès ont un statut social plus bas195.

Il est difficile de connaître le chiffre exact des médecins individuels après la première guerre de l’opium et avant la fin de l’Empire. Néanmoins, selon un « Guide pratique de Pékin » publié en 1910, les emplacements des médecins étaient au nombre de plus de 117, et la plupart d’entre eux se situaient au centre-ville ou au centre commercial de Pékin196. En regardant cette enquête, et pour une capitale d’un grand pays, ce chiffre ne paraît pas extrêmement élevé. Quoi qu’il en soit, ceux-ci constituent les principaux recours aux besoins médicaux du peuple.

2) Les pharmacies populaires individuelles

52- L’apparition de pharmacie dû au développement de la profession médicale et le laisser-aller du gouvernement mandchou. Depuis les origines, quand les médecins doivent donner des soins aux patients, ils prennent les médicaments dont ils ont besoin avec eux. Jusqu’à la dynastie Song, et une certaine évolution de la profession médicale, les médecins se concentrent sur le diagnostic, la prescription des ordonnances et le traitement. Ils se séparent du patient avec la vente des médicaments.

194 Zhang, « Research on Beijing Medical Mode of Chinese Medicine in Qing Dynasty », 32‑40. 195 Ibid., 37‑40. 196 Wang Kangjiu et Liu Guozhu, 北京卫生大事记- 补遗 (Beijingweishengdashiji-Buyi, Chronique des événements importants de la santé de Pékin-Appendice) (Beijing Science and Technology Press, 1996), 241. 79

Durant la période des Song du Nord (960-1127), les autorités créèrent la pharmacie qui s’appelle « Taiping huiminju197 » ; Les dynasties suivantes198 suivirent le système de la dynastie Song, et installèrent la pharmacie « Huiminyaoju199 ». Ordinairement, ces pharmacies vendaient les médicaments au peuple, et en cas d’épidémie, ces pharmacies distribuaient gratuitement les médicaments. Lors de la dynastie Qing, le pouvoir mandchou a subitement supprimé le Huiminyaoju, et alors face à cette lacune, les pharmacies populaires individuelles ont pris le relais. Puis, de l’établissement de la dynastie Qing jusqu’à la fin de l’Empire, en raison de la question du financement, les médecins qui soignaient les maladies n’arrivaient guère à se fournir les médicaments requis. Par conséquent, les pharmacies populaires individuelles avaient obtenu une place centrale dans l’ancien système pharmaceutique chinois. Bien entendu, il ne faut pas exclure les cas dans lesquels certains médecins, en jouissant de leur réputation, réussissent à tenir leurs propres pharmacies et deviennent « Zuotangyi200 » qui signifie « le médecin présenté à la pharmacie ». Par exemple les fameuses pharmacies « Tongrentang 201 » et « Heniantang 202 », qui sont d’ailleurs encore réputées en Chine d’aujourd’hui.

53- La gestion sur la vente des médicaments basée sur le principe « sans procès ». La prospérité des pharmacies individuelles conduit inévitablement à la concurrence déloyale qui demande une gestion de l’Etat sur l’ordre des marchés et sur la qualité des ingrédients médicinaux. Du fait que le statut des pharmacies populaires individuelles est ignoré par le Code pénal, on ne trouve qu’une réponse de l’empereur Jiaqing en 1815 : dans l’affaire sur laquelle un vendeur des ingrédients médicinaux change la composition prescrite sur les ordonnances dans le but de gagner un profit exorbitant, il suffit d’appeler une intervention du gestionnaire de quartier pour empêcher ce comportement malhonnête, et il n’y a pas de nécessité de décréter un édit pour ce genre d’affaire203. En 1852 eut lieu une affaire célèbre : certains hors-la-loi fabriquèrent et vendirent de faux médicaments qui endommagèrent la santé de plusieurs patients, sous le nom usurpé de certaines pharmacies réputées (ex. : Tongrentang). Au lieu d’intervenir activement, les autorités locales attendirent que les pharmacies en question entament des

197 Taiping huiminju (太平惠民局, littéralement, bureau pacifique en faveur du peuple). 198 La dynastie Yuan (1271-1368) et la dynastie Ming (1368-1644). 199 Huiminyaoju (惠民药局, littéralement, bureau pharmaceutique en faveur du peuple). 200 Zuotangyi (坐堂医). 201 Tongrentang (同仁堂). 202 Heniantang (鹤年堂). 203 清实录- 清 仁 宗 实 录 (Qingshilu-Qingrenzongshilu, Chronique officiel de la dynastie Qing-l’empereur Renzong), vol. 350 (Pékin: Zhonghua Book Company, 1985), 53. 80 poursuites ; et pour finir, la punition pour les coupables fut assez légère : quelques jours de cangue devant public, une interdiction d’utiliser le nom de Tongrentang, et l’ordre formel d’arrêter de vendre de faux médicaments204205. De fait, sauf les crimes décrits dans le Code pénal, l’Etat laisse la profession pharmaceutique progresser et se réguler spontanément. Cela confirme encore une fois la mentalité juridique traditionnelle chinoise sur basée sur le « sans procès » : l’éthique est pour les « hommes de bien » et le droit est fait pour les « barbares » ; le procès est un pis-aller qui n’est pas encouragé par le gouvernement, même pour le peuple, en cas de conflit, la partie en question préférant mettre sa confiance sur le « karma » plutôt qu’aller recourir à la justice.

3) Les œuvres de bienfaisance

54- Les œuvres de bienfaisance ont un rôle accessoire dans le système sanitaire traditionnel chinois. Précisément, elles peuvent être considérée comme un moyen de recours médical pour le peuple en difficulté dans la société.

Les œuvres de bienfaisance étaient nombreuses, mais elles ont établi juste grâce à la générosité des particuliers. C’est-à-dire que, généralement, les œuvres de bienfaisance médicales établies par les autorités comme un hôpital offrant des soins médicaux n’existaient pas réellement. C’étaient plutôt des pharmacies gratuites ou des asiles, pour les vieillards, veufs et veuves, délaissés et orphelins, malades et infirmes et les indigents qui n’avaient plus de proches pour les secourir et se trouvaient incapables de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance, qui étaient ouvertes par des individus et qui offraient des aides médicales très limitées206.

55- L’attitude de l’Etat face aux œuvres de bienfaisance. Par contre, si certaines d’entre elles fonctionnent bien, il est possible que l’Etat confirme leur statut et leur accorde un soutien

204 Xin Huang et Tao Huang, « 《同仁堂药目》和清末药肆的官司 (“Tongrentangyaomu”heqingmoyaosideguansi, “Catalogue des médicaments de Tongrentang” et les procès des pharmacies de la fin de la dynastie Qing) », Chinese Journal of Medical History), no 03 (2004): 42. 205 Zhang, « Research on Beijing Medical Mode of Chinese Medicine in Qing Dynasty », 40‑48. 206 Gui Boulais, Manuel du code chinois (Chang-Haï/www.chineancienne.fr: Imprimerie de la Mission Catholique/Edition en format texte par Pierre Palpant, 1924), 252. 81 financier. C’étaient par exemple les cas des Pujitang207 et Yuyingtang208 : Un Pujitang est un asile connu pour les sans-abris dont la structure existe entre 1697 et 1907. En 1705, les pujitang sont honorés par l’empereur Kangxi, et à partir de 1706, l’Etat leur affectait une somme régulièrement209 ; Les Yuyingtang sont quant à eux des orphelinats pour les enfants de moins de 4 ans abandonnés, en service entre 1662 et 1875. En 1735, l’empereur Yongzheng confirme la fonction d’aide humanitaire et médicale des Pujitang et Yuyingtang par son édit ; par la suite, le gouvernement leur affecte des sommes régulièrement210.

II. La formation en médecine chinoise.

La médecine chinoise est née des pratiques et des expériences millénaires du peuple chinois. A son commencement, le seul moyen d’enseignement est par voie orale. Puis, par la suite, en profitant de l’arrivée de l’écriture, et de l’apparition de la profession médicale, jusqu’à l’époque de la dynastie Sui et Tang (581-907), la formation de la médecine chinoise se fait par le biais de l’école des médecins. A la dynastie Qing, cette formation connaît sa spécialisation finale, c’est-à-dire que la formation définitive de la médecine chinoise se réalise, au palais, par une formation officielle qui privilège les candidats venus des familles des médecins impériaux (A) ; et au sein du peuple, par une relation maître-disciple et à l’école des médecins (B).

A. La formation officielle en médecine chinoise.

La formation officielle en médecine chinoise est tenue et dispensée par le palais ou par les autorités locales. Elle se décline par la formation de la Cour de Médecine impériale et la formation locale aux provinces. L’enseignement (1) et la qualification (2), chacun a ses propres particularités, mais sous la circonstance sociale après 1840, il s’agit généralement d’une période de décadence.

207 Pujitang ( 普济堂, 普 (pu) : universel, 济 (ji) : aide, 堂 (tang) : maison, littéralement, maison de l’aide universelle). 208 Yuyingtang (育婴堂, 育(yu) élever/éduquer, 婴(ying) : nourrisson, 堂(tang) : maison, maison pour élever les nourrissons). 209 Qingchao Tongdian, vol. 17, presse Shanghai, 1988, p2123 210 Qinghuidianshili, vol. 269, Pékin, Zhonghuashuju, 1991. 82

1) L’enseignement.

56- La formation officielle de la médecine de la dynastie Qing était en décadence. En comparant avec les dynasties antérieures, cette décadence dûe à la négligence des gouverneurs mandchous au début de la conquête du pouvoir, ainsi qu’aux bouleversements socio- économiques à la fin de l’Empire.

La Cour de Médecine impériale se charge de cette formation, mais il n’existe pas un établissement d’enseignement spécifique auprès de la Cour de Médecine impériale. En effet, ce sont les médecins impériaux qui en plus de leur fonction, cumulent le rôle d’enseignant, et se différencient par Neijiaoxi211 et Waijiaoxi212 : le Neijiaoxi se charge d’enseigner aux eunuques de la Pharmacie impériale par les livres classiques de la médecine chinoise ; le Waijiaoxi se présente à la Cour de la Médecine impériale, qui enseigne l’art de médecine chinoise aux élèves de la Cour de Médecine impériale. Les Neijiaoxi et Waijiaoxi sont des médecins prééminents et qui ont des qualités remarquables, tant par leur qualité morale que par leur savoir et qui sont choisis dans la liste des médecins impériaux.

Néanmoins, après 1840, seul demeure le poste de Waijiaoxi pour envisager d’enseigner la médecine chinoise aux élèves de la Cour de la Médecine impériale, car le poste du Neijiaoxi est supprimé par l’édit de l’empereur Qianlong213, afin d’éviter que les eunuques ne s’immiscent trop dans la politique214.

Les Waijiaoxis sont composés de 2 enseignants et 2 agents administratifs. Ces 2 enseignants et 2 agents administratifs sont enregistrés auprès de la Cour de Médecine impériale. Leur responsabilité principale est l’enseignement de la médecine chinoise et la correction des devoirs des élèves. L’endroit où les cours ont lieu s’appelle « Jiaoxiting215 » et se situe devant Tian’anmen216 et à l’est du ministère des Rites, soit tout près du nord de la rue du Quartier des

211 Neijiaoxi (内教习, Enseignant interne). 212 Waijiaoxi (外教习, Enseignant externe). 213 Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:11. 214 Xu, 清稗类钞 (Qingbaileichao, Anthologie des anecdotes de la dynastie Qing), 443. 215 教习厅, Jiaoxiting, 教习(jiaoxi): enseignement, 厅(ting): salle; salle d’enseignement. 216 Tian’anmen (天安门,la porte de la Paix céleste). 83 légations de Pékin d’aujourd’hui. Les élèves sont choisis par des examens rigoureux parmi les lettrés, mais les enfants des médecins impériaux ont tous le droit d’entrer directement dans le Jiaoxiting217.

Vers la fin de la dynastie Qing, cette formation est beaucoup perturbée par la révolte des paysans pendant 30 ans. Jusqu’en 1865, après la répression du soulèvement des Taiping, le gouvernement restaure la formation de la médecine à la Cour de Médecine impériale. En 1866, selon le rapport de Hu Qingyuan218, d’après la réponse collective du ministère des Rites et de la Cour de Médecine impériale devant l’empereur Tongzhi219, le gouvernement décide de rétablir le Jiaoxiting avec une nouvelle nomination : « Yixueguan 220 » qui comprend 3 Jiaoxi et 3 Shouzhang221. Ces personnes ne sont pas des permanents à la Cour de Médecine impériale. Les cours ont lieu en fonction de dates fixes (chaque 1er et 15 du mois). Toutefois, à cause de manque de financement, il est difficile de trouver des personnages adaptés pour l’enseignement, ainsi que pour entretenir les installations nécessaires. Par conséquent, le nombre de matières se réduisit continuellement : en 1866, les matières conservées sont seulement la médecine générale, la pédiatrie, la chirurgie, l’ophtalmologie, et l’odontologie. En suivant cette décadence, le palais est obligé d’appeler les médecins populaires pour pallier à l’insuffisance des médecins impériaux.

57- La Cour de Médecine impériale a reconu la médecine occidentale. Ce phénomène a attiré l’attention de certains mandarins qui se soucient de l’avenir de la médecine chinoise. En 1908, la Cour de Médecine impériale entame une réforme, pendant laquelle une nouvelle maison d’enseignement « Xinyixueguan222 » est créée, dans le but de former des élèves pour qu’ils puissent avoir une connaissance sur la médecine amenée par les Européens, dite « médecine occidentale », aussi bien que sur la médecine chinoise. Le plan de formation est de recruter 60 élèves en médecine chinoise pour une durée d’études de 5 ans et 60 élèves en médecine occidentale pour une durée d’études de 8 ans. Cela est une tentative d’effort de la Cour de Médecine impériale concernant la formation officielle de la médecine dans le but de

217 Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923, Zhizhang:1. 218 Hu Qingyuan (胡庆源, il était un censeur impérial). 219 Le règne de l’empereur Tongzhi : 1861-1875. 220 Yixueguan (医学馆, 医学(yixue): médecine, 馆(guan); maison de la Médecine). 221 Shouzhang (收掌), officier qui est chargé de distribuer et de récupérer les copies pendant l’examen de Keju. 222 Xinyixueguan (新医学馆, 新(xin) : nouveau, 医学(yixue) : médecine, 馆(guan) : maison ; maison de la Médecine nouvelle). 84 s’adapter à la situation sociale réelle. Malgré la défaite du projet amenée par la chute du pouvoir mandchou en 1911, cette tentative a mis en lumière l’intégration de la médecine chinoise et de la médecine occidentale au début du XXe siècle. Le développement sur ce sujet se trouve plus bas dans le chapitre sur les réactions à la pénétration de la médecine occidentale.

2) La qualification.

58- L’examen pour être médecin impérial est extrêmement sélectif. Contrairement à l’accès libre pour les médecins populaires hors du palais, sauf selon l’édit exceptionnel de l’empereur, les Yuanshis, les Yuanpan et certains médecins ordinaires de l’empereur qui n’ont pas besoin de passer les examens, les candidats au poste de médecin impérial doivent passer des épreuves qui sont généralement basées sur les grands classiques de la médecine chinoise, dont le « Suwen 223 », le « Nanjing 224 », le « Bencaogangmu », le « Maijue 225 » etc. 226 Les examens ont lieu chaque trimestre, mais après 1866, les examens ont lieu chaque février et août du calendrier chinois. Les sujets sont choisis par les responsables qui sont souvent le Yuanshi et le Yuanpan de la Cour de Médecine impériale, et leur contenu est divisé entre la partie théorique et la partie de cas pratique. Les critères de la sélection dépendaient du niveau de la connaissance sur les doctrines médicales, de la capacité de traitement des maladies et de la qualité de la prose littéraire227. Après les épreuves, les résultats sont classés en 3 niveaux, et chaque niveau contient encore 3 degrés. Le recrutement suit le classement accordé par les jurys : le recrutement commence par les candidats du premier niveau, et quand les candidats du premier niveau sont épuisés, ceux de deuxième niveau seront recrutés, et ainsi de suite. Les non-qualifiés ont le droit de continuer leurs études jusqu’à ce que le résultat des épreuves leur

223 Suwen (素问). 224 Nanjing (难经). 225 Maijue (脉诀). 226 Gang Kun, 钦定大清会典事例-光绪朝 (Qindingdaqinghuidianshili-Guangxuchao, Code administratif (les cas) authentiqué par empereur-l’empereur Guangxu), vol. 1150 (Xinwenfengchubangongsi, 1899). 227 La qualité de la prose littéraire est un caractère requis pour tous les examens écrits en Chine ancienne. Dans le livre Taiyiyuanzhi, on en trouve aussi la preuve sur la « Charte d’Examen de la Cour de la Médecine Impériale ». Selon l’article premier, « Les sujets d’examen doivent être clairement posés et respecter l’intégralité des contenus des doctrines classiques, ainsi les commentaires doivent être simples et clairs » ; l’article 9, « les réponses et les sujets ne doivent pas être mal-alignés, les écritures ne doivent pas être négligées et illisibles, le nombre de rature ne doit pas dépasser 100, il ne faut pas dépasser la limite des copies et salir les copies », Ren, 太医院志 (Taiyiyuanzhi, Annales de la Cour de Médecine impériale), 1923. 85 soit favorable228.

59- Seul les meilleurs médecins peuvent être reconus par les autorités locales. Quant à la formation officielle locale qui se trouve dans les provinces, les grands coordonnateurs des provinces se chargent de choisir les médecins expérimentés pour passer les examens basés sur les grands classiques de la médecine chinois : Neijingzhushi 229 , Bencaogangmu 230 , et Shanghanlun231. Les qualifiés seront recruté comme Jiaoxi, à raison d’un Jiaoxi par province qui a le droit de recevoir un salaire pendant 3 ans. Si le Jiaoxi est considéré émérite, il peut être recruté comme médecin impérial par la Cour de Médecine impériale. En attendant, il faut choisir un autre Jiaoxi parmi les élèves médecins dans la province232.

B. La formation populaire de la médecine.

Il manque de législation nationale concernant la gestion de la formation populaire de la médecine, mais cela ne veut pas dire que le domaine est dans le désordre. Car selon la tradition, la formation populaire a suivi un ordre spontané ou on peut dire que ce domaine fonctionne avec sa propre coutume.

La formation populaire se présente par l’étude indépendante, ainsi que par l’enseignement privé dispensé par les maîtres ou les écoles privées. Ces formes d’enseignement sont directes, spontanées, mais irremplaçable dans l’histoire de la médecine chinoise.

60- Le perfectionnement de la théorie de la médecine chinoise s’est éffectué par les lettrés spontanément. Comme ce qui est dit dans le texte qui précède, l’étude indépendante est une manière pour apprendre la médecine qui s’adapte bien aux lettrés. En profitant de leur savoir, leur contribution la plus remarquable consiste en différents ouvrages sur la théorie, la méthodologie, l’ordonnance ou la pharmaceutique chinoise, comme le Tangtougejue 233 , le

228 Hongsheng Zhang, « Examination for Medical Officials and Its Question Examples in Qing Dynasty », Chinese Journal of Medical History, no 02 (1995): 95‑96. 229 Neijingzhushi (内经注释). 230 Bencaogangmu (本草纲目). 231 Shanghanlun (伤寒杂病论). 232 钦 定 大 清 会 典 事 例 - 宣 统 朝 (Qindingdaqinghuidianshili-Guangxuchao, Code administratif (les cas) authentiqué par l’empereur-l’empereur Xuantong), vol. 1150 (Shanghai: Commercial Press, 1910), 2. 233 Tangtougejue (汤头歌诀). 86

Yixuesanzijing234, qui ont transmis leur influence jusqu’à aujourd’hui.

61- L’enseignement privé était la manière d’enseignement la plus répandue. L’histoire de cette méthode d’enseignement peut remonter dans l’histoire à l’époque des Printemps et Automnes (770-476 av. J.-C.). Généralement, soit le maître transmet ses connaissances aux élèves, soit le père transmet ses connaissances aux fils. On en trouve la preuve dans le grand classique de la médecine chinoise « Lingshu·Guanneng 235» : Si on obtient une personne apte, on lui enseigne la médecine, sinon rien ne sera transmis236. Les exemples se donnent par le fait que Zhang Zhongjing (150-219)237 était l’élève de Zhang Bozu238, Li Dongheng (1180-1251)239 était l’élève de Zhang Yuansu (1131-1234)240, Zhang Congzheng (1156-1228)241 était l’élève de Liu Wansu (1110-1200)242 etc. D’après les annales du village Xiaoyi, depuis 1850, les cinq générations de la famille Shen, les quatre générations de la famille Feng et les trois générations de la famille Tian et Liu étaient des médecins243.

Les méthodes principales sont d’enseigner la médecine selon la capacité des élèves, par les grands classiques de la médecine chinoise et en pratiquant les soins en suivant les maîtres médecins. L’avantage de cette méthodologie est qu’elle correspond mieux la demande de la médecine chinoise qui est une médecine née entièrement de la pratique.

62- La formation par école privée était freinée par l’Etat. Quant aux écoles privées, elles étaient impactées par la circonstance politique de l’époque, précisément par le conflit entre les Mandchous et les Han. Car au début de la dynastie Qing, pour éviter l’opposition des lettrés Han face au pouvoir Mandchou, en 1652 le gouvernement a publié un ordre circulaire pour

234 Yixuesanzijing (医学三字经). 235 Lingshu·Guanneng (灵枢-官能). 236 Lingshu, People’s medical publishing house, Pékin, 1993, 132. 237 Zhang Zhongjing (张 仲景), fameux médecin chinois à la fin de la dynastie des Han orientaux. 238 Zhang Bozu (张 伯祖), fameux médecin de la dynastie Han orientaux. 239 Li Dongheng (李 东恒), un des quatre médecins les plus connus pendant la dynastie Jin et la dynastie Yuan. 240 Zhang Yuansu (张 元素), médecin, fondateur de l’école Yishui (易水), ses œuvres principales : Yixue quyuan, Yaozhunanjing, etc. 241 Zhang Congzheng (张 从正), fameux médecin de la dynastie Jin. 242 Liu Wansu (刘完素), fameux médecin pendant la dynastie Jin et Yuan. 243 Jingyan Cui, « 清朝传统医学教育研究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, Etude de la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) » (Thèse en histoire, China Academy of Chinese Medical Sciences, 2007), 27. 87 interdire la création des académies244. C’était grâce à l’édit de l’empereur Yongzheng en 1733245 concernant ouvrir des écoles privées pour permettre les lettrés de préparer et de participer l’examens impériaux246 la situation a pu améliorer. Cependant, sauf quelques écoles se trouvent au sud de la Chine, comme dans la province du Zhejiang, l’importance de ce type de formation est très restreinte247. En effet, l’essor de la formation par les écoles privées doit attendre jusqu’à la Réforme de la fin de la dynastie Qing, mais celui-ci ne concerne plus la formation traditionnelle.

***

Dans l’ancien régime, la différence entre la médecine de plais et la médecine ambulatoire n’est pas faite par la théorie de la médecine, mais par le système médical impérial. L’empereur était considéré comme le fil du ciel, il profitait donc les meilleures ressources médicales. Le phénomène est prouvé par le fait que les lois concernant l’organisation et le fonctionnement des établissements de santé impériaux, la gestion des médecins impériaux, le contrôle sur la qualité et la sureté des médecines, etc. sont relativement nombreux. Par contre, quant à la médecine ambulatoire, la formation, l’accès à la profession et la gestion des marchés de médicament étaient tous spontanés. Il faut dire que la législation pour la médecine de palais est juste un cas exceptionnel pour assurer la santé et la sécurité corporelle des empereurs et leur famille. En pratique, selon la particularité du droit chinois traditionnel, dans la vie quotidienne des Chinois, ce sont plutôt des règles à caractère de sanction se trouvant dans le code pénal encadre les exercices de la médecine chinoise.

244 Bingzhao Wang, « 清代的文教政策和书院发展 (Qingdaidewenjiaozhengceheshuyuanfazhan, L’évolution des politiques culturelle et éducative et des académies de la dynastie Qing) », consulté le 1 juillet 2017, http://www.readers365.com/wenhua/wh064/23.html. 245 Zhuang Jifa, 清史事典 (Qingshishidian, Recueil de l’histoire de Qing), 雍正事典 (Yongzhengshidian, Recueil de l’empereur Yongzhong) 5 (Yuan-liou Publishing, 2005), 163‑71. 246 Examens impériaux (科举, keju). 247 Cui, « 清朝传统医学教育研究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, Etude de la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) », 27‑30. 88

Section II : Les dispositions concernant l’exercice de la médecine chinoise : la prévalence des règles à caractère de sanction

La particularité du droit de la dynastie Qing est d’hériter des caractéristiques du système juridique traditionnel chinois qui, en réunissant toutes les matières du droit, donne la première importance au droit pénal. De plus, l’exécutif se charge de la juridiction. Le dominateur mandchou transmet sa volonté dans le code pénal, ce qui se traduit par des règles à caractère punitif.

La sécurité médicale concerne la santé voire la vie de l'empereur et ses proches. Depuis toujours, les empereurs se soucient de la sûreté des activités médicales pour leur propre santé. Suivant la tradition, l’empereur est le fils du ciel, et les autres classes sont toutes des sujets du souverain. Dans ce contexte, la protection médicale concernant l’empereur et ses proches est caractérisée par les règles les plus rigoureuses à comparer avec celles des classes privilégiées et de la masse, dont on trouve de minces traces dans les faibles nombres de coutumes et édits impériaux.

Dans cette section, nous analyserons distinctement les dispositions concernant l’exercice de l’art de médecine chinoise destinées à la protection de l’intérêt médical impérial (I) et les dispositions appliquées aux sujets (II).

I. Les dispositions destinées à la protection de l’intérêt impérial.

L’acte médical est un ensemble de diagnostic, de traitement et d’application de pharmacopée. La protection de la sureté médicale impériale contient les dispositions sur la sécurité de la médecine et des mets impériaux (A) et les dispositions sur la préservation de la ressource pharmaceutique (B).

A. Les dispositions sur la sécurité de la médecine et des mets impériaux.

63- La sévérité des dispositions. Au début de Daqinglüli, le code met l'accent sur la

89 protection de la sûreté médicale de l’empereur par la disposition la plus sévère selon laquelle toute violation sera traitée comme une trahison : … on s’en rend coupable, encore, …, en administrant, au souverain, des remèdes impropres, et, généralement, en commettant une erreur ou une négligence, qui peuvent compromettre la sûreté de sa personne sacrée248. Ce comportement commet le crime sacrilège qui est rangé parmi les dix scélératesses ou les dix abominations249. La personne qui viole les lois sur les dix scélératesses sera punie avec la plus grande rigueur, et si à l’offense correspond une peine capitale, il n’y aura aucun moyen de la faire pardonner.

Quant à l’activité médicale impériale, dans le Daqinglüli, on trouve une série de dispositions sur chaque étape et détails des traitements :

L’article 163 du Daqinglüli concerne « de la préparation des médecines et des mets destinés pour l’empereur »250. Le titre de cet article démontre que dans la vie quotidienne de

248 L’autorité de la dynastie Tsing, Ta-Tsing-Leu-Lé e ou les lois fondamentales du Code pé nal de la Chine: avec le choix des statuts supplé mentaires, originairement imprimé et publié à Pé kin, dans les diffé rentes é ditions successives sous la sanction et par l’autorité de tous les empereurs Ta-Tsing, composant la dynastie actuelle, trad. par George Thomas Staunton et Félix Renouard de Sainte-Croix, vol. I (Paris, France: Lenormant, Gagliani, Laloy, 1812), 22-23. 249 十恶, shi è, « 十 » : dix , «恶 » : è ; scélératesse ou abomination les dix scélératesses ou les dix abominations est une nomination collective pour les crimes graves pendant l’époque féodale chinoise. Son histoire peut remonter à l’époque Qin ou Han. Le contenu se développe graduellement. Avec un héritage du Code pénal des Dynastie Ming, Yuen, T’ang etc., l’autorité Qing l’a aussi confirmé dans son Code pénal. Selon le code mentionné ci-dessus, ce sont dix crimes (la rébellion, la déloyauté, la désertion, le parricides, le massacre, le sacrilège, l’impiété, la discorde, l’insubordination et l’inceste) qui sont rangés sous dix articles « étant distingués des autres par leur énormité, les lois les punissent avec la plus grande rigueur, et quand l’offense est capitale, elle n’est jamais pardonnée. Comme ces crimes sont toujours des violations directes des liens qui maintiennent la société, on en place le détail dans la partie introductive du code, pour apprendre, au peuple, à les craindre et à les éviter ». 250 L'article 163 du Da Qing Lü Li, « Si un médecin compose, par inadvertance, pour l’empereur, des breuvages purgatifs, que n’autorise point la pratique ordinaires, ou qu’il ne donne point, en même temps, la description des drogues qui y entrent avec la manière de les administrer, il sera puni de 100 coups. Si les ingrédients que ce médecin aura employés suivant l’usage accoutumé, ne sont ni de bonne qualité ni mixtionnés avec soin, il recevra 60 coups. Si le cuisinier qui prépare les mets de l’empereur, y fait entrer des ingrédients défendus, il sera puni de 100 coups. Si les aliments liquides ou solides, qu’il fera servir sur la table impériale, se trouvent n’avoir pas la propreté requise, il recevra 80 coups : il en recevra 60, s’ils ne sont pas de bon choix, et 50, s’il n’y goûte pas le premier. Dans chacun des cas susdits, les surintendants du service impérial et les officiers servants subiront chacun la peine à infliger au médecin ou au cuisiner, mais à deux degrés de moins. Si le surintendant, les officiers servans ou un cuisinier introduisent dans les cuisines de Sa Majesté, quelque drogue ou aliment inusité, ils seront punis de 100 coups, et contraints à les manger eux-mêmes. Si le surintendant ou les officiers servants sont instruits que les cuisiniers ou autres employés dans les cuisines impériales, ont commis des délits de la nature susdite, et qu’ils n’en fassent pas un rapport à l’empereur, ils seront sujets aux peines qui viennent d’être énoncées. Lors que ces délits seront la suite de la négligence apportée dans leurs devoirs par l’officier de garde aux portes des cuisines, ou par les officiers servants près la personne de l’empereur, ils subiront la même peine ; et dans chaque cas, les circonstances en seront, aussitôt qu’on les aura connues, rapportées à l’empereur, qui donnera sa décision en conséquence ». 90 l’empereur, les médecines et les mets sont considérées comme ayant une même importance. Il contient donc deux parties : l'apprêt des médecines et la préparation des mets.

Concernant la préparation des médecines, il s’agit d’un article qui vise les médecins impériaux et les officiers de palais. Le médecin impérial doit toujours faire attention à la sûreté de son remède fait pour l'empereur et ses proches. La qualité et la manière de préparation doivent correspondre à la pratique ordinaire, codifiée. Après l'apprêt, il faut décrire les contenus et la nature des médicaments sur l’emballage, faute de quoi, le médecin en question recevra 100 coups comme punition. Suivant l'usage accoutumé, si les qualités des ingrédients ne sont pas bonnes ou bien mixtionnés avec soin, le médecin recevra 60 coups, et l'officier en charge recevra une punition d’un degré de moins que le médecin.

Ainsi pour les mets : du point de vue de la diététique chinoise, les aliments se distinguent de nature froide, de nature chaude, de nature acide et de nature douce, car une fois absorbés, ils entraînent des influences sur l’organisme. La notion de ces natures ne dépend pas des goûts mais des aliments eux-mêmes, ainsi que de leur préparation. L’excès ou le manque de certaine nature peut entraîner un affaiblissement de l’énergie dans le fonctionnement des organes et favoriser l’apparition de symptômes indésirables. Les ingrédients et les recettes de cuisine destinés à l’empereur doivent respecter ces règles de compatibilité des différents aliments. Dans le cas contraire, il s’agit des ingrédients ou des recettes défendus. De ce fait, le cuisinier qui fait entrer des ingrédients défendus sera puni de 100 coups. Bien plus, les aliments pas suffisamment propres qui peuvent détériorer la santé de l'empereur sont aussi interdits, et en cas de violation, la punition est de 80 coups. L’empereur possède un privilège sur la qualité des aliments. Si la qualité des aliments servis à l’empereur n’est pas des meilleures, la personne responsable doit recevoir 60 coups, et il en va de même pour le retard dans le service et la température anormale du repas. Avant de servir les plats à l’empereur, il faut toujours les tester, sinon la punition est de 50 coups.

L’échelle de punition dépend de la gravité de la faute, ainsi que du niveau de

L’autorité de la Dynastie Tsing, Ta-Tsing-Leu-Lée ou les lois fondamentales du Code pénal de la Chine: avec le choix des statuts supplémentaires, originairement imprimé et publié à Pékin, dans les différentes éditions successives sous la sanction et par l’autorité de tous les empereurs Ta-Tsing, composant la dynastie actuelle, 译 George Thomas Staunton 及 Félix Renouard de Sainte-Croix, 卷 I (Paris, France: Lenormant, Gagliani, Laloy, 1812), 292–293. 91 responsabilité de la personne en question. En cas de prévarication, les surintendants du service impérial et les officiers servants subiront la même peine que le médecin ou le cuisinier coupable, mais à deux degrés de moins. Par contre, si les surintendants et les officiers servants sont au courant des délits de la nature susdite, mais ne les rapportent pas à l'empereur, ils subiront la même peine que le coupable principal. Si le surintendant, les officiers servants ou un cuisinier amènent quelque drogue ou aliment inusité à la Cuisine impériale 251 , cela est un comportement suspect qui peut être considéré comme l'intention d'empoisonner l'empereur ou ses proches. Il est donc puni sévèrement par 100 coups. En plus, les coupables doivent manger eux-mêmes les ingrédients amenés pour tester l’existence de l'intention d'empoisonnement. Si l’intention est confirmée, cet article ne sera plus applicable, car le comportement susdit consiste en un crime parmi les dix scélératesses, celui de la Rébellion252 . Mais l’article 163 du Daqinglüli porte sur des délits causés par négligence.

B. Les dispositions sur la préservation de la ressource pharmaceutique

64- L’exemple de ginseng. A la Pharmacie impériale, les ingrédients médicinaux sont soit achetés chez les herboristes, soit offerts comme tribut par les provinces. Pour assurer l’approvisionnement des ingrédients médicinaux nécessaires aux besoins médicaux de palais, le gouvernement mandchou protège les ressources pharmaceutiques rares, comme le ginseng, par le droit. On trouve un appendice de l’article 263 du Daqinglüli253, qui proclame l’interdiction de

251 Cuisine impériale (御膳房, Yushanfang). 252 La Rébellion tente de violer l'ordre que Dieu a établi dans les choses d'ici-bas, comme de nuire aux productions de la terre, qui se succèdent régulièrement sous l'influence de l'esprit qui y préside, ou d'empêcher la distribution que le souverain, qui a succédé au trône sacré de ses ancêtres, en a réglée parmi le peuple : de-là, résister à son pouvoir et conspirer contre lui, c'est troubler la paix générale et commettre les plus grands forfaits. Traduit par George Thomas Staunton et Félix Renouard de Sainte-Croix, Ta-Tsing-Leu-Lée ou les lois fondamentales du Code pénal de la Chine: avec le choix des statuts supplémentaires, p. 21. 253 En effet, cet article est sur le vol des bois d’un cimetière : « Tous ceux qui commettront le délit de voler (c’est-à-dire de couper et d’emporter) aucun des arbres du cimetière impérial, seront punis d’au moins 100 coups et bannis pour trois ans, tant les coupables principaux de ce délit que leurs complices. Le coupable principal du délit de voler des arbres dans un cimetière particulier, sera puni au moins de 80 coups, et chacun de ses complices, de 70 coups ». Comme les ginsengs poussent souvent dans les compagnes au nord-est de la Chine, et que cet endroit est l’origine du pouvoir Manchu, il y a donc des cimetières des ancêtres des empereurs. Les dominateurs suprêmes installent des poteaux rouges à 15 kilomètres en dehors de la clôture du mausolée impérial, des poteaux blancs à 7 kilomètres au-delà des poteaux rouges et des poteaux cyans à 5 kilomètres au- delà des poteaux blancs. A trente kilomètres à la ronde du mausolée impérial est donc délimitée une sorte de zone interdite : « en deçà des poteaux rouges, chaque brin d’herbe est précieux ; en deçà des poteaux blancs, 92

interdiction de couper des arbres et de récolter les herbes ; en deçà des poteaux cyans, interdiction de la fabrication des briques et céramiques pour le palais impérial et les autorités locales ». Dans l’intention première d’éviter le ravage du mausolée impérial, le dominateur mandchou interdit de récolter le ginseng sans permission, Liu, Cong. « The Research on the Medical Law of Qing Dynasty ». Thèse en histoire, China Academy of Chinese Medical Sciences, 2008. 45. L’article 263.04 : « si un Qiren (旗人, Qi : bannières, Ren : personne. Qiren : les personnes qui appartiennent au Système des Huit Bannières, lequel est un système d’organisation militaire, fondé à partir de 1601) déterre le ginseng sans permission et que la quantité dépasse cinquante léangs ( la valeur du léang, ou once chinoise d’argent, suivant la règle du change établi à Canton, est de 6 s. 8 d., ou la troisième partie d’un pond sterling. --- note de Georges Thomas Staunton et Félix Renouard de Sante-Croix) , le coupable principal sera considéré comme commettant le crime de sacrilège, et il doit subir la peine de décollation ; pour les complices, le cas sera soumis à l’empereur, et s’il n’y a pas d’interrogation, les complices devront être envoyé au Xinjiang comme esclave des soldats. Si la quantité dépasse vingt léangs, le coupable principal devra être envoyé au Xinjiang comme esclave des soldats, et les complices seront punis de 100 coups et bannis pour 3 000 lées (le lée est la dixième partie environ de 3 milles géographiques anglais ; ainsi il équivaut à 444 mètres 4 décim. 4 cent. 4 millimet. --- note de Georges Thomas Staunton et Félix Renouard de Sante-Croix). Si la quantité dépasse dix léangs, le coupable principal subira l’exil à la frontière proche. Si la quantité est de moins de dix léangs, le coupable principal recevra 100 coups et un bannissement de 3 000 lées, et les complices seront bannis pour 3 ans. En dehors de l’enclos des poteaux blancs et en deçà de l’enclos des poteaux cyans, le coupable sera puni pour avoir déterré sans permission le ginseng à la montagne. Le revendeur qui est au courant que le ginseng a été piraté, il sera puni mais à un degré de moins que les personnes qui ont déterré sans permission le ginseng. La personne qui n’est pas au courant ne sera pas punie. Dans le cas où le coupable a réussi à acquérir et à écouler le ginseng, le coupable principal et le complice seront tous tatoués « voleur du ginseng d’Etat » sur les bras ou le visage. Le coupable qui n’a pas acquis le ginseng et le revendeur ne subiront pas la peine de tatouage. Le ginseng volé sera confisqué par l’Etat. Si le coupable est un homme des Bannières, son statut de membre de bannière sera enlevé, et il sera traité comme le peuple normal. Les officier ou soldat en grades inférieurs corrompus qui tolèrent le vol, et sauf en cas de peine de décollation, subiront la même punition que le coupable. Si la quantité du ginseng volé est importante, il faut le considérer comme une violation de la loi et choisir la peine la plus grave. Si le coupable de ce fait doit subir la peine de décollation immédiate, parmi les officier ou soldat en grades inférieurs corrompus, le principal subira la peine de strangulation immédiate. Si le coupable doit subir la peine de strangulation après les assises d’automne, les officier ou soldat corrompus seront envoyés travailler ou être esclaves au Xinjiang. Si des officier ou soldats négligent leurs responsabilités, le soldat recevra 100 coup, et l’officier en grade inférieur sera envoyé au ministère pour le jugement, Tao Tian et Zheng Qin, 大清律例 (Daqinglüli, Code pénal de la grande dynastie Qing) (Pékin: Law Press, 1999), 917. L’article 271.10 : dans le cas où le Qiren déterre le ginseng sans permission, si la personne emploie des gens et reste dans les forêts plus de trois hivers pour ce fait, que le nombre d’employés est de moins de 40, que la quantité de ginseng est de moins de 50 léangs, cette personne sera envoyée dans les provinces du Yunnan, Guizhou, Guangdong ou où il y a beaucoup de miasmes. Si le nombre d’employés dépasse 40, et la quantité de ginseng dépasse 50 léangs, l’employeur, le meneur et la personne qui ont offert le logement subiront la peine de strangulation après les assises d’automne ; le complice sera envoyé dans les provinces de Yunnan, Guizhou, Guangdong ou Guangxi où il y a du miasme ; le bétail acquis sera comme la récompense donnée aux personnes qui ont arrêté les coupables, et le ginseng sera confisqué. Si grâce à l’amnistie, le coupable qui doit se soumettre à la peine de strangulation subit la peine d’un degré de moins, il sera banni comme le complice. Pour celui qui n’a pas acquis le ginseng, il sera puni d’un degré de moins. S’il n’y a pas d’employeur, que les personnes se réunissent par leurs investissements, ou qu’elles sont employées pour voler le ginseng, ou qu’elles volent le ginseng toutes seules, la punition suivra la quantité de ginseng acquise : si la quantité est de moins de 1 léang, il sera puni de 60 coups et du bannissement de 1 an ; si la quantité est entre 1 léang et 5 léangs, il sera puni de 70 coups et du bannissement de 1,5 ans ; si la quantité est de 10 léangs, il sera puni de 80 coups et du bannissement de 2 ans ; si la quantité est de 15 léangs, il sera puni de 90 coups et du bannissement de 2,5 ans ; si la quantité est de 20 léangs, il sera puni de 100 coups et du bannissement de 3 ans ; si la quantité est entre 20 léangs et 30 léangs, il sera puni de 100 coups et du bannissement perpétuel de 2000 lées ; la punition augmente d’un degré pour chaque 10 léang, le maximum jusqu’à 100 coups et le bannissement perpétuel de 3000 lées ; pour le complice et celui qui n’a pas acquis le ginseng, ils seront punis d’un degré de moins. La personne qui se charge du transport de riz, recevra 100 coups. Le revendeur sans permission subira la peine d’un degré de moins que la personne qui déterre le ginseng sans permission. Si le coupable est l’esclave d’une famille de Qiren, il sera envoyé comme esclave de garnison. Au moment où le délai de la punition de bannissement est échu, le coupable sera renvoyé à la famille d’origine de son maitre. Si son maitre est au courant du fait, celui-ci recevra 80 coups et sera jugé par le ministre ; pour celui qui ne connaît pas le fait, il ne sera pas puni. Le coupable qui a subi la peine de bannissement, après le délai échu, 93 déterrer sans permission le ginseng près du cimetière impérial.

A l’époque, le ginseng est une plante médicinale très rare et précieuse qui se trouve dans les étendues du nord-est de la Chine, d’où la dynastie Qing tire son origine et son pouvoir politique mandchou. Les nobles mandchous connaissent depuis longtemps l’utilité médicale de ginseng. Après la conquête du pays, les gouverneurs placent beaucoup de confiance sur la valeur médicinale du ginseng. Pour répondre aux besoins de la quantité et de la qualité requises par la famille impériale, la Pharmacie impériale est obligée d’avoir assez de réserves de ginseng : Dans le rapport de rentrée annuel … selon utilisation, le quota de ginseng ne se limite pas, mais il faut noter la quantité, la date, la raison et le nom d’utilisateur … 254.

Naturellement, le ginseng est une sorte de plante rare et qui pousse lentement. Pour cette raison, la ressource de ginseng est considérée comme un bien précieux d’Etat qui est réservé pour les nobles, et la cueillette est strictement contrôlée par la permission exécutive. Le ginseng acquis doit être remis à l’Etat en contrepartie d’une rémunération. L’Etat se charge aussi de le distribuer. Selon le même article de Daqinglüli mentionné ci-dessus : le vol de ginseng est traité comme vol du bien d’Etat, et la gravité de la punition augmente suivant la quantité de ginseng volé ; la punition pour déterrer le ginseng sans permission près du cimetière impérial est plus sévère que celui en pleine montagne. Plus le vol est commis proche du mausolée impérial, plus le crime est grave. Si le vol a lieu à l’intérieur de l’enclos des « poteaux rouges » et la quantité de ginseng volé est de plus 50 léangs, la nature du crime doit être considérée comme le sacrilège 255 qui appartient aux dix scélératesses, et qui correspond à la peine capitale. La punition ne contient pas seulement les coups de bambou, le bannissement, le bannissement perpétuel et la mort, mais aussi le tatouage qui est une peine d’humiliation corporelle mais

si il commet à nouveau le même crime, sans se soucier s’il a acquis le ginseng, il sera exilé, à proximité, à l’armée ; l’esclave familial d’un Qiren sera exilé comme esclave de soldat, Ibid. 254 Kun, 钦定大清会典 (Qindingdaqinghuidian, Code administratif authentiqué par l’empereur), vol. 90. 255 « Le sacrilège se commet en volant, dans les temples, un objet consacré au service divin, ou à l’usage particulier de l’empereur : on s’en rend coupable, encore, en contrefaisant le sceau impérial, en administrant, au souverain, des remèdes impropres, et, généralement, en commettant une erreur ou une négligence, qui peuvent compromettre la sûreté de sa personne sacrée », L’autorité de la Dynastie Tsing, Ta-Tsing-Leu-Lée ou les lois fondamentales du Code pénal de la Chine: avec le choix des statuts supplémentaires, originairement imprimé et publié à Pékin, dans les différentes éditions successives sous la sanction et par l’autorité de tous les empereurs Ta-Tsing, composant la dynastie actuelle, trad. par George Thomas Staunton et Félix Renouard de Sainte-Croix, vol. I (Paris: Lenormant, Gagliani, Laloy, 1812), 22. 94 plutôt morale, et qui ne fait pas partie des cinq peines principales de la dynastie Qing256 ; à comparer avec le peuple han, les Mandchous sont des privilégiés dans la société, mais s’ils commettent le crime de déterrer le ginseng sans permission, leurs statuts privilégiés risquent être enlevés et ils seront puni comme le peuple han. Dans ce cas-là, la sanction de ce crime pour les Mandchous porte sur le statut social, il est donc plus sévère que celle pour le peuple han.

Pour que la loi puisse être effective, depuis le début de la dynastie Qing, le gouverneur établit des mesures de récompense dans le but d’encourager les officiers à arrêter les voleurs de ginseng. Selon le XIXème volume du Daqinghuidian257, la récompense est liée directement au résultat du travail des officiers. A l’époque de l’empereur Qianlong, dont entre 1736 et1796, le système de surveillance de la ressource de ginseng se perfectionne : on confie au Baozheng et au Jiazhang258 la responsabilité de surveillance259. La ressource de ginseng est protégée par ces moyens différents durant la dynastie Qing260.

256 Les Cinq peines ordinaires sont : 笞(chi) : la peine s’exécute avec le côté du bambou le plus petit ; 杖(zhang) : la peine se subit avec le plus gros côté du bambou ; 徒(tou) : le bannissement, pour un certain laps de temps, à une distance qui n’excède pas 500 lées ; 流(liu) : le bannissement perpétuel ; 死(si) : la peine de mort, par étranglement ou décapitation. 257 « Les butins confisqués par les patrouilleurs de Shanhaiguan, Fengtian, sauf les poils de ginseng, la poudre ou les petits morceaux de ginseng, si la quantité de ginseng dépasse 10 kg ou que des morceaux de ginseng atteignent 4 léangs, seront enregistrés une fois, et les patrouilleurs recevront 20 léangs d’argent comme récompense ; si la quantité de ginseng dépasse 20 kg ou des morceaux de ginseng atteignent 8 léang, seront enregistré deux fois, les Jiangjun et Dutong seront enregistré une fois, les patrouilleurs recevront 40 léangs d’argent comme récompense ; si la quantité de ginseng atteint 30kg ou les morceaux de ginseng atteignent 12 léangs, le chef des patrouilleurs est promu d’un degré, leurs chefs d’armée seront enregistré deux fois, les patrouilleurs recevront 80 léangs d’argent comme récompense. Si la quantité dépasse les chiffres susdits, la récompense sera décidée par Hùbù. Pour les prévaricateurs, les patrouilleurs seront punis de 30 coups de fouet et leurs responsables seront dégradés de 3 degrés. En cas de connivence, le responsable sera démis de sa fonction, les patrouilleurs recevront 100 coups de fouet et un mois de cangue. Les corrompus seront puni par la peine la plus sévère. Les Jiangjun ou Dutong qui abritent le voleur seront dégradés pour 2 degrés ; en cas de forfaiture, si la quantité de ginseng atteint 20kg ou des morceaux de ginseng atteignent 8 léangs, Jiangjun et Fudutong seront privés de salaires de 6 mois ; si la quantité de ginseng atteint 40kg ou des morceaux de ginseng atteignent 16 léangs, Jiangjun et Fudutong seront privés de salaires d’un an ; si la quantité de ginseng atteint ou dépasse 50kg ou des morceaux de ginseng atteignent ou dépasse 20 léangs, Jiangjun et Fudutong seront dégradés pour un degré. (1718) », Kun, 钦定大清会典 (Qindingdaqinghuidian, Code administratif authentiqué par l’empereur), vol. 19. 258 Baozheng et au Jiazhang (保正 et 甲长), un système dominant qui est basé sur l’unité familiale. Baozheng et Jiazhang sont le chef du groupe des unités familiales. 259 « Les voleurs de ginseng qui se cachent dans les forêts ou aux campagnes, les familles qui abritent les voleurs seront punies, ainsi pour leur Baozheng ou Jiazhang. Si le Baozheng ou Jiazhang connaissent le méfait, ils seront puni de 80 coups et un mois de cangue ; si le Baozheng ou Jiazhang ne sont pas au courant, ils recevront 40 coups des verges. », Tian et Qin, 大清律例 (Daqinglüli, Code pénal de la grande dynastie Qing), 296. 260 Liu, « The Research on the Medical Law of Qing Dynasty », 44‑47. 95

II. Les dispositions sur le système médical du pays.

Il s’agit d’abord de la disposition visant au statut et aux obligations de médecin (A), ensuite des dispositions visant à l’activité médicale (B).

A. La disposition visant au statut et aux obligations de médecin.

65- Le droit traditionnel a imposé des obligations lourdes et pénibles aux médecins en médecine chinoise : la dynastie Qing suit l’exemple des dynasties précédentes, et détermine les statuts sociaux par enregistrement de ceux-ci au registre d’état civil : chaque personne de chaque famille doit s’inscrire sur le registre auprès de son district, avec son nom, ses prénoms et sa profession. Selon l’article 76 du Daqinglüli261, le peuple n’a pas le droit de changer ses statuts sociaux quand l’envie lui prend. Selon cette règle, le médecin n’a pas le droit de changer son statut enregistré, surtout dans le cas où le changement de statut est dans le but de « diminuer sa sujétion au service public ». De fait, depuis le XXIe siècle avant notre ère, les sujets d’Etat devaient assument les corvées civiles et militaires pendant un certain temps. Le système de registre d’état civil consolide ce devoir du peuple depuis la dynastie Yuan (1271-1368). Généralement, les gens qui font la corvée peuvent recevoir symboliquement des rémunérations, mais ce service extraordinaire reste comme une obligation face à l’Etat. Quant aux médecins, ils doivent également assumer cette obligation et offrir des services médicaux en se soumettant à l’ordre d’Etat. Les mauvaises conditions de travail et la faible rémunération amènent les médecins possédant des biens ou des fonds à chercher des remplacements, un comportement qui trouble les affaires militaires ou d’Etat.

66- Les articles 84 et 206 du Daqinglüli262 décrivent des punitions très sévères en réponse à ce genre d’actes frauduleux : si le médecin se dégage de son statut pour échapper à sa corvée, il recevra la peine de coups de bambou ou de verge. Parmi ces comportements illégaux, la punition la plus sévère est adressée au médecin qui est « requis pour exercer sa profession à l’armée » et « se faisant remplacer par des charlatans ambulants ou par des

261 L’article 76 : De l’Enregistrement des Familles et des Individus, suivant leurs Professions, L’autorité de la Dynastie Tsing, Ta-Tsing-Leu-Lée ou les lois fondamentales du Code pénal de la Chine, 1812, I:142‑43. 262 L’article 84 : De ceux qui se cachent pour ne point faire de Service personnel, ou qui l’abandonnent. 同上, I:153–154, 353. 96 personnes ignorantes ». Dans ce cas-là, le médecin et son substitut subiront chacun une punition de 80 coups.

B. Les dispositions visant à l’activité médicale.

Bien que face au conflit le peuple chinois incline à l’indulgence qui est dans le sens de la pensée « sans procès », et que l’activité médicale à l’époque reste encore spontanée, on trouve pourtant des dispositions sur l’activité médicale, mais qui concernent principalement des activités incorrectes ayant des résultats graves.

67- L'article 297 du Daqinglüli. Selon cet article, le comportement « des personnes qui exercent la médecine, et traitent mal ou tuent leurs malades » est classé comme crime d’homicide263 . En lisant cet article, on peut le séparer en deux parties : la mort causée par l’accident médical et le traitement incorrect par l’intention de vol :

A l’égard de la première partie, l’article décrit clairement les éléments importants de ce genre : l’offenseur est « ceux qui exerceront la médecine ou la chirurgie », et la victime est le patient. La description de ce crime condamne les praticiens qui « administreront des drogues ou opéreront avec un outil piquant ou tranchant, d’une façon contraire à la pratique et aux règles établies », et qui par conséquent, « auront contribué à faire mourir un malade ». Le processus pour obtenir les preuves commence par le fait que « les magistrats appelleront d’autres hommes de l’art, pour examiner la nature du remède qu’ils auront donné ou celle de la blessure qu’ils auront faite, et qui auront été suivis de la mort dudit malade ». Selon l’enquête, si le médecin est jugé coupable, et « s’il est reconnu qu’on ne peut les accuser que d’avoir agi par erreur, sans aucun dessein de nuire, le médecin ou le chirurgien pourra se racheter de la peine qu’on inflige à un homicide, de la manière réglée pour les cas où l’on tue par accident ; mais ils seront obligés de quitter pour toujours leur profession ».

A comparer avec les articles ci-dessus, le contenu de celui-ci est très riche sur les détails par la nature de l’évènement qu’il dirige, c’est-à-dire l’activité médicale. On note les éléments

263 L’article 297 : Des Personnes qui exercent la Médecine, et traitent mal ou tuent leurs Malades. Traduit par George Thomas Staunton et Félix Renouard de Sainte-Croix, Ta-Tsing-Leu-Lé e ou les lois fondamentales du Code pé nal de la Chine, vol. II (Paris, France: Lenormant, Gagliani, Laloy, 1812), 90-92. 97 suivants :

La première chose importante est le terme de « chirurgie ». A l’époque, l’art de la chirurgie d’aujourd’hui était inconnu en Chine. Ceci est un mot employé pour décrire, dans la profession de guérir, un acte médical « avec un outil piquant ou tranchant », et pour faire la distinction entre les opérations intérieures et les extérieures. L’acte médical condamnable peut par exemple désigner un simple traitement de l’acuponcture.

Deuxièmement, si un médecin est jugé coupable, il doit avoir effectué un traitement par une façon contraire à la pratique et aux règles établies, c’est-à-dire que : D’abord, quant aux « règles établies », il s’agit des règles confirmées soit par les coutumes, soit par les autorités. En effet, l’histoire sur « les règles établies » doit remonter à la dynastie Tang où le premier manuel de pharmacopée chinoise qui s’appelle Tangbencao 264 est rédigé par le gouvernement265. Depuis la rédaction de cet ouvrage, la médecine chinoise commence à avoir ses règles officielles. En arrivant à la dynastie Qing, le gouvernement demande de cumuler les expériences acquises et de rédiger un nouveau manuel officiel, appelé Yizongjinjian266. Ici, nous pouvons puiser une bonne expérience, car cet ouvrage a été appliqué comme les règles officielles de l’activité médicale même jusqu’à la fin de l’Empire. De ce fait, le progrès de la médecine chinoise promeut le fondement des règles officielles, et dans le même temps, les règles établies garantissent la sûreté de l’activité médicale. Ensuite, afin de reconnaitre la responsabilité du médecin concerné, il faut arriver à confirmer une causalité entre le résultat et l’activité médicale. Pour établir ce lien, les magistrats appelleront d’autres hommes de l’art, seulement quand la pratique est une façon contraire à la

264 Tangbencao (唐本草, ou 新修本草 Xinxiu Bencao), ouvrage classique de la médecine chinoise en Chine ancienne, rédigé entre 657 et 659 par Li Ji (李勣), Su Jing (苏敬) et autres, la première pharmacopée de la médecine chinoise publiée par l’Etat, et la première pharmacopée du monde. L’ouvrage contient trois parties : Bencao (本草), Yaotu (药图), Tujing (图经). L’origine est perdue. Une partie de Bencao (version ancienne manuscrite 667-669) qui été retrouvée par Paul Pelliot (1878-1945) en 1908 se trouve à la bibliothèque nationale de France, numéro Pelliot-3714, Zhijun Shang et Haizhou Xie, « 我国历史上的第一部药典——唐本草——纪 念 唐 本 草 编 成 1300 周年 (Woguolishishangdediyibuyaodian-Tangbencao- Jiniantangbencaobiancheng1300zhounian, La première pharmacopée dans l’histoire de notre pays-Tanbencao-en commémoration des 1300 années de l’achèvement de Tangbencao) », Chinese Pharmaceutical Journal, no 10 (1959): 498‑501. 265 Ji Li et Jing Su, Pelliot chinois 3714, 601. 266 医宗金鉴,collection médicale de la médecine chinoise, rédigé par Wu Qian (吴谦), 90 volumes, nominé par l’empereur Qianlong, archivé en 1749, manuel scolaire des médecin de palais, au fur et à mesure, l’ouvrage est popularisé dans le pays. 98 pratique et aux règles établies, le médecin assumera sa responsabilité médicale. L’article décrit clairement le processus d’expertise et le principe de responsabilité, le résultat n’est donc plus le seul critère pour décider si le médecin en cause est coupable.

Troisièmement, les peines subies par médecin coupable ne se limitent plus sur la peine corporelle, de fait, on trouve une modération des châtiments assez considérable comparativement à la période précédente267. Dans cet article, les médecins coupables de faute involontaire pourront se racheter de la peine, mais ils seront obligés de quitter pour toujours leur profession. C’est-à-dire, le médecin coupable peut choisir le rachat pécuniaire à la place de la peine corporelle qu’il doit subir. Par contre, le châtiment de statut est irremplaçable.

Quatrièmement et dernièrement, selon la distinction entre la faute volontaire et la faute involontaire, les peines subies par les praticiens de soins médicaux ne sont pas les mêmes. Depuis la dynastie Tang, dans Tanglüshuyi268, on trouve déjà les lois médicales chinoises qui reconnaissent la distinction de la faute volontaire et involontaire sur l’activité médicale. A la dynastie Ming, selon le DamingLü269, le code a ajouté la procédure d’expertise à l’examen du remède appliqué. De plus, si le médecin a exécuté un traitement contraire à la pratique et aux règles établies, et que le traitement a conduit à la mort d’un malade, le comportement du médecin sera considéré comme un homicide involontaire. Par conséquent, le médecin coupable doit quitter sa profession, et perd donc son statut de médecin. Basé sur le système juridique de la dynastie Ming, le Daqinglüli se perfectionne continuellement : le médecin coupable peut choisir le rachat pécuniaire à la place du châtiment corporel, néanmoins, la condition de rachat de la peine est applicable seulement « s’il est reconnu qu’on ne peut les accuser que d’avoir agi par erreur, sans aucun dessein de nuire »270.

267 Dans le préface de Daqinglüli, l’empereur Shunzhi explique que : quand nous considérons les établissements progressifs, que nos prédécesseurs ont faits dans nos Etats de l’Est, nous remarquons que la simplicité du peuple n’exigea primitivement que peu de lois, et qu’on n’infligea de châtiments que ceux du fouet et du bambou, excepté pour les crimes d’une énormité extraordinaire … depuis la conquête du pouvoir, une multitude d’affaires juridiques, au civil et au criminel, nées des diverses inclinations et des affections irrégulières des hommes dans un pays vaste et populeux demandaient un rétablissement d’un code fixe de lois pénales … par une révision du code des lois pénales, qui étaient en vigueur sous la dernière dynastie de Ming … et en retranchant autant de parties qu’il y en aurait de susceptibles d’objections, et y en ajoutant d’autres qui paraîtraient devoir contribuer à l’obtention de la justice et à la perfection générale de l’ouvrage, L’autorité de la Dynastie Tsing, Ta-Tsing-Leu- Lée ou les lois fondamentales du Code pénal de la Chine, 1812, I:2‑4. 268 Tanglüshuyi (唐律疏议, Les lois fondamentales du code pénal et leurs explications de la Dynastie Tang), VIIe siècle. 269 DamingLü (大明律,Les lois fondamentales du code pénal et leurs explications de la Dynastie Ming), XIVe siècle. 270 Liu, « The Research on the Medical Law of Qing Dynasty », 34. 99

En revanche, la deuxième partie de cet article se concerne sur le traitement incorrect découlant de l’intention de vol, nommant bien évidemment l’erreur volontaire. Sauf le cas exceptionnel des médecins impériaux, un médecin est un prestataire de service professionnel à titre onéreux. De l’autre côté de l’expertise, le patient a peu de connaissance sur les maladies. Dans ce contexte-là, le médecin a une possibilité d’abuser de son avantage de connaissance pour des intérêts illégaux. S’il paraît qu’un médecin, ou un chirurgien, n’a pas suivi la pratique et les règles établies, avec l’intention de s’en écarter, et qu’en disant qu’il cherche à éloigner la maladie de la personne qu’il traite, il la rende au contraire plus grave, pour que la cure lui produise plus d’argent, ce genre de comportement est considéré comme vol, et la somme qu’il aura touchée par ce moyen, sera regardée comme volée. La sanction pour cet aggravement volontaire de la maladie sera proportionnée aux honoraires qu’il aura reçus. Pourtant, dans le cas plus grave, c’est-à-dire lorsqu’un malade mourra, et que le médecin ou le chirurgien…sera convaincu d’avoir, à dessein, employé des moyens nuisibles, ou de lui avoir fait d’autre torts en sa santé, toujours à dessein, il subira la mort par décollement.

En conséquence, concernant les pratiques de médecin, pour savoir s’il s’agit d’un homicide, suivre « la pratique et les règles établies » ou « des moyens nuisibles… ou d’autres torts » ne paraît pas indispensable, parce que le critère essentiel est de savoir si le comportement illégal est réalisé « à dessein ». Pour celui qui produit volontairement une erreur, la sanction sera beaucoup plus grave que celle pour l’erreur involontaire.

D’ailleurs, on trouve quelques compléments dans une collection de jurisprudences de la dynastie Qing qui s’appelle Xing’anhuilan271 : à l’époque de l’empereur Jiaqing, si un médecin ordonne par erreur un remède qui cause 3 morts, le fait sera jugé comme homicide par imprudence, et la loi permet au médecin en cause de racheter la peine à un prix proportionné à la gravité du fait. Cependant, si la gravité du fait est excessive, le médecin coupable doit porter pendant 3 mois la cangue et recevoir 100 coups ; si un apprenti pharmacien incompétent prescrit une médication qui cause la mort d’un malade, la punition est égale à celle d’un médecin qui se trompe dans son activité : il sera jugé coupable pour homicide par imprudence, mais pourra avoir la permission de racheter la peine subie272.

271 Zhu Qingqi Xing’anhuilan (刑案汇览),1821-1850. 272 Boulais, Manuel du code chinois, 648. 100

68- Interdiction de la sorcellerie par la loi prouve que, en suivant l’évolution, la médecine chinoise est devenue une discipline sérieuse. L’article 297 est suivi par un statut supplémentaire qui concerne l’interdiction de la sorcellerie, même si celle-ci est probablement une origine importante de la médecine chinoise. Le texte déroule comme suit : Les Tao-che et les charlatans qui emploient des méthodes extraordinaires ou la sorcellerie pour guérir des malades et, par-là, les font mourir, seront punis, conformément à la loi sur les meurtres commis dans une rixe, à être étranglés après les assises d'automne. S'ils n'ont pas tué leur malade, ils subiront 100 coups de bâton et le bannissement perpétuel à 3.000 lis. Cette peine sera diminuée d'un degré pour les coupables secondaires273.

Bien que la sorcellerie et la médecine chinoise connaissent mille liens intriqués, non seulement sur l’origine, mais aussi sur le parcours pendant plusieurs dynasties de la Chine ancienne, suivant le progrès médical, les deux matières sont de fait historiquement de plus en plus incompatibles. Enfin, à dynastie Qing, pendant son règne, l’empereur Jiaqing a condamné globalement le statut de sorcellerie dans le domaine médical274.

Selon cet appendice de l’article 297, la description démontre une sévérité de punition à comparer défavorablement avec les activités médicales ordinaires. On se rappelle que les médecins jouissent en cas d’homicide involontaire de la possibilité de rachat de la peine, et subissent le bannissement professionnel : ce n’est donc pas une responsabilité pénale extrême. Par contre, pour les Tao-che et les charlatans qui emploient des méthodes extraordinaires ou la sorcellerie pour guérir des malades, en cas de mort de patient, la peine doit correspondre à la loi sur les meurtres commis dans une rixe, à être étranglés après les assises d’automne, même si le patient n’est pas mort, le médecin coupable subira 100 coups de bâton et le bannissement perpétuel à 3 000 lis, et n’aura pas de possibilité pour le rachat de peine. Si, selon l’édit de l’empereur Jiaqing en 1808, le traitement est un fait qui a lieu sur la demande du patient, et que le résultat dramatique est sans intention, le coupable peut échapper à la peine de mort, mais doit être puni par une autre peine.

La raison pour laquelle l’autorité de la Dynastie Qing interdit si strictement la sorcellerie est que d’abord, suivant l’avancement de la médecine, la séparation entre la médecine est la sorcellerie est de plus en plus apparente. Au fur et à mesure, l’autorité politique dément la nature

273 Ibid., 647. 274 Liu, « The Research on the Medical Law of Qing Dynasty », 43. 101 et le rôle de la sorcellerie pour guérir les maladies275 . Ensuite, la sorcellerie est considérée comme un grand danger pour le pouvoir mandchou et à la stabilité de l’Etat : en effet, en observant l’histoire de Chine, les grandes révoltes qui ont fait trembler les gouvernements sont souvent suscitées par des groupes de personnes qui utilisent une doctrine de sorcellerie afin de regrouper les révoltés. Le gouverneur mandchou reconnait le risque. L’article 256 et ses statuts complémentaires du Daqinglüli interdit donc strictement la sorcellerie et la magie276277.

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Le droit traditionnel a fixé de lourdes obligations aux médecins, tant pour ceux en médecine de palais que pour ceux en médecine ambulatoire. La mentalité juridique des Chinois décide que, au lieu de réclamer ses droits, le mode d’existence de la profession médicale est

275 Selon Boulais, à l’époque de la Dynastie Qing, c’est surtout dans la secte du Tao que l’on rencontre des sorciers qui tentent de guérir quelques petites maladies, de chasser les koei (鬼,démons) ou esprits malins hantant les maisons, de prévoir l’avenir, de venger une personne lésée dans ses droits en envoyant des diables molester ses ennemis. Il a même donné un exemple de Tao-che pour guérir la maladie en utilisant la sorcellerie dans son livre Manuel du code chinois, page 422 : « Nous avons connu un mandarin civil du 5e degré qui, malgré la loi présente, ne craignait pas, chaque matin, de faire appel aux infirmes. Il possédait une belle pierre de jade poli et, moyennant cette pierre, qui lui tenait lieu de miroir, il lisait dans un bol d'eau la maladie du client. En guise de remède, il écrivait un charme, le brûlait, en jetait les cendres dans le bol d'eau, puis donnait cette eau à boire au malade. Comme l'infirmité, disait-il, vient toujours d'un esprit malin, ce moyen suffisait à l'expulser et à rendre la santé perdue. Si l'esprit faisait le récalcitrant, il lui ordonnait d'abord de partir, puis le menaçait d'un procès devant l'idole protectrice de la cité ». 276 L’article 256 : De la Sorcellerie et de la Magie « Toutes les personnes convaincues d’avoir composé et publié des livres de sorcellerie et de magie, ou d’employer des sortilèges et des figures magiques pour agiter le peuple et influencer les esprits, seront mises en prison pendant le temps ordinaire, et subiront la mort par décollement. Si l’influence de leurs actes criminels n’a porté que sur peu de monde, elles seront bannies à perpétuité dans un lieu distant de 3000 lis de leurs domiciles. En général, la peine à leur infliger se proportionnera à la nature de leur crime, c’est-à-dire à son étendue et aux suites qu’il pourra avoir, et par conséquent sera plus ou moins sévère, selon les circonstances. Toutes les personnes qui garderont en leur possession, et ne porteront point aux magistrats de leurs districts, les livres ci-dessus mentionnés, seront punies de 100 coups et d’un bannissement pour trois années. », L’autorité de la Dynastie Tsing, Ta-Tsing-Leu-Lée ou les lois fondamentales du Code pénal de la Chine, 1812, II:9‑10. 277 « Les magiciens qui se vantent de faire descendre des esprits malins, écrivent des charmes, font de l'eau lustrale, invoquent les génies, adressent des prières aux saints, s'intitulent justes seigneurs, grands protecteurs et femmes devineresses ; les partisans des sociétés du Mi-lé-fou, du Nénuphar blanc, et en général de toute fausse doctrine et secte perverse ; ceux qui cachent des images, brûlent de l'encens, acceptent des disciples, se réunissent la nuit et se dispersent à l'aurore, feignent de pratiquer de bonnes œuvres, mais pervertissent et égarent le peuple, subiront les peines suivantes : la strangulation après les assises d'automne pour les principaux coupables, la bastonnade (100 coups) et l'exil militaire, à 3.000 lis pour les disciples. Code, ... 781. Les militaires ou hommes du peuple qui décoreront l'image d'un esprit, organiseront des processions en son honneur au son du tam-tam et du tambour, recevront 100 coups de gros bâton. Cette peine ne sera appliquée qu'au principal coupable. ≡ 782. Le chef de quartier qui aura connu les préparatifs (de la procession), et ne les aura pas dénoncés, sera châtié de 40 coups de bâton. Les processions que le peuple fait au printemps et à l'automne (pour prier ou remercier les esprits bienfaisants des moissons, comm. off.), ne sont pas comprises dans la prohibition précédente. Code, ... », Boulais, Manuel du code chinois, 423. 102 plutôt de supporter tous les devoirs imposés par le pouvoir politique. Dans la société traditionnelle, cette obéissance fait partie de l’ordre des choses ; mais quand la médecine moderne arrive en Chine accompagnée des pensées modernes et surtout démocratiques, ce caractère obéissant par principe du monde de la médecine chinoise ne sera plus adapté à la réalité, et deviendra même un facteur de désavantage pour défendre sa place dans le nouveau droit.

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Titre II : Les premiers changements du droit concernant la médecine.

Pour commencer ce Titre II, il est indispensable de faire un résumé sur la situation politique, diplomatique et sociale qui explique le contexte historique dans lequel l’introduction de la médecine occidentale au XIXe siècle, les premières discussions visant la médecine chinoise et la médecine occidentale et la fondation des premières institutions médicales modernes par le gouvernement mandchou ont lieu.

Après une prospérité centenaire durant les règnes de l’empereur Kangxi (1661-1722), l’empereur Yongzheng (1723-1735) et l’empereur Qianlong (1736-1796), et donc à partir du XIXe siècle, le pouvoir national de la Chine commence à s’affaiblir. Entre-temps, les pays occidentaux278 sont en train de faire ou déjà finissent la révolution industrielle et ces pays deviennent en conséquence des sociétés commerciales et industrielles de haute technicité. Pour s’adapter au développement économique, les principaux pays occidentaux sont sur le chemin de l’expansion coloniale. Étant le plus puissant parmi les pays occidentaux de l’époque, et afin d’ouvrir le marché chinois en profondeur279 , le Royaume-Uni lance dès le XVIIIe siècle le commerce de l’opium vers la Chine. Quand les autorités chinoises s’aperçoivent graduellement de la nocivité de l’opium, elles prohibent le commerce de l’opium. Comme réplique, en 1840, le Royaume-Uni déclenche la première guerre de l’opium ; et suivant cette guerre, une série de guerres et de « traités inégaux280 » entre la Chine et les puissances occidentales ont finalement forcé la Chine à s’ouvrir vers le monde extérieur. Cause des traités inégaux, la Chine manifeste sérieusement son déclin jusque-là latent, et devient une société « semi-coloniale et semi- féodale ».

Après la signature du « protocole de paix Boxer », de nombreuses situations critiques

278 En chinois, le terme « pays occidental » désigne l’ensemble des pays qui se situent aux rivages de l’océan Atlantique. 279 Même si le début du commerce extérieur direct entre la Chine et les pays européens remonte théoriquement au XVIe siècle, ce commerce était toujours très limité. Sous une économie agraire et artisanale autosuffisante, l’Empire chinois qui se considère au centre du monde ne trouve aucun besoin de faire du commerce avec les étrangers. 280 En 1842, les autorités chinoises ont signé le Traité de Nankin avec le Royaume-Uni ; après la Seconde guerre de l’opium, les autorités chinoises et les puissances occidentales (la France, le Royaume-Uni, la Russie et les États- Unis) ont accordé le « Traité de Tianjin » en 1858 et la « Première Convention de Pékin » en 1860 avec le Royaume-Uni, la France, et la Russie et en 1887 avec le Portugal ; Après la guerre franco-chinoise entre 1884 et 1885, la Chine et la France ont signé un nouveau « Traité de Tianjin (1885) » ; Après la guerre sino-japonaise, la Chine et le Japon ont signé le « Traité de Maguan » ; Après la guerre avec l’Alliance des huit nations entre 1900 et 1901, Avec l’Autriche-Hongrie, la Belgique, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Russie, l’Espagne et les États-Unis, la Chine a signé le « Traité de Xinchou ». 105 internes et externes poussent le gouvernement de la dynastie Qing à effectuer successivement un Mouvement d’auto-renforcement entre 1861-1895, la réforme Wuxu en 1898 et enfin la réforme dites des « nouvelles politiques 281 » entre 1901 et 1911. Ces efforts faits par les autorités de la dynastie Qing n’ont pas pu sauver l’Empire, mais leur influence a permis de réveiller les Chinois, et ces changements des politiques sont favorables pour l’avancement économique et politique de la Chine dans l’avenir.

Dans le domaine médical, l’introduction de la médecine occidentale, l’acceptation de cette médecine par les Chinois, enfin l’intégration de la médecine occidentale et de la médecine chinoise dans un même système médical, tous ces événements ont dû connaître de nombreuses étapes historiques et discussions entre les différents milieux. Il s’agit donc d’abord des premières discussions visant la médecine chinoise et la médecine occidentale (chapitre I), ensuite des origines des nouvelles institutions médicales (1901-1911) (chapitre II).

281 新政,xinzheng, 新 : xin, nouvelle ; 政,zheng, politique. 106

Chapitre I : Les premières discussions visant la médecine chinoise et la médecine occidentale.

Le changement des statuts juridiques de la médecine chinoise et de la médecine occidentale avant la révolution chinoise de 1911282 s’est éffectué dans un contexte historique très spécifique. Nous allons traiter en premier temps « l’introduction de la médecine occidentale en Chine » (section I), ensuite « les discussions s’opposant à la culture chinoise ont entamé le statut juridique de la médecine chinoise » (section II) qui le suivent.

Section I : L’introduction de la médecine occidentale en Chine.

Quand nous parlons d’une « introduction », il s’agit d’évoquer les deux extrémités du processus, les deux acteurs d’une insertion culturelle : celui qui introduit, et celui qui réagit. Ainsi, il faut voir en premier lieu l’introduction de la médecine occidentale (I), et ensuite les réactions de la population chinoise à cette introduction (II).

I. L’introduction de la médecine occidentale.

À propos de l’introduction de la médecine occidentale en Chine, nous avons deux périodes : celle qui est comprise entre le XVIe et le XVIIIe siècle, et celle qui débute à partir du XIXe siècle. Selon les dates, les historiens chinois nomment les deux périodes « la première période de l’introduction de la médecine occidentale en Chine » et « la deuxième période de l’introduction de la médecine occidentale en Chine ». Bien entendu, les contextes historiques283 et les médecines284 des XVIe et XIXe siècles ne sont pas pareils, mais rien n’empêche que nous

282 La révolution politique qui renverse la dynastie Qing en 1911. 283 Au XVIe siècle, accompagnant les Grandes découvertes réalisées entre le début du XVe siècle et celui du XVIIe siècle, la Compagnie de Jésus envoie les missionnaires jésuites aux divers recoins du monde pour propager la religion chrétienne, accompagnée souvent des nouvelles technologies et de la médecine européenne aux étrangers, y compris à la Chine. 284 À l’époque, les États-Unis ne s’étant pas encore établis, la médecine amenée au monde par les missionnaires était seulement la médecine des pays européens. De plus, avant André Vésale (1514-1564) qui dévoile le secret de la structure de l’homme par l’anatomie, et qui amène la médecine occidentale au domaine scientifique, la connaissance de cette médecine reste encore de niveau médiéval. De ce fait, la médecine occidentale introduite en Chine au XIXe siècle est une médecine scientifique qui n’a rien à voir avec la médecine occidentale avant le XVIe siècle. 107 faisions quelques simples comparaisons pour découvrir au niveau juridique et politique le « secret » d’introduire une médecine, avec tout son apparat us et sa philosophie particulière, dans un autre pays avec succès.

Les missionnaires chrétiens ont joué un rôle extrêmement important dans la popularisation de la médecine occidentale au monde. En Chine, s’il n’y avait pas eu d’arrivée des missionnaires, il n’y aurait pas eu d’introduction de la médecine occidentale, en tout cas pas de manière si précoce. En effet, selon beaucoup de sources historiques, les Chinois d’antan considéraient la médecine chrétienne comme synonyme de la médecine occidentale.

Afin de mieux développer ce paragraphe I « L’introduction de la médecine occidentale », nous allons parler des missionnaires et les établissements médicaux (A), de la formation (B) et de la publication (C).

A. Les missionnaires et les établissements médicaux.

Avant tout, pour mieux discuter de la seconde, nous parlerons brièvement de la première période de l’introduction de la médecine occidentale en Chine.

69- L’introduction de la médecine occidentale en Chine entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Selon les chroniques285, la première période de l’introduction de la médecine occidentale en Chine se présente par les événements suivants :

D’abord, en 1568, un missionnaire jésuite portugais Melchior Carneiro (1516-1583) arrive à Macao. Il y fonde une série d’institutions caritatives et éducatives, dont un hôpital qui s’appelle « Hôpital Saint-Raphaël » et qui est le premier hôpital fondé par Européen ; ensuite, en 1582 le fameux missionnaire italien Matteo Ricci (1552-1610) arrive en Chine. Même s’il n’est pas un médecin, il a amené beaucoup de conceptions physiologiques occidentales. Par exemple, la conception suivant laquelle « le cerveau est l’organe qui servit à la mémoire » a bien choqué les intellectuels chinois de l’époque ; puis en 1635, un missionnaire jésuite

285 TieTao Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise) (Canton: Guangdong Higher Education Press, 1999), 8‑9. 108 allemand Johann Terrenz (1576-1630) a édité un livre Taixirenshenshuogai286 qui est le premier ouvrage sur l’anatomie introduit en Chine287, et la même année, un autre missionnaire Jacobus Rho (1539-1638) a rédigé un livre d’anatomie intitulé Rentitushuo 288 ; après cela, un missionnaire jésuite italien Sabatino de Ursis (1575-1620) édité un livre Taixishuifa289 qui présente la pharmacopée et l’alchimie européennes ; enfin, l’événement qui symbolise officiellement cette période de l’introduction de la médecine occidentale en Chine, c’est qu’en mai 1693, un missionnaire jésuite français nommé Jean de Fontaney (1643-1710) a guéri l’empereur Kangxi du paludisme avec de la quinine. Grâce à cette affaire, la pharmacopée occidentale commence à être bien connue, et enviée par les Chinois. Pour couronner le tout, un autre missionnaire français Bernard Rhodes (1645-1715) a guéri l’empereur Kangxi d’une palpitation et d’une tumeur labiale supérieure.

Ainsi, quelques médecins missionnaires sont recrutés et travaillent avec les médecins impériaux dans le palais impérial. De plus, l’empereur Kangxi avait demandé aux médecins missionnaires de traduire un ouvrage contenant la théorie sur la circulation sanguine du corps humain290.

Cependant, à cause de la « Querelle des rites » entre le XVIIe et le XVIIIe siècles, en 1717, l’empereur Kangxi interdit la prédication chrétienne en Chine. Cela n’empêchera pas certains missionnaires de se retrouver mêlés au conflit pour le trône entre les fils de l’empereur Kangxi. Dès le début de son règne, l’empereur Yongzheng poursuit la politique d’interdiction de la prédication chrétienne et les missionnaires sont expulsés, et les chrétiens persécutés291.

70- La portée. De ce fait, malgré les efforts292 faits par les missionnaires, sauf quelques échanges médicaux, la première période de l’introduction de la médecine occidentale en Chine

286 Taixirenshenshuogai (泰西人身说概). La médecine présentée dans ces livres est la médecine de l’époque de Galen. 287 La médecine présentée dans ces livres est la médecine de l’époque de Galen. 288 Rentitushuo (人体图说). 289 Taixishuifa (泰西水法), publié en 1612. 290 Malheureusement, cet ouvrage n’avait pas pu être publié. 291 Jingwei Li, 中外医学交流史 (Zhongwaiyixuejiaoliushi, L’histoire des échanges médicaux entre la Chine et les pays étrangers) (Hunan Education Publishing House, 1998). 292 Au début, pour que leurs prédications soient accessibles à tous les Chinois, les missionnaires avaient essayé de trouver un compromis entre le catholicisme et le confucianisme. Cette conduite qui respecte la tradition des intellectuels chinois a bien réussi. Bien qu’il existait toujours des discussions, la religion catholique connaissait un développement assez rapide en Chine. 109 n’a laissé guère de trace dans le système médical de l’État. Néanmoins, toutes ces expériences sont favorables pour faire découvrir la médecine occidentale aux Chinois, et permettent aux missionnaires d’accumuler l’expérience nécessaire afin de mieux adapter l’introduction ultérieure de la médecine occidentale au XIXe siècle à la situation sociale chinoise. La première période de l’introduction de la médecine occidentale est donc le préambule de sa seconde expansion, de plus grande envergure au XIXe siècle.

71- L’introduction de la médecine occidentale en Chine à partir du XIXe siècle. La deuxième période de l’introduction de la médecine occidentale en Chine se marque par l’introduction, en 1805 par le missionnaire anglais Alexander Pearson (1780-1874), du vaccin antivariolique en Chine. Ensuite, le médecin missionnaire anglais Thomas Richardson Colledge (1796-1879)293 ouvre un hôpital ophtalmologique à Macao en 1827, puis une autre clinique ophtalmologique à Canton en 1832. En 1836, il publie sa fameuse lettre « A Letter on the subject of Medical Missionaries » pour solliciter les médecins missionnaires de venir en Chine et de gagner la confiance du peuple chinois par la médecine occidentale, afin de promouvoir la religion.

En comparaison avec la première période de l’introduction que nous évoquions plus haut, beaucoup plus de médecins missionnaires arrivent en Chine à ce moment294. Parmi eux, le médecin missionnaire le plus représentatif est un père américain (1804-1888). Peter Parker arrive à Canton en 1834, et tout juste un an après, il a ouvert sa clinique ophtalmologique295 qui gagne rapidement une bonne réputation parmi le peuple chinois. En 1838, avec Thomas Richardson Colledge et Bridgeman (1801-1861) qui est le premier missionnaire américain arrivé en Chine, Peter crée la Société Missionnaire Médicale en Chine296 (dont Thomas Richardson est le premier président) afin d’encourager et aider plus de médecins

293 Thomas Richardson Colledge est un chirurgien écossais travaillant pour la Compagnie britannique des Indes orientales à Canton. 294 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 11. 295 Cette clinique ophtalmologique se situe dans la rue Xindoulan, elle est également nommée Xindoulanyiju (新 豆栏医局). Elle est fermée en 1840 à cause de lapremière guerre de l’opium, puis rouverte deux ans après et nommée « Hôpital ophtalmologique ». En 1855, étant l’envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire à la légation américaine, Peter transmet ses fonctions au missionnaire américain John Glasgow (1824-1901). En 1856, l’hôpital est détruit par le feu pendant la seconde guerre de l’opium. En 1859, à Canton, John recrée l’hôpital avec le nom d’« Hôpital Boji (博济医院) ». Jusqu’en 1949, il était le plus ancien hôpital missionnaire, et à l’origine de beaucoup des hôpitaux missionnaires connus qui se sont ouverts dans plusieurs villes littorales chinoises ; ainsi nombre de célèbres médecins chinois pratiquant la médecine occidentale furent formés dans cet hôpital. 296 Société Missionnaire Médicale en Chine (中华医药传教会). 110 missionnaires à venir en Chine, ainsi que pour recueillir des fonds pour sa clinique ophtalmologique.

Il faut noter un détail : en réalité, le rôle de Peter Parker ne s’est pas limité juste à celui d’un médecin missionnaire, mais il était aussi interprète, traducteur et le conseiller de la députation américaine pendant la signature du Traité de Wanghia en 1844. En profitant de cette occasion, Peter Parker devient successivement le secrétaire, le conseiller, et jusqu’à l’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la légation américaine en Chine297.

72- Les raisons décisives de la réussite de la deuxième période de l’introduction de la mdecine occidentale en Chine. Les événements historiques des deux périodes de l’introduction de la médecine occidentale en Chine nous montrent deux situations bien différentes. Mais pourquoi une telle différence ?

Évidemment, le but essentiel des missionnaires est de promouvoir la religion. Utiliser la médecine pour ce but est le moyen le plus sécurisé et efficace ; de plus, cela répond à l’objectif de charité, d’aide aux malades, aux plus faibles et généralement aux démunis, qui est fondamental dans la doctrine chrétienne. En comparant les deux tentatives, nous allons découvrir les raisons suivantes :

D’abord, la médecine occidentale a connu un changement fondamental : de la médecine médiévale à la médecine scientifique, comme nous l’avons expliqué. Les établissements médicaux fondés par les médecins missionnaires sont prioritairement pour les pauvres qui sont les plus nombreux dans le pays. Leurs témoignages sur l’efficacité et la sûreté de la médecine du XIXe siècle fournissent la base de popularisation de la médecine occidentale ;

Ensuite, les médecins missionnaires essayent depuis le début de pénétrer dans le fonctionnement du gouvernement. Malheureusement, pendant la période comprise entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle, la « Querelle des rites » et le fait d’être mêlés aux complots pour le trône ont brisé leur chemin. Toutefois, au XIXe siècle, la puissance de la Chine s’affaiblit. Le pouvoir impérial, rongé par des guerres civiles dévastatrices, dépassé par la modernité, n’arrive plus à affronter la force armée des pays occidentaux. S’appuyant sur cette situation, et grâce à

297 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 10‑12. 111 leurs connaissances interculturelles, les médecins missionnaires comme Peter sont devenus des interlocuteurs de poids, représentant leur pays d’origine et parfois la Chine, et influencent les politiques voire les droits des pays concernés. Les rôles de ces missionnaires deviennent décisifs et indispensables dans les relations diplomatiques, aussi bien que dans le domaine médical qui se développe.

Puis, les traités internationaux sont partis de la source du droit. Lors de la première arrivée des procédés médicaux européens, et bien que ceux-ci aient prouvé leur capacité chez l’empereur Kangxi, il n’existait aucun droit pour protéger les médecins missionnaires et leur pratique de la médecine. Mais la situation est totalement renversée au XIXe siècle : les premiers hôpitaux sont ouverts timidement dans les villes littorales chinoises, et au fur et à mesure, les traités inégaux ont offert la base juridique indispensable pour une extension de la médecine occidentale plus expéditive. Selon le Traité de Whampoa en 1844, le droit d’établir des églises, des hôpitaux et des hospices est protégé par loi chinoise298, et les dispositions prises dans ce traité sont applicables pour tous les ressortissants des pays qui profitent du traitement de la nation la plus favorisée.

Donc, en résumé, ce sont l’avantage de la médecine occidentale du XIXe siècle, le changement du rôle des médecins missionnaires et leur protection par le droit, tous ces éléments combinés qui décident de la réussite de la deuxième période de l’introduction de la médecine occidentale pendant la fin de la dynastie Qing.

Les médecins missionnaires savent bien que la meilleure façon de populariser plus profondément la médecine occidentale est d’enseigner le savoir médical au peuple du pays, c’est-à-dire d’ouvrir des écoles de la médecine, publier des livres et recruter des élèves

298 ARTICLE XXII. du Traité de Whampoa : Tout Français qui,…, arrivera dans l’un des cinq ports*, pourra, quelle que soit la durée de son séjour, y louer des maisons et des magasins pour déposer ses marchandises, ou bien affermer des terrains et y bâtir lui-même des maisons et des magasins. Les Français pourront, de la même manière, établir des églises, des hôpitaux, des hospices, des locales et des cimetières. Dans ce but, l’autorité locale, après s’être concertée avec le Consul, désignera les quartiers les plus convenables pour la résidence des Français et les endroits dans lesquels pourront avoir lien les constructions précitées. … … Il est bien entendu, d’ailleurs, que le nombre des maisons et l’étendue des terrains à affecter aux Français dans les cinq ports ne seront point limités, et qu’ils seront déterminés d’après les besoins et les convenances des ayant- droit. Si des Chinois violaient ou détruisaient des églises ou des cimetières français, les coupables seraient punis suivant toute la rigueur des lois du pays.

* Selon l’article II du Traité de Whampoa, les cinq ports sont : Canton, Emoui, Fou-chou, Nin-po et Chan-hai. 112 médecins.

B. La formation.

73- L’établissement des écoles de médecine. En 1866, John Glasgow fonde l’École de Médecine Nanhua299 dans Hôpital Boji, cette école s’appelle donc École de Médecine Boji300. Elle est la première école missionnaire de la médecine en Chine. Ensuite, plusieurs écoles de médecine sont ouvertes301. En effet, selon les recensements, avant 1900 le nombre et l’envergure des écoles de médecine, toutes traditions confondues, sont encore très restreints302. Néanmoins, après la signature de Traité de Xinchou, les écoles de médecine missionnaires se développent rapidement. Entre 1900 et 1915, successivement, 323 écoles pour médecins sont établies dans les différentes provinces de Chine303.

74- Deux objectifs. Bien entendu, la première raison d’établir les écoles de médecine est, on le rappelle, que ceci est un moyen direct de populariser la médecine occidentale auprès des habitants, et que cela peut faciliter la mission de prédication religieuse. Mais en suivant le contexte historique, nous pouvons aussi tirer une deuxième raison : avec le développement rapide de la médecine occidentale, et afin de ne pas trop perturber leurs tâches religieuses, les missionnaires ont besoin de plus d’assistants dans la pratique médicale, voire de laisser leurs anciens élèves exercer indépendamment la médecine, leur permettant de se retirer proportionnellement ou totalement du domaine de la médecine, et de se concentrer sur leurs missions religieuses, ou encore diplomatiques. Objectivement, cette façon de faire permet à de plus en plus de jeunes Chinois d’avoir un premier et favorable contact avec la médecine occidentale.

299 École de Médecine Nanhua (南华医学校). 300 École de Médecine Boji (博济医学校). 301 En 1888, avec le soutien de l’église méthodiste, les missionnaires américains installent une école de médecine dans l’Hôpital de Suzhou301, et en 1894, elle est renommée Ecole de Médecine de Suzhou301 ; en 1896, le Collège Saint John de Shanghai crée la faculté de médecine ; etc. 302 Selon l’enquête en 1897, il y a 60 hôpitaux missionnaires, et 37 d’entre eux enseignent simultanément la médecine. 5 hôpitaux recrutent plus de 10 élèves chaque année et le restes recrute entre 2 et 6 élèves, Boying Ma, Xi Gao, et Zhongli Hong, 中外医学文化交流史: 中外医学跨文化传通 (Zhongwaiyixuewenhuajiaoliushi: zhongwaiyixuekuawenhuachuantong, L’histoire des échanges médicaux entre la Chine et les pays étrangers: la communication sur les différents cultures médicales) (Shanghai: Wenhui Press, 1993), 368. En 1879, en total, il y a environ 298 médecins chinois en médecine occidentale diplôlés, et 194 élèves médecins, Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 16. 303 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 16‑17. 113

75- La portée. Il y a bien sûr divers avantages à cette création d’écoles de médecine, mais il faut encore souligner que, comme les missionnaires sont des enseignants étrangers, et même que certaines écoles sont également rattachées à leurs pays d’origine304, les Chinois n’ont pas appris seulement les connaissances médicales, mais aussi les langues et les cultures étrangères : le résultat est que la formation médicale missionnaire stimule la constitution de groupes d’individus capables, et intéressés par un important projet de réforme du système médical.

C. La publication.

76- Les ouvrages représentatifs. Depuis la première période d’introduction de la médecine occidentale, le premier ouvrage sur la médecine occidentale traduit en chinois est le livre de Pearson sur la méthode vaccinale, Xindingzhongdouqifaxiangxi305. Puis, en 1851, un missionnaire anglais prénommé Benjamin Hobson (1816-1873) traduit et publie le Quantixinlun 306 qui est le premier livre sur l’anatomie et la physiologie de la médecine occidentale scientifique. Depuis 1859, John Glasgow commence à traduire les livres en chinois et dès 1871, il a rédigé 34 manuels pour l’École de Médecine Boji307. À partir des années 1850 jusqu’à la fin de la dynastie Qing, les médecins missionnaires ont traduit et publié des centaines d’ouvrages sur la médecine occidentale308 moderne.

En plus des livres, les médecins missionnaires ont également fondé plusieurs revues médicales. Par exemple, en 1880, John Glasgow fonde le Xiyixinbao309 qui est la première revue médicale sur la médecine occidentale ; en 1887, la première association des médecins

304 Par exemple, l’Université de Saint John à Shanghai est rattachée au District de Columbia aux États-Unis en 1906 Ibid., 17.. 305 Xindingzhongdouqifaxiangxi (新订种痘奇法详悉). 306 Quantixinlun (全体新论). 307 En 1859, Lunfareheshan (论发热和疝) ; en 1871, Huaxuechujie (化学初阶) et Xiyaolueshuo (西药略说) ; en 1881 Gezhengquanshu (割症全书) ; en 1875, Hualiuzhimi (花柳指迷) ; en 1881, Yanzheng (炎症) et Rezheng (热 症) ; en 1891, Waikexue (外科学) ; etc. 308 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 17‑19. 309 Xiyixinbao (西医新报). 114 missionnaires Zhonghuaboyihui310 fonde leur revue officielle Boyihuibao311.

77- La négligence sur la communication du savoir conduit à la perte de la compétitivité de la médecine chinoise. Durant les deux périodes de l’introduction de la médecine occidentale en Chine, les médecins missionnaires se sont toujours passionnés pour les publications médicales. Cette conduite montre une différence fondamentale quant aux attitudes face au savoir médical entre la médecine occidentale et la médecine chinoise.

Influencée par chaque culture et chaque territoire découvert, la médecine occidentale avance par création et innovation. La communication et la popularisation des savoirs permettent d’élargir le domaine de recherches d’une telle médecine, afin de mieux la développer. Contrairement à cette particularité de la médecine occidentale moderne, la médecine chinoise était née et vivait dans une tradition de vénération des savoirs des ancêtres, où les nouvelles connaissances sont naturellement préjugées d’absurdes. Cette tradition a rendu la médecine chinoise presque secrète et réservée, la communication du savoir médical n’étant jamais un nécessaire, ni pour cette médecine312, ni pour ses médecins313.

Les publications de la médecine occidentale ont pu changer cette tradition. Parce que les livres, les revues et les journaux qui présentent la médecine occidentale ont rapidement touché le territoire de la médecine chinoise, les médecins en médecine chinoise ont senti la menace venant de cette nouvelle méthodologie : ils ont donc commencé à se défendre en

310 Zhonghuaboyihui (中华博医会). 311 Boyihuibao (博医会报). 312 Prenons l’exemple de l’histoire des introductions de la médecine chinoise aux pays voisins. L’orgueil de l’Empire du milieu est bel et bien transmis à sa médecine. Au Japon, la médecine chinoise « a été introduite il y a bientôt 1500 ans par les Japonais eux-mêmes *». Quant au Vietnam, la relation des deux pays était dans une situation de suzeraineté de plus de mille ans. La médecine traditionnelle vietnamienne est un héritage de la médecine chinoise**. *Dominique MANGA, « L’encadrement juridique de la Kampo Medicine (漢方医学), ou méthode “Han” au Japon », éd. par Antoine Leca, Jun Shen, et Banggui Jin, Les cahiers de droit de la santé n°20 (Colloque sino- européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises, Bordeaux: les Études Hospitalières, 2015), 460. **« Sous l’influence de la domination pendant presque mille ans par l’Empire de la Chine, la médecine traditionnelle vietnamienne a hérité de nombreuses expériences chinoises dans le diagnostic et la thérapeutique…», Thanh Tu LE, « L’encadrement juridique de la médecine traditionnelle du Vietnam », éd. par Antoine Leca, Jun Shen, et Banggui Jin, Les cahiers de droit de la santé n°20 (Colloque sino-européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises, Bordeaux: les Études Hospitalières, 2015), 437. 313 Souvent, en Chine les médecins les plus réputés sont ceux qui viennent de familles médicales datant de plusieurs générations. Les recettes secrètes de la famille sont protégées. Pour l’intérêt de la famille, les nouvelles recettes sont également protégées. La communication du savoir médical entre les médecins peut avoir lieu seulement dans des situations très particulières. Les élèves apprennent la médecine chinoise avec les classiques de la médecine chinoise et le « sens inné ». 115 publiant eux aussi leurs points de vue par l’entremise de revues. Evidemment, il s’agit pourtant d’une réaction passive.

II. Les réactions des Chinois.

Dans le système médical traditionnel, la médecine chinoise se divise en médecine de palais et médecine ambulatoire. Les différentes classes sociales ont différents niveaux de soin médical. Par conséquent, devant la médecine occidentale, leurs réactions sont différentes. Il est donc logique de distinguer les réactions des Chinois face à l’introduction de la médecine occidentale par les réactions des empereurs et des officiels (A) qui peuvent profiter de la médecine de palais et les réactions du peuple (B), qui est le sujet de la médecine ambulatoire.

A. Les réactions des empereurs et des officiels.

78- Au départ, la résistance dû aux raisons politiques. On a vu que les premiers missionnaires en Chine avaient connu des hauts et des bas dans leur fortune religieuse, médicale ou encore politique ; et en effet, malgré les bons résultats et les efforts des religieux, le doute subsiste au gouvernement et chez les élites chinoises, qui redoutent ces étrangers. Mais grâce à l’effort des missionnaires sur le long terme 314 , la pénétration des conceptions médicales européennes est bien amorcée dès cette première période.

Récoltant le fruit de ce démarrage lent, la deuxième vague d’introduction de la médecine occidentale n’a pas connu tant de difficultés. Un point saillant de celle-ci est l’introduction du vaccin antivariolique qui a sauvé de nombreuses vies chinoises. De toute façon, l’obstacle principal posé par la classe gouvernante ne concerne pas vraiment la médecine occidentale elle- même, mais plutôt la politique déployée derrière elle par les puissances colonisatrices dont elle origine.

Cette volonté de résistance a ses moyens : après la première guerre de l’opium, les

314 Le fait que les médecins missionnaires ont guéri les maladies de l’empereur Kangxi, voir « A. L’introduction de la médecine occidentale » de cette section. 116 activités de tous les missionnaires sont strictement limitées aux portes de commerce, et de plus, les autorités protègent et tolèrent les comportements du peuple chinois susceptibles de contrer les activités de missionnaires315. Pourtant, jusqu’aux signatures des traités de Tianjin et de Pékin, le gouvernement de la dynastie Qing est obligé d’admettre les médecins missionnaires à effectuer leurs missions religieuses et à fonder des établissements médicaux.

79- L’acceptation de la médecine occidentale par les empereurs et les mandarins, grâce à la vertu curative et aux efforts des missionnaires. D’un autre côté, s’appuyant sur de nombreux avantages et sur les efforts faits par les médecins missionnaires, la médecine occidentale gagne petit à petit son terrain.

Quand Peter Parker fonde son hôpital en 1835 à Canton, il éveille les soupçons des mandarins de la ville. Mais après une enquête en cachette, les autorités de Canton permettent tacitement l’existence de cet hôpital. C’est également le cas pour la fondation de la Société Missionnaire Médicale en Chine en 1838 316 . La raison pour laquelle, sous la politique d’interdiction de prédication de la religion occidentale, les autorités chinoises acceptent prématurément et de manière tacite les établissements médicaux occidentaux est que la médecine occidentale cherche à prouver son efficacité surtout chez les officiels : Les médecins missionnaires essaient activement de lier amitiés avec les mandarins du gouvernement. En 1839, Peter Parker a offert un bandage herniaire à Lin Zexu (1785-1850)317 qui souffrait de la hernie, et établi particulièrement un dossier médical pour Lin. En 1877, le médecin missionnaire écossais John Dudgeon (1837-1901) guérit Ronglu (1836-1903)318 de l’adénome thyroïdien. En 1879, le médecin missionnaire John Kenneth Mackenzie (1850-1888) guérit la femme de Li Hongzhang (1823-1901)319 de sa maladie chronique. Sous l’influence de ces affaires, de plus en plus de mandarins chinois acceptent la médecine occidentale, et certains

315 En 1850, les habitants de Fuzhou (福州, ville chinoise du sud) s’opposent à la pratique du médecin missionnaire William Welton (1817-1857). La réponse de l’autorité tolère ce comportement et interdit aux chinois d’aller consulter ce médecin, Xianzhong Hao, « On the Ablishment and Preservation of Modern Chinese Medicine » (Thèse en histoire, East China Normal University, 2005), 83. 316 Ibid., 15. 317 Lin Zexu (林 则徐), militaire, érudit et officiel chinois durant la dynastie Qing, à partir de 1838 il était le Commissaire impérial à Canton et il est connu par la destruction de l’opium à Humen qui est le facteur de déclenchement de lapremière guerre de l’opium en 1840. 318 Ronglu (荣禄), grand-père maternel de l’empereur Puyi (1908-1912), né d’une famille militaire, il était un prince, général et homme d’État Chinois de la dynastie Qing. 319 Li Hongzhang(李 鸿章), il était général, Vice-roi du Zhili (直隶总督), homme d’État de premier plan de la fin de la dynastie Qing. Il a fondé la première armée maritime, nommée Flotte de Beiyang (北洋水师) en 1888. 117 médecins missionnaires étaient même recrutés comme médecins personnels chez les mandarins320.

Normalement, les empereurs et les mandarins ont le droit de profiter de la médecine de palais, mais quand la médecine de palais paraît inopérante sur certaines maladies, la médecine occidentale fait souvent preuve de son efficacité. Les avantages de la médecine occidentale poussent les officiels chinois à avoir envie d’en savoir plus sur les cultures d’origine d’une telle pratique, et deviennent des soutiens précieux à la diffusion de la médecine occidentale : ce changement d’attitude particulier conduit au changement politique.

En 1871, John Dudgeon est recruté comme premier enseignant de physiologie par l’école linguistique Tongwenguan321. Il restait à Tongwenguan pendant 23 ans. En 1881, Li Hongzhang accepte le conseil de John Kenneth Mackenzie et fonde École de médecine occidentale de Tianjin 322 . En 1898, pendant la Réforme de Wuxu, selon le conseil des réformistes, l’empereur Guangxu émet le décret impérial 323 sur la fondation de Jingshidaxuetang324 qui est considéré comme la première université impériale de Pékin, et dans laquelle est enseignée officiellement la médecine occidentale. Selon la Charte de Jingshidaxuetang, en suivant l’exemple du Japon, sept disciplines sont présentes dans cette université, et la médecine occidentale est à la septième place, divisée entre la médecine et la pharmacopée. La période d’études est entre 3 et 4 ans, plus 3 ans de cours préparatoires325.

Jusque-là, il est clair que le gouvernement de la dynastie Qing a bien changé ses politiques concernant l’introduction de la médecine occidentale. Quand un gouvernement décide d’intégrer une nouvelle connaissance dans son cursus éducatif officiel, nous pouvons affirmer que cela est la plus forte preuve de l’acceptation de cette nouvelle connaissance. Malgré le processus douloureux et humiliant, la médecine occidentale est finalement plus ou moins acceptée au niveau gouvernemental.

320 Hao, « On the Ablishment and Preservation of Modern Chinese Medicine », 15‑17. 321 Tongwenguan (同文馆), école linguistique fondée en 1862 pendant le Mouvement d’auto-renforcement par le gouvernement de la dynastie Qing. 322 École de médecine occidentale de Tianjin (天津西医医学馆),Viceroy's Hospital Medical School. 323 L’autorité de la dynastie Qing, éd., 大清德宗(光绪)皇帝实录 (Daqingdezong(guangxu)huangdishilu, L’histoire de l’empereur Guangxu de la dynastie Qing), vol. 6 (Taibei: Hawwan Enterprises Company, 1960), 3879. Cité par Hao, « On the Ablishment and Preservation of Modern Chinese Medicine », 18. 324 Jingshidaxuetang (京师大学堂). 325 Hao, « On the Ablishment and Preservation of Modern Chinese Medicine », 16‑18. 118

B. Les réactions du peuple.

80- La diabolisation de la médecine occidentale. La médecine occidentale est une connaissance importée qui pour le peuple chinois est quelque chose d’inimaginable au premier abord.

Selon la description du grand lettré et penseur chinois du début de la dynastie Qing Gu Yanwu (1613-1682) 326 : « Au début du règne de l’empereur Jiaqing, les Portugais vinrent présenter le tribut à l’Empire… Les Portugais aiment manger les petits enfants… Ils firent bouillir l’eau et mirent l’enfant dans une cage, puis ils mirent la cage à la vapeur. Quand toute de la sueur d’enfant fut épuisée, ils firent sortir l’enfant de la cage et enlevèrent la peau d’enfant qui fut encore vivant. Ensuite, ils tuèrent l’enfant et enlevèrent ses organes internes. Enfin ils remirent l’enfant à la vapeur et quand l’enfant fut cuit, ils le mangèrent327 ».

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les rumeurs du même genre concernant les médecins missionnaires sont toujours présentes. Par exemple, on dit que les médecins missionnaires occidentaux offrent leurs médicaments pour forcer les Chinois à croire en Dieu, ou pour séduire les femmes et les pousser à avoir des rapports sexuels illicites ; que les hôpitaux missionnaires enlèvent les yeux des Chinois pour créer des drogues rares ; que les médecins occidentaux tuent des enfants pour réaliser des planches d’anatomies, etc. À cause de ces rumeurs persistantes, les Chinois détruisent régulièrement les églises, et parfois tuent les missionnaires328.

81- Les raisons de cette diabolisation. Il semble que le peuple chinois a diabolisé depuis le début la médecine occidentale. Néanmoins, en réfléchissant sur les exemples cités, il est évident que l’hostilité du peuple chinois concerne plus les missionnaires et leurs activités

326 Gu Yanwu(顾 炎武), un des plus grands lettrés et penseurs des débuts de la période de dynastie Qing. Il se signale dans les domaines de l’histoire, la philosophie, la philologie, la géographie etc.. 327 Yanwu Gu, 天下郡国利病书 (Tianxiajunguolibingshu), vol. 119 (Pékin: China National Microfilming Center for Library Resourses, 2001), vol. 119. 328 Jinfu Zhou et Jian Lu, 中国近代史资料丛刊续编-清末教案 (Zhongguojindaishiziliaocongkanxubian- Qingmojiaoan, La collection de la documentation de l’histoire moderne chinoise (suite)-les affaires religieuse à la fin de la dynastie Qing), 3 (Pékin: Zhonghua Book Company, 1998), 911‑17. 119 religieuses que la médecine occidentale en elle-même. Il est évident que, étant les sujets de l’Empire du Milieu, quand les Chinois ont découvert une telle différence sur les apparences, les comportements, les langues, les religions… des Occidentaux, surtout quand ils ont vu que les médecins missionnaires disséquaient les cadavres, ils ont été bouleversés et horrifiés par ces choses qui sont incompatibles avec la tradition et la culture chinoises.

82- La fondation des établissements médicaux par les missionnaires et son influance historique sur le système de santé chinois. Le niveau de soin médical de la médecine ambulatoire est incomparable avec celui de la médecine de palais. Pour autant, la plupart du peuple n’arrivent même pas à payer les consultations chez le médecin ambulant. C’est pour cette raison, et aussi puisque les missionnaires ont besoin de former une relation plus amicale avec les Chinois, qu’ils fondent les établissements médicaux où sont soignées les maladies du peuple à titre gracieux.

Prenons exemple de l’hôpital Boji : Au début de l’ouverture de l’Hôpital Boji, il y avait rarement de patient. Mais au fur et à mesure, les Chinois furent convaincus par la qualité des services médicaux, ce qui eut pour double effet de rendre les méthodes médicales occidentales tolérables, et Peter et ses médecins devinrent naturellement les bienvenus329.

De ce fait, malgré des débuts très difficiles, nous pensons que l’objectif de la fondation de ces établissements médicaux est bien atteint, et qu’il est même dépassé : avec leurs services médicaux et leur système de fonctionnement, les établissements médicaux n’ont pas seulement changé les attitudes sur la médecine occidentale chez les Chinois, mais aussi modifié leurs opinions sur la profession médicale, c’est-à-dire que le statut social des médecins professionnels s’en trouve haussé. En effet, de plus en plus de jeunes lettrés chinois commencent à apprendre la médecine occidentale, soit en Chine soit à l’étranger. Il faut noter que la vague des premiers médecins chinois en médecine occidentale représente le facteur essentiel de la fondation du système médical moderne en Chine.

329 George Henry DANTON, The culture contacts of the United States and China (New York; Vienna printed, 1931), 45. 120

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Ainsi, de réticences en refus, la médecine occidentale s’impose à travers de multiples épreuves, après avoir imposé le doute dans l’esprit des lettrés comme du peuple, qui tous sont peu à peu convaincus par son efficacité, qui la rend acceptable (les Chinois étant éminemment pratiques). De plus, certains Chinois s’orientent vers des études de médecine occidentale, qui s’est également intégrée dans le système d’éducation d’État. Nous devons donc constater que vers la fin de la dynastie Qing, la médecine occidentale est introduite en Chine avec succès. En effet, les éléments essentiels de cette réussite sont l’efficacité de la médecine occidentale, les divers moyens de popularisation et la protection par le droit. D’un certain point de vue, et dans les circonstances actuelles, ces données pourraient servir de référence pour essayer de réintégrer également la médecine traditionnelle, régénérée, dans le système médical d’aujourd’hui.

Section II : les discussions s’opposant à la culture chinoise ont entamé le statut juridique de la médecine chinoise.

Partout et toujours, les idées politiques, économiques et sociales des grands penseurs ou des politiciens ont eu de fortes influences sur les changements de l’ordre politique ou de l’aménagement juridique de la société. Dans les vicissitudes de la fin de la dynastie Qing, les premières discussions représentatives concernant les statuts juridiques de la médecine chinoise et la médecine occidentale se trouvent dans Yu Yue et ses pensées sur la médecine chinoise (I), et dans deux courants de pensées remarquables (II).

I. Yu Yue et ses pensées sur la médecine chinoise.

Le courant de l’opinion sur l’abolition de la médecine chinoise est un résultat de la rencontre de la culture chinoise et de la culture occidentale, notamment cette fameuse introduction définitive de la médecine occidentale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Mais concrètement, la première proposition sur l’abolition de la médecine chinoise

121 vient de Yu Yue330 dans son "Essai sur l’abolition de la médecine331" publié en 1879.

Il est indispensable d’analyser Yu Yue (A), ses pensées sur la médecine et la pharmacopée chinoises (B) et l’origine de ces pensées (C), parce que ses pensées sont la source des arguments des controverses dans le gouvernement républicain concernant les dispositions législatives relatives à la construction d’un système médical moderne.

A. Yu Yue.

83- Yu Yue (1821-1907), né à Deqing332 en Province de Zhejiang, est un grand lettré de « l’École de la preuve 333 » dans l’histoire moderne chinoise et un grand maître sur l’étude de la civilisation chinoise ancienne. Son œuvre principale est la collection Chunzaitangquanshu334. Le domaine de ses études comprend la philosophie, l’histoire, l’archéologie, la littérature, la linguistique etc. À part ces domaines classiques, il a aussi effectué des recherches dans le domaine de la médecine chinoise. Dans sa collection Chunzaitangquanshu, nous trouvons ses commentaires sur le grand classique de la médecine chinoise Huangdineijing qui reflètent initialement ses points de vue sur la médecine chinoise.

84- Deux de ses élèves célèbres, Zhang Taiyan et Yu Yunxiu, dans la discution sur l’abolition de la médecine chinoise. Étant un des plus grands maîtres sur la civilisation chinoise, Yu Yue a eu de nombreux élèves qui brillent dans l’histoire moderne chinoise, voire l’histoire contemporaine chinoise. Parmi eux, un de ses élèves, Zhang Taiyan (1868-1936)335 qui est un philologue, critique littéraire et révolutionnaire anti-mandchou s’est également versé dans la

330 Yu Yue (俞 樾). 331 "Essai sur l'abolition de la médecine" se trouve dans le livre Chunzaitangquanshu •Yulouzazuan (春在堂全书 •俞楼杂纂), vol 45. 332 Deqing (德清). 333 L’École de la preuve, 考据学, 考据 (kaoju) : la recherche de la preuve, 学(xue) : École ou étude. L’École de preuve s’appelle aussi l’École de Pu (朴学, 朴(pu) : simple et naturel). C’est une école et une méthode de recherche basées sur la recherche des preuves pour les anciens textes chinois. Elle utilise les méthodes de l’enquête, de l’examen et du commentaire sur les preuves, en s’appuyant sur le confucianisme de la dynastie Han (汉朝), pour faire des critiques textuelles sur les anciens textes chinois. L’époque la plus prospère est communément acceptée comme étant sous la dynastie Qing, surtout pendant l’époque de l’empereur Jiaqing (嘉庆皇帝) et l’empereur Qianlong (乾隆皇帝). Elle est donc aussi nommée comme l’École JiaQian (嘉乾学派). 334 Chunzaitangquanshu (春在堂全书). 335 Zhang Taiyan (章 太炎), ou Zhang Binglin (章 炳麟). 122 médecine chinoise. En 1926, Zhang Taiyan a publié Lunwuzangfuwuxingwudingshuo336. Dans ce texte, il condamne entièrement la théorie des Cinq Eléments appliquée au fonctionnement des cinq organes. Mais selon ses autres ouvrages, Zhang Taiyan n’a jamais préconisé l’abolition de la médecine chinoise. Néanmoins, un des élèves de Zhang Taiyan qui s’appelle Yu Yunxiu337 était le représentant sur ce sujet durant le gouvernement de la République de Chine. Surtout en 1929, étant membre du Comité Central de la Santé, pendant la première réunion du Comité, sa proposition sur l’abolition de la médecine chinoise avait provoqué la plus grande résistance nationale des milieux de la médecine chinoise en Chine. En analysant sa proposition338, les points d’appuis des arguments principaux de Yu Yunxiu viennent en ligne droite des pensées de Yu Yue sur la médecine et la pharmacopée chinoises, c’est-à-dire qu’il faut abolir la médecine chinoise, mais en garder la pharmacopée. En plus, Yu Yunxiu emprunte l’idée de Zhang Taiyan sur la relation négative entre les cinq organes et les Cinq Eléments afin de soutenir son point de vue négatif sur la théorie de la médecine chinoise.

Conséquemment, une succession de pensée du maître au disciple, plus précisément de Yu Yue à Yunxiu Yu, doit certainement être prise en compte dans le débat sur le changement du statut juridique de la médecine chinoise. Néanmoins, les pensées de Yu Yue sur la médecine et la pharmacopée chinoises, qui sont un des origines importantes du courant d’abolition de la médecine chinoise, ne sont pas irréprochables.

B. Les pensées de Yu Yue sur la médecine et la pharmacopée chinoises.

Généralement, la « médecine » dont on parle est un terme global qui contient l’art de guérison, laquelle on peut considérer comme la médecine dans son sens étroit, et l’utilisation des médicaments. Quant aux pensées de Yu Yue sur la médecine chinoise, il faut également les diviser en deux parties : l’une est sur la médecine dans son sens étroit, l’autre est sur la

336 论五脏附五行无定说, Essai sur l’incertitude de la relation entre les cinq organes et les Cinq Eléments. 337 Yu Yunxiu (余 云岫) (1879-1954), nommé Yan (岩), il effectuait ses études de médecine au Japon entre 1905 et 1916 ; en 1906, au Japon, il menait des études sur la civilisation chinoise ancienne avec Taiyan Zhang ; en 1926, il devint le membre du Comité Central de la Santé ; il est un personnage controversé dans l’histoire moderne et contemporaine chinoise, surtout pour son idée d’abolir la médecine chinoise, et considéré comme le personnage représentatif du courant d’abolition totale de la médecine chinoise. 338 Ministère de la Santé de la République de Chine, éd., « 中央卫生委员会第一次会议汇编 (Zhongyangweishengweiyuanhuidiyicihuiyihuibian, Le recueil des documents de la Première Réunion des Membres du Comité Central de la Santé) » (China National Microfilming Center for Library Resourses, 2008). 123 pharmacopée chinoise. Même si les deux parties forment ensemble la médecine chinoise, les points de vue de Yu Yue sur ces deux parties sont différents. C’est-à-dire qu’il préconise donc d’abolir la médecine chinoise, idée qui se présente dans son « Feiyilun (Essai sur l’abolition de la médecine) 339 » (1), mais de conserver la pharmacopée chinoise qui se trouve dans son « Yiyaoshuo (Essai sur la pharmacopée)340 » (2). Cependant, ces points de vue n’avaient pas émergé au même moment : ils apparaissaient successivement.

1) « Feiyilun (Essai sur l’abolition de la médecine) ».

85- Les points de vue de Yu Yue dans « Feiyilun ». En 1879, Yu Yue publia son livre Yulouzazuan341. L’« Essai sur l’abolition de la médecine342 » se trouve dans le 45e volume de ce livre. Le texte contient 7 chapitres et plus de 7 000 caractères. S’appuyant sur la méthode des recherches de l’École de la preuve, Yu Yue manifeste ses critiques de la médecine chinoise sous différents angles.

Il est intéressant d’analyser le texte, parce que les arguments apportés par Yu Yue étaient les principales raisons utilisées par les opposants aux projets de lois durant la construction du système médical moderne de l’époque de la République de Chine, et concernant le rôle à jouer de la médecine chinoise traditionnelle. Mais ces arguments ne sont pas toujours crédibles, comme nous l’avons dit.

Les principaux arguments des 7 chapitres d’« Essai sur l’abolition de la médecine » sont les suivants :

Dans le premier chapitre, en faisant de nombreuses références aux classiques anciens tels que le Classique des rites, le Zuozhuan, Shiji, etc., Yu Yue pense que depuis l’antiquité, la médecine et la divination ont une même importance, voire qu’au tout début, la divination avait plus d’importance que la médecine : la reconnaissance de la médecine ne se

339 Feiyilun (废医论). 340 Yiyaoshuo (医药说). 341Yulouzazuan (俞楼杂纂). 342 Yu Yue, Chun zai tang quan shu, Di 1 ban (Nanjing Shi: Feng huang chu ban chuan wei ji tuan: Feng huang chu ban she, 2010), liv. 俞楼杂纂. 124 serait faite que graduellement. C’est après la dynastie Han orientale (25-220) que, subissant le développement de la médecine, la divination dépérit de plus en plus. À partir de la dynastie Tang (618-907), la divination est abolie mais la médecine a pu être conservée. Suivant le parcours historique de la séparation de la médecine et la divination, Yu Yue exprime son point de vue : « la divination était aussi importante que la médecine, si la divination peut être abolie, pourquoi ne pourrait-on pas également abolir la médecine ? ».

Le deuxième chapitre concerne des critiques portent sur deux plus anciens classiques Shennongbencao (Classique de la matière médicale du Laboureur Céleste) et Huangdineijing (Classique interne de l’empereur Jaune). Après des recherches effectuées dans 92 ouvrages des différentes écoles de pensées, telle que l’École d’Agriculture, l’École du yin et yang, l’École de Cinq Eléments, l’École de Divination, l’École de Formule classique et le Fangxiandao (ou Voie des magiciens et des immortels), qui ont fait mention de Shennong mais qui n’ont jamais évoqué l’ouvrage Shennongbencao, Yu Yue affirme que Shennong n’est pas l’auteur du Shennongbencao, et que la légende sur Shennong goûtant des centaines de plantes était créée dans le but d’accroître les sources alimentaires pour sa tribu : il n’y a donc pas de lien direct avec la pharmacopée pour lui. Yu Yue infère que le vrai auteur du Shennongbencao s’appelle Ziyi343 qui est un des élèves du célèbre médecin Bianque (401-310 av. J.-C)344. L’emprunt du nom de Shennong est pour révéler la dignité de la médecine. La rédaction du Huangdineijing s’est notamment et explicitement référée au Shennongbencao : dans ce cas-là, considérer le Huangdineijing comme l’ouvrage le plus important de la médecine chinoise est douteux, puisque le premier serait plutôt un livre sur la divination ou l’astrologie. Yu Yue nie donc le caractère médical du Huangdineijing.

Le troisième chapitre porte aussi sur l’origine de la médecine, et prétend que la médecine vient de la sorcellerie. En examinant « Suwen﹒Yijingbianqilun345 », Yu Yue explique que « durant l’Antiquité il n’y avait pas de médecin, c’étaient juste des sorciers ». De plus, selon Shiben346, « Shanhaijing﹒Xijing347 », « Dahuangjing348 », que les médecins s’appellent sorciers

343 Ziyi (子仪). 344 Bianque (扁鹊). 345 Suwen·Yijingbianqilun (素问·移精变气论). 346 Shiben (世本). 347 Shanhaijing·Xijing (山海经·西经 , Classique des montagnes et des mers﹒Classique ouest). 348 Dahuangjing (大荒经). 125 est une habitude depuis l’Antiquité. Le caractère « 医 » qui signifie le médecin peut aussi être écrit comme « 毉 » qui est composé en mettant le caractère « 巫 » qui signifie sorcier ou sorcellerie au-dessous. « 医 » est donc un caractère employé depuis l’Antiquité. En conséquence de cette analyse de Yu Yue, il dit dans son texte que « si on peut abolir la sorcellerie, on pourra également abolir la médecine ».

Le quatrième chapitre porte la critique sur la manière de diagnostic par tâter le pouls. Yu Yue invoque les textes qui sont contradictoires sur la théorie du pouls dans les différents classiques de la médecine chinoise, telle que Zhouguan 349 , « Suwen », « Mémoires historiques·Biographie de Bianque350 » pour indiquer que la manière principale du diagnostic basée sur la théorie du pouls n’est pas crédible.

Le cinquième chapitre vise l’efficacité et l’intérêt de la pharmacopée. Selon Ziyi, la pharmacopée se distingue en trois niveaux : celle du premier niveau est la meilleure qui sert à prolonger la vie, celle du deuxième niveau est le moyen qui sert au bien-être et celle du troisième niveau est la moins bonne, la plus vulgaire, qui sert à guérir les maladies. Après sa démonstration historique, Yu Yue pense que les médicaments du premier niveau ne peuvent pas prolonger la vie, et que ceux du deuxième niveau ne suffisent pas au bien-être ; que dans ce cas- là « comment peut-on ne pas avoir de doute sur l’idée que les médicaments de troisième niveau peuvent traiter les maladies, c’est-à-dire que ce sont les médicaments les moins bons qui sont capables de décider de la vie et la mort ? » De plus, après la transmission durant plusieurs générations, il y a beaucoup d’incertitudes dans le contenu du Shennongbencao. Yu Yue indique que « la raison pour laquelle la médecine arrive à traiter des maladies est qu’elle emploie les médicaments au hasard. Mais déjà qu’on ne peut pas avoir confiance en la théorie de pouls et en la pharmacopée, je propose donc avec colère d’abolir la médecine ».

Dans le sixième chapitre, Yu Yue cite le fait que le Duc de Zhou 351 et Confucius accordent plus d’importance à la sorcellerie qu’à la médecine pour dire qu’« actuellement, il y a de plus en plus de médecins, mais l’art de la médecine décline continuellement. Les maladies où les médecins peuvent utiliser les médicaments pour obtenir la guérison sont les maladies qui

349 Zhouguan (周官). 350 Mémoires historiques·Biographie de Bianque (史记·扁鹊传). 351 Duc de Zhou (周公). 126 peuvent se guérir sans traitement, et les maladies qui ne peuvent pas se guérir sans traitement, même si les médecins utilisent les médicaments, elles ne pourront toujours pas être guéries. Parce que ce sont des maladies qui ne peuvent pas guérir. À cause des médecins d’aujourd’hui, les maladies légères s’aggravent et les maladies graves mènent à la mort ».

Le dernier chapitre dévoile l’opinion de Yu Yue sur la cause de la maladie. Selon Yu Yue, celle-ci est le mauvais cœur. « La maladie de l’être humain est née de son cœur. Le cœur est le meneur du qi ou de l’énergie vitale. Le qi est provoqué par humain. Celui qui est habile au bien- être est celui qui excelle à faire grandir le bon cœur et à faire diminuer le mauvais cœur. Si le bon cœur devient l’essentiel, les membres suivent le bon cœur. Le qi sera donc harmonisé et arrivera à résister au changement du temps. Par conséquent, l’homme ne sera pas malade, même s’il est malade, il ne mourra pas ». « Celui qui n’est pas habile au bien-être, le mauvais cœur est grandi et le bon cœur est diminué. Quand le mauvais cœur devient l’essentiel, les membres suivent le mauvais cœur. Le qi sera faible et ne sera pas capable de résister au changement du temps, voire conduira à la maladie grave. L’homme sera toujours malade ». La conclusion de Yu Yue est qu’« il ne faut pas faire confiance à la médecine » et que « la pharmacopée n’a pas d’intérêt ». Le seul moyen de traitement de la maladie est de faire « grandir le bon cœur et diminuer le mauvais cœur ».

86- L’analyse critique des points de vue de Yu Yue. Quant aux points de vue de Yu Yue, d’abord, nous reconnaissons sans hésitation la même l’origine et l’importance de la médecine, la divination et la sorcellerie dans la plus haute Antiquité : la divination et la médecine appartiennent aux sciences occultes. Mais en suivant le développement dans tous les domaines de la société, nous avons de plus en plus de moyens pour résoudre des problèmes qui sont considérés comme inexplicables par les ancêtres, donc de moins en moins besoin de la divination et de la sorcellerie. Et la médecine n’est plus une médecine occulte comme avant. Au bout d’un moment, les trajectoires de la médecine, la divination et la sorcellerie se séparent obligatoirement en répondant au besoin social.

D’ailleurs, le caractère inhérent d’une société féodale décide que la stabilité du pouvoir politique est la première chose recherchée par les gouvernements successifs de toutes les dynasties. Cependant la divination et la sorcellerie sont toujours considérées comme des éléments dangereux qui sont susceptibles de provoquer des révoltes du peuple qui conduisent, plusieurs fois dans l’histoire chinoise, à des changements de dynasties. De plus, l’intérêt de la

127 divination et de la sorcellerie face à la guérison des maux est très limite. Donc, l’abolition de la divination et la sorcellerie semble inévitable aux yeux des gouverneurs, ainsi que pour l’intérêt public.

Dans l’essai mentionné, Yu Yue a évoqué l’abolition de la divination et de la sorcellerie par la dynastie Tang et la dynastie Song. En effet, pendant ces deux dynasties, la Chine a connu une ère de grande prospérité, dont le domaine médical n’était pas exclu352. Selon les Six Codes des Tang353, l’Ancien Livre des Tang et le Nouveau Livre des Tang, les institutions médicales centrales et locales sont bien organisées, surtout dans le Code Tang, et pour la première fois dans l’histoire chinoise, la pratique médicale est stipulée par la loi354. La dynastie Song a hérité et fait évoluer le système médical de la dynastie Tang. Le statut social du médecin a augmenté. Les dispositions médicales sont plus précises qui se divisent en six parties : les dispositions concernent la pratique médicale de médecin, la pharmacopée, l’hygiène alimentaire, la protection de la santé, les blessures dues au combat et le droit médical du prisonnier. D’ailleurs, le Code pénal de la dynastie Song355 a concomitamment stipulé l’abolition de la sorcellerie356. Puisque le statut juridique de la médecine chinoise est déjà confirmé par la loi depuis longtemps, il est donc déraisonnable de comparer la médecine avec la divination et la sorcellerie.

Ensuite, en lisant les sept chapitres d’« Essai sur l’abolition de la médecine » de Yu Yue, nous découvrons tout de suite que son essai est plutôt une critique littéraire sur les classiques de la médecine chinoise, parce que ses arguments sont fondés uniquement sur des recherches documentaires des textes anciens. Dans un texte, dès qu’il trouve des descriptions différentes, sans compter l’effet médical réel, Yu Yue affirme que les contenus concernés sont faux, par exemple comme recensé dans ses discussions sur les grands classiques de la médecine, la pharmacopée et la théorie du pouls. Bien entendu, cela est une méthode spécifique de recherches de l’École de Preuve ; mais quant à la médecine, surtout la médecine chinoise, qui est une discipline basée essentiellement sur la pratique, et non seulement sur la théorie de la

352 En matière médicale, c’est sous la dynastie Tang, en 659, que le Nouveau classique de la matière médicale (新 修本草 ou 唐本草) fut publié. Cela est le premier ouvrage médical officiel publié par l’État dans le monde. Également il est considéré comme le premier code de la pharmacopée du monde. Le Nouveau classique de la matière médicale sert aux normes juridique et académique de la pratique médicale par l’État pendant plus 400 ans, il est ainsi introduit au Japon et au Corée, dont il influencera lourdement les médecins traditionnels. 353 Six Codes des Tang (唐六典). Le code qui a caractère administratif publié à la dynastie Tang. 354 Yu Zhang, « Study on History of Medical Administration in China » (Thèse en histoire, Heilongjiang University of Chinese Medicine, 2014), 29‑43. 355 Code pénal de la dynastie Song (宋刑统). 356 Zhang, « Study on History of Medical Administration in China », 46‑71. 128 médecine mais aussi sur une pharmacopée foisonnante, les points de vue de Yu Yue deviennent discutables.

Néanmoins, dans le grand débat sur l’abolition de la médecine chinoise au début du XXe siècle pour promouvoir le système médical moderne en Chine, les personnes qui sont pour l’abolition de la médecine chinoise prennent entièrement les idées de Yu Yue, sans tenir compte de l’efficacité réelle ou non de la médecine chinoise, de la condition sanitaire générale du pays et des relations contemporaines entre les médecines chinoise et occidentale. C’est une des principales raisons pour lesquelles les propositions et les projets de loi relatifs à l’abolition de la médecine chinoise n’ont pas pu être adoptés.

Enfin, la conclusion de l’« Essai sur l’abolition de la médecine » n’est pas crédible. Yu Yue induit que la médecine et la pharmacopée n’ont pas d’intérêt, et que pour éviter d’être malade, il faut faire « augmenter le bon cœur et diminuer le mauvais cœur ». Cette conclusion, sauf garder un « bon cœur », n’indique aucun moyen pour traiter les maladies, ni pour améliorer le système médical du pays. Cela prouve que cet essai qui ressemble un texte rédigé sous l’implusion du moment n’a pas suffisamment de valeur de référence quant à l’établissement des nouveaux statuts juridiques de la médecine chinoise et de la médecine occidentale dans le contexte social du début du XXe siècle de Chine.

2) « Yiyaoshuo (Essai sur la pharmacopée) ».

Dans son « Essai sur l’abolition de la médecine 357 », Yu Yue conteste l’efficacité, l’intérêt voire la théorie classique de la pharmacopée chinoise par des sévères critiques. Cependant, son « Essai sur la pharmacopée » dément totalement son opinion initiale sur la pharmacopée.

87- Les points de vue de Yu Yue concernant la pharmacopée chinoise. L’« Essai sur la pharmacopée » est un texte assez court qui contient moins 2 000 caractères et qui est rédigé au moment où Yu Yue était troublé par les maladies et la vieillesse. Dans le texte, Yu Yue explique que « je n’ai pas confiance en la médecine, mais je crois à la pharmacopée. C’est la raison pour

357 Yu, Chun zai tang quan shu, liv. 宾萌集. 129 laquelle j’écris « Essai sur la pharmacopée »358 ».

Contrairement à ses idées précédentes, « Essai sur la pharmacopée » confirme l’effet et l’efficacité de la pharmacopée. Selon Yu Yue, le commencement de l’application de la pharmacopée est issu des médecins, mais ce sont des médecins compétents qui n’ont rien à voir avec les médecins ambulants d’aujourd’hui. Il ne nie pas l’existence des bons médecins, et pour savoir quel médecin est bon, il faut les essayer un par un. Cependant, « comment pouvons-nous essayer les médecins en mettant notre propre corps en jeu ? » De plus, de la confiance en la pharmacopée transmise par les anciens dépend la réputation du médecin : « Si le médecin n’est pas issu d’une famille qui faisait la profession de médecin durant trois générations, on ne prendra pas les médicaments prescrits par ce médecin ». Yu Yue pense que la plupart des médecins d’aujourd’hui sont des escrocs. La seule chose qu’il faut faire c’est acheter les médicaments reconnus.

88- L’influence des pensées de Yu Yue est désavantageuse pour la survie de la médecine chinoise. Jusque-là, la pensée médicale générale de Yu Yue est bien claire : abolir la médecine, mais garder la pharmacopée. Pratiquement, ce verdict est emprunté par nombre de progressistes subséquents et a transmis son influence aux destins multiples et changeant de la médecine chinoise pendant toute l’histoire moderne chinoise.

D’« Essai sur l’abolition de la médecine » à « Essai sur la pharmacopée », les deux essais contradictoires construisent la pensée essentielle de Yu Yue dans le domaine médical. Nous pensons que la première raison qui pousse Yu Yue à changer son idée est l’état de la santé des dernières années de sa vie. Cela se prouve dans son poème «… Je ne peux plus insister pour l’abolition de la médecine, au contraire, je dois recourir aux remèdes… 359 »360. Mais cette raison ne semble pas suffisante. De plus, étant considéré comme la source des réflexions sur l’abolition de la médecine chinoise, il est donc nécessaire de l’origine de ses interrogations concernant le domaine médical.

358 Ibid. 359 Ibid., liv. 春在堂诗编. 360 Hao, « On the Ablishment and Preservation of Modern Chinese Medicine », 118. 130

C. Les raisons du changement de position de Yu Yue à l’égard de la pharmocopée chinoise.

89- Des raisons historique, sociale, politique voire familiale ou personnelle. Sachant que l’« Essai sur l’abolition de la médecine » est publié en 1879 et l’« Essai sur la pharmacopée » est publié plus tard. Selon le contexte historique de l’époque, nous induisons les pensées médicales de Yu Yue à partir des éléments suivants.

Premièrement, depuis toujours, dans la société chinoise ancienne, la profession de médecin est méprisée par les lettrés. Même si certains lettrés parcourent les livres médicaux, la plupart d’entre eux ne daignent pas exercer la profession, voire se sentent humiliés d’être médecins. De plus, face à l’invasion des pays occidentaux 361 et aux troubles sociaux, le gouvernement de la dynastie Qing accorde encore moins d’importance à la médecine. La formation des médecins est également bien perturbée. Ces éléments aboutissent à une décadence du domaine médical vers la fin de la dynastie Qing.

Deuxièmement, selon l’autobiographie de Yu Yue, Autobiographie de Quyuan362 et la chronique de Yu Yue, Chronique de Maître Yu Quyuan363, depuis les années 1860, des malheurs arrivent aux membres de sa famille de manière continue. En 1860, son gendre aîné est mort de maladie ; en 1866, son deuxième fils devient handicapé à cause d’une grave maladie ; en 1872, son frère aîné meurt lui aussi de maladie ; en avril 1879, sa femme enfin meurt de maladie, et ce dernier événement cause un choc grave à Yu Yue364. Probablement qu’il a pu transférer de sa colère à la médecine qui n’a pas su sauver les vies de ses proches. Et ses malheurs ne sont pas finis, car en 1881, son fils aîné décède ; et en 1882, c’est sa fille cadette qui est emportée par la maladie. Les chocs et les deuils successifs ont gravement détérioré la santé de Yu Yue pendant les dernières années de sa vie.

361 En chinois, selon l’usage, le terme « les pays occidentaux (西方国家) » font partie de l’univers géopolitique regroupant les pays d’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord. 362 Yu Yue, Autobiographie de Quyuan, édition xylographique du règne de Guangxu de la dynastie Qing, rassemblé et édité par Ministère de la Santé de la République de Chine, « 中央卫生委员会第一次会议汇编 (Zhongyangweishengweiyuanhuidiyicihuiyihuibian, Le recueil des documents de la Première Réunion des Membres du Comité Central de la Santé) », 249‑336. 363 Hui XU, Chronique de Maitre Quyuan Yu, Commercial Press, 1933, rassemblé et édité par Wan Qing ming ru nian pu (Beijing : Guo jia tu shu guan chu ban she, 2006), 337-361. 364 Selon la biographie de Yu Yue Deqingyushi rédigée par son descendant Yu Runmin, Yu Yue épouse sa femme à 19 ans. Leur amour était très profond. Ils ont eu deux fils et deux filles. Après le décès de sa femme en 1879, Yu Yue connaissait une longue période d’affliction jusqu’à la fin de sa vie. Runmin Yu, Xu Chen, Deqingyushi, China Renmin University Press, 1999, Pékin. 131

Troisièmement, bien entendu, il faut aussi tenir compte du fait qu’à l’époque où Yu Yue vivait, bien sûr que l’introduction de la médecine occidentale en Chine et le Mouvement d’auto- renforcement entre 1861 et 1895 constituaient les principaux éléments historiques influençant le domaine médical ; mais au moment où Yu Yue publie son essai sur l’abolition de la médecine, la médecine occidentale n’a pas encore acquis tant de reconnaissance en Chine, comme nous avons pu le voir. En parcourant l’Autobiographie de Quyuan et la Chronique de Maître Quyuan Yu, nous découvrons que Yu Yue ne connaît que peu de chose sur la médecine occidentale. Dans ce cas-là, nous pouvons affirmer que les influences de la médecine occidentale et du Mouvement d’auto-renforcement sur le philosophe sont restreintes.

Finalement, les pensées de Yu Yue sur la médecine et la pharmacopée se forment par ensembles, combinant des éléments prévisibles et des éléments fortuits. Évidemment, l’objectif derrière l’imprécation d’abolir la médecine venant de Yu Yue est différent de celui de Yu Yunxiu pendant la construction du système médical moderne du gouvernement républicain. En analysant les conditions susdites, nous pensons que les causes essentielles de la réflexion médicale de Yu Yue sont ses colères dues à l’impuissance de la médecine face aux malheurs supportés par les membres de sa famille, et le mauvais état de santé de sa vieillesse. C’est donc la raison pour laquelle nous affirmons que les deux textes étudiés plus haut sont plutôt un résultat de caprice et d’aigreur par lesquels Yu Yue transmet sa colère et son impuissance. Il en résulte que l’utilisation des points de vue présentés dans les deux essais comme arguments pour supprimer le statut juridique de la médecine chinoise dans le droit chinois constitue un raisonnement bancal, une méthodologie douteuse.

II. Deux courants de pensées remarquables.

Vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la discussion entre la médecine chinoise et la médecine occidentale est le résultat de la comparaison des deux médecines sur leurs crédibilités, efficacité et scientificité. La reconnaissance et le développement mutuels des deux médecines décident de leurs statuts juridiques dans le droit chinois d’alors ou même à venir, mais avant tout, elles sont orientées par les courants de pensées dominant dans la société contemporaine : d’un côté, l’introduction de la culture occidentale amène le courant d’occidentalisation dans la société chinoise (A), lequel a permis de hâter le pas de l’installation 132 de la médecine occidentale ; de l’autre côté, la défaite lors de la guerre sino-japonaise en 1894 conduit à la perte de confiance des Chinois, perte de confiance traduite par l’opposition instinctive, notamment de la population jeune, à la culture traditionnelle chinoise (B), dont la médecine chinoise fait partie. Ces deux courants conjoints déclenchèrent initialement la discussion sur les statuts juridiques concernant la médecine chinoise et la médecine occidentale.

A. Le courant d’occidentalisation.

L’arrivé d’un fort courant d’occidentalisation n’est pas un résultat direct de l’introduction de la culture occidentale, mais débute réellement un peu avant la première guerre de l’opium. Suivant l’évolution de la situation économique et politique, nous pouvons diviser ce courant d’occidentalisation en deux phases : le courant d’occidentalisation entre les années 1840 et les années 1890 (1) qui investit généralement les domaines technologique et économique, et le courant d’occidentalisation qui suit la guerre sino-japonaise en 1894 (2), et qui commence cette fois à toucher les domaines politique et social.

1) Le Courant d’occidentalisation entre les années 1840 et les années 1890.

90- Mettre l’accent sur des nouvelles technologies occidentales. Avant la première guerre de l’opium, certains intellectuels ou certains mandarins progressistes qui ont des contacts fréquents avec les Occidentaux ont déjà aperçu la crise nationale et sociale potentielle. Ils essaient d’expliquer la nécessité et l’importance d’apprendre des nouvelles technologies occidentales aux autorités. En même temps, ils publient eux-mêmes des ouvrages dans le but d’« apprendre les nouvelles technologies occidentales pour contre-attaquer les Occidentaux ». Bien entendu, le gouvernement de la dynastie Qing n’a pas prêté l’importance requise par ces demandes. Après la première guerre de l’opium, les traités inégaux mettent la nation en péril. Les autorités effectuaient le Mouvement d’auto-renforcement entre 1861 et 1895. Le slogan est « apprendre les nouvelles technologies occidentales pour se renforcer et apprendre les nouvelles technologies occidentales pour s’enrichir ». Mais ce mouvement ne concerne que la modernisation militaire et économique : il n’a donc jamais touché les domaines politique et

133 social. Finalement, la perte de la Guerre sino-japonaise (1894-1895) annonce l’échec relatif du Mouvement d’auto-renforcement.

91- Stimuler l’apparittion des premiers progressistes. Le courant d’occidentalisation entre les années 1840 et 1890 influe également sur la médecine chinoise. Pendant le mouvement, les autorités ont créé des écoles de science, militaire, de traduction, de médecine, etc., et envoyé des élèves à l’étranger pour apprendre les nouvelles technologies occidentales. De 1872 jusqu’à 1892, les autorités ont envoyé 197 élèves chinois dans les différents pays occidentaux365. Parmi ces élèves, il y en a beaucoup qui sont définitivement influencés par les pensées occidentales, par exemple Yan Fu (严复366). De ce fait, dans une société où, sans parler du peuple, la majorité de l’élite chinoise est très conservatrice et n’envisage pas un changement social, ce premier courant d’occidentalisation a donné une chance aux intellectuels chinois pour connaître le monde extérieur ; finalement, à cette faveur, nombre de ces intellectuels sont devenus des progressistes qui commencent à soulever des questions sur la réforme nécessaire concernant les divers domaines, y compris celui de médecine.

2) Le Courant d’occidentalisation après la guerre sino-japonaise en 1894.

Le courant d’occidentalisation qui commence au début des années 1890 a un lien étroit avec le Japon. Il est donc inévitable de parler de la situation du Japon de l’époque et de sa politique dans le domaine de la santé publique.

92- L’abolition de la médecine traditionnelle au Japon. Vers la fin du XIXe siècle, le Japon, comme la Chine, souffre des conséquences de traités inégaux signés avec les pays occidentaux. Contrairement à l’obstination présomptueuse du gouvernement chinois mandchou, les autorités japonaises effectuent la Restauration dite de Meiji (entre les années 1860 et 1880) qui a adapté un système politique très occidentalisé à la situation nippone, et qui transforme enfin l’Empire du Japon en grande puissance. Cela est prouvé par la victoire du Japon pendant la première guerre sino-japonaise (1894-1895), ainsi que par la suite lors du conflit avec la

365 Jun Feng, « Pursuits of Studying Abroad: an imperial-financed System in Times of Westernization Movement in the 19th Century of China », Journal of Guangzhou University, no 03 (2001): 45. 366 Fu Yan (1853- 1921), écrivain, traducteur, penseur chinois. Il était allé en Angleterre étudier les affaires militaires maritimes entre 1877 et 1879. Voir le texte suivant. 134

Russie. Quant au domaine médical, pendant la restauration de Meiji, les autorités japonaises ont aboli, par une série continue de dispositions législatives, la médecine traditionnelle qui était essentiellement inspirée de la médecine chinoise.

Selon l’histoire médicale, la médecine chinoise a influencé l’art de guérir dans toute l’Asie orientale pendant plusieurs siècles. Le Japon est l’un des nombreux pays concernés, avec l’introduction de la médecine chinoise au Japon il y a bientôt 1 500 ans367 . En japonais, la médecine chinoise est désignée par le terme « Kampo » ou « médecine Kampo ». Ainsi, à la suite de la restauration de Meiji, le processus d’abolition de la médecine traditionnelle au Japon a influencé en retour le statut juridique de la médecine chinoise en Chine.

La véritable reconnaissance de la médecine occidentale au Japon commence au XIXe siècle. Le gouvernement cherche activement à encourager l’exercice de la médecine occidentale. En même temps, la relégation de la médecine Kampo est un acte d’État : en 1868, le gouvernement décide d’accorder une reconnaissance légale exclusive à la médecine occidentale et crée un département spécialisé sur les questions de santé au sein du ministère de l’éducation ; en 1874, le gouvernent élabore et publie le « Code médical complet ». Ce code établit les normes nationales et régionales applicables aux établissements de santé publique, ainsi que les règles sur le cursus national concernant la santé qui exclut la médecine Kampo ; à partir de 1879, la pratique de la médecine est réglementée par des lois sur l’examen des licences, sur les praticiens de médecine générale et sur les dentistes. Par conséquent, les écoles qui enseignaient la médecine Kampo disparaissent progressivement ; l’accès à la profession pour les étudiants de médecine occidentale s’est facilité ; la pratique de l’accouchement, de l’avortement et la vente de médicaments traditionnels aux accoucheurs traditionnels Sanba sont interdits ; la pratique des sages-femmes est réglementée par la formation et l’accréditation nationale. Même si certains praticiens de médecine Kampo refusent d’adopter la médecine occidentale et continuent à pratiquer leur art traditionnel, c’est de manière ferme et définitive que le statut de la médecine

367 HIROMICHI, Yasui, “History of Kampo Medicine”, The Journal of Kampo, Acupuncture and integrative medicine, Volume 1, Special edition, Current Kampo Medicine, 2005, P. 3, cite par Dominique MANGA, “L’encadrement juridique de la médecine Kampo (漢方医学 Kanpōigaku), ou méthode «Han» au Japon ”, Colloque sino-européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises et al., éd., Le droit de la médecine chinoise dite « traditionnelle »: actes du Colloque sino-européen sur le statut juridique de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles chinoises, des 16 et 17 décembre 2013, Hangzhou, Chine (Bordeaux: les Études Hospitalières, 2015), 460. 135

Kampo n’est plus reconnu par le droit Japonais.368

93- L’influence sur la Chine. La situation en Chine est encore beaucoup plus complexe. La défaite de la guerre sino-japonaise réveille enfin le gouvernement mandchou et son peuple chinois et signale l’amplification, quantitative et qualitative, de l’introduction de la culture occidentale. En effet, avant cette guerre, ce sont des missionnaires chrétiens qui traduisent des livres occidentaux concernant principalement les domaines technique et religieux en chinois. Mais après cette guerre, et pour trouver une solution propre à « sauver » la Chine voire à la faire regagner sa prospérité et sa puissance, les milieux intellectuels chinois s’excitent et se décomplexent, ce qui se traduit par des voyages à l’étranger pour y faire des études, la traduction plus large des ouvrages occidentaux portant cette fois sur la philosophie, la politique, l’économie, la logique, le droit, la sociologie, etc. 369 , ainsi que la prise en exemple de la restauration de Meiji afin de solliciter la réforme du gouvernement mandchou qui a finalement lieu en 1898370. Parmi les pays occidentaux et occidentalisés, et en raison du lien culturel et géographique entre les deux pays pendant plusieurs siècles, le Japon est alors la destination de premier choix pour beaucoup de Chinois qui envisagent de faire leurs études dans un pays étranger.

Le Japon d’après la restauration de Meiji a accéléré l’industrialisation du pays et est devenu le plus puissant pays d’Asie. Ce changement a bel et bien impressionné et inspiré les Chinois au Japon. Quand ils rentrent du Japon, ils rapportent avec eux un second mouvement d’occidentalisation déjà acclimaté au caractère asiatique. C’est la raison pour laquelle dans le gouvernement de la république chinoise naissante, la plus forte sollicitation pour abolir la médecine chinoise vient du groupe des gens qui ont réalisé leurs études au Japon.

94- En analysant ces divers contextes historiques, nous pouvons constater que la réussite soudaine du courant d’occidentalisation du début du XXe siècle en Chine n’est pas un phénomène de hasard, car il résulte d’un mélange de plusieurs facteurs sociaux : Premièrement, après la guerre sino-japonaise (1894-1895), le risque de l’asservissement de la nation et le développement surprenant du Japon entament la confiance en la culture

368 Ibid., 462‑67. 369 Fuyu Chen, « A Survey of Fu Yan’s Chinese-Western Cultures Comparison Methodologies » (Mémoire en philosophie, Soochow University, 2012), 15. 370 La Réforme des Cent Jours (戊戌变法, Wuxubianfa, ou la Réforme Wuxu), une réforme avortée de la dynastie Qing, qui eut lieu du 11 juin au 21 septembre 1898. 136 traditionnelle chinoise, dont résulte une tendance de s’opposer à celle-ci : en résumé, tout ce qui appartient à la culture traditionnelle chinoise est négatif, et tout ce qui est occidental mérite l’attention et le respect, et est à promouvoir au maximum. Deuxièmement, depuis la défaite de la première guerre de l’opium, et avec plus d’un demi-siècle déjà de présence accrue de cette culture occidentale, gagnant, au fur et à mesure, sa reconnaissance dans la société chinoise, l’atmosphère sociale est alors plus favorable pour les idées étrangères que pour les us anciens. Troisièmement, les jeunes Chinois qui ont élargi leurs connaissances sur la science moderne, et qui rentrent du Japon ou des pays occidentaux après leurs études dans ces pays, deviennent les forces vives d’une pénétration plus impulsive. Parce qu’à ce moment, la vision commune dans les milieux intellectuels est que la science moderne née dans les pays occidentaux est un des moyens pouvant changer la situation critique et délicate de la Chine de l’époque, il a suffi que ces jeunes meneurs et intellectuels accaparent les postes importants au commencement de l’ère républicaine pour que cette tendance de pensée jette les bases de la construction du gouvernement moderne. Finalement, étant un des symboles de la culture traditionnelle chinoise, la médecine chinoise est visée par les critiques des milieux intellectuels, méprisée de plus en plus par le peuple et le gouvernement république envisage même de l’abolir purement et simplement dans le but d’établir un système sanitaire occidental.

Ainsi, la double dynamique d’un rapport de remplacement culturel est présente : attrait pour le nouveau et l’étranger, dédain, mépris et opposition pour l’ancien et le sien propre.

B. L’opposition à la culture traditionnelle chinoise.

95- Chez les Chinois, c’était la perte de confiance qui a conduit à l’opposition à sa propre culture. Depuis toujours, la culture traditionnelle chinoise se caractérise par le respect des ancêtres et le savoir ancien, qui est considéré comme ayant déjà atteint la perfection, nécessitant sa préservation et sa transmission inchangée. Ces phénomènes sont gravés dans l’automatisme national chinois depuis des millénaires ; phénomènes que nous avons déjà analysés dans le chapitre I de la sous-partie 1 sur « La médecine chinoise et les pensées classiques chinoises ».

137

Dans ce cas-là, la raison qui peut conduire à l’opposition à la culture traditionnelle chinoise doit être un traumatisme extrêmement grave et douloureux pour la nation, comme ces défaites successives contre les puissances occidentales depuis la première guerre de l’opium et les traités inégaux avec les pays occidentaux qui amènent la Chine au risque d’asservissement total. Même si les autorités ont effectué le Mouvement d’auto-renforcement pour revivifier la nation, la perte de la guerre sino-japonaise annonce l’évanouissement total de cet objectif.

Face à ces chocs, les Chinois perplexes perdent continuellement leur confiance quant à leur propre culture. Ce manque de confiance naissant vers la fin de la dynastie Qing prolonge son influence jusqu’à l’époque de République de Chine.

96- Malgré l’opposition, la médecine chinoise bénéficie toujours de nombreux et puissants appuis. L’introspection sur la culture traditionnelle chinoise se trouve facilement dans de nombreux ouvrages des élites cultures chinoise comme Liang Qichao (1873-1929)371, Yan Fu (1854-1921)372, Tan Sitong (1865-1898)373, etc. En général, il s’agit de l’idée que la culture traditionnelle chinoise ne s’adapte plus à son époque. La contestation de concepts tels que les « Sangang 374 », le « Lijiao 375 », « la vénération pour les sages », « la vénération pour Confucius », « la vénération pour les ancêtres », etc. s’est étendue rapidement. En 1908, certains opposants de la culture traditionnelle chinois soulèvent donc la question sur l’abolition des caractères chinois et de la médecine chinoise376.

Étant le symbole de la culture traditionnelle chinoise la plus ancienne, la médecine chinoise était la première cible de toutes les critiques sur la culture traditionnelle chinoise, surtout sur les théories des Cinq Eléments, le yin et yang, le Qi etc. qui ont pénétré dans tous les domaines de la culture traditionnelle chinoise et qui forment également l’essentiel des théories de la médecine chinoise.

371 Liang Qichao (梁 启超). 372 Yan Fu (严 复). 373 Tan Sitong (谭 嗣同). 374 Sangang (三纲, 三: trois, 纲: ordres, les trois ordres) ; le contenu des trois ordres énonce que les sujets suivent l’ordre du monarque ; que les enfants suivent l’ordre du père ; et que la femme suit l’ordre de son mari. Il est présenté pour la première fois par l’école dite du Légisme qui a existé de la fin du VIIIe siècle av. J.C. jusqu’au IIIe siècle av. J.-C.. 375 Lijiao (礼教,礼: li, 教: jiao ; religion rituelle confucienne). 376 Hao, « On the Ablishment and Preservation of Modern Chinese Medicine », 96‑97. 138

Les idées des grands lettrés dirigent le ton de ces critiques, il est donc important de souligner certains penseurs et leurs idées représentatives, dont Yan Fu et Liang Qichao qui sont considérés comme de grands penseurs des « Lumières chinoises377 » durant l’histoire moderne chinoise.

Yan Fu (1853-1921) est un écrivain, traducteur et penseur chinois. Il était allé en Angleterre étudier les affaires militaires maritimes entre 1877 et 1879. Sa traduction d’œuvres occidentales378 a grandement influencé les Chinois. Selon lui, il y a trois éléments importants chez le peuple qui décident finalement de la puissance d’un pays : la santé, le savoir et la vertu. La raison pour laquelle les pays occidentaux sont devenus si puissants à son époque est que les gouverneurs des pays occidentaux font attention à la médecine, aux nouvelles technologies et à permettre des façons de penser plus ouvertes379. En revanche, chez les Chinois, la théorie des Cinq Eléments est façonnée par l’imagination et ne correspond pas la logique, il ne faut donc pas la croire380.

Liang Qichao (1873-1929) est un éducateur, historien, réformiste, penseur chinois et un des promoteurs de la Réforme Wuxu. En raison de l’avortement de la Réforme Wuxu en 1898, il s’est enfui au Japon, d’où provient sa connaissance approfondie de la culture occidentale. Il préconise la réforme de la médecine pendant la Première Révolution anglaise ainsi que d’ouvrir des écoles de médecine381. Ses critiques sur la culture traditionnelle chinoise depuis les années 1890 sont assez simples : selon lui, le yin et le yang sont seulement des symboles de la philosophie confucéenne, ils ne concernent aucun sens mystérieux ni un état de santé humain ; la théorie des Cinq Eléments divise l’univers en cinq catégories en parlant de leurs natures, ceci

377 Terme inspiré des « Lumières » en Europe. Effectivement, à partir des années 1890, en espérant réveiller le peuple chinois contre le système social et politique d’alors, des philosophes et des intellectuels chinois traduisent les ouvrages occidentaux, publient leurs points de vue sur la culture traditionnelle chinoise et la culture occidentale, et se réclament d’une liberté et d’une égalité nouvelles. Les lettrés qui sont vus comme les penseurs des Lumières chinoises sont Zheng Guanying, Yan Fu et Liang Qichao à la fin de dynastie Qing ; Chen Duxiu, Li Dazhao, Hu Shi etc. après la révolution chinoise de 1911, Ting Kong, « 20 世纪初中国启蒙思想的演变 (20shijichuzhongguoqimengsixiangdeyanbian, L’évolution des pensées des Lumières chinoises au début du XXe siècle) », Expanding Horizons, no 04 (2012): 112‑15. 378 Les principales œuvres occidentales qu’il a traduits sont : Evolution and Ethics (Thomas Henry Huxley), The Wealth of Nations (Adam Smith), The Study of Sociology (Herbert Spencer), History of Politics (E. Jenks), System of Logic (John Stuart Mill), etc. 379 Fu Yan, 严复集 (YanFuji, La collection de Fu Yan), éd. par Shi Wang, Yuanqiang 1 (Pékin: Zhonghua Book Company, 1986), 11. 380 John Stuart Mill, A System of Logic, trad. par Fu Yan (Pékin : Commercial Press, 1981), 202. 381 Qichao Liang, « 医学善会序 (Yixueshanhuixu, Préface pour l’association Yixueshan) », Shizubao, 11 août 1897. 139 n’a aucun lien avec la philosophie ou la science ; les influences données par ces théories au peuple sont négatives, comme la médecine chinoise prise dans son entièreté. Ces idées ont orienté les mesures de la Réforme Wuxu : en 1898, l’édit de l’empereur Guangxu accepte le conseil de Liang Qichao, et demande d’établir l’école de médecine comme institution. Les idées politiques de Liang Qichao sont collectionnées dans Yinbingshiheji382.

Nous devons noter qu’à ce moment les critiques concernant la médecine chinoise restent encore académiques. Le système médical, même après la Réforme de Wuxu et la Réforme à la fin de dynastie Qing, n’a pas fondamentalement changé, et bien que la formation de la médecine du palais soit beaucoup perturbée, la médecine ambulatoire qui est la partie principale de la médecine chinoise continue sa formation traditionnelle.

En observant le contexte spécifique de l’époque, on comprend qu’opposer la culture traditionnelle chinoise à la culture occidentale était alors effectivement devenu une mode. À la suite de cette mode par la foule, la plupart des oppositions peuvent être considérées comme un résultat de l’acceptation totale et aveugle de la culture occidentale sous la pression voire la menace pressante de devenir un pays asservi. Contrairement à la particularité de la culture traditionnelle chinoise qui se manifeste par les soumissions des « trois ordres 383 », la piété filiale 384 , la priorité des monarques, l’uniformisation, le tabou, la vénération de l’ancienneté, la culture occidentale met l’accent sur le règne de la loi, l’égalité, la priorité du peuple, la diversification, la sagesse et l’estime de la nouveauté. Quand les deux cultures se rencontrent, la tradition de vénération pour la culture des ancêtres de la culture traditionnelle chinoise lui empêche de bien réagir au changement radical de la situation mondiale.

Bien que la théorie essentielle de la médecine chinoise se soit inspirée des théories des Cinq Eléments, du yin yang et du qi, la discipline est née et s’est développée réellement avec la pratique. Ceci est également éprouvé par l’introduction de la médecine occidentale qui est mentionnée dans la première section de ce chapitre. La rencontre avec la médecine occidentale permet aux milieux médicaux chinois, les premiers, de découvrir des défectuosités de la

382 Qichao Liang, 饮冰室合集 (Yinbingshiheji, Collection Yinbingshi), vol. 13 (Shanghai: Zhonghua Book Company, 1941), 47‑50. 383 L’ordre de monarque, l’ordre de père et l’ordre de mari, voir la note 22. 384 Selon la philosophie confucéenne, la piété filiale est une vertu de respect pour ses propres parents et ancêtres. 140 médecine chinoise dans sa pratique et d’essayer de promouvoir une « médecine chinoise réformée » qui se précise par l’assimilation des points forts de la médecine occidentale385. Les points de vue des milieux médicaux chinois sont assez techniques, mais en ce qui concerne ce travail, leur acceptation initiale de la médecine occidentale pousse à la création de nouvelles dispositions médicales pendant les réformes, qui seront en vigueur au début du gouvernement de République de Chine. Le courant d’opposition à la culture traditionnelle chinoise a mal calculé en faisant de son objectif principal la médecine chinoise, puisque celle-ci bénéficie toujours de nombreux et puissants appuis, aussi bien dans le peuple que chez les dirigeants, et que les médecins traditionalistes (s’accrochant à la tradition) entendent bien riposter.

***

Les discutions portées sur la médecine chinoise sont toujours liées à la culture traditionnelle chinoise. Les pensées de ces célèbres lettrés ont bien orienté l’ordre politique et l’aménagement juridique de la Chine. Ces discussions sont les références des nouvelles politiques pour tous les essais du gouvernement de la dynastie Qing afin de renforcer la puissance du pays. Surtout pendant la Réforme des nouvelles politiques de la fin de la dynastie Qing, le gouvernement a installé l’administration médicale concernant la médecine occidentale, et publié de nombreuses dispositions légales pour régler la profession médicale et fonder les établissements médicaux occidentaux et les écoles de la médecine occidentale. Si les traités inégaux ont forcé le gouvernement de la dynastie Qing à protéger les médecins missionnaires et leurs pratiques médicaux par la loi chinoise, la législation issue de « Les nouvelles politiques » prouve que le gouvernement commence à prendre l’initiative de conformer le statut juridique de la médecine occidentale. Ce changement a accéléré l’installation en profondeur de la médecine occidentale en Chine, mais également provoqué initialement la question : Est-ce que nous pouvons trouver une solution afin d’harmoniser la coexistence des deux médecines dans un même système juridique d’un pays. Avec cette question, nous allons développer le chapitre suivant : les premières nouvelles institutions médicales.

385 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 32‑56. 141

142

Chapitre II : Aux origines des nouvelles institutions médicales (1901- 1911).

Les premières institutions médicales d’un nouveau type sont fondées pendant la Réforme des nouvelles politiques entre 1901 et 1911 par le gouvernement mandchou386.

Dans le but d’« adopter les politiques occidentales pour pallier aux défectuosités des politiques chinoises387 », la Réforme des nouvelles politiques est initiée par l’édit impérial du 29 janvier 1901, adressé aux gouverneurs civils et militaires et aux mandarins de toutes les provinces de Chine. Ensuite, le 21 avril 1901, le gouvernement crée la direction gouvernementale, nommée Dubanzhengwuchu388, destinée à exécuter cette réforme.

La réforme dans le domaine médical est évoquée, le 4 octobre 1901, par le rapport adressé à l’empereur Guangxu, rédigé par Liu Kunyi (1830-1902)389 et Zhang Zhidong (1837- 1909)390. Dans leur rapport, ils insistent sur le fait que « la médecine est une discipline basée sur le concept de santé », et que « la médecine est une affaire extrêmement importante pour renforcer la puissance du pays ». Cependant, ils pensent que la médecine occidentale ne s’adapte pas encore suffisamment à la situation réelle du pays, et que d’un autre côté, la médecine chinoise est beaucoup moins crédible par rapport aux époques passées. Selon eux, la réforme concernant la médecine et les systèmes de santé doit donc à la fois viser à adapter la médecine occidentale aux réalités de la Chine et renforcer l’encadrement juridique de la

386 Les historiens chinois appellent cette réforme « Xinzheng (新政) ». Selon eux, les nouveaux courants de pensée conduisent à la Réforme Wuxu (戊戌变法) en premier lieu. Malgré sa courte durée et un résultat avorté, les nouvelles politiques établies pendant la Réforme Wuxu, qui concernent les domaines de la vie nationale, de la culture, de l’éducation et de la politique, ont nourri la Réforme des nouvelles politiques. D’un certain point de vue, « la Réforme des nouvelles politiques est l’exécuteur testamentaire de la Réforme Wuxu ». En d’autres termes, il y a une relation de cause à effet entre les nouveaux courants de pensée et la Réforme des nouvelles politiques, Fang Xie, « 制 度 创 新 与 中 国 现 代 化 —— 从戊戌变法、清末新政到辛亥革命 (Zhiduchuangxiyuzhongguoxiandaihua-Congwuxubianfa,qingmoxinzhengdaoxinhaigeming; Les innovations des systèmes et la modernisation de la Chine - de la Réforme Wuxu, la Réforme des nouvelles politiques à la révolution chinoise de 1911) », Forum on Chinese Culture, no 01 (2002): 55. En effet, le gouvernement de la dynastie Qing a repris les politiques établies pendant la réforme Wuxu, mais a tendu à nier le lien entre les deux, Shoupeng Zhu, 光绪朝东华录 (Guangxuchaodonghualu, Le chronique pendant le règne de l’empereur Guangxu), vol. 4 (Zhonghua Book Company, 1958), 4601. 387 Zhu, 光绪朝东华录 (Guangxuchaodonghualu, Le chronique pendant le règne de l’empereur Guangxu), 4:4755. 388 Dubanzhengwuchu (督办政务处). 389 Liu Kunyi (刘 坤一). 390 Zhang Zhidong (张 之洞). 143 médecine chnoise qui s’est relâchée en raison de la dégradation politique du moment391. Dont la politique est de maintenir le code moral traditionnel chinois et profiter des sciences de la nature et des sciences sociales occidentales392.

Juridiquement, et en ce qui concerne le domaine médical, les changements se portent sur le système administratif médical, le droit administratif, le droit pénal (section I) et la formation en médecine (section II).

Section I : L’exercice médical et la révision des lois pendant la Réforme des nouvelles politiques.

Les historiens chinois ont une vision commune des sources traditionnelles du droit chinois sous la dynastie Qing393, sources contenant le droit positif : le Code pénal, Lü394 ; l’édit et l’application de la loi, Li395 et le code administratif, Huidian396, les règlements locaux, les règlements concernant les relations avec les minorités ethniques de la nation et les pays voisins, et le droit non-écrit : la coutume, les jurisprudences et la doctrine 397 . Bien entendu, conformément à l’évolution de la situation mondiale de l’époque, précisément après la première guerre de l’opium, les traités inégaux sont également devenus une des sources du droit chinois398, qui protègent et favorisent les activités des missionnaires chrétiens, dont l’introduction de la médecine occidentale. Néanmoins, le changement qui influencera le plus le droit chinois subséquent est la révision des lois pendant la Réforme des nouvelles politiques399.

391 Zhu, 光绪朝东华录 (Guangxuchaodonghualu, Le chronique pendant le règne de l’empereur Guangxu), 4:4731. 392 Traduit par l’auteur, la phrase originale en chinois est « 中学为体,西学为用 (Zhongxueweiti, Xixueweiyong) ». 393 Zhilun Yu, « 清朝中前期正式法律渊源研究(1644-1840) (Qingchaozhongqianqizhengshifalüyuanyuanyanjiu (1644-1840, Formal Sources of Law of Qing Government (1644-1840)) » (Thèse en droit, Renmin University of China, 2011), 34. 394 Lü (律). 395 Li (例). 396 Huidian (会典). 397 Minghui Xiong, « On the Origin of the Law in the Late Qing Dynasty », Journal of Chenzhou Teachers College, no 06 (2004): 30‑32. 398 Si nous considérons que les règlements concernant les relations avec les pays voisins comme le Japon, la Corée, le Vietnam, etc., sont les premiers cas de droit international chinois, les traités inégaux signés après lapremière guerre de l’opium avec les puissances occidentales présentent des caractères différents, le premier d’entre eux étant que la Chine était habituellement la puissance suzeraine des autres entités politiques. Ainsi donc, ce sont les traités inégaux qui font connaître le droit international public moderne à la Chine. 399Après la révision des lois, le système du droit chinois se présente sous la forme de six grands codes de droit : la constitution, le code du droit civil, le code du droit des affaires, le code du droit pénal, le code du droit de la 144

Indéniablement, la révision des lois est l’essentiel de cette réforme400. Ses fruits les plus remarquables sont la publication du premier document constitutionnel chinois, Les grandes lignes de la constitution impériale de 1908401, et l’élaboration des nouveaux codes de droit qui l’adaptent402. Il y a donc deux faits méritant d’être signalés :

Tout d’abord, avec la publication du premier document constitutionnel, les nouvelles sources du droit ont brisé les cadres du droit chinois traditionnel. Ensuite, s’appuyant sur les nouvelles lois, le gouvernement de la dynastie Qing s’essaie logiquement à établir un nouveau système administratif pour l’ensemble du territoire403.

Ainsi, ces changements nous permettent de poser les questions suivantes : est-ce que les changements du cadre juridique ont également porté sur le domaine médical ? Si oui, jusqu’à quel niveau, et avec quelle efficacité ? Nous nous efforcerons d’apporter des réponses dans le premier paragraphe, intitulé « La nouvelle administration sanitaire » (I), puis dans le second paragraphe qui traitera des nouveaux droits sanitaires (II).

procédure et le code du droit organique. L’établissement de ce système signifie que le gouvernement a adopté le système du droit occidental en Chine. Ces changements seront durables, et constitueront le fondement du système du droit durant le gouvernement provisoire de Nankin, le gouvernement de Beiyang et le gouvernement nationaliste à Nankin, Guangjian Zhang, « The law Amendment of the Qing Dynasty and the Modernization of the Chinese Legal System » (Mémoire en histoire, Jilin University, 2008), 30. 400 Yong Zhu, « 清末“新政”:一场真正的法律革命 (Qingmo"Xinzheng": yichangzhenzhengdefalügeming; La “Réforme des nouvelles politiques” de la fin de la dynastie Qing: une vraie révolution juridique) », Journal of Jining Teachers College, no 02 (2002): 44‑48. 401Les grandes lignes de la constitution impériale (Qindingxianfadagang, 钦定宪法大纲) est le premier document constitutionnel contenant les principes et les définitions de la monarchie constitutionnelle ainsi que de la séparation des pouvoirs dans l’histoire de la Chine. Il s’agit donc d’une borne essentielle de l’histoire du droit chinois, Zhang, « The law Amendment of the Qing Dynasty and the Modernization of the Chinese Legal System », 29. 402 Les principaux nouveaux droits sont : le Daqingxianxingxinglü (大清现行刑律, Code pénal actuel de la grande dynastie Qing) promulgué en 1910, le Daqingxinxinglü (大清新刑律, Nouveau Code pénal de la grande dynastie Qing) promulgué au 25 janvier 1911, le Daqingminlücaoan (大清民律草案, Projet du Code civil de la grande dynastie Qing) élaboréé en août 1911, le Qindingdaqingshanglü (钦定大清商律, Code de commerce impérial de la grande dynastie Qing) promulgué en janvier 1904, le Daqingxingshiminshisusongfa (大清刑事民事诉讼法, Code de procédure pénale et civile de la grande dynastie Qing) élaboré en 1908, le Daqingxingshisusonglücaoan (大清刑事诉讼律草案, Projet du code de procédure pénale de la grande dynastie Qing) élaboré en janvier 1911, le Daqingminshisusonglücaoan (大清民事诉讼律草案, Projet du code de procédure civile de la grande dynastie Qing) élaboré en 1911, etc. Xiong, « On the Origin of the Law in the Late Qing Dynasty », 32‑33. 403 Il s’agira également de l’objectif de la réforme de la fin de la dynastie Qing. 145

I. La nouvelle administration sanitaire.

À la lumière du processus d’introduction de la médecine occidentale en Chine, au moment où le gouvernement effectue la Réforme des nouvelles politiques, il est perceptible que l’attitude des Chinois vis-à-vis de la médecine occidentale n’est plus si hostile qu’auparavant ; à ce moment précis de l’histoire, la médecine chinoise et la médecine occidentale se retrouvent dans une situation de coexistence peu définie404. C’est dans ce contexte-là que le gouvernement chinois va s’efforcer d’établir un nouveau système sanitaire (A) et de jeter les fondations d’établissements hospitaliers modernes (B).

A. La médecine dans le nouveau système de santé du gouvernement de la dynastie Qing.

Naturellement, l’administration médicale est prise en charge par les organismes de la santé ; durant la Réforme des nouvelles politiques, le gouvernement reprend évidemment la même structure. Mais de plus, dans une perspective nationale, le gouvernement a établi une administration sanitaire centrale (1) et une administration sanitaire locale (2).

1) L’administration sanitaire centrale.

Il y a trois questions auxquelles nous devons répondre : premièrement, de quelle manière la médecine occidentale est-elle comprise dans l’administration médicale ? ; Secondement, quelles sont les modalités et les réalités de la coexistence de la médecine chinoise et la médecine occidentale ? ; Troisièmement, qui administre concrètement les deux médecines ?

Afin de répondre à ces questions, nous commencerons par étudier l’établissement de l’administration médicale centrale dans le nouveau système sanitaire du pays.

404 Toutefois, cette coexistence est rythmée par des débats sur les différences culturelles, des discussions sur le système médical idéal, sur la forme nécessaire des établissements médicaux, nourrie par les échanges académiques médicaux, par la création de publications médicales et d’associations médicales d’un nouveau genre, etc. TieTao Deng, 中 医 近 代 史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise) (Canton: Guangdong Higher Education Press, 1999), 62. 146

97- La structure de l’administration sanitaire. Les bases juridiques de la création de l’administration médicale centrale sont trouvées indirectement dans les édits impériaux de juillet 1901405 et de septembre 1905406 : Indirectement, car les deux édits impériaux traitent plutôt de la création de la police locale et de la police nationale : mais la police est une notion importée des pays occidentaux, et ne recouvre donc pas la même réalité dans l’organisation administrative chinoise. L’organisme qui se charge de la direction générale de toute la police du pays s’appelle Xunjingbu407, et est créé par l’édit impérial de septembre 1905. Au sein de

405 Selon l’édit impérial de juillet 1901, les gouvernements de province doivent créer des écoles pour policiers, installer des bureaux de police et commencer à entraîner leurs officiers locaux, Jinzao Liu, 清朝续文献通考 (Qingchaoxuwenxiantongkao, La suite de la documentation de la dynastie Qing) (Shanghai: Commercial Press, 1955), vol. 119. 406 Dans les provinces, l’exécution de l’édit impérial n’avait pas posé de problèmes apparents ; cependant, puisque la « police » est une réalité nouvelle pour les gouverneurs locaux, chaque province organise sa police par des mesures différentes. Ce phénomène résultera en une grande difficulté d’administration de la police au niveau national. C’est la raison pour laquelle le second édit impérial du septembre 1905 était publié, complétant le premier, Lijuan Cao, « 试 论 清 末 卫 生 行 政 机 构 (Shilunqingmoweishengxingzhengjigou, Essai sur l’organisme administratif de la santé à la fin de dynastie Qing) », Chinese Journal of Medical History, no 02 (2001): 86. 407 Xunjingbu (巡警部) est l’organisme responsable de l’ensemble du dispositif de sécurité intérieure de Pékin, et de la direction nationale de la police. Le Xunjingbu comprend cinq départements : Jingzhengsi (警政司, le département en charge de la sécurité, des affaires de coutume, des affaires de la route, des affaires administratives de la police, et des affaires qui concernent le registre d’état civil des habitants), Jingfasi (警法司, le département chargé de la gestion de la police judiciaire et des affaires internationales aux concessions des différents pays, ainsi que de la surveillance de la presse), Jingbaosi (警保司, le département en charge de la sécurité publique, des affaires sanitaires, des affaires des travaux et de la délivrance des licences), Jingxuesi (警学司, menant la formation des policiers) et Jingwusi (警务司, le département chargé des affaires courantes de Xunjingbu), et seize services. Parmi ces cinq départements, Jingbaosi comprend quatre services : Baoanke (保安科, le service de sécurité), Weishengke (卫生科, le service de santé), Gongzhuke (工筑科, le service des travaux), Yingyeke (营业科, le service des registres). Weishengke est évidemment le service qui se charge de la gestion des affaires sanitaires.

L’organigramme de Xunjingbu est comme indiqué ci-dessous : 147 cette direction générale, les autorités ont installé un Service de la santé, qui est responsable des affaires sanitaires, nommé, en chinois, Weishengke408.

Au début de sa création, l’organisation du Service de la santé est assez simple. Son effectif se composait seulement d’un responsable intitulé Yuanwailang409 , d’un chargé des affaires ordinaires sous le titre de Zhushi 410 et d’un certain nombre de secrétaires, les Shujiguan411 412.

Cependant, et très rapidement, les missions que les autorités lui ont confiées apparaissent, par rapport à son effectif, trop complexes. Il s’agit d’évaluer les créations des écoles de médecine, de distribuer le titre professionnel de médecin, et d’administrer les affaires sanitaires comme le nettoyage de la rue, la prévention des maladies infectieuses et contagieuses, l’élaboration et l’examen des règles sanitaires et hygiéniques413. Si toutes ces missions doivent être correctement accomplies, il est évident que lors de sa création, les autorités ont sous-estimé l’importance de ce service.

Xunjingbu

Jingzhengsi Jingfasi Jingbaosi Jingxuesi Jingwusi

Baoanke

Weishengke

Gongzhuke

Yingyeke Ibid., 87. 408 Weishengke (卫生科). La raison pour laquelle la police s’occupe des affaires sanitaires sera traitée dans le paragraphe II de cette section. 409 Yuanwailang (员外郎). 410 Zhushi (主事). 411 Shujiguan (书记官). 412 Cao, « 试论清末卫生行政机构 (Shilunqingmoweishengxingzhengjigou, Essai sur l’organisme administratif de la santé à la fin de dynastie Qing) », 87. 413 Ibid., 86. 148

De toute évidence, le gouvernement n’a pas tardé à s’apercevoir de ce problème, et a effectué dès 1906 un réaménagement de la –pourtant récente– structure administrative 414 , amenant la création d’un ministère des Affaires civiles qui s’appelle, en chinois, Minzhengbu415. Au sein de ce ministère des Affaires civiles existent cinq départements : Minzhisi416 qui est le département qui s’occupe de l’administration et de l’économie locales ; Jingzhengsi 417 , consacré à la sécurité publique du pays ; Jianglisi418, département assigné aux affaires sur les bornes délimitant les propriétés ; Yingshansi419, lui consacré aux importants travaux impériaux et Weishengsi420 qui est le département qui se charge des affaires de la santé publique421. Dès lors, et formellement au sein du gouvernement central, le statut de l’organisme de la santé est hissé au premier rang des affaires civiles, à l’égal de la police nationale.

414 Ce réaménagement est effectué pendant l’élaboration de la constitution. Les principaux changements sont la dissociation et la modification du Xunjingbu en Minzhengbu (民政部), ainsi que l’ajout de fonctions civiles pour le Minzhengbu, c’est-à-dire, en sus des fonctions auparavant exercées par le Xujingbu (de police, d’administration, de justice, d’encadrement des coutumes et rites, etc.), les fonctions de gestion de l’administration locale, de l’autonomie locale, de l’immigration, des ressortissants, de la vie du peuple et des frontières, traditionnellement assignées à la charge du Hubu (户部, Ministère des Finances), ainsi que des travaux impériaux qui dépendaient du Gongbu (工部, Ministère des Travaux), Ibid., 87. 415 Minzhengbu (民政部). 416 Minzhisi (民治司). 417 Jingzhengsi (警政司). 418 Jianglisi (疆理司). 419 Yingshansi (营繕司). 420 Weishengsi (卫生司). 421 L’organigramme du Minzhengbu est comme indiqué ci-dessous :

Minzhengbu

Minzhisi Jingzhengsi Jianglisi Yingshansi Weishengsi

Baojianke

Jianyike

Fangshuke

Ibid. 149

Les fonctions du Weishengsi deviennent beaucoup plus détaillées et sont alors réparties en trois Services 422 . L’administration médicale est séparée des autres affaires sanitaires et appartient spécialement à un Service qui s’appelle Fangshuke 423 , traitant précisément les qualifications de médecin et de sage-femme, et l’inspection de l’industrie pharmaceutique et de l’administration des hôpitaux.

L’effectif du Weishengsi est légèrement augmenté et plus professionnel, comprenant désormais non seulement les officiers mentionnés plus haut, mais aussi un Langzhong424, deux Yuanwailang425, deux Zhushi426, un fonctionnaire de septième rang du classement des officiers ; et surtout, du personnel médical comme un médecin de sixième rang, et un autre de septième rang.

98- Quelle manière la médecine occidentale est-elle comprise dans la nouvelle administration médicale chinoise ?

Le terme « sanitaire » signifie « Relatif à la santé publique et à l’hygiène427 », et le terme « santé publique » en chinois est « gonggongweisheng (公共卫生) », « gonggong (公共) » signifiant « publique », « weisheng (卫生) » signifiant « santé ». En français, la définition du mot « santé » comprend directement l’idée de « santé publique »428, ce qui est également le cas en chinois : le mot « weisheng » résume tout simplement sa forme plus longue « gonggongweisheng (公共卫生) ».

La définition de la « santé publique » demeure malgré tout un sujet complexe au niveau

422 Le Weishengsi se compose de trois services : Baojianke (保健科), Jianyike (检疫科) et Fangshuke (方术科). Le Baojianke se charge d’examiner l’hygiène alimentaire, de surveiller la propreté des rivières, des routes, l’hygiène des pauvres, l’hygiène publique des chantiers et des salles de spectacle. Le Jianyike quant à lui se charge de la prévention des maladies infectieuses, de la vaccination, de l’examen des moisissures et des quarantaines, Ibid. 423 Fangshuke (方术科). 424 Langzhong (郎中). 425 Yuanwailang (员外郎). 426 Zhushi (主事). 427 Paul Robert, Josette Rey-Debove, et Alain Rey, éd., Le petit Robert: dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Nouv. éd. millésime 2013 du Petit Robert de Paul Robert (Paris: Le Robert, 2013), 2305. 428 (1659) Etat physiologique et psychique des membres d’un groupe social ; état de bien-être dans une société. Ibid., 2307. 150 institutionnel : dans le Dictionnaire de la pensée médicale, selon l’auteur, l’origine de la santé publique s’inscrit d’abord dans une perspective généalogique : « En effet, non seulement l’expression elle-même n’apparaît que tardivement, à la fin du XIXe siècle aux États-Unis, mais surtout la réalité sociologique qu’elle représente, avec ses valeurs, ses normes, ses institutions, ne se manifeste véritablement qu’à partir de l’Âge classique en Occident429 ».

Ici, nous prenons donc deux définitions de la santé comme références. L’une est donnée par Proudhon en 1846 et acceptée par le dictionnaire Le Robert : « Connaissances et techniques propres à prévenir les maladies, à préserver la santé, à améliorer la vitalité et la longévité des individus par une action collective (mesures d’hygiène et de salubrité, dépistage et traitement préventif des maladies, mesures sociales propres à assurer le niveau de vie nécessaire)430 ». L’autre est donnée par Charles-Edward Winslow, et initialement publiée dans la revue Science en 1920 : « La santé publique est la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et de promouvoir la santé et l’efficacité physiques à travers les efforts coordonnés de la communauté pour l’assainissement de l’environnement, le contrôle des dans la population, l’éducation de l’individu aux principes de l’hygiène personnelle, l’organisation des services médicaux et infirmiers pour le diagnostic précoce et le traitement préventif des pathologies, le développement des dispositifs sociaux qui assureront à chacun un niveau de vie adéquat pour le maintien de la santé.431 »

Ainsi, pendant la Réforme des nouvelles politiques, les autorités chinoises ont successivement créé des organismes de santé publique comme le Weishengke 432 et le Weishengsi433, et leurs fonctions correspondent bien aux critères de la définition de la santé publique. Puisque la Réforme fait référence de manière explicite au régime occidental, et que le système sanitaire occidental s’accorde logiquement avec la médecine occidentale correspondante, il est clair que la nouvelle organisation institutionnelle de la santé publique en Chine (et l’expansion du lexique qui lui est propre) traduit une compréhension approfondie des changements culturels inévitables alors à l’œuvre : la médecine occidentale, lorsque présente,

429 Dominique Lecourt, Dictionnaire de la pensée médicale, Quadrige (Paris: Presses universitaires de France, 2004), 1014. 430 Robert, Rey-Debove, et Rey, Le Petit Robert, 2307. 431 Lecourt, Dictionnaire de la pensée médicale, 1014‑15. 432 Weishengke (卫生科). 433 Weishengsi (卫生司). 151 est embrassée dans son entièreté, conceptuelle aussi bien que d’application et dans ses cadres juridiques.

99- Quelles sont les modalités et les réalités de la coexistence de la médecine chinoise et la médecine occidentale ?

En 1905, quand le gouvernement crée le Weishengke, les fonctions de ce dernier comprennent –comme nous l’avons vu– l’ensemble de l’administration médicale et de la gestion des affaires sanitaires. Après le réaménagement de 1906, l’administration médicale et la gestion des affaires sanitaires sont séparées, mais demeurent sous la direction du Weishengchu qui est l’administration de la santé publique centrale. Parmi les fonctions principales du Weishengchu, celles qui concernent l’hygiène collective, la vaccination, la qualification des médecins, des sages-femmes et des établissements médicaux sont inspirées de la médecine occidentale et du système administratif médical occidental ; d’autres, comme la prévention des maladies infectieuses, de la mise en quarantaine, de la pratique des médecins et sages-femmes, de l’inspection de la qualité des médicaments, etc. font encore partie de la médecine chinoise et relèvent parfois encore de l’ancien régime d’administration médicale434. De ce fait, nous pouvons déduire que la médecine chinoise et la médecine occidentale coexistent de facto au sein de l’administration médicale moderne, et que les autorités maintiennent dans un premier temps un certain équilibre « instinctif »435.

100- Qui administre les deux médecines ?

Bien que cela soit étonnant, c’est la police qui administre alors les deux médecines. Il s’agit d’un régime nouveau, puisqu’auparavant, les gens pratiquant la médecine pouvaient se nommer « médecin » librement 436 . En outre, les organismes médicaux officiels traditionnellement confirmés par la loi étaient la Cour de la médecine impériale et la Pharmacie impériale, spécialement créées au profit des empereurs et de leur famille. En cas de maladies infectieuses et contagieuses graves, l’État installait provisoirement des organismes qui se

434 Cong Liu, « The Research on the Medical Law of Qing Dynasty » (Thèse en histoire, China Academy of Chinese Medical Sciences, 2008), 32‑41, 47‑73. 435 Selon Joseph Needham (1900-1995), ce ne serait que peu avant les années 1900 que l’efficacité du traitement de la médecine occidentale a définitivement dépassé celle de la médecine chinoise, Joseph Needham, 李约瑟文 集: 一九四四-一九八四 (Liyuesewenji:1944-1984; Recueil des ouvrages de Joseph Needham 1944-1984), éd. par Jixing Pan et Yangzheng Chen (Liaoning Science and Technology Publishing House, 1986), 206‑7. 436 Voir le Paragraphe 1 « Les établissements médicaux » de la section 1 du Chapitre 2. 152 chargeaient de la mise en quarantaine, et du traitement (d’une efficacité souvent toute relative)437. En d’autres termes, dans le droit chinois traditionnel, un organisme administratif médical permanent au profit de la santé du peuple n’a jamais existé.

Le titre de médecin est donc délivré par la police, ainsi que celui de sage-femme ; la création des écoles de médecine doit être autorisée par la police. Comme on l’a vu plus haut, du réaménagement de 1906 jusqu’à 1911, la santé publique et la police étaient parallèlement sous la direction du ministère des Affaires civiles, mais la chute de l’empire a empêché la plupart des lois révisées de demeurer en vigueur : pour toute la suite de la période, c’est donc toujours la police qui se charge de l’administration médicale. Les analyses sur « la police se charge de l’administration sanitaire » se trouvent dans les textes suivants.

Normalement, dans le nouveau système sanitaire, les administrations médicales locales doivent être les exécutantes des décisions de l’administration médicale centrale. Cependant, sans parler des situations économique, politique et sociale délicates du pays, ou de la distinction entre la médecine de palais et la médecine ambulatoire, la simple arrivée de la médecine occidentale, irrégulière et arythmique laisse les administrations médicales locales dans une situation en réalité plus nuancée.

2) Les administrations sanitaire locales.

Étant la capitale de la dynastie Qing, Pékin voit émerger une médecine « transitionnelle », mélange inégal de médecine de palais, de médecine ambulatoire et de médecine occidentale à différents stades d’implantation. Mais la situation dans les provinces est différente. Pour certaines provinces littorales, il y a souvent présence concomitante de la médecine ambulatoire et de la médecine occidentale ; quant aux autres provinces, est souvent disponible seulement la médecine ambulatoire. Par conséquent, l’administration sanitaire de Pékin (a) se distingue de celle des provinces (b).

437 Bien entendu, selon les organisations administratives des différentes dynasties, les noms et les structures de la Cour de Médecine impériale et de la Pharmacie impériale sont différents, Yu Zhang, « Study on History of Medical Administration in China » (Thèse en histoire, Heilongjiang University of Chinese Medicine, 2014), 13‑102. 153

a) L’administration sanitaire de Pékin.

101- La structure de l’administration sanitaire de Pékin. À Pékin, pendant la Réforme des nouvelles politiques, entre 1901 et 1911, l’administration médicale est également sous la direction de la police. Cela se traduit dans la structure de son système sanitaire :

Après la création de la police nationale, l’organisme qui a la même fonction à Pékin est le Gongxunju438, son équivalent au niveau municipal ; mais rapidement, en décembre 1905, il est remplacé par la Préfecture de police de la ville intérieure de Pékin qui s’appelle Neichengxunjingzongting 439 et la Préfecture de police de la ville extérieure de Pékin qui s’appelle Waichengxunjingzongting440, dont les fonctions principales sont le maintien de l’ordre public et la police judiciaire441.

La répartition des tâches entre deux préfectures s’explique par la séparation à Pékin de deux zones géographiques. Depuis la conquête du pouvoir par les Mandchous, les gouverneurs mandchous administrent leur capitale par une politique de séparation d’habitation des Mandchous et des Han, autrement dit par une ségrégation ethnique urbaine. Les Mandchous habitent dans la ville intérieure de Pékin qui s’appelle « ville des Mandchous442 » et les Han habitent dans la ville extérieure de Pékin qui s’appelle logiquement « ville des Han443 ». Parce que les Mandchous ont un statut social supérieur à celui des Han, en pratique, les autorités de la ville mandchoue peuvent intervenir dans les affaires de la ville han, mais l’inverse n’est pas vrai444. Il en résulte que la préfecture de la Ville intérieure peut intervenir dans des affaires qui sont de la compétence de la préfecture de la Ville extérieure, ce qui comprend la gestion du système médical.

Au sein des deux préfectures, l’administration médicale dépend du service de la Santé

438 Gongxunju (工巡局). 439 Neichengxunjingzongting (内城巡警总厅). 440 Waichengxunjingzongting (外城巡警总厅). 441 Les premières Archives nationales de Chine, éd., « 巡警部全宗 (Xunjingbuquanzong, Les archives de Xunjingbu) », s. d., vol. 1509. 442 Ville des Mandchous (满城, Mancheng). 443 Ville des Han (汉城, Hancheng). 444 Ibid. 154 publique qui s’appelle Weishengchu 445 , mais se divise en deux sections : la section de la médecine, Yixuegu 446 pour l’encadrement des écoles de médecine et des établissements médicaux, les enquêtes sur les médecins, sur la pharmacopée et sur les ouvrages médicaux, ainsi que les statistiques de la natalité et de la mortalité ; et la section du service médical, Yiwugu447 qui se charge des affaires concernant le traitement des maladies, l’inspection de l’hygiène des lieux publics et la fabrication des médicaments448. Après la création du ministère des Affaires civiles en 1906, à Pékin, la structure du service de la Santé publique a connu de grands changements 449 . L’administration médicale est répartie en deux Sections qui sont

445 Weishengchu (卫生处). A part la section de la médecine et la section du service médical, les affaires sanitaires sont également gérées par : la section du nettoyage des voies qui s’appelle Qingdaogu (清道股) et qui se charge du nettoyage des voies et des toilettes publiques, du transport des ordures, etc. ; et la section de la prévention des maladies infectieuses et contagieuses qui s’appelle Fangyigu (防疫股), occupée par la prévention des maladies infectieuses, la vaccination, l’inspection des établissements médicaux, la prévention de la peste animale, l’inspection des abattoirs et des magasins d’alimentation. Ibid. 446 Yixuegu (医学股). 447 Yiwugu (医务股). 448 L’organigramme des deux préfectures avant le réaménagement de 1906 se présente comme indiqué ci-dessous :

Neichengxunjingzongting et Waichengxunjingzongting

Zongwuchu Jingwuchu Weishengchu

Qingdaogu

Fangyigu

Yixuegu

Yiwugu

449 Les structures des deux préfectures de la police sont également changées. Dans chaque préfecture, il y a quatre services : le service des affaires générales, Zongwuchu (总务处), le service administratif, Xingzhengchu (行政处), le service judiciaire, Sifachu (司法处) et le service de la santé publique, Weishengchu (卫生处), Les premières Archives nationales de Chine, « 巡警部全宗 (Xunjingbuquanzong, Les archives de Xunjingbu) », vol. 1509.

L’organigramme de Neichengxunjingzongting et waichengxunjingzongting après le réaménagement en 1906 est comme indiqué ci-dessous :

155 nommées Section I et Section II, chaque Section contenant la Division A, la Division B et la Division C. La Section I est plus concernée par la gestion administrative, alors que la Section II est plus orientée vers les pratiques médicales concrètes.

Les affaires relatives à la préservation et à l’amélioration de la santé, telles que l’inspection et l’administration de l’exercice des médecins et des sages-femmes, l’inspection des médicaments, l’encadrement de l’utilisation des médicaments toxiques sont gérées par la division B de la Section I. En ce qui concerne des affaires comme l’examen de la condition physique des policiers, le traitement des maladies pour les prisonniers, le traitement des urgences, le traitement pour les blessés militaires et le traitement pour les policiers blessés à leur poste, c’est la Division A de la Section II qui agit. Enfin, pour toutes les questions d’examens de laboratoire pour les aliments, d’additifs alimentaires, de médicaments et de substances toxiques, est mise en place la Division B de la Section II450.

Neichengxunjingting et Waichengxunjingting

Zongwuchu Xingzhengchu Sifachu Weishengchu

Section I Section II

Division A Division A

Division B Division B

Division C Division C

450 Dans la Section I, la division A s’occupe des conditions de propreté comprenant le nettoyage des voies, la supervision de l’hygiène des habitants, le transport des ordures, le nettoyage du puits et de l’égout et de l’installation et de l’entretien des toilettes publiques ; la division B, en plus des aires de compétence mentionnées dans le texte, est chargée de l’inspection de l’hygiène des produits alimentaires et de leur fabrication, de l’examen de la santé des prostituées, de l’inspection de l’hygiène des chantiers et des marchés alimentaires et de l’inspection des abattoirs et des étables ; la division C a pour mission principale la mise en place de mesures destinées à empêcher les épidémies infectieuses, ce qui comprend la prévention des maladies, la vaccination, la prévention des pestes animales, l’aseptisation et le traitement des cadavres.

Au sein de la section II, la division C s’occupe de la « désintoxication », qui désigne l’encadrement des salons d’opium, l’inspection des toxicomanes, l’inspection des cures de désintoxication, l’élaboration des règles de désintoxication et le contrôle de la fabrication des substances désintoxicantes. Ibid. 156

102- Cette organisation est une invention originale mais discutable : Originale parce que, comme nous l’avons déjà mentionné, à l’époque à Pékin, le domaine médical consiste en un mélange confus de reliquats de l’époque impériale et d’éléments nouveau ; dans un contexte si complexe, la nouvelle administration médicale a encadré de manière novatrice toutes les grandes questions de la santé publique (gestion des médecins, des sages-femmes, des établissements médicaux, des pharmacies, des écoles de médecine, de la fabrication des médicaments, voire la prévention des maladies infectieuses et contagieuses). Il s’agit alors d’une première en Chine. De plus, et parce que cet essai fut l’embryon de l’administration médicale des gouvernements successifs de la République de Chine451, l’administration médicale du pays n’est pas tombée dans un chaos absolu par la suite. Discutable en revanche, tout d’abord parce qu’en 1901, 1905 et 1906, les autorités bouleversent des structures administratives si habituelles et anciennement implantées, que les nouvelles politiques risquent de ne pas pouvoir être exécutées correctement. Secondement, parce que l’idée d’intégrer les différentes conceptions de la médecine dans une structure administrative complète procède d’une bonne intention, mais que les particularités de chaque médecine peuvent conduire à l’inégalité pratique dans l’administration médicale. Troisièmement, parce que comme l’administration médicale centrale, l’administration médicale de Pékin dépend également de la police, qui présente déjà un problème de structure administrative interne. De plus, après le réaménagement en 1906, le mélange de l’administration et des pratiques médicales dans le Service de la santé publique n’est encore pas totalement raisonné et normé ; finalement, tous ces éléments montrent que l’établissement de la nouvelle administration médicale de Pékin fut une réforme pleine de possibilités, mais précipitée, ce qui a amputé de beaucoup son exécutabilité réelle.

b) L’administration sanitaire des provinces.

Avant la chute de la dynastie Qing, dans les provinces, sauf les villes littorales qui sont souvent les portes de la pénétration de la médecine occidentale, la médecine ambulatoire est traditionnellement le seul moyen pour le peuple de faire soigner ses maladies.

451 Voir « Chapitre I : La médecine dans le droit de la République de Chine (1912-1949) ». 157

103- La structure de l’administration sanitaire en provinces. Bien que, suivant l’édit impérial de juillet 1901 concernant la création de la police locale, les gouverneurs des provinces ont installé leurs propres organismes de santé publique, la création des administrations médicales doit attendre jusqu’en 1907, date à laquelle les autorités locales créent finalement le Weishengkè452 453.

Dans le Weishengkè, les officiers sont des policiers. Le responsable est un Kèzhang454, le vice-responsable un Fukèzhang455, et les autres employés sont des Kèyuan456. Selon le besoin, le chef de la police décide de l’effectif du Weishengkè, mais dans tous les cas, à part le responsable et le vice-responsable, le nombre des employés ne doit pas dépasser trois.

Ses fonctions d’administration médicale locale sont bien simplifiées, organisant les services médicaux des établissements privés et officiels457, régulant les pratiques de la médecine ambulatoire, supervisant les pharmacies privées avec ou sans médecins, et gérant les établissements médicaux provisoires (officiels) en cas de survenue d’une pandémie. Cela montre que, sauf changements formels se portant formellement sur la structure administrative et sur les titres des officiers458, l’essence de l’administration médicale n’est pas changée.

Nous savons aussi que, pendant la Réforme des nouvelles politiques, certains districts provinciaux demandent l’autonomie locale, souvent acceptée par les autorités centrales, qui finissent par voter une motion et adopter la Charte de l’autonomie locale comprenant des dispositions sur la gestion de la profession de médecin et sur la formation médicale. Cependant, peu de districts la mettent en vigueur entièrement459.

104- Il s’agit pultôt d’un changement formel. Il est vrai qu’en analysant l’établissement

452 Weishengkè (卫生课). 453 Xiuqing Li, éd., 光绪新法令 (Guang xu xin fa ling: yu zhi, les nouvelles lois accordées par l’empereur Guangxu), 1re éd., vol. 1, Da qing xin fa ling (1901-1911) (Pékin: Commercial Press, 2010), liv. 4. 454 Kèzhang (课长). 455 Fukèzhang (副课长). 456 Kèyuan (课员). 457 Ibid., vol. 1, liv. 4. 458 Ibid. 459 Jinzao Liu et Yunwu Wang, 清朝续文献通考 第二册 (Qingchaoxuwenxiantongkao Di’erce, La suite de la documentation de la dynastie Qing N°2) (Shanghai: Commercial Press, 1936), vol 119. 158 de l’administration médicale locale, on réalise que la Réforme des nouvelles politiques concerne plutôt une transformation des structures préexistantes qu’un changement de fond. Deux raisons non négligeables sont à considérer : l’une est la solidité de la tradition médicale chez les Chinois, l’autre est la précipitation de l’implantation de la réforme. Il est évident qu’une réforme vue dans un but utilitaire, qui envisage de remédier rapidement au déclin de l’ancien régime peut difficilement influencer en profondeur, dès les premières années de son application, les habitudes médicales pluri-millénaires des Chinois.

B. Les établissements hospitaliers officiels.

En s’inspirant des pays occidentaux, les autorités chinoises commencent à créer des établissements médicaux permanents en Chine. Ces derniers peuvent être considérés comme les ancêtres des hôpitaux modernes chinois. Deux cas particuliers méritent d’être mentionnés ici : le premier est Guanyiju460 (1), et le second Nei/Waichengyiyuan461 (2).

1) Guanyiju/Maison officielle de la médecine.

105- Guanyiju est le premier établissement médical permanent en Chine. Nous essayons de traduire littéralement ce nom par Maison officielle de la médecine. Malheureusement, la documentation sur les détails de sa création et sur son fonctionnement est éparse et peu fournie. Mais nous savons déjà que sa création est amenée par l’édit impérial de l’empereur Guangxu du 24 juin 1902, et que l’objectif de la création de cet établissement médical a d’abord et avant tout été de tenter de maîtriser les maladies infectieuses et contagieuses du moment à Pékin462.

Guanyiju possède plusieurs centres de traitement, deux dans la ville intérieure de Pékin, et deux dans la ville extérieure de Pékin. Son ouverture officielle date du 9 juillet 1902463, et en 1903 il devient un organisme médical permanent. Au départ, il ne s’agit que de consultations, et les chambres pour malades seront installées plus tard. Les diagnostics et la distribution des

460 Guanyiju (官医局). 461 Nei/Waichengyiyuan (内/外城医院). 462 Zhu, 光绪朝东华录 (Guangxuchaodonghualu, Le chronique pendant le règne de l’empereur Guangxu), 4:4880. 463 « 时事要闻 (Shishiyaowen, Les actualités) », Takungpao, 12 juillet 1902. 159 médicaments sont toujours gratuits, ce qui mérite d’être noté. Entre 1902 et 1907, le financement vient principalement de l’affectation de fonds au nom de Cixi (1835-1908), et de dons privés. La somme totale représente plus de vingt milles Léangs464 d’argent, dont la moitié viennent de la fortune personnelle de l’impératrice douairière 465 . En 1910, Guanyiju est transféré sous la direction du Weishengsi, ce qui signifie que les fonds nécessaires au fonctionnement de l’organisme sont dès lors fournis et gérés par le trésor national466.

106- La répartition de la médecine chinoise et de la médecine occidentale au sein de Guanyiju est bien représentative de cette époque. En effet, après l’arrivée de l’Alliance des huit nations en 1900, les fonctionnaires chinois sont devenus méticuleux et circonspects s’agissant des affaires occidentales. Ainsi, à l’ouverture de Guanyiju, le responsable n’autorise à recruter que des médecins chinois ; puis, après un certain temps, il se laissera convaincre et recrutera un praticien de médecine occidentale d’origine chinoise, spécifiquement pour l’étude des traitements chirurgicaux467. Ce détail nous permet de découvrir que, au cours d’une réforme envisageant pourtant d’établir un système administratif médical occidentalisé, au fond, l’attitude du gouvernement face à la médecine occidentale peut être encore réservée. Cette attitude contraste d’ailleurs très fortement avec, par exemple, le Japon au cours de sa réforme de l’ère Meiji. Par conséquent, le phénomène est assez spécial et les processus très lents : lors des dernières années de la dynastie Qing, dans un système administratif médical désormais largement occidentalisé, la médecine mise en pratique essentiellement et occupant la première place est toujours la médecine chinoise, alors que la médecine occidentale joue un rôle secondaire.

107- La création de Guanyiju est une évolution sanitaire. En considérant son caractère d’établissement médical permanent, certains chercheurs chinois considèrent que la création de Guanyiju représente le début du changement radical du système médical de l’Ancien Régime, jusque dans son essence, puisque l’intérêt médical du peuple semble commencer à devenir le

464 1 Léang ≈37.75 gramme. 465 Zongping Zhang et Yonghe Lu, 淸末北京志資料 (Qingmobeijingzhiziliao, La documentation de Pékin à la fin de la dynastie Qing) (Pékin: Beijing Yanshan Press, 1994), 452. 466 « 医院划归民政部管理 (Yiyuanhuaguiminzhengbuguanli, Les hôpitaux sont transférés sous la direction du Ministère des Affaires civiles) », Takungpao, 7 mars 1910. 467 Jun Liang et Lijuan Cao, « 清末医院概况 (Qingmoyiyuangaikuang, Aperçu général des hôpitaux à la fin de la dynastie Qing) », Beijing Journal of Traditional Chinese Medicine, no 08 (2007): 528. 160 cœur d’une organisation systémique de la santé468. Evolution notable, certes, mais qu’il convient de nuancer pour ne pas poser l’image idyllique d’un gouvernement soudainement et profondément dévoué à son peuple. En effet, cette conclusion paraît en effet prématurée. Après l’arrivée des huit puissances à Pékin, de nombreux Pékinois ont perdu leurs vies. À cause du manque de moyens de traitement, les cadavres en décomposition dans les rues causent une crise d’hygiène caractérisée par une vague de maladies infectieuses et contagieuses, à une échelle rarement observée dans la capitale impériale469. Cette crise sanitaire doit être considérée comme la raison pour laquelle les autorités chinoises ont créé Guanyiju, qui se démarque évidemment des autres établissements médicaux temporaires de jadis. C’est là que se trouve la nuance : la création de Guanyiju ne veut pas dire que le gouvernement commence à se soucier plus de la situation médicale du peuple (en opposition à celle de la classe dominante), mais plutôt de l’abstraction de gestion hygiénique connue sous le nom de « santé publique ».

Il ne s’agit pourtant pas de négliger cette évolution sanitaire, puisqu’en 1903, quand Guanyiju est devenu permanent et financé par le gouvernement, il a bel et bien toujours constitué le premier hôpital officiel chinois. Mais les établissements médicaux qui préfigureront le plus l’hôpital au sens moderne sont les Nei/Waichengyiyuan.

2) Nei/Waichengyiyuan / Hôpital de la ville intérieure/extérieure.

108- Hôpital. En chinois, le terme « yiyuan (医院) » signifie « hôpital ». Neichengyiyuan (内 城 医 院) se traduit donc en français comme « l’hôpital de la ville intérieure », et Waichengyiyuan (外城医院), « l’hôpital de la ville extérieure ». La politique de séparation des habitations demeure la raison pour laquelle il existe deux hôpitaux séparés, pour deux classes de citoyens distinctes.

En langue française, pour le mot « hôpital », les dictionnaires possèdent deux définitions principales, l’une au sens ancien qui est défini par « un établissement charitable, hospitalier, où

468 Lijuan Cao et Dan Hu, « 清末新政时期京师官医局研究 (Qingmoxinzhengshiqijingshiguanyijuyanjiu, L’étude sur Guanyiju pendant la Réforme des nouvelles politiques de la fin de la dynastie Qing) », Asia-Pacific Traditional Medicine, no 05 (2007): 11. 469 Journal Takungpao, le 4 juillet 1902,le 20 juillet 1902. 161 l’on recevait les gens sans ressources, pour les entretenir, les soigner 470 », et l’autre au sens moderne qui est défini par « un établissement public, payant ou gratuit, qui reçoit ou traite pendant un temps limité les malades, les blessés et les femmes en couches471 ».

Est-ce qu’il existait déjà des hôpitaux en Chine ancienne ? Selon le fameux biochimiste et sinologue britannique, Joseph Needham (1900-1995), la réponse est oui472. Il pense qu’au plus tôt sous la dynastie Han (202 av. J.-C. -220), l’hôpital en tant que structure d’hébergement social existait déjà en Chine, certes de manière marginale et occasionnelle. Il pense aussi que le premier établissement charitable offrant des traitements médicaux est établi en 491, et que le premier établissement hospitalier administré par le gouvernement est établi en 510 ; dans les provinces, l’établissement hospitalier semi-officiel apparaît à la dynastie Sui (581-618). Mais selon l’historien chinois Liao Yuqun (1953- )473 , en Chine ancienne, les hôpitaux sont les conséquences du régime de la monarchie absolue, autrement dit les institutions médicales sont au service du pouvoir régalien, et même si les spécialités médicales sont divisées soigneusement, tout ceci ne correspond qu’aux besoins de la médecine de palais474. De plus, un autre historien chinois, Yang Nianqun (1964- ) 475 constate aussi que dans les temps anciens, la priorité régalienne détermine que le service médical fourni au peuple par le gouvernement était toujours très restreint, jusqu’à la dynastie Ming, où la popularisation de la médecine chinoise permet à une portion plus large de la population d’apprendre le savoir médical de base (mais où la famille demeure évidemment l’unité dans laquelle les Chinois pratiquent leur art476). De ce fait, il est clair qu’en Chine ancienne, les hôpitaux ont déjà existé mais plus sous la forme ancienne d’établissements charitables peu coordonnés dans leurs missions et leurs capacités, et sont donc totalement différents des hôpitaux installés par les Occidentaux à partir du XIXe siècle en Chine.

109- Hôpital de la ville intérieure/extérieure. La création de l’Hôpital de la ville intérieure de Pékin suit la proposition en ce sens de la police nationale, donc le Xunjingbu, en

470 Alain Rey, Josette Rey-Debove, et Paul Robert, éd., Le petit Robert: dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Nouvelle éd. millésime 2015 (Paris: Le Robert, 2014), 1247. 471 Ibid. 472 Joseph Needham, Clerks and Craftsmen in China and the West: Lectures and Addresses on the History of Science and Technology (Cambridge: Cambridge University Press, 1970), 277. 473 Liao Yuqun (廖 育群). 474 Yuqun Liao, 岐黄医道 (Qihuangyidao, Art médical Qihuang) (Shenyang: Liaoning Education Press, 1991), 282. 475 Yang Nianqun (杨 念群). 476 Nianqun Yang, 杨念群自选集 (Yangnianqunzixuanji, Recuil des ouvrages de Yang Nianqun) (Guilin: Guangxi Normal University Press, 2000), 406. 162 avril 1906 à la ruelle Qianliang, et deux ans plus tard, le 14 juin 1908, à la demande du ministère des Affaires civiles, dont le Minzhengbu, l’Hôpital de la ville extérieure de Pékin est quant à lui ouvert à la ruelle Liangjiayuan477. Après le réaménagement en 1906, les deux hôpitaux passent sous la direction du ministère des Affaires civiles, et à partir de 1910, ils sont respectivement sous les directions de la préfecture de la police de la ville intérieure de Pékin et la préfecture de la police de la ville extérieure de Pékin478. Pendant ce temps, les responsables de Weshengchus cumulent les fonctions de directeurs des deux hôpitaux. Après la Révolution de 1911, les deux hôpitaux prolongeront leur existence, mais sous la direction municipale de Pékin479.

L’Hôpital de la ville intérieure de Pékin et l’Hôpital de la ville extérieure de Pékin possèdent plusieurs centres médicaux. Suivant les changements de direction, les financements dépendent de l’affectation budgétaire des autorités responsables successives480 , c’est-à-dire d’abord la police nationale, ensuite le ministère des Affaires civiles, puis la police de Pékin, et enfin à l’époque républicaine, et jusqu’aux années 1920481, la municipalité de Pékin.

Structuralement et financièrement contrôlés par la police pendant une certaine durée, les deux hôpitaux sont également administrés en interne par la police. Ainsi que nous l’avons mentionné, les directeurs des deux hôpitaux sont des responsables de Weishengchus ; les auditeurs cumulent également des fonctions dans la police. Enfin, les superviseurs de la médecine chinoise et ceux de la médecine occidentale, selon la demande du directeur de l’hôpital, sont désignés par la Préfecture de ville intérieure/extérieure de Pékin482.

110- Pourquoi donc les autorités chinoises se sont-elles enfin décidées à créer des hôpitaux modernes officiels ?

Tout d’abord parce que, lorsque comparés avec le modèle de soin médical traditionnel

477 Gouvernement de la dynastie Qing, 清实录. 清德宗实录 (Qingshilu, Qingdezongshilu; Histoire de Qing, période de l’empereur Guangxu), Copie (Pékin: Zhonghua Book Company, 1985), 461. 478 Lei Zhang, « Research on Beijing Medical Mode of Chinese Medicine in Qing Dynasty » (Thèse en droit, China Academy of Chinese Medical Sciences, 2010), 58. 479 Ibid. 480 Liang et Cao, « 清末医院概况 (Qingmoyiyuangaikuang, Aperçu général des hôpitaux à la fin de la dynastie Qing) », 527. 481 Les deux hôpitaux existaient jusque dans les années 1920, Ibid., 528. 482 Zhang, « Research on Beijing Medical Mode of Chinese Medicine in Qing Dynasty », 59. 163 en Chine, les hôpitaux modernes possèdent nombre d’avantages.

Nous avons déjà vu dans le chapitre II de ce travail qu’auparavant, les médecins chinois ambulatoires pratiquaient leur métier individuellement : soit dans un lieu fixe, soit au domicile des patients. Le second cas était généralement le plus fréquent, auprès de la famille du patient, qui peut intervenir dans l’administration du traitement, et même influencer le diagnostic et les décisions du médecin.

Mais le cadre de l’hôpital moderne est résolument différent. Dans ce genre d’établissement médical, la médecine est divisée par spécialités ; les instruments médicaux deviennent indispensables pendant le processus de traitement ; les médecins et les infirmières soignent les patients en collaboration et sans être dérangés par la famille des patients. La professionnalisation du système hospitalier permet notamment aux médecins de soigner plus de maladies dans un temps plus court : l’efficacité et la sûreté des traitements sont augmentées483.

Deuxième raison, et non pas des moindre, le gouvernement est à cette époque en train d’effectuer une réforme visant à l’occidentalisation et à la modernisation de son gouvernement et du système administratif sur lequel il s’appuie : la mise en place d’hôpitaux modernes correspond donc au sens de l’histoire pour les dirigeants chinois.

Avant la création des hôpitaux officiels, ce sont les missionnaires chrétiens qui ont installé quelques hôpitaux ou cliniques et qui ont, petit à petit, acquis une réputation certaine484. Le modèle par lequel les hôpitaux soignent les maladies chez le peuple a prouvé son efficacité.

Néanmoins, il faut encore préciser que ces hôpitaux modernes ne sont pas totalement similaires aux hôpitaux dans les pays occidentaux. Non seulement parce qu’ils font cohabiter la médecine chinoise et la médecine occidentale, mais aussi parce que des différences quant à leurs fonctions subsistent. Dans un document officiel rédigé par le ministère des Affaires civiles,

483 Prenons l’exemple du docteur missionnaire américain John Glasgow Kerr (1824-1901). Selon les rapports médicaux, il a soigné au cours de l’exercice de sa profession quelques 740,000 patients et effectué près de 49, 000 opérations chirurgicales. Le 1er juillet 1875, en un jour, il a effectué huit opérations chirurgicales, dont deux opérations de cataracte, une lithectomie dans la vessie, une ablation de tumeur du globe oculaire, une opération de fistule anale, une circoncision, une opération ophtalmologique et une opération ostéopathique, Changsheng Gu, 从 马 礼 逊 到 司 徒 雷 登 (Congmalixundaosituleideng, de Morrison à Leighton Stuart) (Shanghai Renmin Chubanshe, 1985), 180. 484 Voir « Chapitre I : Les premières discussions visant la médecine chinoise et la médecine occidentale ». 164 et traitant du recrutement des employés pour les hôpitaux officiels en avril 1906, l’objectif de la création des hôpitaux officiels est défini comme « exécuter les affaires de la police » et « prêter attention à l’hygiène »485. Cela montre que pourtant sous le nom d’hôpitaux, les deux structures se chargent également certaines affaires administratives ce qui dépasse largement les fonctions d’un hôpital classique.

111- Quelle est l’attitude des autorités chinoises vis-à-vis de la synergie entre médecine chinoise et médecine occidentale au sein de ces nouveaux hôpitaux ?

Toujours dans le document officiel du ministère des Affaires civiles sur le recrutement des employés pour les hôpitaux officiels mentionné ci-dessus, les autorités indiquent que :

Nous sommes en train de créer le premier hôpital à Pékin, et nous avons ardemment besoin de personnes compétentes dans tous les domaines impliqués. Cependant, les personnes qui excellent à la médecine et qui possèdent des connaissances de fond sur l’ensemble de la médecine chinoise et de la médecine occidentale sont difficiles à trouver…486

Ce témoignage nous permet d’affirmer que depuis la création de l’hôpital officiel à Pékin en 1906, la médecine chinoise et la médecine occidentale sont toutes deux incluses dans le système hospitalier.

De plus, exception faite des responsables administratifs principaux qui cumulent leurs fonctions avec celles qu’ils peuvent déjà avoir dans la police, les médecins, les pharmaciens, les infirmières, etc. 487 de ces hôpitaux officiels viennent soit des écoles de médecine qui enseignent la médecine occidentale, soit de la formation traditionnelle de la médecine chinoise. Nous avons trouvé quelques registres d’effectifs hospitaliers susceptibles d’éclairer cette cohabitation. Par exemple : le médecin principal, Wu Weiyu488, était professeur de l’école de

485 L’autorité de la dynastie Qing, 民政部委派官医院人员有关文书 (Minzhongbuweipaiguanyiyuanrenyuanyouguanwenshu, Les documents concernant l’effectif de Guanyiyuan), les Premières Archives nationales, n° 民政部 168. 486 Ibid. 487 Au moment où les deux hôpitaux appartiennent à la police de Pékin, dans chaque hôpital, il y avait quatre médecins, dix infirmières, trois pharmaciens pour chaque médecine, six secrétaires, huit assistantes de pharmaciens, dix-sept employés subalternes comme femme/homme de ménage, cuisinier, porteur et sept policiers chargés de la sécurité, dont un chef, Zhang, « Research on Beijing Medical Mode of Chinese Medicine in Qing Dynasty », 59. 488 Wu Weiyu (吴 为雨). 165 médecine militaire de Beiyang489 ; un autre médecin, Xie Kanglong490, est diplômé de l’école de médecine de Beiyang491 ; un certain Tang Jian492 est superviseur de tout ce qui concerne la médecine chinoise dans l’hôpital, et fait également partie des membres fondateurs de l’hôpital officiel de la ville extérieur de Pékin493, etc494. Après leurs ouvertures respectives, pour répondre à l’augmentation du nombre de patients, la direction de chaque hôpital a recruté successivement plusieurs médecins des deux disciplines495.

Ce ne sont pas seulement les théories médicales qui sont rassemblées dans ces institutions, mais aussi l’ensemble des pharmacopées en découlant. Ces hôpitaux dépendant du ministère des Affaires civiles, et pour tenir compte de leur caractère charitable, les médicaments qui y sont utilisés et distribués sont exonérés d’impôts496. Sachant que les médicaments chinois sont évidemment locaux, et donc peu taxés, mais que la plupart des médicaments occidentaux sont importés de pays lointains comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon, etc. 497 , exonérer d’impôts indifféremment tous types de médicaments prouve qu’à ce point de la chronologie, les autorités chinoises font de notables efforts pour favoriser la naissance d’un système de santé syncrétique.

En pratique, dans les deux hôpitaux, la médecine chinoise et la médecine occidentale sont séparées, et ce sont les patients qui choisissent quelle médecine ils veulent consulter498. Au début, les consultations de la médecine chinoise traditionnelle sont forcément plus nombreuses que celles de son homologue occidental. Mais au fur et à mesure, et dans un délai de seulement quelques années, les consultations de la médecine occidentale vont dépasser, jusqu’à doubler celles de la médecine chinoise499. Le peuple commence donc lui aussi à décomplexer son usage de la médecine importée.

489 École de médecine militaire de Beiyang (Beiyangjunyixuetang, 北洋军医学堂). 490 Xie Kanglong (谢 康龙). 491 École de médecine de Beiyang (Beiyangyixuetang, 北洋医学堂) 492 Tang Jian (唐 坚). 493 Le superviseur concerné par la médecine occidentale s’appelle Jingsun You (敬森 游), et est quant à lui un fonctionnaire administratif. 494 Liang et Cao, « 清末医院概况 (Qingmoyiyuangaikuang, Aperçu général des hôpitaux à la fin de la dynastie Qing) », 526. 495 Ibid. 496 Zhang, « Research on Beijing Medical Mode of Chinese Medicine in Qing Dynasty », 58‑59. 497 Ibid. 498 Ibid., 59. 499 Ibid., 60. 166

La nouvelle administration médicale et les nouveaux établissements hospitaliers annoncent la possibilité d’une coexistence réelle de la médecine chinoise et de la médecine occidentale. Face à cette nouvelle situation, il semble convenable de réviser les lois pour s’adapter au nouveau paradigme.

II. Les nouveaux droits.

Rappelons-le, les historiens chinois séparent la révision des lois pendant la Réforme des nouvelles politiques en deux périodes : la première période, entre 1902 et 1906, concerne quelques ajustements du droit afin d’envisager une situation bien neuve, parmi lesquels le plus représentatif est la promulgation du Code pénal actuel de la grande dynastie Qing500 le 15 mai 1910 ; la deuxième période, entre 1906 et 1911, se rapporte à l’élaboration de la constitution et à plusieurs codes de droit établis501.

En raison de la situation délicate du pays, et devant une législation si précipitée, le gouvernement chinois ne trouve pas le temps d’élaborer spécialement des lois de la santé publique détaillé. Mais nous trouvons tout de même les nouvelles dispositions, nécessaires, concernant la médecine dans les règlements (A) et dans les lois (B).

A. Les règlements.

112- L’ambiance politique spécifique chez les concessions étrangères permet d’établir un système de santé satisfaisant. Dans son livre Histoire des concessions en Chine502, l’historien Fei Chengkang (1949- )503 met en avant que les premiers règlements occidentalisés concernant la médecine sont ceux des concessions étrangères en Chine. En général, ces règlements sont – entre– autres concernés par l’administration de la médecine chinoise, de la médecine occidentale, par l’encadrement des dentistes, des sages-femmes, des vétérinaires, par

500 Code pénal actuel de la grande dynastie Qing (大清新刑律, daqingxinxinglü). 501 Zhang, « The law Amendment of the Qing Dynasty and the Modernization of the Chinese Legal System », 27‑28. 502 Histoire des concessions en Chine (Zhongguozujieshi, 中国租借史). 503 Fei Chengkang (费 成康). 167 l’organisation des hôpitaux, des sanatoriums, des pharmacies, des ambulances, etc.504. En effet, ce sont des règlements importés et « transplantés » depuis le système juridique occidental par les autorités des concessions étrangères dans le but d’administrer leurs enclaves en Chine505. Il est vrai que l’ordre public observé dans les concessions étrangères a produit une très forte impression chez les chinois, surtout en ce qui concernait l’hygiène et la sécurité 506 . Les concessions étrangères vont donc constituer les premiers modèles d’adaptation de la pensée occidentale à un contexte social largement chinois, et permettre un développement plus rapide de la codification et de la réglementation du système médical moderne émergent.

Dès les débuts de la Réforme des nouvelles politiques, les autorités chinoises étendent le régime et les prérogatives de la police et l’appliquent dans tout le pays. Ici, deux questions se posent : pourquoi, dans ce nouveau paradigme, était-ce la police qui se chargeait de l’administration médicale, voire de la santé publique dans son entièreté ? Et quelle était la base juridique d’une telle organisation ?

113- Pourquoi était-ce la police qui se chargeait de l’administration médicale, voire de la santé publique dans son entièreté ?

Le régime de la police arrive d’Occident, mais pour diverses raisons historiques expliquées dans le chapitre qui précède, celui qui est appliqué en Chine s’inspire directement de celui que le Japon a adopté à la fin du XIXe siècle (d’origine allemande et anglaise). Ce fait est illustré par l’établissement de la première école de police le 14 août 1901 à Pékin par le Japonais Naniwa Kawashima (1865-1949)507. Cette école a non seulement formé les premiers policiers de Pékin, mais aussi servi de porte d’entrée à la pensée policière japonaise, directement dérivée de celle de ses instructeurs européens. Ainsi, il convient d’analyser brièvement l’origine du régime de la police du Japon.

Le régime de la police au Japon est établi après la Réforme de Meiji. Au début, le gouvernement s’est référé à la France pour la construction de son système juridique, et son

504 Chengkang Fei, 中国租界史 (Zhongguozujieshi, Histoire des concessions en Chine) (Shanghai: Shanghai Academy of Social Sciences Press, 1991), 121. 505 Limin Wang, « China’s Concession and Legal Modernization », China Legal Science, no 3 (2008): 167‑77. 506 Yuanxu Ge, 沪游杂记 (Huyouzaji, Le spicilège du voyage à Shanghai) (Shanghai Century Publishing Group, 2006), 9. 507 Lan Shen, « On Legislative Evolution of the Wei-jing Law of Qing Dynasty », Law Science Magazine, no 02 (2012): 16. 168 premier Code pénal occidentalisé a pris pour modèle celui de la France508. Selon le Code pénal français de l’époque, les infractions sont distinguées en trois catégories : la contravention, le délit et le crime, et la sanction applicable dépend de la nature de l’infraction. C’est également le cas dans le Code pénal du Japon, et dans ce code le quatrième chapitre traite des contraventions, sur cinq articles : de l’article 424 à l’article 429. Selon la gravité, les contraventions sont distinguées en cinq niveaux, et l’administration de la santé publique est comprise dans le code509.

Cependant, à partir de 1907, le gouvernement a abandonné le Code pénal de 1880 et promulgué un nouveau Code pénal qui fait référence à celui de l’Allemagne 510 . Après ce changement, le chapitre concernant les contraventions est supprimé du Code pénal du Japon. En 1908, le gouvernement japonais élabore une loi spécifique pour les contraventions, qui contient 58 articles511, dans laquelle l’administration sanitaire est confiée à la police.

Ainsi, c’est parce que les autorités chinoises ont emprunté le premier Code pénal japonais et s’en sont servi comme base pour les nouvelles législations que le monde naissant de la santé publique est automatiquement passé sous direction policière.

114- Mais dans ce cas, quels étaient les fondements juridiques des actions de la police en Chine ?

Le premier texte juridique élaboré pour la police s’appelle la Charte des contraventions512 qui contient cinq articles, dont vingt-six clauses, et qui est publié en 1906. Au niveau de la forme et du fond, il ressemble beaucoup au Code pénal du Japon de l’an 1880513. C’est-à-dire que cette base juridique quant à la direction de la santé publique par la police est applicable à partir de 1906, mais pour le temps compris entre 1901 et 1906, y aurait-il eu une lacune juridique ? Nous pouvons supposer avec raison que durant cette période, les édits impériaux et les décisions des autorités centrales et locales aient encore tenu une place

508 Ibid. 509 Ibid. 510 Ibid. Selon l’auteur, la raison pour laquelle le gouvernement japonais abandonne le Code pénal de 1880 est que ce code était considéré trop francisé. 511 Certains juristes pensent que les contraventions sont des actions qui violent les règlements administratifs, c’est pourquoi il ne faut pas les classer dans le code pénal, Ibid. 512 Charte des contraventions (违警罪章程, Weijingzuizhangcheng). 513 Ibid., 17. 169 importante.

Après un perfectionnement de la Charte des contraventions de 1906, le 9 mai 1908, les autorités ont promulgué le Code des contraventions de la grande dynastie Qing514 qui contient dix chapitres et quarante-cinq articles515. Ce Code de la contravention est le premier code de droit qui, dans l’histoire chinoise, soit configuré spécialement pour traiter de l’ordre public, et donc de la santé publique.

Au vu de la longueur du Code des contraventions, les articles concernant la santé publique ne sont pas nombreux. On relève notamment les articles 37, 38, 39 et 40, parmi lesquels l’article 39 concerne directement la médecine : si les médecins ou les sages-femmes en activité refusent les appels pour des traitements sans raison valable, ils devront recevoir une amende entre cinq Yuan et dix Yuan516. La sanction n’est pas lourde, mais elle met l’accent sur la responsabilité sociale de la profession médicale : en d’autres termes, désormais, pour pratiquer la médecine, la licence absolue des médecins et des sages-femmes est terminée. Ceci est une évolution majeure dans le domaine médical en Chine, puisque les nouveaux « professionnels de la santé » doivent rendre compte de leurs actions.

115- La police a le droit d’élaborer les règlements concernant la gestion sanitaire. Étant administrateur de la santé publique, la police nationale a également publié certains règlements. En ce qui concerne la médecine, il y a le Règlement sur l’utilisation des médicaments d’urgence, la Charte des examens de laboratoire, la réglementation de la vaccination, la Charte des hôpitaux de la ville intérieure/extérieure de Pékin, etc.517.

Dans le Règlement sur l’utilisation des médicaments d’urgence518 qui est élaboré le

514 Code des contraventions de la grande dynastie Qing (大清违警律, Daqingweijinglü). 515 Le processus pour élaborer le code des contraventions commence en 1907, initié par le ministère des Affaires civiles. Le projet du code des contraventions comprenait dix chapitres et quarante-six articles. Ce projet est ensuite mis en examen à la Maison d’élaboration de la constitution (宪政编查馆, Xianzhengbianchaguan), Ibid. 516 Dans le but d’une hygiène optimale et pour prévenir les maladies, les articles 37,38 et 40 concernent les punitions pour pollutions diverses de l’environnement et des sources d’eau, Zhili falüxuetang, éd., 大清违警律 (Daqingweijinglü, Code des contraventions de la grande dynastie Qing), 1908, sect. 39. 517 Chunwei Liang, Jun Liang, et Lijuan Cao, « 清末北京卫生法规和医学堂 (Qingmobeijingweishengfaguiheyixuetang, Les lois et les règlements de la santé et les écoles de la médecine de Pékin à la fin de la dynasite Qing) », Beijing Journal of Traditional Chinese Medicine, no 06 (2007): 368. 518 Règlement sur l’utilisation des médicaments de secours (Tingqujijiuyaopinshiyongfa, 厅区急救药品使用法). 170

13 juin 1909 par la police de la ville intérieure de Pékin519, nous découvrons que les noms des médicaments sont classés par leurs effets médicaux, et non plus par le type de médecine auquel ils appartiennent520. De plus, un règlement portant spécialement sur la pharmacopée n’avait jamais existé auparavant.

116- Sous le contexte où le droit demeure dans le cadre du système juridique traditionnel, les autorités locales ont également élaboré certains textes de droit pour la gestion sanitaire. En province, et suivant l’avancement de la Réforme des nouvelles politiques, les autorités locales ont établi leurs propres règlements concernant la profession médicale. Prenons l’exemple de Hangzhou, la capitale de la province de Zhejiang, où les autorités locales ont établi un règlement de dix-neuf articles concernant la pratique médicale. On retiendra notablement que : les médecins doivent s’inscrire au registre du gouvernement local avant de commencer leur activité, et accepter l’inspection des autorités locales ; si les médecins commettent des délits ou des crimes, en plus des pénalités qu’ils doivent subir, la police locale a le droit de suspendre ou de faire cesser leur activité ; d’ordinaire les médecins doivent afficher clairement leurs tarifs à l’entrée de l’endroit où ils travaillent, et il est interdit d’augmenter les tarifs sans raison valable, ainsi que de refuser des demandes de traitement sans raison valable521.

Ce ne sont pas seulement les règlements, mais également les lois concernant la médecine dans les codes pénaux522 qui ont connu des changements.

B. Les lois.

Les nouvelles lois concernant la médecine se trouvent dans deux codes pénaux de la dynastie Qing, le premier étant le Code pénal actuel de la grande dynastie Qing523 qui est

519 Ibid., 368‑69. 520 Au total, il comprend douze sortes de médicaments de secours courants classés avec des descriptions sur leurs utilités et modes emplois. 521 « 《 中 国 医 学 通 史 》 _ 近 代 医 学 体 系 的 建 立 _ 中 医 世 家 ( 《 Zhongguoyixuetongshi 》 Jindaiyixuetixidejianli_zhongyishijia, 《Histoire de la médecine de Chine》 L’établissement du système médical dans l’histoire moderne_Les familles honorables des médecins chinois) », consulté le 15 février 2016, http://www.zysj.com.cn/lilunshuji/zhongguoyixuetongshi/1029-17-4.html. 522 Successivement, et ce jusqu’à la chute de la dynastie Qing, nous allons parler de trois codes pénaux : le Code pénal de la grande dynastie Qing, le Code pénal actuel de la grande dynastie Qing et le Nouveau Code pénal de la grande dynastie Qing. Voir le texte suivant. 523 Code pénal actuel de la grande dynastie Qing (daqingxianxingxinglü, 大清现行刑律). 171 promulgué le 15 mai 1910, et le second, le Nouveau Code pénal de la grande dynastie Qing524 qui entre en vigueur, lui, le 25 janvier 1911. Habituellement, et selon la tradition, parmi tous les droits, c’est le droit pénal qui est prééminent525. C’est la raison pour laquelle la Révision des lois commence par la révision des lois pénales.

117- Des changements concernant la médecine dans le Code pénal actuel. Le résultat direct de cette priorité conduit à la promulgation du Code pénal actuel de la grande dynastie Qing, qui est un Code pénal transitoire, pour la simple et bonne raison que, vraisemblablement, ce code était simplement le résultat de retouches sur les peines et sur l’arrangement des articles de l’ancien Code pénal526 . Mais il nous permet déjà de découvrir les changements majeurs portant sur la médecine.

En matière de punition, les peines comme les coups de bambou et autres peines barbares sont supprimées, et c’est la peine pécuniaire qui les remplace. En revanche, les diverses formes et les degrés du bannissement ont été conservés, ainsi que la peine capitale. Par conséquent, dans des cas de faute dans la préparation des médicaments destinés à l’empereur, ou quand des officiers privent les soldats de leur droit à l’accès aux soins médicaux, ou encore dans celui de médecins éludant leur obligation de service public, etc., la peine des coups de bambou n’est plus applicable.

118- Des changements concernant la médecine dans le Nouveau Code pénal. En faisant référence à nombre de codes pénaux d’autres pays 527 , avec la collaboration d’un expert

524 Nouveau Code pénal de la grande dynastie Qing (daqingxinxinglü, 大清新刑律). 525 沈家本,«奏进呈刑律草案折 », cité par Sibei Song, « 清末修律与刑法典编纂体例和结构的变化 (Qingmoxiulüyuxingfadianbianzuantilihejiegoudebianhua, La Révision des lois de la fin de la dynastie Qing et les changements du système et de la structure du Code pénal) », in 沈家本与中国法律文化国际学术研讨会论文集 ( 下册) (SenjiabenyuzhongguofalüwenhuaguojixueshuyanTaohuilunwenji (xiace), Recueil de la conférence internationale sur Shenjiaben et la culture juridique chinoise N°2) (沈家本与中国法律文化国际学术研讨会 (ShenjiabenyuzhongguofalüwenhuaguojixueshuyanTaohui, La Conférence Internationale sur Shenjiaben et la Culture Juridique Chinoise), Huzhou: China University of Political Sciences and Law Press, 2003), 545. 526 Les changements principaux sont : briser l’organigramme traditionnel, traduit par la formation de six ministères ; séparer les affaires civiles de l’ancien Code pénal, et invalider les peines pénales pour les affaires civiles ; alléger les peines et supprimer les peines barbares ; supprimer certains articles surannés et ajouter certains articles nouveaux selon la situation sociale, Zhang, « The law Amendment of the Qing Dynasty and the Modernization of the Chinese Legal System », 27. 527 Les codes pénaux et les ouvrages du droit pénal traduits pendant la Révision des lois contiennent le Code pénal de la France, le Code pénal de l’Allemagne, le Code pénal de la Hollande, le Code pénal de la Russie, le Code pénal de l’Italie, le Code pénal et les ouvrages du droit pénal du Japon, Guilian Li, 沈家本传 (Shenjiabenzhuan, Biographie de Jiaben Shen) (Law Press China, 2000), 210. 172 japonais528, le Nouveau Code pénal a totalement aboli le système pénal traditionnel chinois529, et les historiens chinois le considèrent comme le premier Code pénal chinois à caractère capitaliste530. D’ailleurs, le Nouveau Code pénal de la grande dynastie Qing est à l’origine du Nouveau Code pénal provisoire de la République de Chine durant le premier gouvernement après la Révolution chinoise de 1911.

Dans le Nouveau Code pénal, un des changements les plus remarquables est que le nombre des articles concernant les affaires sanitaires augmente substantiellement 531 . Nous trouvons également trois articles qui traitent directement de la médecine532. Selon ces articles, si la vente de médicaments illégaux viole le droit pénal, le vendeur en cause doit recevoir une amende533 ; si la pratique de la médecine se fait sans permission des autorités, le praticien en cause est lui aussi passible d’une amende534 ; et encore, si un médecin, une sage-femme, un pharmacien ou un herboriste effectue un avortement, la personne en cause est passible d’une peine de prison535.

Évidemment, dans le Nouveau Code pénal, les peines en rapport aux affaires médicales sont encore plus allégées536.

528 Asataro Okada (1868-1936), juriste japonais, docteur en droit, recruté par le gouvernement de la dynastie Qing comme conseiller pour l’élaboration du Code pénal depuis 1906. 529 Au cours de l’histoire chinoise, tous les codes principaux des dynasties anciennes de la Chine possèdent le caractère et la fonction du droit pénal. Les structures des codes pénaux incluent toutes les disciplines du droit, c’est-à-dire que le droit civil, le droit des affaires, le droit administratif, le droit de la famille, etc. sont tous réglés par le droit pénal ; le doit de la procédure est compris dans le Code pénal ; toute violation du droit sera punie par les peines pénales, Song, « 清末修律与刑法典编纂体例和结构的变化 (Qingmoxiulüyuxingfadianbianzuantilihejiegoudebianhua, La Révision des lois de la fin de la dynastie Qing et les changements du système et de la structure du Code pénal) », 545‑46. 530 Liu, « The Research on the Medical Law of Qing Dynasty », 62., et Xiong, « On the Origin of the Law in the Late Qing Dynasty », 32. 531 Par exemple, les articles 284, 285, 286 et 287 du Nouveau Code pénal concernent la protection de l’eau potable ; les 293, 294, 295 et 296 traitent eux de la protection de l’hygiène collective et de la prévention des maladies infectieuses et contagieuses, Zhang, « The law Amendment of the Qing Dynasty and the Modernization of the Chinese Legal System », 38. 532 Les articles 295 et 296 du chapitre 25 et l’article 321 du chapitre 27 s’agissent de la médecine, Liang, Liang, et Cao, « 清末北京卫生法规和医学堂 (Qingmobeijingweishengfaguiheyixuetang, Les lois et les règlements de la santé et les écoles de la médecine de Pékin à la fin de la dynasite Qing) », 368. 533 Article 295 du nouveau code pénal, Ibid. 534 Article 296 du nouveau code pénal, Ibid. 535 Article 321 du nouveau code pénal, Ibid. 536 Les peines principales sont l’amende, la détention, l’emprisonnement, l’emprisonnement à vie et la peine de mort ; les peines complémentaires sont la déchéance, le retrait d’un droit, la confiscation du bien, etc. Song, « 清 末修律与刑法典编纂体例和结构的变化 (Qingmoxiulüyuxingfadianbianzuantilihejiegoudebianhua, La Révision des lois de la fin de la dynastie Qing et les changements du système et de la structure du Code pénal) », 554. 173

119- En regardant de plus près les deux codes pénaux, ainsi que la Charte des contraventions, quand il s’agit de la médecine ou de la pharmacopée, il n’est jamais fait de distinction entre la médecine chinoise et la médecine occidentale, ne parlant que de « la médecine » en général. Est-ce une preuve que les autorités chinoises considèrent les deux médecines comme égales, ou équivalentes ? La réponse est non a priori. Cette impression nous vient du fait que selon certains auteurs, ces nouvelles lois auraient été le résultat du conflit des cultures du droit entre la Chine et les pays occidentaux537 , alors qu’une lecture claire du contexte historique spécifique de l’époque nous montre que ce que le gouvernement chinois fait est la compilation et la synthèse des droits d’autres pays, et leur copie mécanique dans son propre système. Partant, il résulte que les nouvelles lois sont trop avancées ou modernisées et s’adaptent mal à la situation réelle du pays.

***

En observant cette révision des lois, on serait tenté de dire que les lois médicales mettent plus l’accent sur le bien-être du peuple ; cependant, il ne faut pas négliger que l’intention initiale de la classe gouvernante est avant tout de résoudre les conflits sociaux. En effet, la réforme le plus profonde est celle de l’éducation538, qui va précipiter les évolutions concernant la formation en médecine.

Section II : Les changements de la formation médicale.

Deux questions peuvent être posées en guise d’introduction : premièrement, suivant la pénétration de la médecine occidentale, est-ce que la formation médicale doit assimiler tous les avantages et les caractéristiques de la médecine occidentale ? Deuxièmement, face au

537 Peixiang Gong, 法 律 文 化 的 冲 突 与 融 合 : 中国近现代法制与西方法律文化的关联考察 (Falüwenhuadechongtuyuronghe: Zhongguojindaifazhiyuxifangfalüwenhuadeguanliankaocha; Les conflits et l’intégration de la culture juridique: l’examen corrélatif sur les systèmes juridiques moderne et contemporain de Chine et la culture juridique occidental) (China Radio Film and TV Press, 1993), 11. 538 Zaiwen Shen, « 清末新政与中国教育的现代化 (Qingmoxinzhengyuzhongguojiaoyudexiandaihua, La Réforme des nouvelles politiques de la fin de la dynastie Qing et la modernisation d’éducation en Chine) », US- China Education Review 3, no 1 (2006): 78. 174 changement du système d’éducation539, est-ce qu’il faut adopter la méthode moderne, c’est-à- dire l’école de médecine occidentalisée, pour la formation médicale ? Nous examinerons tout d’abord les changements de la formation médicale officielle (I), puis privée (II).

I. Les changements de la formation officielle médicale.

La décadence de la formation médicale officielle traditionnelle en Chine a commencé dès la première moitié du XIXe siècle 540 . Cependant, pendant la « Réforme des nouvelles politiques », les changements adoptés par les autorités représentent un tournant historique pour le développement de la médecine, et un redressement notable de la situation sanitaire du pays.

Il s’agit d’abord de la formation centrale en médecine (A), ensuite de la formation locale/provinciale en médecine (B).

A. La formation centrale.

Ici, le terme de « formation centrale en médecine » signifie la formation en médecine instituée, gérée et financée par le gouvernement central, et qui contient les formations de la médecine par la Cour de Médecine impériale (1), et par le nouvel établissement (2).

1) La formation par la Cour de Médecine impériale.

Historiquement, en Chine, que la Cour de Médecine impériale se charge de la formation en médecine pour les besoins médicaux des empereurs était une tradition immuable. C’est également toujours le cas pendant la Réforme des nouvelles politiques, bien que les vicissitudes

539 En septembre 1905, le gouvernement de la dynastie Qing a aboli l’Examen impérial qui était un examen de sélection pour former, à partir d’une base lettrée, mais aussi occasionnellement populaire, la bureaucratie de l’Etat et qui avait duré 1300 ans, Ibid. 540 Cette décadence se traduit par la suspension de la formation à la Cour de médecine et par la diminution du nombre de disciplines de la médecine, Jingyan Cui, « 清 朝 传 统 医 学 教 育 研 究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, L’étude sur la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) » (Thèse en histoire, China Academy of Chinese Medical Sciences, 2007), 32. 175 politiques et sociales aient bouleversé ses activités.

120- La Cour de Médecine impériale tente d’intégrer la médecine occidentale dans la médecine de palais. En 1901, quand les huit puissances occidentales ont envahi Pékin, le siège principal de la Cour de Médecine impériale est occupé et devient l’ambassade de la Russie. Par conséquent, la Cour de Médecine impériale est obligée de déménager, et ce n’est que quatre ans plus tard qu’elle s’installe enfin à son nouveau siège541. En 1906, la Cour de Médecine impériale y crée la Maison de la médecine542 qui enseigne autant la médecine chinoise que la médecine occidentale543. En 1908, d’après la proposition de Zhang Zhongyuan (1863-1939)544, dernier responsable de la Cour de Médecine impériale dans l’histoire chinoise, le gouvernement compte augmenter le nombre d’élèves545 et créer successivement une classe pour la médecine chinoise et une classe pour la médecine occidentale. Finalement, seule la première est ouverte, tandis que le plan pour la seconde est abandonné à cause du licenciement de Zhang Zhongyuan et du manque de financement546.

2) La formation par à la nouvelle école.

121- L’établissement d’enseignement. Cette formation se développe graduellement, avec comme point de départ, en avril 1898, et d’après l’édit impérial de l’empereur Guangxu, la création par le gouvernement du premier « établissement d’éducation supérieure mixte » : Jingshidaxuetang547. À sa création, la formation en médecine est seulement une des matières du contenu pédagogique548 jusqu’à ce que, en 1903, les autorités chinoises créent enfin le Yixueshiyeguan549, qui enseigne l’ensemble des théories et des cas pratiques de la médecine

541 Ibid., 83. 542 Maison de la médecine (Yixueguan, 医学馆). 543 Ibid. 544 Zhang Zhongyuan (张 仲元). 545 Soit 60 élèves pour chaque classe. 546 Cui, « 清朝传统医学教育研究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, L’étude sur la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) », 83. 547 « 京师大学堂 (Jingshidaxuetang, Grande école de la Capitale) », Dictionnaire encyclopédique de Chine, Bibliothèque nationale des livres de références en ligne, consulté le 24 février 2016, http://202.106.125.35/refbook/detail.aspx?RECID=R2007050190016469. 548 En Juillet 1898, certains mandarins adressent un rapport à l’empereur Guangxu pour lui demander de créer une discipline spéciale pour la médecine, demande qui sera rejetée par le gouvernement de l’époque, Gouvernement de la dynastie Qing, 清实录.清德宗实录 (Qingshilu, Qingdezongshilu; Histoire de Qing, période de l’empereur Guangxu), copie (Pékin: Zhonghua Book Company, 1985), 573. 549 Yixueshiyeguan (医学实业馆, Maison des affaires de la médecine). 176 chinoise comme de la médecine occidentale au sein de la Grande école de la capitale550.

122- L’originalité de la méthode d’enseignement. La base juridique de la réforme scolaire, Les règles des écoles accordées par l’empereur 551, est élaborée en 1903 et publiée en janvier 1904552. Selon ces règles, la méthode d’enseignement est très originale.

Car d’un côté, le système d’enseignement est occidentalisé et copie celui du Japon, comprenant trois ans de cours préparatoires, puis trois ou quatre ans de cours de médecine, et à partir de 1906, cinq ans ; de l’autre côté, la médecine chinoise et la médecine occidentale sont enseignées de manière combinée, ainsi que pour leurs pharmacopées respectives 553 . Les autorités chinoises ont eu l’intention de séparer les deux médecines dans l’enseignement, suivant en cela la proposition de l’enseignant Xu Dingchao (1845-1918)554 en 1907, mais la même année, la Maison des affaires de la médecine est fermée, et par la suite, tous les élèves seront envoyés au Japon555.

123- Plus de cours en médecine occidentale et moins de cours en médecine chinoise. L’effectif de la Maison des affaires de la médecine nous donne l’impression que l’attention portée aux deux médecines par les fonctionnaires est équivalente : à partir de 1903 où cet établissement commence à inscrire ses étudiants, 2 enseignants de la médecine chinoise étaient présents, l’un se chargeant des cours de médecine générale, et l’autre des cours de chirurgie ; et deux enseignants de médecine occidentale donnaient également leurs cours, ou plutôt un enseignant et son assistant556.

Cependant, la répartition des cours des deux médecines montre que, effectivement, la

550 Cui, « 清朝传统医学教育研究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, L’étude sur la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) », 35. 551 Les règles des écoles accordées par l’empereur (奏定学堂章, Zoudingxuetangzhangcheng). 552 « 奏定学堂章程 - 中国历史大辞典·下卷 - 中国工具书网络出版总库 (Zoudingxuetangzhangcheng- Zhongguolishidacidian, xiajuan-Zhongguogongjushuwangluochubanzongku; Les règles des écoles accordées par l’empereur-Dictionnaire de l’histoire chinoise, vol 2-Bibliothèque nationale des livres de références en ligne) », consulté le 24 février 2016, http://202.106.125.35/refbook/detail.aspx?RECID=R2006080880007113. 553 Yingjie Liu, 中国教育大事典. 1840-1949 (Zhongguojiaoyudashidian, 1840-1949; Dictionnaire des grands évènements de l’éducation de Chine, 1840-1949) (Hangzhou: Zhejiang Education Publishing House, 2001), 631‑32. 554 Xu Dingchao (徐 定超). 555 Cui, « 清朝传统医学教育研究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, L’étude sur la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) », 35. 556 Ibid., 39. 177 formation officielle attache plus d’importance à la médecine occidentale. Selon Les règles des écoles accordées par l’empereur, la discipline de la médecine est divisée entre médecine et pharmacopée dans l’éducation supérieure. Les cours de médecine contiennent 13 matières, mais il n’y a qu’une matière qui traite de la médecine chinoise ; de même, les cours concernant les substances médicamenteuses contiennent 16 matières, dont une seule traitant de la pharmacopée chinoise. De plus, d’après l’organisation des cours, pendant 4 ans d’étude, les cours de médecine chinoise sont répartis seulement sur les deux premières années. Durant la première année, les semaines sont composées de 22 heures de cours, dont 6 heures de médecine chinoise ; en deuxième année, pour 25 heures de cours hebdomadaires, ce montant est réduit à 2 heures. Il en est de même pour les cours de pharmacopée : sur 3 ans d’étude, la pharmacopée chinoise n’est présente que la première année, pour seulement 3 heures hebdomadaires.

À l’évidence, les politiques du gouvernement central ayant trait à la formation en médecine s’orientent de plus en plus vers la médecine occidentale ; mais face à l’affaiblissement du pouvoir du gouvernement chinois, la situation dans les provinces conserve sa particularité, d’autant plus que la médecine chinoise prend ses racines dans les habitudes de vie du peuple chinois.

B. La formation locale/provinciale.

124- Les écoles créées en province. Nous trouvons des registres sur cette formation locale dans des sources différentes : Entre 1902 et 1905, la province du Jiangxi crée une école de médecine qui est sous la direction de la Grande école de la capitale, sans pour autant en être une filiale. Cependant, le salaire du président de l’école est payé par la Grande école de la capitale, les cours incluent les deux médecines, et les résultats des examens passés par les élèves doivent être présentés au responsable de la Cour de médecine557. En 1904, la ville de Baoding crée son école de médecine, qui est une école gratuite pour les élèves locaux et qui, en enseignant les deux médecines, met également l’accent sur

557 Xuexun Chen, éd., 中国近代教育大事记 (Zhongguojindaijiaoyudashiji, Chronique des grands évènements de l’éducation pendant l’histoire moderne chinoise) (Shanghai: Shanghai Educational Publishing House, 1981), 124. 178 l’importance de la pharmacopée558. En 1905, la province du Henan crée une école de médecine qui existera pendant 6 ans seulement. Dans cette école, la particularité est que l’enseignement des deux médecines est dissocié : les élèves apprennent en premier la médecine chinoise, puis la médecine occidentale559. En 1908, la ville de Chengdu crée une école de médecine, chinoise uniquement ; ce qui est intéressant est que cette école se situe à l’intérieur de l’école des policiers de Chengdu560. En 1908, la province du Gansu561 puis en 1911, celle du Zhejiang562 voient également la création de plusieurs écoles.

125- L’existence éphémère et vaine. Il est clair que cette formation officielle locale en médecine n’est, à partir de là, plus dispensé que par ces écoles certifiées qui voient le jour, de plus en plus nombreuses. En outre, la plupart de ces écoles enseignent et la médecine chinoise, et la médecine occidentale. Cela montre que l’initiative de la création de ces écoles suit la volonté politique largement diffusée de « maintenir le code moral traditionnel chinois et profiter des sciences de la nature et des sciences sociales occidentales563 ». Cet essai gouvernemental pour fusionner les deux médecines dans un nouveau corps d’apprentissage n’a pourtant jamais été mené à son terme, car ces écoles ne perdurent que jusqu’à la chute de la dynastie Qing.

II. Les changements de la formation privée.

Contrairement à la formation officielle en médecine qui s’intéresse à l’intégration de la médecine chinoise et de la médecine occidentale, l’émergence et le développement d’une formation privée en tant que telle s’applique évidemment plus à la médecine chinoise. Cela

558 Cui, « 清朝传统医学教育研究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, L’étude sur la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) », 50‑53. 559 Runying Liang et Guofu Wang, « Inspiration and development of modern medical eduction in Henan Province », Chinese Journal of Medical History, no 01 (1999): 39.

561 Gouvernement de la dynastie Qing, 清实录.德宗景皇帝实录 (Qingshilu, Dezongjinghuangdishilu; Histoire de Qing, période de l’empereur Guangxu), copie (Pékin: Zhonghua Book Company, 1986), 748. 562 Chao Zhu, 中外医学教育史 (Zhongwaiyixuejiaoyushi, Histoire de la formation de la médecine de la Chine et des pays étrangers) (Shanghai: Shanghai Medical University Press, 1988), 64. 563 Traduit par auteur, la phrase originale en chinois est « 中学为体,西学为用 (Zhongxueweiti, Xixueweiyong) ». 179 s’explique par deux raisons : En premier lieu, il s’agit d’une réaction d’autodéfense des milieux de la médecine chinoise. A la faveur du courant d’occidentalisation de l’époque et après le Mouvement d’auto- renforcement et la Réforme Wuxu, la société (particulièrement sa composante urbaine, plus accessible aux influences de l’étranger) a tendance à négliger la médecine chinoise, tendance renforcée par le fait que les premiers dispensaires et les premières institutions médicales concrètes sont mises en place par des missionnaires européens. En second lieu, après la création des écoles de médecine officielles, afin de pouvoir pratiquer la médecine, les autorités chinoises commencent à exiger des titres professionnels pour les médecins, ce qui va pousser les anciens pratiquants de la médecine chinoise à s’adapter à cette tendance en ouvrant des écoles de médecine dite « privée ». Dans ce contexte-là, la formation traditionnelle était toujours la plus répandue (A), cependant, cela n’a pas empêché l’apparition des nouvelles méthodes de formation (B).

A. La formation traditionnelle.

126- La persistance de la formation traditionnelle. Nous n’hésitons pas à répéter plusieurs fois que la médecine chinoise est un héritage de la culture multimillénaire des Chinois. Il n’est jamais possible de bouleverser les grilles de lecture traditionnelles d’un pays dans un court laps de temps, c’est pourquoi il n’était également pas possible de supprimer la méthode traditionnelle de la transmission du savoir de la médecine chinoise simplement par quelques décisions politiques appliquées précipitamment. Ainsi, au cours de cette période troublée, la méthode de formation en médecine chinoise la plus répandue est toujours celle de la succession d’enseignement d’un maître à son disciple, ou de la succession d’enseignement parmi les membres de la famille. Selon les chiffres de l’Encyclopédie de la médecine de la Chine ∙ histoire de la médecine, parmi 48 médecins réputés enregistrés durant l’histoire moderne de la Chine, 32 d’entre eux sont issus de cette méthode traditionnelle de formation564.

564 Jingwei Li et Zhifan Cheng, 中 国 医 学 百 科 全 书 : 医学史 (Zhongguoyixuebaikequanshu-yixueshi, encyclopédie de la médecine de Chine- l’histoire de la médecine, éd. par comité de l’encyclopédie de la médecine de Chine (Shanghai Scientific and Technical Publishers, 1992). 180

B. Les nouvelles méthodes de formation.

127- Les écoels privées. Sous la pression de la situation mentionnée au début ce paragraphe, sans les politiques favorables d’État, ni le soutien financier du gouvernement, nous pouvons dire que les nouvelles méthodes de formation privée en médecine sont nées silencieusement. En général, il s’agit d’écoles de médecine privées qui sont souvent critiquées et vues comme des survivances du passé par les Chinois progressistes. Cependant, objectivement, enseigner la médecine chinoise dans des écoles avec des normes standards facilite l’expansion de règlements administratifs divers concernant la fonction médicale, et garantit à l’Etat plus d’accès aux premières cellules populaires (surtout dans les campagnes), seules capables de réellement changer la donne sanitaire. De plus, grâce à ces écoles, la coexistence des deux médecines est plus marquée, avec des systèmes de formation différents, permettant donc la comparaison.

Au plus tôt, en 1885, sous l’influence du Mouvement d’auto-renforcement, la première école de médecine chinoise, l’école de médecine Liji565, est créée par un médecin chinois réputé qui s’appelle Chen Qiu (1851-1903)566 567. Ensuite, successivement, pendant la Réforme des nouvelles politiques, on a connaissance de la création de 17 écoles de médecins, principalement par les médecins connus de l’époque568.

128- Les associations. En raison du manque du soutien du gouvernement, l’enseignement dans ces écoles est souvent perturbé par les politiques des gouvernements locaux569. C’est une des raisons pour lesquelles les milieux de la médecine chinoise essaient de se réunir et de se renforcer en associations, qui deviennent de facto des acteurs considérables dans la formation privée en médecine.

La première association de cette nature est l’association de la Médecine de Shanghai570

565 Ecole de médecine Liji (Lijiyixuetang, 利济医学堂). 566 « 陈虬 (Chenqiu) », Le grand dictionniare de la philosophie de Chine, Bibliothèque nationale des livres de références en ligne, consulté le 24 février 2016, http://202.106.125.35/refbook/detail.aspx?RECID=R2006060900002723. 567 Cui, « 清朝传统医学教育研究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, L’étude sur la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) », 33. 568 Ibid., 54. 569 L’exemple d’une cr médecine du Jiangxi fermée par le gouvernement local, Ibid., 59. 570 Association de la médecine de Shanghai (上海医学会, Shanghaiyixuehui). 181 fondée en 1902 par le médecin Yu BaoTao (1868- ?)571 et le médecin Li Pingshu (1854-1927)572, qui devient en juin 1906 l’association des Affaires médicales de Shanghai573574. Jusqu’à 1911, le nombre des associations de la médecine atteint 17575.

L’établissement de ces associations a fait évoluer la tradition des milieux de la médecine chinoise. Suivant ces changements, les méthodes et les contenus de la formation en médecine se modernisent. Il faut également noter que ces associations sont les embryons des associations de la médecine chinoise qui vont se développer pendant les gouvernements républicains successifs, et qui représenteront le courant d’opposition à l’abolition de la médecine traditionnelle.

***

Pendant la Réforme des nouvelles politiques, l’établissement du nouveau système sanitaire du pays, l’avènement et l’évolution du droit médical chinois, les changements de la formation officielle en médecine dans le contexte de la réforme du système d’éducation du pays, et l’évolution de la formation privée en médecine incarnent l’ensemble de la situation de la médecine dans le droit chinois de l’ultime décennie de la dynastie Qing. Bien entendu, a posteriori, la chute de la dynastie Qing permet de douter de l’efficacité de la Réforme des nouvelles politiques ; mais en ce qui concerne la médecine, les nouvelles politiques et les nouveaux droits ont brisé l’ancien régime et amené le système médical dans un monde plus moderne. La vraie valeur de ces changements se présente par son effet de transition forcée entre une société féodale, superstitieuse et traditionnelle et une société républicaine, progressiste et très vivement attirée par la modernité occidentale.

571 « 余 伯陶 (Yu BoTao) », Bibliothèque nationale des livres de références en ligne, Dictionnaire des noms des personnages du XXe siècle en Chine, consulté le 24 février 2016, http://202.106.125.35/refbook/detail.aspx?RECID=R2006061880016154. 572 « 李平書 (Li Pingshu) - 民国人物大辞典 - 中国工具书网络出版总库 (Lipingshu-Minguorenwudacidian- Zhongguogongjushuwangluochubanzongku; Lipingshu-Grand dictionnaire des personnages de la République de Chine-La bibliothèque national des livres de références en ligne) », consulté le 24 février 2016, http://202.106.125.35/refbook/detail.aspx?RECID=R2006070670001912. 573 Association de la Médecine de Shanghai (上海医学会, Shanghaiyixuehui). 574 Cui, « 清朝传统医学教育研究 (Qingchaochuantongyixuejiaoyuyanjiu, L’étude sur la formation de la médecine traditionnelle de la dynastie Qing) », 34. 575 Ibid., 63. 182

Deuxième partie : les places respectives de la médecine chinoise et de la médecine occidentale dans le droit chinois à l’époque républicaine (1912-1982).

La chute de la dynastie Qing et la fondation de la République de Chine en 1912 ont annoncé la fin de l’époque impériale et le début de l’histoire républicaine de la Chine.

Entre 1912 et 1949, en Chine continentale le conflit entre le pouvoir du Parti nationaliste et celui du Parti communiste a engendré deux systèmes de santé totalement différents : l’un s’adapte mieux à la situation urbaine, l’autre convient particulièrement aux régions rurales. Dans ce cas-là, les situations de la coexistence de la médecine chinoise et de la médecine occidentale dans ces deux sysètmes ont leur propres particularités (titre I).

Avec la fondation en 1949 de la République Populaire de Chine et la fuite du Parti nationaliste à Taïwan, les parcours de ces deux systèmes se sont évidemment plus fortement différenciés (titre II).

183

184

Titre I : La situation de la coexistence des deux médecines dans le système de santé de la République de Chine et dans celui des territoires sous contrôle du Parti communiste chinois (1912-1949).

Généralement, les historiens chinois divisent la République de Chine (1912-1949) en trois périodes : la période du Gouvernement provisoire (janvier 1912-mars 1912), la période du Gouvernement de Beiyang (1912-1928) et la période du Gouvernement nationaliste (1928- 1949)576. Dans ce travail, nous choisissons de respecter cette division chronologique classique et nous considérons que l’expression « le droit de la République de Chine » désigne toutes les lois, les règlements et les autres textes légaux élaborés durant la période couverte par ces trois gouvernements.

Il est indéniable qu’il s’agit d’une époque qui est riche de profonds bouleversements politiques, économiques et militaires.

D’un côté, depuis la fondation de la République de Chine en 1912, les gouvernements successifs ont envisagé d’établir un système de santé plus systématisé, modernisé et occidentalisé (chapitre I) ;

De l’autre côté, la Chine est depuis toujours un pays dont la majorité de la population est constituée d’agriculteurs. Bien entendu, suivant les critères retenus, il existe d’autres classifications possibles. Mais en général, ces trois gouvernements sont reconnus par la plupart des pays dans le monde de l’époque et représentent internationalement la Chine. Sous l’influence du courant d’occidentalisation, les villes deviennent de plus en plus modernes, tandis que dans les campagnes, le régime économique essentiel demeure celui de l’autarcie. Les déséquilibres de développement entre les villes et les campagnes conduisent à un grand écart dans les domaines politique, économique et culturel. De ce fait, le contrôle du Parti nationaliste chinois se concentre surtout dans les villes, et celui du Parti communiste chinois s’étend rapidement dans les campagnes, ainsi que dans nombre de régions éloignées.

576 Bien entendu, suivant les critères retenus, il existe d’autres classifications possibles. Mais en général, ces trois gouvernements sont reconnus par la plupart des pays dans le monde de l’époque et représentent internationalement la Chine. 185

Le développement de la cause de la santé publique dans les campagnes reste bien loin en arrière de celui des villes. Bien que le gouvernement nationaliste ait établi le premier système sanitaire moderne, la plupart des changements n’ont pas vraiment produit d’effet et se sont plutôt réduits à de simples formalités dans les campagnes. Au sein des gouvernements ruraux, les organismes de santé publique n’arrivent pas à fonctionner normalement, parce que : d’abord, l’effectif des officiers est très limité, et ceux-ci sont mal rémunérés ; ensuite, à cause du manque d’insistance sur les capacités requises pour le recrutement, le personnel de ces organismes n’a pas suffisamment de connaissances dans le domaine de la santé publique. La situation politique instable conduit aussi au changement fréquent des agents et de leurs assignations ; de même, le financement est insuffisant, et la majorité de l’argent sert seulement à payer les employés ; enfin, et à l’exception des mesures comme le nettoyage des voies ou le traitement des épidémies, les règlements élaborés par le ministère de la Santé publique ne sont pas bien exécutés577. De ce fait, la situation sanitaire rurale n’a pas connu d’amélioration tangible. Après avoir étudié le rapport d’un officier hongkongais d’origine anglaise, l’historien et sinologue japonais, Jitsuzō Kuwabara (1871-1931), pense que le manque de conscience sanitaire des Chinois était la raison principale de la fréquente survenue et propagation d’épidémies, que dans le monde entier, c’étaient en Chine et en Inde que le plus de gens mouraient d’épidémies infectieuses de grande ampleur, à tel point que la population chinoise touchée par celles-ci était cinq fois plus élevée que celle de l’Europe578.

Dans ce contexte-là, et afin d’avoir une vision entière de l’évolution et de la répartition des deux médecines dans le pays, il ne faut pas négliger le droit des régions sous contrôle communiste qui est très représentatif de la situation rurale de la Chine (Chapitre II).

577 Zhifeng Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period » (Thèse en histoire, Fujian Normal University, 2015), 14‑15. 578 Jitsuzō Kuwabara, « 中国人口问题 (Zhongguorenkouwenti, Questions concernant la population chinoise) », 东方杂志 (Dongfangzazhi, Revue dongfang) 25, no 1 (s. d.): 81. 186

Chapitre I : La médecine dans le droit de la République de Chine (1912-1949).

Dans ce chapitre, afin de mieux clarifier le thème des changements de statuts juridiques des deux médecines, nous essaierons de répondre à deux questions importantes : face à ce contexte historique spécifique, comment les gouvernements successifs administrent-ils la médecine chinoise et la médecine occidentale (section I) ? Mais aussi, quelles sont les orientations pour la formation des deux médecines (section II) ?

Section I : Une administration médicale caractérisée par les conflits entre « l’ancienne » et « la nouvelle médecine » et par la complexité des droits de l’époque.

Les gouvernements de la République de Chine envisagent, depuis le début, d’établir des institutions médicales modernes inspirées de celles des pays occidentaux ou occidentalisés, dont le Japon. Dans le même temps, la Chine étant une grande nation vivant d’une civilisation plusieurs fois millénaire, ces changements profonds qui viennent toucher aux essentiels de la société ne peuvent jamais être totaux, ni brutaux. De ce fait, dans nos recherches, il n’est pas possible d’ignorer les mouvements de résistance des milieux de la médecine chinoise, qui vont rapidement se structurer afin de sauvegarder et d’implémenter un statut juridique pour la médecine chinoise (I). C’est également la raison pour laquelle les gouvernements doivent adopter des moyens modernes dans l’élaboration des droits (II).

I. La résistance du monde de la médecine chinoise.

Si l’émergence d’un clivage entre les milieux de la médecine chinoise et de la médecine occidentale se situe vers la fin de la dynastie Qing, elle se poursuit et atteint son apogée dès les premières années de la nouvelle République de Chine dont à partir de 1912 : se discute alors officiellement l’abolition de la médecine chinoise. Beaucoup d’auteurs sont d’accord avec le

187 fait que ce débat est provoqué par la proposition de Yu Yunxiu (1879-1954)579 à la Première assemblée du comité central de la santé qui a lieu en février 1929 580 . Cependant, il faut également noter qu’avant Yu Yunxiu, le gouvernement de Beiyang avait déjà pris des mesures permettant de restreindre le développement normal de la médecine chinoise. Il convient donc de répartir cette grande discussion en deux phases : la première sous le gouvernement de Beiyang (1912-1928) (A), et la seconde sous le gouvernement nationaliste (1928-1948) (B).

A. Pendant le gouvernement de Beiyang (1912-1928).

129- La formation en médecine chinoise est exclue du système d’éducation. L’élément réellement initiateur de cette discussion est la Première réunion provisoire d’éducation du gouvernement qui a lieu entre le 10 juillet 1912 et le 10 août 1912. A la suite de cette réunion, le ministère de l’Éducation nationale a en effet publié les Nouvelles règles d’éducation de la République de Chine. Selon ces règles, la seule formation en médecine confirmée par la loi est celle de médecine occidentale581, c’est-à-dire que, à la suite de l’exemple donné par le système éducatif du Japon582, l’intention du ministère de l’Éducation nationale est de finir par exclure totalement la formation en médecine chinoise.

Mais en dépit des idées gouvernementales, la tendance à l’abandon de la médecine chinoise n’est pas encore très influente 583 . A tel point qu’après quelques mouvements revendicatifs initiés par les milieux de la médecine chinoise584, le ministère de l’Éducation

579 Yu Yunxiu (余 云岫). 580 TieTao Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise) (Canton: Guangdong Higher Education Press, 1999), 281‑83. 581 Xincheng Shu, 中国近代教育史资料 (Zhongguojindaijiaoyushiziliao, Les documents de l’histoire de l’éducation pendant l’histoire moderne chinoise) (Pékin: People’s Education Press, 1980), 652‑60. 582 Ce système n’a jamais changé durant le gouvernement de Beiyang, Xincheng Shu, 中华民国教育新法令 (Zhonghuaminguojiaoyufaling, Droit de l’éducation de la République de Chine) (Shanghai: Commercial Press, 1923), préface. 583 Selon l’auteur, les promoteurs de cette tendance sont justes quelques jeunes gens qui ont fait leurs études au Japon et qui ont pris certains postes dans le gouvernement, Wenlu Liu, « 中医药界的首次抗争活动 (Zhongyiyaojiedeshoucikangzhenghuodong, Les premières résistances des milieux de la médecine chinoise) », Journal of Medical History, no 1 (1986): 33. De plus, à l’époque, le nombre total des médecins de la MO est de moins de 2 000, Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 275. 584 Depuis la publication des Nouvelles Règles d’Education de la République de Chine, la Fédération de la Médecine Chinoise et de la Pharmacopée Chinoise de Shanghai proteste la première, puis les organismes du même genre des autres provinces se concertent et se liguent. Jusqu’en octobre 1913, le nombre d’associations alliées 188 nationale recule 585 , et à sa suite le conseil des Affaires d’État affirme que l’État n’a pas d’intention d’abolir la médecine chinoise et que, toujours sans intégrer les écoles de médecine chinoise dans le système éducatif du pays, l’État autorise en revanche la création d’écoles spécialisées dans les domaines concernés586.

130- Juridiquement et politiquement, le gouvernement commence à privilégier la médecine occidentale. Cependant, les choses évoluent pour la médecine occidentale. Tout d’abord, le gouvernement commence à privilégier la médecine occidentale par la tentative de différencier juridiquement les appellations des médecins des deux médecines.

Il s’agit de la loi sur l’administration des yishī (shì) 587 publiée en mai 1922 588 . Auparavant, l’appellation pour les médecins, en chinois, est yisheng (医生) ou yi (医) tout simplement, mais d’après ce nouveau décret, les médecins en médecine occidentale sont désormais appelés « yishī (医师) », et les praticiens de la médecine chinoise sont appelés « yishì

(医士) ». Leurs significations respectives ne sont pas sans nuances.

Littéralement, en chinois, le mot shī (师) signifie maître, enseignant, personne qui excelle dans une certaine profession, etc. ; le terme shì (士) signifie homme cultivé, personne recommandable, personne instruite dans un certain secteur, etc. Certes, le gouvernement essaye donc de trouver des termes similaires pour réduire l’écart, mais habituellement en langue chinoise, les situations dans lesquelles les Chinois emploient le terme shī (师) sont plus respectueuses que celles où le terme shì (士) est utilisé.

atteint 19, et le 23 novembre 1913, ce groupement envoie une délégation à Pékin pour adresser la pétition des milieux de la médecine chinoise au gouvernement, Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 272. 585 Le ministère de l’Education nationale annonce que ses décisions sont prises dans le but de mieux s’adapter à la tendance de « l’estime pour la science » et qu’il ne s’agit, en aucun cas, d’un mépris pour la médecine chinoise, Ibid., 273. 586 « 国务院批答神州医药总会批词 (Guowuyuanpidashenzhouyiyaozonghuipici, La réponce du Conseil des affaires de l’Etat adressée à la fédération de médecine Shenzhou) », Shanxi Medical Journal, 1922, 88. 587 Loi sur l’administration des yishī (shì) (医师(士)管理法令, Yishī (shì) guanlifaling). 588 En raison de l’opposition des milieux de la médecine chinoise et de la médecine occidentale, cet Ordre n’a pas pu entrer en vigueur, Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 271. 189

Ensuite, le gouvernement essaye d’administrer les deux médecines en suivant des procédures différentes : selon le Règlement provisoire de l’administration des yishī589590 et le Règlement provisoire de l’administration des yishì591592 publiés l’un après l’autre au cours de l’année 1922, les critères pour devenir médecin en médecine chinoise sont beaucoup plus rigoureux que ceux présentés aux postulants en médecine occidentale.

Précisément, pour être diplômé en médecine occidentale, il suffit de remplir une des quatre conditions exigées : être diplômé de l’école supérieure de médecine (officielle, publique ou privée) et certifié par le ministère de l’Education nationale ; être diplômé d’une école équivalente d’un pays étranger et certifiée par le ministère de l’éducation nationale ; avant la publication du Règlement provisoire de l’administration des yishì, apprendre la médecine au moins 3 ans dans une école de médecine créée par les étrangers et obtenir son diplôme à la fin des études ; être un étranger qui possède une licence de pratique de médecine, certifiée par le ministère des Affaires étrangères.

Cependant, quand il s’agit des médecins traditionnels, s’ils veulent pratiquer légalement leur activité, le gouvernement a également établi quatre conditions : réussir l’examen organisé par la police locale ; apprendre la médecine au moins 3 ans dans une école de médecine chinoise et réussir à obtenir son diplôme à la fin des études ; pouvoir prouver, par les dossiers et par l’attestation d’au moins trois médecins (peu importe le type de médecine) qualifiés comme garants, que l’on a été médecin au moins 3 ans dans un hôpital public officiel ; ou pouvoir prouver, par les dossiers et par le témoignage de trois médecins indifférenciés, être expérimenté et avoir pratiqué la médecine plus de 5 ans avant la publication du Règlement provisoire de l’administration des yishì.

D’ailleurs, le gouvernement a ajouté une restriction, c’est-à-dire que deux ans après la publication des Règlements susdits, les deux derniers critères mentionnés ne seront plus applicables ; par conséquent, les seuls moyens d’avoir le droit de pratiquer la médecine chinoise sont soit de passer l’examen chez la police, soit d’être diplômé des écoles de médecine.

589 Règlement provisoire de l’administration des yishī (管理医师暂行规则, Guanliyishīzanxinguize). 590 Les deuxièmes Archives nationales, n°1001-72. 591 Règlement provisoire de l’administration des yishì (管理医士暂行规则, Guanliyishìzanxingguize). 592 Ibid. 190

De plus, contrairement à la haute estime et à la liberté de mouvement pour les diplômés des écoles de médecine occidentale, la qualification des praticiens traditionnels est toujours sous la direction de la police593.

Enfin, le droit sur la qualification des médecins en médecine chinoise est paradoxal et inexécutable. Car conformément à la Nouvelle loi sur l’éducation de la République de Chine594 de 1912, la formation de la médecine chinoise est déjà exclue du système éducatif du pays595, et dans ce cas-là, exiger que les médecins traditionnels chinois soient diplômés des écoles de médecine596 semble inconciliable avec les lois précédentes.

B. Pendant le gouvernement nationaliste(1927-1948)

131- Les propositions d’abolition de la médecine chinoise apparaissent dès le début du gouvernement nationaliste : la première est présentée par un médecin, Wang Qizhang 597 , pendant la Réunion nationale de l’éducation en 1928, mais cette proposition est rejetée. Puis, en 1929, la proposition soumise par Yu Yunxiu à la Première réunion centrale du comité de la

593 Au début du gouvernement de Beiyang, l’administration de la santé publique hérite du système de celle de l’ancien régime, mais ses fonctions, suivant la situation réelle de l’époque, se sont réparties dans plusieurs organismes : la formation en médecine et l’administration de la médecine occidentale sont à la charge du ministère de l’Education nationale ; la gestion de l’hygiène collective est assumée par la police ; la prévention contre les épidémies et la quarantaine est assurée par le ministère des Affaires étrangères ; l’administration de la médecine chinoise est confiée au ministère des Affaires civiles, Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 274. En effet, plus tôt, en 1916, le gouvernement demande d’effectuer une enquête sur les médecins, afin de pouvoir établir l’administration des médecins, mais la plupart des provinces ne répondent pas à la demande du gouvernement, et l’enquête échoue conséquemment. L’administration de la pharmacopée se limite à l’enregistrement des médicaments, afin de percevoir des impôts, Ibid. 594 Nouvelle loi sur l’éducation de la République de Chine ( 中 华 民 国 教 育 新 法 令 , Zhonghuaminguojiaoyuxinfaling). 595 Seule la formation en MO est incluse dans le système éducatif du pays, Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 133. Il faut attendre 1938, année où par le « Règlement général des écoles de médecine chinoise » du ministère de l’Education nationale du gouvernement nationaliste, la formation en médecine chinoise est enfin incluse dans le système éducatif du pays, Ibid., 305‑6. 596 Voir la note 14. 597 Wang Qizhang (汪 企张). 191 santé598 est adoptée 599. Cette décision est l’élément déclencheur du plus grand mouvement revendicatif des milieux de la médecine traditionnelle dans l’histoire chinoise, mouvement qui va prendre une ampleur nationale.

Il est intéressant de mentionner cette proposition intitulée « Proposition pour l’abolition de la vieille médecine600 afin de lever cet obstacle au développement des affaires médicales et sanitaires601 602 » :

Dans un sens, l’objectif de la proposition de Yu Yunxiuest de faire avancer la cause de la santé publique du pays, car il proclame (traduction d’un extrait de sa proposition) :

…si nous n’abolissons pas la vieille médecine, le peuple ne changera jamais ses idées envers cette médecine, et dans ce cas-là, nous ne pouvons jamais développer la cause de la nouvelle médecine603, et l’administration de la santé (de notre pays) ne peut pas non plus avancer…604

598 Cette réunion a lieu entre les 23-26 février 1929. Quatre propositions concernant l’abolition de la médecine chinoise sont faites: la Proposition sur l’abolition de la vieille médecine afin de lever cet obstacle au développement des affaires médicales et sanitaires ( 废止旧医以扫除医事卫生之障碍案 , Feizhijiuyiyisaochuyishiweishengzhizhang’ai), la Proposition sur l’unification des méthodes d’enregistrement des médecins ( 统 一 医 生 登 录 办 法 , Tongyiyishengdenglubanfa), la proposition sur l’établissement d’un délai d’enregistrement pour les praticiens traditionnels ( 制定中医登记年限, Zhidingzhongyidengjinianxian), la Proposition sur l’établissement de règles restrictives pour les élèves en médecine chinoise et pour la pharmacopée chinoise ( 拟请规定限制中医生及中药材之办法案, Niqingguidingxianzhizhongyishengjizhongyaocaizhibanfaan). Parmi ces propositions, la première est présentée par Yunxiu Yu, Jimin Wang et Liande Wu, 中国医史 (Zhongguoyishi, Histoire de la médecine de Chine), 2e éd. (Quanguohaigangjianyiguanlichu, 1936), 772. 599 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 271. 600 En raison du courant d’occidentalisation, certains progressistes chinois appellent la médecine chinoise « la vieille médecine ». Voir l’introduction et le chapitre 3 de ce travail. 601 Proposition pour l’abolition de la vieille médecine afin de lever cet obstacle au développement des affaires médicales et sanitaires (废止旧医以扫除医事卫生之障碍案, Feizhijiuyiyisaochuyishiweishengzhizhangan). 602 Yunxiu Yu, « 废止旧医以扫除医事卫生之障碍案 (Feizhijiuyiyisaochuyishiweishengzhizhangaian, Le proposition sur l’abolition de la veille médecine afin de supprimer les obstacles des causes médicale et sanitaire) », Yijiechunqiu, no 34 (1929): 9. 603 La médecine occidentale, même raison que celle de la note « 23 », voir également l’introduction et le chapitre 3 de ce travail. 604 Yu, « 废止旧医以扫除医事卫生之障碍案 (Feizhijiuyiyisaochuyishiweishengzhizhangaian, Proposition sur l’abolition de la veille médecine afin de supprimer les obstacles aux causes médicale et sanitaire) », 9. 192

De l’autre côté, comme le raisonnement de Yu Yunxiuest basé sur la pensée de Yu Yue605, sa volonté d’abolir absolument la médecine chinoise est déterminée et militante, et se traduit par six mesures radicales 606 :

- Organiser les médecins de la vieille médecine encore en pratique : le ministère de la Santé se charge de l’inscription de ces médecins et de délivrer leur licence de pratique médicale ; cette inscription se terminera en 1930 (il s’agit « d’étendre » la profession) ;

- Le gouvernement crée le Service des formations médicale et sanitaire : les médecins inscrits doivent faire une formation supplémentaire dans ce Service, et après celle-ci, le gouvernement délivre un certificat qui donne réellement le droit d’exercer la profession ; après 1933, si le médecin en question ne possède pas ce certificat, son activité devra être arrêtée ;

- Les associations pour la vieille médecine sont simplement des organisations académiques, les médecins en question ne peuvent pas, en s’appuyant sur leur seul statut de membres de ces associations, exercer d’activité médicale ;

- Jusqu’en 1929, les médecins de la vieille médecine qui ont plus 50 ans et qui ont exercé une activité médicale depuis 20 ans et plus sont dispensés de la formation supplémentaire, et les autorités leur délivrent une licence spéciale qui sera valable pendant 15 ans ;

- Interdiction de la publicité pour la vieille médecine dans les journaux ; interdiction de toute propagande publicitaire pour la médecine non-scientifique607 ;

- Interdiction de création d’écoles de vieille médecine.

132- La résitance du monde de la médecine chinoise. Face à ces attaques, et à cause de la perte de leur place dans l’organisation du gouvernement, les milieux de la médecine chinoise ont de plus en plus du mal à se défendre efficacement : le principal moyen de résistance demeure

605 Pour l’analyse des points de vue de Yu Yue sur l’abolition de la médecine chinoise, voir le chapitre 3. 606 Yu, « 废止旧医以扫除医事卫生之障碍案 (Feizhijiuyiyisaochuyishiweishengzhizhangaian, Proposition sur l’abolition de la veille médecine afin de supprimer les obstacles aux causes médicale et sanitaire) », 9. 607 Pour certains chinois progressistes, aucune médecine n’est scientifique autre que la médecine occidentale. Voir le chapitre 3. 193 de réunir les soutiens de cette médecine, exprimée par les assemblés et les associations qui se répartissent dans l’ensemble du pays.

Le 17 mars 1929, l’Assemblée nationale des organisations médicales a lieu à Shanghai : les propositions adoptées par cette assemblée concernent essentiellement les moyens pour s’opposer aux décisions défavorables à l’égard de la médecine chinoise, mais dans les faits ces propositions sont publiées afin de susciter une mobilisation de masse. Voici les sept principales propositions608 :

- Publier une déclaration dans le but de désavouer la proposition gouvernementale adoptée quant à l’abolition de la médecine chinoise, et appeler pour le soutien de tous les milieux ;

- Créer un organisme national permanent de la médecine chinois, une fédération nationale de la Médecine609… ;

- Organiser une délégation revendicative pour adresser les pétitions concernant la demande de l’annulation des propositions relatives à l’abolition de la médecine chinoise adoptées à la Troisième assemblée générale du parti nationaliste, au gouvernement nationaliste, à la cour Exécutive, au Parlement, au ministère de la Santé et au ministère de l’Éducation nationale ;

- Demander d’inclure les écoles de médecine chinoise dans le système éducatif… ;

- Étendre la publicité pour la médecine chinoise afin d’obtenir le soutien du peuple… ;

- Fixer le 17 mars, date où a lieu cette Assemblée, comme fête nationale de la médecine chinoise610.

608 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 285‑86. 609 Fédération nationale de la Médecine (全国医药总会, Quanguoyiyaozonghui). 610 Le nom exact de cette fête est traduit par « fête nationale de la médecine du pays (国医节) » ; voir l’introduction sur les noms de la médecine chinoise. 194

- Après cette Assemblée, créer des organisations destinées à opposer les décisions de la Première Réunion Centrale du Comité de la Santé portant sur la médecine chinoise en province.

133- Des désaccords sur le statut juridique de la médecine chinoise au sein du gouvernement. Après une série de mouvements de résistance qui se succèdent rapidement611, et surtout sous la pression de la Première réunion provisoire de la Fédération nationale de la médecine qui a lieu le 1er décembre 1929612, les décisions du ministère de la Santé613 et du ministère de l’Éducation614 sont annulées par ordre du président du Parti nationaliste, Tchang Kaï-chek (1887-1975), qui manifeste clairement son soutien envers la médecine chinoise615. Néanmoins, le 23 mars 1930, le ministère de l’Éducation nationale promulgue l’arrêté n° 351 qui envisage de changer le statut des écoles de médecine chinoise, alors encore organismes académiques, ce qui signifierait nier le caractère éducatif des écoles de médecine chinoise616. Il existe donc, même au sein du gouvernement, des désaccords envisagent à la question sur le statut juridique de la médecine chinoise.

Les attitudes controversées dans le gouvernement doivent dépendre notamment de trois facteurs :

En premier lieu, sachant que la pharmacopée chinoise représente une part prépondérante de la médecine chinoise, la popularité de l’utilisation des médicaments chinois chez le peuple

611 Avec de très fortes émules en province, Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 286. 612 Cette Réunion possède quasiment le même axe et les mêmes sujets que ceux de l’Assemblée nationale des organisations médicales qui a eu lieu à Shanghai le 17 mars 1929, Ibid., 288. 613 Concernant la médecine chinoise, le ministère de la Santé demande d’appeler son lieu de traitement la « chambre médicale (医室, Yishi) » et interdit aux médecins en médecine chinoise d’utiliser les instruments médicaux et les médicaments de la médecine occidentale. Cependant, malgré ces hostilités, le ministère de la Santé annonce qu’il préconise la pharmacopée chinoise, Ibid., 286-289. 614 Le ministère de l’Education autorise la création des instituts d’enseignement (传习所, Chuanxisuo), mais ceux- ci sont toujours hors du système éducatif du pays, Ibid., 287. 615 Dans son ordre, Tchang Kaï-chek explique que les décisions du ministère de l’Education et du ministère de la Santé empêchent le développement la cause de la médecine de Chine, et que ceci dévie du testament politique de Sun Yat-sen (1866-1925), Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 289. 616 Ibid., 290. 195 implique que le commerce dans ce domaine pèse dans l’équilibre économique du pays617, et soit une source importante du revenu fiscal de l’État618. Si le gouvernement abolit la médecine chinoise, la pharmacopée chinoise va perdre ses fondations et tomber en désuétude, ce qui créerait de graves problèmes pour l’économie du pays.

En second lieu, il s’agit d’une question : est-ce que la médecine chinoise arrive réellement à influer positivement sur la santé publique du pays ? Selon certains auteurs, la méfiance concernant le rôle de la médecine chinoise pour la santé publique est initiée lors de l’épidémie au nord-est de Chine survenue en 1911619. Après les évènements, certaines personnes pensent que la médecine chinoise est une médecine trop retardataire et qui n’est pas capable de jouer un rôle fiable dans les dispositifs de santé publique. En suivant ce point de vue, il existe deux solutions : soit abandonner la médecine chinoise, soit l’intégrer en tant que médecine secondaire dans le système administratif de la santé. Le gouvernement finira par choisir la seconde option. En effet, il est évident que, en comparant les deux médecines, la médecine occidentale est beaucoup plus efficace, particulièrement dans le domaine de la prévention des maladies infectieuses qui représente un rôle important dans le système médical moderne620. Mais la réalité de la société chinoise, massive et difficilement manœuvrable, explique que le gouvernement ne peut pas négliger totalement la médecine chinoise. Selon les statistiques, entre 1929 et 1934, en Chine, pour quatre cents millions d’habitants, il y a environ 5 000 médecins en médecine occidentale et 400 000 médecins traditionnels621, ce qui signifie qu’il n’y a pas suffisamment de médecins de la première catégorie pour que l’État puisse installer un

617 Selon les enquêtes, en 1929, il y a plus de 4 600 000 employés dans le domaine de la pharmaceutique chinoise, 600 000 mu617 de champ où poussent des plantes médicinales, et 2 000 000 de cultivateurs de ces plantes ; le chiffre d’affaires issu du commerce des médicaments chinois atteint 96 000 000 yuans, Ibid., 336‑37. 618 Selon l’enquête menée dans la province de Guangdong, en 1928, les pharmacies ont contribué à hauteur de 72 562 yuans au fisc provincial pour les dépenses militaires ; en 1933, la recette de l’exportation des médicaments chinois est de 1 776 549 yuans, ce qui représente 3,042% du revenu total de l’exportation des produits locaux, Ibid., 337. 619 En 1911, au nord-est de la Chine, se déclenche une épidémie de peste, et contrairement à l’impuissance de la médecine chinoise, la médecine occidentale y démontre sa haute efficacité dans la maîtrise des maladies infectieuses, Qilin Wang, « A Research on Modern Public Health Law in China (1905-1937) » (Thèse en droit, Southwest University of Political Science and Law, 2014), 95‑96. 620 A partir de 1876, grâce aux nouvelles techniques microbiologiques mises au point par Louis Pasteur (1822- 1895) et Robert Koch (1843-1910), les chercheurs ont réussi la découverte d’un certain nombre d’agents infectieux. La relation entre les maladies infectieuses, comme la peste, la lèpre, le paludisme, la tuberculose, le choléra, la diphtérie, la fièvre jaune, la typhoïde et les autres agents infectieux, et les microbes est enfin établie, Bruno Halioua, Histoire de la médecine (Paris : Masson, 2001), 145‑49. En cas d’épidémie, les moyens utilisés comme la vaccination, la désinfection et la stérilisation par la médecine occidentale sont beaucoup plus efficaces que la médecine chinoise, qui soigne individuellement les maladies. 621 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 336. 196 système médical totalement occidentalisé. Le gouvernement est alors obligé de parvenir à un accommodement avec la réalité.

En troisième et dernier lieu, politiquement, inclure la médecine chinoise dans le nouveau système administratif de la santé favorise la stabilité sociale. Contrairement à la médecine occidentale qui est une médecine plutôt « organisée et standardisée »622, la médecine chinoise se manifeste par un caractère « individuel et adaptable »623. L’historien chinois Yang Nianqun (1964- )624va même jusqu’à affirmer qu’intégrer une telle médecine dans le système médical moderne a fait partie de la « révolution sociale » de l’histoire moderne chinoise625. Puisque la réalité ne permet pas au gouvernement d’abolir la médecine chinoise, la solution la plus raisonnable est d’organiser et standardiser cette médecine, au sein des nouvelles institutions, et par le droit.

II. Un système de santé plus moderne.

Il s’agit dans ce paragraphe d’examiner les critiques théoriques et juridiques sur le système médical établi pendant cette période : d’abord ses caractéristiques, ses qualités et ses défauts (A) ; puis décrire une administration médicale pratiquement occidentalisée : nous verrons ainsi la législation et la réglementation concernant le personnel médical et les établissements médicaux (B).

622 Cela est démontré notamment par les mesures prises pour maîtriser l’épidémie. 623 Plus précisément, dans les provinces de la Chine, la médecine chinoise est une médecine ambulatoire, les médecins exercent individuellement leur profession, et les traitements sont conçus, préparés et administrés selon l’état physique de chaque patient. 624 Yang Nianqun(杨 念群). 625 Nianqun Yang, 再造" 病人": 中西医冲突下的空间政治 , 1832-1985 (Zhongxiyichongtuxiadekongjianzhengzhi 1832-1985, le politique de l’espace sous les conflits de la médecine chinoise et la médecine occidentale) (China Renmin University Press, 2006), 268‑70. 197

A. L’administration médicale du gouvernement nationaliste.

Ces critiques théoriques et juridiques concernent les caractéristiques (1), les qualités (2) et les défauts (3) de l’administration médicale du gouvernement nationaliste.

1) Les caractéristiques.in

134- Trois aspects : Sous l’ancien régime, l’État intervient rarement dans les affaires médicales du peuple. Ceci est la raison pour laquelle, en ce qui concerne la médecine et parmi tous les textes de droit de la dynastie Qing, il n’existe que quelques dispositions à caractère sanctionnateur. Mais le système médical en construction durant la République de Chine est totalement différent : puisque l’État attache de l’importance à la santé publique, les affaires médicales sont systématisées et normalisées par la législation et la réglementation. En tenant compte de la situation sociale mouvante et de la rapidité de l’installation d’un régime de type moderne, les caractéristiques du nouveau système médical ou, si nous pouvons dire, du système médical modernisé s’expriment principalement par les trois aspects suivants :

Premièrement, la médecine chinoise et la médecine occidentale sont administrées ensemble par un organisme de la santé, et l’administration médicale gagne de plus en plus d’importance dans l’organisation du gouvernement. Au moment de la fondation de la République de Chine (1912), et selon la directiv de Sun Yat-sen626, les affaires médicales étaient encore sous la direction de la Police. Mais cette situation n’a pas duré longtemps, car selon l’article premier du Règlement sur le système administratif du ministère de l’Intérieur627 publié le 8 août 1912628, l’organisme de la santé publique passe au même rang que la police, et les deux

626 Selon la directive de Sun Yat-sen du 11 mars 1912, et à l’exception des articles qui ne sont pas compatibles avec les institutions de l’Etat, avant la promulgation des nouvelles lois de la République de Chine, les droits de la dynastie Qing sont temporairement applicables, Po Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China » (Thèse en droit, China Academy of Chinese Medical Sciences, 2012), 26. 627 Règlement sur le système administratif du ministère de l’Intérieur (内务部官制, Neiwubuguanzhi). 628 L’article premier du Règlement sur le système administratif du ministère de l’Intérieur (内务 部 官制, Neiwubuguanzhi) stipule que le ministre des affaires internes est responsable de l’administration de la police, de la santé, de la religion, des étiquettes et coutume, du registre d’état civil, de la terre cultivée, de l’installation 198 sont alors directement sous la direction du ministère de l’Intérieur. Bien plus, selon la loi de l’organisation du gouvernement nationaliste629 promulguée le 8 octobre 1928, le gouvernement nationaliste établit, pour la première fois dans l’histoire chinoise, un ministère de la Santé630. Parallèlement à l’accroissement de l’importance de la santé publique dans l’organisation du gouvernement, l’administration médicale par l’intermédiaire du ministère de la Santé acquiert certainement plus de pouvoir, y compris un pouvoir de réglementation effective631.

Deuxièmement, le droit médical est établi d’abord dans les provinces par la réglementation locale, puis au sein du gouvernement central par la législation d’État. Après la révolution chinoise de 1911 et avant la réunification de 1928632, surtout durant l’époque dite des Seigneurs de la guerre (1916-1928), le pouvoir du gouvernement central est faible. Cela résulte en un déséquilibre du développement juridique dans les provinces. Les grandes villes littorales comme Shanghai ont une administration sanitaire plus avancée633. Dans une situation où il manque une législation nationale et une réglementation centrale, les règlements locaux ont assumé une fonction de substitution dans l’administration de la santé publique.

hydraulique, des travaux, du bien-être public et de la bienfaisance, de la publication des livres, de l’administration locale et des affaires électorales…, Ibid., 37. 629 Loi de l’organisation du gouvernement nationaliste (国民政府组织法, Guominzhengfuzuwhifa). 630 Selon la loi de l’organisation du gouvernement nationaliste (国民政府组织法, Guominzhengfuzuwhifa) de 1928, le gouvernement nationaliste est organisé en cinq branches, ou cinq Yuan : le Yuan exécutif, le Yuan législatif, le Yuan de contrôle, le Yuan judiciaire et le Yuan d’examen. Le Yuan exécutif contient le ministère des Affaires intérieures, le ministère des Affaires étrangères, le ministère des Affaires militaires, le ministère des Finances, le ministère Ferroviaire et le ministère de la Santé, Ibid. 631 L’existence du ministère de la Santé n’est pas continuelle. Les périodes sont comme suit : entre octobre 1928 et octobre 1930, entre le 19 décembre 1936 et 1938 et entre avril 1940 et 23 mai 1949. Voici quelques règlements publiés par le ministère de la Santé : le Règlement des médecins de la médecine chinoise (中医条例, Zhongyitiaoli) (1936), Les règles d’organisation de l’hôpital mongol (蒙古卫生院组织章程, Mengguweishengyuanzuzhizhangcheng) (1936), la Charte de l’hôpital central ( 中 央 医 院 章 程 , Zhongyangyiyuanzhangcheng) (1936), Les règles provisoires de l’administration de la médecine chinoise (管理 中 医 暂 行 规 则 , Guanlizhongyizanxingguize) (1940), Les règles provisoires des Yishī ( 医 师 暂 行 条 例 , Yishīzanxingtiaoli) (1940), loi des médecins (医师法, Yishifa) (1943), Loi des pharmaciens (药剂师法, Yaojishifa) (1943), etc. Ibid., 38. 632 Evènement historique qui s’appelle également le remplacement du drapeau du Nord-Est ( 东 北 易 帜 , Dongbeiyizhi). 633 A Songhu (淞沪), l’inscription pour les médecins commence en 1926. En 1927, les autorités de Shanghai ont déjà publié les “règles provisoires sur l’administration des Yishīs du Bureau de la santé de la Municipalité de Shanghai” ( 上海特别市市政府卫生局管理医师 ( 西医) 暂行章程, Shanghaitebieshishizhengfuweishengjuguanliyishīs (les médecins de la médecine occidentale) zanxingzhangcheng), et les “règles provisoires sur l’administration des Yishìs” (les médecins de la médecine chinoise) du Bureau de la santé de la Municipalité de Shanghai (上海特别市市政府卫生局管理医士(中医)暂行 章程, Shanghaitebieshishizhengfuweishengjuguanliyishì(zhongyi)zanxingzhangcheng), Wang, « A Research on Modern Public Health Law in China (1905-1937) », 105. 199

Troisièmement et dernièrement, le pouvoir de réglementation de l’organisme de la santé manque de continuité à cause du changement fréquent des échelons dans l’organisation du gouvernement. Sous le gouvernement nationaliste, le ministère de la Santé existait épisodiquement, plus précisément, l’organisme en charge de l’administration de la santé publique était momentanément intégré sous la direction du ministère de l’Intérieur 634. Par conséquent, c’est seulement quand l’organisme de la santé publique était directement sous le contrôle du Yuan exécutif635, c’est-à-dire au niveau du ministère dans le gouvernement, que l’élaboration des lois de la santé, dont les lois médicales, est fructueuse636.

2) Les qualités.

135- Les qualités de l’administration médicale de l’époque se résument généralement par deux aspects :

634 Le 4 avril 1931, le gouvernement nationaliste promulgue la révision de la loi d’organisation du ministère de l’Intérieur (修正内政部组织法, Xiuzhengneizhengbuzuzhifa) et la loi d’organisation du bureau de la Santé du ministère de l’Intérieur (内政部卫生署组织法, Neizhengbuweishengshuzuzhifa). Selon les deux lois, l’échelon du ministère de la Santé dans l’organisation du gouvernement est réduit, c’est-à-dire qu’il devient simplement le bureau de la Santé, sous la direction du ministère de l’Intérieur jusqu’au 9 septembre 1935, date à laquelle la promulgation de la loi de l’organisation du bureau de la Santé (卫生署组织法, Weishengshuzuzhifa) replace le bureau au même niveau que le ministère de l’Intérieur. Ensuite, entre 1938 et 1940, il repasse sous le contrôle de ce dernier. A partir d’avril 1940 et jusqu’à la promulgation de la loi de l’organisation du ministère de l’Intérieur (内政部组织法, Neizhengbuzuzhifa) le 24 mai 1949, le bureau de la Santé reprend à nouveau la même importance officielle que le ministère de l’Intérieur dans le gouvernement nationaliste, Fan, « 民 国 卫 生 法 制 研 究 (Minguoweishengfazhiyanjiu, Etude du droit de la santé de République de Chine) », 37‑38. Selon la loi de l’organisation du bureau de la Santé promulguée le 9 septembre 1935, au sein de celui-ci existent trois Services : le Service des affaires générales, le Service de l’administration médicale et le Service de l’hygiène. Le Service de l’administration médicale est responsable de l’inspection des établissements médicaux ; des contrôles sur les titres des médecins, pharmaciens, sages-femmes et infirmières, ainsi que sur leurs pratiques médicales ; des surveillances des syndicats de médecins et de pharmaciens ; des contrôles sur la fabrication et le commerce des médicaments, de l’encouragement à la culture des plantes médicinales et la fabrication des médicaments ; de la compilation de pharmacopée ; de la gestion des drogues et des médicaments toxiques…, Guangzhong Chen, 中国 卫生法規史料选编, 1912-1949.9 (Zhongguoweishengfaguishiliaoxuanbian, 1912-1949, Le recueil des documents historiques du droit de la santé de Chine) (Shanghai: Shanghai Medical University Press, 1996), 502‑3. 635 Voir la note 640 sur « Yuan exécutif ». 636 Quand le ministère de la Santé devient le bureau de la Santé, donc placé sous la direction du ministère de l’Intérieur, et exception faite de quelques règlements traitant de l’organisation administrative, aucun règlement médical marquant n’est publié, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 38. 200

D’un côté, juridiquement, l’administration médicale est continuellement en perfectionnement. Au début de l’installation du système sanitaire du pays, existent seulement quelques dispositions légales ou réglementaires qui se trouvent dans le Code pénal et le Code des contraventions de la fin de la dynastie Qing. Mais pendant le gouvernement nationaliste, la situation s’améliore beaucoup : juste avant le commencement de la Seconde Guerre sino- japonaise (1937-1945), c’est-à-dire jusqu’en 1937, sans compter les décrets et les règlements administratifs émanant des autorités centrales et des autorités locales qui s’y adaptent, 58 textes de droit concernant la santé publique sont publiés637, portant sur les sujets prépondérants tels que l’inscription des médecins, la gestion des médicaments, la prévention des maladies infectieuse, etc.638.

D’un autre côté, le développement du système sanitaire moderne favorise la popularisation rapide de la médecine occidentale. Jusqu’en 1936, en Chine, il y a 18 provinces qui ont établi un véritable système sanitaire moderne en créant des hôpitaux ou des centres de soins dans les villes ou les villages639. Grâce à cela, une part grandissante du peuple est amenée à connaître et à apprécier les avantages, qualitatifs comme quantitatifs, de la médecine occidentale notamment concernant l’hygiène collective et la prévention des maladies infectieuses640. Par conséquent, les conditions sanitaires générales de la population chinoise se trouvent beaucoup améliorées.

3) Les défauts.

136- Les défauts de l’administration médicale de cette époque sont liés incontestablement aux bouleversements sociaux profonds et trop rapides, ainsi qu’aux sempiternelles guerres qui déchirent le territoire. Trois points méritent d’être signalés :

637 Wang, « A Research on Modern Public Health Law in China (1905-1937) », 106. 638 Pour l’analyse concrète de ces dispositions, voir le texte suivant. 639 181 hôpitaux de ville, 86 hôpitaux de district et 96 centres de soins de village, Wang, « A Research on Modern Public Health Law in China (1905-1937) », 107. 640 Par exemple, d’octobre 1927 à mai 1928, à Shanghai, 67 131 personnes se sont fait vacciner contre la variole, et 48 906 personnes contre le choléra. En 1935, le chiffre a augmenté : dans quatre arrondissements (Gaoqiao, Wusong, Jiangwan, Hunan) de Shanghai seulement, le nombre de personnes vaccinées contre la variole est de 201 871, celui contre le choléra est de 467 112, Ibid. 201

En premier lieu, le gouvernement n’a toujours pas attaché suffisamment d’importance à l’administration médicale. Cela se manifeste par une création inconstante d’organismes spécialement en charge de l’administration de la santé publique. Quand le gouvernement nationaliste créé enfin le ministère de la Santé, l’existence de cet organisme n’est pour autant jamais stable641. Dans les provinces, la situation est sensiblement la même, car pour les autorités locales, un Bureau de la santé publique ne doit exister qu’en cas de réelle nécessité 642, en d’autres termes, ce genre d’initiatives dépend plutôt de la volonté des autorités que du besoin réel de la société, pourtant en cours de modernisation.

En second lieu, les statuts juridiques des deux médecines ne sont pas égaux. Ce manque d’égalité se traduit avant tout dans l’élaboration et la publication des droits. Les raisons économiques, politiques et sociales mentionnées dans le texte plus haut font que la médecine chinoise est déclarée indispensable pour la société chinoise, mais le gouvernement confirme le statut juridique des médecins en médecine chinoise très tardivement, si l’on compare avec l’approbation des statuts pour les praticiens en médecine occidentale : en mai 1930, le gouvernement publie le Règlement des médecins en médecine occidentale643, tandis que son pendant traditionnaliste, le Règlement des médecins en médecine chinoise644, et après plusieurs mouvements de résistance645, est publié le 22 janvier 1936646, avec donc six ans d’écarts entre les deux règlements. De plus, sachant que la seconde guerre sino-japonaise dure de 1937 à 1945, la portée d’application de ce texte est très restreinte.

D’ailleurs, le 22 septembre 1943, le gouvernement promulgue, pour la première fois dans l’histoire chinoise, une véritable loi des médecins. Les médecins des deux médecines sont alors gérés par un même code647. Selon l’auteur Qilin Wang, cela signifie que l’État confirme, par la loi, l’égalité des statuts juridiques des deux médecines648. Cependant, selon nous, cette confirmation est juste formelle, car les désaccords gouvernementaux sont encore très forts. Par exemple, après la promulgation de la loi des médecins en 1943, en février 1946, le ministère de

641 Voir le texte plus haut. 642 Un exemple observable est celui de la capitale du gouvernement nationaliste, Nankin : selon l’article 15 de la Loi de l’organisation municipale (市政组织法, Shizhengzuzhifa) de Nankin promulguée le 20 mai 1930, seulement « dans le cas nécessaire, après autorisation de l’autorité supérieure, la municipalité peut créer … le Bureau de la santé », Wang, « A Research on Modern Public Health Law in China (1905-1937) », 108. 643 Règlement des médecins en médecine occidentale (西医条例, Xiyitiaoli). 644 Règlement des médecins en médecine chinoise (中医条例, Zhongyitiaoli). 645 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 307‑12. 646 Wang, « A Research on Modern Public Health Law in China (1905-1937) », 97‑98. 647 Ibid., 98. 648 Ibid. 202 l’Éducation ordonne au bureau de l’Éducation de Shanghai d’interdire deux écoles en médecine chinoise649. En effet, non seulement l’acte du ministère de l’Éducation transgresse la loi des médecins, mais aussi celui des administrations de la santé locales , Car le 9 juin 1946, le bureau de la Santé qui est sous la direction du ministère de l’Intérieur ordonne aux antennes de chaque province d’interdire aux praticiens traditionnels de se réclamer du titre de « médecin »650.

En troisième et dernier lieu, au gouvernement, certains décideurs politiques ont toujours une admiration qui tient presque du fétichisme pour l’Occident. Cela conduit à l’incompatibilité entre les droits élaborés et les conditions sociales réelles. Le système administratif de la santé publique moderne est une transplantation quasi-intégrale du système occidental, ne respectant pas la nécessité de gradualité dans le changement et le développement de la Chine. En résultent des lois qui changent fréquemment651, le peuple comprend peu et accepte mal les nouvelles mesures de gestion de la santé publique 652 et celle-ci manque gravement de sources de financement653.

B. Une administration médicale pratiquement plus occidentalisée.

Principalement, il s’agit de la législation et de la réglementation concernant les établissements médicaux (1), le personnel médical (2), les médicaments (3) et les instruments médicaux (4).

1) Les établissements médicaux.

137- Hôpitaux. Le statut juridique des hôpitaux de cette époque est confirmé par le Règlement de l’administration des hôpitaux654 publié par le ministère de la Santé le 16 avril

649 Ecole de la médecine chinoise de Shanghai et Ecole de médecine de la nouvelle Chine. Ibid. 650 Wang, « A Research on Modern Public Health Law in China (1905-1937) », 98. 651 Notamment l’exemple des changements fréquents des lois sur l’inscription des médecins, Ibid., 108. 652 Ding’an Hu, 胡定安医事言论集 (Hu dinganyishiyanlunji, Recueil des opinions médicales de Dingan Hu) (Zhongguoyishigaijinshe, 1936), 21. 653 Wang, « A Research on Modern Public Health Law in China (1905-1937) », 110‑11. 654 Règlement de l’administration des hôpitaux (管理医院规则, Guanliyiyuanguize). 203

1929655. Selon ce Règlement, les critères pour établir un hôpital sont extrêmement simples : il suffit d’avoir deux médecins ou plus et un pharmacien ou un élève pharmacien.

Par contre, l’hôpital Central du pays qui dépend directement du ministère de la Santé est un hôpital moderne, bien organisé et équipé. Selon la Charte de l’hôpital Central confirmée par le ministère de l’Intérieur le 20 février 1930, l’hôpital Central contient 14 services de médecine occidentale656, et les dispositions sur l’effectif, le recrutement du personnel, voire même sur les salaires respectifs sont bien détaillées.

D’ailleurs, à cause des guerres perpétuelles de cette époque, beaucoup d’hôpitaux sont expropriés par le gouvernement, même si la base juridique pour l’expropriation en temps de guerre, c’est-à-dire les Règles détaillés pour l’expropriation des hôpitaux locaux657, est définie tardivement, et donc nécessairement a posteriori : le 22 avril 1948, c’est-à-dire un an avant la chute du gouvernement nationaliste658.

2) Le personnel médical.

En ce qui concerne les droits sur le statut juridique des médecins des deux médecines, nous l’avons déjà mentionné dans le texte plus haut, il s’agit donc ici simplement d’un rappel.

En effet, en plus de ceux des médecins, l’État a également établi des droits concernant les statuts juridiques des autres personnels médicaux. Généralement il s’agit des pharmaciens,

655 Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 51. 656 Le service de médecine générale, le service de chirurgie, le service de gynécologie et obstétrique, le service de pédiatrie, le service d’oto-rhino-laryngologie, le service d’ophtalmologie, le service de dermatologie et vénéréologie, le service d’urologie, le service de neurochirurgie, le laboratoire, le service de la consultation, le service d’hygiène, la pharmacie et l’économat. 657 Règles détaillées pour l’expropriation des hôpitaux locaux ( 征 用 地 方 医 院 实 施 细 则 , Zhengyongdifangyiyuanshishixize). 658 La période du gouvernement nationaliste est du 1 juilletl 1925 au 20 mai 1948. 204 des dentistes, des infirmières et des sages-femmes. Voici l’analyse brève de leurs statuts juridiques ainsi que de leurs pratiques médicales autorisées.

138- Concernant les pharmaciens, il s’agit d’une loi, la loi des pharmaciens de 1943659, et de quelques règlements pour s’y adapter660. Ces droits visent plutôt les pharmaciens en médecine occidentale, puisque pour devenir pharmacien, avant tout, il faut être âgé de 20 ans au plus661. Ensuite, le titre de pharmacien ne peut être délivré par le ministère de la Santé que si le candidat s’accorde avec une des conditions requises suivantes : être diplômé d’une formation en pharmacie dans les écoles spécialisées publiques ou privées et confirmées par les autorités ; avoir un titre de pharmacien obtenu dans un pays étranger ; passer avec succès l’examen pour obtenir le titre de pharmacien662. Sachant que les pharmaciens de la médecine chinoise sont généralement issus d’une succession d’enseignement d’un maître à son disciple, et qu’à la fin des études, c’est le maître qui décide si un élève pharmacien peut exécuter indépendamment la profession ou pas : de ce fait, la limite d’âge ne leur permet jamais réellement de souscrire aux nouveaux règlements. De plus, dans un contexte où le gouvernement ne confirme pas le statut juridique des écoles en médecine chinoise, il n’est donc plus possible qu’un élève pharmacien en médecine chinoise (herborsite ou vendeur de médicaments) puisse obtenir le titre de pharmacien légal.

139- Quant aux dentistes, le droit sur leur statut juridique et leur droit d’exercer la profession est plus souple que celui concernant les médecins et les pharmaciens. Le terme « dentiste » en chinois est « 牙医 (yayi) ». « 牙 (ya) » signifie « dent » et « 医 » signifie « médecin ». Un dentiste est donc un « médecin pour les dents ». Cette spécialité de médecine en médecine moderne était également introduit en Chine par les missionnaires chrétiens entre 1840 et 1845663.

659 Loi des pharmaciens (药剂师法, Yaojishifa), révisé en 1948. 660 Règlement d’exécution de la loi des pharmaciens (1945) (药剂师法实施细则, Yaojishifashishixize), Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 57‑58. 661 Le règlement provisoire des pharmaciens. Cette restriction est supprimée par la loi des médecins en 1943, Ibid., 58. 662 Règlement provisoire des médecins (1928). 663 Gang Li, « 近代牙医学的传入及其在我国的发展 (Jindaiyayixuedechuanrujiqizaizoguodefazhan, L’introduction et le développement de l’odontologie en Chine pendant l’histoire moderne chinoise) », Chinese Journal of Stomatological information 14, no 2 (2005): 27‑28. 205

Les dentistes sont considérés comme des médecins, afin de pratiquer cet art, les candidats qui correspondent à une des conditions requises suivantes peuvent recevoir leur titre de dentiste : être diplômé en dentisterie dans une école spécialisée publique ou privée ; être diplômé en dentisterie d’une école spécialisée à l’étranger, ou obtenir le titre de dentiste par d’autres moyens à l’étranger ; être qualifié par le bureau de la Santé664. De fait, ce qui est intéressant à souligner c’est la troisième condition : « être qualifié par le bureau de la Santé », car cela permet que les gens qui pratiquaient déjà l’art dentaire, surtout les praticiens ambulatoires de dentisterie, puissent obtenir légalement le titre de dentiste sans avoir suivi le cursus officiel dans les écoles de médecine665.

140- L’infirmière représente une profession nouvelle qui est née en accompagnant la création des hôpitaux modernes en Chine. Par conséquent, ce métier possède à l’époque un caractère très occidentalisé, et sa formation est effectuée uniquement dans les écoles de médecine spécialisées. Pour être infirmière, il faut être âgée de moins de vingt ans666, et être soit diplômée d’une école d’infirmières, soit la titulaire d’une licence étrangère d’infirmière confirmée par le bureau de la Santé667.

141- À propos des sages-femmes, et d’après la documentation acquise, nous ne pouvons pas encore dire exactement si, à l’époque, il s’agit d’une profession de santé médicale ou paramédicale, mais ce qui est certain c’est que nous sommes en présence de deux systèmes : les sages-femmes qui sont issues de la formation obstétricale dans les écoles de médecine occidentale et les sages-femmes traditionnelles qui existaient déjà dans la société chinoise avant

664 « Règlement provisoire de l’administration des dentistes » (牙医师管理暂行规则, Yayishiguanlizanxingguize) publié le 1er octobre 1935 par le bureau de la Santé, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 58‑59. 665 Mesures de qualification pour les dentistes (牙医师甄别办法, Yayishizhenbiebanfa), publiées le 1er octobre 1935 par le bureau de la Santé. Selon ce texte, les praticiens ambulatoires de dentisterie inscrits et les élèves dentistes qui ont fait au moins trois ans études dans un établissement dentaire, après la qualification des autorités, peuvent obtenir le titre de dentiste. La qualification s’effectue aux examens écrits et oraux, et les matières contiennent la pharmacologie dentaire, l’anatomie dentaire, le diagnostic dentaire, la pathologie dentaire, la thérapie dentaire, la chirurgie dentaire, l’obturation dentaire, la technologie dentaire, l’extraction dentaire, etc. Ibid., 59. 666 Après la révision du règlement provisoire des infirmières en 1940, l’âge limite est changé à 18 ans, Ibid., 60. 667 Règlement provisoire des infirmières publié le 17 janvier 1936 par le bureau de la Santé. Après sa publication, ce règlement va être révisé deux fois : le 15 janvier 1937 par le ministère de la Santé et le 6 août 1940 par le ministère de l’Intérieur, Chen, 中国卫生法規史料选编, 1912-1949.9 (Zhongguoweishengfaguishiliaoxuanbian, 1912-1949, Le recueil des documents historiques du droit de la santé de Chine), 646‑61. 206 et après l’arrivée de la médecine occidentale. Les Chinois appellent les premières Zhuchanshi668, qui peut être traduit littéralement par « la personne qui assiste à l’accouchement », et les secondes Jieshengpo669, c’est-à-dire « la femme qui accueille les nouveau-nés ». Ces deux types de sages-femmes existent ensemble à l’époque en Chine, mais les Zhuchanshi se trouvent plutôt dans les grandes villes où la médecine occidentale s’est étendue rapidement ; pourtant leur nombre est bien restreint670.

Le statut juridique des Zhuchanshis est confirmé d’abord par le Règlement des Zhuchanshi671 publié le 9 juillet 1928 par le ministère de l’Intérieur, puis par la premère loi des zhuchanshi672 promulguée le 30 septembre 1943673. Pour être zhuchanshi, il faut avoir 20 ans ou plus, être diplômée après les études afférentes dans les écoles obstétricales chinoises ou étrangères et obtenir la licence délivrée par les autorités674 ; seule exception, que le candidat soit déjà en activité obstétricale depuis 3 ans avant la publication du Règlement des zhuchanshi, et que sa compétence soit contrôlée et qualifiée par les autorités.

La situation des jieshengpo est bien différente. Le gouvernement définit les jieshengpo comme « les femmes de la République de Chine âgées d’entre 30 et 60 ans675 qui assistent les femmes enceintes pendant leur accouchement et qui considèrent cela comme métier, mais qui ne sont pas diplômées des écoles de médecine ou des écoles obstétricales »676. Le fait que le gouvernement tolère l’existence des jieshengpo doit découler du manque de moyens et de personnels pour la formation de sages-femmes modernes.

668 Zhuchanshi (助产士). 669 Jieshengpo (接生婆). 670 « 民国时期助产士的专业化发展及其原因 (Minguoshiaizhuchanshidezhuanyehuafazhanjiqiyuanyin, Le développement professionnel des Zhuchanshi et la raison de ce développement pendant la République de Chine) », consulté le 22 avril 2016, http://www.wendangwang.com/doc/042fabd6ea9be6dd16a7ec91. 671 Règlement des Zhuchanshi (助产士条例, zhuchanshitiaoli). 672 Loi des zhuchanshi (助产士法, zhuchanshifa). 673 Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 60. 674 Selon les changements de l’organisation du gouvernement, la qualification est soit donnée par le ministère de l’Intérieur, soit par le ministère de la Santé ou par le bureau de la Santé, Ibid. 675 Après la révision du règlement de l’administration des Jieshengpo le 22 juin 1939, l’âge pour être jieshengpo est entre 25 et 50 ans, Ibid., 61. 676 Règlement de l’administration des jieshengpo (管理接生婆规则, guanlijieshengpoguize) publié le 3 août 1928 par le ministère de l’Intérieur. D’ailleurs, le 22 juin 1939, selon une révision du Règlement de l’administration des jieshengpo effectuée par le ministère de l’Intérieur, le gouvernement ajoute explicitement « les jieshengpos sont celles… qui ne sont pas des zhuchanshis », Ibid. 207

3) Les médicaments.

En ce qui concerne l’administration des médicaments, nous nous intéresserons principalement à la vente des médicaments (a) et à la gestion concernant leur utilisation (b).

a) La vente des médicaments.

142- Les vendeurs des médicaments. À l’époque, la vente des médicaments comprend les substances médicamenteuses chinoises et occidentales. Les vendeurs de médicaments peuvent être des personnes morales et des personnes physiques677. Les personnes morales sont les pharmacies, les maisons de commerce et les producteurs des médicaments 678 . Les pharmacies sont des magasins qui vendent des médicaments chinois et des médicaments occidentaux ; les maisons de commerce représentent des personnes qui achètent et transportent des quantités importantes de produits pharmaceutiques et qui revendent ces médicaments aux pharmacies et au long du trajet de transport679 ; les producteurs des médicaments sont, comme leur nom l’indique, les personnes qui extraient les produits médicinaux depuis les matières premières moyennant l’emploi de méthodes chimiques, ou manipulent des drogues en pilule, en poudre, en emplâtre, en tablette, en liquide, etc.680.

677 Selon le règlement de l’administration des marchands de médicament (管理药商规则, guanliyaoshangguize) publié le 24 août 1929 par le Ministère de la santé, « Toute personne qui exploite le commerce de médicament est compté comme marchand de médicament ; catégorie qui contient les exploitants des ventes en gros ou au détail des médicaments chinois ou occidentaux, ainsi que les responsables de la production ou de la préparation des produits pharmaceutiques », Ibid., 62. 678 Selon les règles de l’administration des marchands de médicament publiées le 10 octobre 1915 par le ministère de l’Intérieur pendant le gouvernement de Beiyang, Ibid. 679 « Au long du trajet de transport » est supprimé par le règlement de l’administration des marchands de médicament (管理药商规则, guanliyaoshangguize) publié le 24 août 1929 par le Ministère de la santé, Ibid. 680 Règles de l’administration des marchands de médicaments (管理药商章程, guanliyaoshangzhangcheng) publiées le 10 octobre 1915 par le ministère de l’Intérieur pendant le gouvernement de Beiyang. 208

143- L’habilitation pour vendre les médicaments. Tous les marchands de médicaments doivent s’inscrire chez les autorités avant de commencer leur activité. Mais il y a quand même des règles spéciales pour la vente des médicaments occidentaux : dans une pharmacie classique qui vend également ces produits, il faut avoir, au minimum, un pharmacien spécialiste de la pharmacopée occidentale, Yaojishi681 682. Le titre de yaojishi peut être délivré aux diplômés des écoles de médecine, mais aussi en vertu de l’expérience acquise dans des établissements médicaux683.

144- Le gouvernement impose des restrictions à la vente des stupéfiants et des médicaments toxiques : la vente de ces médicaments doit suivre les ordonnances prescrites par les médecins ; le mode d’emploi, la quantité et le nom du patient doivent clairement être indiqués sur les emballages des médicaments ; il est strictement interdit de vendre des médicaments périmés ou détériorés 684. De plus, si les marchands de médicaments doivent acheter des stupéfiants comme l’opium, la morphine, le coca, la cocaïne et leurs composés chimiques, il faut d’abord en rendre compte à la police compétente685.

145- Sur la vente des médicaments, il y a deux évolutions qui méritent d’être soulignées :

En premier lieu, dans le nouveau système de l’administration médicale, le gouvernement a adopté une politique de présupervision pour mettre sur le marché des médicaments, ce qui est une innovation totale par rapport au régime ancien686 : les nouveaux produits médicamenteux qui ne sont pas encore enregistrés dans la pharmacopée confirmée par l’État doivent d’abord obtenir l’autorisation des autorités compétentes687.

681 Yaojishi (药剂士). 682 Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 62. 683 Selon le règlement de l’administration des marchands de médicament, les personnes qui remplissent une des conditions suivantes peuvent être Yaojishi : être diplômé des écoles de médecine ou des écoles de pharmacie ; avoir de l’expérience dans le domaine pharmaceutique et réussir l’examen pour être Yaojishi organisé par les autorités ; avoir de l’expérience dans la gestion de préparation des médicaments de 3 ans ou plus dans les hôpitaux officiels, publics ou privés ; avoir de l’expérience de préparation des médicaments de 5 ans ou plus dans une pharmacie. 684 Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 62. 685 Règles d’exercice du commerce sur la limitation de l’opium, de la morphine, etc. dans l’utilisation médicale (限 制药用鸦片吗啡等品营业章程, xianzhiyaoyongyapianmafeidengpinyingyezhangcheng) publiées pendant le gouvernement nationaliste, Ibid. 686 Gestion pour la sécurité des médicaments dans l’ancien régime, voir le chapitre 2 de ce travail. 687 A l’époque de la publication de ces règles, l’autorité compétente était le ministère de la Santé. Règlement de l’administration des marchands de médicament, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 62. 209

En second lieu, auparavant, les activités des pharmaciens et des médecins étaient souvent confondues, et l’État n’a pas de droit particulier relatif à cette association688. Cependant, selon le nouveau droit, si un pharmacien ou un médecin veut s’engager dans le commerce des médicaments, il doit impérativement solliciter une licence d’affaire adressée aux marchands de médicaments 689 . Cela nous montre bien que la réglementation du nouveau gouvernement devient de plus en plus rigoureuse et détaillée.

b) L’utilisation des médicaments.

L’État porte de plus en plus attention à l’utilisation des médicaments occidentaux. En général, il s’agit de trois domaines : la gestion des médicaments normaux, la gestion des stupéfiants et la gestion des médicaments biopharmaceutiques.

146- La gestion des médicaments normaux. Les médicaments normaux désignent ici des médicaments qui ne sont pas toxiques, comme les stupéfiants et les médicaments radiopharmaceutiques qui nécessitent l’application de règles spéciales dans la gestion d’utilisation. En effet, le plus remarquable est que le gouvernement a une tendance à administrer ensemble les médicaments des deux médecines. Précisément, dans les dispositions légales, sauf lorsque nécessaire, la description des articles n’utilise plus les termes de médicaments « chinois » ou « occidentaux », qui sont remplacés par le mot « médicament » seul. Voici l’exemple issu d’un article du Règlement de l’administration des spécialités pharmaceutiques690 publié le 4 décembre 1936 par le bureau de la Santé, qui s’occupe d’une définition officielle des produits pharmaceutiques :

Une spécialité pharmaceutique est un médicament qui est fabriqué à partir d’éléments médicinaux, qui n’utilise plus les noms originaux des matières médicinales ajoutées, qui explicite clairement (sur son emballage) l’effet, le mode d’emploi, la posologie et qui peut

688 Voir le contenu sur les médecines ambulatoires dans le chapitre 2 de ce travail. 689 Règlement de l’administration des marchands de médicament, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 62. 690 Règlement de l’administration des spécialités pharmaceutiques (管理成药规则, guanlichengyaoguize). 210 directement être vendu au client, avec une utilisation indépendante de l’ordonnance prescrite par le médecin691.

Le droit insiste désormais également sur la sécurité de l’utilisation des médicaments, ce qui peut certainement être considéré comme un des aspects de la présupervision dans l’administration médicale, et qui a objectivement et particulièrement amélioré la qualité des médicaments chinois 692 . Par exemple, la préparation des produits pharmaceutiques peut seulement être effectuée par les pharmaciens ; il est strictement interdit d’ajouter des stupéfiants693 et des poisons violents du premier et deuxième degrés 694 dans les spécialités pharmaceutiques à usage interne ; pour leurs équivalents à usage externe, l’utilisation des produits toxiques du premier degré est réglementée ; les spécialités pharmaceutiques à usage externe doivent être contenues dans un récipient bleu, et indiquer clairement sur l’emballage « toxique : ne pas avaler », etc.695

147- L’administration de l’utilisation des stupéfiants. Il est capital de mentionner l’administration de l’utilisation des stupéfiants, non pas seulement parce que l’histoire moderne chinoise est fortement liée au commerce de l’opium en Chine effectué par les pays occidentaux, mais aussi parce que l’utilisation des stupéfiants devient une question sensible dans la gestion

691 Ibid., 63. 692 Sachant qu’à cette époque, la plupart des préparations de ces spécialités utilisées par le peuple chinois sont encore des médicaments chinois. De plus, bien qu’une partie des médicaments occidentaux est importée depuis les pays étrangers, une autre partie est fabriquée dans les « usines pharmaceutiques » gérées par les étrangers ou les Chinois, mais en Chine. Selon l’auteur Likun Wu, la création des usines pharmaceutiques pour médicaments occidentaux découle plutôt d’une question de « rentabilité » pour les investisseurs étrangers ou chinois. Dans ce cas-là, ce qui est fabriqué dans ces usines consiste en médicaments couramment utilisés comme l’aspirine, le sirop béchique, l’arsphénamine, etc. Likun Wu, « 近代西方药学的传入及对中药学的影响 (Jindaixifangyaoxuedechuanrujiduizhongyaoxuedeyingxiang, L’introduction de la pharmaceutique occidentale et son influence sur la pharmaceutique chinoise) » (Mémoire en médecine, Beijing University of Chinese Medicine, 2006), 22‑24. 693 Il s’agit de l’opium, de la morphine, du coca, de l’héroïne, etc. Règlement de l’administration des stupéfiants (麻醉药品管理条例, mazuiyaopinguanlitiaoli) publié en 1929, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 63. 694 Le gouvernement a classé les poisons selon leurs toxicités, et les poisons violents sont les poisons qui sont dans le premier et le deuxième niveau de classement, Ibid. 695 Règlement de l’administration des spécialités pharmaceutiques (管理成药规则, guanlichengyaoguize) publié le 26 avril 1930 par le ministère de la Santé, Ibid. 211 de la santé publique de la société de l’époque, surtout lorsque l’abus de la consommation des drogues devient de plus en plus un phénomène ordinaire696.

La réglementation sur ce sujet commence très tôt : le 11 novembre 1929, les autorités publient le Règlement de l’administration des stupéfiants 697 qui devient, plus tard, le droit fondamental sur la gestion de l’utilisation médicale des stupéfiants jusqu’à la chute du gouvernement nationaliste698. Le contrôle est complet, strict et détaillé :

Complet et strict d’abord, car il porte sur l’importation, la fabrication, la vente, l’achat, l’utilisation et l’inspection ; ensuite, il comprend quasiment tous les types de drogues trouvées à l’époque699 ; dans tout le pays, Shanghai est le seul port autorisé pour l’importation légale des stupéfiants ; de plus, l’utilisation de ces médicaments spéciaux est étroitement contrôlée par le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Santé et le comité Antidrogue ; enfin, les établissements médicaux doivent rendre compte du nom et de la quantité des stupéfiants, à chaque achat, aux autorités compétentes700.

696 Selon les chiffres donnés par le ministère de l’intérieur, en 1936, sans compter la Nation de Mandchourie (1932- 1945), le nombre de toxicomanes en Chine est de 3 628 162, et ce chiffre doit dépasser quatre millions en incluant la Mandchourie. Sachant qu’en 1936 la population totale en Chine est de 479 084 631, selon le chiffre officiel déclaré (sans pouvoir inclure les toxicomanes qui ne sont pas enregistrés dans ce chiffre pour des raisons diverses), environ 1‰ de la population serait considérée comme toxicomane. De plus, dans les années trente, selon l’enregistrement officiel du Bureau de la supervision de l’antidrogue de la province de Sichuan (四川禁烟善后督 办公署, Sichuanjinyanshanhoudubangongshu), sur plus de 60 000 000 d’habitants, il y aurait environ 3 100 000 toxicomanes, c’est-à-dire qu’une personne sur 19 utilise abusivement de la drogue. Il y a aussi un autre chiffre donné par le Comité militaire du gouvernement nationaliste de Naikin ( 南 京 国 民 政 府 军 事 委 员会, Nanjingguominzhengfujunshiweiyuanhui) en 1936 : le taux des toxicomanes dans la population totale du pays est de 6%. Si nous nous rappelons qu’à ce moment, la population chinoise est de 400 000 000, le chiffre des toxicomanes devrait atteindre 24 000 000, Jia Qin, « Analysis of the Drug Addicts in the Period of Republic of China » (Mémoire en histoire, Jilin University, 2006), 21‑22. 697 Règlement de l’administration des stupéfiants (麻醉药品管理条例, mazuiyaopinguanlitiaoli). 698 Ce règlement a connu deux révisions qui ont lieu en 1931 et en 1942, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 63. 699 Généralement, il comprend dix types de drogue : l’opium, la morphine, la codéine, la dioxanne morphine, le chlorhydrate d'apomorphine, l’extrait de cannabis, la cocaïne, la strychnine, la Dioxane hydrocodone et l’opiumalkaloics. Mesures provisoires de l’achat et de l’utilisation des stupéfiants (购用麻醉药品暂行办法, gouyongmazuiyaopinzanxingbanfa) publiées par le Yuan exécutif le 3 août 1935, Ibid., 64. 700 Règlement de l’administration des stupéfiants publié en 1929 et la version révisée en 1942, Ibid., 63‑64. 212

Détaillé, parce que contrairement à la plupart des pays, les dispositions antidrogues se trouvent dans le Code pénal, le Code de procédure pénale et le Code antidrogue du pays701, et le gouvernement nationaliste a élaboré nombres de règlements spéciaux concernant les stupéfiants à usage médical. Par exemple, les règlements sur l’envoi illégal de stupéfiants par la voie postale702 ou encore sur les stupéfiants fournis par les pays étrangers703. La société de l’époque étant régulièrement bouleversée par les guerres incessantes que nous avons déjà mentionnées, nous avons raison de nous demander si ces règlements ne sont pas aussi élaborés en se servant de cette situation704.

148- Les médicaments biopharmaceutiques. L’administration sur les médicaments biopharmaceutiques comprend la fabrication, l’importation et l’utilisation des médicaments biopharmaceutiques de cette époque. Par exemple, seules les personnes qui s’occupent d’équipements adaptés et un personnel spécialisé ont le droit de fabriquer ce genre de produits destinés à la vente ; la fabrication de ces médicaments ou leur importation doivent être accompagnées des permis délivrés par le bureau de la Santé ; l’endroit pour stocker ces produits doit être convenable ; les registres pour les ventes doivent être conservés 5 ans au plus, etc.705

Précisons ici qu’il ne faut pas être étonné si, dans cette période instable et troublée en Chine, il existe tout de même un droit sur l’administration des médicaments biopharmaceutiques alors qu’il s’agit d’un domaine médical si avancé, délicat voire étrange aux yeux du peuple de cette époque, car cela est essentiellement pour répondre aux besoins de la prévention des maladies infectieuses et contagieuses. Voici la définition des produits

701 Qinghe Huang, « 民国时期的禁毒运动 (Minguoshiqidejinduyundong, Les mouvements d’anti-drogues pendant la République de Chine) », Hunandangan, no 04 (2000): 38‑39. 702 “Mesures d’inspection des envois illégaux des stupéfiants par colis postal” (检查邮包私递麻醉药品办法, jianchayoubaosidimazuiyaopinbanfa) et Mesures d’inspection des envois illégaux de stupéfiants par voie postale (检查邮件包裹私递麻醉药品办法, jianchayoujianbaoguosidimazuiyaopinbanfa) publiées en 1936 par le Yuan exécutif, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 64. 703 Mesures pour l’administration des stupéfiants offerts par l’étranger( 国 外 捐 赠 麻 醉 药 品 管理办法, guowaijuanzengbanfa) publiées le 17 février 1947 par le Bureau de la santé. Selon ce règlement, les organisations recevant des stupéfiants ou des contributions venant de l’étranger doivent toutes solliciter les autorisations du bureau de la Santé, puis constituer des dossiers afférents aux détails de l’affaire chez le ministère de l’Intérieur pour consultations ultérieures, Ibid. 704 Pour mettre l’embargo sur les zones contrôlées par le Parti communiste chinois et pour gérer les aides gouvernementales des pays étrangers, notamment les Etats-Unis. 705 Règlement de l’administration des produits bactériologiques et immunologiques (细菌学免疫学制品管理规 则, xijunxuemianyixuezhipinguanliguize) publié le 27 février 1937 par le bureau de la Santé, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 64. 213 bactériologiques et immunologiques donnée par le Règlement concerné : « les produits bactériologiques et immunologiques sont les vaccins, les sérums, les antibiotiques et les produits similaires qui sont fabriqués selon les principes bactériologiques et immunologiques ». Pour ainsi dire, et alors que la controverse sur les deux médecines est de plus en plus vive, l’efficacité de la médecine occidentale contre les épidémies est prouvée par la réalité du terrain, et par conséquent, la médecine occidentale devient de facto la solution essentielle adoptée par le gouvernement pour résoudre les problèmes liés à ce genre de situation : son rôle est de plus en plus confirmé par le droit706.

4) Les instruments médicaux.

149- Les seringues et les aiguilles à seringue. La situation de l’utilisation des instruments médicaux peut être considérée comme un des indices pouvant refléter directement le niveau du développement de la médecine occidentale en Chine à l’époque. Mais du point de vue du droit, il semble que l’avancement de ce champ est restreint, parce que le droit relatif à cette section s’occupe seulement de l’administration sur les seringues et les aiguilles à seringue,

706 Selon le Règlement pour la prévention des maladies infectieuses et contagieuses ( 传染病预防条例, chuanranbingyufangtiaoli) publié en 1928 par le ministère de l’Intérieur, lorsque les médecins découvrent les épidémies, ils sont obligés de rapporter immédiatement leurs découvertes aux supérieurs hiérarchiques directs ; à la suite du Règlement pour la vaccination (种痘条例, zhongdoutiaoli) publié en juillet 1928 par le ministère de l’Intérieur, la vaccination devient d’ores et déjà une obligation civile ; et d’après la révision du même Règlement publié le 13 mars 1944, les organismes de santé publique locaux sont responsables des affaires concernant la vaccination, qu’ils confient aux hôpitaux, aux médecins indépendants, aux infirmières et aux sages-femmes, qui n’ont aucun droit de la refuser. De même, conformément aux Règles générales de l’organisation des comités de prévention des épidémies dans chaque province ( 各省防疫委员会组织通则, geshengfangyiweiyuanhuizuzhitongze) publiées le 15 mars 1938 par le Yuan exécutif, en cas d’épidémies, les autorités provinciales doivent instituer des comités de prévention des épidémies, et lorsque les épidémies sont maîtrisées, il faut les destituer, Ibid., 66‑67. Pour la quarantaine, selon le Règlement pour l’institution des comités de quarantaine (检疫委员会设置规则, jianyiweiyuanhuishezhiguize) et le Règlement de quarantaine des trains (火车检疫规则, huochejianyiguize) publiés le 16 janvier 1918 par le ministère de l’Intérieur, en cas d’épidémie, un comité et un lieu de quarantaine doivent être institués ; les membres du comité de quarantaine doivent être sélectionnés parmi les personnels médicaux compétents ; les malades doivent être transférés dans les hôpitaux pour personnes contagieuses, d’isolement ou autres endroits appropriés, Ibid., 68. 214

à travers le Règlement provisoire de l’administration des seringues et des aiguilles à seringue707 publié le 26 avril 1930 par le ministère de la Santé708.

Selon ce règlement, la fabrication et l’importation de ces instruments sont réglementées, et la vente et l’achat sont de même strictement contrôlés : seuls les marchands de médicaments occidentaux et d’instruments médicaux qui possèdent le permis délivré par les autorités peuvent effectuer une vente de ces produits, et les personnes qui ont le droit d’acheter ces instruments sont limitées aux marchands eux-mêmes, aux médecins inscrits et en exercice, aux hôpitaux, aux médecins militaires et aux chercheurs dans les instituts académiques. En réalité, dans ce règlement qui contient seulement douze articles709, il s’agit plutôt des contrôles liés au marché des seringues et des aiguilles à seringue que de la gestion à proprement parler de l’utilisation et de l’évolution des instruments médicaux dans le domaine de l’art de la médecine.

***

Évidemment, l’administration médicale se développe plutôt dans un cadre de pragmatisme. Il faut tolérer ce choix des gouvernements de l’époque, car la situation tourmentée de la société ne permet pas encore à l’État d’établir un système bien recherché voire idéal pour la gestion de la santé publique de la Chine. Dans un contexte où la médecine occidentale semble de plus en plus officielle et soutenue, les décideurs des gouvernements successifs n’ont jamais réellement ignoré l’utilité de la médecine chinoise710. L’avantage est que la médecine chinoise puisse être sauvegardée et continuer à jouer son rôle traditionnel dans le traitement des maladies,

707 Règlement provisoire de l’administration des seringues et des aiguilles à seringue (管理注射器注射针暂行规 则, guanlizhusheqizhushezhenzanxingguize). 708 Ce règlement ne connaît qu’une seule révision, et la version révisée est publiée le 27 novembre 1934 par le ministère de la Santé, Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 65. 709 Après la révision en 1934, le nombre d’article passe à treize, Ibid. 710 Tchang Kaï-chek et beaucoup de vétérans du Parti nationaliste soutiennent la médecine chinoise. D’ailleurs, le fait que lorsque la médecine occidentale n’a rien pu faire pour traiter le cancer du foie du fondateur de la République de Chine, Sun Yat-sen (1866-1925), la médecine chinoise a réussi à prolonger sa vie devient une affaire de symbole pendant la controverse portant sur les deux médecines, « 孫中山病逝前的一場中西醫之爭 (Sunzhongshanbingshiqiandeyichangzhongxiyizhizheng, Une scène des conflits entre la médecine chinoise et la médecine occidentale avant la mort de Sun Yat-sen) », consulté le 1er mai 2016, http://www.people.com.cn/BIG5/198221/198305/198865/12609117.html. 215 mais l’inconvénient est en revanche que, faute du soutien politique et juridique du gouvernement, l’administration et le développement de la médecine chinoise, notamment dans les régions éloignées de la Chine, sont de plus en plus désordonnés, voire chaotiques.

Section II : Analyse des avantages comparatifs liés aux cheminements différents des formations en médecine.

Le développement des formations des deux médecines est complètement différent, car l’une est privilégiée dans le système éducatif moderne (I), alors que l’autre doit faire un maximum d’effort pour s’adapter à la nouvelle situation (II).

I. La formation de la médecine occidentale est privilégiée dans le système éducatif moderne.

La situation de la formation en médecine occidentale évolue avec le temps (A), mais aussi dépend des styles des écoles (B).

A. Les trois périodes caractéristiques de la formation en médecine occidentale.

Le changement de la situation politique a beaucoup d’impact sur l’évolution de la formation en médecine occidentale711. En suivant ce contexte historique, nous pouvons diviser cette évolution en trois périodes fortement caractérisées : la période embryonnaire entre 1912 et 1926 (1), la période de prospérité entre 1927 et 1937 (2) et la période de dépression entre 1937 et 1949 (3).

711 Pour le contenu sur le contexte historique et la raison de cette partition de période, voir le début de ce chapitre. 216

1) La période embryonnaire entre 1912 et 1926.

Pendant cette première période, la formation en médecine occidentale se présente à travers des événements très dépareillés. Il y a cependant quatre aspects notables et qui entrent en relation les uns avec les autres :

150- Premièrement, les écoles : la majorité des écoles de médecine occidentale sont créées par des missionnaires étrangers. Mais il y a une exception : l’école nationale spécialisée de médecine de Pékin712 établie en 1912, ce qui est un événement important pour la formation de la médecine occidentale en Chine, parce que celle-là est la première école supérieure nationale de médecine occidentale créée totalement par les Chinois713.

151- Deuxièmement, les associations : lorsque le nombre des écoles de médecine occidentale ne suffit pas aux besoins de la profession médicale, les associations avec leurs publications jouent un rôle appréciable dans la formation en médecine714. Prenons l’exemple de

712 Ecole nationale spécialisée de médecine de Pékin ( 国 立 北 京 医 学 专 门 学 校 , Guolibeijiingyixuezhuanmenxuexiao). 713 Jingqiang Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912- 1949) » (Thèse en histoire, East China Normal University, 2005), 23. 714 Ibid., 24‑27. Non seulement pour la formation des médecins, mais aussi pour celle des infirmières ou des sages- femmes. Sachant que la première association des médecins missionnaires, Boyihui (博医会), est établie en 1886, et qu’en juin 1914, un des responsables de cette association, P.B. Cousland, a convoqué la première assemblée de l’Association des infirmières chinoises (中国护士会, Zhongguohushihui). En 1915, l’Association de médecine de Chine (中华医学会, Zhonghuayixuehui) qui est une des plus importantes associations de médecine en Chine est établie. Plus tard, en 1932, les deux associations sont fusionnées, Weikang Fu et Hongzhou Wu, 中国医学史 (Zhongguoyixueshi, Histoire de la médecine de Chine) (Shanghai Pujiang Education Press, 1990), 514. Successivement seront créés l’Association Deyi de Chine (中华德医会, Zhonghuadeyihui), l’Association de la médecine et de la pharmacopée de la République de Chine (中华民国医药学会, Zhonghuaminguoyiyaoxuehui), l’Institut de recherche de la pharmacopée orientale (东方药物研究社, Dongfangyaowuyanjiushe), la Fédération de la médecine et de la pharmacopée Shenzhou (神州医药总会, Shenzhouyiyaozonghui), le Syndicat des médecins de Shanghai ( 上海市医师工会, Shanghaishiyishigonghui), etc. Hu Huaichen, 上海的学艺团体 (Shanghaideyixuetuanti, Les associations académique et artistique de Shanghai) (Shanghaishitongzhiguan, 1935), 823‑946. Selon les statistiques, entre 1912 et 1937, il y a environ 130 types de publications sur la médecine occidentale, mais à cause du profond bouleversement social, beaucoup de publications n’ont eu une durée de vie qu’éphémère, Chao Zhu, 中外医学教育史 (Zhongwaiyixuejiaoyushi, Histoire de la formation de médecine de la Chine et des pays étrangers) (Shanghai Medical University Press, 1988), 86. 217 l’association de Médecine de Chine715 établie le 5 février 1915 à Shanghai qui devient membre de l’Association médicale mondiale en 1947 : selon sa proclamation, la formation en médecine est l’un des objectifs primordiaux de la création de cette association716 et cet objectif se réalise par nombres de cours de perfectionnement qui ont lieu dans les grands hôpitaux modernes717, ainsi que par les nombreuses publications académiques718.

152- Troisièmement, les normes éducatives : bien que, en raison de l’instabilité de la situation sociale, l’ampleur de la formation en médecine occidentale reste encore restreinte, dès le début de l’occupation du pouvoir, un des travaux privilégiés du gouvernement est d’aménager le système éducatif du pays pour établir solidement des standards de formation en médecine occidentale719. Cependant, puisque les écoles de médecine sont établies par plusieurs types de personnes différentes720, les normes éducatives pour la médecine occidentale établies par l’État ne sont pas toujours bien respectées par ces écoles, voire chaque école agit à sa guise721.

715 Association de Médecine de Chine (中华医学会, Zhonghuayixuehui). 716 L’objectif de la création de l’Association de médecine de Chine est « de renforcer l’amitié entre les médecins, de respecter l’éthique médicale et le droit médical, de populariser la médecine et l’hygiène et de lier les milieux chinois et étrangers de la médecine », « 中华医学会例言及附则 (Zhonghuayixuehuiliyanjifuze, Introduction et annexe de l’association de médecine Zhonghua) », National Medical Journal of China, no 1 (1915): 2. 717 Notamment dans les hôpitaux des grandes villes comme Shanghai ou Pékin. Grâce à cela, les médecins venus de divers endroits ont l’occasion d’approfondir leurs connaissances médicales en discutant et étudiant avec les experts médicaux de spécialités différentes. Cependant, les hôpitaux n’ont pas le droit de délivrer un certificat des cours de perfectionnement, Shanmin Tao, « 中国女子医学教育 (Zhongguonüziyixuejiaoyu, Formation féminine de médecine de Chine) », National Medical Journal of China 19, no 6 (1933): 849‑64. 718 La publication officielle de l’Association de médecine de Chine est le National Medical Journal of China (中 华医学杂志, Zhonghuayixuezazhi), « 中华医学会例言及附则 (Zhonghuayixuehuiliyanjifuze, Introduction et annexe de l’association de médecine Zhonghua) », 2. 719 Depuis la fondation de la République de Chine et pendant le gouvernement de Beiyang, il s’agit de deux systèmes éducatifs : celui qui est créé entre 1912 et 1913 et celui ensuite créé en 1922. Dans le premier, la formation supérieure en médecine peut être effectuée dans les universités, laquelle dure entre 3 et 4 ans ou dans les écoles spécialisées, et selon celui de 1922, le cursus de médecine dure au minimum 5 ans, Youzong Zhu, « 中 国近代学制史料(Zhongguojindaixuezhishiliao, Les documents historiques du système éducatif pendant l’histoire moderne chinoise) », East China Normal University Press 3 (1992): 1‑10. 720 Soit par les étrangers (les missionnaires ou les organismes gouvernementaux des pays étrangers), soit par les Chinois (les individus ou le gouvernement). Sur les différents caractères de ces écoles, voir le texte suivant : « B. Les établissements de formation en médecine occidentale : des styles variés ». 721 Selon les statistiques de 1933, les durées du cursus de médecine sont différentes selon les établissements, et de plus, les conditions requises pour entrer dans ces établissements sont également différentes : certaines demandent aux candidats d’assister d’abord aux classes préparatoires, tandis que les autres acceptent directement les titulaires du baccalauréat, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912- 1949) », 28. 218

153- Quatrièmement et dernièrement, le premier personnel féminin : il s’agit d’un phénomène important qui mérite d’être signalé pendant cette période, le sujet des formations du personnel médical féminin, concernant les femmes médecins, les infirmières et les sages- femmes. La première femme médecin chinoise, Jin Yunmei (1864-1934)722, est diplômée en docteur en médecine en 1885 à NewYork. En 1888, elle rentre en Chine et exerce la médecine à Amoy et à Chengdu jusqu’en 1915723. En Chine, la première école féminine de médecine, l’école féminine de médecine Xiage724, est ouverte en 1899 par les missionnaires américains à Canton et le nombre de diplômés atteint 124 en 1922 725 . Successivement, grâce à la préconisation du gouvernement726, d’autres écoles féminines de médecine sont ouvertes, non seulement par les missionnaires étrangers, mais aussi par les Chinois727.

Sachant que dans la société ancienne, les femmes n’ont pas de place officielle dans la vie publique, il n’était donc pas possible qu’une femme puisse apprendre la médecine. Toutefois, sous l’influence du courant d’occidentalisation, et pour répondre aux besoins médicaux réels et grâce aux nombreux avantages des femmes dans certains domaines médicaux, au fur et à mesure, la société tolère voire commence à encourager les femmes s’appliquant aux travaux médicaux. Ce phénomène est objectivement un agent accélérateur important pour la popularisation de la médecine occidentale en Chine.

722 Jin Yunmei (金韵梅 ou 金雅妹). 723 Yan Li, « 中国第一位女西医——金雅妹 (Zhongguodiyiweinüxiyi - Jin Yamei, La première femme médecin de la médecine occidentale en Chine - Yamei Jin) », China Journal of Medical History 1 (2001): 6. 724 Ecole féminine de médecine Xiage (夏葛女子医学校, Xiagenüziyixuexiao). 725 Xiaobin Liu, « Study on History of Education in Guangdong Modern TCM Schools » (Thèse en histoire, Guangzhou University of Chinese Medicine, 2009), 148‑51. 726 Selon le rapport du Comité de l’éducation de Chine en 1922, le gouvernement préconise que pour la formation en médecine, les femmes doivent obtenir les mêmes chances que les hommes, 陶善敏, « 中国女子医学教育 », 849‑864. 727 Par exemple, il y avait 212 diplômées sortant des trois écoles tenues par les missionnaires étrangers, l’Ecole féminine de médecine Xiehe à Pékin (北平协和女子医学校, Beipingxiehenüziyixuexiao), l’Ecole féminine de médecine du Shandong (山东女子医学校, Shandongnvziyixuexiao) et l’Ecole féminine de médecine Dasheng (达生女子医学校, Dashengnüziyixuexiao). En 1924, l’Ecole féminine de médecine de Shanghai est établie par des Chinois, et en 1933, en étaient déjà sorties 23 diplômées, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 31.Au début, ces écoles ouvertes par les missionnaires sont gratuites, puis progressivement, elles deviennent payantes, Huiming Jiang, « 中国医学教育之前瞻后顾 (Zhongguoyixuejiaoyuzhiqianzhanhougu, le passé et l’avenir de la formation de médecine de Chine) », Zhongxiyiyao 1, no 1 (1935): 50‑55. 219

2) La période de prospérité entre 1927 et 1937.

154- Les raisons pour laquelle nous disons qu’entre 1927 et 1937 est une période de prospérité pour la formation en médecine occidentale sont tierces : la création du comité de l’Education médicale728 en 1929 par le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Santé729, l’accroissement du nombre et de la qualité des formations en médecine occidentale et la perfection des lois et des règlements les concernant.

En premier lieu, le comité de l’Éducation médicale est l’organisme qui dirige et contrôle toutes les affaires concernant la formation en médecine. Grâce à cette création, les programmes d’enseignement, les règles pour le contrôle des manuels scolaires730, les mesures pour les cours de perfectionnement 731 , etc. sont officiellement établis. Autrement dit, l’impact le plus important de la création de ce comité est la régularisation de la formation en médecine occidentale.

En deuxième lieu, l’accroissement du nombre et la qualité de la formation en médecine occidentale s’expliquent par les augmentations considérables de nombre des écoles de médecine établies, des enseignants et des élèves732 et par les recherches très dynamiques sur la

728 Comité de l’Education médicale (医学教育委员会, Yixuejiaoyuweiyuanhui). 729 En 1935, les formations des infirmières et des sages-femmes sont intégrées dans ce Comité, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 35. 730 Dexin Lu et Xiwu Zhang, « 新医来华后之医学文献 (Xinyilaihuahouzhiyixuewenxian, Les documents de médecine après arrivé de la nouvelle médecine) », National Medical Journal of China 22, no 11 (1936): 11081‑120.A l’époque, 90% des manuels de médecine occidentale sont issus des traductions des manuels étrangers, Tao Li, « 关于医学教科书 (Guanyuyixuejiaokeshu, Autour des manuels de médecine) », National Medical Journal of China 18 (1932): 995. 731 Mesures pour la demande des cours de perfectionnement pour les enseignants des écoles de médecine désignées (指定各医学院办理医学师资进修办法, Zhidinggeyixueyuanbanliyixueshizijjinxiubanfa) publiées en 1936 par le Comité de l’éducation médicale, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 35. 732 Selon les statistiques effectuées en 1937 par le Comité de l’éducation médicale, le nombre des écoles de médecine (comprenant les écoles supérieures publiques et privées de médecine, les écoles spécialisées de médicaments et des dentistes) est de 33 (8 écoles nationales, 8 écoles provinciales, 14 écoles privées inscrites et 3 écoles privées non-inscrites). Dans 27 écoles enquêtées, il y a, au total, 964 enseignants (parmi ceux-là, 330 sont diplômés dans les écoles de médecine en Chine, 98 n’ont pas de diplôme des écoles de médecine, 142 sont diplômés aux Etats-Unis, 106 sont diplômés au Japon, 87 sont diplômés en Angleterre, 70 sont diplômés en Allemagne, 1 est diplômé en Suisse, 1 est diplômé en Hollande, 1 est diplômé en Italie, etc. Il y a 2930 élèves dans 25 écoles enquêtées, et l’école qui a le plus d’élèves est l’Ecole de médecine de l’Université Tongji (同济大学医 学院, Tongjidaxueyixueyuan), avec 254 élèves, tandis que celle qui a le moins d’élève est l’Ecole féminine de 220 méthode d’enseignement de la médecine733. Cela prouve que les fondements de l’expansion de la médecine occidentale en Chine sont de plus en plus stables.

En troisième et dernier lieu, la perfection des lois et des règlements représente bien sûr une nécessité, mais aussi le résultat direct du développement de la médecine occidentale en Chine. En réalité, les droits, surtout les différents règlements à l’égard de la formation en médecine occidentale publiés par le gouvernement pendant cette période, comprennent quasiment toutes les spécialités importantes de la médecine de l’époque734. L’influence de ce corpus se poursuit jusqu’à Taïwan après 1949735.

3) La période de dépression entre 1937 et 1949.

155- C’était la situation politique instable qui a perturbé la formation en médecine occidentale. Il est évident que les causes directes de cette dépression de la formation en médecine occidentale sont deux guerres dévastatrices : la guerre sino-japonaise (1937-1945) et la Guerre civile chinoise (1946-1950)736. Au moment où la guerre sino-japonaise se déclenche,

médecine de Shanghai (上海女子医学院, Shanghainüziyixueyuan), avec 16 élèves. Enfin, le nombre des diplômés dans 21 écoles de médecine enquêtées est de 5358, Ibid., 39-40. La qualité de la formation en médecine occidentale s’est également bien améliorée. Non seulement le niveau professionnel des enseignants a augmenté, mais les conditions requises pour le recrutement des élèves sont aussi plus strictes : par exemple dans les écoles nationales et provinciales de médecine, les candidats doivent être titulaires du baccalauréat, et certaines écoles de médecine demandent des connaissances en langues étrangères, Tao Li, « 民国 21 年度的医学教育 (Minguo21niandudeyixuejiaoyu, La formation de médecine de 21ème année de la République de Chine) », National Medical Journal of China 19, no 5 (1933): 681‑700. 733 En accompagnant l’accroissement du nombre des écoles de médecine et des associations de médecine, les discussions concernant les méthodes d’enseignement de la médecine sont très vives. En général, il s’agit de débattre de la situation actuelle de la formation en médecine et des solutions qui s’y adaptent. Parmi ces discussions, il y en a une qui mérite d’être signalée : concernant la formation des médecins en médecine occidentale, il existe une question de qualité et de quantité, c’est-à-dire, faut-il accorder plus d’importance à la profondeur de la connaissance médicale des élèves médecins, ou à la capacité d’adaptation à la situation réelle, et donc à former le plus de médecins possibles en réduisant les cours enseignés, Guobin Song, « 医事建设方略 (Yishijianshefanglue, Les mesures sur l’édification la cause médicale) », National Medical Journal of China 20, no 7 (1934): 961‑66. 734 Précisément, il s’agit de la formation des médecins, des pharmaciens, des dentistes, des infirmières, des sages- femmes, la prévention des maladies infectieuses et contagieuses etc. Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China », 77‑79. 735 Voir le Chapitre 7. 736 Concernant la fin de cette guerre, il existe des dates différentes : ici, nous adoptons celle qui est confirmée par le gouvernement chinois d’aujourd’hui, c’est-à-dire l’année 1950, « 解放战争 (Jiefangzhanzheng, La Guerre de Libération) », consulté le 20 mai 2016, http://202.106.125.35/refbook/detail.aspx?RECID=R2006061420004231. 221 beaucoup d’écoles sont détruites, puis sur l’ordre du gouvernement, la plupart des écoles de médecine restantes sont soit suspendues, soit déménagées à l’intérieur du pays 737 , et par conséquent, les cours sont inévitablement perturbés. Ensuite, pendant la Guerre civile chinoise, étant confrontée aux dures réalités financières et au désintérêt du gouvernement à cause des guerres, la restitution des écoles de médecine est toujours dans une situation bloquée et embarrassante738.

Heureusement, la formation en médecine occidentale n’est alors pas complètement réduite à néant :

D’un côté, lorsque les écoles de médecine s’installent à l’intérieur du pays, plusieurs écoles en profitent pour se réunir et fusionner, et grâce à cela, la formation en médecine occidentale possède une certaine continuité739. Afin de s’adapter à la situation, le programme d’enseignement est néanmoins beaucoup changé : la plupart des cours ouverts portent sur « comment se prémunir d’un gaz toxique ou d’une attaque à l’arme chimique » et sur le secours et les premiers soins pour les blessés graves ou les malades en danger740, c’est-à-dire les cours les plus utilitaires et au service du but de guerre.

De l’autre côté, certaines écoles continuent à œuvrer à leurs emplacements originels : par exemple, et en raison de la relation entre l’Allemagne et le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, les écoles de médecine allemandes sont restées ouvertes, et le système scolaire est peu ou prou conservé, mais il reste peu d’enseignants allemands 741 ; en 1938, l’occupant japonais établit l’université nationale de Pékin742, au sein de laquelle les Japonais ont créé une

737 Principalement à Chongqing, Chengdu et Xian, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 44. 738 Ibid., 45. 739 Ibid., 45‑47. 740 Ibid., 50. 741 Par exemple, l’Ecole de médecine de l’Université Tongji (同济大学医学院, Tongjidaxueyixueyuan) à Shanghai. Les enseignants allemands ont quitté la direction de ces écoles. Une partie des enseignants sont rentrés dans leur pays, l’autre partie reste à la concession allemande à Shanghai et ouvre leurs propres écoles de médecine allemandes, Ibid., 47. 742 Université nationale de Pékin (国立北京大学, Guolibeijingdaxue). 222 faculté de médecine occidentale743, dont la qualité d’enseignement demeure très douteuse744, puisque à la fin de la guerre avec le Japon, les diplômes délivrés par cette Université ne seront pas reconnus par le gouvernement chinois 745 . Enfin, dans des situations exceptionnelles, certaines écoles privées de médecine moins réputées n’ont pas déménagé non plus746.

B. Les établissements de la formation de la médecine occidentale ont des styles variés.

La variation des styles des écoles de médecine occidentale dépend des différentes natures de leurs fondateurs, qui sont en général l’Église et les congrégations protestantes (1), les autorités chinoises (2), les gouvernements ou les groupes financiers étrangers (3) et les capitaux privés chinois (4).

743 Les cours sont repris le 10 mai 1938. Dans cette faculté de médecine, il y a 13 professeurs, 2 maîtres de conférences. La scolarité est changée de 6 ans à 4 ans. En 1939, la faculté recrute 9 professeurs japonais, dont 1 professeur honoraire qui est le fameux physiologiste ながい ひそむ、 (1876-1957), Zhuofu Luo et Jingrao Sun, 北京医科大学的八十年: 1912-1992 (Beijiingyikedaxuedebashinian: 1912-1992, Les quatre-vingt ans de l’université de médecine de Pékin: 1912-1992), 1992, 45. 744 La durée d’études est réduite à 4 ans ; selon les origines et les habitudes des enseignants, les cours de médecine sont soit en japonais, soit en anglais, mais le cours de langue étrangère donné par cette faculté est l’allemand, et par conséquent, les terminologies médicales sont en trois langues étrangères confondues, ce qui complique le suivi des cours et le niveau exigé, Ibid. 745 Après la capitulation sans condition du Japon en 1945, le gouvernement nationaliste annonce que toutes les universités dans les régions qui étaient sous le contrôle des Japonais sont des universités fantoches, que tous les diplômés de ces universités et les étudiants de ces universités étaient des étudiants fantoches et que le gouvernement ne reconnaît pas les diplômes délivrés par ces universités, non plus que le statut des étudiants de ces universités. Dans ce cas-là, tout organisme ou hôpital ne peut pas recruter les diplômés de ces universités, sauf si ces personnes poursuivent des cours de perfectionnement pendant 2 ou 3 mois et que leur est délivré le certificat, après avoir être examinés sur leur morale et leurs études, Ibid. 746 Prenons exemple de l’Ecole privée de médecine Tongde (私立同德医学院, Silitongdeyixueyuan) : cette école se situe au centre-ville de Shanghai. Sa qualité d’enseignement est moins bien considérée que les autres écoles de médecine. En 1937, au moment où la guerre éclate, 70% des instruments médicaux et des matériels pédagogiques sont détruits. De plus, la plupart des enseignants sont des médecins en activité à Shanghai et la majorité des élèves sont les enfants de « capitalistes » shanghaïens. Ces gens-là préfèrent rester à Shanghai car selon eux « quoi qu’il en soit, aucune différence entre qui prendra Shanghai », Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 48. 223

1) Les écoles de médecine occidentale établies par les missionnaires.

156- Une sorte de formation tombe graduellement en déclin. La médecine occidentale est introduite en Chine par les missionnaires occidentaux, et les écoles de médecine fondées par l’Église et les autres confessions chrétiennes le sont souvent afin de répondre aux besoins d’accroissement des hôpitaux religieux747. En effet, si nous considérons que la floraison de ces écoles date de la fin de la dynastie Qing, en revanche à partir de la fondation de la République de Chine, et en raison des influences du mouvement nationaliste de 1919748 et du mouvement d’antichristianisme, ces écoles tombent graduellement en déclin749 jusqu’à être proscrites par le gouvernement communiste vers les années cinquante750.

Face aux changements sociaux, les écoles missionnaires sont obligées de réaménager leur cours, y compris la formation en médecine occidentale. Par conséquent, le changement essentiel est que le nombre des cours de médecine est augmenté de beaucoup et qu’inversement,

747 Voir le Chapitre 3 de ce travail. 748 Le mouvement du 4 Mai (五四运动, Wusiyundong), mouvement dirigé contre les prétentions du Japon sur la Chine. 749 Plus précisément, le déclin des écoles ecclésiastiques lié au mouvement d’antichristianisme commence sérieusement en 1922, et après une série continue de mouvements, en 1925 le ministère de l’Education du gouvernement de Beiyang publie les Mesures pour accepter la demande d’établir des écoles par dotation des étrangers (外国人捐资设立学校请求认可办法, Waiguorenjuanzishelixuexiaoqingqiurenkebanfa). A partir de 1926, la majorité des écoles liées aux diverses églises sont inscrites auprès des autorités chinoises, et les présidents des écoles sont obligatoirement chinois. Jusqu’en 1931, exception faite de l’Université de Saint John, toutes les universités établies par les églises sont inscrites auprès du gouvernement chinois, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 54. Une autre raison du déclin des écoles ecclésiastiques et missionnaires est le manque de financement. Bien souvent, la source financière consiste en quatre moyens : l’argent des églises et la dotation privée de leurs pays d’origine ; l’argent donné par les commerçants étrangers ou chinois en Chine ; les dotations des anciens élèves et des parents des élèves ; les frais de scolarité, Xiaoxia He et Jinghuan Shi, 教会学校与中国教育近代化 (Jiaohuixuexiaoyuzhongguojiaoyujindaihua, Les écoles de l’Eglise et la modernisation de l’éducation en Chine) (Guangdong Education Publishing House, 1996), 184‑85. La difficulté de financement de ces écoles est une des conséquences du mouvement nationaliste et du mouvement d’antichristianisme, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 55. 750 Au début de la fondation de la République Populaire de Chine, le gouvernement communiste tolère l’existence des écoles religieuses et leur autorise à continuer d’accepter les dotations venant des pays étrangers. Mais la Guerre de Corée (1950-1953) conduit à une relation très hostile entre le gouvernement des Etats-Unis et le gouvernement communiste chinois. A partir de 1950, selon le droit chinois de l’époque, le gouvernement chinois commence à exproprier ces écoles, et à la fin de 1951, toutes les écoles supérieures qui reçoivent des allocations venant de pays étrangers sont transformées en écoles publiques chinoises Yufei Li, « 建国初期学习苏联教育经验的回顾与反 思 (Jianguochuqixuexisulianjiaoyujingyandehuiguyufansi, La récapitulation et l’introspection concernant l’importation de l’expérience éducatif de l’Union soviétique au début de la fondation de la République Populaire de Chine) », vol. 9 (En mémoire de la création de la revue "étude de l’histoire de l’éducation, Pékin: Jiaoyushiyanjiu, 2009), 58‑64. 224 celui des cours religieux est considérablement diminué751. C’est donc à dire que l’intention initiale752 de la création de ces écoles est plus ou moins perturbée753.

157- Les expériences réussies. Malgré cela, l’importance de ces écoles dans la formation de la médecine occidentale demeure toujours non négligeable, pour plusieurs raisons.

Premièrement, la majorité des médecins d’élite chinois de l’époque sont issus de ces écoles. À force de rester longtemps en Chine, les missionnaires ont une conscience et une vision assez claires de la situation sociale chinoise, et selon eux, dans un pays où la population est nombreuse, ils n’arriveront jamais à fournir suffisamment de médecins depuis leurs écoles pour tout le pays : la meilleure solution est donc d’essayer de former des médecins d’élite, puis d’étendre l’influence chrétienne et de la médecine occidentale, en profiter du point d’appui fourni par ces médecins très experts754.

Deuxièmement, les missionnaires ont directement transféré les systèmes d’enseignements occidentaux dans leurs écoles en Chine 755 . Grâce à cela, les méthodes d’enseignement et d’administration les plus modernes sont transférées en Chine, par exemple le régime du conseil d’administration et le régime de l’association des anciens élèves qui n’avaient jamais existé en Chine756.

751 He et Shi, 教会学校与中国教育近代化 (Jiaohuixuexiaoyuzhongguojiaoyujindaihua, Les écoles de l’Eglise et la modernisation de l’éducation en Chine), 72‑74. 752 Voir le Chapitre 3 de ce travail. 753 La raison de ce changement, selon les responsables missionnaires, est que le caractère chrétien de leurs écoles se montre par la morale et l’objectif poursuivi, non par le nombre de cours religieux et de messes, He et Shi, 教会 学校与中国教育近代化 (Jiaohuixuexiaoyuzhongguojiaoyujindaihua, Les écoles de l’Eglise et la modernisation de l’éducation en Chine), 72‑74. 754 Ruth Emilie Scott Hayhoe, « 中外比较教育史(Zhongwaibijiaojiaoyushi, Histoire de l’éducation comparée entre la Chine et les pays étrangers) », Shanghairenminchubanshe, 1990, 216‑17. 755 Yihua Xu, 教 育 与 宗 教 : 作为传教媒介的圣约翰大学 (Jiaoyuyuzongjiao: zuoweichuanjiaomeijiedeshengyuehandaxue, L’éducation et la religion: l’université Saint-Jean, un intermédiaire de la propagande de la religion chrétienne à l’étranger) (Zhuhaichubanshe, 1999), 39‑41. 756 Normalement, le régime de gestion de ces écoles est le système présidentiel sous la direction du conseil d’administration, en d’autres termes, le président de l’école est le responsable, mais il a une responsabilité auprès du conseil d’administration, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 57. 225

Troisièmement et dernièrement, dans ces écoles, les cours sont enseignés en langues étrangères757. Cette pratique est favorable au développement de la médecine occidentale en Chine. Sachant que les premiers livres de médecine occidentale introduits en Chine sont rédigés en langues étrangères, et qu’à l’époque les traductions sont rares et moins crédibles, surtout pour les livres de médecine qui concerne la santé voire la vie des gens, enseigner la médecine occidentale dans ses langues d’origines est alors le meilleur moyen d’assurer la sûreté de la transmission de la connaissance médicale.

2) Les écoles de médecine occidentale établies par les autorités chinoises.

158- Le nombre des écoles augmente continuellement. Après la première école supérieure de médecine occidentale nationale, l’école nationale spécialisée de la médecine de Pékin établie en 1912758, le gouvernement crée progressivement d’autres écoles similaires : selon les statistiques, en 1933, il y a 4 écoles nationales et 5 écoles provinciales759, et avant la chute du gouvernement nationaliste en Chine continentale, en 1948, le nombre des écoles nationales atteint 21 et celui des écoles provinciales760.

159- Les particularités et avantages de la formation en médecine de ces écoles se résument en quatre aspects :

D’abord, les principaux enseignants sont issus des écoles religieuses mentionnées plus haut ou des écoles des pays étrangers. En effet, ces enseignants sont les premières personnes

757 Les langues étrangères le plus utilisées sont l’anglais et l’allemand, Hengbi Zhu, « 我国医学教育应用语文之 我见 (Woguoyixuejiaoyuyingyongyuwenzhiwojian, L’avis sur les langues utilisées pour la formation de médecine de notre pays) », National Medical Journal of China 17, no 5 (1931): 491‑93. 758 Son cheminement est beaucoup perturbé par la condition politique du pays, ce qui conduit directement à des soucis financiers, et finalement, cette école est intégrée à l’Université de Pékin en 1946, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 67. 759 Li, « 民国 21 年度的医学教育 (Minguo21niandudeyixuejiaoyu, La formation de médecine de 21ème année de la République de Chine) », 681‑700. 760 « 医事人员甄训办法及医事人员甄训委员会规程 (Yishirenyuanzhenxunbanfajiyishirenyuanzhenxunweiyuanhuiguize, Les mesures sur le choix et l’entrainement du personnel médical et les statuts du comité du choix et de l’entrainement du personnel médical) », les deuxièmes Archives nationales, n°5-14876. 226 qui acquièrent une connaissance approfondie de la médecine occidentale et qui, bien entendu, représentent le plus haut niveau de la médecine occidentale de l’époque en Chine761.

Ensuite, le système d’enseignement de ces écoles fait référence à celui de l’Occident. Au moment où la formation officielle en médecine occidentale commence à démarrer en Chine, celle de l’Occident est déjà beaucoup plus expérimentée par rapport à la première, et il est donc logique que le gouvernement acclimate les systèmes d’enseignement étrangers en Chine.

Puis, pour résoudre le problème du manque de médecins, le but essentiel de ces écoles est de former des médecins « en masse », en permettant que les périodes d’études soient légèrement réduites par rapport à celles des écoles religieuses ou simplement étrangères762, avec des cours enseignés plus axés sur les besoins médicaux quotidiens et primaires du peuple763.

Enfin, étant des écoles officielles, elles ont des liens étroits avec le gouvernement. D’un côté, elles respectent strictement les ordres de gouvernement764, et de l’autre côté, elles donnent un impact aux décisions de gouvernement concernant les matières médicales, et les influencent. Il est important ici de noter que l’école nationale spécialisée de la médecine de Pékin est promoteur765 de la publication du Règlement de la dissection766 le 22 novembre 1913 par le ministère de l’Intérieur767. Cela est un événement remarquable dans l’histoire de la formation en médecine en Chine, parce que la publication de ce Règlement signifie que la dissection, considérée comme pratique médicale768, est enfin officiellement autorisée et protégée.

761 Par exemple, le docteur Wu Lien-teh (伍 连德, 1879-1960) et le docteur Yan Fuqing (颜 福庆, 1882-1970). 762 Dans les écoles de médecine occidentale, les périodes d’études varient souvent entre 7 et 8 ans, mais dans les écoles de médecine établies par les autorités chinoises, et selon l’ordre du ministère de l’Education publié entre 1929 et 1930, cette durée est réduite à entre 4 et 6 ans, Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 74. 763 Ibid. 764 Par exemple, en septembre 1923, l’Ecole nationale spécialisée de la médecine de Pékin implémente les 70 matières de cours décidées par le Ministère de l’éducation, Ibid. 765 Précisément, la proposition du « Règlement de la dissection » est faite par le président de cette école, Erhe Tang (尔和 汤, 1878-1940), Luo et Sun, 北京医科大学的八十年, 8‑9. 766 Règlement de la dissection (解剖条例, Jiepoutiaoli). 767 Tianli Li, « A Brief History of Chinese Laws on Human Anatomy », China Journal of Medical History 27, no 3 (1997): 160‑64. 768 Déjà en 1912, la dissection est autorisée dans le cadre d’une procédure pénale JingTao Jia, « 辛亥革命以后的中国法医学 (Xinhaigemingyihoudezhongguofayixue, La médecine légale de Chine après la révolution chinoise de 1911) », Journal of Medical History 1 (1986): 205. 227

3) Les écoles de médecine occidentale établies par les gouvernements ou les groupes financiers étrangers.

160- L’établissement des écoles était une façon de manifester la puissance nationale pour les pays étangers. Ce genre d’écoles est établi par des étrangers qui ne sont pas des missionnaires. D’après certains auteurs, les objectifs principaux des créateurs de ces écoles sont de satisfaire leurs intérêts politiques et économiques en Chine 769 . Certainement, au vu de l’influence politique et diplomatique de l’époque, cela est un soupçon que l’on qualifiera difficilement d’infondé, et on en trouve un indice évident dans la division des groupes, germano-japonais d’un côté et américano-européen de l’autre dans les écoles de médecine occidentale. En réalité, c’est une division liée plutôt à la concurrence dans les territoires occupés, que dans le domaine éducatif ou dans celui des discussions académiques770.

Mais objectivement, ces écoles jouent toujours un rôle considérable dans l’évolution de la médecine occidentale du pays. La concurrence entre les pays étrangers concernés, comme volonté de démonstration de puissance, les amène à réellement transposer en Chine les fruits de leurs recherches en médecine les plus récentes, avec leur système éducatif le plus convenable771.

769 Selon l’auteur Mu Jingqiang (慕 景强) dans sa thèse « Etude sur la formation supérieure en médecine occidentale de la République de Chine » (1912-1949), Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 83.De même selon Ruth Emilie Scott Hayhoe (1945- ), en créant les écoles supérieures en Chine, le but essentiel des Allemands est leur intérêt économique, Ruth Hayhoe, 中国大学: 1895-1995: 一个文化冲突的世纪 (Zhongguodaxue: 1895-1995: yigewenhuachongtudeshiji, Les universités de Chine: 1895-1995: le siècle des conflits des cultures) (Educational Science Publishing House, 1999), 28. 770 Généralement, la répartition géographique des deux groupes est que la sphère d’influence du groupe germano- japonais se trouve au nord et nord-est de la Chine, et que celle du groupe américano-européen est surtout dans les régions littorales et modernes de la Chine. Pour l’histoire sur la concurrence des deux groupes voir le livre : Luo et Sun, 北京医科大学的八十年, 61‑63. 771 Par exemple, l’histoire de la faculté de médecine de l’Université Tongji, Zhiyuan Weng et Tingquan Tu, 同济 大学史: 1907-1949 (Tongjidaxueshi: 1907-1949, Histoire de l’université Tongji: 1907-1949), vol. 1 (Tongji University Press, 1987). 228

4) Les écoles de médecine occidentale établies par les capitaux privés chinois.

161- Les écoles de privée manquent de stabilité. La première école privée de médecine occidentale est l’école de médecine Guohua de Canton772 établie en 1909 par le fameux docteur chinois Holt Cheng (1872-1942) avec d’autres bourgeois et gentilshommes chinois773. En effet, les entrepreneurs chinois représentent la majorité du financement de ces écoles, et c’est la raison pour laquelle ce genre d’écoles n’est pas très répandu774 ou encore que la taille et les effectifs de ces écoles sont inférieurs par rapport aux autres types d’instituts. Enfin, leur existence est souvent caractérisée par l’instabilité, notamment financière775.

162- Les programmes d’enseignement dans ces écoles sont plus flexibles. Les particularités concernant la formation en médecine de ces écoles sont évidentes : bien entendu, chaque école est différente776, mais ici, nous prenons les cas de deux écoles parmi les plus représentatives, l’école de médecine Guohua de Canton et l’école spécialisée de médecine de Nantong777: les programmes et les méthodes d’enseignement suivent les modèles modernes, avec une durée d’études souvent réduite778 ; dans la première, la direction et l’enseignement sont prises en charge par les Chinois, et cette école recrute les élèves femmes 779 ; dans la seconde, avant la réglementation sur la proscription des écoles de médecine chinoise du ministère de l’Éducation nationale en 1921, la formation en médecine contenait la médecine occidentale et la médecine chinoise, et selon son fondateur, Zhang Cha (1851-1939)780, malgré

772 École de médecine Guohua de Canton (广东光华医学院, Cantonguanghuayixueyuan). 773 Son appellation originelle en 1909 est la Maison de médecine Guohua de Canton ( 广东光华医学社, Cantonguanghuayixue 社), Liu, « Study on History of Education in Guangdong Modern TCM Schools », 144‑51. 774 Selon les statistiques effectuées en 1932, il y a, au total, 7 écoles privées de médecine établies par les Chinois. Mu, « Research on Higher Education of Western Medicine During the Republic of China (1912-1949) », 84. 775 Ibid., 88‑90. 776 Ibid., 84. 777 Ecole spécialisée de médecine de Nantong (南通医学专门学院, Nantongyixuezhuanmenxueyuan). 778 Par exemple, l’Ecole spécialisée de médecine de Nantong suit le modèle du Japon. Les cours de médecine chinoise sont ouverts en 1917, et au moment de l’ouverture, la durée d’étude est répartie en 1 an de cours préparatoire et 4 ans de cours spécialisés, Jusheng Huang, « 张詧与私立南通医学专门学校 (Zhangchayusilinantongyixuezhuanmenxuexiao, Cha Zhang et l’école spécialisée privée de médecine Nantong) », Archives and Construction, no 3 (2003): 35‑39. La durée d’études à l’Ecole de médecine Guohua de Canton est de 4 ans, et les cours contiennent quasiment toutes les matières importantes de la médecine occidentale, enseignées en chinois, mais il y a également des cours de langues allemande et française, « 私立广东光华医学院史略 (Siliguangdongguanghuayixueyuanshilue, Histoire de l’école privée de médecine Guanghua du Guangdong) », consulté le 30 mai 2016, http://www.gzzxws.gov.cn/gzws../gzws/ml/26/200809/t20080917_8951.htm. 779 Liu, « Study on History of Education in Guangdong Modern TCM Schools », 148‑51. 780 Zhang Cha (张詧). 229 les résultats peu fructueux781 l’objectif de cet arrangement est de relier la médecine chinoise et la médecine occidentale782, ce qui constituait une des premières tentatives efficaces de fusionner les deux médecines dans une école privée de médecine en Chine.

II. La formation en médecine chinoise fait un maximum d’effort pour s’adapter à la nouvelle situation.

La formation est naturellement la clef de voûte de la survie et du développement de la médecine chinoise. C’est la raison pour laquelle, depuis la fondation de la République de Chine, les conflits entre les deux médecines sont concentrés autour de cette question hautement cruciale.

Comme le gouvernement refuse d’installer un organisme de direction spécialement pour la gestion de la médecine chinoise, la maison centrale de la Médecine du pays a finalement joué un rôle très important dans la formation en médecine chinoise (A), et sous sa direction, cette formation s’est frayé une voie très particulière (B).

A. La maison centrale de la Médecine du pays783 est l’organisme qui se charge réellement de la gestion de la formation en médecine chinoise.

Bien qu’étant un meneur de la formation en médecine chinoise, malgré tous les efforts faits par les milieux médicaux chinois, son statut n’est que celui d’un organisme académique (1), ce qui ne l’empêche pas de jouer un rôle irremplaçable (2).

781 « Demande de l’autorisation sur le recueil des fonds pour commandes de médicaments chinois » (拟集资订中 药征求同意书, Nijizidingzhongyaozhengqiuyijianshu) rédigée en 1919, « 张謇与私立南通医学专门学校 (Zhangchayusilinantongyixuezhuanmenxuexiao, Cha Zhang et l’école spécialisée privée de médecine Nantong) », consulté le 28 mai 2016, http://dag.ntu.edu.cn/text.asp?id=191&big=68. 782 Ibid. 783 Maison centrale de la Médecine du pays (中央国医馆, Zhongyangguoyiguan). 230

1) Un organisme académique.

Les attitudes discriminatoires visant la médecine chinoise du gouvernement de Beiyang et du début du gouvernement nationaliste sont la raison principale de la création de la maison centrale de la Médecine du pays le 17 mars 1931784. Nous pouvons ainsi dire que cette création est un des fruits importants de la résistance face à la tendance voulant abolir la médecine chinoise.

163- Le gouvernement refuse de lui accordeer le pouvoir administratif. L’objectif initial des promoteurs de cette création est, afin d’augmenter l’importance et l’influence de la médecine chinoise, de créer un organisme officiel qui puisse administrer spécialement cette médecine au sein du gouvernement 785 . D’après ses statuts abrégés 786 , ses fonctions sont « d’améliorer la médecine du pays, d’en étudier la pharmacopée et d’administrer les affaires de la médecine et de la pharmacopée 787 » ; il s’agit donc de fonctions administratives et académiques.

De fait, le gouvernement n’a pas donné son accord sur la partie concernant la fonction administrative de cet organisme, parce qu’après l’examen nécessaire à la confirmation de la Charte de la maison centrale de la médecine du pays788, le gouvernement publie la version confirmée le 31 août 1931, dans laquelle l’objectif essentiel de la création de cet organisme devient, révisé, de « mettre la médecine et la pharmacopée chinoises en ordre et en accord avec les procédures scientifiques afin d’améliorer les méthodes de traitement des maladies et de fabrication des médicaments789 » ; ne subsiste donc plus que le caractère académique.

784 Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 292. 785 Ibid. 786 « Statuts abrégés de la Maison de la médecine du pays » (国医馆简章, Guoyiguanjianzhang) contenus dans la Proposition de la création de la Maison de la médecine du pays présentée le 7 mai 1930 à la 226ème réunion politique centrale du Comité exécutif central du Parti nationaliste, Deng, 中医近代史 (Zhongyijindaishi, La médecine chinoise dans l’histoire moderne chinoise), 291‑292. 787 Ibid., 292. 788 Charte de la maison centrale de la médecine du pays (中央国医馆章程, Zhongyangguoyiguanzhangcheng). 789 Ibid., 293. 231

2) Le rôle de la Maison centrale de la médecine du pays dans la formation en médecine chinoise est irremplaçable.

164- Rôle académique. Depuis la création de la maison centrale de la Médecine du pays, les fonctions de cet organisme se multiplient au fil du temps. Généralement, elles concernent l’établissement du programme d’enseignement de la médecine et de la pharmacopée790, de l’unification des typologies chinoise et occidentale des maladies 791 , de la rédaction et de l’examen des manuels de médecine et de pharmacopée chinoises792.

165- En pratique, rôle semi-officiel. De surcroît, les fonctions de cet organisme ne se limitent pas aux recherches académiques, car il se charge également des problématiques concernant l’encadrement de la formation en médecine chinoise, comme l’établissement de réseaux dans les provinces, la résolution des conflits entre les antennes de la maison centrale et les autres associations de médecine, la gestion de l’inscription des écoles de médecine chinoise au registre, la remise des diplômes, et contribue même à l’élaboration des standards de la médecine chinoise, etc.793 Ainsi, nous pouvons dire qu’elle possède un caractère semi-officiel, et s’occupe réellement de l’administration de la formation en médecine chinoise de l’époque.

B. La formation en médecine chinoise : un cheminement original.

Malgré les interdictions et autres incitations négatives ponctuelles du gouvernement de Beiyang et du gouvernement nationaliste, la formation en médecine chinoise ne s’est jamais interrompue. Selon les statistiques, de la fondation de la République de Chine jusqu’à la fin de la Guerre sino-japonaise, il y aurait eu environ 80 écoles de médecine chinoise établies par les

790 Le Programme des normes académiques de la médecine et de la pharmacopée est adopté le 29 avril 1933, Ibid., 297‑300. 791 Le point névralgique de cette question est bien l’affaire de la norme choisie, car la majorité des noms chinois des maladies sont changés en noms occidentaux. Cela a provoqué un ample mécontentement au sein des milieux de la médecine chinoise, Ibid., 300‑302. 792 Le but est d’avoir des manuels et des classiques standardisés pour la formation en médecine chinoise, Ibid., 303‑7. 793 Ibid., 307‑13. 232 organisations académiques ou par des médecins célèbres794. De plus, grâce à la création de la maison centrale de la Médecine du pays, la formation en médecine chinoise conquiert progressivement son statut légal, et moyennant l’adoption du Programme des normes provisoire sur l’établissement des écoles spécialisées en médecine du pays et l’institut de la médecine du pays795 le mai 1935, les milieux médicaux chinois peuvent enfin établir leur propre programme standard qui comprend l’administration et l’enseignement de leurs écoles 796 . Selon les particularités de chaque école de médecine chinoise, les spécificités de la formation se déclinent par la division des matières de la médecine et les durées d’études variées (1), et par les méthodes d’enseignement spéciales (2).

1) Une division des matières très moderne et des durées d’études variées.

166- Une division des matières très moderne. L’indifférence relative à l’égard de la formation en médecine chinoise des gouvernements conduit paradoxalement à une certaine autonomie dans ce champ. Les milieux de la médecine chinoise gèrent la formation de leur profession principalement par le biais de la maison centrale de la Médecine du pays, des associations et de leurs réunions. En résulte que la pédagogie utilisée dans les écoles de médecine chinoise est très libre.

En général, les cours enseignés consistent en un mélange de savoirs provenant de domaines variés. Le plus souvent, ces cours sont classés en deux catégories : la discipline fondamentale et la discipline appliquée, ils contiennent donc non seulement la médecine

794 Zhiya Zhen, 中国医学史 (Zhongguoyixueshi, Histoire de médecine de la Chine), 2e éd. (Pékin: People’s Medical Publishing House, 2008), 495‑96. 795 Programme des normes provisoire sur l’établissement des écoles spécialisées en médecine du pays et l’institut de la médecine du pays ( 国医专科学社及国医研究所立案暂行标准大纲 , Guoyizhuankexueshejiguoyiyanjiusuolianzanxingbiaozhundagang). 796 Ce programme fait référence au système d’enseignement moderne ; les écoles de médecine possèdent trois niveaux : lycée professionnel, institut professionnel et institut de recherche ; seuls les titulaires du baccalauréat peuvent être recrutés dans les écoles supérieures de médecine chinoise ; les cours comprennent 21 matières, etc. Zengguo Zhang, « Study on History of Education in Modern TCM Schools » (Thèse en histoire, Shandong University of Traditional Chinese Medicine, 2011), 34. 233 chinoise, mais aussi le savoir scientifique occidental, incluant donc la médecine occidentale, voire les langues, la politique, les affaires militaires, etc.797

167- Des durées d’études variées. Il existe un accord sur la durée des études, qui est de 5 ans et est fixée par les milieux de la médecine chinoise en 1929798 ; ce dernier doit être respectée par leurs écoles, mais en réalité, et selon les établissements, ces durées peuvent être très variées, allant de 1 à 5 ans 799 . Évidemment, cela n’est pas un phénomène favorisant l’enseignement unifié du savoir médical chinois. Ainsi, parce que cette médecine a un fort caractère d’individualisme, et que les accords de la profession ne peuvent pas être une contrainte suffisamment forte, il faut donc établir des mesures qui sont imposées par l’État pour que la formation de cette médecine arrive à s’adapter au nouveau système éducatif. Et comme nous l’avons déjà expliqué, aucun des gouvernements successifs de la République de Chine ne prendra les mesures nécessaires pour obtenir ce résultat.

2) Les nouvelles méthodes d’enseignement.

Quand l’enseignement en médecine chinoise a été transféré dans les écoles établies sur les bases du système scolaire moderne, il a été obligé de trouver de nouvelles méthodes d’enseignement pour s’y adapter. Parmi celles-ci, la rédaction des manuels (a) et la répartition entre les cours théoriques et les cours pratiques (b) sont les innovations les plus représentatives.

797 Donnée issue de la liste des cours adoptée par la 2e réunion nationale de la rédaction des manuels des écoles de médecine chinoise qui a lieu à Shanghai en 1929, Ibid., 35. 798 Lors de la 2e réunion nationale pour la rédaction des manuels des écoles de médecine chinoise, qui a lieu à Shanghai en 1929. 799 Zhang, « Study on History of Education in Modern TCM Schools », 35‑39. 234

a) La rédaction des manuels.

Les manuels de médecine occidentale peuvent évidemment être traduits ou importé directement depuis les pays étrangers ; en revanche, la rédaction des manuels pour la médecine chinoise est un processus au départ plus complexe et difficile.

168- Un processus au départ plus complexe et difficile. C’est en juillet 1929, pendant la réunion du Comité de rédaction des manuels, que les milieux de la médecine chinoise décident de rédiger entièrement des manuels pour leurs écoles. D’après les actes de cette décision, officiellement, il y a 29 matières devant être réparties sur 5 ans d’études, et la majorité de ces matières est tirée des grands classiques de la médecine chinoise800. À partir des années trente, sous l’influence du courant de « l’estime pour la science »801 , les rédacteurs des manuels essayent d’intégrer conjointement les doctrines chinoise et occidentale dans les manuels : malheureusement, à cause des difficultés alors rencontrées, cette tentative n’est pas très fructueuse802. Toutefois, ces initiatives marquent une nouvelle étape dans le développement de la médecine chinoise moderne.

b) La répartition entre les cours théoriques et les cours pratiques.

169- La médecine chinoise est une médecine provenant de la pratique et de l’expérience. Malgré l’influence de la science occidentale, il est heureux de voir que, même si la formation ne suit plus sa méthode traditionnelle, dans la pédagogie des écoles de médecine chinoise, une des traditions importantes de cette médecine, c’est-à-dire insister sur l’importance de la pratique et de l’expérience médicales, peut être conservée.

Prenons l’exemple de l’école spécialisée en médecine chinoise Lanxi803 : sur les cinq ans d’études prescrites, les deux premières années sont les cours préparatoires, et au cours des

800 Ibid., 47. 801 Voir le chapitre 3. 802 Zhang, « Study on History of Education in Modern TCM Schools », 48. 803 Ecole spécialisée en médecine chinoise Lanxi (兰溪中医专门学校, Lanxizhongyizhuanmenxuexiao), établie en 1919 dans la province de Zhejiang. 235 suivantes, la majorité des enseignements sont consacrés aux cas pratiques804. Ainsi les examens mettent un accent particulier sur la capacité des pratiques médicales en manière traditionnelle, c’est-à-dire sur la capacité à maîtriser les méthodes de diagnostic traditionnelles 805 et l’utilisation des 8 principes directeurs806-807.

La nouvelle méthodologie adoptée pour la formation en médecine chinoise n’est pas une simple copie de celle de la médecine occidentale. Elle a su tirer les avantages de cette dernière, et les combiner avec les particularités de la médecine chinoise, pour créer une forme de syncrétisme naturellement chinois dans son essence.

***

Le caractère traditionnel de la médecine chinoise détermine le fait que sa formation demeure très conservatrice808. Si la pénétration de la médecine occidentale ne l’avait pas mise face à une dialectique de la survie ou de l’extinction, la formation en médecine chinoise aurait volontiers continué son chemin immuable. Si nous considérons que sous la République de Chine la médecine a vécu une période d’adaptation passive, nous allons voir qu’à la suite de la fondation de la République Populaire de Chine, ce processus d’adaptation devient de plus en plus actif, surtout grâce aux politiques visant à « fusionner les deux médecines, et les intégrer ensemble dans la médecine de Chine » préconisées par Mao Zedong (1893-1976)..

804 Zhang, « Study on History of Education in Modern TCM Schools », 44. 805 L’observation, la question et la palpation. 806 Yin/Yang, Chaud/Froid, Vide/Excès, Intérieur/Extérieur. 807 Zhang, « Study on History of Education in Modern TCM Schools », 44‑45. 808 Voir la discussion sur la nature traditionnelle de la médecine chinoise dans le Chapitre 3. 236

Chapitre II : Les statuts juridiques des deux médecines dans les territoires sous contrôle du Parti communiste chinois (1927-1949).

L’analyse se déroule chronologiquement en deux parties : il s’agit d’analyser d’abord les rôles respectifs des deux médecines durant la genèse du pouvoir communiste (1927-1937) (section I), puis les esquisses d’un système de coexistence (1937-1949) (section II).

Section I : Les rôles des deux médecines pendant les premières heures de la fondation du pouvoir communiste (1927-1937).

Comme dans le cas de la plupart des forces armées antigouvernementales, dans n’importe quel pays, l’agrandissement et le renforcement de l’Armée rouge chinoise a contribué à l’édification des bases du Parti communiste chinois, et le développement de ce dernier a largement renforcé la légitimité de la première : en d’autres termes, il y a un lien de cause à effet réciproque entre les deux. De même, les besoins médicaux militaires nécessitent la mise en place d’un système de santé sur les territoires occupés par le Parti communiste, et l’établissement de ce système commence dans les troupes de l’Armée rouge chinoise. Dans un premier temps, afin de répondre au besoin médical urgent, les troupes communistes recourent à tous les moyens de secours médicaux possibles, dont les deux médecines sans discrimination autre que celle de l’utilité, de la fonctionnalité (I) ; ensuite, et en retenant l’exemple du système de santé appliqué dans l’armée, les gouvernants communistes se mettent à leurs premières expériences de création du système de santé civil, fixant souvent par là-même les statuts juridiques de chaque médecine (II).

237

I. L’emploi des deux médecines en harmonie avec les besoins militaires.

Depuis le soulèvement de Nanchang en 1927809, les troupes communistes sont toujours inquiètes d’avoir des soldats blessés et malades. Entre-temps, les conditions de traitement médical sont mauvaises si bien que la conscription devient difficile 810 . Les dirigeants communistes s’aperçoivent de l’urgence de ce problème 811 , et commencent à attacher de l’importance à l’établissement des organismes médicaux, à la fourniture des médicaments (A) et à la formation du personnel médical 812(B).

A. Le système médical militaire initial : rudimentaire mais pragmatique.

170- L’établissement du système médical militaire est un processus évolutif. Pourtant, il nous faut essayer d’en retracer une chronologie simple. En août 1927, au moment où le soulèvement de Nanchang éclate, l’hôpital religieux d’Angleterre à Tingzhou offre des traitements à plus de 300 soldats blessés ; à la fin du mois de septembre de la même année, la troupe du « soulèvement de la récolte d’automne » dirigée par Mao Zedong crée une équipe de

809 Le soulèvement de Nanchang (南昌起义, Nanchangqiyi), le 1er août 1927, est le premier affrontement militaire entre le Parti nationaliste chinois et le Parti communiste chinois, et est considéré comme l’un des premiers épisodes de la guerre civile entre ces deux Partis. Selon la décision de la Commission militaire révolutionnaire centrale du Parti communiste chinois du 30 juin 1933, le 1er août est le jour commémoratif de la fondation de l’Armée rouge chinoise, Chunzeng Lin, « “八一” 建军节与 “八一” 军旗的由来 (“Bayi”jianjunjieyu"Bayi"junqideyoulai, les origines du jour des forces armées “Bayi” et du drapeau militaire “Bayi”) », Trade Union Financial Affairs of China 8 (1996): 47. 810 Kemin Yang, « 关于湘赣边苏区情况的综合报告 (1929 年 2 月 25 日 ) (GuanyuXiang- Ganbiansuquqingkuangdezonghebaogao (1929/2/25), Rapport synthétique sur la situation de la base soviétique Xian-Gan (le 25 fevrier 1929)) », in 新中国预防医学历史资料选编 (Xinzhongguoyufangyixuelishiziliaoxuanbian, Recueil des documents historiques de la médecine préventive de la nouvelle Chine), éd. par Enxian Gao, 1 (Pékin: People’s Military Medical Press, 1986), 2. 811 Dans son livre Pourquoi le pouvoir rouge chinois peut exister ( 中国红色政权为什么能够存在 , zhongguohongsezhengquanweishenmenenggoucunzai), Mao Zedong confesse les mauvaises conditions pour l’administration des traitements médicaux dans l’Armée rouge chinoise. Selon lui, établir de meilleurs hôpitaux de l’Armée rouge est une des trois méthodes pour consolider les bases révolutionnaires, Zedong Mao, Selected Works of Mao Zedong, vol. 1 (Pékin: People’s Publishing House, 1966), 54. 812 Selon la décision rendue lors de la IXème session de l’Assemblé de la quatrième armée de l’Armée rouge du Parti communiste chinois qui a lieu le décembre 1929, State Archives Administration, éd., « 中国共产党红军第 四军第九次代表大会决议案(1929 年 12 月) (Zhongguogongchandanghongjundisijundijiucidaibiaodahuijueyian (1929 nian 12 yue), Les délibérations prises par la neuvième Assemblée de la quatrième armée de l’Armée rouge du Parti communiste chinois) », in 中共中央文件选集 (Zhonggongzhongyangwenjianxuanji, Recueil des documents du Comité central du Parti communiste chinois), vol. 5 (Pékin: CPC Central Party School Press, 1990), 831. 238 santé qui est considérée comme le premier organisme médical officiel de l’Armée rouge chinoise. Puis, le 7 octobre, le premier hôpital d’une base révolutionnaire est établi dans le village de Maoping en province du Hubei813. A partir de là, et suivant l’accroissement graduel de l’effectif militaire, chaque armée installe son propre service de santé qui contient souvent plusieurs équipes de secours : l’équipe qui donne les premiers soins pendant les combats, l’équipe qui se charge du transport des soldats blessés ou malades, l’équipe de garde-malade, etc. Le 25 septembre 1930, la Charte des soldats de l’Armée rouge814 décide officiellement que la création d’un système sanitaire est une obligation dans chaque troupe815. C’est en avril 1931 que le département général de la médecine militaire816 qui est l’organisme commandant pour l’administration de la santé est fondé ; grâce à cela, et après 1932, les organisations des services médicaux de toutes les unités sont unifiées817. Entre cette date et 1933, le ministère de la Santé publique de la base révolutionnaire centrale publie le Règlement de la santé818 dans lequel les institutions des hôpitaux, des traitements médicaux, de la prévention des épidémies, des médicaments, etc. sont fixées819, c’est-à-dire que l’on assiste à la mise en place initiale d’un système de santé purement militaire.

Afin de bien démontrer le pragmatisme et la simplicité de l’organisation de ce système, rien ne peut être plus clair qu’un schéma détaillé :

813 Enxian Gao, « On the Military Medical Work of Chinese Red Army During Her Fonding and the Jinggang Mountains Struggle », Medical Journal of Chinese People’s Liberation Army, no 4 (1981): 238‑40. 814 Charte des soldats de l’Armée rouge (红军士兵会章程, hongjunshibinghuizhangcheng), publiée par le département politique général de la première armée de l’Armée rouge. L’Armée rouge se divise en trois groupes d’armées : le premier groupe d’armée, le deuxième groupe d’armée et le quatrième groupe d’armée. 815 Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 27. 816 Département général de la médecine militaire (总军医处, zongjunyichu). 817 Ibid. 818 Règlement de la santé (卫生法规, weishengfagui). 819 Enxian Gao, 中国工农红军卫生工作历史简编 (Zhongguogongnonghongjunweishenggongzuolishijianbian, Résumé de l’histoire du travail de santé de l’Armée rouge chinoise) (Pékin: People’s Military Medical Press, 1987), 48. De 1930 jusqu’avant la Longue Marche (15 octobre 1934 – 19 octobre 1935), la première armée a créé à la base révolutionnaire centrale 10 hôpitaux, 10 hôpitaux préparatoires, 6 hôpitaux aux dépôts militaires, 2 hôpitaux pour soldats estropiés et 1 maison de cure, Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 28. 239

Département général de la Santé de la Commission centrale militaire révolutionnaire

Département de la Santé Départements de la Santé du dépôt général de des groupes d’armées soldats

Départements de la Santé Hôpitaux logistiques des des armées régions

Hôpitaux de campagne Hôpitaux des dépôts de Fabrique des matériaux Hôpitaux auxiliaires des Hôpitaux logistiques auxiliaires soldats de la santé dépôts de soldats

Postes de transport des Postes de transport des Postes de transport des soldats blessés soldats blessés soldats blessés

Départements de la Santé des divisions

Equipes de la Santé des régiments

Postes de pansement

Hôpitaux de campagnes

Postes de transport des soldats blessés

240

171- Des solutions pragmatiques face au manque de ressources financières. Le travail de la santé publique militaire s’effectue en s’appuyant bien sûr sur un tel système, qui pallie à beaucoup de problèmes causés par l’insuffisance de ressources financières820 821. Sachant que les médicaments chinois sont bien moins coûteux et plus faciles à se procurer, les établissements médicaux utilisent tous types de médicaments qu’ils arrivent à acquérir. Dans la pratique, les médicaments chinois sont utilisés pour soigner les maladies courantes, et les médicaments occidentaux sont conservés surtout pour les blessures graves et les urgences.

Le système de prévention des épidémies822 et de la gestion de l’hygiène collective est également établi dans ce premier temps. Il s’agit des règlements qui consistent essentiellement à rapporter immédiatement une situation d’épidémie à l’autorité supérieure, des règles d’isolation, de désinfection, ou encore de pénalité en cas de mauvaise exécution des règles précitées823. En réalité, l’objectif direct de cet arrangement est d’éviter l’augmentation de la demande des médicaments824. Le raisonnement des dirigeants communistes est simple, s’ils s’attaquent directement aux causes des maladies, il y aura moins de malades, donc moins de besoins en ressources médicales : cette politique est donc d’abord un choix par nécessité.

B. Un niveau de formation du personnel médical discutable.

172- Une grande estime pour les médecins en médecine occidentale. Pendant les dix ans de la première guerre civile (1927-1937), les armées communistes manquent gravement de

820 Enxian Gao, Liang Gao, et Jinshi Chen, 新中国预防医学历史资料选编 (Xinzhongguoyufangyixuelishiziliaoxuanbian, Compilation des documents historiques de la médecine préventive de la nouvelle Chine) (Pékin: People’s Military Medical Press, 1986), 164. 821 Dans les hôpitaux, à cause de l’insuffisance des médicaments, et sauf dans un cas nécessaire et absolu, les médecins généralistes ne prescrivent pas d’ordonnances ; pour calmer la douleur, le seul moyen est de fumer de l’opium ; les opérations de chirurgie ont souvent lieu dans des conditions exécrables où manquent surtout la stérilisation et la désinfection ; pour les blessés, l’ des plaies devient ordinaire, etc. Ibid., 495‑96. 822 Il s’agit de 9 épidémies, le choléra, la dysenterie rouge, la petite vérole, la fièvre typhoïde, la méningite épidémique, la fièvre scarlatine, la peste, le typhus exanthématique et la diphtérie, confirmé par Règlement provisoire de la prévention (暂定传染病预防条例, zandingchuanranbingyufangtiaoli) publié par la Commission centrale militaire révolutionnaire le 27 octobre 1933, Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 46. 823 Ibid. 824 Ibid., 46‑47. 241 médecins de manière générale, et plus particulièrement de médecins en médecine occidentale. Durant cette période, les médecins diplômés des écoles de médecine moderne sont traités comme des ressources précieuses : leurs sont confiés non seulement les missions de santé, mais aussi des postes administratifs importants. Par exemple, s’il y a un ou deux médecins de ce genre disponibles, et si c’est au sein d’une armée, ce médecin cumule sa pratique avec le poste de chef de l’hôpital militaire ; si c’est dans une division, ce médecin est également le responsable du département de la santé, et possiblement en cas de guerre, commandant de l’hôpital de première ligne ; si c’est dans un régiment, ce médecin est aussi à la tête de toute l’équipe médicale ; au sein des institutions médicales militaires subordonnées et des maisons de cures, les postes de dirigeant sont confiés aux médecins, etc. A l’exception du département de la santé d’échelon divisionnaire et des hôpitaux de première ligne, qui peuvent avoir deux médecins en médecine occidentale, le reste des organismes n’a la possibilité d’en avoir qu’un seul825. En outre, et conformément à l’ordre de la Commission militaire centrale publié le 1er janvier 1933, « sauf obtention de l’accord de la Commission militaire révolutionnaire centrale, le personnel médical de l’Armée rouge chinoise n’a pas le droit de changer de poste à discrétion826 ». Onze mois plus tard, le 6 décembre, la même Commission publie un autre ordre qui met l’accent sur l’utilisation des médecins : chaque département de la Santé des divisions peut décider librement du dispositif et de l’emploi de son personnel, mais les médecins sont exclusivement envoyés par le département général de la Santé827.

Ces médecins sont soit des médecins civils qui se joignent à l’Armée rouge, soit des médecins militaires de l’armée gouvernementale capturés828. Afin de répondre aux besoins médicaux dans l’armée, former plus de personnel médical devient une nécessité urgente.

825 Ibid., 34. 826 Gao, Gao, et Chen, 新中国预防医学历史资料选编 (Xinzhongguoyufangyixuelishiziliaoxuanbian, Compilation des documents historiques de la médecine préventive de la nouvelle Chine), 65. 827 Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 34. 828 Au cours de la bataille de Yangjiayuanzi (杨家园子) en avril 1935, l’armée communiste s’est emparée de l’important butin d’un régiment de l’armée gouvernementale, dont tout le personnel médical et les instruments médicaux. Grâce à ces hommes et ces biens, l’hôpital de la Commission militaire du nord-est de l’Armée rouge chinoise est établi, Gao, Gao, et Chen, 新中国预防医学历史资料选编 (Xinzhongguoyufangyixuelishiziliaoxuanbian, Compilation des documents historiques de la médecine préventive de la nouvelle Chine), 495. 242

173- Le niveau de formation était discutable. Il est certain que, tant par la qualité d’enseignement que par les conditions matérielles, les écoles de médecine militaire et les écoles de santé établies par l’Armée rouge sont beaucoup plus rudimentaires que celles dans les villes contrôlées par le gouvernement nationaliste. De plus, il est alors évident que ces écoles ne sont pas encore capables de former des médecins assez compétents aussi rapidement, plutôt des secouristes qui possèdent quelques savoirs de médecine de base. En voici les principales raisons :

En premier lieu, il est inimaginable qu’une formation correcte aboutisse sans projet d’enseignement précis, ce qui est exactement le cas pour la formation médicale au sein de l’Armée rouge à ce moment. Les projets d’enseignement sont décidés par les circonstances actuelles, et parfois, les cours de pratique s’effectuent directement sur le front des combats829. Manque aussi un système d’enseignement réel, fiable et pensé.

En second lieu, pour bien apprendre la médecine occidentale, il est nécessaire d’avoir des connaissances en science moderne. Or, en réalité, dans les campagnes, l’éducation est encore sous-développée et les candidats sont souvent des paysans et un faible nombre d’ouvriers. Dans ce cas-là, il est irréaliste d’attendre un niveau d’instruction suffisant des élèves. Finalement, les conditions requises pour être accepté dans certaines écoles ne sont pas assez strictes et suivies : il suffit de ne pas être analphabète et d’avoir une bonne condition physique, ainsi qu’une bonne qualité morale830.

En troisième et dernier lieu, il ne s’agit pas encore d’une formation qui contient toutes les matières essentielles de la médecine, mais bien plutôt d’une formation utilitaire. Le contenu

829 Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 49‑50. 830 Selon la « Notification sur le recrutement des stagiaires » afin d’élargir l’organisation des équipes médicales de l’Armée rouge, émise par le gouvernement soviétique de Minxi (闽西) le 18 juillet 1930, six conditions sont requises : être physiquement fort ; avoir entre 18 ans et 26 ans ; être bienveillant ; savoir lire ; être discret ; être révolutionnaire et avoir de l’affection pour la patrie, Gao, Gao, et Chen, 新中国预防医学历史资料选编 (Xinzhongguoyufangyixuelishiziliaoxuanbian, Compilation des documents historiques de la médecine préventive de la nouvelle Chine), 17. 243 d’enseignement de cette formation s’adapte automatiquement au système médical militaire présent et privilégie les matières concernant les secours médicaux en temps de guerre831.

En somme, dans l’armée, les objectifs médicaux et sanitaires sont poursuivis dans des circonstances précaires. Certaines règles sont établies, mais il est difficile de dire si l’administration de la santé arrive pour autant à fonctionner systématiquement.

Malgré tout cela, il y a quand même des points positifs à noter, comme la création des hôpitaux, la popularisation des savoirs basiques d’hygiène et de secours médicaux, l’utilisation commune des deux médecines pour réduire le coût de traitement médical autant que possible, etc. De plus, ces difficultés et ces manques servent de leçon profitable pour les futurs projets de systèmes de santé publics.

II. La situation des deux médecines dans l’édification du système de santé territorial du Parti communiste.

La fondation des bases révolutionnaires communistes est le résultat aussi du besoin d’agrandissement de l’Armée rouge. À leur stade embryonnaire, les fonctions principales de ces bases se centralisent encore sur les services logistiques pour l’armée, mais pour le pouvoir communiste, la situation sanitaire déplorable est un des problèmes incontournables à résoudre, car celle-ci impacte largement sur la force combative des soldats et sur la productivité matérielle des territoires dépendants. Il est donc important d’avoir un système sanitaire (A) qui est, avant tout, adapté à la réalité des campagnes ; néanmoins, ce qui reste le plus urgent, c’est, et par tous les moyens, d’assurer le traitement des blessés et l’approvisionnement en fournitures médicales (B).

831 Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 49‑50. 244

A. Les premiers systèmes de santé des territoires du Parti communiste : un résultat du mélange de la centralisation des pouvoirs et de la mobilisation des masses populaires.

À cette période, au regard de l’instabilité et du rôle logistique important des bases communistes, nous pouvons nous demander s’il existe un système de santé formel ? La réponse est positive, mais il s’agit seulement d’une phase embryonnaire dans un processus progressif :

Les premiers établissements médicaux apparaissent dans les lieux contrôlés par les communistes, et consistent en hôpitaux et en départements de la Santé militaire. A cette époque, on ne peut pas vraiment parler d’installations, car ces établissements changent souvent d’emplacement en suivant les mouvements des armées, et il n’y a ainsi pas d’organisme de santé fixé dans tel ou tel endroit.

Puis, en parallèle avec l’accroissement de la force militaire du Parti communiste, la situation évolue petit à petit, et les autorités locales soviétiques-chinoises commencent à mettre l’établissement des organismes de santé à l’ordre du jour832. Il faut attendre la fondation la République soviétique chinoise le 7 novembre 1931, pour que la réalité permette enfin d’établir un système de santé plus ou moins stable.

De manière générale, l’administration territoriale de la République soviétique chinoise est divisée en quatre niveaux verticaux : sheng (省), xian (县), qu (区) et xiang/shi (乡/ 市)833. Le gouvernement soviétique installe son système de santé en suivant cette division territoriale,

832 Par exemple, dans le Programme d’action de la Commission révolutionnaire de la province Jiangxi (江西省革 命委员会行动纲领, Jiangxishenggemingweiyuanhuixingdonggangling) publié en septembre 1927, les autorités proposent d’établir des hôpitaux normaux et des hôpitaux spéciaux ; dans le Programme politique soviétique provisoire de la province de Jiangxi (江西省苏维埃临时政纲, Jiangxishengsuweiailinshizhenggang) publié en novembre 1927, il y a des propositions concernant la création des hôpitaux, des maisons de retraite, des crèches et des maisons d’accueils spécialisées pour les personnes handicapées, Centre de recherche de la Santé de la base soviétique de l’école de médecine de Gannan, éd., 中央苏区卫生工作史料汇编 (Zhongyangsuquweishenggongzuoshiliaohuibian, Recueil des documents historiques du travail de santé de la base soviétique centrale) (Pékin: People’s Liberation Army Publishing House, 2012), 2. En juillet 1929, à Minxi (闽西), le gouvernement local voit l’établissement des hôpitaux comme une des affaires importantes dans l’édification de base, Les autorités de Minxi, éd., 中 央 革 命 根据地史料选编 (Zhongyanggeminggenjudishiliaoxuanbian, Recueil des documents historiques de la base révolutionnaire centrale), vol. 2 (Nanchang: Jiangxi People’s Publishing House, 1982), 17. 833 Ici, pour éviter de confondre les administrations territoriales française et chinoise, nous préférons utiliser les termes chinois pour désigner les unités administratives de la République soviétique chinoise. 245 et fait même référence au système de santé du gouvernement nationaliste, en lui empruntant sa vision rurale spécifique.

174- Ce qui ont fait référence au système de santé du pouvoir nationaliste. Tout d’abord, au niveau du gouvernement soviétique central, l’organisation de l’administration de la santé ressemble à celle du gouvernement nationaliste. La situation s’explique facilement : selon le projet de Constitution de la République soviétique chinoise834 de janvier 1934, le gouvernement crée la Commission populaire de la Santé, qui est rapidement abrogée dès la constitution de la première Commission centrale, et la fonction sanitaire est alors confiée à la Commission populaire de l’Intérieur835. Au sein de cette dernière, l’organisme qui se charge spécialement des affaires de la santé publique est le bureau de la Santé, qui est l’organisme provisoire en attendant l’établissement du ministère de la Santé 836 . Pour les gouvernements locaux aux niveaux sheng et xiang, les autorités ont créé un département de la Santé837 ; et dans le présidium de l’Assemblée soviétique de chaque xiang/shi, il y a une section de la Santé838.

La similitude avec le système sanitaire du gouvernement nationaliste se poursuit, puisque les pouvoirs exécutifs des bureaux de la Santé et des sections de la Santé sont également répartis en deux domaines : le premier concerne l’administration médicale, c’est-à-dire l’examen et l’inspection des médecins et des pharmaciens, le contrôle des médicaments et des matériaux médicaux ; le deuxième concerne la gestion de l’hygiène collective et la prévention des épidémies839.

834 Projet de Constitution de la République soviétique chinoise ( 中华苏维埃共和国宪法草案 , zhonghuasuweiaigongheguoxianfacaoan). 835 Les autorités de Minxi, 中央革命根据地史料选编 (Zhongyanggeminggenjudishiliaoxuanbian, Recueil des documents historiques de la base révolutionnaire centrale), 2:96. 836 Programme provisoire d’organisation du ministère de l’Intérieur ( 内 务 部 暂 行 组 织 纲 要 , neiwubuzanxingzuzhigangyao) publié le 9 juin 1932 d’après la 16ème réunion régulière de la Commission populaire, Centre de recherche de la Santé de la base soviétique de l’école de médecine de Gannan, 中央苏区卫生工作史料 汇编 (Zhongyangsuquweishenggongzuoshiliaohuibian, Recueil des documents historiques du travail de santé de la base soviétique centrale), 96. 837 Département de la Santé (卫生部, weishengbu). Ceux-ci sont nommés similairement à ceux du ministère de la Santé du gouvernement nationaliste. 838 Section de la Santé (卫生科, weishengke), Centre de recherche de la Santé de la base soviétique de l’école de médecine de Gannan, 中央苏区卫生工作史料汇编 (Zhongyangsuquweishenggongzuoshiliaohuibian, Recueil des documents historiques du travail de santé de la base soviétique centrale), 96. 839 Ibid. 246

175- Ce qui ont inventé par le pouvoir communiste. La population agricole considérable est une des particularités sociales durables en Chine. En se basant sur cette réalité, les dirigeants communistes promeuvent un mouvement populaire « spontané » pendant l’établissement du système de santé dans les campagnes840.

Pour jauger de l’efficacité et de l’organisation de ce mouvement, il est assez facile de commencer à chercher la réponse dans les bases de droit concernant la gestion de ce mouvement : par exemple, dans le Programme du mouvement pour la santé841 publié en mars 1933. Ce programme est arrangé de manière minutieuse et complète, car depuis le pouvoir central jusqu’à chaque foyer, toutes les unités de la société sont mobilisées. Précisément, il demande d’établir des commissions ou des groupes sanitaires non seulement dans chaque ville842, village, organisation, mais aussi dans les unités d’armée. Concrètement, dans chaque petite ville et grand marché, il faut créer une commission du mouvement de la santé (CMS) ; dans les grandes villes, il faut installer des commissions générales du mouvement de la santé qui seront sous la direction des sections sanitaires des municipalités soviétiques (les grandes villes étant subdivisées en un certain nombre de districts, chaque district doit posséder une CMS ; de plus, chaque commission est subdivisée en groupes sanitaires, composés de 10 à 15 foyers ; le quadrillage des villages de campagne fonctionne sur le même modèle). Selon les sources officielles du Parti communiste chinois, ces mesures ont pour but de « détruire le régime féodal et d’améliorer la condition de vie du peuple »843. En raison du manque de statistiques fiables844, nous ne pouvons pas connaître le niveau exact de cette amélioration, mais ce qui est certain c’est que grâce à ces arrangements, l’organisation de l’administration de la santé dans les territoires de la République soviétique chinoise est, désormais, bien plus systématique, ce

840 La pensée de Mao confirme l’idée que mobiliser la masse et ses enthousiasmes est une méthode efficace pour la cause révolutionnaire, « 毛泽东论党的群众工作 (Maozedonglundangdequnzhonggongzuo, Discours de Mao Zedong sur le travail de la masse du Parti communiste chinois) », consulté le 23 juin 2016, http://qzlx.people.com.cn/n/2013/0530/c364603-21671372.html. 841 Programme du mouvement pour la santé (卫生运动纲要, weishengyundonggangyao). 842 Les villes dont se sont emparées par l’armée communiste. 843 State Archives Administration, éd., 中共中央文件选集 (Zhonggongzhongyangwenjianxuanji, Le recueil des documents du Comité central du Parti communiste chinois) (Pékin: CPC Central Party School Press, 1983), 465. 844 C’est seulement pendant la période de la seconde guerre civile que le Parti communiste commence à promouvoir l’importance de l’outil statistique. Par exemple, le 15 octobre 1948, le quartier général de la région militaire de Huabei publie le Règlement pour établir le système régulier du travail de statistique. (建立正规统计 工作制度的规定, jianlizhengguitongjizhidudeguiding), Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 170. 247 qui est avantageux pour les étapes suivantes du développement d’institutions médicales et sanitaires dans les mêmes territoires. Voici un schéma résumant l’ensemble des niveaux d’implication et d’organisation découlant du mouvement populaire pour la santé animée par le gouvernement des bases soviétiques chinoises845 :

845 Ibid., 92. 248

Gouvernement central provisoire de la République soviétique chinoise

Bureau de l’administration de la santé du département de l’Intérieur

Départements de la Santé Sections de la Santé des des commissions départements de exécutives des assemblées l’Intérieur de shengs soviétiques de shengs

Départements de la Santé Sections sanitaires des des commissions départements de exécutives des assemblées l’Intérieur de xiangs soviétiques de xiangs

Sections sanitaires des Sections sanitaires des présidiums des assemblées présidiums de qus soviétiques de shis

Commissions du mouvement de la santé (CMS) des petites villes et des grands marchés

CMS des grandes villes

CMS des districts sanitaires

Groupes sanitaires

CMS des xiangs

Groupes sanitaires

CMS des organismes

249

B. Problèmes liés aux traitements médicaux et aux fournitures médicales.

En étudiant toujours cette politique de la mobilisation de masse, ce qui reste le plus intéressant à noter concerne la situation des établissements médicaux (1), de la formation en médecine (2) et de la gestion des fournitures médicales, notamment par rapport au premier système de coopérative de médicaments (3).

1) Des établissements médicaux avec des capacités de traitement inégales.

176- Des grands écarts parmi les établissements de santé. Depuis l’installation du pouvoir dans les territoires nouveaux, chaque base installe plusieurs établissements publics de santé, dans les bourgs voire les district, destinés à procurer gratuitement des soins médicaux au peuple846 et à l’armée847. Une partie de ces établissements, qui existaient déjà avant l’arrivée de l’Armée rouge chinoise et qui furent créés par les missionnaires occidentaux, sont récupérés et intégrés au nouveau système, tandis que d’autres structures, les hôpitaux, les établissements médicaux de la médecine chinoise, les écoles de médecine 848 , les coopératives de médicaments849, etc.850 sont créées par le pouvoir communiste. Les conditions des traitements

846 La décision de la deuxième Assemblée des ouvriers, des paysans et des soldats du village Yongding (永定县) en février 1930 statue que chaque district doit installer un ou deux centres de soin en plus des établissements médicaux publics ; que ce sont les gouvernements locaux des districts qui engagent les médecins ; et que les consultations sont gratuites, Archives de la province de Fujian, éd., 福 建 革 命 历 史 文 件 汇 集 (Fujiangeminglishiwenjianhuiji, Recueil des documents historiques de la révolution de Fujian), 1985, 14. De même, en mars 1930, la première Assemblée des ouvriers, des paysans et des soldats de Minxi (闽西) prend et défend les mêmes décisions, Archives de la province de Fujian, 福建革命历史文件汇集 (Fujiangeminglishiwenjianhuiji, Recueil des documents historiques de la révolution de Fujian), 1985, 48. 847 Les frais médicaux des officiers et des soldats sont payés, selon l’état et la nature des maladies, par les gouvernements des bases ou par les quartiers généraux régimentaires, Archives de la province de Fujian, 福建革 命历史文件汇集 (Fujiangeminglishiwenjianhuiji, Recueil des documents historiques de la révolution de Fujian), 18. 848 A cause du manque de personnel médical, les écoles ont le droit d’exécuter les pratiques médicales courantes, et bien souvent, dès que les candidats sont recrutés comme élèves ou stagiaires, ils sont déjà considérés comme personnel médical, Ibid., 179‑96. 849 Voir le texte suivant : « c. La première coopérative de médicaments : une des solutions propres pour les problèmes de manque de fourniture médicales ». 850 L’exemple de Longyan dans la province de Fujian, Commission de la compilation des annales de Longyan, éd., 福建省龙岩地区志 (Fujianshenglongyandiquzhi, Annales de Longyan de la province de Fujian) (Shanghai: Shanghairenminchubanshe, 1992), 1308. 250 médicaux de ces établissements connaissent de grandes disparités, avec celles des hôpitaux religieux qui demeurent souvent meilleures, alors que dans le même temps ce sont parfois des maisons de paysans que l’on transforme sommairement en hôpitaux ou en centres de soin851.

177- La répartition géographique du personnel médical n’est pas équilibrée. Souvent, dans les hôpitaux importants, il y a plus de médecins ou médecins stagiaires en médecine occidentale, alors que pour le restant des hôpitaux ou des centres de santé, ce sont des médecins en médecine chinoise, surtout ceux spécialisés en soin des blessures par armes à feu au moyen de méthodes traditionnelles ou secrètes852, qui constituent la majorité du personnel médical853.

2) Une formation médicale excessivement simplifiée et utilitaire.

178- Afin de résoudre le problème de grave manque de personnel, les autorités ont établi des écoles ou souvent plus simplement des classes de formation. Les conditions requises pour entrer dans cette formation ne sont pas plus strictes que celles pour les écoles de médecine militaire, il faut alors surtout être révolutionnaire et avoir de la bienveillance854.

Les gouvernements locaux soviétiques n’ont pas exclu la formation en médecine chinoise, et bien au contraire, ils ont créé plusieurs classes de formation en médecine chinoise avec l’aide des médecins locaux. Mais en raison des difficultés de fonctionnement, beaucoup

851 Linzhong Qiu, 朱毛红军与闽西革命 (ZhuMaohongjunyuminxigeming, L’Armée rouge de Zhu et Mao et la révolution de Minxi) (Amoy: Xiamen University Press, 1993), 130. 852 « Les directions à tous les échelons doivent recruter des stagiaires pour renforcer la capacité médicale des établissements médicaux, … essayer de trouver le plus possible de médecins en médecine chinoise spécialisés en soin des blessures par fusil, et de les présenter aux hôpitaux… », Archives de la province de Fujian, 福建革命历 史文件汇集 (Fujiangeminglishiwenjianhuiji, Recueil des documents historiques de la révolution de Fujian), 196. 853 State Archives Administration, éd., 中共中央文件选集 (Zhonggongzhongyangwenjianxuanji, Le recueil des documents du Comité central du Parti communiste chinois) (Pékin: CPC Central Party School Press, 1990), 758. 854 Archives de la province de Fujian, 福建革命历史文件汇集 (Fujiangeminglishiwenjianhuiji, Recueil des documents historiques de la révolution de Fujian), 196. 251 de ces centres fonctionnent en mode d’autarcie855diverse, ce qui doit certainement perturber la qualité d’enseignement.

3) Premier système de coopérative de médicaments : une solution originale au manque de fournitures médicales.

179- Les médicaments proviennent en général de plusieurs canaux : à l’exception des médicaments qui sont capturés chez les ennemis, ou pillés dans les pharmacies qui sont considérées comme pharmacies capitalistes 856 , la plus grande partie est achetée dans les pharmacies locales en profitant du droit de douane à taux préférentiel857, tandis qu’une autre partie est cueillie directement dans les campagnes858. Tous ces médicaments se vendent dans plusieurs types de pharmacies, dont les pharmacies d’hôpitaux, les pharmacies traditionnelles et les pharmacies sous le régime coopératif. Les deux premières sont faciles à comprendre, quant aux dernières, elles méritent une brève analyse.

855 Ainsi l’exemple du village Shanghang en 1932 : dans ces classes de formation, les élèvent fournissent leur propre nourriture et cherchent eux-mêmes des moyens pour financer leurs études, par exemple aller cueillir des plantes médicinales et donner des soins au peuple, 中共上杭县委党史工作委员会 (Zhonggongshanghangxiandangshigongzuoweiyuanhui, Commission du travail de l’histoire du Parti du comité du Parti communiste chinois de Shanghangxian), éd., 上杭人民革命史 (Shanghangrenmingemingshi, Histoire de la révolution populaire de Shanghang) (厦门 (Xiamen, Amoy): 厦门大学出版社 (Xiamendaxuechubanshe, presses universitaires de l’université d’Amoy), 1989), 104. 856 Archives de la province de Fujian, éd., 闽浙赣革命根据地财政经济史料选编 (Min-Zhe- Gangeminggenjudicaizhengjingjishiliaoxuanbian, Compilation des documents historiques financiers et économiques de la base révolutionnaire Min-Zhe-Gan) (Amoy: Xiamen University Press, 1988), 572. 857 Les gouvernements soviétiques imposent les marchandises venant de l’extérieur de leurs territoires : pour les premières nécessités de la vie, le taux d’impôt est de 3% - 5% ; pour les articles de luxe ou de haut de gamme, le taux est de 50% - 100% ; le taux pour les céréales est de 0% ; afin d’encourager l’importation de matériaux difficiles à acquérir comme les médicaments, le sel, les tissus, etc., les autorités exonèrent ces articles d’impôts, et plus encore, les commerçants reçoivent une prime en coupons d’échange de 50 ou 100 yuans qui peuvent être utilisés pour acheter des spécialités locales au marché du commerce extérieur dans les territoires soviétiques, Ibid., 198. 858 Commission de la recherche et de la documentation de l’histoire du Parti communiste de Longyan, éd., 龙岩人 民革命史 (Longyanrenmingemingshi, Histoire de la révolution du peuple de Longyan) (Amoy: Xiamen University Press, 1989), 115. 252

Effectivement, le financement reste toujours une grande difficulté : du côté des autorités, les frais médicaux859 constituent la deuxième plus grosse dépense, juste derrière celles des batailles860 ; du côté des patients, bien que les honoraires des médecins dans les établissements hospitaliers publics sont payés par les gouvernements locaux, les frais de médicaments restent encore à leurs charges ; dans les pharmacies publiques, il n’y a pas de frais de consultation, mais les patients doivent payer les médicaments ; dans les pharmacies traditionnelles privées, la situation est similaire861. Dans un tel contexte, les autorités ont créé, en 1930, « un système de coopérative pour médicaments » qui vise à faciliter l’acquisition des médicaments, et surtout à diminuer les dépenses en médicaments pour le peuple. Selon les archives acquises mais restreintes, nous savons que ce régime s’est présenté sous deux formes : l’un est organisé par un ou plusieurs villages (乡, xiang), l’autre est créée au sein d’une région (区, qu). Les sources financières sont triples : l’investissement total par le gouvernement, le mélange des investissements du gouvernement et des capitaux civils, et les apports du peuple862. Finalement, c’est une invention fructueuse, car d’après les statistiques sur une trentaine de pharmacies publiques sous ce régime (qui les intitule « pharmacie des ouvriers et des paysans »), effectuées en 1933863, ces pharmacies ont réussi à dégager des recettes nettes qui arrivent à soutenir les services médicaux dans ces régions. Ce régime continue à évoluer durant les deux périodes de guerres suivantes, jusqu’à la création du système médical rural coopératif dans les années soixante864.

859 A part des dépenses ordinaires, les salaires des médecins représentent aussi un budget important pour le pouvoir communiste naissant. En effet, dans les régions soviétiques, les médecins sont des professionnels spéciaux et précieux, et afin de les encourager à rester, les autorités leur payent des salaires égaux ou supérieurs à ceux touchés dans l’armée gouvernementale, Archives de la province de Fujian, 闽浙赣革命根据地财政经济史料选编 (Min- Zhe-Gangeminggenjudicaizhengjingjishiliaoxuanbian, Compilation des documents historiques financiers et économiques de la base révolutionnaire Min-Zhe-Gan), 191. 860 Archives de Anhui, éd., 安徽革命根据地财经史料选 (anhuigeminggenjudicaijingshiliaoxuan, Recueil des documents historiques financiers et économiques de la base révolutionnaire de Anhui) (Hefei: Anhui People’s Publishing House, 1983), 92. 861 Archives de la province de Fujian, 闽浙赣革命根据地财政经济史料选编 (Min-Zhe- Gangeminggenjudicaizhengjingjishiliaoxuanbian, Compilation des documents historiques financiers et économiques de la base révolutionnaire Min-Zhe-Gan), 190. 862 Commission du travail de l’histoire du Parti du comité du Parti communiste chinois de Shanghaixian, 上杭人 民革命史 (Shanghangrenmingemingshi, Histoire de la révolution populaire de Shanghang), 104. 863 Le total du capital des pharmacies publiques est de 9 500 yuans ; le chiffre d’affaires est de 115 000 yuans ; le dividende est de 31 000 yuans ; les dépenses sont de 11 000 yuans ; les pertes, de 800 yuans ; le profit net, lui, est de 19 000 yuans, Archives de la province de Fujian, 闽浙赣革命根据地财政经济史料选编 (Min-Zhe- Gangeminggenjudicaizhengjingjishiliaoxuanbian, Compilation des documents historiques financiers et économiques de la base révolutionnaire Min-Zhe-Gan), 449. 864 Dans les années soixante, le système médical rural coopératif a confirmé le statut des fameux « médecins aux pieds nus ». Les médecins aux pieds nus (赤脚医生, chijiaoyisheng) sont, au début de la fondation de la République populaire de Chine, des agriculteurs qui suivaient environ 6 mois en plus d’une formation médicale et paramédicale minimale en plus de la médecine chinoise afin d’exercer dans les villages, « Un siècle 253

***

Évidemment, pendant ce premier temps de fondation du pouvoir du Parti communiste, l’instabilité des territoires soviétiques a causé une série de problèmes pour la gestion de la santé publique, notamment le problème accru du financement. Dans l’armée et dans le civil, les systèmes de santé sont rudimentaires, alors que dans le même temps, certaines politiques médicales trop avancées ne s’adaptent pas aux réalités concrètes et quotidiennes des bases révolutionnaires : par exemple, l’offre de soins médicaux gratuits au peuple a lourdement aggravé les déséquilibres budgétaires des gouvernements soviétiques locaux865. Les autorités communistes cherchent, par tous les moyens, à résoudre ces problèmes, en « mobilisant la masse populaire », en privilégiant la prévention des épidémies afin de réduire les dépenses médicales, en utilisant la médecine chinoise et la médecine occidentale de concert en profitant de leurs points forts, etc. Ces efforts ne sont pas totalement vains, mais loin d’être suffisants. Et en suivant l’évolution de la situation politico-militaire, les territoires du Parti communiste vont en s’élargissant, ce qui demande objectivement d’établir un système de santé plus mûr.

Section II : Maturation d’un système conciliant les deux médecines.

Ce développement se divise en deux périodes : la période de la seconde guerre sino- japonaise (1937-1945) (I) et la période de la seconde guerre civile (1945-1949) (II).

d’enseignement de la médecine en Chine », consulté le 21 juin 2016, http://www.gera.fr/Downloads/Formation_Medicale/SYSTEMES-DE-SOINS-ET-ACUPUNCTURE/L- acupuncture-et-la-MTC-dans-le-systeme-de-sante-chinois/hor-144231.pdf.. 865 湘粤赣革命根据地文献资料 (Xiang-Yue-Gangeminggenjudiwenxianziliao, La documentation de la base révolutionnaire Xiang-Yue-Gan), Collection des documents historiques de la révolution moderne de Chine (Pékin: People’s Publishing House, 1986), 258. 254

I. Pendant la période de la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945).

Pendant cette période de guerre, l’armée communiste est constituée de l’Armée de la Huitième route866 et de la Nouvelle Quatrième armée867. Leur méthode principale de résistance contre les forces japonaises est la guérilla, et leurs bases s’appellent les « bases antijaponaises ».

Concernant la santé publique, d’un côté, les conditions sanitaires dans les groupes d’armées communistes ont connu certaines améliorations (A), et de l’autre côté, la situation compliquée dans la plupart des territoires communistes sollicite des contre-mesures, notamment celles de la première politique sur la fusion des deux médecines (B), volonté ensuite confirmée par Mao Zedong.

A. Les spécialités des systèmes de santé dans les armées.

En juillet 1938, le département général de la Santé de la Commission militaire du Parti communiste chinois est réorganisé, et devient la direction générale du travail de la santé de toutes les forces militaires antijaponaises dirigées par le même Parti de cette période868. Son organisation est présentée sur ce schéma869 :

866 Armée de la Huitième route (八路军, balujun), elle existait entre 1937 et 1947, let constituait l’une des deux unités commandées par le Parti communiste chinois. Pendant la guerre sino-japonaise (1937-1945), sous le front unique national antijaponais, elle est intégrée dans l’Armée nationale révolutionnaire de la République de Chine (1924-1947). Son commandant est Zhu De, et son dirigeant politique est Mao Zedong. 867 Nouvelle Quatrième armée (新四军, xinsijun), l’autre force militaire dirigée par le Parti communiste chinois au sein de l’Armée nationale révolutionnaire de la République de Chine. La période de son existence va du 12 octobre 1937 au 23 janvier 1947. Ses commandants sont Ye Ting, Xiang Ying et Chen Yi. 868 Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 121. 869 Ibid. 255

Département général de l’Intendance de la Commission centrale militaire

Département général de la Santé

Université de Département politique médecine de Chine

Section de Hôpital de la paix l’administration internationale Bai médicale Qiuen

Hôpital du second Section administrative dépôt de soldats

Secrétariat Usine pharmaceutique

Consultation externe Section aux (relevant directement médicaments de la Commission militaire)

Poste de santé de chaque unité

L’idée d’avoir un organisme de la santé effectivement intégré au pouvoir central870 est méritante, mais dans la réalité, les liens entre les bases communistes sont coupés par l’armée japonaise, et il est ainsi irréaliste de construire un seul système de santé, vertical et complet qui s’étendrait à tous les unités de l’armée. En pratique, malgré l’existence d’un organisme central de la santé, chaque armée, l’Armée de la Huitième route qui est au nord du pays et la Nouvelle Quatrième armée qui se situe au sud du pays, a trouvé la solution la plus aisément exécutable dans ses conditions propres et a établi son propre système de santé qui ne dépend pas totalement du pouvoir central (1) et dans lequel les médecins de la médecine occidentale occupent un statut privilégié (2).

870 Commission de la compilation des expériences historiques de la médecine préventive de la nouvelle Chine, 新 中国预防医学历史经验 (Xinzhongguoyufangyixuelishijingyan, Les expériences historiques de la médecine préventive de la nouvelle Chine) (Pékin: People’s Publishing House, 1991), 61. 256

1) Les systèmes de santé modernes dans les armées.

180- Des sysètmes de santé assez modernes, mais attachent de l’imprtance à la médecine chinoise. Le système de santé de l’Armée de la Huitième route est établi en 1938, et couvre de l’administration des soins médicaux, à l’hygiène, à la formation, le secours, en passant par le transport des soldats blessés et malades, les subventions au personnel médical, les correspondances entre les organismes de santé de tous les échelons, etc. Ses institutions essentielles comprennent des hôpitaux, des centres de santé, des écoles de médecine, des usines pharmaceutiques, etc.871.

Celui de la Nouvelle Quatrième armée est établi vers l’an 1941872. Il est légèrement différent de celui du groupe d’armées nord et est composé de quatre niveaux verticaux d’organismes : le département de Santé de l’armée, les départements de Santé des divisions, les départements de Santé des brigades et les groupes de Santé des régiments, et des hôpitaux logistiques, des écoles de santé, des services médicaux873, etc.

Dans leurs systèmes respectifs, la médecine chinoise occupe une place importante. A cette époque troublée, la discussion qui porte sur les origines et la scientificité ou non de la médecine chinoise n’a pas d’importance pour les dirigeants communistes, qui ne comptent que sur ses effets médicaux, économiques voire politiques.

181- La situation actuelle de la formation en médecine occidentale. Concernant la formation scolaire en revanche, bien que les autorités n’excluent pas la formation en médecine chinoise, éventuellement, en raison de l’estime pour l’efficacité de la médecine moderne, ils

871 Mingguang Chen, 中国卫生法规史料选编 (1912-1949.9) (Zhongguoweishengfaguishiliaoxuanbian (1912- 1949.9), Recueil des documents historiques du droit de la santé de Chine (1912-1949.9)) (Shanghai: Shanghai Medical University Press, 1996), 27‑30. 872 Nous n’avons pas trouvé l’année exacte de l’établissement du système de santé de la Nouvelle Quatrième armée, mais ses Règles des professions de santé de la Nouvelle Quatrième armée ( 新 四 军 卫 生 工 作 条 例 , xinsijunweishenggongzuotiaoli) sont publiées en 1941, ce qui tend à laisser penser que la mise en place du système lui-même est probablement concomitante. 873 Par exemple, l’Ecole de santé Huazhong (华中卫生学校, Huazhongweishengxuexiao) et le service médical des cinq filiales de campus de l’université militaire et politique antijaponaise. ( 抗日军事政治大学, kangrijunshizhongzhidaxue, 1933-1945). 257 finissent par privilégier l’enseignement médical occidental. On a deux beaux exemples de cela, d’abord l’ordre suggestif émis dans les « Questions concernant la formation au sein des organismes de santé »874 publiées en mai 1943 par la Commission militaire centrale du Parti communiste chinois, où on lit : « il faut placer… l’art de la médecine moderne dans tous ses aspects en cours principaux… 875 », mais aussi la création de l’université de médecine de Chine876 .

L’université de médecine de Chine est le premier établissement d’enseignement supérieur officiel en médecine moderne créé par le Parti communiste en novembre 1931 à Ruijin dans la province de Jiangxi. Au début, il s’agit d’une école de santé de la Commission militaire centrale de l’Armée rouge chinoise, avant de suivre l’armée pendant la Longue Marche en 1934 ; puis, en octobre 1935, elle arrive à Shanbei877 avec la force principale de l’Armée rouge et reprend les cours et l’enseignement. En 1937, l’Armée rouge devient l’Armée de la Huitième route, et l’université change alors son nom en école de santé de l’Armée de la Huitième route ; enfin, en septembre 1940, elle change à nouveau de nom, et devient l’université de médecine de Chine.

Dans cette université, il y a sept disciplines : l’anatomie, la physiologie, la bactériologie, la pathologie, la pharmacologie, la médecine générale et la chirurgie, disciplines donc principalement liées à la médecine occidentale.

Il faut noter que l’objet principal de cette université est de « former les cadres de la santé qui ont une foi politique vivace et une bonne connaissance professionnelle, et qui travaillent

874 «Questions concernant la formation au sein des organismes de santé » (关于卫生部门中的教学问题, guanyuweishengbumenzhongdejiaoxuewenti). 875 Bingqiu Bai, 华北军区卫生建设史料汇编 (Huabeijunquweishengjiansheshiliaohuibian, Recueil des documents historiques de l’édification de la Santé de la région militaire Huabei) (Département de la Santé et de l’Intendance de la région militaire de Huabei, 1949), 4. 876 Université de médecine de Chine (中国医科大学, zhongguoyikedaxue). Nous traduisons littéralement le nom de cet établissement par « université », en effet, il s’agit simplement d’une école supérieure de médecine. D’ailleurs, en Chine beaucoup d’écoles supérieures portent le nom d’ « universités », à l’époque mais tout aussi bien aujourd’hui. 877 Shanbei (陕北). 258 pour la cause révolutionnaire et au service du peuple878 ». Evidemment, le but est de former des médecins-élites en médecine moderne. Sachant que les qualités des enseignants et des élèves sont alors beaucoup plus élevées qu’aux premières heures de la fondation du Parti communiste puis de la guerre civile879, cette intention est appréciable et sensée. Mais la situation réelle rajoute beaucoup de restrictions : premièrement, en temps de guerre, le besoin urgent de médecins décide que le temps des études ne peut pas être long, et la durée de scolarité de cette université est donc de seulement deux ans, avant de se voir doublée en 1941, quatre années toujours insuffisantes pourtant ; secondement, étant une médecine scientifique, la formation en médecine occidentale nécessite des matériaux pédagogiques qui demandent un fort soutien financier, alors que les autorités n’arrivent pas encore à réunir assez de fonds pour en acheter880, les conditions d’enseignement sont donc fortement amoindries.

182- A cause du manque de soutien financier et de l’absence de politique particulièrement favorable du pouvoir communiste, la formation en médecine chinoise devrait être perturbée. Il est dommage que le gouvernement communiste n’ait pas créé une école supérieure pour la médecine chinoise, car c’est-à-dire que la majorité de la formation en médecine chinoise dans ces territoires continue de suivre la méthode d’enseignement traditionnelle. Cependant, au vu des conditions de vie du peuple, déjà très inquiétantes, nous avons de bonnes raisons de nous demander si la qualité de cette formation devrait également être perturbée ?

878 Commission de la compilation des annales locales de la province de Shanxi, éd., 陕西省志- 卫生志 (Shanxishengzhi-weishengzhi, Annales de la province de Shanxi- annales de la santé) (Xi’an: Presses populaires de Shanxi, 1996), chap. 3-5‑1. 879 Les enseignants sont des diplômés des écoles en médecine moderne chinoise ou des pays étrangers et ils ont souvent plusieurs années d’expérience dans la pratique médicale ; les élèves sont soit issus des écoles secondaires dans les bases communistes, soit sont des jeunes diplômés des écoles confirmées par le gouvernement nationaliste. De plus, avant de passer les examens sélectifs, les candidats doivent suivre des cours préparatoires qui enseignent les savoirs basiques en mathématiques, en physique, en chimie, en biologie et ainsi qu’en langues étrangères, Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 126. 880 En réalité, les matériaux de cette université ont trois origines : les dotations des organisations caritatives, l’achat par ses propres moyens, et la fabrication manuelle, Hanbing Ma, « 陕甘宁边区军事系统卫生工作概况 (Shan- Gan-Ningbianqujunshixitongweishenggongzuogaikuang, Aperçu général du travail de santé du système militaire de la base Shan-Gan-Ning) », Jiefang Daily, 16 novembre 1941, 3. 259

2) Les privilèges des médecins de la médecine occidentale.

183- Les privilèges. Le statut des médecins en médecine occidentale demeure le plus important, importance d’ailleurs confirmée par la circulaire « Quelques principes de travail concernant les organismes de santé »881 publiée en 1943 par la Commission militaire centrale du Parti communiste 882 . D’après ce document, confier aux médecins de haut niveau des missions importantes est considéré comme le chaînon clé pour perfectionner les organismes de santé, car « sinon, en s’appuyant seulement sur l’administration et sur les politiques, nous ne pouvons pas résoudre les problèmes (de santé) » ; ensuite, s’il faut trouver un médecin pour un poste important, par exemple les divers postes dans la Commission de direction médicale et pharmaceutique883, les critères de compétence ne dépendent pas de son ancienneté politique, mais bien de ses capacités professionnelles884 ; enfin, les dirigeants qui ne sont pas issus du domaine de la santé n’ont pas le droit d’intervenir dans les activités médicales des médecins experts de leurs organismes.

Les médecins ont obtenu beaucoup d’estime et d’autonomie dans leur travail, ce qui est confirmé par le fait qu’alors que nous savons que la plupart de services auxiliaires dans les bases sont volontaires ou peu rémunérés, le droit d’obtenir des rémunérations voire des subventions selon les compétences des médecins est même protégé par des documents officiels885.

881 Circulaire « Quelques principes de travail concernant les organismes de santé » (关于卫生部门的几个工作原 则, guanyuweishengbumendejigegongzuoyuanze). 882 Chen, 中 国 卫 生 法 规 史 料 选编 (1912-1949.9) (Zhongguoweishengfaguishiliaoxuanbian (1912-1949.9), Recueil des documents historiques du droit de la santé de Chine (1912-1949.9)), 68‑69. 883 Organisme de direction et de conseil concernant l’art de médecine créé au sein de l’Armée de la huitième route afin d’améliorer la capacité professionnelle de son personnel médical, Bai, 华北军区卫生建设史料汇编 (Huabeijunquweishengjiansheshiliaohuibian, Recueil des documents historiques de l’édification de la Santé de la région militaire Huabei), 15. 884 Il existe déjà un classement détaillé, publié sous le nom de Rapport pour standardiser les subventions du personnel de santé ( 关于统一卫生技术人员津贴费的报告 , guanyutongyiweishengjishurenyuanjintiefeidebaogao) du 10 avril 1944, qui distingue les niveaux de capacité professionnelle des médecins en cinq niveaux, Chen, 中国卫生法规史料选编 (1912-1949.9) (Zhongguoweishengfaguishiliaoxuanbian (1912-1949.9), Recueil des documents historiques du droit de la santé de Chine (1912-1949.9)), 73. 885 Ibid., 27‑30. 260

184- Des mesures disciplinaires. Mais ce privilège n’est pas sans restriction, car les autorités ont, en même temps, élaboré des mesures disciplinaires qui concernent notamment la négligence et la faute dans les pratiques médicales, telles qu’une prescription de médicaments en surdosage important ; un accident au cours d’une opération chirurgicale causé par la négligence ou la faute du médecin, une erreur d’attribution de médicament par le pharmacien, la passivité du personnel médical au travail, sa corruption, etc. 886.

B. L’idée de fusionner les deux médecines apparaît premièrement dans la base antijaponaise Shan-Gan-Ning.

Parmi les 21 principales bases antijaponaises du Parti communiste, nous prenons l’exemple de celle de Shan-Gan-Ning887 qui se situe au nord-ouest de la Chine. La raison de ce choix est double : d’abord parce que cette base est l’endroit où siège le Comité central du Parti communiste chinois pendant cette période ; ensuite, parce que le système de santé de cette base est plus représentatif et directeur, notamment quant aux politiques concernant la fusion de la médecine chinoise et de la médecine occidentale.

Dans un premier temps, l’évolution du système de santé dans le civil permet la systématisation d’un contexte d’organisation favorable à la coexistence des deux médecines (1), et dans un deuxième temps, les anciennes tentatives maladroites de fusionner les deux médecines deviennent réalisables (2).

886 Ibid., 59. 887 Shan-Gan-Ning (陕甘宁). 261

1) L’évolution du système de santé et la systématisation de la coexistence des deux médecines.

Cette évolution concerne trois systèmes de santé successifs : le système dirigé par le département de la Santé de la Commission militaire, le système dirigé par le département général de la Santé sous la direction du Comité central du Parti communiste chinois, et le système dirigé par le gouvernement de la base antijaponaise.

185- Les deux premiers systèmes. Les situations des deux premiers ne sont pas très compliquées, car ce sont les systèmes transposés depuis l’armée après une réorganisation légère : d’abord, en janvier 1937, au moment où le Comité central du Parti communiste chinois arrive à la capitale de la base Shan-Gan-Ning, Yan’an, le département de la Santé de la Commission militaire centrale se charge des œuvres sanitaires ; ensuite, parallèlement à l’accroissement du nombre d’organismes de santé relevant directement du pouvoir central, comme l’hôpital central, les sanatoriums, les maisons de convalescence, etc., les dirigeants du Parti décident de créer le département général de Santé888.

186- Quant au troisième, il s’agit d’un vrai système de santé civile basé sur le droit du Parti communiste chinois et adapté aux circonstances contemporaines. Le gouvernement central de la base est fondé en octobre 1937, et selon le Programme du système administratif de santé de la base Shan-Gan-Ning 889 élaboré en juillet 1939, l’administration centrale de la santé publique est confiée au weishengke890 qui est sous la direction du bureau des Affaires civiles891. Puis, en mars 1940, le bureau des Affaires civiles installe le weishengchu892 dans lequel les fonctions sont réparties en cinq services : le service des matériaux, le service de l’hygiène, le service de l’administration médicale, le service des affaires médicales et le bureau de

888 Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 137. 889 Programme du système administratif de santé de la base Shan-Gan-Ning (陕甘宁边区卫生行政系统大纲, shanganningbianquweishengxingzhengxitongdagang). 890 Weishengke (卫生科, la section sanitaire). 891 Bureau des Affaires civiles (民政厅, minzhengting). 892 Weishengchu (卫生处, section sanitaire ). Ici, selon les sources trouvées, nous déduisons que « weishengchu » et « weishengke » participent du même échelon et sont sous la direction du bureau des Affaires civiles (民政厅, minzhengting), nous traduisons donc similairement les deux organismes créés successivement par « section sanitaire ». 262 weishengchu ; et deux commissions : la commission de l’hygiène et la commission de la prévention. Les organismes locaux de santé se présentent par le biais de weishengke pour les villes ou les qus et les xians, et des inspecteurs de santé sont institués pour chaque village. Selon les besoins, les écoles, les usine, les organisations, etc., ont le droit d’installer des postes sanitaires ou d’implanter des employés médicaux à leurs sièges ; de plus, tous les secteurs de chaque échelon susmentionné ont le droit d’organiser un comité de santé afin de promouvoir les mouvements de santé. Enfin, la police locale est également responsable d’une partie de l’administration sanitaire, qui exige la force de l’ordre893.

Une autre preuve qui soutient notre point de vue selon lequel le système de santé de la base antijaponaise est bel et bien un processus évolutif, se trouve dans les réglementations spéciales concernant son organisation administrative et son effectif :

Premièrement, l’arrangement de la section sanitaire et de sa compétence, le système pour désigner et révoquer le personnel administratif, le pouvoir des cadres, etc. sont fixés par le Règlement de l’organisation des sections sanitaires de la base Shan-Gan-Ning894 895 ;

Deuxièmement, sachant que le comité sanitaire est l’organisme compétent en charge de la direction du mouvement de santé896, son effectif, sa méthode de recrutement, son organisation, ses formes d’existence, sa compétence, ses modes de fonctionnement, etc. sont eux déterminés par le « Règlement de l’organisation du comité sanitaire de la base Shan-Gan-Ning 897».

893 Département de recherche de l’histoire de l’académie de la science sociale de la province de Gansu, éd., 陕甘 宁革命根据地史料选辑 (Shan-Gan-Ninggeminggenjudishiliaoxuanji, Compilation des documents historiques de la base révolutionnaire Shan-Gan-Ning) (Lanzhou: Gansu peoples’s Publising House, 1981), 458‑59. 894 Règlement de l’organisation des sections sanitaires de la base Shan-Gan-Ning (陕甘宁边区卫生处组织条例, Shan-Gan-Ningbianquweishengchuzuzhitiaoli). 895 Ibid., 477‑78. 896 Qui constitue une force considérable dans la gestion de la santé publique. 897 Département de recherche de l’histoire de l’académie de la science sociale de la province de Gansu, 陕甘宁革 命根据地史料选辑 (Shan-Gan-Ninggeminggenjudishiliaoxuanji, Compilation des documents historiques de la base révolutionnaire Shan-Gan-Ning), 479. 263

En somme, tous ces éléments montrent que, à l’aide de réglementations de plus en plus complètes, la base communiste suit un processus d’élaboration d’un système de santé plus systématisé et relativement stable, qui fournit un appui consistant pour modeler les premières politiques envisageant de fusionner efficacement la médecine chinoise et la médecine occidentale.

2) Premières tentatives de fusion.

187- Des politiques favorisant l’existence de la médecine chinoise. Contrairement aux attitudes face à la médecine chinoise du gouvernement nationaliste, accorder suffisamment d’importance à cette médecine traditionnelle au sein du nouveau corpus médical est une des priorités politiques pour le Parti communiste chinois. Et avec le recul, ces incitations et ces mesures ont offert la possibilité de survie, voire de développement pour cette médecine entièrement née en Chine.

Précisément, d’abord et « afin d’améliorer les conditions du développement de la médecine chinoise898 », en juin 1940, le gouvernement de la base Shan-Gan-Ning crée l’institut de la médecine du pays899 qui constitue la première association de médecine chinoise dans cette base communiste. En effet, elle se charge aussi d’une partie de la fonction d’école de médecine, parce que ses activités principales consistent à former les médecins, recueillir les recettes folkloriques, cultiver les plantes médicinales, etc.900 ;

Ensuite, les autorités produisent une série de décisions politiques favorables visant à assurer les intérêts vitaux des médecins et des pharmaciens traditionnels. On a par exemple la protection et l’accord de subventions aux créations d’écoles de médecine chinoise et d’usines pharmaceutiques ; le personnel médical qui est dégagé temporairement de son travail habituel

898 « 陕甘宁边区第一个中医团体:国医研究会 (Shan-Gan-Ningbianqudiyigezhongyituanti: guoyiyanjiuhui; Le premier organisme de médecine chinoise de la Base Shan-Gan-Ning: institut de la médecine du pays) », consulté le 7 juillet 2016, http://m.21nx.com/21nx/html/zhuanti/zhongyililun/2015/0819/51277.html. 899 Institut de la médecine du pays (国医研究会, guoyiyanjiuhui). 900 Ibid. 264 et envoyés au travail médical aura le droit d’avoir des traitements de faveur : ce personnel médical et sa famille seront traités comme les familles des soldats de la base ; les exploitants des pharmacies dans lesquelles sont offerts des soins médicaux sont exonérés de certaines obligations légales, et le gouvernement récompense les inventions concernant la médecine901.

188- Une demande de collaboration entre les deux médecines. Pour la gestion des médicaments, le régime de coopérative des médicaments continue à être appliqué et prend de plus en plus d’importance. Il vise principalement à faciliter l’acquisition des médicaments et des instruments médicaux des deux médecines. Voici le principe de ce régime enregistré dans les archives officielles :

Afin de développer la cause de la médecine et la pharmacopée locales, sous les mandats de chaque organisme de santé et des usines pharmaceutiques, promouvoir (l’utilisation) des médicaments et des instruments médicaux chinois et occidentaux, ainsi que recueillir les matières premières nécessaires à la fabrication des médicaments chinois et occidentaux, en encourageant notamment la récolte d’ingrédients médicamenteux locaux, pour favoriser les œuvres sanitaires902.

Grâce à son bon fonctionnement, ce régime évolue en 1944 et devient la « coopérative sanitaire903 ».

De fait, l’idée de fusionner la médecine chinoise et la médecine occidentale paraît déjà dans un des objectifs du régime de la coopérative de santé : «… prévenir et traiter les maladies, faire collaborer la médecine chinoise et la médecine occidentale et soigner les humains et les animaux domestiques, pour le bien-être des masses populaires904 ».

901 Projet du Règlement sur la récompense et les traitements de faveur pour la médecine et la pharmacopée du pays (国医国药奖励优待条例草案, guoyiguoyaojiangliyoudaitiaolicaoan) publié le 16 septembre 1941, Chen, 中国 卫 生 法 规 史 料 选 编 (1912-1949.9) (Zhongguoweishengfaguishiliaoxuanbian (1912-1949.9), Recueil des documents historiques du droit de la santé de Chine (1912-1949.9)), 197. 902 甘肃省社会科学院历史研究室 (Gansushengshehuikexueyuanlishiyanjiushi, Département de recherche historique de l’académie des sciences sociales de la province de Gansu), 陕甘宁革命根据地史料选辑 (Shan- Gan-Ninggeminggenjudishiliaoxuanji, Compilation des documents historiques de la base révolutionnaire Shan- Gan-Ning), 480. 903 Coopérative sanitaire (卫生合作社, weishenghezuoshe). 904 Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 148. 265

Cette idée est confirmée par la décision de Mao Zedong en avril 1944 à l’occasion de l’épidémie aux alentours de la capitale de la base Shan-Gan-Ning, Yan’an905 ; rapidement, les Sanbians (三边)906 sont les premiers endroits qui appliquent effectivement la politique de collaboration étroite des deux médecines907.

C’est une collaboration sous la direction jumelée des deux médecines, car d’un côté, nombre de recettes secrètes traditionnelles qui sont profitables pour les soins des maladies et qui peuvent enrichir la médecine occidentale sont révélées908 ; de l’autre côté, sous l’ordre des autorités, « tous les médecins de la médecine occidentale des organismes militaires doivent… aider, étudier et transformer la médecine et la pharmacopée chinoises…909 ».

189- Une collaboration avec plus de profondeur. Certes, les politiques peuvent ordonner la collaboration des deux médecines, mais si les deux médecines n’essayent pas réellement de joindre leurs connaissances médicales, cette collaboration restera juste formelle, et sans grand intérêt, surtout que se développent de plus en plus des préjugés contre la médecine chinoise dans les campagnes. Néanmoins, ce souci est, temporairement, écarté par la création de l’institut d’étude de la Médecine et de la Pharmacopée chinoises et de la Médecine et de la Pharmacopée occidentales910 créé le 13 mars 1945911. Cet institut est la première organisation officielle de collaboration des milieux des deux médecines dans la base Shan-Gan-Ning : en effet, les membres affiliés ne se limitent pas qu’aux médecins, il y a aussi des pharmaciens, des vétérinaires, des sages-femmes, des enseignants des écoles de médecine, etc., c’est-à-dire que

905 Cette décision de Mao décide la collaboration des deux médecines et l’élargissement du mouvement de santé, Ibid., 149. 906 Sanbian est une appellation collective pour trois xians : Dingbian (定边), Anbian (安边) et Jingbian (靖边). 907 Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 149. 908 State Archives Administration, éd., 陕甘宁边区抗日民主根据地 (Shan-Gan- Ningbianqukangriminzhugenjudi, La base démocratique antijaponaise Shan-Gan-Ning) (Pékin: Zhonggongdangshiziliaochubanshe, 1990), 389. 909 Ibid., 393. 910 Institut d’étude de la Médecine et de la Pharmacopée chinoises et de la Médecine et de la Pharmacopée occidentales (中西医药研究会, zhongxiyiyaoyanjiuhui). 911 Xiaoxia Zhang, « 陕甘宁边区第一个中西医合作团体 : 中 西 医 药 研 究 会 (Shang-Gan- Ningbianqudiyigezhongxiyihezuotuanti: zhongxiyiyaoyanjiuhui; Le premier organisme de la collaboration de la médecine chinoise et de la médecine occidentale de la base Shan-Gan-Ning: institut d’étude de la Médecine et de la Pharmacopée chinoises et de la Médecine et de la Pharmacopée occidentales) », Zhongguozhongyiyaobao, 31 août 2015. 266 quasiment tous les personnels médicaux sont concernés. C’est une organisation qui a un caractère académique mais qui occupe aussi un rôle de conseil et d’assistance dans l’administration de santé du gouvernement, car son objectif est décrit comme suit :

Au service du peuple, unir les travailleurs de la médecine et de la pharmacopée chinoises et de la médecine et de la pharmacopée occidentales (y compris les vétérinaires), les sages-femmes, le personnel de santé, améliorer leurs compétences professionnelles et effectuer une collaboration durable pour assister le gouvernement dans la popularisation des causes de la médecine, de la pharmacopée et de l’hygiène912, publique et privée.

Et ses missions principales sont :

Sous les mandats des gouvernements de chaque échelon, aider les organismes exécutifs et techniques de santé à résoudre les problèmes médicaux, ou liés aux médicaments ou à l’hygiène, organiser le personnel de la médecine et de la pharmacopée chinoises, de ses contreparties occidentales (y compris les vétérinaires) et les sages-femmes participent à cette vaste édification, afin d’améliorer la santé des humains et des bêtes domestiques, pour diminuer le nombre de maladies et de morts913.

En effet, le discours de Mao Zedong intitulé « le front uni dans le travail culturel914 » émis le 30 octobre 1944 pendant la réunion des Travailleurs de la culture et de l’Éducation de la base Shan-Gan-Ning915 est censé donner une impulsion importante à la création de cet institut. Voici un extrait de ce discours :

… Aujourd’hui, les taux de mortalité des humains et des animaux domestiques dans la base Shan-Gan-Ning sont élevés, et beaucoup de gens croient encore à la sorcellerie et aux divinités. Dans ces circonstances, s’appuyer seulement sur la nouvelle médecine ne pourra pas résoudre ces problèmes. Bien entendu, les médecins de la nouvelle médecine sont plus compétents que ceux de la veille médecine, mais si les premiers ne se soucient pas des afflictions du peuple, n’entraînent pas (plus de) médecins pour le peuple, ne s’allient pas avec plus d’un millier de médecins de la veille médecine et de vétérinaires de l’ancien ordre, et ne les aident

912 Ibid. 913 Ibid. 914 Le front uni dans le travail culturel (文化工作中的统一战线, wenhuagongzuozhongdetongyizhanxian) . 915 Réunion des Travailleurs de la culture et de l’Éducation de la base Shan-Gan-Ning (陕甘宁边区文教工作者 会议, shanganningbianquwenjiaogongzuozhehuiyi). 267

à s’améliorer, c’est alors, réellement, aider la sorcellerie et les divinités, et consentir ouvertement à la mort future d’un grand nombre d’humains et de bêtes domestiques916.

II. Pendant la période de la seconde guerre civile (1945-1949).

Après la victoire de la Seconde Guerre mondiale, les Japonais quittent la Chine, et peu après, en raison du conflit larvé entre le Parti nationalise chinois et le Parti communiste chinois, la seconde guerre civile pour le pouvoir commence. Cette guerre se distingue par différents types de combats, notamment illustrés par trois grandes batailles : la bataille de Liaoshen, la bataille de Huaihai et la bataille de Pingjin, qui ont lieu de septembre 1948 à janvier 1949. La demande logistique, qui contient l’exigence du service médical pour les grandes batailles, est certainement différente de celle requise pour les guérillas917, et ne cesse de s’accroître, tandis que l’expansion des territoires, avec de plus en plus de villes contrôlées par le Parti communiste, rend la coordination difficile.

Il faut également noter qu’à partir du 1er novembre 1948, l’armée communiste change officiellement son nom en « Armée populaire de libération »918. En effet, avant cette date, certaines régions militaires commencent déjà à utiliser cette appellation919, particulièrement dans leurs textes publiés qui ont caractère de droit. Entre-temps, les bases communistes sont désormais appelées les « bases libérées ».

916 Ibid. 917 Pendant la bataille de Huaihai (6 novembre 1948 - 10 janvier 1949), le chiffre total de morts et de blessés du côté de l’armée communiste est de 134 000, dont 98 818 blessés. Face à ce chiffre immense, les secours médicaux ont besoin de plus de matériel médical et la collaboration des organismes de santé concernés est plus compliquée, Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 172. 918 Règlement sur l’uniformisation de l’organisation et de la désignation militaire de toute l’armée (关于统一全 军组织及部队番号的规定, guanyutongyiquanjunzuzhijibuduifanhaodeguiding) décrété par la Commission militaire centrale et le Comité central du Parti communiste chinois le 1er novembre 1948. 919 Selon les sources officielles, l’appellation « Armée populaire de libération » apparaît en premier lieu dans le rapport de Liu Shaoqi pour la réunion des cadres supérieurs de la Commission militaire centrale le 20 août 1944 « “中国人民解放军”称谓的由来 (“Zhongguojiefangjun”chengweideyoulai, L’origine du nom de "l’Armée populaire de libération) », consulté le 11 juillet 2016, http://dangshi.people.com.cn/n/2012/0910/c85037- 18962818.html. 268

L’analyse sur la situation de cette période suit la même stratégie que les paragraphes précédents, qui distinguaient la situation dans l’armée et la situation dans les bases communistes. Dans un premier temps, dans l’armée, les ordres et les politiques concernant la médecine deviennent plus détaillés et prennent un aspect résolument législatif (A) ; dans un second temps, dans le civil, et en raison du mélange des ressources médicales des campagnes et des villes, le gouvernement communiste instaure des mesures qui envisagent de résoudre le problème lié aux « contradictions de classes920 » sur l’administration de la santé, notamment sur le statut des médecins (B).

A. Les ordres et les politiques concernant la médecine dans l’armée deviennent plus législatifs et détaillés.

190- D’abord, vers la fin de la guerre civile, la majorité des forces armées de la République de Chine intègre les rangs de l’armée communiste, et cet accroissement de la force militaire exige certainement un système de santé plus régulier, c’est-à-dire un système qui se perfectionne par la standardisation de l’effectif, par la systématisation de l’organisation et des règlements, par la clarification des responsabilités du personnel concerné surtout les cadres, etc. ; ensuite, en raison d’une victoire envisageable contre le gouvernement nationaliste, le Parti communiste prépare les fondations de son pouvoir politique dans le pays, ce qui explique que chaque armée communiste commence à décréter des règlements plus essentiellement législatifs, qui serviront de fondation partielle au droit de la santé du début de la République populaire de Chine.

Cette tendance législative se retrouve dans pratiquement tous les domaines importants de l’administration de la santé : par exemple, dans la partie nord-est, le système de santé est fixé par le Règlement provisoire de santé de l’Armée populaire de libération921 publié en janvier 1948. C’est un règlement qui contient huit textes réglementaires traitant de l’organisation du

920 Ce terme est issu du concept de la lutte des classes qui est une doctrine majeure de la philosophie politique marxiste adoptée par le Parti communiste chinois. 921 Règlement provisoire de santé de l’Armée populaire de libération » ( 解放军暂行卫生法规, jiefangjunzanxingweishengfagui). 269 système sanitaire, de la prévention, de l’hygiène, des règles du travail médical, de l’administration des médicaments et des instruments médicaux, des règles pour transporter les soldats blessés et de l’organisation du travail dans les hôpitaux922.

191- Ensuite, les règlements sont de plus en plus détaillés et traduisent des améliorations de la situation médicale remarquables. Auparavant, le problème essentiel était le manque de ressources médicales, mais dans les nouvelles conditions favorables, les règlements concernant l’utilisation des médicaments, des instruments et des équipements mettent beaucoup plus l’accent sur la quantité et la sécurité de l’approvisionnement en fournitures923. D’ailleurs, ce qui est également notable c’est que l’équipement et l’effectif des hôpitaux sont standardisés924 ce qui, en opposition avec la situation de coexistence d’hôpitaux de niveaux médicaux inégaux du début de la fondation du Parti communiste chinois, signifie une grande progression de la condition médicale.

192- Enfin, un changement concernant la politisation des statuts des médecins mérite d’être signalé. Des mesures disciplinaires se trouvent déjà dans l’armée communiste, mais à cette période, l’appartenance de « classe sociale » devient un élément de plus pour décider de la pénalisation des médecins prévaricateurs925. En d’autres termes, si le médecin en question est issu de la « classe populaire », la punition qu’il doit subir en cas de faute grave liée à ses fonctions, sera normalement moins lourde que celui qui vient de la « classe exploiteuse ». En fait, cette question est plus répandue dans l’administration civile de la santé.

922 Chen, 中 国 卫 生 法 规 史 料 选 编 (1912-1949.9) (Zhongguoweishengfaguishiliaoxuanbian (1912-1949.9), Recueil des documents historiques du droit de la santé de Chine (1912-1949.9)), 221‑43. 923 Normes des médicaments, des instruments médicaux et des équipements médicaux des organismes de santé (卫 生机关药品器材装备标准, weishengjiguanyaopinqicaizhuangbeibiaozhun) du 24 septembre 1948 publiées par la région d’armée Zhongyuan, Zheng, « Study on the Hygienic System during the Revolutionary Base Period », 171. 924 Par exemple, les Règles sur le standard d’équipement des hôpitaux ( 医 院 设 备 标 准 规 定 , yiyuanshebeibiaozhunguiding) du 10 janvier 1949 publiées par la région d’armée Huabei, la « responsabilité et le système de l’effectif » (编制制度职责, bianzhizhiduzhize) établi par la réunion de travail de l’hôpital du département de Santé de la base libérée Zhongyuan en octobre 1948, et les « Règles provisoires des responsabilités du travail de l’administration médical de chaque échelon dans l’armée » (部队各级医政工作职责暂行条例, buduigejiyizhenggongzuozhizezanxingtiaoli), Ibid. 925 Chen, 中 国 卫 生 法 规 史 料 选 编 (1912-1949.9) (Zhongguoweishengfaguishiliaoxuanbian (1912-1949.9), Recueil des documents historiques du droit de la santé de Chine (1912-1949.9)), 324. 270

B. Les mesures envisageant de résoudre le problème lié aux « contradictions de classes » concernant les statuts des médecins.

193- L’attitude officielle est d’unir tous types de médecins et de protéger leurs activités. Selon les proclamations officielles du Parti communiste chinois, en ville, « (nous) protégeons les écoles publiques et privées, les hôpitaux, les organisations de la culture et de l’éducation, les lieux sportifs et les autres services publics. (Nous espérons que) toutes les personnes qui tiennent leurs emplois dans ces endroits continuent à travailler comme d’habitude, et promettons que l’Armée populaire de libération protège toutes ces personnes et leurs droits sans empiètement926 ». De plus, « il faut utiliser et transformer courageusement les personnes du vieux régime, notamment le personnel professionnel927 ». C’est-à-dire qu’en suivant l’extension de la sphère d’influence géographique et politique, de plus en plus de personnels médicaux des différentes classes sociales sont soumis au pouvoir politique du Parti communiste chinois : et selon le concept de lutte des classes qui est une doctrine majeure de la philosophie politique marxiste adoptée par le Parti communiste chinois, le statut des médecins commence à devenir une situation embarrassante.

A ce moment, il existe plusieurs types de médecins : d’abord, les médecins étrangers, qui sont rares, mais les médecins d’origine chinoise formés par les étrangers deviennent généralement les élites de ce domaine ; ensuite, les médecins en médecine occidentale, issus des écoles de médecine établies dans les endroits contrôlés par le gouvernement nationaliste, ou des écoles créées par le Parti communiste928 ; puis il y a des médecins en médecine chinoise,

926 Zedong Mao, Selected Works of Mao Zedong, vol. 4 (Pékin: People’s Publishing House, 1991), 1460. 927 Liqi Wang, « 豫 西 区 党 委 1948 年 10 、 11 两月综合报告 (Yuxiqudangwei1948nian10 、 11liangyuezonghebaogao, Rapport synthétique du comité du Parti communiste du mois d’octobre et de novembre de 1948 de Yuxi) », in 中原解放区财政经济史资料选编 (Zhongyuanjiefangqucaizhengjingjishiziliaoxuanbian, Compilation des documents historiques financiers et économiques de la région libérée Zhongyuan) (Pékin: China Financial and Economic Publishing House, 1995), 75. 928 En comparaison avec les périodes précédentes, la qualité d’enseignement et le niveau des élèves se sont alors beaucoup améliorés : pour le personnel médical de premier niveau et les infirmières, les candidats doivent avoir le brevet des écoles primaires ou un niveau d’instruction équivalent ; pour le personnel médical de niveau intermédiaire ou plus, il faut avoir le brevet des collèges ou le même niveau d’instruction, « 西北医专前日正式 开学 (Xibeiyizhuanqianrizhengshikaixue, Hier l’école spéciale de médecine de Xibei a ouvert ses cours) », Jiefang Daily, 3 juin 1946, 2. « 和平医院总院附属护士学校招生广告 (Hepingyiyuanzongyuanfushuhushixuexiaozhaoshengguanggao, La notice explicative du recrutement des élèves de l’école des infirmières de l’Hôpital Heping) », Le Quotidien du Peuple, 8 janvier 1947, 1. « 北大医学院军医 271 formés soit par la voie traditionnelle, soit dans les écoles ou des établissements de formation. Enfin, politiquement ces médecins peuvent également être divisés de plusieurs sortes : certains médecins viennent des campagnes, d’autres viennent des villes, quelques-uns appartiennent à la classe des propriétaires fonciers ou à la « classe exploiteuse », on a les médecins publics, les médecins locaux, etc.929. Dans un tel contexte, une administration unie des médecins semble compliquée.

Selon le journal officiel du Parti communiste, Le Quotidien du Peuple, les autorités promeuvent l’union et l’utilisation de médecins de classes différentes, mais dans la pratique, le problème principal demeure que, sous l’influence de la politique de lutte des classes, les « masses » n’ont pas assez confiance dans les médecins qui n’appartiennent pas à la même classe qu’eux, et cela résulte en une « contradiction entre les médecins et les masses populaires »930 qui perturbe gravement le travail de santé.

Pour résoudre ce problème, les autorités ont mis en place plusieurs mesures politiques. Par exemple, le gouvernement de Pingdingxian 931 confirme que les médecins sont des travailleurs intellectuels, que leurs revenus n’appartiennent pas au résultat d’exploitation et que les pharmacies font partie des entreprises privées industrielles et commerciales qui n’ont pas de caractère d’exploitation féodale et qui sont protégées par le gouvernement932 ; similairement, le gouvernement de Shexian933 promet d’assurer le droit de travail des médecins et leurs droits de recevoir les rémunérations934.

科招生广告 (Beidayixueyuanjunyikezhaoshengjianzhang, La notice explicative de la spécialité de la médecine militaire de la faculté de médecine de l’université de Pékin) », Le Quotidien du Peuple, 24 mars 1947, 1. 929 « 太岳举行医药卫生会议 (Taiyuejuxingyiyaoweishenghuiyi, Une réunion de la médecine, de la pharmacopée et de l’hygiène a lieu à Taiyue) », Le Quotidien du Peuple, 3 avril 1947, 2. 930 « 解除医生顾虑,涉县开展防疫运动 (Jiechuyishenggulü, Shexiankaizhanfangyiyundong; (Afin de) se débarrasser des préoccupations des médecins, Shexian lance le mouvement de la prévention contre les épidémies) », Le Quotidien du Peuple, 13 juin 1948, 1. 931 Pingdingxian (平定县). 932 « 平定县召集医生座谈会 (Pingdingxianzhaojiyishengzuotianhui, Les autorités de Pingding convoque la causerie des médecins) », Le Quotidien de Jin-Cha-Ji, 15 mai 1948, 1. 933 Shexian (涉县). 934 Les autorités encouragent les médecins à aller soigner les malades, et les malades à aider les médecins dans leurs éventuels travaux agricoles. Si les patients payent le médecin de leur propre initiative, le gouvernement n’a pas le droit de l’interdire, « 解除医生顾虑,涉县开展防疫运动 (Jiechuyishenggulü, Shexiankaizhanfangyiyundong; (Afin de) se débarrasser des préoccupations médicales courantes, Shexian lance un mouvement de prévention contre les épidémies) », 1. 272

194- Le système de la coppérative médicale était une des solutions convenables. Il existe aussi des moyens économiques, comme la coopérative de la médecine et de la pharmacopée qui vise spécialement à l’encadrement des médecins en médecine chinoise ambulatoire, particulièrement des médecins ambulatoires traditionnels. C’est un régime avantageux, et les arguments sont les suivants :

D’abord, selon le système de cette coopérative, les médecins gagnent une partie de leur vie par le biais des échanges de médicaments en gros dans les marchés locaux, et non par la vente immédiate des médicaments aux patients. Cela évite le contact pécuniaire direct entre les médecins et les « masses », et constitue donc un moyen favorable de relâcher la pression et d’améliorer les relations tendues des deux parties ; le peuple participe à la coopérative par un apport qui lui permet d’obtenir des médicaments avec des tarifs préférentiels ; les frais de consultation fournissent une autre partie du revenu des médecins, mais ils sont payés par la coopérative, les médecins ne font donc pas de bénéfice direct chez le peuple935.

Ensuite, basé sur le même raisonnement qui précède, quand les revenus des médecins sont assurés, ils sont plus actifs dans leur travail quotidien et plus motivés pour améliorer leurs capacités professionnelles.

Il est aussi important de noter que la coopération entre les pharmacies a répondu à la demande en médicaments du peuple. Puisque les médicaments occidentaux sont coûteux et ne sont toujours pas faciles à obtenir, et bien que les médicaments chinois nécessitent parfois des dizaines –sinon plus- d’ingrédients médicinaux dans une seule recette, ce système est le plus sûr moyen de diffuser de telles solutions médicales sur de grandes échelles. Par le biais de la coopération, non seulement les pharmacies sont alliées, mais aussi leurs ressources médicales sont réunies, ce qui facilite des traitements médicaux complets.

935 « 医生下乡扑灭瘟疫,一边治病一边卖药 (Yishengxiaxiangpumiewenyi, yibianzhibingyibianmaiyao, Les médecins descendent en campagne pour éradiquer les épidémies, et ils soignent les des maladies et vendent les médicaments à la fois) », Le Quotidien du Peuple, 23 avril 1947, 2. 273

Enfin, la coopérative de médecine réunit tous les médecins locaux de sa zone. Cela offre une possibilité d’échange des connaissances médicales et des expériences acquises dans les pratiques entre les médecins, et conséquemment, ce système est très favorable à la collaboration de la médecine chinoise et de la médecine occidentale.

***

Évidemment, pendant la Seconde guerre sino-japonaise et la seconde guerre civile chinoise, et ce malgré des perturbations, le travail de santé dans les territoires communistes a connu des progrès. Ces progrès sont les fruits d’une série de mesures estimables comme la reconnaissance objective de la valeur de la médecine chinoise ; l’établissement des systèmes de santé différents pour l’armée et pour le civil selon les circonstances variées ; la continuité de la formation en médecine même dans des situations très difficiles ; la confirmation et la protection du statut des médecins afin d’avoir un contexte assuré pour faire progresser la santé publique ; la tentative de fusionner la médecine chinoise et la médecine occidentale pour profiter des avantages des deux médecines ; l’innovation avec un nouveau système comme celui de la coopérative, pour mieux concilier les besoins médicaux du peuple et les intérêt de la profession de médecin, etc. À part certains défauts qui sont liés aux difficultés économiques, politiques et sociales, ces expériences permettent à la Chine d’avoir beaucoup d’inspirations durant ces périodes troublées, non seulement concernant la construction du système de santé dans les domaines ruraux ou les domaines sous-développés, mais aussi par rapport à la tentative de trouver un système de santé qui arrive à harmoniser l’efficacité et l’économie.

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Titre II : Cohabitation des deux médecines dans le droit de Taïwan, et dans le droit de la Chine continentale (1949-1982).

En arrivant en 1949, le Parti communiste fonda la République Populaire de Chine à la Chine continentale et le gouvernement nationaliste se déplaça à Taïwan. Selon les deux régimes, l’évolution de la situation des deux médecines a connu des parcours différents : Statuts juridiques des deux médecines, précédant et suivant l’installation du gouvernement du Parti nationaliste chinois à Taïwan (chapitre I) ; les deux médecines dans les systèmes de santé établis par le Parti communiste chinois (1949-1982) (chapitre II).

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Chapitre I : Statuts juridiques des deux médecines, précédant et suivant l’installation du gouvernement du Parti nationaliste chinois à Taïwan.

L’histoire de Taïwan peut se diviser en six périodes :

- Avant 1624, la société est constituée par de nombreuses tribus autochtones taïwanaises ;

- Entre 1624 et 1662, l’île est contrôlée par les Hollandais ;

- Depuis 1661 où Zheng Chenggong (1624-1662) a chassé les Hollandais, le pouvoir politique de l’ethnie Han continentale s’est imposé ;

- À partir de 1683 et jusqu’à la signature du traité de Shimonoseki en 1895, Taïwan demeure sous le gouvernement de la dynastie Qing ;

- Puis, après cinquante ans de colonisation par les Japonais, la Chine reconquiert cette île grâce à la victoire dans la guerre sino-japonaise en 1945 ;

- Enfin, après avoir perdu la seconde guerre civile contre le parti communiste chinois, en 1949, le gouvernement nationaliste s’y installe.

Quant à l’histoire de la médecine sur l’île taïwanaise, l’auteur Bai Rongxi affirme qu’elle est certainement ancienne, mais selon lui les documents officiels à ce sujet ne sont trouvables qu’à partir de la dynastie Qing, et en quantité très restreinte936.

Néanmoins, en faisant référence aux récits de voyage ou aux anecdotes folkloriques, les chercheurs ont pu prouver la présence de la médecine par des traces historiques. Par exemple, dans le livre La médecine, le psychisme et le folklore, l’auteur Chen Shengkun a cité une histoire sur un réfugié de Chine continentale s’appelant Shen Guangli, qui avait soigné les maladies des Taïwanais au moyen de la médecine chinoise pendant le règne de l’empereur Yongli de la dynastie Ming, c’est-à-dire entre 1623 et 1662937 ;

936 Rongxi Bai, 重 修 台 湾 省 通 志 (Chongxiutaiwanshengtongzhi, Nouvelles annales de Taïwan) (Taiwanshengwenxianweiyuanhui, 1995), 15. 937 Shengkun Chen, 医 学 、 心 理 与 民 俗 (Yixue, xinliyuminsu, médecine, psychisme et folklore) (Taibei: Jiankangshijiezazhishe, 1982), 121. 277

L’auteur Wu Jifu pense quant à lui qu’on peut seulement relever des traces de l’histoire de la médecine de Taïwan depuis l’occupation des Hollandais, donc à partir de 1625. En effet, c’est durant leur occupation de cette île que les Européens commencent à y introduire leur médecine de l’époque938.

Dans son livre Aperçu de l’histoire des médecines chinoise et occidentale, le premier docteur en médecine taïwanais, Du Congming (1893-1986), divise l’histoire de la médecine de Taïwan en cinq périodes, qui sont acceptées aujourd’hui par la plupart des chercheurs :

- Avant 1544, ou la période primitive de la médecine taïwanaise ;

- Entre 1544 et 1865, période caractérisée par les épidémies de paludisme ;

- Entre 1865 et 1895, où l’on voit l’arrivée de la médecine amenée par les missionnaires ;

- Entre 1895 et 1945, qui correspond à la période de l’occupation du Japon ;

- Enfin à partir de 1945, qui est la période de la médecine chinoise proprement dite939.

D’après toutes ces recherches, on peut affirmer tout d’abord l’existence de la médecine locale taïwanaise, mais aussi que c’est à partir du XVIIe siècle que plusieurs types de médecine de l’extérieur sont arrivés sur l’île et dans leurs croisements, ont commencé ensemble à écrire l’histoire de la médecine de Taïwan.

L’objectif de ce chapitre est d’analyser les statuts juridiques de la médecine chinoise et de la médecine occidentale dans le système de santé du gouvernement nationaliste chinois après son installation à Taïwan en 1949 (section II) ; cependant, les situations des différentes médecines coexistant sur l’île sont tellement complexes et sont causes de tant de particularités

938 Jifu Wu, 台湾医师公会三十三年史 (Taiwanyishigonghuisanshisannianshi, Trente trois ans de l’histoire de l’ordre des médecins de Taïwan) (Taibei: Taiwan Medical Association, 1980), 8. 939 Congming Du, 中西医学史略 (Zhongxiyixueshilue, Aperçu de l’histoire de la médecine chinoise et de l’histoire de la médecine occidentale) (Gaoxiong: Kaohsiung Medical school, 1959), 487‑505. 278 sur ce sujet, qu’il est indispensable de faire avant tout une rétrospective concise sur l’histoire de la médecine de Taïwan avant cette date (section I).

Section I : Présentation de la médecine de Taïwan avant 1949.

Selon les époques, les différents types de médecines ont successivement jalonné l’histoire de la médecine de Taïwan. Il est toutefois possible de trouver un point de pivot, une charnière pour découper cette prolifération, avec l’occupation par le Japon en 1895 ; c’est-à- dire qu’avant cet événement nous avons affaire à une variété de médecines (I), et qu’ensuite la médecine moderne prend sa place dominante (II).

I. La variété de médecines avant l’occupation du Japon.

En raison de la colonisation par les Occidentaux, de l’immigration des Han et de la propagation de la religion chrétienne, plusieurs types de médecines sont introduits à Taïwan. Généralement, elles sont divisées en médecines traditionnelles, dont la médecine locale et la médecine chinoise (A) et en médecines amenées par les Occidentaux (B).

A. Une médecine traditionnelle se compose de la médecine locale et de la médecine de Han.

Aux yeux des Taïwanais, la « médecine han » dite aujourd’hui médecine chinoise était également une médecine étrangère, car avant son arrivée et son institution en médecine officielle en 1661 (1), la médecine locale taïwanaise était le principal recours des autochtones de cette île, et occupait une place importante et solide dans la société tribale d’où elle était issue (2).

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1) La pérennité de la médecine locale taïwanaise.

195- La médecine locale taïwanaise est une médecine primitive qui est née et s’est développée dans la société tribale de Taïwan. C’est aussi une médecine traditionnelle qui mélange des traitements pragmatiques avec de la magie et de la sorcellerie. Les personnes qui exercent cette médecine sont des sorciers-guérisseurs, qui sont également les meneurs des religions primitives et qui participent aux prises de décisions politiques de leurs sociétés respectives940.

A la différence de certaines médecines primitives dans le monde qui sont remplacées rapidement par les autres médecines souvent plus avancées, la tradition médicinale taïwanaise garda pendant très longtemps son caractère privilégié. Selon les périodes, elle est soit la médecine principale, comme c’est le cas avant le XVIIe siècle et même encore chez les indigènes taïwanais après l’invasion des autres médecines, soit une médecine alternative mais importante ; par exemple, après la récupération de Taïwan en 1945, le gouvernement nationaliste autorise la pratique de la médecine chinoise et l’utilisation des médicaments chinois, mais tolère aussi l’existence de la médecine locale voire les pratiques médicales illégales chez les guérisseurs sans titre de médecin941.

196- Pourquoi une telle pérennité pour la médecine taïwanaise ? La réponse est multiple.

Premièrement, et du point de vue géopolitique, Taïwan est une île qui se situe au sud- est de la Chine continentale. Sa position stratégique décida que, avant de devenir une colonie du Japon, les étrangers y arrivant n’eurent pas l’intention ou la possibilité d’y fonder un État souverain, et préférèrent la garder juste comme une base commerciale et militaire942. De ce fait, pour les étrangers, il n’y avait pas grand intérêt à créer un conflit avec les autochtones taïwanais

940 Ibid. 941 Xun Zhang, 疾病与文化 (Jibingyuwenhua, maladie et culture) (Taibei: Daw Shiang Publishing, 2000), 122. 942 Entre 1624 et 1662, les Hollandais se servaient de cette île comme base commerciale et port de transbordement liant l’Asie de l’Est, le Japon et les provinces côtières du Jiangsu, du Zhengjiang, du Fujian et de Guangdong de la Chine ; entre 1661 et 1683 où le pouvoir Han sur l’île est établi par Zheng Chenggong, Taïwan devient, peu à peu, la base d’une résistance opposée au pouvoir mandchou ; entre 1683 et 1895, en profitant de ces deux cents ans de paix, Taïwan a connu un certain niveau de développement, mais en tant qu’une île défensive de l’Empire, Xiaofeng Li et Chengrong Lin, 台湾史 (Taiwanshi, Histoire de Taïwan) (Taibei: Hualitushugongsi, 2003). 280 ou à réformer leur mode de vie, ce qui a donc permis à cette médecine primitive d’exister sans grande perturbation ;

Deuxièmement, les autochtones taïwanais ont une culture ancienne, complète et fortement protégée par leurs croyances, coutumes et langue. Leur médecine était liée étroitement avec leur croyance religieuse primitive, et s’enracinait ainsi dans leur ordre social général. En effet, pour les membres de cette société, la médecine n’était pas un simple art de guérir, mais aussi une habitude de vie.

Troisièmement et dernièrement, la position politique des sorciers-guérisseurs dans les tribus est importante. L’atmosphère de mystère exerçant son pouvoir sur l’esprit du peuple pendant la pratique de leur médecine permettait aux médecins d’être entourés d’un grand respect mêlé de crainte943. Cette influence est tellement forte que la culture tribale a tissé un lien surnaturel entre les sorciers-guérisseurs et la nature944. Les sorciers-guérisseurs sont considérés comme des personnifications de la divinité, et ainsi tout naturellement, ils se situent toujours, même après l’arrivée des pouvoirs de l’extérieur, en position déterminante dans la classe dominante des autochtones. Pour ainsi dire, les sorciers-guérisseurs font partie des fondateurs de l’ordre sanitaire et sont les réels décideurs des mesures de santé pour leur peuple. Selon l’écrivain autochtone taïwanais, Kaji Cihung, les sorciers-guérisseurs ont des fonctions directives considérables dans le maintien des normes culturelles et de la société tribale945. Par conséquent, même si, techniquement, les autres médecines possèdent de nombreux avantages, elles n’arrivaient pas à ébranler fondamentalement le statut de la médecine locale taïwanaise dans la société à laquelle elle appartenait.

943 Matei Camerman, « La responsabilité civile du médecin » (Thèse en droit, Université de Paris, 1932), 5. 944 George M Foster, 医学人类学 (Yixuerenleixue, Anthropologie médicale), trad. par Hua Chen et Xinmei Huang (Taibei: Lauréat Publications, 1998), 155. 945 Kaji Cihung, « 泰雅族东赛德克群传统医疗概念 (Taiyazudongsaidekequnchuantongyiliaogainian, Le concept médical traditionnel des Seediq-est des Atayal) », in 原住民传统医疗与现代医疗 (Yuanzhuminchuantongyiliaoyuxiandaiyiliao, La médecine traditionnelle des Aborigènes et la médecine moderne) (Taibei: Taiwan Aborigines Foundation, 2001), 62. 281

2) La médecine han, médecine officielle de Taïwan depuis 1661.

197- L’introduction de la médecine han à Taïwan. Au milieu de la dynastie Ming (1368- 1644), les Han commencent à émigrer à Taïwan, et vers la fin de la même dynastie et au début de la dynastie Qing (1636-1912), le nombre d’immigrants augmente rapidement. À partir de 1661, au moment où Zheng Chenggong a battu les Hollandais et commence à établir un premier pouvoir politique han stable sur l’île, la culture han arrive à Taïwan à grande échelle, dont la médecine chinoise946. Même si la date officielle de l’introduction de cette médecine ne peut pas être identifiée947, selon les chercheurs, le gouverneur Zheng avait déjà fait appel aux médecins venant de la Chine continentale comme médecins officiels donnant les soins médicaux aux fonctionnaires et au peuple948. Sachant que la médecine de han constitue la partie principale de la médecine chinoise et que souvent la première représente le sens étroit de la dernière949, en suivant l’établissement du pouvoir han sur l’île et le processus d’immigration, et grâce à l’appui du pouvoir politique, peu à peu la médecine chinoise devient la médecine officielle de Taïwan.

Bien plus, le développement de cette médecine traditionnelle de l’extérieur de l’île n’est pas perturbé par la fondation du pouvoir mandchou en Chine continentale ; au contraire, entre 1683 et 1895, c’est-à-dire grâce à 212 ans de paix, l’augmentation continue de la population950 et les échanges économiques et culturels ont favorisé la pénétration de cette médecine en profondeur. Précisément, les grands classiques de la médecine chinoise comme le Hongdineijing, le Shanghanlun, le concept du Yin-Yang, etc. se sont introduits sur l’île en respectant la manière et la forme de la transmission du savoir médical classique, c’est-à-dire par la succession d’enseignement d’un maître à son disciple951.

946 Shengkun Chen, 近 代医 学 在 中国 (Jindaiyixuezaizhongguo, La médecine moderne en Chine) (Taibei: Contemporary Medicine, 1978), 126. 947 Yongwen Ye, 台湾医疗发展史医政关系 (Taiwanyiliaofazhanshi: yizhengguanxi, Histoire de l’évolution de médecine à Taïwan: la relation entre la médecine et la politique), 1re éd. (Taibei: Hungyeh Publishing, 2006), 33. 948 Yuting Yan, 台湾医学教育的轨迹与走向 (Taiwanyixuejiaoyudeguijiyuzouxiang, la trajectoire et l’orientation de la formation de médecine de Taïwan) (Taibei: Yi Hsien Publishing, 1998), 18. 949 Voir l’Introduction de ce travail concernant la clarification des noms de la médecine chinoise. 950 Pendant le gouvernement de Zheng, à Taïwan, la population des Han est d’environ 20,000 ; au début de la dynastie Qing, à cause des conflits entre le pouvoir de Zheng et la dynastie Qing, presque la moitié des Han sont retournés en Chine continentale ; en 1811, selon le registre d’état civil, la population des Han à Taïwan a augmenté jusqu’à 1,944,000, Li et Lin, 台湾史 (Taiwanshi, Histoire de Taïwan), 90. 951 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 33. 282

Il faut dire que l’introduction de ces ouvrages et la méthode de la formation ont assuré le caractère orthodoxe de la médecine chinoise de Taïwan.

198- Les premiers établissements de santé en médecine chinoise. Un autre aspect qui est la preuve de l’importance de la médecine chinoise dans la société taïwanaise est l’apparition des établissements de santé. Depuis 1684, graduellement, les hôpitaux sont établis moyennant des donations de fonctionnaires ou de commerçants locaux afin de recevoir gratuitement les pauvres ou les malades et de leur offrir les premiers soins médicaux952, à la façon chinoise953.

Bien qu’ils soient plutôt des institutions charitables privées, en s’appuyant sur leur fonction médicale et sur le soutien apporté par les autorités, ces établissements constituent les embryons des hôpitaux publics de Taïwan954.

B. Les médecines introduites par les Occidentaux.

L’introduction de la médecine moderne a connu deux périodes : celle du XVIIe siècle était éphémère (1), mais celle du XIXe siècle est en revanche un succès (2).

1) Une brève introduction au XVIIe siècle.

199- Certaines sources montrent que depuis le XVIe siècle, les Espagnols et les Hollandais sont successivement arrivés à Taïwan. Dans le même temps, leurs médecins,

952 Yongxing Chen, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi, Histoire de l’évolution de médecine à Taïwan) (Taibei: Yuedanchubanshe, 1997), 43‑44. 953 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 33. 954 Yongming Zhuang, 台湾医 疗史 (Taïwanyiliaoshi, Histoire de médecine à Taïwan) (Taibei: Yuan-liou Publishing, 1998), 26. 283 militaires et missionnaires chrétiens, introduisent la médecine occidentale de l’époque dans l’île955.

Selon le récit accepté par la plupart des chercheurs, c’est à partir du XVIIe siècle que les colonisateurs hollandais commencent à envahir Taïwan, et en 1624, le Hollandais Maarten Sonk (1590-1625) se désigne comme le premier gouverneur de toute l’île et y installe le pouvoir colonial956.

Deux raisons principales font que l’introduction de la médecine occidentale au XVIIe siècle est éphémère :

Premièrement, avant la première moitié du XIXe siècle, alors que la relation entre les maladies infectieuses et les microbes n’avait pas encore été établie957, la médecine occidentale était aussi une forme de médecine traditionnelle qui n’avait pas forcément d’avantage comparatif au niveau des vertus curatives par rapport aux autres médecines traditionnelles.

Deuxièmement, cette médecine n’est pas suffisamment popularisée par le gouvernement ni réellement adoptée par le peuple local. D’après l’auteur Chen Shunsheng, le système de santé et le personnel médical de l’époque sont principalement au service des commerces et des stations militaires, et les soins offerts au peuple par les missionnaires ont essentiellement pour but de propager la religion chrétienne958. Quand les Hollandais quittent Taïwan, la médecine qu’ils y ont amenée disparaît également959, après seulement une vingtaine d’années.

955 台湾基督长老教会百年史 (Taiwanjiduzhanglaojiaohuibainianshi, Cent ans d’histoire de l’Eglise Presbytérienne à Taïwan) (Taibei: The Presbyterian Church in Taiwan, 1984), 24. 956 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 34. 957 Bruno Halioua, Histoire de la médecine (Paris: Masson, 2001), 145. 958 Shunsheng Chen, « 日据前的西方医疗及其对台湾医学之影响 (Rijuqiandexifangyiliaojiqiduitaiwanyixuezhiyingxiang, La médecine occidentale avant l’occupation du Japon et son influence pour la médecine de Taïwan) », Technology Museum Review 6, no 4 (2002): 59. 959 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 35. 284

2) La médecine moderne à Taïwan au XIXe siècle : une arrivée par deux voies différentes.

La médecine moderne s’introduit à nouveau à Taïwan sous la pression des « traités inégaux » signés entre le gouvernement de la dynastie Qing et les pays occidentaux après la première guerre de l’opium, surtout après la signature du traité de Tianjin en 1858 selon lequel le gouvernement mandchou a promis de protéger les commerces étrangers dans 11 zones côtières chinoises, l’épanouissement de l’activité des missionnaires chrétiens, l’ouverture de la douane chinoise, la légalisation de l’importation de l’opium, etc.

200- La médecine douanière et la médecine amenée par les missionnaires chrétiens. Dans un tel contexte, la médecine occidentale de cette époque est en effet introduite par deux voies : celle qui est appelée « la médecine douanière » par certains chercheurs taïwanais960 et celle qui est présentée par les activités des missionnaires chrétiens :

D’abord, depuis l’ouverture de la douane chinoise, et afin de protéger les activités commerciales, les pays occidentaux ont installé des postes de santé pour éviter la transmission des épidémies aux ports ouverts961. Les fonctions principales de ces établissements sont d’offrir des soins médicaux aux ressortissants européens (plus largement occidentaux) et d’effectuer des prévisions météorologiques962. Les médecins occidentaux qui travaillent dans ce genre d’établissements ne sont pas forcément des missionnaires, c’est le cas du fameux docteur britannique considéré comme « le père de la médecine tropicale », Patrick Manson (1884- 1922)963.

Ensuite, la seconde voie d’introduction de la médecine occidentale à Taïwan est la même que celle utilisée avec succès en Chine continentale, c’est-à-dire bien entendu la pratique de la médecine dans les œuvres évangélisatrices des missionnaires chrétiens. Selon les recherches de l’auteur Chen Shunsheng, il y avait, parmi les vingt missionnaires envoyés à Taïwan avant 1895,

960 Ibid. 961 Par exemple, le service Médical de la douane maritime impérial chinois. L’organisme était établi par les Anglais, mais rémunéré par le gouvernement chinois, Chen, « 日 据 前 的 西 方医疗及其对台湾医学之影响 (Rijuqiandexifangyiliaojiqiduitaiwanyixuezhiyingxiang, La médecine occidentale avant l’occupation du Japon et son influence pour la médecine de Taïwan) », 68. 962 Ibid., 70. 963 « Patrick Manson Biography (1884-1922) », consulté le 19 août 2016, http://www.faqs.org/health/bios/50/Patrick-Manson.html. 285 six d’entre eux qui étaient médecins titulaires, et quant aux autres, ils possédaient tous des connaissances générales en médecine moderne964.

Si l’on compare les deux, c’est évidemment le travail des missionnaires qui a produit les effets les plus remarquables, car être accepté par le peuple d’un pays est un des éléments essentiels dans l’introduction d’une médecine extérieure. Malgré les difficultés, notamment l’hostilité tenace des habitants965, les missionnaires persévèrent dans leurs activités. Finalement, la médecine moderne est non seulement acceptée par les habitants, mais aussi approuvée par l’officiel : le gouvernement apprécie de manière pratique les avantages dans la maîtrise des épidémies de cette médecine scientifique, et en 1886, les autorités installent un service médical966 à Taibei dans lequel les autorités ont même recruté un médecin norvégien, Gerhard Armauer Hansen (1841-1912), pour soigner les maladies des civils et des soldats967.

II. La médecine occidentale prend une place dominante pendant l’occupation du Japon (1895-1945).

Depuis l’arrivée des Japonais à Taïwan en 1874, la mauvaise condition sanitaire et les miasmes pestilentiels dans cette île leur ont causé beaucoup de problèmes968. Néanmoins, il faut

964 Chen, « 日据前的西方医疗及其对台湾医学之影响 (Rijuqiandexifangyiliaojiqiduitaiwanyixuezhiyingxiang, La médecine occidentale avant l’occupation du Japon et son influence pour la médecine de Taïwan) », 69. 965 Au début, à cause de cette hostilité, les habitants taïwanais ont détruit les établissements de santé et les églises et assassiné les croyants, Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 38. 966 Le service médical (官医局, guanyiju). 967 « 官立医院 (Guanliyiyuan, Les hôpitaux) », consulté le 19 août 2016, http://www.zhishi5.com/shrw/2011/1202/article_2293.html. 968 Pendant l’Expédition de Taïwan de 1874, dans l’armée japonaise, il y avait environ 6000 personnes, mais l’enregistrement des malades s’élève à 16049, c’est-à-dire qu’en moyenne, chaque personne était tombée deux ou trois fois malade, Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 51. L’auteur Zhuang Yongming décrit la situation comme suit : « Presque toutes les personnes dans l’armée sont malades, y compris leurs médecins. », Zhuang, 台湾医疗史 (Taïwanyiliaoshi, Histoire de médecine à Taïwan), 57. cité par Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 51. Par ailleurs, la situation est confirmée dans le livre d’un Japonais qui est traduit par Hong Youxi : après l’arrivée des Japonais le 23 mars 1895, en quatre jours, environ mille personnes tombaient malades ; de plus, entre le 26 mai et le 15 décembre 1895, au sein des troupes japonaises, le nombre de blessés par combats est de 515, celui des morts à cause des combats est de 164, à comparer aux 26 994 malades et aux 4 622 soldats qui meurent de maladie. C’est-à-dire que le nombre des Japonais qui meurent de maladie est d’environ 30 fois supérieurs aux tués par l’ennemi, et que le nombre de malades totaux est presque 50 fois égal à celui des blessés par les combats, 286 attendre jusqu’à l’année 1895, moment où Taïwan devient colonie du Japon en raison de la première guerre sino-japonaise (1894-1895) et de la signature du traité de Shimonoseki, pour que les Japonais établissent un système de santé à Taïwan, en s’inspirant du leur969.

C’est d’abord un système de santé centralisé avec une administration sévère (A), dont les mesures concernant les pratiques médicales et la formation en médecine accompagnent l’effort colonisateur (B).

A. Un système de santé centralisé, une administration sévère.

Considérant que la santé, l’utilisation abusive de l’opium et les brigands sont les trois problèmes les plus urgents au début de leur occupation de Taïwan970, les Japonais y installent leur système de santé très rapidement. En effet, après la signature du traité de Shimonoseki le 17 avril 1895, le 29 mai 1895 l’armée japonaise a déjà débarqué à Taïwan. Le gouvernement colonial annonce, le 19 juin 1895, donc au troisième jour de son fonctionnement, la création du comité de santé ; le 20 juin 1895, la création de l’hôpital de Taïwan du grand Japon971; et trois mois après, le gouvernement se met à la lutte contre l’utilisation abusive de l’opium972.

C’est un système de santé centralisé et autoritaire. Cela se perçoit avec la police et l’administration de la santé (1) et sur le système de Baojia (2).

Xiaotianjunlang, 台湾医学五十年 (Taiwanyixuewushinian, La cinquantaine de médecine à Taïwan), trad. par Youxi Hong (Taibei: Avanguard, 2000), 4‑6. Cité parYe, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 51. 969 Kojima Katsuhiro, 杜聪明与阿片试食官 (DuCongmingyuapianshishiguan, DuCongming et les intoxiqués), trad. par Yuzhu Huangcai et Aiwei Sun (Taibei: Taiwan Interminds Publishing, 2001), 37‑38. 970 Ibid. 971 L’hôpital de Taïwan du grand Japon (daribentaiwanyiyuan, 大日本台湾医院). 972 « 台大醫學人文博物館 (Taidayixuerenwenbowuguan, Musée des humanités médicals de l’université de Taïwan) », consulté le 15 septembre 2016, http://mmh.mc.ntu.edu.tw/document5_3_1.html. 287

1) La police et l’administration de la santé.

201- La police dirige des affaires sanitaires. En juillet 1895, les Japonais ont créé le bureau de Santé pour la gestion des affaires de santé. Cet organisme est dirigé, au début, par le département de l’Intérieur et la police, et à partir de la promulgation de la loi 63 le 31 mars 1896, il est dirigé de concert par la section de santé973 du bureau des Affaires civiles974 et la section de police locale975. Depuis 1901, la section de santé est subordonnée au bureau de police qui est sous la direction du département des Affaires civiles.

Malgré des changements concernant l’arrangement administratif qui seront effectués plus tard, la police se charge toujours de l’administration sanitaire976. Cet arrangement faisait plus que probablement référence au régime de police de 1893 de la métropole japonaise.

L’objectif principal de cette démarche doit être de profiter de la force policière répartie à travers l’île afin d’imposer les ordres et les démarches sanitaires aux indigènes dans leur vie quotidienne, sous la centralisation des pouvoirs du gouvernement colonial.

202- Médecin policier. Dans le but de mieux s’occuper ensemble des fonctions sanitaires et administratives, les autorités ont même créé un poste qui s’appelle le « médecin policier977 ».

L’attribution de ce poste est assez large, car les médecins policiers doivent assurer des missions administratives confiées par la police, aussi bien que traiter les maladies, gérer les affaires sanitaires et surtout en cas d’épidémies, diagnostiquer les maladies et décider les mesures de traitement pour les malades, et d’ensevelissement pour les morts978.

973 La section de santé (weishengkè, 卫生课). 974 Le bureau des Affaires civiles (minzhengju, 民政局). 975 Hokoka-dokuhon, 台湾警察四十年史话 (Taiwanjingchasishinianshihua, Récit sur quarante ans de l’histoire de la police de Taïwan) (Tokyo: Shogun Book, 1938), 388. Cité parYe, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 59. 976 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 59. 977 Le médecin policier (Jingchayi, 警察医). 978 Chen, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi, Histoire de l’évolution de médecine à Taïwan), 79. 288

En effet, en raison de problèmes de budget, les médecins- policiers existaient seulement dans les lieux où siégeaient les gouvernements des bourgs. Pour le reste du territoire, les mêmes fonctions sont assurées à titre onéreux par des médecins publiques979, qui représentent un des régimes spécifiques dans le système de santé de Taïwan980, qui sera étudié dans la suite du texte.

2) Le système Baojia981.

203- Quant à la gestion de la santé locale, le caractère sévère du système est bien représenté par le Baojia, qui est un système de type collectif, et qui permet donc un contrôle étroit.

Selon les règles du Baojia élaborées en juin 1903, la prévention des épidémies, la prévention des fléaux d’insectes et des pestes animales, l’abstinence d’opium, etc. sont tous à la charge du régime Baojia982.

Ce système imite effectivement celui de la dynastie Qing, mais son but initial est de réprimer une série de mouvements des Taïwanais commençant le 8 mai 1899 dans le but de s’opposer à la colonisation des Japonais.

Le fonctionnement du Baojia est systématique et minutieux : dix foyers constituent un Jia, et cent foyers sont un Bao ; dans chaque Bao ou Jia, il y a un responsable qui s’appelle Baozhang ou Jiazhang ; les membres du Baojia se surveillent et s’assurent que les autres

979 Les médecins publiques (gongyi, 公医). 980 Xiqing Xu, 台湾总督府公文类纂 (Taiwanzongdufugongwenleizuan, Recueil des documents officiels du gouvernement de Taïwan), 卫 生 史 料 汇 编 ( 明治二十九年四月至明治二十九年十二 月 ) (Weishengshiliaohuibian (Mingzhiershijiuniansiyuezhimingzhiershijiunianshieryue), Recueil des documents historiques de la santé (entre l’avril et le décembre du vingt-neuf ans sous le règne de Meiji)) (Taiwanshengwenxianweiyuanhui, 2000), 35. 981 Baojia (保甲). 982 Zongren Wu et Yajing Zhang, « Postcolonial Analysis of Administrative Strategies in the Period of Japanese Government », Tamkang Journal of Humanities and Social Sciences, no 24 (2005): 96. 289 membres respectent les lois. Si un des membres viole la loi, les autres membres du même Baojia seront punis solidairement et proportionnellement983.

Bien évidemment, sous la contrainte créée ensemble par la force de police et par le système de Baojia, la situation sanitaire de l’île peut connaître certaines améliorations, mais tout cela a également et surtout provoqué une répulsion envers les politiques de santé des Japonais. Dans le domaine de la santé, un système forcé comme celui-ci ne peut produire son effet qu’à court terme, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle dès que les Japonais ont quitté Taïwan, la police et le système de Baojia ont tous disparu de l’administration de la santé984.

B. Un système de santé qui aide à l’effort colonisateur.

Pour régulariser les pratiques médicales et la formation en médecine, et sous l’influence des politiques de santé de la métropole du Japon depuis la restauration de Meiji 985 , le gouvernement colonial de Taïwan distingue la médecine chinoise et la médecine occidentale par des mesures différentes et inégales.

Précisément, il s’agit de politiques qui promeuvent la médecine occidentale et qui jugulent la médecine traditionnelle. D’après les règles de la profession médicale de Taïwan986 publiées en 1896, tous les praticiens en médecine doivent obligatoirement posséder l’aptitude d’exercice de la profession de santé ou une licence de profession sanitaire délivrée par le gouverneur-général de Taïwan987.

983 Ibid., 96‑97. 984 Le système de Baojia à Taïwan est aboli le 17 juin 1945 « 國立中央大學 (Guolizhongyangdaxue, L’université nationale centrale) », consulté le 16 septembre 2016, http://hakka.ncu.edu.tw/Hakka_historyTeach/abstract_detail.php?sn=215. 985 L’analyse concernant le changement des statuts juridiques de la médecine traditionnelle japonaise et de la médecine occidentale pendant et après la restauration de Meiji se trouvent dans le chapitre 3 de ce travail. 986 Le règlement de la profession médicale de Taïwan (Taiwanyiyeguize, 台湾医业规则). 987 Qingyi Yang, « On Taiwan Chinese Medicine Doctor Practice Qualification and Specialty Education » (Thèse en médecine, Guangzhou University of Chinese Medicine, 2009), 110. 290

Selon ces règles et les politiques publiées conséquemment, les praticiens de médecine sont différenciés entre yishi988 et yisheng989. Le premier est l’appellation pour les médecins en médecine occidentale, et le second est attribué à l’ensemble des pratiquants de la médecine traditionnelle.

Littéralement, la différence entre les deux termes montre une relation de subordination, parce que le mot shi990 signifie « maître, professeur, instituteur et enseignant » et le mot sheng 991 signifie « élève, disciple et étudiants ». Il y a donc un intérêt certain à se poser la question : dans la pratique, la relation entre les deux sujets est-elle aussi subordonnante ? Si oui, de quelle manière concrète ?

Afin de rendre l’étude de ce titre plus claire, nous développons ce titre en deux parties : d’abord une préconisation déterminante pour la médecine occidentale (1), et le fait que le statut des praticiens en médecine traditionnelle est inférieur à celui des médecins en médecine occidentale et risque d’être supprimé (2).

1) Une préconisation déterminante pour la médecine occidentale.

La raison pour laquelle nous disons qu’il y a là une préconisation déterminante pour la médecine occidentale est triple : d’abord rapport à l’élaboration de la base juridique des professions sanitaires (a), à la formation en médecine (b) et à la gestion du titre de médecin (c).

988 yishi (医师). 989 yisheng (医生). 990 shi (师). 991 sheng (生). 291

a) La base juridique du monde de la santé.

En mai 1896, afin de régulariser les professions de santé sur l’île, le gouvernement publie le Règlement de la profession médicale de Taïwan992.

204- C’est un texte qui se consacre à établir une base juridique rapide pour les activités du monde de la santé, mais qui donne la priorité à la médecine moderne. Selon ce règlement, l’administration des médecins se distingue entre celle pour les médecins en médecine moderne, et celle pour les médecins en médecine traditionnelle. Pour ces derniers, s’ils veulent exercer leur profession, ils sont obligés de s’inscrire auprès de l’organisme d’administration dans le gouvernement, et doivent présenter en toute évidence leur statut de médecin en médecine traditionnelle à leurs patients.

D’ailleurs, le statut des praticiens en médecine traditionnelle est complètement ignoré. Car dans les 14 articles concernant la régularisation des pratiques médicales et leur droit telle que l’obtention du titre de médecin, la procédure d’obtention de l’autorisation d’exercice pour la profession médicale, la suspension des activités et les sanctions correspondantes, la déclaration et la pénalisation concernant l’exercice de la profession, etc.993, il n’est question que des médecins en médecine moderne.

L’auteur Ye Yongwen pense que l’objectif de ce règlement est clairement de préconiser la médecine moderne et d’abaisser la médecine traditionnelle. D’après lui, et selon ce Règlement, l’importance de la médecine moderne a dépassé officiellement celle de la médecine traditionnelle, c’est donc un jalon historique du changement de statut des deux médecines dans l’histoire de la santé de Taïwan994.

Un autre auteur Chen Jinsheng explique l’influence du Règlement dans une vision plus pragmatique : l’objectif direct de ce règlement est de favoriser les médecins peu compétents

992 Le Règlement de la profession médicale de Taïwan (Taiwanyiyeguize, 台湾医业规则). 993 Lingmuzhezao, « 日治时期台湾医疗法制之研究 - 以医师之培育与结构为中心 (Rizhishiqitaiwanyiliaofazhizhiyanjiu-yiyishizhipeiyuyujiegouweizhongxin, Etude sur le droit de la santé de Taïwan pendant l’occupation du Japon-la formation et la structure des médecins) » (Thèse en histoire, National Taiwan Normal University, 2014), 66‑67. 994 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 61. 292 venus du Japon exercer la profession à Taïwan. Car au Japon à ce moment, la loi médicale n’est pas encore publiée, mais dans l’entre-temps les politiques visent à abolir la médecine Kampo, et le nombre de praticiens en médecine traditionnelle est largement diminué. Ainsi, en raison du long cycle de formation en médecine moderne, il n’y a pas encore assez de médecins compétents ; afin d’appliquer rapidement le nouveau système de santé à Taïwan, le gouvernement de Taïwan décide donc de confirmer par le droit local le statut de médecin de certains Japonais peu expérimentés, avant que la loi médecin ne soit promulguée en métropole995.

Les angles argumentaires des chercheurs sont différents, et pourtant il y a un point commun sur lequel ils sont d’accord : c’est l’attitude déterminant du gouvernement colonial de Taïwan dans la préconisation de la médecine occidentale.

Mais pourquoi une telle attitude, autrement dit pourquoi les Japonais insistent pour donner une telle importance à la médecine moderne, qui est aussi une médecine étrangère pour eux, dans l’édification du système de Taïwan ?

Exceptées les vertus curatives de cette médecine venant de l’Occident dans la maîtrise des épidémies, une autre raison se trouve dans le domaine de l’idéologie des Japonais : Li Tianze, dans son livre Japanese Popular Culture in Taiwan and Asia, dit que grâce à ses succès dans le processus de modernisation au XIXe siècle, et comparé avec Taïwan, le Japon est, dans le système mondial de l’époque, un pays para-occidental. Autrement dit, dans la zone géographique de l’Asie, le Japon se considère ou est considéré par les autres pays asiatiques comme un pays occidental996.

Si à l’époque les Japonais se voient comme « les Occidentaux de l’Asie », il est compréhensible qu’à Taiwan ils préfèrent établir un système de santé selon eux plus avancé, donc un système de santé occidentalisé en faisant référence à celui de leur métropole, sans oublier de tenir compte des circonstances réelles de Taïwan.

995 Jinsheng Chen, « 日治时代台湾医疗制度的回忆 - 以台湾乙种医师制度为主 (Rizhishidaitaiwanyiliaozhidudehuiyi-yitaiwanyizhongyishizhiduweizhu, Mémoire du système de santé de Taïwan pendant l’occupation du Japon- principalement sur le système des médecins B de Taïwan) », Taiwanshiliaoyanjiu 1, no 8 (1996): 22. 996 Li Tianduo, 日本流行文化在台灣與亞洲 (Ribenliuxingwenhuazaitaiwanyuyazhou, La culture populaire à Taïwan et en Asie) (Yuan-liou Publishing, 2002), 25‑26. 293

b) La formation en médecine.

Le nombre des médecins et leurs qualités professionnelles font partie des éléments essentiels d’un système de santé. Afin de s’adapter au système de santé plus moderne préconisé par les Japonais pour Taïwan, et face au problème de manque de médecins, deux solutions étaient à envisager : soit envoyer plus de médecins japonais depuis la métropole, soit former les médecins taïwanais.

Les documents historiques sur ce sujet montrent que le gouvernement de Taiwan a finalement opté pour la deuxième solution, ce qui implique d’ouvrir des écoles locales de médecine moderne.

Très vite, en 1897, dans l’hôpital de Taibei, une école de médecine qui s’appelle, en chinois, Yixuejiangxisuo997 est déjà ouverte au public998.

Puis, afin de systématiser rapidement la formation en médecine moderne sur l’île, en 1899 le gouvernement de Taïwan a élaboré la charte de l’école de médecine du gouverneur- général de Taïwan et cette école est fondée le 1er mai de la même année. Cet évènement est considéré comme le début formel de la formation en médecine dans l’histoire de Taïwan999.

205- Si auparavant les missionnaires religieux établissaient des écoles de médecine rudimentaires pour propager leurs connaissances aussi bien que leurs croyances, quand Taïwan était dominé par le régime colonial, quelles ont alors été les motivations de la préconisation de la formation en médecine occidentale et de la création précipitée du système adapté à celle- ci par les gouverneurs japonais ?

En septembre 1901, dans son rapport à une réunion des policiers et des médecins publics, le chef des affaires civiles de Taïwan, Gotō Shinpei (1857-1912), dit que depuis toujours en

997 Yixuejiangxisuo (医学讲习所). 998 Xiaotianjunlang, 台湾医学五十年 (Taiwanyixuewushinian, La cinquantaine de médecine à Taïwan), 63. 999 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 64. 294 saisissant les points faibles humains, tous les pays avaient profité des diverses religions pour séduire le cœur des peuples afin de renforcer leur souveraineté, mais que puisque au Japon aucune religion n’arrive à prendre une telle influence dans la gestion du pays, la guérison des maladies peut également être considérée comme la correction de défauts humains, ce qui est aussi une manière de gouverner un pays1000.

Le fameux médecin japonais Yamaguchi Hidetaka a avancé deux raisons : d’abord, il y avait peu de médecins japonais se portant volontaires pour travailler dans cette nouvelle colonie « arriérée » ; ensuite, former les médecins taïwanais favorisait l’importation de la culture japonaise dans l’île1001.

Bien entendu, importer sa propre culture dans ses colonies est un phénomène général au sein des histoires coloniales du monde1002, la seconde raison évoquée par Hidetaka est donc une raison générale.

En effet, les raisons spécifiques, sont d’abord, selon nous, la mauvaise condition sanitaire mentionnée au début de ce paragraphe qui requiert des soins médicaux sur l’île de toute urgence, mais qui décourage également les médecins japonais de venir découvrir ce nouveau champ d’activité ; ensuite, le préjugé des Japonais sur la médecine traditionnelle à l’époque décide que les autorités n’ont pas l’intention de lui attribuer d’importance dans le système sanitaire officiel.

Par conséquent, il ne reste plus qu’à former le plus vite possible les médecins locaux en médecine occidentale. Ainsi qu’il est décrit dans l’explication de la création de l’école de médecine du gouverneur-général de Taïwan : « A l’heure actuelle, les praticiens médicaux qui donnent des soins médicaux aux patients n’ont appris que la médecine traditionnelle chinoise, mais les remèdes qu’ils prescrivent n’ont consisté qu’en racines d’herbes et en écorces

1000 Shinpei Gotō, « 警察官及公医会议 (Jingchaguanjigongyihuiyi, La réunion de la police et les médecins publics) », Taiwanririxinbao, 20 septembre 1901. 1001 Hidetaka Yamaguchi, « 台湾总督府医学校成立之由来以及将来 之 企 望 (Taiwanzongdufuyixuexiaochenglizhiyoulaiyijijianglaizhiqiwang, la fondation et l’avenir de l’école de médecine du gouvernement de Taïwan) », trad. par Liangjun Han, Taiwanshiliaoyanjiu, no 8 (1996): 49. 1002 D’ailleurs, cela nous rappelle quelques arguments de Jules Ferry : « Les races supérieures ont un droit sur les races inférieures », tenus devant les députés le 28 juillet 1885, tels qu’ils sont transcrits au Journal Officiel. Ils constituent les fondements de la pensée coloniale de la IIIème République : « … Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures [...] [Remous sur plusieurs bancs à l'extrême gauche] parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont un devoir de civiliser les races inférieures. [...] », Suret-Canale Jean, Afrique Noire, Géographie, Civilisations, Histoire (Editions Sociales, s. d.), 244. 295 d’arbres, et leur façon de pratiquer est maladroite ; ces pratiquants n’ont pas de qualifications requises, comme ceux de la nouvelle médecine, et ne sont pas à la hauteur pour accomplir les missions de santé actuelles. De ce fait, et afin de promouvoir le développement du domaine de la santé de cette île, nous créons cette école, choisissons des hommes de talent parmi les Taïwanais et les formons pour en faire des médecins en médecine occidentale »1003.

206- La question des difficultés rencontrées dans ce processus se pose, et celle, subséquente, concernant les solutions apportées et les influences utilisées.

Ces écoles sont établies précipitamment, et connaissent dès leurs débuts des tas de difficultés, parmi lesquelles la première est le recrutement des élèves : il y avait en effet peu d’élèves qui voulaient passer tant d’années d’études pour apprendre une médecine venant de l’extérieur. Ce fait est attribuable aux raisons historique et sociales, car à l’époque à Taiwan, et à l’exception des grands sorciers-guérisseurs des tribus autochtones, le statut sociétal des praticiens en médecine est généralement bas et ils sont souvent mal rémunérés1004 ; il est donc normal que ces écoles de médecine n’intéressent pas aux gens locaux.

Indéniablement, dans la démarche de popularisation de la médecine moderne, la position du gouvernement doit jouer un rôle déterminant. En réalité, afin de résoudre ce problème, les autorités ont apporté deux solutions différentes, mais également incitatrices : des mesures financières, et des mesures morales.

Financièrement, le gouvernement non seulement exonère les frais scolaires pour ces études, mais attribue aussi des allocations aux élèves 1005; moralement, le pouvoir colonial

1003 Gouvernement de Taïwan, « 台湾总督府医学校官制 (Taiwanzongdufuyixuexiaoguanzhi, La charte de l’école de médecine du gouvernement de Taïwan) », in 公文类聚 (Gongwenleiju, Compilation des documents officiels), vol. 8, 23 (Taibei, 1899). 1004 Yamaguchi, « 台湾总督府医学校成立之由来以及将来之企望 (Taiwanzongdufuyixuexiaochenglizhiyoulaiyijijianglaizhiqiwang, la fondation et l’avenir de l’école de médecine du gouvernement de Taïwan) », 49. 1005 A l’école de médecine du gouverneur-général de Taïwan, depuis sa creation et jusqu’en 1916, le gouvernement attribuait chaque mois des prestations avec somme fixée aux élèves, et en contrepartie, les élèves bénéficiaires ont l’obligation d’occuper les postes qui leur seront désignés par le gouvernement pendant 5 ans après la fin de leurs études, Lingmuzhezao, « 日治时期台湾医疗法制之研究 - 以医师之培育与结构为中心 (Rizhishiqitaiwanyiliaofazhizhiyanjiu-yiyishizhipeiyuyujiegouweizhongxin, Etude sur le droit de la santé de Taïwan pendant l’occupation du Japon-la formation et la structure des médecins) », 114. 296 mobilise les missionnaires pour persuader les Taïwanais d’aller dans ces écoles apprendre la médecine1006.

Sans doute, pour que l’avancement de la formation des médecins suive son cours, le fait que le gouvernement prenne pleinement l’initiative est une condition nécessaire, mais cela n’est cependant pas suffisant pour résoudre le problème fondamentalement. En effet, si la société donnait suffisamment d’estime aux médecins et plus largement aux professions médicales, le recrutement des élèves médecins mentionné ci-dessus ne serait pas aussi problématique. Il semble alors que la cause essentielle de celui-ci est la reconnaissance du statut social des médecins aussi bien dans les couches gouvernantes que populaires.

207- Si nous poursuivons le raisonnement, nous pouvons essayer de nous interroger de manière plus poussée sur l’influence de la formation en médecine moderne sur les statuts juridique, politique et social de ses praticiens dans la société taïwanaise.

La médecine moderne est une médecine scientifique qui possède un lien très étroit avec la science moderne. Naturellement, la formation des médecins demande aux candidats un niveau de connaissance scientifique générale suffisante. La formation est souvent effectuée dans les établissements d’enseignement supérieur, ce qui était également le cas à Taïwan pendant cette période de colonisation. L’avantage de cela est qu’un parcours d’étude de haut niveau permet aux jeunes Taïwanais d’avoir leur première rencontre avec la science moderne, puis de se former et devenir les nouveaux intellectuels, voire les nouvelles élites de l’île.

Wu Wenxing, auteur taïwanais, constate que ce sont les jeunes médecins diplômés des écoles de médecine moderne qui constitueront l’ossature principale et vigoureuse dans la direction politique de la société de l’époque1007.

1006 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 63. 1007 Wenxing Wu, « 日据时期台湾的教育与社会领导阶层之塑造 (Rijushiqitaiwandejiaoyuyushehuilingdaojiecengzhisuzao, L’éducation et la formation des classes dirigeantes de la société à Taïwan pendant l’occupation du Japon) », Lishixuebao, no 10 (1982): 373. 297

Ou encore, selon Cai Dujian, le but de la formation en médecine occidentale est de former de nouveaux médecins qui remplaceront la classe notable traditionnelle et qui deviendront les intermédiaires afin de dominer la société taïwanaise1008.

La transmission de la connaissance scientifique la plus récente à l’époque semble donc favoriser l’émergence d’une nouvelle couche d’intellectuels dans la société. Cependant, il nous paraît que ces points de vue tendent à surestimer les vertus de cette formation en médecine donnée à la société taïwanaise. Tout d’abord parce que, bien que la création de la formation en médecine par le gouvernement a amélioré le bien-être et le niveau de vie des Taïwanais, l’objectif direct de l’initiative est de renforcer l’ordre social et de maintenir l’intérêt colonial de la métropole. La création d’une nouvelle couche d’intellectuels n’est pas l’intention initiale du gouvernement. Ensuite parce qu’étant un peuple colonisé, les Taïwanais n’ont pas la possibilité d’entrer au cœur du pouvoir gouvernemental, et les médecins et leurs activités sont toujours sous le contrôle sévère de la police1009, et ne peuvent donc réellement ni participer aux ni établir les décisions du gouvernement. S’ils ne peuvent pas être entendus par les autorités, comment ces médecins pourraient former une couche sociale émergente qui arrive à donner son influence dans la gestion de la société ?

Malgré cela, force est de constater que la formation en médecine moderne favorise la hausse des statuts sociaux, politique voire juridique des médecins. Mais l’influence apparaît seulement sur le long terme, c’est-à-dire qu’il faut attendre jusqu’après la récupération de Taïwan par le gouvernement nationaliste chinois en 19451010, simplement parce que c’était à partir de ce moment-là que les jeunes médecins diplômés ont eu la possibilité de pénétrer les cercles du pouvoir1011.

1008 Dujian Cai, 实践医学人文的可能 (Shijianyixuerenwendekeneng, La possibilité de réaliser les humanités médicals) (Taibei: Tangshanchubanshe, 2001), 15. 1009 L’auteur Liu Shiyong décrit la situation de l’administration de la santé publique de Taïwan comme « un système de santé publique qui est hautement centralisé ; un système de police de santé qui est extrêmement contraint et forcé ; des politiques antiépidémiques qui privilégient les colonies japonaises », Shiyong Liu, « 1930 年代以前日治时期台湾医学的特质 (1930niandaiyiqianrizhishiqitaiwanyixuedetezhi, Les caractéristiques des médecines à Taïwan pendant l’occupation du Japon avant les années 30) », Taiwanshiyanjiu 4, no 1 (1997): 138. 1010 Avant cette date, les principaux canaux pour réclamer des droits pour les médecins taïwanais sont soit des associations qui n’ont jamais exercé d’influence décisive sur le gouvernement de Taïwan, soit quelques mouvements de revendication ou de protestation qui sont généralement sans succès, Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 77. 1011 Chen, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi, Histoire de l’évolution de médecine à Taïwan). 298

La médecine traditionnelle survit tant bien que mal durant cette période. Grâce à toutes les mesures incitatives du gouvernement, les premiers élèves des écoles de médecine occidentale sont de jeunes médecins issus de la médecine chinoise, les enfants des pharmaciens et les enfants des croyants religieux1012. Mais si ceux-ci commencent à s’orienter vers les études en médecine moderne, l’avenir de la médecine chinoise à Taïwan semble certainement inquiétant.

c) Le titre de médecin.

208- Les « Règles pour les médecins de Taïwan 1013» publiées en janvier 19161014 est un texte juridique élaboré par le gouvernement colonial taïwanais dans le but de régulariser les conditions requises concernant l’obtention du titre de médecin sur l’île.

En effet, la loi des médecins de 1906 du Japon est repris dans l’essentiel de son contenu au sein de ce texte. Selon les Règles, si les candidats veulent obtenir le titre de médecin, avant d’obtenir l’autorisation du gouvernement de Taïwan, il faut remplir une des cinq conditions requises :

- Être diplômé des écoles officielles ou publiques désignées par le gouverneur-général de Taïwan ;

- Être diplômé des écoles de médecine établies par le gouvernement ;

- Réussir les examens choisis par le gouverneur-général de Taïwan ;

- Être Japonais, soit diplômé d’une école étrangère, soit médecin titulaire, en conformité avec les assignations du gouverneur-général de Taïwan ;

1012 Xiaotianjunlang, 台湾医学五十年 (Taiwanyixuewushinian, La cinquantaine de médecine à Taïwan), 63. 1013 Règles pour les médecins de Taïwan (Taiwanyishiling, 台湾医师令). 1014 Ce texte juridique est abrogé en novembre 1942. 299

- Être médecin titulaire, dont le titre de médecin est délivré par le ministère de l’Intérieur du Japon1015.

Ces conditions montrent qu’afin de promouvoir la médecine occidentale le plus efficacement possible, trois voies sont ouvertes pour être médecin titulaire : réussir ses études à l’école de médecine, passer les examens organisés par le gouvernement de Taïwan, ou obtenir une dérogation accordée par les autorités de la métropole.

De fait et comme nous l’avons dit, ces Règles imitent la loi des médecins du Japon. Il faut pourtant savoir que par comparaison avec le niveau d’avancement de la formation en médecine de la métropole, celui de Taïwan est encore élémentaire : depuis les prémices de cette formation en médecine moderne en 1897 à Taïwan, jusqu’à la publication de ces Règles en 1906, l’intervalle de 9 ans entre ces deux événements n’est pas très long ; de plus, la formation a été beaucoup perturbée par des difficultés telles que le manque de professeurs compétents et d’élèves aptes1016. Dans ce cas-là, si ces Règles exigent le même critère d’obtention du titre de médecin qu’au Japon, il apparaît que le droit d’accès à la profession médicale sera trop restreint pour la situation de Taïwan.

Ces trois voies pour devenir médecin titulaire conduisent à deux systèmes spécifiques : le système de gongyi1017 et le système de xiandiyi1018. Il faut dire que ce sont des compromis adoptés par le gouvernement de Taïwan pour résoudre le problème de manque de médecins en médecine moderne, et aussi pour exclure au maximum l’impact de la médecine traditionnelle dans le système de santé.

1015 Bai, 重修台湾省通志 (Chongxiutaiwanshengtongzhi, Nouvelles annales de Taïwan), 230. 1016 Prenons l’exemple de l’école de médecine du gouverneur-général de Taïwan : ce n’est qu’à partir de 1905 que le nombre de diplômés issus de cette école commence à augmenter, Lingmuzhezao, « 日治时期台湾医疗法制之 研究-以医师之培育与结构为中心 (Rizhishiqitaiwanyiliaofazhizhiyanjiu-yiyishizhipeiyuyujiegouweizhongxin, Etude sur le droit de la santé de Taïwan pendant l’occupation du Japon-la formation et la structure des médecins) », 114. 1017 Gongyi (公医). 1018 Xiandiyi (限地医). 300

209- Le système de gongyi. Nous pouvons littérairement traduire le terme gongyi par « médecin public ». C’est un système spécialement inventé pour les territoires nouveaux du Japon de l’époque comme le Taïwan, la Corée, l’île de Sakhaline, le Guangdong, les îles du Pacifique sous mandat japonais, etc.

En réalité, le système de médecin public n’est pas seulement une sorte de nomination ou de titulature pour les praticiens, il s’agit aussi de la participation à un organisme administratif local de la santé, et finalement à une fonction plus essentielle.

En effet, au départ, l’objectif de la création du système de médecins publics était de lutter contre la dépendance à l’opium, très importante à l’époque. Mais peu à peu sa fonction ne s’est plus limité à cela : en dehors de leur obligation de remplir la fonction ordinaire de médecin1019, les médecins publics se chargent surtout de tâches administratives telles que le celle du médecin légiste, la prévention des épidémies, l’exécution des politiques de santé du gouvernement, etc. C’est pourquoi la décision d’installer ou pas un poste de médecin public dans un endroit dépend surtout du besoin administratif des autorités locales : soit pour faciliter le travail de la police, soit pour adapter l’arrangement de la subdivision administrative1020.

Les autorités appliquent ce système sur toute l’île de Taïwan, mais le privilégient encore plus aux endroits où habitent les autochtones1021, parce que les autorités considèrent que les régions éloignées ont plus besoin de ces médecins par rapport aux villes importantes dans lesquelles sont déjà installés un certain nombre d’établissements de santé1022.

En dehors de cette raison évidente, on peut aussi probablement l’interpréter autrement : en effet, le rôle des médecins publics est conçu par Gotō Shinpei comme celui de « défricheurs

1019 Donner des soins aux malades et sauver les vies. 1020 Par exemple, en 1914, le chef administratif de Ahou (阿猴) demande au gouverneur général de l’époque de supprimer le poste de médecin public à Wenshuai (蚊蟀). La raison de cette demande est que la sous-préfecture de Wenshuai a été supprimée, il n’y a donc théoriquement plus besoin du poste de médecin public pour cet endroit, Gouvernement de Taïwan, éd., 1914 年度台湾总督府民政事务成绩提要 (1914niandutaiwanzongdufuminzhengshiwuchengjitiyao, L’aperçu des oeuvres accomplies des affaires civiles du gouvernement de Taïwan de l’année 1914), 20 (Taibei, 1915), 403. 1021 台湾总督府民政事务成绩提要 (Taiwanzongdufuminzhengshiwuchengjitiyao, Résumé succinct des affaires civiles accomplies du gouvernement de Taïwan) (Taibei: Gouvernement de Taïwan, 1908), 130‑31. 1022 Gouvernement de Taïwan, éd., 明治三十一年台湾总督府公文类纂 (Mingzhisanshiyiniantaiwanzongdufugongwenleizuan, Recueil des documents officiels du gouvernement de Taïwan en 31e année sous le règne de Meiji), vol. 23, 4556 (Taibei, 1898). 301 de la civilisation » 1023. Ainsi, de même que les missionnaires occidentaux, avec le soutien politique et économique du gouvernement1024, les médecins publics peuvent, en profitant de tous les avantages de la médecine scientifique, pénétrer dans la société taïwanaise et acquérir la confiance des masses, pour ensuite favoriser l’acceptation des politiques coloniales par le plus grand nombre.

210- Le système de xiandiyi1025. La création du système de xiandiyi est basée sur l’article 4 des règles de la profession médicale de Taïwan en 1895, selon lequel les personnes qui ne sont pas habilitées médecin peuvent recevoir le titre de médecin par dérogation du gouvernement, sous condition que le lieu et la durée de l’activité de ces médecins soient strictement limités par les décisions des autorités.

Le système de xiandiyi est né et était appliqué également au Japon, mais dans le but d’améliorer la qualité des médecins, cela fut aboli après l’entrée en vigueur de la loi des médecins en 1906.

Contrairement au cas du Japon, à Taïwan ce système a existé jusqu’à la fin de l’occupation des Japonais, et à la suite de l’évolution du système de santé de cette île, il prend de plus en plus d’importance1026. Particulièrement après 1916, année où le gouvernement de Taïwan a sorti tout exprès un texte juridique nommé « Principes d’autorisation pour les xiandiyis »1027, afin de mieux gérer l’accès à la profession médicale de ces médecins ayant une connaissance en médecine inférieure à celle requise ordinairement1028.

1023 Gotō, « 警察官及公医会议 (Jingchaguanjigongyihuiyi, La réunion de la police et les médecins publics) ». 1024 D’abord, selon les « Règles pour les médecins publics de Taïwan » (Taiwangongyiguize, 台湾公医规则) de 1916, le gouvernement attribue de plus fortes prestations pour les médecins publics s’installant dans les régions éloignées ; ensuite, depuis l’arrêté n° 8 de juin 1896 du gouvernement général de Taïwan qui porte sur la modification des règles pour les médecins publics, le gouvernement-général de Taïwan attribue l’autorité de la répartition des médecins publics à l’Administration locale. 1025 Xiandiyi (限地医) ou xiandikaiyeyi (限地开业医). 1026 Au début de la création de ce statut, en mai 1915, il y avait seulement 7 xiandiyis, mais peu à peu le nombre de ce type de médecin augmente : 70 xiandiyis en 1923, 105 xiandiyis en 1926, 132 xiandiyis en 1929…, Gouvernement de Taïwan, éd., 台湾总督府事务成绩提要 (Taiwanzongdufushiwuchengjitiyao, Résumé succinct du travail du gouvernement de Taïwan), 35 (Taibei, 1938), 699. 1027 Principes d’autorisation pour les xiandiyis (xiandikaiyeyimianxufangzhen, 限地开业医免许方针). 1028 Par exemple, être diplômé des écoles formelles de médecine. 302

Le pragmatisme manifesté par ce système se prouve dans ces Principes.

En premier lieu, au début de la création du système, toute personne ayant des expériences médicales corrélatives peut participer à l’examen pour devenir xiandiyi, la loi n’exigeant alors pas plus de conditions requises ; puis en suivant l’évolution de ce système, une trentaine d’années après et face à l’augmentation importante du nombre de xiandiyis, dans le but d’améliorer la compétence professionnelle de ces médecins et la gestion de ce système, le gouvernement sort en août 1941 l’arrêté n°156. Cet arrêté fixe les règles de l’examen pour les médecins en médecine occidentale de Taïwan, qui se divise en examen A et examen B, suivant les niveaux d’instruction des candidats. L’examen A est désormais ouvert à ceux qui sont des diplômés des écoles secondaires et qui ont suivi des cours de médecine pendant 4 ans ou plus dans des écoles de médecine, ou ceux qui a déjà passé l’examen B et eu 3 ans ou plus d’expérience1029 ; le critère pour pouvoir passer l’examen B est moins sévère que celui de l’examen A, mais afin de s’inscrire à l’examen B, les candidats doivent avoir pratiqué la médecine pendant 3 ans ou plus1030. Tous ces détails montrent que pour ce type de médecins, les autorités prennent plus leur expérience pratique que leur formation théorique en considération1031.

Secondement, ces médecins n’ont le droit de s’installer qu’au niveau de la sous- préfecture ou en dessous. Il ne doit pas exister de médecin titulaire en activité à un kilomètre à la ronde de l’endroit où les xiandiyi s’installent. L’objectif de cet arrangement est vraiment de pourvoir à une vacance de médecins titulaires 1032 dans les endroits reculés. D’ailleurs, les

1029 L’examen A n’a été organisé qu’une fois en juillet 1942, et parmi 47 candidats, aucun candidat n’a réussi cet examen, Jinsheng Chen, « 日治时代台湾医疗制度的回忆- 以台湾乙种医师制度为主 (Rizhishidaitaiwanyiliaozhidudehuiyi-yitaiwanyizhongyishizhiduweizhu, Mémoire du système de santé de Taïwan pendant l’occupation du Japon- principalement sur le système des médecins B de Taïwan) », Taiwanshiliaoyanjiu 2, no 9 (mai 1997): 121. 1030 Wan Chen, 台湾医师试验问题集 (Taiwanyishishiyanwentiji, Questionnaire expérimentale des médecins de Taïwan) (Taibei: Xingnanxinwenshe, 1941). 1031 En cas de manque gravement de médecins dans certains endroits, les autorisés peuvent même accorder une dérogation pour les candidats qui n’ont pas réussi l’examen en notant par exemple, bien que les notes de ce candidat ne soient pas bonnes, selon la situation de la localité, nous pouvons lui délivrer le certificat de xiandiyi, 大正八年 台湾总督府公文类纂 (Dazhengbaniantaiwanzongdufugongwenleizuan, Recueil des documents officiels du gouvernement de Taïwan en 8e année sous le règne de Taishō), vol. 3 (Taibei, 1919), chap. 3,8. Gouvernement de Taïwan, éd., 大正九年台湾总督府公文类纂 (Dazhengjiuniantaiwanzongdufugongwenleizuan, Recueil des documents officiels du gouvernement de Taïwan en 9e année sous le règne de Taishō), vol. 2 (Taibei, 1920), chap. 2,9,11,12. 1032 Le médecin titulaire : ce qui a obtenu le titre de médecin par la voie ordinaire et exécuté la profession légalement conformément aux Règles de la profession médicale de Taïwan publiées en 1896. 303 médecins publics peuvent être commis au poste de xiandiyi par le gouvernement de Taïwan1033. On peut donc dire que le xiandiyi est une sorte de « médecin alternatif ».

Troisièmement et dernièrement, l’autorisation est valable 3 ans, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un poste temporaire et flexible qui peut s’adapter facilement à la disposition des médecins d’après les décisions du gouvernement, et selon les circonstances sur l’île.

Sans aucun doute, le statut de xiandiyi est inférieur à celui de médecin titulaire, et ses caractères flexibles reflètent l’intention de privilégier et de protéger les intérêts des médecins titulaires par le pouvoir politique.

Par ailleurs, sachant que le système de xiandiyi et la médecine traditionnelle sont des choix alternatifs en cas de manque de médecins qualifiés, il est alors intéressant de s’interroger sur le rapport entre eux. Les autorités n’ont jamais sorti un document particulier pour désigner la hiérarchie des positions pour les praticiens des différentes médecines. Cependant, certains textes juridiques nous aident à traduire et interpréter l’attitude officielle concernant ce sujet : la Circulaire N°1795 du chef des affaires civiles de Taïwan notamment, publiée le 19 juin 1918, et qui explique que « le médecin titulaire » signifie les diplômés des écoles formelles de médecine ou les personnes qui ont réussi l’examen de médecin. Autrement dit, les Principes sur l’autorisation des xiandiyis ne protègent pas l’intérêt des praticiens en médecine traditionnelle, car même si leur statut de praticien de médecine yisheng est confirmé officiellement par la loi, les xiandiyis ont toujours le droit de s’installer dans un endroit où des médecins chinois officient.

Sachant encore qu’une partie des médecins publics sont des xiandiyis, et que le gouvernement attribue des subventions pour aider les activités des médecins publics qui se sont installés dans les endroits éloignés des grandes villes, les xiandiyis1034 sont plus protégés par le gouvernement que les médecins traditionnels.

1033 Depuis les années 30s, plus de 40% de médecins publics sont xiandiyi, Lingmuzhezao, « 日治时期台湾医疗 法制之研究- 以医师之培育与结构为中心 (Rizhishiqitaiwanyiliaofazhizhiyanjiu- yiyishizhipeiyuyujiegouweizhongxin, Etude sur le droit de la santé de Taïwan pendant l’occupation du Japon-la formation et la structure des médecins) », 118. 1034 En 1929 il y avait au total 132 xiandiyis, ce qui veut dire que parmi les médecins toutes pratiques confondues (médecine occidentale et médecine traditionnelle), le pourcentage des xiandiyis est de 8,4% ; et 16,7% de médecins en médecine occidentale sont xiandiyis, Service de la statitstique du bureau du préfet de Taïwan, éd., 台湾省五十 一年来统计提要 (Taiwanshengwushiyinianlaitongjitiyao, Aperçu de la statistique pendant 51 ans de la province de Taïwan) (Taibei, 1946), 1249. 304

Par conséquent, nous avons raison de dire que le gouvernement préfère régulariser le statut juridique de praticiens pourtant moins compétents en médecine moderne, qu’autoriser plus de praticiens bien expérimentés en médecine traditionnelle via la pratique et reconnus par les habitants locaux, à intégrer leur système de santé.

À force d’appliquer ces mesures, pendant le demi-siècle d’occupation, l’augmentation du nombre de personnel de santé est considérable1035. Finalement, la situation de la médecine moderne a connu un changement profond. D’abord, depuis les années 30 le gouvernement commence à interdire aux médecins missionnaires d’exercer la médecine dans les villes1036. La médecine religieuse se retire peu à peu de la société taïwanaise, et les médecins locaux en médecine moderne commencent à former une force unifiée dans le monde de cette nouvelle médecine. Ensuite, et malgré le manque de médecins1037, les médecins en médecine moderne s’installent de manière systématique dans chaque ville et chaque village1038. C’est un bon début d’enracinement de cette médecine venant pourtant de l’extérieur.

2) La médecine traditionnelle, un statut inférieur et risquant d’être supprimé.

A Taïwan, les praticiens en médecine traditionnelle comprennent les guérisseurs de la médecine locale taïwanaise et de la médecine chinoise.

1035 En 1897, le nombre de médecins en médecine occidentale est de 259, et en 1942 de 2,241, et en 1945, ce chiffre atteint 3,426. Pour les dentistes : avant 1909, il y a seulement 4 dentistes ; en 1942, il y en a 567 ; en 1945, le nombre de dentistes augmente jusqu’à 738. La situation des sages-femmes est encore plus représentative, puisque entre 1897 et 1942, le nombre des sages-femmes augmente de 2 à 2,159, Guangwei Chen, Peiqi Zhou, et Zhaogeng Lin, « 20 世纪 60 年代前台湾中医发展简史 (20shiji60niandaitaiwanzhongyifazhanjianshi, l’histoire brève du développement de la médecine chinoise dans les année 60 du 20e siècle) », China Journal of Medical History, no 37‑2 (2007): 71‑75. 1036 Liyun Zhang, 医疗与社会-医疗社会学的探讨 (Yiliaoyushehui-yiliaoshehuixuedetanTao, Le traitement médical et la société-sous l’angles de la sociologie médicale) (Taibei: Chuliu, 2001), 173‑74. 1037 Par exemple, en 1938 dans le village de Jiezhuangbu (街庄部), 4,196 personnes ont un seul médecin en médecine occidentale, Lingmuzhezao, « 日治时期台湾医疗法制之研究 -以医师之培育与结构为中心 (Rizhishiqitaiwanyiliaofazhizhiyanjiu-yiyishizhipeiyuyujiegouweizhongxin, Etude sur le droit de la santé de Taïwan pendant l’occupation du Japon-la formation et la structure des médecins) », 145. 1038 En 1938, seuls 12 villages sur 235 ne voient pas de médecin qui s’installe, et à l’exception de deux ou trois d’entre eux, ils sont tous situés près de villes ou de villages voisins où il y a des médecins en permanence, Gouvernement de Taïwan, éd., 台湾总督府事务成绩提要 (Taiwanzongdufushiwuchengjitiyao, Résumé succinct du travail du gouvernement de Taïwan), 44 (Taibei, 1942), 737‑38. 305

Du côté de la médecine chinoise, selon une statistique effectuée en 1879 par les Japonais, la population taïwanaise était d’environ 2,500,000 et le nombre de praticiens en médecine chinoise était de 1,070, parmi lesquels il faut séparer ceux qui sont autodidactes, ceux qui sont issus des familles de médecine, et ceux qui apprennent la médecine en suivant leurs maîtres praticiens1039.

Le statut des médecins traditionnels est en effet sous-estimé par le pouvoir politique (a), et cette attitude conduit à la production de l’arrêté n°47 du gouvernement, qui conduit à une décadence grave de la médecine traditionnelle (b). Face à la situation, la résistance du monde de la médecine traditionnelle manque d’efficacité et demeure sans conséquence (c).

a) La sous-estimation.

211- Au début de l’occupation, en raison de la sous-estimation chronique de cette médecine, les statuts juridiques de ces praticiens en médecine traditionnelle n’étaient pas reconnus par le gouvernement colonial.

D’après le fameux docteur japonais Yamaguchi Hidetaka, les praticiens en médecine traditionnelle à Taïwan ne représentent pas de personnel de santé, car ces personnes ne connaissent pas la physiologie, ni la pathologie, voire certains d’entre eux sont même des analphabètes ; de plus, leur méthode de traitement est simplement d’écouter les patients parler de leurs symptômes, puis de prescrire des racines, des herbes et des écorces d’arbres1040.

1039 Shengkun Chen, 中国疾病史 (Zhongguojibingshi, Histoire de la maladie en Chine) (Taibei: Zirankexue, 1981), 217‑18. 1040 Yamaguchi, « 台湾总督府医学校成立之由来以及将来之企望 (Taiwanzongdufuyixuexiaochenglizhiyoulaiyijijianglaizhiqiwang, la fondation et l’avenir de l’école de médecine du gouvernement de Taïwan) », 51. 306

L’opinion de Hidetaka soulève bien entendu certains problèmes qui existent dans les pratiques de la médecine traditionnelle, mais sans tomber dans la polémique du domaine technique médical, nous pouvons cependant affirmer que le point de vue de ce fameux médecin représente le préjugé des médecins en médecine moderne et du gouvernement japonais face aux médecins traditionnels.

Si le nombre de médecins en médecine moderne avait pu satisfaire la demande de santé publique, il est certain que les autorités n’auraient jamais accordé le droit d’exercice médical à ces praticiens en médecine traditionnelle. C’est donc la réalité sociale, plus précisément le manque de moyens financiers et de personnel médical qui a forcé le gouvernement à accepter l’existence de la médecine traditionnelle.

b) L’arrêté n° 47 et la décadence grave de la médecine traditionnelle.

212- Même dans un tel contexte, le statut des praticiens en médecine traditionnelle est encore reconnu par le gouvernement mais de manière assez tardive : en juillet 1901, la profession est régularisée par la publication de l’arrêté n° 47 du gouvernement colonial, lequel est intitulé « Règles d’acquisition de l’aptitude de yishi à Taïwan »1041.

En vertu de ces Règles, seuls les praticiens qui ont réussi l’examen organisé par le gouvernement de Taïwan et détiennent une licence d’activité délivrée par l’administration compétente ont le droit de donner des soins médicaux aux patients.

Extérieurement, l’arrêté n° 47 favorise la régularisation de la médecine traditionnelle, mais en réalité, il s’agit pour le pouvoir de faire d’une pierre deux coups :

1041 Règles de l’acquisition de l’aptitude de yishi à Taïwan (Taiwanyishimianxuguize, 台湾医师免许规则), Yang, « On Taiwan Chinese Medicine Doctor Practice Qualification and Specialty Education », 110. 307

- D’un côté, le gouvernement profite du fait que les praticiens en médecine traditionnelle s’occupent de la santé des Taïwanais en leur donnant des soins traditionnels ;

- De l’autre côté, cet arrêté affaiblit de manière pratique la position de la médecine traditionnelle, ce qui peut préparer à une suppression totale de celle-ci. En effet, cela est exactement le scénario de l’abolition de la médecine kampo pendant la restauration de Meiji.

Le raisonnement nous paraît simple, pour en arriver à ce second point. D’après cet arrêté, pour pouvoir pratiquer légalement la médecine traditionnelle, il faut passer l’examen organisé par le gouvernement. Les conditions requises pour pouvoir passer cet examen ont exclu beaucoup de guérisseurs d’avoir la chance de continuer à exercer leur profession : en dehors de la condition de nationalité, les candidats doivent avoir pratiqué la médecine pendant 10 ans ou plus, donc une durée déraisonnablement longue pour obtenir la possibilité de participer à un examen d’entrée dans la profession.

Selon le même arrêté, seuls les candidats qui ont réussi l’examen et qui se sont inscrits auprès de la police dans un délai limité peuvent s’appeler yisheng et pratiquer légalement. Mais la liberté pour exercer leur activité est fortement réduite : les yishengs ne peuvent pratiquer la médecine que dans la zone où ils se sont inscrits, et ils doivent « accepter » la surveillance des médecins en médecine moderne, yishis1042. En d’autres termes, au fond, le statut des médecins en médecine moderne est non seulement supérieur à celui des praticiens en médecine traditionnelle, mais le droit donne même une autorité de supervision aux premiers sur les seconds.

Malgré ces mesures exigeantes et discriminatoires, si les Japonais continuent à accorder le droit d’exercer leur profession aux praticiens en médecine traditionnelle, la situation de la médecine traditionnelle de Taïwan est toujours susceptible d’être améliorée, car il faut avouer que son mode de fonctionnement manque de discipline. Cependant l’ensemble desdites mesures

1042 De plus, dans le projet du 16 mai 1901 des règles d’acquisition de l’aptitude à être yishi à Taïwan, l’article 4 exige que les yishi guident souvent les yisheng, et recommande de conserver une relation de maître à élève entre les deux, Xiqing Xu, 台湾总督府公文类纂 (Taiwanzongdufugongwenleizuan, Recueil des documents officiels du gouvernement de Taïwan), 卫生史料汇编(明治三十年一月至明治三十四年十二月) (Weishengshiliaohuibian (Mingzhisanshinianyiyuezhimingzhisanshisinianshieryue), Recueil des documents historiques de la santé (entre le janvier du trente ans et le décembre du trente-quatre ans sous le règne de Meiji)) (Taiwanshengwenxianweiyuanhui, 2001), 239. 308 ont objectivement mis la profession en ordre, ce qui est favorable à l’évolution de cette médecine à long terme.

Depuis l’exécution de l’arrêté n°47, les autorités n’ont organisé qu’un seul examen précité en 1901, puis refusent d’en organiser à nouveau1043. Par conséquent, le nombre de yishengs diminue chaque année, et vers la fin de l’occupation, il ne reste que quelques dizaines de yishengs sur l’île1044, ce qui met la survie de cette médecine ancienne en péril.

c) Une résistance qui manque d’efficacité et qui reste sans conséquence.

213- La résistance dont nous parlons est liée aux politiques envisageant d’abolir la médecine traditionnelle, qui s’est soulevée d’abord au Japon ensuite à Taïwan.

Le 29 janvier 1928, les milieux de la médecine kampo créent l’association dongyangyidaohui1045 et édité leur publication officielle hanwenhuanghanyijie1046 ; dix mois plus tard, le 5 décembre, le monde de la médecine chinoise établit une branche de cette association à Taïwan avec également une publication mensuelle officielle intitulée taiwanhuanghanyijie1047.

214- Mais c’est une résistance sans force et sans conséquence :

- Sans force, d’abord parce que les seules actions remarquables de la résistance, une revendication à petite échelle en 1930 et le discours itinérant du chef de l’association

1043 Lieh-Der Chen, « A Study of The Educational Background of Chinese Medicine Practitioners in Taiwan » (Thèse en histoire, China Medical University, 1998), 2‑13. 1044 Selon les statistiques concernant l’examen organisé en 1901, il y avait 2 126 candidats : parmi eux, 1 097 candidats ont réussi l’examen, 650 candidats ont obtenu le certificat sans passer l’examen, et 156 candidats ont obtenu le certificat par dérogation sans avoir réussi l’examen. Par conséquent, au total, 1903 candidats ont obtenu le certificat d’aptitude à la profession médicale. Mais après cet examen en 1901 les autorités ont décidé de ne plus délivrer le même certificat, et en 1943 il ne reste plus que 97 yishengs à Taïwan, Chen, Zhou, et Lin, « 20 世纪 60 年代前台湾中医发展简史 (20shiji60niandaitaiwanzhongyifazhanjianshi, l’histoire brève du développement de la médecine chinoise dans les année 60 du 20e siècle) », 71‑75. 1045 Dongyangyidaohui (东洋医道会). 1046 Hanwenhuanghanyijie (汉文皇汉医界). 1047 Taiwanhuanghanyijie (台湾皇汉医界). 309 dongyangyidaohui, Minami Haizan, sur Taïwan1048, n’ont pu faire ressentir aucune pression au gouvernement ; ensuite parce que la raison essentielle empruntée par les membres de l’association est que la vie du peuple taïwanais dépend beaucoup de la médecine traditionnelle, et qu’il faut donc continuer à permettre à ses praticiens de s’inscrire à la profession médicale et d’ouvrir plus d’établissements de formation1049. Évidemment leurs arguments ne sont pas assez convaincants pour que les gouverneurs japonais changent de politiques ;

- Sans conséquence, car après 3 ans d’efforts, il n’y a aucune influence concrète sur les politiques de la santé du gouvernement. Finalement, en 1933 l’association dongyangyidaohui suspend son activité et arrête sa publication officielle à Taïwan1050.

Il semble que pour des raisons historiques, culturelles et politiques mentionnées plus haut, face à leur gouverneur étranger, les milieux de la médecine chinoise de Taïwan manquent de puissance et de cohésion.

***

Le renversement des rôles de la médecine traditionnelle et de la médecine occidentale à Taïwan s’effectue donc pendant l’occupation des Japonais. La raison essentielle de ce changement, dû au préjugé sur la médecine traditionnelle et à la grande estime pour la médecine moderne venant de l’Occident, existait déjà au Japon avant l’occupation. Lorsqu’est venu le moment d’ériger un système de santé à Taïwan, il n’y a évidemment pas eu de discussion sur quelle médecine est la meilleure dans les milieux intellectuels et politiques. En réalité, les politiques vigoureuses menées par les Japonais sont la cause déterminante qui a conduit à la décadence de la médecine traditionnelle et à l’intégration définitive et prioritaire de la médecine moderne dans l’administration de la santé.

1048 Chen, Zhou, et Lin, « 20 世纪 60 年代前台湾中医发展简史 (20shiji60niandaitaiwanzhongyifazhanjianshi, l’histoire brève du développement de la médecine chinoise dans les année 60 du 20e siècle) », 71‑75. 1049 Ibid. 1050 Ibid. 310

Section II : Début de la seconde moitié du XXe siècle : les deux médecines sous une administration perturbée.

À la suite de la défaite du Japon à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la République de Chine reconquiert l’île de Taïwan où le gouvernement nationaliste chinois prend rapidement en main les biens, les organismes administratifs et les affaires militaires des Japonais. Quant au domaine de la santé, avec le déroulement de la seconde guerre civile (1945-1949) avec le parti communiste chinois, les autorités font fonctionner continuellement l’ancien système établi par les Japonais 1051 , en favorisant la reconstruction des établissements de santé endommagés pendant la guerre, la création de nouveaux bâtiments et la mutation du personnel de direction.

A la suie de la perte par la République de Chine de son siège à l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 19711052, du dégel des relations diplomatiques entre le gouvernement communiste chinois et le gouvernement des États-Unis dans les années 1970 et du décès de Tchang Kaï-chek en 1975, le changement des circonstances politiques internes et externes sert de tournant pour la position des politiques du gouvernement nationaliste. Autrement dit, au lieu d’insister sur le plan utopique de la reconquête de la Chine continentale, le parti nationaliste cherche désormais seulement à stabiliser son gouvernement sur l’île. Désormais, le pouvoir politique se concentre de plus en plus sur l’édification de l’économie de Taïwan et sur l’amélioration des conditions de vie du peuple taïwanais, afin d’obtenir plus de soutien social et politique et de relâcher la tension avec les natifs de l’île.

Selon les chercheurs taïwanais, entre 1945 et 1970, la situation de gestion de la santé publique s’est caractérisée par la continuité1053 et le rétablissement1054, et que la particularité des

1051 Bai, 重修台湾省通志 (Chongxiutaiwanshengtongzhi, Nouvelles annales de Taïwan), 428‑32. 1052 Selon la Résolution 2758 de l’Assemblée générale des Nations unies, la République Populaire de Chine occupait désormais le siège de la Chine à l’ONU. 1053 Zhang, 医疗与社会-医疗社会学的探讨 (Yiliaoyushehui-yiliaoshehuixuedetanTao, Le traitement médical et la société-sous l’angles de la sociologie médicale), 309‑10. 1054 Chen, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi, Histoire de l’évolution de médecine à Taïwan), 123‑24. Shufen Chen, 战后之疫:台湾的公共卫生问题与建制 (1945-1954) (Zhanhouzhiyi: Taiwandegonggongwenshengwentiyijianzhi(1945-1954), Les épidémies d’après-guerre: l’institution et les questions de la santé de Taïwan(1945-1954)) (Taibei: Daw Shiang Publishing, 2000), 12‑13. 311 politiques de la santé s’introduisait par le libéralisme économique 1055 . C’est-à-dire que le gouvernement a une attitude de « laisser-faire » face à la gestion de la santé publique.

À partir des années 1970, les choses évoluent progressivement : en 1971, le Bureau de la Santé est établi au sein de la Cour exécutive ; en 1975, la nouvelle loi des médecins est publié ; de même en 1975, la création de l’école nationale de médecine Yang-Ming, etc.

L’étude se déroule en deux parties : d’abord, l’administration de santé du début de la réoccupation de Taïwan était assez perturbée (I) ; et par la suite, les deux médecines évoluent différemment (II).

I. Une administration de santé perturbée.

La raison pour laquelle nous disons qu’il s’agit là d’une administration perturbée est double : d’abord, à cause des arrangements nécessaires d’un système administratif inadapté (A) ; ensuite, au niveau des politiques concrètes, les mesures prises par le gouvernement ont également fait des ravages dans le domaine de la santé publique (B).

A. La dégradation de la situation de santé lors des rectifications.

Les corrections du système administratif dans ses inaptitudes se prouvent d’abord par le fait que l’administration de santé se sépare partiellement de la police (1), ensuite par la descente d’échelon des organismes de la santé et des établissements de santé (2).

1055 Dongliang Jiang, 医疗保健政策-台湾经验 (Yiliaobaojianzhengce-Taiwanjingyan, Les politiques de la santé- les expériences de Taïwan) (Taibei: Chuliu, 2001), 52‑72. 312

1) L’administration de santé se sépare partiellement de la police.

215- Après la prise en main des affaires sanitaires auparavant gérées par les Japonais depuis 1945, l’organisme qui se charge de l’administration de santé est l’office de la Santé1056. Sa hiérarchie administrative se situe juste en dessous du bureau du Préfet 1057 , qui était l’organisme sous l’autorité du gouvernement nationaliste central, et le responsable général de l’administration de Taïwan.

Étant donné que l’office de la Santé a obtenu plus d’autonomie dans l’administration de la santé, le poste de police sanitaire1058 est supprimé et la gestion des affaires sanitaires ne relève plus des attributions principales des policiers1059. Un peu plus tard, suivant la restructuration du gouvernement de Taïwan en 1947, une partie des affaires sanitaires concernant le contrôle de l’hygiène environnementale est confiée de nouveau à la police1060.

Il semble que l’échelon administratif des institutions de la santé a augmenté, et que l’administration de la santé est désormais indépendante de la police. Apparemment ce n’est plus la police qui gère le titre et les activités du personnel de santé, et le régime présent a donné plus d’autorité à l’office de la Santé. Cependant, entre 1945 et 1947, l’arrivée des immigrants venant de la Chine continentale a bel et bien compliqué les circonstances sociales de l’île, particulièrement dans les domaines politique1061 et sanitaire1062.

1056 L’office de la Santé (weishengju, 卫生局). 1057 Le bureau du Préfet de Taïwan (Taiwanshengxingzhengzhangguangongshu, 台湾省行政长官公署), établi le 1er septembre 1945 et dissous le 22 avril 1947. 1058 La police sanitaire (weishengjingcha, 卫生警察), un régime établi pendant l’occupation des Japonais, dont les policiers s’occupent surtout des affaires d’hygiène collective. 1059 Longyan Ye, « 台湾光复初期的卫生保健工作 (Taiwanguangfuchuqideweishengbaojiangongzuo, Le travail d’hygiène au début de la récupération de Taïwan) », Taiwanwenxian 42, no 3 (1993): 104. 1060 Il s’agit d’une brigade sanitaire établie exprès au sein de la police, Ibid. 1061 En effet, durant la colonisation par les Japonais, les conditions de vie telle que l’hygiène, l’éducation, le respect des lois, les habitudes de vivre, etc. des Taïwanais est meilleure que celle des gens de la Chine continentale. Après l’arrivée à Taïwan, face aux locaux les immigrants continentaux, surtout les militaires, sont souvent arrogants et despotes, et le peuple a du mal à supporter ces comportements disgracieux voire vulgaires. Au fur et à mesure, la situation a engendré un conflit entre les deux communautés, qui a enflé jusque au fameux Massacre 228 dans l’histoire de Taïwan, Liwen Liao et Zehan Lai, « 二二八事件 »研究報告 (« Ererbashijian »yanjiubaogao, Rapport de recherche sur le massacre 228), éd. par L’équipe de la recherche sur le massacre 228 de la Cour exécutive (Taibai: China Times Publishing, 1994). 1062 La hausse brutale de la population à Taïwan conduit à l’augmentation des déchets, des eaux résiduaires, des excréments, etc. mais le personnel et les installations sanitaires sont instantanément insuffisants pour faire face à 313

216- Les problèmes dûs aux changements. Face à ce changement, la séparation partielle de l’administration de la santé de la police a en effet constitué un défaut important qui a davantage aggravé la situation sanitaire et perturbé l’administration des professions de santé1063. Selon le directeur du département de la Santé1064 de Taïwan nommé en 1947, Yan Chunhui (1907-2001), « les affaires sanitaires de chaque xian et ville de notre province (Taïwan) sont gérées par les établissements de santé1065 locaux, mais à cause du vide laissé par la destitution de la police sanitaire, la mise en application des mesures de l’hygiène collective devient extrêmement difficile1066 ».

Dans son livre Les mémoires de Zhenying, le célèbre auteur et médecin taïwanais, Wu Xinrong indique que « par coïncidence, à ce moment la vérole, le choléra et la peste sont apparus ensemble avec une très grande ampleur sur toute l’île. La survenue des épidémies amenée par la récupération de Taïwan…1067 ».

Le phénomène de « médecin secret1068 » qui se définit par la pratique des médecines traditionnelle ou moderne par des non-médecins, des vétérinaires traitant les maladies d’humains, les pharmaciens ou les herboristes exerçant les activités de médecins, les médecins militaires donnant illégalement des soins médicaux aux civils… devient une spécificité dans le domaine de la santé de l’époque à Taïwan ; le marché des médicaments est également hors de contrôle : les faux médicaments importés de l’extérieur de l’île nuisent gravement à la santé du peuple1069.

À cette période, la police sanitaire est en effet une force coercitive représentant le pouvoir gouvernemental dans le domaine de la santé. Exclure la police de l’administration de

ce changement, Ye, « 台湾光复初期的卫生保健工作 (Taiwanguangfuchuqideweishengbaojiangongzuo, Le travail d’hygiène au début de la récupération de Taïwan) », 108. 1063 Voir le texte suivant. 1064 Le département de la Santé de Taïwan (Taiwanweishengchu, 台湾卫生处). 1065 Les établissements de santé (weishengyuan, 卫生院). 1066 Ye, « 台湾光复初期的卫生保健工作 (Taiwanguangfuchuqideweishengbaojiangongzuo, Le travail d’hygiène au début de la récupération de Taïwan) », 108. 1067 Xinrong Wu, 震瀛回憶錄 (Zhenyinghuiyilu, Mémoire Zhenying), vol. 16 (Taibei: Avanguard, 1989), 202‑3. 1068 Les médecins secrets (miyi, 密医). 1069 Ye, « 台湾光复初期的卫生保健工作 (Taiwanguangfuchuqideweishengbaojiangongzuo, Le travail d’hygiène au début de la récupération de Taïwan) », 110. 314 santé conduit directement au manque de contrôle du maintien de l’ordre hygiénique et à l’impuissance face à la lutte contre la pratique illégale de la médecine.

Bien entendu, nous ne pensons jamais que l’utilisation de la force de police est une mesure privilégiée dans l’administration de la santé, mais dans un moment charnière où les lois ne sont pas encore entièrement élaborées, l’administration de la santé n’a pas le pouvoir et les moyens pour une exécution forcée de ses directives, et le fonctionnement des institutions est encore « en rodage ». Pour une situation particulière comme celle-ci, l’intervention de la police dans la gestion des affaires sanitaires doit être considérée sérieusement, comme option nécessaire mais transitoire.

2) La descente d’échelon des organismes de la santé et des établissements de santé dans le gouvernement.

217- Lorsque le gouvernement nationaliste se déplace à Taïwan en 1949 à cause de la défaite dans la seconde guerre civile, le ministère de la Santé est supprimé afin d’intensifier le contrôle politique et de simplifier les structures administratives. Désormais, la gestion des affaires sanitaires est confiée au département de la Santé1070 qui se situe en dessous du ministère de l’Intérieur. Conséquemment, l’échelon, la compétence et l’effectif des organismes administratifs de la santé sont alors réduits proportionnellement.

Auprès des pouvoirs locaux, depuis 1951, l’échelon des organismes de l’administration de la santé est également réduit : les départements de la Santé des xians ou des villes1071 se substituent aux bureaux locaux de la Santé1072, et à partir de 1960, les postes de santé des cantons ou des bourgs1073 étaient transférées sous la direction des municipalités correspondantes10741075.

1070 Le département de la Santé (weishengsi, 卫生司). 1071 Les départements de la Santé des xians ou des villes (xianshiweishengyuan, 县市卫生院). 1072 Les bureaus de la Santé des xians ou des villes (xianshiweishengju, 县市卫生局). 1073 Les postes de Santé des cantons ou des bourgs (xiangzhengweishengsuo, 乡镇卫生所). 1074 Les municipalités des cantons ou des bourgs (xiangzhengongsuo, 乡镇公所). 1075 Jiang, 医疗保健政策-台湾经验 (Yiliaobaojianzhengce-Taiwanjingyan, Les politiques de la santé-les expériences de Taïwan), 62. 315

Les organismes de la santé du gouvernement s’occupent dorénavant plutôt des affaires techniques médicales, on les a donc privés de certains niveaux de leur pouvoir exécutif.

218- Ces changements mènent à la descente d’échelon des postes des personnels administratif et médical et à la baisse de leurs statuts sociaux et rémunérations. Par conséquent, nombre de personnels de santé quittent leurs postes dans les établissements de santé locaux1076, et dans environ un quart des postes de santé locales auparavant occupés, on ne trouve plus de médecins1077. Ce phénomène durera jusqu’aux années 19701078 et conduit à un manque grave de personnel médical et à la « fuite des cerveaux »1079 médicaux, ce qui va indirectement offrir un espace de survie pour des pratiques illégales de médecine.

B. Dégradation de la situation sanitaire à cause de politiques inadaptées.

La descente d’échelon de l’administration de la santé dans le gouvernement a empêché les organismes en dépendant de fonctionner correctement dans l’élaboration et l’exécution des politiques de santé publiques, ainsi que dans la direction et la surveillance du système sanitaire de toute l’île.

En effet, dans un contexte où le parti nationaliste privilégie les politiques anticommunistes et économiques, en ce qui concerne les mesures concrètes dans la gestion des affaires de santé publique, les dispositions du gouvernement ont une tendance plutôt passive, à l’exception de quelques mesures symboliques signifiant la récupération de la souveraineté de

1076 Tiyuan Li, « 三十年来的卫生保健 (Sanshinianlaideweishengbaojian, l’hygiène depuis trois décennies) », in 台 湾 光 复 三 十 年 (Taiwanguangfusanshinian, Trente ans après la récupération de Taïwan) (Service de l’information du gouvernement de Taïwan, 1975). 1077 Gongbei Chen, 公共卫生学 (Gonggongweishengxue, Hygiène publique) (Taibei: Chuliu, 1992), 29. 1078 Dongliang Jiang, « 医疗照护问题 (Yiliaozhaohuwenti, Les questions des soins médicaux) », in 台湾的社会 问题 (Taiwandeshehuiwenti, Les questions sociales de Taïwan) (Taibei: Chuliu, 1991), 435. 1079 Jusqu’à la fin de 1972, il y avait au total 11 678 médecins, 1 750 dentistes et 13 387 sages-femmes parmi lesquels 17% de médecins, 12% de dentistes et 8% de sages-femmes ont immigré soit aux Etats-Unis soit au Japon, Yongxing Chen, 医疗、人权、社会 (Yiliao、renquan、shehui, Traitement médical, droit de l’homme, société) (Taibei: Xindichubanshe, 1985), 93. Selon une enquête sur la fuite des cerveaux, entre 1946 et 1972, le nombre de diplômés en médecine à Taïwan était de 6 515 parmi lequel 3 753 sont partis vers des pays étrangers, Feng Xu, « 由"医师外流"谈"医疗制度" (You"yishiwailiu"tan"yiliaozhidu", “La fuite des cerveaux des médecins” et “le système de la santé”) », Taiwan Medical Journal 20, no 9 (1977): 7‑8. 316

Taïwan, telles que le changement du personnel de la direction, et la restauration des établissements de santé établis par les Japonais,

De ce fait, les initiatives privées ou populaires ont pris le relais dans la formation en médecine, et les soins thérapeutiques des divers courants existants interviennent alors dans les pratiques médicales.

À cause de ce manque de contrôle adapté chronique, la formation en médecine (1) et la gestion du personnel de santé (2) deviennent très problématiques :

Le médecin et politicien taïwanais Wu Jifu (1916-1985) considère qu’après 1945 et jusqu’aux années 70 a duré « la période la plus sombre et la plus douloureuse pour le monde médical à Taïwan 1080 ».

1) La formation en médecine.

219- Pendant cette période, en raison du manque de projets gouvernementaux dans la recherche et la formation des futurs personnels de santé, et dans la répartition des ressources médicales sur l’île, le capital privé se mobilise et vient occuper ce « vide », notamment avec la création d’écoles de médecine et d’établissements de santé privés1081.

Ici, ce qui mérite d’être signalé est que ces écoles privées contiennent non seulement les écoles de médecine chinoise qui enseignent ensemble la médecine traditionnelle et la médecine moderne1082, mais aussi les écoles spécialisées dans la médecine moderne1083. Contrairement à

1080 Wu, 台湾医师公会三十三年史 (Taiwanyishigonghuisanshisannianshi, Trente trois ans de l’histoire de l’ordre des médecins de Taïwan), 12. 1081 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 98. 1082 Comme le cas de l’école de la Médecine et de la Pharmacopée de la Chine (zhongguoyiyaoxueyuan, 中国医 药学院) établie en 1958. 1083 Par exemple, la première école privée de médecine moderne, l’école de Médecine de Gaoxiong (Gaoxiongyixueyuan, 高雄医学院) créée en 1954 par le premier docteur en médecine moderne de Taïwan, Du Congming (1893-1986) ; ou encore l’école de médecine de Taibei (Taibeiyixueyuan, 台北医学院) et l’école spéciale des dentistes de Zhongshan (Zhongshanyanyizhuankexuexiao, 中山牙医专科学校) fondées en 1960. 317 la situation précédente où les écoles de médecine moderne sont uniquement publiques, cela constitue une étape significative dans l’évolution de la formation en médecine à Taïwan.

Cependant, sachant que la formation en médecine scientifique nécessite des équipements et du matériel pédagogique souvent coûteux, alors qu’en période d’après-guerre, tout est en ruine et attend d’être remis en état, la qualité d’enseignement de ces établissements peut-elle être assurée en s’appuyant uniquement sur le financement privé ?

2) La gestion du personnel de santé.

220- Pour le personnel de santé en médecine occidentale. Le personnel de santé qui travaillait sous l’ancien régime a le droit de continuer ses activités, à la condition de s’inscrire à nouveau auprès du gouvernement actuel.

Les démarches administratives commencent en 1946 : selon les mesures concernant l’inscription du personnel de santé à Taïwan 1084, si le demandeur possède un certificat de personnel de santé délivré par l’ancien régime, les autorités vont lui délivrer un nouveau certificat provisoire ; après avoir obtenu le certificat de réussite d’examen fait par le ministre de l’examen 1085 , il peut ensuite solliciter la licence d’activité auprès du ministère de l’Intérieur1086.

La reconnaissance du statut de personnel de santé formé par les Japonais était juste un processus formel. La compétence professionnelle de ces personnes est alors approuvée tacitement par le gouvernement.

221- Pour le personnel de santé en médecine chinoise. Cependant, quand il s’agit du personnel de santé du domaine de la médecine traditionnelle, les politiques du gouvernement

1084 Les mesures concernant l’inscription du personnel de santé à Taïwan (Taiwanyishirenyuandengjibanfa, 台湾 医事人员登记办法). 1085 Le ministre de l’examen (kaoxuanbu, 考选部). 1086 Li, « 三十年来的卫生保健 (Sanshinianlaideweishengbaojian, l’hygiène depuis trois décennies) », 9‑12. 318 rendent la situation problématique. Selon l’article 3, alinéa 3 de la loi des médecins, le praticien en médecine chinoise qui a exercé la médecine pendant 5 ans ou plus et qui est renommé par son art de guérison peut solliciter les autorités pour devenir médecin en médecine chinoise.

Ce critère manque de rigueur, car « 5 ans d’expérience » est juste une question de temps ; et afin de pouvoir être considéré comme « renommé par son art de guérison », il suffit de présenter quelques anecdotes et témoignages, par exemple publier les remerciements des patients dans les journaux1087.

L’application de cet article de la loi des médecins aboutit à une brusque augmentation du nombre de médecin en médecine chinoise1088. Parmi eux, une grande partie de praticiens illégaux tels que charlatans, vétérinaires donnant des soins médicaux aux humains, voire sorciers chamanes1089, qui sont appelés « médecins secrets » par les Taïwanais et ont obtenu le titre de médecins1090. Ce phénomène a gravement déshonoré la médecine chinoise1091.

En raison d’un fort besoin de cette médecine traditionnelle dans la vie quotidienne du peuple taïwanais, le gouvernement organise un examen officiel depuis 19681092 pour que les autodidactes en médecine traditionnelle puissent devenir médecin et que leurs activités puissent être sous contrôle des autorités.

1087 C’est ce que beaucoup de praticiens illégaux ont fait, Jin Ge, « 台 湾 医 师 制 度 之 沿 革 (Taïwanyishizhiduzhiyange, Historique du système de médecin à Taïwan) », Taiwan Medical Journal 53, no 7 (2010): 53. 1088 Ibid., 54. 1089 Bingzhen Xiong et Dongliang Jiang, 魏火曜先生访问记录 (Weihuoyaoxianshengfangwenjilu, Interview du monsieur Weihuoyao), Institute of Modern History, Academia Sinica, 1997, 121. 1090 Selon statistique, en 1963, il y avait 5400 médecins en médecine moderne, parallèlement, le nombre de médecins secrets est environs de 2400, Jiang, 医疗保健政策-台湾经验 (Yiliaobaojianzhengce-Taiwanjingyan, Les politiques de la santé-les expériences de Taïwan), 65‑66. 1091 Wu, 台湾医师公会三十三年史 (Taiwanyishigonghuisanshisannianshi, Trente trois ans de l’histoire de l’ordre des médecins de Taïwan), 10‑12. 1092 Cet examen officiel s’appelle, en chinois, zhongyijiandingkaoshi (中医检定考试). 319

Ce système pour la régularisation du statut de ces praticiens existait jusqu’en 2001, année qui vit la création du nouveau système d’obtention du titre de médecins pour les diplômés et les non-diplômés en médecine traditionnelle1093.

II. La situation des deux médecines.

Depuis 1945, la loi des médecins de 1943 édité par le gouvernement nationaliste chinois est applicable sur toute l’île. Selon ce code, en théorie, les statuts des médecins des deux écoles sont égaux. Mais en réalité, l’administration de santé et le système éducatif mettent toujours la médecine moderne au premier plan. Face à cette inégalité, le monde de la médecine chinoise tente de restaurer son statut (A). Du côté de la médecine moderne, son évolution est marquée par une tendance à l’américanisation (B).

A. La restauration du statut de la médecine chinoise.

Les milieux de la médecine chinoise n’ont jamais perdu l’espoir de restaurer le statut de leur médecine, selon eux « nationale ». La restauration est poussée par les soutiens populaires et officieux de la médecine traditionnelle, et argumente formellement et principalement par la rénovation de la formation en médecine chinoise et la réintégration de cette formation dans le système éducatif. De fait, c’est également un processus qui est plein de tours et de détours.

En envisageant l’avancement de la médecine dans le monde de l’époque et en tirant des leçons des expériences amères subies, le monde de la médecine chinoise a eu une vision novatrice qui envisage de faire évoluer et de moderniser cette médecine désormais déjà lointaine, mais qui apparaît toujours bienfaisante à beaucoup.

1093 Zhaogeng Lin, 台湾中医发展史 (Taiwanzhongyifazhanshi, Histoire de la médecine chinoise à Taïwan) (Taibei: Taiwan Medical Association, 2004), 249‑59. 320

La solution est, moyennant une collaboration entre les deux médecines et leurs médecins, de faire en sorte que la médecine chinoise adapte les critères scientifiques à son analyse et sa méthodologie.

Après plusieurs tentatives (1), la médecine chinoise a enfin été réintégrée dans le système éducatif avec l’idée de faire fusionner les deux médecines (2). Par contre, malgré une formation bien pensée, l’emploi de ses diplômés est détourné (3).

1) Les premières tentatives heuristiques.

222- Juste un an après la récupération de Taïwan, en juin 1946 les soutiens de la médecine chinoise se mettent déjà à l’action en organisant l’Assemblée de la médecine et de la pharmacopée chinoises de Taïwan1094. Le but de cette Assemblée est de trouver des mesures praticables et efficaces pour persuader le gouvernement d’autoriser à nouveau les praticiens en médecine chinoise à s’inscrire dans les professions sanitaires1095.

Ensuite, en novembre 1946, un service curatif de la médecine han est créé dans un établissement de médecine moderne, le Premier hôpital rattaché à la faculté de médecine de l’université de Taïwan. Son projet est de « faire collaborer les médecins expérimentés en médecine chinoise, les chercheurs en pharmacologie expérimentale et les experts cliniques médicaux en médecine moderne pour diagnostiquer les maladies et donner les soins aux malades, ainsi que pour chercher ensemble la vérité, afin de résoudre les problèmes de la médecine et de la pharmacopée han, surtout celui de la thérapeutique ; enfin, de trouver une solution pour faire en sorte que la médecine chinoise s’adapte aux critères scientifiques1096 ».

1094 L’Assemblée de la médecine chinoise et de la pharmacopée chinoise de Taïwan (Taiwanzhongyizhongyaolianxidahui, 台湾中医中药联席大会). 1095 Chen, Zhou, et Lin, « 20 世纪 60 年代前台湾中医发展简史 (20shiji60niandaitaiwanzhongyifazhanjianshi, l’histoire brève du développement de la médecine chinoise dans les année 60 du 20e siècle) », 71‑75. 1096 Zhiming Zheng, 杜聪明与台湾医疗史之研究 (Ducongmingyutaiwanyiliaoshizhiyanjiu, L’étude sur Du Congming et l’histoire de médecine de Taïwan) (Taibei: National Research Institute of Chinese Medicine Press, 2005), 236‑37. 321

Malgré l’échec qui s’ensuit1097, cette tentative a construit une idée concrète qui a éclairé le cheminement de la médecine chinoise dans un monde qui est de plus en plus discipliné par la science.

2) La réintégration dans le système éducatif moyennant la fusion des deux médecines.

223- La réintégration dans le système éducatif. Depuis que Taïwan s’est détaché du contrôle des Japonais, le code de médecins s’applique dans l’ensemble des professions de santé, code selon lequel les statuts juridiques des deux médecines sont égaux.

En s’appuyant sur la loi, au travers de mouvements de revendication, les milieux de la médecine chinoise sollicitent le gouvernement pour créer des écoles et pour réintégrer leur médecine dans le système éducatif. Après une succession de tentatives, le 6 juin 1958, le ministère de l’Éducation donne enfin son accord formel à la pré-création de l’école privée de la Médecine et de la Pharmacopée chinoises1098.

C’est enfin une décision favorable, mais timidement émise. La signification de la création de cette école est non négligeable, car cela veut dire que le gouvernement autorise à intégrer les cours en médecine chinoise dans le système formel d’enseignement en médecine.

224- Une proposition juste académique. Il est essentiel de noter l’objectif de la création de cette école : « restaurer la médecine chinoise traditionnelle, apprendre le nouveau savoir de la médecine occidentale, puis intégrer le dernier à la première » et « encourager l’assimilation des deux médecines, afin d’établir un nouveau système de médecine »1099.

Visiblement, il s’agit d’une fusion des deux médecines, mais proposée intégralement par les milieux de la médecine chinoise, et non par le gouvernement, c’est-à-dire qu’il s’agit seulement d’une proposition académique et non officielle. En manquant des soutiens et des

1097 En 1947, l’université de Taïwan a arrêté cette tentative à cause de doutes et contestations dus au préjugé contre la médecine chinoise, Ibid. 1098 L’école privée de la Médecine et de la Pharmacopée chinoises (silizhongguoyiyaoxueyuan, 私立中国医药学 院) Lin, 台湾中医发展史 (Taiwanzhongyifazhanshi, Histoire de la médecine chinoise à Taïwan), 206‑82. 1099 Ibid. 322 protections juridique, politique et économique apportées par le gouvernement, sa réalisation ne peut être qu’un essai fragile avec un avenir incertain.

3) La formation formelle des médecins en médecine chinoise et leur emploi détourné.

225- Au départ, dans l’école privée de la Médecine et de la Pharmacopée chinoises, les cours des deux médecines respectives sont enseignées parallèlement1100.

C’est un mouvement réfléchi et vérécondieux : d’un côté, cela est une mise en pratique de l’essai de la fusion des deux médecines, mais de l’autre côté, cela peut diminuer les ennuis causés par les opposants de la médecine chinoise, nombreux parmi les soutiens de la médecine occidentale, surtout ceux qui ont des pouvoirs décisionnaires dans les administrations de la santé, de l’éducation voire de l’économie au sein du gouvernement.

226- L’emploi détourné. En 1966, sous l’autorisation du ministère de l’Éducation, le Centre de la médecine chinoise est établi au sein de l’école privée de la médecine et de la pharmacopée chinoises. C’est un jalon historique du début de la formation spéciale et formelle des médecins en médecine chinoise de Taïwan1101. La scolarité obligatoire est de 7 ans1102. Les cours contiennent les connaissances des deux médecines. Après avoir passé le concours des médecins en médecine chinoise, les diplômés ont le droit de passer le concours des médecins en médecine occidentale1103.

Puisque selon les lois de l’époque, on ne peut pas être médecin des deux traditions à la fois, même si les candidats ont réussi les deux concours, les diplômés en médecine chinoise choisissent souvent d’être médecin en médecine occidentale comme pratique1104. Ce choix vient du fait qu’en raison des soutiens politique et économique du gouvernement, de l’estimation

1100 Chen, « A Study of The Educational Background of Chinese Medicine Practitioners in Taiwan », 6‑13. 1101 Ibid. 1102 La première année était 6 ans, Ibid. 1103 Ibid. 1104 Xinmei Lai, « 台湾中医师人才流失因素分析 (Taiwanzhongyishirencailiushiyinsufenxi, Analyse sur la raison de la fuite des cerveaux des médecins en médecine chinoise à Taïwan) », Chinese journal of information on traditional chinese medicine 14, no 3 (mars 2007): 1‑2. 323 pour ses vertus curatives au sein du peuple, les avantages financiers1105, etc., les conditions de travail en médecine moderne sont meilleures que celles en médecine chinoise, donc plus attirantes pour les jeunes médecins. C’est-à-dire que la formation reçue et l’emploi de ces diplômés sont paradoxaux.

Au vu de ce phénomène, nous avons raison de nous interroger : est-ce que les diplômés en médecine chinoise sont compétents en médecine moderne 1106 ? Ne s’agit-il pas d’un gaspillage des ressources d’enseignement et d’une fuite des cerveaux en médecine chinoise ? Ou encore, est-ce que cette fusion de deux médecines est devenue juste une nouvelle tentative désespérée pour faire survivre cette médecine ancestrale ?

Il semble qu’à Taïwan la polémique entre les deux médecines soit moins acharnée que sur le continent après la prise de pouvoir par les communistes, mais le monde de la médecine chinoise ne s’en débat pas moins inlassablement pour sa survie. La société, et surtout le gouvernement ne lui ont jamais apporté un soutien solide pour se présenter dans des circonstances avantageuses dans le développement de cette médecine dite traditionnelle.

En pesant les intérêts directs amenés à la politique et à l’économie par les deux médecines, par rapport à la « douceur » et au « bénéfice sur le long terme » de la médecine chinoise, c’est la médecine scientifique moderne qui répond le mieux à l’attente du régime actuel. La période est remplie de conflits politiques et militaires, le gouvernement fonctionne donc obligatoirement avec le pragmatisme et l’utilitarisme comme boussoles, et dans ce cas-là la place dans le système sanitaire de la médecine traditionnelle ne peut rester que secondaire.

B. Les aménagements concernant le monde de la médecine moderne.

Avec les soutiens nombreux des États-Unis à partir de la Seconde Guerre mondiale, le système sanitaire et la gestion de la santé sont désormais influencés par ceux des États-Unis.

1105 Les médecins en médecine occidentale gagnent souvent mieux leur vie que ceux en médecine chinoise. 1106 Certains pensent même que c’est un moyen détourné pour devenir médecin en médecine occidentale, Lai, « 台 湾中医师人才流失因素分析 (Taiwanzhongyishirencailiushiyinsufenxi, Analyse sur la raison de la fuite des cerveaux des médecins en médecine chinoise à Taïwan) », 1‑2. 324

L’aspect le plus représentatif se trouve dans le domaine de la formation (1) et du fonctionnement des professions de santé (2).

1) L’américanisation dans la formation.

227- En raison du soutien et des aides des États-Unis, notamment le financement de l’éducation et les financements aux jeunes taïwanais pour leurs études à l’étranger surtout aux États-Unis, la formation en médecine moderne glisse souplement du style japonais au style américain1107.

Peu à peu donc, les doctrines de la médecine des États-Unis se substituent à celles du Japon dans le monde de la médecine moderne de Taïwan ; ainsi le système de formation devient américain ; de plus, afin d’améliorer la qualité d’enseignement, les élèves sont désormais obligés d’apprendre l’américain au lieu du japonais comme langue étrangère1108.

Malgré ce changement important, le statut de la médecine moderne se situe toujours en première position dans le plan de développement de la santé publique du gouvernement. L’importance de cette américanisation de la formation en médecine moderne se trouve peut- être plutôt dans le domaine technique que dans le domaine politique et juridique. Mais à long terme, les diplômés de ce nouveau style de formation peuvent en effet exercer leur influence de manière significative dans la gestion et le fonctionnement de la profession de santé, ce qui semble présager d’un renforcement de l’américanisation de cette dernière.

1107 Xiuhuan Zhou, 台湾光复后美援史料 (Taiwanguangfuhoumeiyuanshiliao, Documents histoires des aides américaines après la récupération de Taïwan), vol. 3 (Taibei: Academia historica, 1998), 300. 1108 Shu Ye, 病理三十三年 (Binglisanshisannian, La pathologie trente-trois ans) (Taibei: Zhuanjiwenxue, 1982), 151‑55. 325

2) Quelques aménagements pour la profession de santé.

Les aménagements notables concernant les professions de santé se résument à la tendance à la commercialisation du fonctionnement des établissements de santé (a), à la régularisation du statut des médecins militaires (b) et à la modification de la loi des médecins (c).

a) La tendance à la commercialisation du fonctionnement des établissements de santé.

228- Plusieurs actions successives du gouvernement traduisent cette intention :

- En 1950, la Cour législative adopte une proposition de loi dans laquelle le traitement médical était appelé « une forme d’exploitation (commerciale)1109 » ;

- Au cours de la même année, la Cour législative adopte ayssu une proposition de loi qui veut imposer les préparations pharmaceutiques sur les chiffres d’affaires de leur vente ;

- En 1951, les autorités envisagent d’imposer les activités médicales en tant qu’actions commerciales1110 ;

- Ensuite, selon la décision du comité de l’Utilisation de l’aide des États-Unis de la Cour exécutive1111 de 1962, le gouvernement a créé des fonds de crédit pour les établissements de santé privés et, « s’il y en a besoin dans l’avenir, pense à créer aussi des fonds de crédit pour les établissements de santé publics »1112.

Évidemment, sous l’influence des Américains, le gouvernement d’alors avait l’intention de changer le caractère des pratiques médicales de la profession de santé en transactions

1109 Zhuang, 台湾医疗史 (Taïwanyiliaoshi, Histoire de médecine à Taïwan), 411. 1110 Ibid., 411‑13. 1111 Le comité de l’Utilisation de l’aide des Etats-Unis de la Cour exécutive (xingzhengyuanmeiyuanyunyongweiyuanhui, 行政院美援运用委员会). 1112 Zhou, 台湾光复后美援史料 (Taiwanguangfuhoumeiyuanshiliao, Documents histoires des aides américaines après la récupération de Taïwan), 3:259. 326 commerciales axées sur le profit. Cependant, cette tentative a échoué, en raison de l’opposition des milieux de la médecine moderne1113.

b) La régularisation du statut des ex-médecins militaires.

229- Les médecins militaires Pendant la période de la seconde guerre civile en Chine, et pour répondre la demande médicale des armées, nombre de militaires qui n’avaient jamais reçu une formation formelle en médecine ont eu à recourir à des pratiques de médecine, notamment les premiers secours. Ces personnes sont alors devenues de facto médecins militaires. Quand la guerre venait d’être finie, l’armée disposait encore d’une force considérable au sein du pouvoir politique, et le gouvernement était donc obligé de se soucier de la vie et de l’avenir des militaires, voire de leurs proches, y compris de ceux d’un grand nombre de médecins militaires à la retraite1114.

230- La régularisation. En effet, il y avait déjà beaucoup de médecins militaires pratiquant illégalement la médecine en tant que « médecins secrets » pour les civils. Afin de régulariser cette situation gênante, le gouvernement autorise ces médecins militaires à devenir des personnels de santé civile sous condition qu’ils réussissent l’examen spécialement prévu à cet effet.

L’examen est organisé 6 fois entre 1972 et 1975. Malgré les facilités accordées expressément par les autorités, plus de 700 ex-médecins militaires ne réussissent pas l’examen. Mais à partir de 1976, grâce à une modification des règles de cet examen, les statuts du reste des médecins militaires en retraite n’ayant pas réussi l’examen sont tous régularisés1115.

1113 Zhuang, 台湾医疗史 (Taïwanyiliaoshi, Histoire de médecine à Taïwan), 411‑13. 1114 Le nombre des médecins militaires étant libérés du service militaire est environ de 3 000, Ibid., 527. 1115 Ibid. 327

C’est un acte gouvernemental irresponsable au niveau de la gestion de la santé publique. Evidemment, le gouvernement a sacrifié la santé du peuple taïwanais pour son intérêt politique1116.

c) La modification de la loi des médecins.

231- La nécessité de la modificaiton de la loi des médecins. Quand le gouvernement nationalise s’installe à Taïwan, la loi des médecins de 1943 s’appliquant sur l’île n’est pas complètement adapté à la situation du système de santé de Taïwan, lequel avait été établi pendant l’occupation des Japonais comme nous l’avons vu plus haut.

Les dispositions concernant les pratiques illégales de la médecine telles que les médecins secrets, les médecins en médecine chinoise et l’exagération de la capacité des médecins dans les publicités, qui se trouvent toutes dans le Règlement de la profession médicale de Taïwan et dans les Règles des médecins, ont été automatiquement abrogés. Il s’agissait là bien évidemment d’une raison essentielle au chaos du début du XXe siècle dans le domaine de la santé de Taïwan.

232- Le processus et le résultat. Afin de redresser la situation, c’est en 1950 que les milieux de la santé sollicitent le pouvoir politique afin de modifier la loi des médecins de 19431117. En raison de diverses difficultés, notamment celle de la régularisation du statut des ex-médecins militaires, l’élaboration du nouveau code va durer 25 ans, ce qui veut dire qu’en 1975 la nouvelle loi des médecins était enfin publié1118.

La modification de la loi des médecins de 1943 est un progrès révolutionnaire des politiques de santé dans l’histoire de Taïwan1119. Parce que l’une des implications les plus

1116 Ye, 台湾医疗发展史 (Taiwanyiliaofazhanshi), 141‑42. 1117 Zhuang, 台湾医疗史 (Taïwanyiliaoshi, Histoire de médecine à Taïwan), 525. 1118 Ibid. 1119 Jifu Wu, 中 国 医 政 史 上 的 大 革 命 - 医师法修正始末 (Zhongguoyizhengshishangdedageming- yishifaxiuzhengshimo, La grande révolution dans l’histoire du droit de la santé de Chine-les tenants et les aboutissants de la modification de la loi des médecins) (Taibei: Taiwan Medical Association, 1980), 285. 328 importantes de cette modification est que les dispositions visant l’aménagement et l’arrangement des pratiques illégales de la médecine et des médicaments de contrefaçon qui ont gravement dégradé la santé des Taïwanais pendant plus de 20 ans ont enfin été pris en compte par la loi, avec des interdictions claires et des punitions rigoureuses.

***

Selon les recherches effectuées par l’auteur Guo Wenhua, il n’y a pas beaucoup d’ouvrages qui portent leurs discussions sur l’histoire des politiques de santé du gouvernement nationaliste pendant les premières années suivant la fin de la seconde guerre civile chinoise, et bien souvent, les travaux de recherches concernant ce sujet citent généralement les sources issues des journaux officiels et très descriptifs, voire même certains auteurs imputent simplement les difficultés dans l’exécution de quelques politiques au niveau éducatif du peuple ou aux mauvaises habitudes prises pendant l’occupation des Japonais 1120.

Selon nous, cela doit être dû au climat politique d’oppression amené par le gouvernement nationaliste au début de son installation à Taïwan. Durant cette période, le pouvoir politique n’a pas attaché beaucoup d’importance au développement du domaine de la santé publique.

Généralement, les statuts juridiques des deux médecines dans l’institution établie par le gouvernement nationaliste ont pu se maintenir, c’est-à-dire qu’au niveau gouvernemental, et bien que juridiquement les deux médecines soient égales, la médecine moderne se situe toujours au premier plan dans le système sanitaire et la médecine traditionnelle est encore considérée comme une médecine secondaire, dont la fonction essentielle est de pallier au manque de ressources matérielles et personnelles dans le domaine de la santé.

1120 Wenhua Guo, « 台湾医疗史研究的回顾-以学术脈络为中心的讨论 (Taiwanyiliaoshiyanjiudehuigu- yixueshumailuoweizhongxindeTaolun, Rétrospective des études de l’histoire de médecine de Taïwan- la discussion sur les écoles différenctes) », Taiwanshiliaoyanjiu, no 9 (1997): 63. 329

Par contre, en profitant de l’ambiance « laxiste » et ouverte au compromis pour préserver une certaine stabilité sociale, la médecine traditionnelle a pu regagner du terrain, surtout dans le domaine de la formation.

330

Chapitre II : Les deux médecines dans les systèmes de santé établis par le Parti communiste chinois (1949-1982).

Les systèmes politique et économique établis par le parti communiste chinois depuis la fondation de la République Populaire de Chine en 1949 possèdent leurs propres caractéristiques : premièrement et principalement, le gouvernement a substitué la propriété publique à la propriété privée, remplacé le système de l’économie de marché par le système de l’économie hautement planifiée ; ensuite, afin de gouverner le pays en suivant l’idéologie choisie par le parti, le pouvoir politique exerce une politisation totale, jusque dans le domaine juridique, et accorde une autorité absolue aux instructions issues des dirigeants politiques, notamment celles de Mao Zedong.

Le système étatique de santé et son administration sont, sans faire exception, très politisés aussi. C’est-à-dire qu’au niveau juridique même, et concernant l’administration de la santé publique, longtemps il n’y a quasiment pas eu de législation effective : les décisions amenées par les réunions gouvernementales et les instructions diverses données par les dirigeants politiques constituent essentiellement le contenu du droit de la santé. C’est donc la raison pour laquelle, dans ce chapitre, la plupart des analyses sur les statuts juridiques de nos deux médecines sont basées sur les textes réglementaires, les décisions des réunions gouvernementales et les directives des dirigeants communistes, surtout celles de Mao Zedong.

Sous un tel contexte, les phénomènes politiques ont réellement marqué les caractéristiques du droit de la santé. Selon la période de ces grandes phénomènes politiques, nous divisons le droit de la santé de cette époque en quatre périodes importantes :

- Entre 1949 et 1956, la période de l’édification et de l’amélioration du système de santé du pays, qui est caractérisée par la réforme démocratique et le mouvement de transformation socialiste ;

- Entre 1957 et 1965, la période de développement du système de santé du pays, qui est symbolisée par le mouvement du Grand Bond en avant, le mouvement des communes populaires et une série d’ajustements économiques important ;

331

- Entre 1966 et 1976, la période où le système de santé du pays était gravement dégradé à cause de la grande révolution culturelle prolétarienne 1121 ; cependant, le système de la coopérative médicale rurale et celui des « médecins aux pieds nus » ont connu une expansion fructueuse ;

- Entre 1977 et 1982, la période de clarifier la confusion et ramener les choses à l’ordre1122 après la grande révolution culturelle prolétarienne. Pendant cette période le gouvernement a enfin fixé le principe « attacher la même importance à la médecine chinoise et à la médecine occidentale ».

Concernant l’appellation des deux médecines, la médecine scientifique est à ce moment acceptée et reconnue par les Chinois grâce à sa popularisation depuis plus d’un siècle. Mais bien souvent, dans les textes officiels ou les instructions des dirigeants politiques, cette médecine est toujours appelée la médecine occidentale. En effet, et d’après nous, il ne s’agit plus d’une xénophobie aveugle face aux Occidentaux, ni de l’hostilité envers la culture occidentale comme c’était le cas au début du XIXe siècle. Ainsi, cette appellation est désormais utilisée simplement dans une visée pratique, pour faire la distinction entre les deux types de médecines qui ont des origines différentes.

Quant à la médecine chinoise, le parti communiste chinois apprécie depuis longtemps ses nombreux avantages, notamment son coût modéré, sa facilité d’obtention de la plupart des traitements, son efficacité curative pour la guérison et pour le bien-être, et sa formation des médecins relativement courte et moins coûteuse1123. D’ailleurs, après la stabilisation du pouvoir, la signification du terme « médecine chinoise » est officiellement élargie, c’est-à-dire qu’elle comprend désormais non seulement la médecine des han mais aussi la médecine traditionnelle des autres minorités ethniques telle que la médecine miao, la médecine mongole, la médecine

1121 La grande révolution culturelle prolétarienne (wuchan jieji wenhua dageming, 无产阶级文化大革命), plus souvent nommée par les Chinois la grande révolution culturelle (wenhua dageming, 文化大革命), ou la révolution culturelle (wenge, 文革) tout simplement. 1122 Clarifier la confusion et ramener les choses à l’ordre, 拨乱反正 (Boluanfanzheng). 1123 Comparée avec celle des médecins en médecine moderne. Voir l’analyse du chapitre 6 concernant les statuts juridiques des deux médecines dans les territoires sous contrôle du Parti communiste chinois (1927-1949) de ce travail. 332 tibétaine, etc.1124 Par conséquent, le nouveau système de santé est bel et bien basé sur la diversité des médecines.

Bien que le nombre des textes législatifs reconnaissant clairement les statuts juridiques de la médecine chinoise et de la médecine occidentale soit restreint, leurs places respectives mais complémentaires dans les institutions sanitaires du pays sont déjà confirmées : par la reconnaissance des statuts juridiques des deux médecines entre 1949 et 1965 (section I) et aussi par l’acceptation de la valeur intrinsèque de la coexistence des deux médecines entre 1966 et 1982 (section II).

Section I : La reconnaissance des statuts juridiques des deux médecines entre 1949 et 1965.

Dans les premiers temps de l’établissement du système de santé du pays et la situation de la cohabitation des deux médecines suit l’avancement de la fondation de l’institution socialiste. En suivant la réforme démocratique et le mouvement de transformation socialiste entre 1949 et 1956, un nouveau système de santé du pays est établi dans lequel la situation de cohabitation des deux médecines a connu des nouveaux changements (I) ; pendant le développement du système de santé du pays entre 1957 et 1965, ce qui est intéressant à noter c’est la proposition concernant la création de la médecine « intégrative1125 » (II).

1124 Le 23 août 1951, la réunion nationale de santé des minorités ethniques a lieu à Pékin, après laquelle trois textes importants concernant la cause sanitaire des minorités ethniques sont adoptés : décision concernant l’édification et le développement de l’œuvre sanitaire dans les zones des minorités ethniques (guanyu jianli he fazhan shaoshuminzu diqu weishenggongzuo de jueyi, 关于建立和发展少数民族地区卫生工作的决议), programme du travail de santé des minorités ethniques (shaoshuminzu weishenggongzuo fangan, 少数民族卫生工作方案), programme de prévention des maladies sexuellement transmissible, du paludisme et mise en pratique des emplois de santé maternelle et infantile dans les zones des minorités ethniques (fangzhi shaoshuminzu diqu xingbing、 nueji yu tuixing shaoshuminzu diqu fuyo uweishenggongzuo de fangan, 防治少数民族地区性病、疟疾与推行 少数民族地区妇幼卫生工作的方案 ), « 大力发展少数民族和民族地区社会事业 (Dalifazhanshaoshuminzuheminzudiqushehuishiye, Développer vigoureusement la cause sociale des minorités éthniques et les zones ethniques) », Gouvernemental, The State Ethnic Affairs Commission of PRC, (14 mars 2007), http://www.seac.gov.cn/gjmw/zwgk/2007-03-14/1176256475105747.htm. 1125 Nous utilisons le concept de médecine intégrative, qui est plutôt récent et semi-officiel, et qui se définit comme un paradigme où on utilise de concert une médecine conventionnelle –ici, la médecine occidentale/moderne- et une médecine alternative –ici, la médecine chinoise/traditionnelle. L’adjectif « intégrative » est bien sûr un 333

I. La relation des deux médecines et le système de santé pendant la période de l’édification et de l’amélioration du système de santé du pays entre 1949 et 1956.

En 1949, au moment où le parti communiste fonde la République Populaire de Chine, le nombre de médecins en médecine moderne était d’environ 38 000 selon les statistiques, et celui des praticiens en médecine chinoise était d’environ 276 000 1126 , c’est-à-dire que ces derniers auraient été au moins 7 fois plus nombreux que les premiers. En outre, ces praticiens doivent être séparés en deux catégories, l’une étant constituée de ceux exerçant leurs activités pour les civils, l’autre consistant en médecins militaires, ce qui amène encore deux systèmes de santé séparés. Cette situation a décidé qu’il existait deux organismes se chargeant de l’administration des affaires sanitaires : l’un est le ministère de la Santé du gouvernement, qui est responsable de la gestion de la santé publique civile, et l’autre est le ministère de la Santé au sein du comité militaire de l’Armée populaire de libération, qui se charge de l’administration de la santé dans l’armée. Les mesures de santé sont issues généralement de ces deux organismes. Mais, bien souvent, les décisions influentes et importantes sont de facto issues d’instructions privées de Mao.

La nouvelle institution de santé met l’accent sur la coopération entre la médecine traditionnelle et la médecine moderne dès le début de son édification. Cette tendance a vu le jour très tôt, dès l’instruction de Mao Zedong en ce sens pendant la première réunion nationale de la santé ayant eu lieu le 7 août 1950 à Pékin. Selon Mao, il fallait unir les anciens et les nouveaux personnels médicaux en médecine chinoise et ceux spécialisés en médecine occidentale, « former un front uni et solide », enfin faire tous les efforts possibles afin de « développer la grande œuvre de santé pour le peuple ».

Cette indication de Mao démontre que le gouvernement communiste a l’intention d’accorder la même importance aux deux médecines au sein des institutions de santé du pays. Néanmoins, le processus était assez complexe, puisque l’on entrait alors dans une période

anglicisme, mais il est le plus approprié puisqu’il souligne le caractère dynamique d’un processus, et sa lexicalisation dans la langue française (comme néologisme) fait aujourd’hui débat. 1126 Selon certains chercheurs, le nombre de praticien en médecine chinoise était même d’environ 500 000, Zhiya Zhen, 中国医学史 (Zhongguoyixueshi, Histoire de médecine de la Chine) (Pékin: Zhongyigujichubanshe, 1990), 72. 334 d’essais et de correction des politiques : deux étapes exploratoires de la relation entre les deux médecines (A) ; et l’établissement initial du système de santé (B).

A. Deux étapes exploratoires de la relation entre les deux médecines.

L’article 48 du Programme commun de la Conférence consultative politique du peuple chinois1127, publié le 29 septembre 1949, confirme que l’État encourage le travail médical, le travail pharmaceutique et le travail de la santé en général (l’hygiénisme)1128. Sachant que ce Programme commun était le seul texte possédant un caractère constitutionnel, le domaine de la santé et son développement ont alors été fixés comme un des devoirs fondamentaux du gouvernement. Afin d’accomplir ce devoir, le gouvernement a successivement tenté deux politiques qui se présentent par deux slogans très connus : « la mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise1129 » en 1949 (1) et « les médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise1130 » en 1954 (2).

1) « La mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise ».

La mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise est un slogan politique établi dès le début de la fondation de la R. P. Chine. Sa substance principale est d’organiser des cours de perfectionnement et des recherches scientifiques en médecine chinoise, pour « encourager » ou plutôt ordonner aux médecins en médecine chinoise d’apprendre la médecine occidentale,

1127 Le programme commun de la Conférence consultative politique du peuple chinois (zhongguo renmin zhengzhi xieshang huiyi gongtonggangling, 中国人民政治协商会议共同纲领). 1128 L’article 48 du Programme commun a stipulé « la promotion de la cause de santé », « 中华人民政治协商会 议共同纲领 (Zhonghuarenminzhengzhixieshanghuiyigongtonggangling, Programme commun de la Conférence consultative politique du peuple chinois) », consulté le 6 mars 2017, http://www.cppcc.gov.cn/2011/09/06/ARTI1315304517625199.shtml. 1129 La mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise (zhongyi kexuehua, 中医科学化). 1130 Les médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise (xiyi xuexi zhongyi, 西医学习中医). 335 de convertir la connaissance scientifique et d’utiliser les méthodes scientifiques pour étudier et transformer la médecine chinoise, afin d’en améliorer la vertu curative1131.

Le développement de ce titre s’effectue en deux parties : d’abord il est nécessaire de décrire la naissance et l’explication de cette politique indicatrice « La mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise » (a), puis, il nous faudra commenter concernant ses avantages et ses inconvénients (b).

a) La naissance et l’explication de cette politique.

Il veut mieux étudier le slogan « La mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise » en deux étapes : dans un premier temps son origine ; ensuite, son exécution.

L’origine.

233- C’est le monde de la médecine chinoise qui a soulevé le premier ce slogan, dans les années 19301132. Un peu plus tard, ce courant commence à influencer les praticiens de soins dans les bases révolutionnaires du parti communiste chinois. Mais à ce moment, ce courant reste cantonné au domaine de la médecine, il n’est donc pas encore devenu une politique gouvernementale.

1131 Dequan Li, « 中央人民政府卫生部李部长在第一届全国卫生会议上的报告 (Zhongyangrenminzhengfuweishengbulibuzhangzaidiyijiequanguoweishenghuiyishangdebaogao, Rapport du ministre Li du ministère de la Santé du gouvernement populaire central dans la première réunion nationale de la Santé) », Dongbeiweisheng, no 2 (1950): 6. 1132 Dû à la popularisation rapide de la médecine moderne en Chine, à l’influence de la tendance de scientisme du mouvement de la nouvelle culture et aux problèmes de la médecine chinoise soi-même, Yanggu Xie, 北京百年中 医 (Beijingbainianzhongyi, Cent ans de la médecine chinoise de Pékin) (Pékin: Chemical Industry Press, 2007), 1077.

336

L’instruction de Mao adressée au ministère de la Santé de la commission Militaire centrale pendant la réunion administrative nationale de la santé organisée par la commission Militaire centrale du parti communiste chinois en septembre 1949 peut être considérée comme l’impulsion initiale de la définition et de l’exécution du slogan dans le pays. Voici un extrait de cette instruction :

Vous êtes tous médecins en médecine occidentale, et le nombre de médecins en médecine occidentale est très faible. Afin d’assumer les besoins en développement sanitaire pour le peuple et le pays, le seul moyen viable est de profiter de la force du nombre des médecins en médecine chinoise. Désormais, il faut s’unir plus étroitement aux médecins en médecine chinoise et les aider à améliorer leur art de guérir1133.

Cette instruction a formellement reconnu le slogan « La mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise » soulevé dans les années 1930 par le monde de la médecine chinoise. Désormais, le slogan a devenu une politique de santé gouvernementale.

Par la suite, la première réunion nationale de la santé en août 1950 a composé les mesures d’exécution concrètes de cette instruction théorique qui contiennent trois aspects :

Premièrement, il s’agit d’une question de nécessité de cette politique. Le nombre des médecins en médecine chinoise est effectivement bien plus élevé que celui des médecins en médecine occidentale ; de plus, comme les premiers se répartissent dans les campagnes, ils sont une force considérable de maillage du territoire pour l’établissement d’un système sanitaire cohérent. Ensuite, et bien que les médecins en médecine chinoise disposent d’expériences riches issues de la pratique médicale, leur théorie en médecine chinoise manque de base scientifique, il faut donc améliorer ce point-là.

Secondement, le contenu des mesures compre généralement deux volets, en réciprocité : d’un côté, il s’agit du perfectionnement de la connaissance médicale des médecins en médecine chinoise, c’est-à-dire demander à ces médecins d’absorber la théorie médicale occidentale, pour que l’expérience de traitement de ces médecins puisse être scientifiquement analysée et classée, et en même temps, apprendre à ces médecins le savoir de la prophylaxie afin de suppléer à la

1133 Caizhang Feng et Baoding Li, 贺诚传 (Hechengzhuan, Biographie de Hecheng) (Chinese People’s Liberation Army Publishing, 1984), 148. 337 défectuosité de la médecine chinoise ; de l’autre côté, le but est de renforcer les recherches scientifiques par l’expérience en médecine et en pharmacopée chinoises.

Troisièmement et dernièrement, la politique doit être appliquée par l’établissement soit d’écoles de perfectionnement de la médecine chinoise, soit d’institutions de recherche sur la médecine chinoise.

Il est vrai que faire apprendre la médecine moderne aux médecins en médecine traditionnelle peut enrichir leur connaissance médicale et encadrer leurs pratiques médicales1134. Cependant, la médecine chinoise est une médecine indépendante, et pourtant l’objectif et les mesures de cette politique élaborée par la réunion de 1950 sont d’essayer d’utiliser la théorie scientifique de la médecine occidentale pour expliquer ou critiquer l’idée même de la médecine chinoise, et sa pratique des soins : autrement dit, il semble que cette politique a ignoré l’indépendance, voire méprisé la valeur de cette dernière et qu’il s’agisse en réalité d’une occidentalisation pure et dure de la médecine chinoise. En effet, cette inférence de notre part est manifestement confirmée par l’exécution pratique de la politique définie.

L’exécution.

234- Les écoles de perfectionnement de la médecine chinoise. La première école de perfectionnement de la médecine chinoise, celle de Pékin, est établie le 13 mars 19501135. Ensuite, en avril 1950, le ministère de la Santé produit une circulaire sur l’avancée de la cause sanitaire pour l’année 1950 dans laquelle le gouvernement a fixé les cours principaux enseignés1136 dans cette école et a ordonné aux autorités locales du reste du pays, en suivant l’exemple de Pékin, de créer leurs propres écoles de perfectionnement de la médecine chinoise

1134 Par exemple, apprendre la médecine moderne peut éviter à certains médecins en médecine traditionnelle de continuer à utiliser les méthodes appliquées par les sorciers-guérisseurs. 1135 « 新中国成立初期“中医科学化”的历史考察 (Xinzhongguochenglichuqi"zhongyikexuehua"delishikaocha, L’observation historique de “la mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise” au début de la fondation de la nouvelle Chine) », The History of the People’s Republic of China, consulté le 9 mars 2017, http://www.hprc.org.cn/gsyj/zhyj/201109/t20110928_156314_1.html. 1136 Les cours consistent en trois parties : la science sociale, les bases de la médecine moderne (cours qui contient l’anatomie, la physiologie, la pathologie, la bactériologie, l’histoire de la médecine et la pharmacologie) et la médecine préventive : notamment sur les épidémies et l’hygiène publique. 338 dans les villes de leurs territoires1137. Le mouvement d’occidentalisation de la médecine chinoise commence à prendre de l’ampleur dans le pays1138. Voici quelques chiffres :

En 1950, 3 écoles de perfectionnement ont été établies, dans lesquelles le nombre d’élèves était de 338, et dans le même temps, 22 classes de perfectionnement ont été ouvertes pour 1 427 élèves ; en 1951, le chiffre est passé à 17 écoles et 101 classes ; en 1952, 15 écoles et 354 classes ; en 1953, au total, il y avait 27 écoles et le nombre d’élèves dans ces écoles était de 3760, et 131 classes et le nombre d’élèves dans ces classes était de 15 720 ; enfin, en 1955, avant le changement de politique, existaient 20 écoles et 143 classes de perfectionnement.

Selon le règlement concernant l’organisation des écoles et des classes de perfectionnement de la médecine chinoise1139 élaboré par le ministère de la Santé et publié le 27 décembre 1951, pour favoriser la formation, il faut installer les écoles de perfectionnement dans les villes où la condition de la couverture médicale est déjà assez bonne. Quant aux classes de perfectionnement, elles peuvent être ouvertes par le gouvernement ou par la collectivité populaire. La formation dans les classes dure généralement 6 mois. Certaines classes aptes peuvent être transformées en écoles1140.

235- Les institutions de recherche sur la médecine chinoise. La proposition pour effectuer des recherches scientifiques sur la médecine chinoise du premier ministre de la Santé de la R.P.C, Li Dequan, a été adoptée par la première réunion nationale de la santé de 1950. Selon cette proposition, il faut être en collaboration avec les scientifiques pour étudier la pharmacopée chinoise et analyser les recettes secrètes afin de préciser les caractéristiques des

1137 « 关于 1950 年医政工作的指示 (Guanyu1950nianyizhenggongzuodezhishi, Indication du travail de la santé de 1950) », in 中央人民政府卫生部卫生法令汇编 (Zhongyangrenminzhengfuweishengbuweishengfalinghuibian, Recueil du droit de la santé du ministère de la santé du gouvernement de la République populaire de Chine), vol. 1 (北京 (Beijing, Pékin), 1950), 137. 1138 Xiaoli Bi, « Traditional Chinese Physicians’ Advanced Study in the Early Days after the Foundation of PRC (1949-1955) » (Guangzhou University of Chinese Medicine, 2006). 1139 Règlement concernant l’organisation des écoles et des classes de perfectionnement de la médecine chinoise (Guanyu zuzhi zhongyi jinxiuxuexiao jijin xiuban de guiding, 关于组织中医进修学校及进修班的规定), « 新中 国成立初期“ 中 医 科 学 化 ” 的历史考察 (Xinzhongguochenglichuqi“zhongyikexuehua”delishikaocha, L’observation historique de “la mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise” au début de la fondation de la nouvelle Chine) ». 1140 Deren Yang, « 北京预防医学班的初步介绍 (Beijingyufangyixuebandechubujieshao, Introduction pasique des classes de médecine préventive de Pékin) », Journal of Traditional Chinese Medicine, no 01 (1951): 64. 339 médicaments chinois ; il faut également étudier l’acupuncture, « dépoussiérer » les expériences cliniques d’époque ancienne et les mettre aux normes scientifiques autant que faire se peut1141.

Pour effectuer ce travail, la réunion décide d’établir l’institut de la Médecine chinoise1142. Ce dernier est officiellement fondé en 1951. Selon l’objectif fixé par la proposition susdite, l’institut de la Médecine chinoise contient six départements : celui d’histoire de la médecine chinoise, de théorie médicale chinoise, d’acupuncture, de pharmacognosie, de pharmacologie et de chimie. Évidemment, la fonction de chaque département se concentre principalement sur l’occidentalisation de la médecine chinoise :

Le département d’histoire de la médecine chinoise se charge de collecter les données afin de constituer une bibliothèque générale destinée à devenir la référence contribuant aux recherches médicales, et de rédiger un Aperçu de l’histoire de médecine chinoise ;

Le travail principal du département de théorie médicale chinoise est d’étudier les méthodes traditionnelles de traitement qui sont souvent riches d’expérience issue de la pratique mais qui manquent d’explication scientifique en théorie, telles que l’acupuncture, le tuina, le reboutement, l’application de ventouse, etc. ;

Le département d’acupuncture essaie d’étudier les fonctions physiologique et pathologique de l’acupuncture ;

Le département de pharmacognosie se charge de collectionner les plantes médicinales du pays, de classer les spécimens, de distinguer les espèces et d’examiner leur authenticité ; ensuite, étudier les tissus végétaux de ces herbes au microscope et créer les pépinières pour planter les herbes ;

La fonction du département de pharmacologie est d’étudier la fonction pharmacologique des recettes normales et des recettes secrètes ; la méthode de recherche s’effectue avec du matériel de laboratoire, donc à la méthode moderne ;

1141 Li, « 中央人民政府卫生部李部长在第一届全国卫生会议上的报告 (Zhongyangrenminzhengfuweishengbulibuzhangzaidiyijiequanguoweishenghuiyishangdebaogao, Rapport du ministre Li du ministère de la Santé du gouvernement populaire central dans la première réunion nationale de la Santé) », 6.

1142 Institut de la Médecine chinoise (Zhongyi yanjiusuo, 中医研究所). 340

Le département de chimie effectue des recherches chimiques sur les matières médicinales et les recettes, par exemple en extrayant d’abord l’essence des médicaments chinois, et en analysant ensuite leurs ingrédients actifs1143.

b) La portée de cette politique.

Il y a des avantages, mais aussi des inconvénients.

Les avantages.

236- En premier lieu, et incontestablement, la mise aux normes scientifique de la médecine chinoise favorise l’amélioration de la capacité professionnelle des soignants ruraux, voire de la situation de la santé rurale en général. Sachant qu’à la fondation du pouvoir, en raison de la perturbation des guerres, des alternances politiques et des problèmes liés à la particularité de la médecine chinoise1144, les niveaux de cette capacité professionnelle chez les médecins sont inégaux, autrement dit et mis à part certains médecins réputés, beaucoup d’entre eux ne sont en effet pas aptes à la profession. Mais après formation, ces médecins ont acquis quelques connaissances de base en médecine moderne, surtout les techniques de prévention des épidémies qui sont indispensables pour l’amélioration de la santé du peuple rural. Voici quelques faits qui illustrent et soutiennent ce point de vue :

D’abord, les formations ont regroupé les médecins ambulatoires qui parcouraient les provinces. Après la formation, beaucoup d’entre eux ont changé leur mode d’activité traditionnelle en créant des cabinets, et donnant également des soins en médecine moderne aux

1143 Zheng Gong, « 新中国中医方针政策的历史考察 (Xin zhongguozhongyifangzhenzhengcedelishikaocha, Recherche historique sur les politiques de la médecine chinoise de la nouvelle Chine) » (Thèse en histoire, Party School of the Central Committee of CPC, 2011), 53‑54. 1144 Notamment le manque historique de discipline, et son indépendance qui, comme un caractère particulier à comparer avec la médecine scientifique, se présente dans le mode de formation particulière, l’organisation des activités des médecins individuels, les manières de traitement personnelles (en tenant compte l’état de santé de chaque patient), etc. 341 malades. Par exemple, jusqu’en 1954, en banlieue de Pékin, 43 cabinets et 19 cabinets secondaires de ce genre ont été établis 1145 ; ensuite, la formation permet aux médecins en médecine chinoise de participer plus efficacement à la prévention des épidémies : dans la province de Shānxi, pendant trois ans, 951 médecins ont suivi les cours de perfectionnement, et grâce à cela, la situation de manque en ressources médicales a été beaucoup améliorée1146. Enfin, à comparer avec l’année 1950, en 1952 le taux de morbidité de la petite vérole a diminué de 90 %, le choléra, la peste, le paludisme, la fièvre noire semblaient sous contrôle, et selon le journal officiel du gouvernement, le taux de natalité de certaines régions a augmenté de 30‰ à 45‰ puis à 54‰ depuis la fondation du pouvoir1147.

En second lieu, la formation de perfectionnement a offert une occasion de communication entre les deux médecines, qui est favorable à leur coexistence. L’exemple le plus notable est celui de la création des associations de médecine chinoise qui sont des organisations académiques populaires mais qui sont sous la direction de chaque autorité locale. Ces associations acceptent non seulement l’affiliation des médecins en médecine chinoise mais aussi celle des médecins en médecine occidentale faisant de la recherche en médecine chinoise. L’un des objectifs de ces associations est de favoriser la mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise et de promouvoir l’union des deux médecines1148.

Nous nous apercevons pourtant qu’au niveau de l’art de guérir, l’attitude des dirigeants du pays est que la médecine chinoise est inférieure à la médecine occidentale. Cependant, si on insiste sur le terme d’« union », c’est-à-dire que l’intention du pouvoir politique est simplement d’aider, d’améliorer et de moderniser ou occidentaliser la médecine chinoise, et que les statuts des deux médecines sont juridiquement et politiquement égaux.

1145 « 全 国 中 医 进 修 工 作 概 况 (Quanguozhongyijinxiugongzuogaikuang, Aperçu général du travail de perfectionnement des médecins en médecine chinoise de tout le pays) », Journal of Traditional Chinese Medicine, no 3 (1954): 3. 1146 Ibid. 1147 « 三年来中国人民的卫生事业 (Sannianlaizhongguorenmindeweishengshiye, Le travail de santé du peuple chiniois des trois dernières années) », Le Quotidien du Peuple, 27 septembre 1952, 2. 1148 « 北京市中医学会年来的发展 (Beijingshizhongyixuehuinianlaidefazhan, Le développement de l’association de médecine chinoise de Pékin) », Journal of Traditional Chinese Medicine, no 1 (1951): 25. 342

Les inconvénients.

237- Généralement, les mouvements populaires peuvent créer de grandes impulsions dans les domaines où ils s’expriment, mais ils renvoient également à des problématiques. Concernant notre sujet, le mouvement d’occidentalisation imposé par le ministère de la Santé de l’époque a en effet bouleversé la profession des médecins, et pour plusieurs raisons.

D’un côté tout d’abord, pour la plupart des médecins en médecine chinoise, de longues années de pratiques médicales leur ont apporté l’expérience et la réputation nécessaires, et sont donc souvent âgés et n’ont jamais ou rarement appris les sciences modernes telles que la biologie et la chimie. Enseigner directement la médecine moderne à ces médecins et leur demander de critiquer la théorie de leur propre médecine au moyen des normes scientifiques peut provoquer du rejet envers la médecine venant des pays étrangers.

D’un autre côté ensuite, selon le règlement sur l’organisation des écoles et des classes de perfectionnement de la médecine chinoise 1149 publié par le ministère de la Santé le 27 décembre 1951, les cours de perfectionnement ont en effet accentué partiellement l’importance de l’enseignement de la médecine moderne et ignoré l’étude sur la médecine chinoise en elle-même1150, la valeur de cette médecine a donc été méprise. La conséquence est très lourde sur l’atmosphère de la profession : selon la parole d’un médecin en médecine moderne, la médecine chinoise est déphasée, et faire l’union des médecins des deux médecines est juste une collaboration entre personnels de santé1151, mais jamais académique1152 ; bien plus, l’objectif de faire l’union des médecins des deux types de médecines est de profiter temporairement de la médecine chinoise, avant que finalement cette médecine ancienne puisse être abolie1153. Ainsi, pendant la deuxième réunion nationale de la santé, aux réflexions sur le manque d’enseignement en médecine chinoise dans les écoles de perfectionnement, le vice- ministre de la Santé He Cheng a répondu que la médecine chinoise représente une société

1149 Le Règlement concernant l’organisation des écoles et des classes de perfectionnement de la médecine chinoise (Guanyu zuzhi zhongy ijinxiuxuexiao he jinxiuban de guiding, 关于组织中医进修学校及进修班的规定). 1150 Selon l’emploi du temps fixé par la règle, pour les écoles de perfectionnement, le nombre total des heures de cours est de 792, parmi lesquelles celui de cours en médecine chinoise compte seulement pour 123, qui contiennent seulement l’acupuncture 15 heures, le reboutement 36 heures et la recherche en médecine chinoise 72 heures; pour les classes de perfectionnement, il n’y a pas de cours en médecine chinoise du tout. 1151 Les médecins en médecine chinoise comme les médecins en médecine occidentale donnent des soins aux malades. 1152 Il s’agit que des deux médecines s’apprennent mutuellement. 1153 Dongyi Cao, 中医群英战 SARS (ZhongyiqunyingzhanSARS, Les médecins en médecine chinoise combattent SARS) (Pékin: Zhongyigujichubanshe, 2006), 63. 343 ancienne, et qu’il n’y a alors pas de possibilité que cette médecine continue à exister longtemps1154.

2) « Les médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise ».

238- Le slogan. « Les médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise1155 » est issu d’une instruction Mao Zedong en juin 1954 : il faut affecter entre 100 ou 200 diplômés des universités de médecine ou des écoles de médecine, puis les remettre aux médecins célèbres en médecine chinoise pour apprendre de leurs expériences cliniques1156. Ensuite, le 20 octobre 1954, le journal officiel du gouvernement, le Quotidien du Peuple, a publié un éditorial intitulé « appliquer les politiques correctes du traitement de la médecine chinoise » qui a appelé activement les médecins en médecine occidentale à étudier la médecine chinoise1157.

239- L’influence du contexte politique. L’apparition de ce slogan est, suivant l’instruction de Mao et la décision du comité central du parti communiste, dans le but de corriger la « faute grave » commise pendant le mouvement de mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise, c’est-à-dire le mépris de la valeur et de la fonction de la médecine chinoise par le ministère de la Santé dont nous avons parlé1158. Un peu plus tard, d’après l’instruction de Mao du 11 octobre 1958 : la médecine et la pharmacopée chinoises sont de grands trésors, il faut donc s’efforcer de les exploiter et les améliorer1159 : le mouvement devient également un

1154 Jiage Lu, 挽救中医 (Wanjiuzhongyi, Sauver la médecine chinoise) (Guangxi Normal University Press, 2006), 91. 1155 Les médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise (Xiyi xuexi zhongyi, 西医学习中医). 1156 Le commandement de la prévention des épidémies du Corps de production et de construction du Xinjiang, 毛 主席对卫生工作的指示 (Maozhuxiduiweishenggongzuodezhishi, Les instructions, 1968, 83‑88. 1157 « 贯彻对待中医的正确政策 (Guancheduidaizhongyidezhengquezhengce, Appliquer les politiques correctes du traitement de la médecine chinoise) », Le Quotidien du Peuple, 20 octobre 1954, 1. 1158 Ibid. 1159 Division de la médecine chinoise du ministère de la Santé, « 毛主席对今后举办西医离职学习中医的学习 班的批语 (Maozhuxiduijinhoujubanxiyilizhixuexizhongyidexuexibandepiyu, L’observation du président Mao sur la création des classes des médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise) », in 中医工作文件 汇编 (1949-1983) (Zhongyigongzuowenjianhuibian (1949-1983), Recueil des documents de travail de la médecine chinoise (1949-1983)) (Pékin: Ministère de la Santé, 1985). 344 mouvement populaire dans le pays. De plus, en raison de la politique économique du Grand Bond en avant, ce mouvement avait une ampleur encore plus importante que le mouvement précédent1160.

240- Prendre la particularité de la médecine chinoise en considération. L’objectif de ce mouvement est de faire confluer la médecine chinoise avec la science médicale moderne et devenir une composante importante de la science médicale moderne1161. Évidemment, celui-ci n’a pas de différence fondamentale avec la politique de mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise, c’est-à-dire que les buts des deux mouvements sont toujours d’essayer d’étudier et d’améliorer la médecine chinoise au moyen de la méthode scientifique moderne. Cependant, il y a quand même un point particulier qui a marqué une augmentation de la considération envers la médecine chinoise : l’éditorial du 20 octobre 1954 a précisé que l’essentiel de la volonté que les médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise n’est pas de faire baisser la responsabilité des travailleurs en médecine chinoise, mais de faire mieux fonctionner cette médecine et qu’il faut obligatoirement prendre en considération la particularité de la médecine chinoise1162.

B. L’établissement initial du système de santé.

En 1949, 80 % de médecins du pays exerçaient leur activité individuellement1163. Pour ne pas perturber encore plus la situation de la santé publique, le gouvernement est obligé à ce moment de tolérer l’existence de ce mode d’exploitation. Cependant, sachant que le système de santé doit, comme tous les autres secteurs, correspondre à l’idéologie du régime socialiste, la notion de propriété privée dans la profession de santé ne peut pas durer longtemps.

1160 Division de la médecine chinoise du ministère de la Santé, « 全国中医中药会议上的报告 (Quanguozhongyizhongyaohuiyishangdebaogao, Le Rapport pour la réunion nationale de la médecine et de la pharmacopée chinoises) », in 中医工作文件汇编 (1949-1983) (Zhongyigongzuowenjianhuibian (1949-1983), Recueil des documents du travail de la médecine chinoise (1949-1983)) (Pékin: Ministère de la Santé, 1985). 1161 « 贯彻对待中医的正确政策 (Guanche duidai zhongyi de zhengque zhengce, Appliquer les politiques correctes du traitement de la médecine chinoise) », 1. 1162 Ibid. 1163 Xinzhong Qian, 中国卫生事业发展与决策 (Zhongguoweishengshiyefazhanyujuece, Le developpement et la décision de la cause sanitaire de la Chine) (Pékin: China social sciences press, 1992), 52. 345

Le changement commence dès 1951, avec une succession de textes officiels du gouvernement1164, qui amènent le transfert à la propriété publique sous différentes formes et modalités des établissements de santé comme les hôpitaux, des stations de santé et de prévention des épidémies, des maternités voire des postes de santé villageois 1165 . La socialisation du domaine de santé pose alors rapidement une question : qui va prendre en charge les frais et les dépenses de santé du peuple, et comment ? Selon les différentes formes de propriété publique, en ville, ce sont les autorités locales ; au village, ce sont les collectivités paysannes. Naturellement, les difficultés financières ont poussé le pouvoir politique à privilégier des moyens de traitement moins coûteux, dont ceux fournis par la médecine chinoise.

Dans le contexte spécifique de l’époque, en 1953, avec l’accord du conseil d’administration, dans les provinces, les régions autonomes des minorités, les municipalités, les villes, les xians, les autorités ont installé de nouvelles stations de santé et de prévention des épidémies 1166 . Les statuts des personnels de santé en médecine moderne et en médecine traditionnelle dans ces stations sont fixés officiellement par les règles expérimentales des stations de santé et de prévention des épidémies1167 publiées le 15 août 1964 par le ministère de la Santé. L’installation de ces stations est la première étape de l’établissement du système de santé général, mais cela ne veut pas dire que les situations pour les villes et pour les campagnes sont similaires et unifiées. En effet, toutes les ressources médicales modernes importantes se trouvent dans les villes. Quant à la campagne, au début, la plupart des paysans dans une vaste partie de la Chine ne peut quasiment pas profiter du fruit de la médecine moderne. Le gouvernement a établi deux systèmes de santé : un pour les villes, lequel s’adapte à la situation

1164 Les textes officiels sont l’arrêté pour développer la formation de santé et pour former le personnel de santé à tous les échelons (guanyu fazhan weisheng jiaoyu he peiyang geji weishengrenyuan de jueding, 关于发展卫生教 育和培养各级卫生工作人员的决定) publié le 4 avril 1951 par le ministère de la Santé et le ministère de l’Education; l’arrêté concernant perfectionner et développer les établissements de santé de base du pays (guanyu jianquan he fazhan quanguo weishengjiceng zuzhi de jueding, 关于健全和发展全国卫生基层组织的决定) ; et l’arrêté concernant la modification des relations entre le publique et le privé au sein de l’œuvre d’amélioration sanitaire (guanyu tiaozheng yiyao weisheng shiye zhonggongsi guanxi de jueding, 关于调整医药卫生事业中公 私关系的决定) publiés le 4 avril 1951 par le ministère de la Santé. 1165 Les formes de la socialisation des établissements de santé se présentent par la propriété purement publique, la collaboration entre la propriété publique et la propriété collective, la propriété purement collective ou la collecte de fonds du peuple, Guozhong He, « The Health Policies of China-an Evaluation and Investigation » (Thèse en épidémiologie et statistique de la santé, Huazhong University of Science and Technology, 2006), 55‑56. 1166 Ibid., 54. 1167 Règles expérimentales des stations de santé et de prévention des épidémies (weisheng fangyizhan gongzuo shixing tiaoli, 卫生防疫站工作试行条例). 346 médicale urbaine, plutôt bien lotie au regard des ressources et équipements médicaux modernes (1) ; le second pour les campagnes qui privilégie notamment la médecine traditionnelle (2). D’un côté, sous le rapport de l’égalité du droit d’accès aux traitements médicaux des citoyens, cette solution est discutable, mais d’un autre côté, il faut quand même affirmer son efficacité dans la gestion de la santé du pays, car grâce à cela, le gouvernement a réussi à éviter à 90 % de sa population de tomber dans une situation de « désert médical ».

1) Les deux médecines dans le système de santé des régions urbaines.

Les deux médecines coexistent dans le système de santé urbaine, cependant, plusieurs raisons déterminent que la médecine moderne demeure la médecine principale des régions urbaines (a) et que le droit concernant la profession en médecine chinoise est peu adaptable à la situation réelle (b).

a) La médecine moderne comme médecine principale des régions urbaines.

241- Le système de santé dans les régions urbaines est peu complexe, car il consiste en trois niveaux d’établissements de santé : les hôpitaux installés en villes, les hôpitaux installés dans les districts et les unités de santé ambulatoire de sous-district. Ces établissements sont généralement équipés en ressources, machines et installations médicales modernes.

La socialisation de la structure d’administration et de la gestion des entreprises d’État décide que ces établissements de santé sont spécialement tenus pour répondre au besoin en soins médicaux des fonctionnaires et des travailleurs dans les institutions publiques. Les soins sont

347 gratuits : depuis leur création dans les années 1950, et pendant plus 40 ans, c’est le gouvernement qui prend en charge tous les frais médicaux1168.

242- Que la médecine moderne soit la médecine principale dans les régions urbaines, dépend probablement de deux raisons principales.

La première, c’est qu’avant la fondation du pouvoir politique communiste, il existait déjà des hôpitaux modernes et un personnel médical en médecine moderne dans les villes qui ont profité des premiers contacts avec l’Occident, telles que les villes littorales et les ports ouverts. Cette situation permet au gouvernement de continuer à faire fonctionner les hôpitaux qui existaient déjà auparavant.

En second, la médecine moderne est coûteuse, mais dans le système de l’économie planifiée, la ressource médicale devient aussi un bien public. Le pouvoir politique peut décider de la fabrication, des prix et de la distribution des matériels médicaux et des médicaments, ainsi que de la répartition du personnel médical1169. De plus, au moment de la prise du pouvoir, la population urbaine n’était pas si nombreuse1170, ce qui a permis au gouvernement de pouvoir contrôler voire diminuer volontairement le budget de santé.

b) Le droit concernant la profession en médecine chinoise est peu adaptable à la situation urbaine.

243- Les conditions requis. Le 1er mai 1951, le règlement provisoire des médecins en médecine chinoise et les modalités d’exécution du règlement publiés par le ministère de la Santé ont clairement défini les conditions requises pour être médecin en médecine chinoise.

1168 Jianjun Shi, « Research on Model of Urban Medical System Reform » (Thèse en management, Tongji University, 2007), 26. 1169 He, « The Health Policies of China-an Evaluation and Investigation », 156. 1170 Selon les statistiques, la population chinoise en 1949 était de 576 500 000 d’habitants urbains et de 4 840 200 000 d’habitants ruraux, « 中国权威经济论文库 (Zhongguoquanweijingjilunwenku, Thesis by well-versed economists) », consulté le 14 février 2017, http://202.119.108.161:93/modules/showContent.aspx?title=&Word=&DocGUID=d2800a505f2449eba5e66eec6 9296966. 348

Selon l’article 4 du règlement, aux personnes qui se conforment à une des conditions suivantes peut être délivré le titre de médecin en médecine chinoise :

- Être titulaire du diplôme d’un établissement d’enseignement public de la médecine chinoise ayant une durée de scolarité de 4 ans ou plus ; - Réussir l’examen organisé par le ministère de la Santé ou par, sous l’autorisation du ministère de la Santé, les organismes qui se chargent de l’administration de la santé des grandes circonscriptions administratives ; - Être titulaire du titre de médecin en médecine chinoise ou de l’attestation de réussite d’examen délivrés par les autorités des provinces ou des municipalités avant la publication du présent règlement ; - Être titulaire du titre de médecin en médecine chinoise ou de l’attestation de réussite d’examen délivré par le gouvernement nationaliste ; - Être titulaire d’une attestation de réussite de l’examen de fin d’études dans les écoles de perfectionnement établies par le gouvernement populaire ; - Être titulaire du titre provisoire de médecin en médecine chinoise, travailler deux ans ou plus et être muni d’une attestation de l’administration locale de la santé ou de son établissement de travail1171. L’article 5 du même règlement a même prévu des règles pour la délivrance du titre provisoire de médecin en médecine chinoise.

- Être titulaire du diplôme d’une école publique de la médecine chinoise ayant une scolarité de 3 ans ; - Être titulaire du titre de médecin en médecine chinoise ou de l’attestation de réussite d’examen délivrés par les autorités de municipalité ou de xian avant la publication du présent règlement ; - Être titulaire de la licence ou licence provisoire d’activité délivrées par les autorités de ville ou de xian du gouvernement nationaliste et validées par les autorités de ville ou de xian du gouvernement populaire ; - Avant la publication du présent règlement, selon la renommée parmi le peuple et après pratique de la médecine chinoise dans des lieux ruraux pendant 5 ans ou plus, sur titres provisoires validés par les autorités populaires de ville ou de xian1172.

1171 Ministère de la Santé, 中央人民政府卫生部卫生法令汇编 (Zhongyangrenminzhengfuweishengbufalinghuibian, Compilation des règlements du ministère de la Santé du gouvernement populaire central), vol. 1 (Pékin: Ministère de la Santé, 1957), 176. 1172 Ibid. 349

244- L’inadaptation du droit face aux réalités. Depuis la fondation du gouvernement communiste, jusqu’à la publication de ces textes, le gouvernement central ou les autorités locales n’ont organisé aucun examen concernant le titre de médecin en médecine chinoise ; de plus, les formations de perfectionnement ont à peine commencé, et le nombre de diplômés doit être encore restreint. Dans ce cas-là, et bien que les examens soient stipulés dans le droit, le titre de médecin en médecine chinoise devrait être délivré principalement par la reconnaissance soit des expériences pratiques des guérisseurs ambulatoires, soit des titres délivrés par le gouvernement nationaliste, cela est donc très subjectif. De fait, en suivant les critères de ces textes, en 1953, dans les 92 grandes ou moyennes villes et 165 xians, seulement 10 % de médecins en médecine chinoise sont jugés aptes1173 ; à la fin de l’année 1953, le nombre de titres de médecin en médecine chinoise délivrés par le ministère de la Santé était de 16 181, dont seulement 3 % du nombre total des praticiens en médecine chinoise du pays 1174 pouvaient travailler légalement. Cela a amené des conséquences défavorables : d’un côté, le système de santé urbain manque encore plus de médecins, et d’un autre côté, beaucoup de praticiens en médecine chinoise sont au chômage ou exercent illégalement leurs pratiques médicales1175.

Il est vraisemblable que ces critères élaborés par le ministère de la Santé s’adaptent plutôt à la situation de la médecine moderne qu’à celle de la médecine traditionnelle.

2) Le système de santé rural avant la coopérative médicale.

Avant la coopérative médicale, dans les régions rurales les établissements de santé(a) et le personnel médical (b) sont gérés par des systèmes assez rudimentaires :

1173 Xiaofeng Ren, « 批判贺诚同志在对待中医的政策上的错误 (PipanHeChengtongzhizaiduidaizhongyidezhengceshangdecuowu, Critiquer les fautes du camarade HeCheng dans les politiques du traitement de la médecine chinoise) », Health News, 23 décembre 1955. 1174 Xie, 北京百年中医 (Beijingbainianzhongyi, Cent ans de la médecine chinoise de Pékin), 340. 1175 Huijuan Liu, « 中共的中医政策在新中国的贯彻 - 以北京为例 (Zhonggongdezhongyizhengcezaixinzhongguodeguanche-yibeijingweili, L’application des politiques de la médecine chinoise du parti communiste chinois en Chine-exemple de Pékin) », History of CPC in Beijing, no 1 (juillet 2007). 350

a) Les établissements de santé.

245- Selon les directives du gouvernement, les établissements de santé accueillent les deux médecines. En effet, avant le début du mouvement des communes populaires en 1958, les établissements de santé formels tels que les hôpitaux se trouvent seulement au niveau des Xian de l’administration territoriale ; après cette date, et grâce au mouvement de 1958 et au rassemblement de plusieurs postes de santé publique ou établissements de santé privés où se présentent les médecins ambulatoires, des centres de santé ont été installés dans les villages1176.

b) Le personnel médical.

246- « Mesures concrètes de mise en œuvre de l’organisation de base rurale (projet) 1177 » publiées par le ministère de la Santé en 1951, le personnel de santé dans le système de santé rural contient les hygiénistes, le personnel de la protection maternelle et infantile (PMI)1178 et les infirmières.

La sélection de ces personnes est beaucoup impactée par des facteurs politiques : les hygiénistes doivent être sélectionnés parmi les enfants des ouvriers ou des paysans, les enseignants des écoles primaires1179; les PMI et les infirmières doivent être issus des anciennes accoucheuses, les femmes qui ont fini leurs études de 5e ou 6e année à l’école primaire, les ouvrières, les femmes rurales et les enseignantes des écoles primaires1180.

1176 Decheng Li, « Research on Cooperative Medical System and Barefoot Doctor (1955-1983) » (Thèse en histoire, Zhejiang University, 2007), 167. 1177 Mesures concrètes de la mise en œuvre de l’organisation de base rurale (projet) (Nongcun jiceng zuzhi gongzuo jutishish banfa (caoan), 农村基层组织工作具体实施办法(草案)). 1178 Y compris les sages-femmes. 1179 Y compris les enseignants des écoles primaires rurales et les élèves des écoles populaires. 1180 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, « 卫生部关于认真做好城市组织 巡回医疗队下农村的通知 (Weishengbuguanyurenzhenzuohaochengshizuzhixunhuiyiliaoduixianongcundetongzhi, Circularie du ministère de la Santé concernant les villes organisent sérieusement les équipes médicales ambulantes pour aller dans les campagnes) », in 农村卫生文件汇编 (1951-2000) (Nongcunweishengwenjianhuibian (1951-2000), Recueil des documents sanitaires ruraux (1951-2000)), (65)卫厅秘钱字第 29 号 (Pékin: Ministère de la Santé, 2001), 627. 351

Leurs formations sont effectuées à court terme par les équipes médicales itinérantes, constituées de médecins des hôpitaux de ville1181, mais pendant la formation, ces personnes doivent continuer à effectuer leur travail habituel.

Les contenus des formations sont principalement en médecine moderne1182 et chaque discipline a son propre objectif : l’objectif de la formation des hygiénistes est d’être capable de diagnostiquer les 20-30 types de maladies courantes, d’être capable de traiter les petites maladies courantes et les petites blessures de la vie ou du travail rural, de savoir pratiquer des premiers secours de base, d’être capable d’utiliser correctement des médicaments et de savoir pratiquer l’acupuncture de base, d’être capable d’effectuer les mesures nécessaires à la prévention des épidémies, etc. ; pour les sages-femmes, après la formation, elles doivent savoir utiliser les méthodes modernes d’accouchement, d’examen prénatal, d’hypurgie maternelle et néonatale de base, et savoir poser le pessaire et le diaphragme vaginal, etc.1183.

C’est un choix raisonnable mais très rudimentaire, d’abord parce que les travailleurs de santé n’étaient pas vraiment des professionnels, parce qu’ils travaillent en réalité à temps partiel, autrement dit, ces personnes manquent de professionnalisme exclusif dans le domaine médical ; ensuite, leurs connaissances en médecine sont très limitées, car aucune de ces personnes n’a suivi une formation en médecine moderne complète. Ce genre d’équipes médicales se situant dans les campagnes est une solution pragmatique mais provisoire face à une situation médicale vraiment ardue.

1181 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, éd., « 卫生部关于组织农村巡回医 疗队有关问题的通知 (Weishengbuguanyuzuzhinongcunxunhuiyiliaoduiyouguanwentidetongzhi, Circulaire du ministère de la Santé concernant des questions sur l’organisation des équipes médicales ambulantes rurales) », in 农村卫生文件汇编 (1951-2000) (Nongcunweishengwenjianhuibian (1951-2000), Recueil des documents sanitaires ruraux (1951-2000)), (65)卫厅秘钱字第 24 号 (Pékin: Ministère de la Santé, 2001), 620. 1182 Deuxième équipe médicale de Hangzhou, groupe deux, « 培 训 不 脱 产 卫 生 员 工 作 小结 (Peixunbutuochanweishengyuangongzuoxiaojie, Résumé de la formation des hygiénistes non dégagés de son travail habituel) », 19 octobre 1965, J165-15-78, Zhejiang Archives. 1183 Kaining Zhang, 从赤脚医生到乡村医生 (Congchijiaoyishengdaoxiangcunyisheng, de médecin aux pieds nus à médecin rural) (Kunming: Yunnan People’s Publishing House, 2002), 17. 352

II. La médecine « intégrative » en médecine chinoise et médecine occidentale émis pendant la période de développement du système de santé du pays entre 1957 et 1965.

Il s’agit d’une proposition sur la création d’une nouvelle médecine basée sur la médecine chinoise et la médecine occidentale. L’objectif et les caractéristiques de cette nouvelle médecine se trouve dans l’origine de la proposition (A) et dans la proposition formelle du gouvernement (B).

A. L’origine de la proposition sur la médecine « intégrative » en médecine chinoise et médecine occidentale.

247- Il s’agit d’abord de la fusion des deux médecines qui en effet se trouve déjà dans la politique de mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise et dans celle de l’étude de la médecine chinoise par les médecins modernes. Mais la pensée de la médecine intégrative a été premièrement proposée par Mao en novembre 1953 pendant une réunion du bureau politique du parti communiste :

La médecine chinoise est une des grandes contributions de la Chine au monde ; la majorité du peuple, surtout les paysans s’appuient principalement sur la médecine chinoise pour soigner leurs maladies ; les expériences précieuses de la médecine chinoise doivent impérativement être préservées et propagées ; la médecine chinoise et la médecine occidentale doivent absolument s’unir, le monde de la médecine occidentale doit briser son sectarisme ; à l’avenir, il y aura qu’une médecine qui est dirigée par la dialectique matérialiste1184.

Évidemment, la proposition de n’avoir qu’« une médecine » peut être considérée comme l’ordre de lancement de la création d’une médecine intégrative en médecine chinoise et médecine occidentale.

1184 Ronghua Pan et Fang Yang, « 党的中西医结合政策的形成与发展战略 (Dangdezhongxiyijiehezhengcedexingchengyufazhanzhanlue, La stratégie de la formation et du développement de la politique de la fusion de la médecine chinoise et la médecine occidentale du parti) », Journal of Nanjing University of Traditional Chinese Medicine, no 1 (mars 2004). 353

248- L’éditorial du journal officiel du 20 octobre 1954. Ensuite, en s’appuyant sur ce discours de Mao, le 20 octobre 1954, le journal officiel publie un éditorial qui est en réalité l’ordre du gouvernement d’appliquer les instructions de Mao dans le pays : « La question fondamentale pour faire avancer le patrimoine médical de notre pays est de savoir comment par l’intermédiaire des études, des recherches et des pratiques sérieuses, l’amener progressivement à se combiner avec la théorie scientifique moderne ; à se baser sur celle-ci et à utiliser la méthode scientifique pour définir et organiser la théorie médicale chinoise, à résumer ses expériences cliniques, à en assimiler l’essence et se débarrasser des déchets, pour qu’elle puisse confluer avec la science médicale moderne et devenir une partie importante de cette dernière1185. »

Selon le même éditorial, cette médecine intégrative était décrite comme « une médecine moderne qui doit refléter les caractéristiques géographique et climatique de la Chine, la spécialité appliquée des matières médicinales chinoises, et qui reflète encore les caractéristiques de vie et de travail du peuple chinois de toutes ethnies1186. »

B. La proposition formelle de la médecine « intégrative » en médecine chinoise et médecine occidentale.

249- La notion de médecine intégrative en médecine chinoise et médecine occidentale était formellement présentée, en avril 1960, par un rapport du ministère de la Santé pendant la réunion sur l’expérience du mouvement des « médecins en médecine moderne qui étudient la médecine chinoise ». Le gouvernement a souhaité quatre méthodes de convergence concernant l’établissement de cette nouvelle médecine :

- Utiliser les théories et les méthodes respectives de la médecine chinoise et de la médecine occidentale pour effectuer des recherches sur les maladies, pour que

1185 « 贯彻对待中医的正确政策 (Guanche duidai zhongyi de zhengque zhengce, Appliquer les politiques correctes du traitement de la médecine chinoise) ». 1186 Ibid. 354

les deux médecines puissent d’abord communiquer, et par la suite engendrer de nouvelles théories ; - Étudier la science derrière la médecine chinoise en utilisant la médecine de base moderne, telle que la physiologie, afin de pousser au développement rétroactif de la médecine de base ; - Chercher à définir les lois de la médecine intégrative, récapituler les méthodes de soins et les règles du traitement clinique de la nouvelle médecine intégrative, et approfondir les recherches théoriques, afin d’établir un nouveau système de médecine clinique ; - Utiliser la méthodologie des sciences naturelles modernes pour étudier systématiquement la médecine chinoise, enrichir le savoir de la science médicale globale et créer une nouvelle discipline1187.

Il paraît bon d’essayer de créer une nouvelle médecine qui arriverait à unir les avantages des deux médecines. Cependant, il semble que le gouvernement a considéré que la création de cette médecine intégrative était la seule voie d’avenir. Cela peut rapidement devenir problématique, car chaque médecine possède ses caractéristiques uniques, et pour faire avancer la cause théorique générale, toutes les décisions doivent d’abord respecter l’intégralité et l’indépendance de la théorie fondamentale de chaque médecine, c’est-à-dire qu’il ne faut pas tenter d’expliquer une médecine par les critères de l’autre. Mais d’après les mesures de création de la médecine intégrative de cette période, nous pensons qu’il s’agit plutôt d’une énième tentative d’occidentalisation de la médecine chinoise, seulement un peu plus modérée.

1187 Division de la médecine chinoise du ministère de la Santé, « 卫生部党组关于全国"西医学习中医"经验交 流座谈会情况的报告 (Weishengbudangzuguanyuquanguo"Xiyixuexizhongyi"jingyanjiaoliuzuotanhuiqingkuangdebaogao, Rapport de la réunion du groupe du parti communiste du ministère de la Santé concernant les échanges des expériences des médecins étudient la médecine chinoise de tout le pays) », in 中 医 工 作 文 件 汇 编 (1949-1983) (Zhongyigongzuowenjianhuibian (1949-1983), Recueil des documents du travail de la médecine chinoise (1949- 1983)) (Pékin: Ministère de la Santé, 1985). 355

***

Depuis le slogan de « mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise » et l’établissement initial du système de santé jusqu’à la proposition formelle de la médecine « intégrative » en médecine chinoise et médecine occidentale, l’objectif fondamental du gouvernement à travers ce lent cheminement était toujours le même : essayer de faire collaborer les deux médecines dans le système de santé du pays en profitant des avantages de chaque médecine. Depuis 1966, une progression des mesures plus concrètes a bel et bien confirmé la valeur de la coexistence des deux médecines.

Section II : L’acceptation de la valeur intrinsèque de la coexistence des deux médecines entre 1966 et 1982.

Nous divisons cette période en deux parties : celle de la grande révolution culturelle entre 1966 et 1976 (I) et celle de « clarifier la confusion et ramener les choses à l’ordre » entre 1977 et 1982 (II).

I. Pendant la grande révolution culturelle entre 1966 et 1976.

Malgré le chaos pendant la grande révolution culture entre 1966 et 1976, le système de la coopérative médicale rurale (A) et celui des « médecins aux pieds nus » (B) ont assuré l’accès aux soins de santé primaires de 90% de la population chinoise.

356

A. L’établissement du système de la coopérative médicale rurale.

250- Le système de coopérative médicale rurale de cette période a été établi sur la base du système de coopérative de médicaments créé dans les années 1930 dans la base communiste de Shan-Gan-Ning1188, ce dernier ayant en effet fourni des expériences précieuses pour le premier. Les deux systèmes ont été imaginés et inventé par les paysans pour résoudre la difficulté de l’accès aux soins médicaux et pour alléger les budgets des soins médicaux des autorités ; ainsi dans ce genre de coopératives médicales, les diverses difficultés ne permettaient pas de privilégier telle ou telle médecine, autrement dit, bien qu’on apprécie la vertu curative de la médecine moderne, la médecine traditionnelle est surtout indispensable. C’est alors la raison pour laquelle les deux médecines sont employées parallèlement1189. En effet, on peut dire que c’est au début un système populaire et que sa légitimation est réalisée par la reconnaissance du gouvernement.

L’établissement officiel du système n’avait pas connu de difficultés et était très efficace : le 5 décembre 1968, le journal officiel, le Quotidien du peuple, a publié un reportage intitulé « Le succès du système de la coopérative médicale auprès des paysans pauvres et moyen- pauvres » 1190 . Ce texte devient immédiatement un appel officiel pour l’établissement de coopératives médicales dans chaque circonscription.

251- Sous l’influence de la grande révolution culturelle, l’ampleur de l’établissement du système est étonnante : selon les chiffres officiels, à la fin de l’année 1975, 85 % des brigades de production des campagnes du pays ont établi des coopératives médicales, dans lesquelles il y avait 1 559 214 « médecins aux pieds nus », 3 282 481 hygiénistes et 615 184 sages- femmes1191; selon une autre statistique, pendant la période d’apogée du système, le nombre de personnels de santé était d’environ 5 000 000, dont 1 800 000 « médecins aux pieds nus »,

1188 Voir le 6e chapitre. 1189 Hongman Wang, 大国卫生之难 (Daguoweishengzhinan, Le désastre de la santé du grand pays) (Pékin: Peking University Press, 2004), 3. 1190 Li, « Research on Cooperative Medical System and Barefoot Doctor (1955-1983) », 162. 1191 中国卫生年鉴 (1983) (Zhongguoweishengnianjian (1983), Annuaire de santé de la Chine (1983)) (Pékin: People’s Medical Publishing House, 1984), 60. 357

3 500 000 hygiénistes et 700 000 sages-femmes 1192 . Nous pouvons dire que ce sont les circonstances politiques, précisément l’influence de la grande révolution culturelle, qui constituent un facteur décisif de cette efficacité. Car d’après les archives du parti communiste, à l’époque, établir ou non de coopérative médicale devient rapidement une question idéologique selon que l’on respecte la ligne de la cause sanitaire nationale indiquée par Mao ou selon qu’on suit celle du révisionnisme antirévolutionnaire1193. Ce phénomène dévoile également que, à ce moment, la politique a une autorité suprême, y compris dans le domaine de la santé.

B. Les « médecins aux pieds nus ».

Nous développons ce titre en deux temps : dans un premier temps, nous allons étudier l’apparition du système (1), dans un second temps, il s’agit du fonctionnement du système (2).

1) L’apparition du système.

252- La base juridique de la naissance du système des « médecins aux pieds nus ». Cette base est dans l’instruction de Mao du 26 juin 1965 qui est, dans l’histoire chinoise, connue sous le nom de « l’instruction six deux six1194 ». Cette instruction a indiqué expressément qu’il faut simplifier la formation en médecine occidentale et ramener le point important du travail de santé aux campagnes : « Il n’y a pas besoin de demander que les élèves soient des lycéens ou des collégiens, car il suffit de faire suivre trois ans de formation aux diplômés de l’école primaire. L’essentiel est d’apprendre et d’améliorer la connaissance en médecine dans la pratique. Si on envoie ce genre de médecin dans les campagnes, même si leur capacité en médecine est faible, c’est toujours mieux que des médecins charlatans ou des sorciers guérisseurs. D’ailleurs, (dans ce cas-là), financièrement, les campagnes arriveront à supporter les frais pour avoir ces

1192 Zhang, 从赤脚医生到乡村医生 (Congchijiaoyishengdaoxiangcunyisheng, de médecin aux pieds nus à médecin rural), 16. 1193 Li, « Research on Cooperative Medical System and Barefoot Doctor (1955-1983) », 163. 1194 Comme cette instruction était émis en 26 juin 1965, les Chinois l’appellent souvent « l’instruction 626 » : 6 (mois) 26 (jour). 358 médecins… Donc donnez la plus haute importance aux campagnes dans cette grande œuvre de santé1195. » C’est donc cette instruction qui a poussé et légalisé initialement l’existence des « médecins aux pieds nus ».

Par la suite, ce système proposé par Mao a été juridiquement et institutionnellement fixé par le droit : la Charte de la Coopérative médicale rurale (projet expérimental) publiée conjointement par le ministère de la Santé, le ministère des Finances, l’administration de la Médecine et de la Pharmacopée, la coopérative nationale d’Approvisionnement et de Vente en décembre 1979 a confirmé qu’il faut maintenir la stabilité relative de l’équipe des « médecins aux pieds nus ». Il ne faut pas sélectionner, transférer et révoquer arbitrairement les « médecins aux pieds nus »1196. La décision de sélectionner, transférer et révoquer certains d’eux ne peut se faire que par une procédure rigoureuse : d’abord, il faut avoir l’avis du comité de gestion de la coopérative médicale ou du groupe de gestion d’après une concertation parmi les membres du comité ou dudit groupe ; ensuite, il faut obtenir l’accord du centre de santé du niveau de la commune populaire ; puis, la commune populaire examine la décision ; enfin, le bureau de la Santé des Xian peut donner sa décision finale1197.

253- L’apparition des « médecins aux pieds nus ». C’est dans les années 1950, après le mouvement de socialisation de l’économie non-publique, que la majorité des médecins ambulatoires a changé son mode d’activité initialement privé, et devient médecins dans les unités de santé ambulatoire appartenant au système de l’économie collective de village. En suivant l’apparition de la coopérative médicale rurale, ces médecins sont devenus les premiers « médecins aux pieds nus »1198.

1195 « 毛 泽 东 一 次 发 怒 被 称 为 " 六二六" 指示 催生" 赤脚医生" (2) (MaoZedongyicifanubeichengwei"liuerliu"zhishicuisheng"chijiaoyisheng"(2), Une fois quand Mao Zedong était en colère, ses paroles deviennent l’instruction de “Six deux six” laquelle a engendré “les médecins aux pieds nus”) », Site gouvernemental, people.cn, consulté le 1 mars 2017, http://dangshi.people.com.cn/GB/85039/15495455.html. 1196 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, « 农村合作医疗章程 (试行草案) (Nongcunhezuoyiliaozhangcheng (Shixingcaoan), La charte de la Coopérative médicale rurale (projet expérimental)) », 592‑93. 1197 Ibid. 1198 Li, « Research on Cooperative Medical System and Barefoot Doctor (1955-1983) », 160. 359

Selon l’étude de Li Decheng, l’appellation « médecin aux pieds nus » apparaît initialement dans un texte intitulé « Etudier la direction de la révolution pour la formation en médecine : l’expansion des « médecins aux pieds nus » – rapport sur la situation de Shanghai » du N° 3 de la revue Hongqi en 1968. L’auteur pense aussi que c’est grâce à un reportage publié dans le journal le Quotidien du peuple du 5 décembre 1968, intitulé « Le succès du système de la coopérative médicale auprès des paysans pauvres et moyen-pauvres », que le système de la coopérative médicale et celui des « médecins aux pieds nus » ont pu être rapidement propagés dans le pays1199.

D’après les recherches de l’auteur Yang Nianqun, l’histoire du système des « médecins aux pieds nus » peut remonter jusqu’à l’époque soviétique du parti communiste chinois, car à ce moment, dans les écoles de médecine de l’Armée rouge chinoise, le personnel médical a été formé avec une formation accélérée en médecine durant seulement environ 7 ou 8 mois. Par la suite, les élèves sont rapidement devenus des travailleurs médicaux procurant des soins aux soldats et à la population dans les bases soviétiques chinoises1200. Mais selon nous, il ne s’agit pas encore du vrai système des « médecins aux pieds nus », parce que d’abord, et bien que ces travailleurs médicaux possèdent très tôt certaines des caractéristiques concernées, l’apparition officielle du terme « médecins aux pieds nus » dans les textes gouvernementaux est située quelque part entre les années 1960 et les années 1970, notamment au milieu de la période de la grande révolution culturelle1201. Ensuite, selon le dictionnaire encyclopédique chinois Cihai, le « médecins aux pieds nus » est défini comme Personnel de santé des brigades de production, pendant la période des communes populaires rurales de notre pays, qui n’est pas détaché de la production. Ces personnes sont les agents de la santé rurale qui sont recommandés par les paysans pauvres et moyen-pauvres, qui ont suivi un certain temps de formation et qui ont des connaissances et des techniques de base quant aux disciplines sanitaires1202. Il faut donc fixer la période de l’apparition des « médecins aux pieds nus » entre les années 1960 et 1970.

1199 Ibid., 162. 1200 Nianqun Yang, 再造" 病人"- 中西医冲突下的空间政治 (1932-1985) (Zaizao"Bingren"- zhongxiyichongtuxiadezhengzhikongjian (1932-1985), L’espace politique sous le conflit entre la médecine chinoise et la médecine occidentale (1932-1985)) (Pékin: China Renmin University Press, 2006), 362. 1201 Li, « Research on Cooperative Medical System and Barefoot Doctor (1955-1983) », 162‑63. 1202 辞海 (Cihai), 医药卫生 (Yiyaoweisheng, La santé), 1978, s. v. 赤脚医生. 360

254- La spécialité des « médecins aux pieds nus » : des praticiens en médecine moderne ou en médecine traditionnelle ?

Aucun texte juridique n’avait confirmé la spécialité de ces praticiens de médecine, pourtant, les archives officielles montrent qu’ils exercent parfois de concert la médecine moderne et la médecine traditionnelle, mais dans les pratiques, ils utilisent plus souvent encore la médecine et la pharmacopée traditionnelles.

Les premiers « médecins aux pieds nus » étaient les anciens médecins ruraux. En effet, avant l’apparition officielle des premiers, le gouvernement avait déjà essayé de faire apprendre aux médecins ruraux et aux sages-femmes les connaissances de base en médecine moderne. La circulaire du 31 janvier 1965 publiée par le ministère de la Santé concernant les questions sur l’organisation des équipes médicales ambulantes rurales a stipulé le mode de formation des « médecins aux pieds nus »1203. Selon ce texte, une des missions essentielles de ces équipes est de faire former le personnel de santé, y compris les sages-femmes des campagnes, par les médecins en médecine moderne travaillant dans les hôpitaux urbains1204. D’après l’appendice de cette circulaire, l’objectif de la formation par les équipes médicales ambulantes rurales est que le personnel soignant de la campagne puisse maîtriser l’acuponcture, savoir se servir des médicaments couramment utilisés, savoir diagnostiquer les maladies courantes, maîtriser les méthodes de premiers secours et de traitement pour les petites blessures du quotidien, et pouvoir prévenir et soigner les épidémies courantes ; les sages-femmes, elles doivent connaître les techniques médicales modernes d’accouchement et les connaissances de base de gynécologie et d’obstétrique 1205. Concernant le niveau d’enseignement, le même texte a précisé qu’il faut juste enseigner un peu de connaissances en médecine moderne, et que l’essentiel est d s’assurer

1203 Li, « Research on Cooperative Medical System and Barefoot Doctor (1955-1983) », 161. 1204 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, « 卫生部关于组织农村巡回医疗 队有关问题的通知 (Weishengbuguanyuzuzhinongcunxunhuiyiliaoduiyouguanwentidetongzhi, Circulaire du ministère de la Santé concernant des questions sur l’organisation des équipes médicales ambulantes rurales) », 620. 1205 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, « 《卫生部关于组织农村巡回医 疗队有关问题的通知》附件 《关于培训不脱产卫生员的意见》 ( 《 Weishengbuguanyuzuzhinongcunxunhuiyiliaoduiyouguanwentidetongzhi 》 fujian 《Guanyupeixunbutuochanweishengyuandeyijian, L’avis sur la foramtion des hygiénistes non-dégagés de leur travail habituel - l’annexe de la “Circularie du ministère de la Santé concernant les villes organisent sérieusement les équipes médicales ambulantes pour aller dans les campagnes”) », in 农村卫生文件汇编 (1951-2000) (Nongcunweishengwenjianhuibian (1951-2000), Recueil des documents sanitaires ruraux (1951-2000)) (Pékin: Ministère de la Santé, 2001), 622‑23. 361 que les élèves arrivent à maîtriser solidement le savoir et les techniques les plus fondamentales en médecine moderne1206.

Parallèlement, en pratique, les « médecins aux pieds nus » emploient plus souvent la médecine traditionnelle, voire les remèdes simples et populaires dans le diagnostic et le traitement des maladies au quotidien1207. Cette habitude est renforcée par la décision officielle N° 586 de 1965 du parti communiste, qui a par ce biais insisté sur le fait que les médecins des équipes de production des communes populaires1208 doivent savoir pratiquer l’acupuncture1209.

Par conséquent, les médecins aux pieds nus sont des praticiens en deux médecines.

2) Le fonctionnement du système.

255- La formation des deux médecines est encadrée par la politique : La même circulaire du 31 janvier 1965 montre que le choix de ces travailleurs de santé est beaucoup impacté par les circonstances politiques de l’époque, car les candidats doivent d’abord avoir une « bonne » appartenance de classe sociale, plus précisément, ils doivent être issus des familles des paysans pauvres ou moyen-pauvres, donc la classe « exploitée » ; ensuite, les candidats doivent avoir une position politique solide et orthodoxe, notamment concernant leur « foi » dans le communisme. Après ces deux conditions préalables, les autres critères ne sont pas trop

1206 Ibid. 1207 « 关于巩固和发展农村合作医疗的意见 (Guanyugongguhefazhannongcunhezuoyiliaodeyijian, L’avis sur l’amélioration et le développement de la coopérative médicale rurale) », s. d., X111-1973 长-002, Jiangxi Archives. 1208 La commune populaire était la plus large unité collectivité, tantôt divisée en brigades de production, tantôt en équipes de production. 1209 Selon le rapport pour mettre l’accent sur l’œuvre de santé dans les campagnes, du comité du Parti communiste du ministère de la Santé, autorisé par Mao et le Comité central du Parti communiste chinois, Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, éd., « 中央批转卫生部党委关于把卫生工作重点放到农 村的报告 (Zhongyangpizhuanweishengbudangweiguanyubaweishenggongzuozhongdianfangdaonongcundebaogao, Le comité central du parti communiste confirme et transmet le rapport du groupe du parti communiste du ministère de la Santé concernant la mise au point important du travail sanitaire aux campagnes) », in 农村卫生文件汇编 (1951-2000) (Nongcunweishengwenjianhuibian (1951-2000), Recueil des documents sanitaires ruraux (1951- 2000)), 中发[65]586 号 (Pékin: Ministère de la Santé, 2001), 29.

362 exigeants : il suffit d’avoir le niveau d’instruction de l’école primaire ou de l’école secondaire, d’être en bonne santé et d’avoir des bonnes habitudes d’hygiène1210.

C’est également le cas pour la formation. Le programme de la formation doit prendre la théorie de la lutte des classes comme axe ; adhérer à la ligne fondamentale du Parti, toujours donner la priorité à l’idéologie communiste des élèves ; organiser les élèves à apprendre la théorie de la dictature du prolétariat, à critiquer le révisionnisme, à critiquer les tendances capitalistes, à critiquer le style médical bourgeois ; étudier les directives du président Mao concernant l’œuvre « grandiose » pour la santé nationale ; maintenir et mettre en œuvre la ligne sanitaire du président Mao1211.

Ces instructions du gouvernement montrent que dans la formation, et avant d’apprendre la médecine, le plus important est de bien enseigner l’idéologie communiste aux élèves. Dans ce paradigme, la discussion portant sur le choix de la médecine la plus performante n’existe quasiment pas : autrement dit, l’essentiel est de former le maximum de soignants qui soutiennent d’abord sincèrement la direction du Parti et qui, en appliquant cette volonté, se mettent ensuite au service du peuple dans le domaine de la santé publique. L’importance du choix de l’idéologie politique a donc surmonté la discussion sur le choix de la médecine principale utilisée de préférence pour le système de santé rural.

256- La rémunération des « médecins aux pieds nus ». Dans son texte « Un siècle d’enseignement de la médecine en Chine », l’auteur Hor Ting a rassemblé un certain nombre des opinions trompeuses mais assez influentes 1212 à ce sujet. Par exemple, selon lui, ces médecins ruraux sont exploités par le régime de l’époque : « ils ne recevaient pas de rétribution

1210 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, « 《卫生部关于组织农村巡回医 疗队有关问题的通知》附件 《关于培训不脱产卫生员的意见》 ( 《 Weishengbuguanyuzuzhinongcunxunhuiyiliaoduiyouguanwentidetongzhi 》 fujian 《Guanyupeixunbutuochanweishengyuandeyijian, L’avis sur la foramtion des hygiénistes non-dégagés de leur travail habituel - l’annexe de la “Circularie du ministère de la Santé concernant les villes organisent sérieusement les équipes médicales ambulantes pour aller dans les campagnes”) », 622‑23. 1211 « 医院创办"社来社去"赤脚医生大专班 (Yiyuanchuangban"shelaishequ"chijiaoyishengdazhuanban, Les hôpitaux établissent les classes supérieurs des médecins aux pieds nus) », Séance d’information sur le travail (Département de la Santé de la province de Jiangxi, 25 mars 1976), X111-1976 永-005, Jiangxi Archives. 1212 Son texte a été publié dans la revue officielle du groupe d’études et de recherches en acupuncture (GERA), et est cité par Wikipédia, ce qui illustre le crédit dont il jouit. 363 pour cette activité de soins, si ce n’est un cumul de points qui se transformait en rémunération si la récolte de la ferme collective avait été bonne1213 ! »

D’après nous, son analyse a d’abord mélangé trop de préjugés et de lieux-communs, et manque alors d’objectivité ; ensuite, son point de vue n’est pas suffisamment étayé par des données historiques crédibles comme preuves.

Selon les recherches réalisées par Fang Xiaoping sur l’exemple du village Fuyang de la province du Zhejiang, les revenus de ces médecins se présentent sous la forme de points de travail et contiennent deux parties : l’une constituée par les points obtenus par le travail aux champs, l’autre par les points gagnés par les activités de soignant. Les rétributions de ces médecins se calculent par l’accumulation conjointes de ces points de travail, et d’ailleurs les autorités exigent que les revenus de ces médecins ne doivent pas être inférieurs que les revenus des cadres des brigades de production des communes populaires1214.

L’arrêté N° 82 de 1971 du Comité central du Parti communiste chinois est un texte important concernant la rémunération des médecins ruraux. Ce texte a précisé que la rémunération des « médecins aux pieds nus » doit être supérieure que celle perçue par la main- d’œuvre de même niveau, et dépendant de la situation réelle des différentes régions, les autorités peuvent leur attribuer certaines sommes de subventions1215.

La Charte de la Coopérative médicale rurale (projet expérimental) en 1979 a également évoqué la question de la rémunération de ces médecins. Elle insiste sur le fait que cette question influe naturellement très fortement sur le nombre, la qualité et la stabilité du système des « médecins aux pieds nus »1216.

Deux ans plus tard, en 1981, un autre texte du ministère de la Santé ratifié par le Conseil d’État, le « Rapport pour résoudre raisonnablement les problèmes de subvention des médecins

1213 « hor-144231.pdf », consulté le 19 janvier 2017, http://www.gera.fr/Downloads/Formation_Medicale/SYSTEMES-DE-SOINS-ET-ACUPUNCTURE/L- acupuncture-et-la-MTC-dans-le-systeme-de-sante-chinois/hor-144231.pdf. 1214 Xiaoping Fang, « 赤脚医生与合作医疗制度-浙江省富阳县个案研究 (Chijiaoyishengyuhezuoyiliaozhidu- Zhejiangshengfuyangxiangeanyanjiu, Les médecins aux pieds nus et le système de la coopérative médicale-l’étude sur l’exemple de la village de Fuyang de la province de Zhengjiang) », Twenty-First Century, octobre 2003. 1215 « 关于巩固和发展农村合作医疗的意见 (Guanyugongguhefazhannongcunhezuoyiliaodeyijian, L’avis sur l’amélioration et le développement de la coopérative médicale rurale) ». 1216 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministère de la Santé, « 农村合作医疗章程 (试行草案) (Nongcunhezuoyiliaozhangcheng (Shixingcaoan), La charte de la Coopérative médicale rurale (projet expérimental)) », 592‑93. 364 aux pieds nus »1217, confirme qu’en principe les médecins qui ont la carte d’activité recevront le même niveau de rémunération que les professeurs travaillant dans les écoles gérées par la population, et que concernant les médecins qui sont jugées inaptes, ils doivent continuer à suivre la formation. Quant à leur revenu, en sus de leurs points de travail, et selon les conditions locales, le gouvernement leur allouera des subventions appropriées.

Tous ces textes montrent que le gouvernement a bien compris l’importance de la question des rémunérations de ces médecins ruraux, et le droit de la rémunération des « médecins aux pieds nus » s’est en conséquence bien augmenté.

257- Le titre de « médecins aux pieds nus » Le labeur de ces médecins ruraux était beaucoup apprécié dans les campagnes1218. Effectivement, dans un contexte où les ressources médicales sont tellement précieuses, ce sont d’abord eux qui ont le droit de décider, selon l’état de santé des malades, s’il est nécessaire de transférer les patients dans d’autres établissements de santé supérieurs, par exemple les hôpitaux des xian ; ensuite, le niveau d’instruction de ces médecins est souvent supérieur à celui de la plupart des paysans, ils sont donc souvent considérés comme des intellectuels par les paysans. On a vu plus haut que si l’on veut intégrer ce corps médical, les conditions du recrutement sont extrêmement sélectives, mais politiquement : seuls les enfants des paysans pauvres et moyen-pauvres de la même brigade de production ou de la même équipe de production des communes populaires sont choisis comme élèves des « médecins aux pieds nus »1219, et de plus, l’examen sur l’origine de la classe sociale du candidat peut parfois remonter jusqu’à plusieurs générations antérieures de tous les membres de sa famille.

1217 Rapport pour résoudre raisonnablement les problèmes de subvention des « médecins aux pieds nus » (Guanyu heli jiejue chijiaoyisheng buzhu wenti de baogao, 关于合理解决赤脚医生补助问题的报告), Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, « 关于合理解决赤脚医生补助问题的报告 (Guanyuhelijiejuechijiaoyishengbuzhuwentidebaogao, Rapport pour résoudre raisonnablement les problèmes de la subvention des médecins aux pieds nus) », in 农 村 卫 生 文 件 汇 编 (1951-2000) (Nongcunweishengwenjianhuibian (1951-2000), Recueil des documents sanitaires ruraux (1951-2000)) (Pékin: Ministère de la Santé, 2001), 533. 1218 Yang, 再造" 病人"- 中西医冲突下的空间政治 (1932-1985) (Zaizao"Bingren"- zhongxiyichongtuxiadezhengzhikongjian (1932-1985), L’espace politique sous le conflit entre la médecine chinoise et la médecine occidentale (1932-1985)), 387‑88. 1219 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, « 中央批转卫生部党委关于把卫 生工作重点放到农村的报告 (Zhongyangpizhuanweishengbudangweiguanyubaweishenggongzuozhongdianfangdaonongcundebaogao, Le comité central du parti communiste confirme et transmet le rapport du groupe du parti communiste du ministère de la Santé concernant la mise au point important du travail sanitaire aux campagnes) », 29. 365

Une fois que ces personnes sont sélectionnées comme élèves, elles sont partiellement détachées de la production aux champs, c’est-à-dire que la formation de médecine a lieu pendant la morte-saison pour l’agriculture, tandis que pendant la pleine saison les élèves retournent dans leur unité de production et travaillent aux champs1220. Après un ou deux ans de ce genre de formation épisodique1221, ces élèves médecins seront capables de diagnostiquer et de traiter les maladies courantes et fréquentes à la campagne. À partir de 1979, les autorités se sont mises à organiser un examen pour évaluer le niveau professionnel des élèves1222. L’examen porte principalement sur les connaissances et les compétences de base en médecine 1223, la prévention et le traitement des maladies courantes, la capacité de traitement pour les consultations urgentes. Selon le résultat de l’examen, les autorités délivrent le titre de « médecin aux pieds nus » seulement à ceux qui sont jugés aptes à la profession, et renvoient les inaptes. Ces mesures ont introduit une discipline plus sévère dans la profession, elles sont donc favorables à l’amélioration de la compétence professionnelle globale de celle-ci.

Jusqu’à la publication de la Constitution 1982, le système des « médecins aux pieds nus » continue à fonctionner1224.

1220 Ibid. 1221 Selon le rapport pour mettre l’accent sur l’œuvre sanitaire dans les campagnes, la durée de formation est de deux ou trois ans, Ibid. 1222 Li, « Research on Cooperative Medical System and Barefoot Doctor (1955-1983) », 164. 1223 Telle que le technique d’injection, la maîtrise de respiration artificielle, le vaccin de prophylaxie, les méthodes de désinfection et de mise en quarantaine, la désinfection de l’eau potable, et rendre compte d’une situation d’épidémie. 1224 Dans son discours pendant la réunion nationale des directeurs des départements de la santé du 24 janvier 1985, le vice-ministre de la Santé, Chen Minzhang, confirme que « nous décidons de ne plus utiliser cette appellation (médecin aux pieds nus) : désormais selon le résultat de l’examen, tout personnel ayant le niveau de yishi sera appelé « médecin rural Médecin rural (xiangcun yisheng, 乡村医生) » ; pour ceux qui n’ont pas atteint le niveau de yishi, ils seront appelés « hygiénistes Hygiéniste (weishengyuan, 卫生员). ». Le lendemain, le 25 janvier 1985, le Quotidien du Peuple publie un texte intitulé « Ne plus utiliser l’appellation de « médecin aux pieds nu », consolider et développer les équipes des médecins ruraux ». C’est la fin officielle de l’histoire du mouvement des « médecins aux pieds nus ». 366

II. Pendant la période de « clarifier la confusion et ramener les choses à l’ordre » entre 1977 et 1982.

La politique de « attacher la même importance à la médecine chinoise et à la médecine occidentale » (A) et la Constitution de 1978 et celle de 1982 (B) ont confirmé les statuts égaux des deux médecines et renforcé l’importance de la médecine chinoise.

A. Attacher la même importance à la médecine chinoise et à la médecine occidentale.

Après la fin de la grande révolution culturelle en 1976, et en suivant une succession d’arrangements dans le but de corriger les « fautes de la Bande des Quatre », le gouvernement a décidé de transférer l’intérêt principal de son travail au développement économique. Les politiques concernant les deux médecines s’orientent donc vers une conciliation facile, définie comme la volonté d’« attacher la même importance à la médecine chinoise et à la médecine occidentale »1225.

258- Le rapport du ministère de la Santé en mars 1980. Les principes sont fixés par le rapport concernant l’amélioration de la médecine chinoise et du travail de la fusion de la médecine chinoise et de la médecine occidentale1226, élaboré par le ministère de la Santé et confirmé par le comité central du parti communiste en mars 1980.

1225 Division de la médecine chinoise du ministère de la Santé, éd., « 中央转发中共卫生部党组《关于认真贯彻 党的中医政策,解决中医队伍后继乏人问题的报告》的批语 (Zhoyangzhuanfazhonggongweishengbudangzu 《 Guanyurenzhenguanchedangdezhongyizhengce, jiejuezhongyiduiwuhoujifarenwentidebaogao 》 depiyu, Le comité central du parti communiste trasmet l’obervation du groupe du parti communiste du ministère de la Santé: Rapport concernant appliquer sérieusement les politiques de la médecine chinoise du parti et résoudre les problèmes de manque d’hériter en médecine chinoise) » (Pékin: Ministère de la Santé, 1978). 1226 Rapport concernant l’amélioration de la médecine chinoise et du travail de la fusion de la médecine chinoise et de la médecine occidentale (Guanyu jiaqiang zhongyi he zhongxiyi jiehe gongzuo de baogao, 关于加强中医和 中西医结合工作的报告). 367

C’est en effet un rapport qui a fonction de directive sur l’orientation du développement des deux médecines. D’un côté, par rapport à la médecine moderne, le statut égal et l’importance de la médecine chinoise sont clairement confirmés :

Il faut faire développer et collaborer la médecine chinoise, la médecine occidentale et la médecine intégrative à long terme ; unir et s’appuyer sur les trois médecines pour faire avancer la modernisation de la science médicale dans son ensemble, et développer la nouvelle médecine qui revêt la particularité de notre pays, afin de protéger la santé du peuple et de s’efforcer de construire un pays socialiste moderne et puissant1227.

D’un autre côté, la médecine intégrative en médecine chinoise et médecine occidentale devient formellement une discipline indépendante :

De nombreuses expériences cliniques et recherches scientifiques depuis la fondation de la R.P.C. prouvent que la médecine intégrative s’adapte aux conditions de notre pays, et s’accorde avec les lois du développement scientifique de la médecine. C’est une intégration qui accompagne les développements de la médecine chinoise et de la médecine occidentale… Si cette intégration continue, cela pourra certainement faire progresser le développement de la médecine de notre pays et aussi être une contribution unique pour la médecine du monde1228.

Tant insister sur l’égalité entre les deux médecines, que prendre la médecine intégrative en considération montre bien que l’intention du pouvoir politique est évidemment de finalement renforcer la position de la médecine chinoise dans le système de santé du pays.

259- Le changement a été approfondi par trois textes issus de la réunion nationale de travail des hôpitaux en médecine chinoise et de la formation supérieure en médecine chinoise, ayant eu lieu entre le 16 et le 22 avril 1982 à Hengyang en province de Hunan : « Avis sur le renforcement et l’édification des hôpitaux en médecine chinoise1229 », « Règlement de travail

1227 Division de la médecine chinoise du ministère de la Santé, éd., « 关于加强中医和中西医结合工作的报告 (Guanyujiaqiangzhongyihezhongxiyijiehegongzuodebaogao, Rapport sur les renforcements du travail de la médecine chinoise et celui de la médecine intégrative en médecine chinoise et médecine occidentale) », in 中医工 作文件汇编 (1949-1983) (Zhongyigongzuowenjianhuibian (1949-1983), Recueil des documents du travail de la médecine chinoise (1949-1983)) (Pékin: Ministère de la Santé, 1985). 1228 Ibid. 1229 Avis sur le renforcement et l’édification des hôpitaux en médecine chinoise (Guanyu jiaqiang zhongyi yiyuan zhengdun he jianshe de yijian, 关于加强中医医院整顿和建设的意见). 368 des hôpitaux en médecine chinoise du pays (expérimental) 1230 » et « Efforts pour améliorer la qualité de la formation, établir consciencieusement les écoles de médecine chinoise1231 » 1232. L’essentiel des trois textes porte sur l’importance de respecter l’indépendance de la médecine chinoise, non seulement dans ses pratiques mais aussi dans sa formation. Précisément, les hôpitaux en médecine chinoise doivent utiliser la théorie de la médecine chinoise pour guider les traitements, la formation et les recherches ; la formation en médecine chinoise doit enseigner seulement un savoir en médecine chinoise ; l’objectif de la formation en médecine chinoise est de former des médecins qualifiés en médecine chinoise ; la formation doit se baser sur le système théorique de la médecine chinoise, etc. Dans l’idée de bien maîtriser la théorie médicale chinoise, les élèves peuvent être confrontés modérément à certaines connaissances en médecine occidentale, mais dans tous les cas, le but de la formation n’est pas de former des médecins polyvalents, et qui maîtrisent l’ensemble des connaissances disponibles en médecine chinoise et en médecine occidentale.

260- Le monde de la médecine chinoise commence à regagner sa confiance. Dans un tel contexte, ce qui est également remarquable est qu’au lieu d’essayer de transformer leur médecine pour sa survie, désormais les milieux de la médecine chinoise osent insister sur le fait que la médecine chinoise et la médecine occidentale appartiennent à des systèmes théoriques différents, et que l’évolution de la première ne doit donc pas être liée à la dernière1233. Ceci démontre qu’après une centaine d’années de chaos et de déclin, grâce à des politiques favorables, le monde de la médecine chinoise commence à retrouver une confiance en soi, fortement appuyée par une législation positive.

1230 Règlement de travail des hôpitaux en médecine chinoise du pays (expérimental) (Quanguo zhongyi yiyuan gongzuo tiaoli(shixing), 全国中医医院工作条例 (试行)). 1231 Efforts pour améliorer la qualité de la formation, établir consciencieusement les écoles de médecine chinoise (Nuli tigao jiaoyuzhiliang, qieshi banhao zhongyi xueyuan, 努力提高教育质量,切实办好中医学院). 1232 Hansen Zhao, Jie You, et Hong Zhang, 中西医结合发展历程 (Zhongxiyijiehefazhanlicheng, Le parcours du developpement de la médecine intégrative en médecine chinoise et médecine occidentale) (Pékin: China Press of Traditional Chinese Medicine, 2005), 151. 1233 Dongyi Cao, 中医近现代史话 (Zhongyijinxiandaishihua, Récit historique moderne et contemporain de la médecine chinoise) (China Press of Traditional Chinese Medicine, 2010), 392‑93. 369

B. Les statuts constitutionnels de la médecine chinoise et de la coopérative médicale.

La coopérative médicale rurale est confirmée par la Constitution de 1978 (1) et la médecine chinoise est confirmée par la Constitution de 1982 (2).

1) La coopérative médicale rurale est confirmée par la Constitution de 1978.

261- La Constitution de 1978 a stipulé la légalité du système de la coopérative médicale rurale, c’est-à-dire que le statut juridique de cette dernière a été confirmé par la loi fondamentale de l’époque. Ensuite, en décembre 1979, le ministère de la Santé, le ministère des Finances, l’administration de la Médecine et de la Pharmacopée, la coopérative nationale d’Approvisionnement et de Vente ont conjointement publié la charte de la Coopérative médicale rurale (projet expérimental) dans laquelle la nature de la coopérative, les missions, le fonctionnement, l’administration, la gestion des fonds, l’administration des médecins aux pieds nus et leur formation sont tous fixés par le droit1234.

2) La médecine chinoise est confirmée par la Constitution de 1982.

262- Les environnements politique, social et juridique de l’existence de la médecine chinoise changent peu à peu. En 1982, la Constitution chinoise confirme le statut juridique de la médecine chinois. Selon l’article 21 de la Constitution de 1982, « l’État étend ses efforts sanitaires, développe la médecine et la pharmacopée modernes et la médecine et la

1234 Division de la Santé maternelle et infantile locale du ministèr de la Santé, éd., « 农村合作医疗章程 (试行草 案 ) (Nongcunhezuoyiliaozhangcheng (Shixingcaoan), La charte de la Coopérative médicale rurale (projet expérimental)) », in 农村卫生文件汇编 (1951-2000) (Nongcunweishengwenjianhuibian (1951-2000), Recueil des documents sanitaires ruraux (1951-2000)) (Pékin: Ministère de la Santé, 2001), 592‑93. 370 pharmacopée traditionnelles de notre pays1235 ». Le statut juridique indépendant de la médecine chinoise est enfin protégé par la loi fondamentale chinoise.

***

Il s’agissait d’une époque où la position de la politique était supérieure à celle du droit. Dans ce contexte, la discussion sur le choix de la médecine prééminente dans le système de santé du pays s’est effacée peu à peu devant les plans stratégiques économiques et politiques du Parti communiste chinois, devant les besoins d’efficacité, d’immédiateté, mais aussi les carences d’une telle gestion.

Les innovations que furent la coopérative médicale rurale et les « médecins aux pieds nus » qui soignaient les maladies conjointement à l’aide des moyens de traitement de la médecine traditionnelle et de la médecine moderne semblent cependant des expériences plutôt réussies.

Premièrement parce que, dans la situation extrêmement difficile des débuts de la fondation du pouvoir, ce sont les médecins ruraux sous la garantie institutionnelle de la coopérative médicale qui ont offert les soins médicaux nécessaires pour environ 90 % de la population chinoise.

Secondement, parce que grâce aux deux systèmes, le gouvernement a évité l’envahissement des sorciers guérisseurs et des autres pratiques médicales illégales et dangereuses dans les campagnes.

Troisièmement et dernièrement, parce que le fonctionnement de la coopérative médicale rurale, la formation des « médecins aux pieds nus » et leurs pratiques médicales ont objectivement popularisé la médecine moderne et activé aussi la mise en œuvre de la médecine traditionnelle dans des dispositions officielles.

1235 « Constitution de la République populaire de la Chine (1982) », The National People’s Congress of the People’s Republic of China, consulté le 23 mars 2017, http://www.npc.gov.cn/wxzl/wxzl/2000- 12/06/content_4421.htm. 371

D’ailleurs, l’article VII de la déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires de l’Organisation mondiale de la Santé(OMS) du 12 décembre 1978 a approuvé l’expérience du système de la coopérative médicale rurale chinois dans le domaine des soins de santé primaires au niveau mondial1236.

1236 « OMS | Déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires », WHO, consulté le 30 mars 2017, http://www.who.int/topics/primary_health_care/alma_ata_declaration/fr/. 372

Conclusion

La légende mythique des trois premiers empereurs, Fuxi, Shennong, Huangdi, nous montre que les Chinois considèrent que leur médecine est née en même temps que leur civilisation et que, à la plus haute antiquité, les grands sorciers-guérisseurs disposèrent non seulement du destin de leur tribu, mais qu’ils ont aussi jeté les bases de la médecine chinoise.

En réalité, la naissance de cette médecine est un résultat de l’interaction des conditions géographiques, climatiques et culturelles, qui ont défini ses particularités : c’est une médecine indépendante, née de la pratique et surtout attachée très étroitement aux pensées philosophiques traditionnelles chinoise.

Celles-ci sont essentiellement représentées par les théories du yin/yang, des Cinq Eléments, du qi, etc., ainsi que par les pensées des Cent écoles entre 770 et 221 av. J.-C. Au fond, ces théories et doctrines ont imprégné tous les domaines de la société : elles sont non seulement l’âme de tous les phénomènes culturels, mais aussi le guide de vie quotidienne de la population chinoise : c’est le cas à un degré éminent quant à la mentalité juridique des Chinois et le droit.

Entre 1840 et 1900, c’est-à-dire après la première guerre de l’opium et avant la « Réforme des nouvelles politiques », le système médical de la Chine conserve son ordre ancien, divisée entre médecine de palais et médecine ambulatoire. Le système de la médecine de palais, complexe et intégral, était assuré par le droit administratif de l’Empire, notamment le Daqinghuidian 1237 , ainsi que par des sanctions rigoureuses en cas de faute, ce qui était clairement et expressément stipulé dans le code pénal de la dynastie Qing, le Daqinglüli1238. En revanche, en ce qui concerne la médecine ambulatoire, la formation, l’accès à la profession et la gestion des marchés de médicament étaient tous spontanés.

1237 大清会典 Collection des statuts de la grande dynastie Qing, recueil juridique des dispositions administratives de la dynastie Qing. Dénomination de l’ensemble des cinq versions (version de Kangxi, version de Yongzheng, version de Qianlong, version de Jiaqing et version de Guangxu), valable jusqu’à la fin de la dynastie Qing. 1238 大清律例, Code pénal fondamental de la grande dynastie Qing , rédigé en 1646, et révisé trois fois par la suite (par les empereurs Kangxi, Yongzheng, et Qianlong), valable jusqu’à la fin de la dynastie Qing. Néanmoins, une partie de ce code continue de s’appliquer à Hong Kong, en raison de l’occupation par l’Angleterre. Selon le droit anglais, le fait de respecter des jurisprudences a conduit à une prolongation de validité de ce code jusqu’à 1971. 373

Parallèlement comme nous l’avons vu, la médecine moderne était introduite en Chine par les missionnaires pendant cette période, avec une plus grande ampleur1239. Grâce à ses vertus curatives, les empereurs et les mandarins ont peu à peu tacitement accepté cette médecine venant de l’étranger ; mais c’est dans le peuple que l’hostilité envers les missionnaires et leurs activités religieuses s’est traduite en diabolisation de la médecine occidentale pendant un certain temps. Malgré tous les efforts des missionnaires1240, l’impact de l’arrivée de cette médecine moderne sur le système traditionnel médical de la Chine restait encore peu important.

C’est donc la « réforme des nouvelles politiques » entre 1901 et 1911 qui a effectivement brisé le cadre du droit traditionnel chinois. Pendant cette réforme, la classe des élites chinoises s’est enfin aperçue que la santé publique est un point crucial pour envisager le relèvement de la puissance du pays1241. Afin de remédier à la situation délicate du moment1242, les autorités ont essayé d’intégrer la médecine occidentale et la médecine chinoise dans un nouveau système de santé, dans lequel la nouvelle administration médicale a encadré de manière novatrice toutes les grandes questions de la santé publique1243.

Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, les défaites des guerres avec les Occidentaux et le Japon, la décadence de la puissance du pays, la menace d’asservissement de la nation, les diverses humiliations et les luttes civiles, le courant d’occidentalisation et celui de l’opposition à la culture traditionnelle chinoise avaient entamé profondément la confiance des Chinois dans leur civilisation. Face à cette confrontation des cultures, la survie de la médecine chinoise a été bien peu assurée, et régulièrement en péril. Car la chute de la dynastie Qing en 1912 a annoncé la défaite de la « Réforme des nouvelles politiques ». Dès le gouvernement de Beiyang (1912- 1928), les autorités ont déjà publié des textes juridiques1244 ayant tendance à abaisser le statut

1239 Il s’agit de la seconde période de l’introduction de la médecine occidentale en Chine qui est marqué par l’introduction du vaccin antivariolique en Chine par le missionnaire anglais Alexander Pearson (1780- 1874) en 1805. 1240 Les missionnaires aient créé les hôpitaux, établi les écoles de médecine et fondé plusieurs publications. 1241 Shoupeng Zhu, 光绪朝东华录 (Guangxuchaodonghualu, Le chronique pendant le règne de l’empereur Guangxu), vol. 4 (Zhonghua Book Company, 1958), 4731. 1242 Une instabilité du pouvoir provoquée par les défaites de guerre avec les pays occidentaux et le Japon et la révolte des Boxers (1899-1901). 1243 Gestion des médecins, des sages-femmes, des établissements médicaux, des pharmacies, des écoles de médecine, de la fabrication des médicaments, voire la prévention des maladies infectieuses et contagieuses. 1244 Ordre sur l’administration des yishī (shì) (医师(士)管理法令, Yishī (shì) guanlifaling) publié en mai 1922, « Règlement provisoire de l’administration des yishī » ( 管 理 医 师 暂 行 规 则 , Guanliyishīzanxinguize), 374 de la médecine chinoise. C’est à vrai dire seulement en raison des lacunes du droit au moment de la fondation de la République de Chine que le système de santé établi pendant la réforme a pu survivre1245. A l’arrivée du gouvernement nationaliste (1927-1948), et grâce à l’amélioration relative de la stabilité de l’environnement politique, le système de santé a pu être perfectionné, c’est-à-dire encore plus systématisé, modernisé et occidentalisé. Le pouvoir nationaliste n’a finalement accepté les deux types de médecine dans son système de santé que pour faire l’équilibrage entre les pressions des milieux progressistes/abolitionnistes, et ceux de la médecine traditionnelle, dans un calcul étroit des facteurs économique, politique et social1246.

Une population agricole considérable est une des particularités sociologiques durables et essentielles en Chine. L’écart dans les domaines politique, économique et culturel décide que dans les compagnes, le système de santé établi avec précipitation par le gouvernement nationaliste est peu suivi d’effets, et consiste surtout en formalités et déclarations. Pendant ce temps, via les bases de son Armée rouge, le Parti communiste a installé un système de santé alternatif dans les vastes campagnes de la Chine continentale. Ainsi pendant cette période coexistaient en Chine deux paradigmes médico-sanitaires, avec un modèle nationaliste résolument urbain, occidentalisé et centralisé, et un réseau communiste très rural, rudimentaire et lié aux contingences pratiques et militaires, faisant donc grand cas de l’expédience et du faible coût des pratiques traditionnelles.

Avec la fondation en 1949 de la République Populaire de Chine et la fuite définitive du Parti nationaliste à Taïwan, les parcours de ces deux systèmes se sont évidemment plus fortement différenciés. Sur l’île taïwanaise, les autorités nationalistes ont pratiqué une politique de « laisser-faire », en investissant essentiellement les structures sanitaires et juridiques japonaises, sans y apporter trop de changements, car l’administration de la santé était déjà plutôt

« Règlement provisoire de l’administration des yishì » (管理医士暂行规则, Guanliyishìzanxingguize), voir le chapitre 5 de ce travail. 1245 Selon la directive de Sun Yat-sen du 11 mars 1912, et à l’exception des articles qui ne sont pas compatibles avec les institutions de l’Etat, avant la promulgation des nouvelles lois de la République de Chine, les droits de la dynastie Qing sont temporairement applicables, Po Fan, « Study on the Health Law of the Republic of China » (Thèse en droit, China Academy of Chinese Medical Sciences, 2012), 26. 1246 Voir « B. Pendant le gouvernement nationaliste (1927-1948) » du chapitre 5 de ce travail. 375 centralisée, autoritaire 1247 et moderne 1248 1249 . La santé publique n’était pas le domaine névralgique pour le gouvernement nationaliste1250 : on le voit avec la suppression du ministère de la Santé afin d’intensifier le contrôle politique et de simplifier les structures administratives, ainsi que par l’absence d’un projet gouvernemental pour la recherche et la formation des futurs personnels de santé.

En Chine continentale, le gouvernement communiste a pratiqué divers effets souvent très théoriques de cohabitation des deux médecines : depuis « la mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise », jusqu’à la proposition sur la création de la médecine « intégrative », en passant par le slogan selon lequel « les médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise ». A partir de 1958, successivement et dans l’ordre, le mouvement du Grand Bond en avant, celui des communes populaires et la grande révolution culturelle ont beaucoup perturbé la profession médicale, favorisant l’apparition de deux systèmes éphémères, originaux mais très inégaux en efficacité entre eux, le second ayant porté des fruits plus nombreux et plus durables que le premier : les médecins aux pieds nus et la coopérative médicale rurale. Finalement, en 1980, les politiques concernant les deux médecines s’orientent enfin vers une conciliation à l’amiable, définie comme la volonté d’attacher la même importance à la médecine chinoise et à la médecine occidentale, et en 1982, dans son article 21, la Constitution confirme l’égalité entre la médecine traditionnelle chinoise et la médecine moderne.

Nous avons bien compris par ce qui précède que les particularités du système de santé de chaque régime sont toutes attachées aux circonstances économiques, politiques et culturelles, qui sont par nature conjoncturelles et donc, évolutives. En nous recentrant sur les questionnements fondateurs de cette étude, à savoir : 1) quels étaient les niveaux de coexistence de la médecine chinoise et de la médecine occidentale dans ces systèmes ? et 2) Les droits de

1247 Le médecin policier (Jingchayi, 警察医), voir le chapitre 7 de ce travail. 1248 Notamment avec le Règlement de la profession médicale de Taïwan (Taiwanyiyeguize, 台湾医业规则) publié en mai 1896, les Règles pour les médecins de Taïwan (Taiwanyishiling, 台湾医师令) concernant l’administration des différents types de médecin en médecine moderne telle que gongyi, xiandiyi et les médecins titulaires, publiées en janvier 1916, l’arrêté n° 47 du gouvernement intitulé Règles d’acquisition de l’aptitude de yishi à Taïwan (Taiwanyishimianxuguize, 台湾医师免许规则) publié en juillet 1901 1249 Dès 1879, le gouvernement a créé des écoles locales de médecine moderne et sorti de nombreuses mesures afin d’inciter les jeunes étudiants à apprendre la médecine moderne : voir le chapitre 7 de ce travail « b. La formation en médecine ». 1250 Jusqu’aux année 1970, les politiques du gouvernement nationaliste axaient sur la reconquête de la Chine continentale. 376 la santé établis par les différents gouvernements concernant les statuts et la gestion des deux médecines pouvaient-ils répondre aux besoins sanitaires du pays ? nous sommes en mesure de tirer trois conclusions.

Tout d’abord, la survivance de la médecine chinoise aux premières confrontations avec les sciences médicales modernes de l’Occident est due à sa relation indissociable de la culture traditionnelle chinoise en général : si nous attribuons le rôle de mère à celle-ci, la médecine et le droit traditionnels sont en effet ses deux enfants nés, coexistant et évoluant ensemble de manière extrêmement stable. Il fallait, pour ébranler le statut juridique traditionnel de la médecine chinoise, soit opposer aux pensées philosophiques traditionnelles chinoises une autre culture, soit adopter un autre droit, indépendant et étranger à la culture ancestrale chinoise, choses impossibles et inenvisageables dans la société « d’ancien régime ». Les anciennes caractérisations et législations médicales n’étaient liées qu’à la pratique de la médecine de palais, pour les raisons que l’on sait1251. Jusqu’au début des années 1900, juridiquement, la médecine chinoise était toujours la médecine officielle, et pratiquement, la médecine occidentale était considérée comme un savoir médical étranger : il s’agit donc en premier lieu d’une division utilitariste profitant des avantages de chaque médecine tant dans les tâches quotidiennes de la santé publique que dans les hôpitaux 1252 . En raison des restrictions politique1253 et économique1254, et avec la disparition de la médecine de palais consécutive à la chute de l’empire, la médecine ambulatoire est de facto devenue la seule représentante de la médecine chinoise dans la confrontation qui s’annonce. Les dissolutions politiques et culturelles, la crise identitaire des élites et la volonté de puissance ont donc pavé la voie à la marginalisation de la médecine chinoise, et à ce qui aurait dû être son extinction.

1251 L’empereur était considéré comme le fil du ciel, il profitait donc des meilleures ressources médicales. Le droit concernant la médecine de palais, relativement fourni, était juste un cas exceptionnel pour assurer la sécurité corporelle des empereurs et de leur famille. Cette particularité du droit Chinois a décidé que, dans le premier temps de l’introduction de la médecine occidentale en Chine, il y n’avait pas encore de réelle nécessité de législation spéciale sur cette nouvelle médecine. 1252 Par exemple, la médecine occidentale est employée dans la gestion de l’hygiène collective, la vaccination, la lutte contre les épidémies, ainsi employée dans les établissements médicaux modernes, etc. La médecine chinoise est utilisée dans les cas pour le bien-être, la prévention des maladies, le traitement des maladies courantes chez le peuple, dans les établissements médicaux traditionnels, etc. 1253 Après l’agression contre la Chine par les huit puissances en 1900, les fonctionnaires chinois sont devenus méticuleux et circonspects s’agissant des affaires occidentales. 1254 La médecine chinoise est moins coûteuse que la médecine occidentale. 377

Secondement, on observe à travers ce grand déroulement chronologique et casuistique que toute l’histoire de ces systèmes à deux vitesses, de cet attelage mal assuré de deux traditions médicales souvent antagonistes a eu pour moteur un zèle révolutionnaire (idéologiquement variable), et un idéalisme. En effet, le « moule » prédéfini a été ici celui de l’occidentalisation, là de la modernisation mais à caractère chinois, ou encore de la revalorisation des doctrines chinoises, du communisme à caractère national, etc. ; mais à chaque fois ce qui comptait pour les régimes successifs a été de forcer les modalités d’un régime de santé jamais abouti dans ces « moules », sans prendre la situation médicale réelle du pays, ni ses besoins effectifs en compte. Finalement, il s’est donc longtemps agit d’une déconnexion entre le droit et la réalité : juridiquement et politiquement, dans le domaine de la gestion de la santé publique et la formation du personnel médical, la médecine moderne a joui de la priorité totale, mais pratiquement, et bien que souffrant structurellement de l’ignorance quant à sa présence et sur son avenir, la médecine chinoise était toujours la médecine la plus employée couramment par le peuple.

Néanmoins, et assez surprenamment, c’est le pouvoir communiste qui a véritablement initié la coexistence des deux médecines, et son harmonisation progressive. Bien que poussé vers l’abolitionnisme pendant un temps lui aussi, ce sont ses tâtonnements successifs qui sont la source de l’apaisement actuel1255. A Taïwan, tant l’influence de la médecine chinoise sur la vie quotidienne que la force de résistance du monde de cette médecine sont relativement faibles ; de plus, l’étendue du territoire et la population sont moins importants que celles de la Chine continentale. Cette situation a rendu l’administration de santé moins compliquée et l’exécution des politiques plus maniable et efficace. Et pourtant, après une amélioration statistique des conditions sanitaires jusqu’en 1945, cet avantage de flexibilité et d’avancement de la cause sanitaire est gâché par la descente d’échelon des organismes de la santé et des établissements de santé au sein de l’appareil gouvernemental, suivi rapidement par un manque grave de personnel médical ainsi que par la « fuite des cerveaux » médicaux, ce qui a indirectement offert un espace de survie pour des pratiques illégales de médecine.

1255 Reconnaissance objective de la valeur de la médecine chinoise ; établissement de systèmes de santé différenciés pour l’armée et pour le civil selon les circonstances variées ; continuité de la formation médicale duale même dans des situations très difficiles ; confirmation et protection du statut des médecins afin d’avoir un contexte assuré pour faire progresser la santé publique ; tentative de fusionner la médecine chinoise et la médecine occidentale pour profiter des avantages des deux médecines ; innovation avec un nouveau système comme celui de la coopérative, pour mieux concilier les besoins médicaux du peuple et les intérêt de la profession de médecin, etc. 378

Troisièmement, après tant d’épreuves et de confrontations, la médecine chinoise a non seulement survécu, mais elle est aussi devenue un instrument du soft power chinois d’aujourd’hui, de la stratégie globale d'impérialisme culturel promue par le gouvernement chinois1256. Du côté de la médecine moderne, le développement toujours plus poussé de la science moderne lui a permis de devenir une médecine puissante mais aussi agressive, et incontestablement, à l’heure actuelle c’est cette médecine qui est la médecine prééminente dans le système de santé du monde entier. Pourtant, du point de vue de l’amélioration de la santé et du bien-être humain, en tenant compte la particularité de chaque médecine, il est préférable que l’orientation des développements futurs soit en direction d’une collaboration plus étroite et profonde de la médecine traditionnelle et de la médecine scientifique. Cependant, au vu de l’écart des forces entre les deux médecines dans le système de santé présent, une obligation pressante est de trouver des mesures exécutables pour réellement améliorer la situation d’existence et de développement de la médecine traditionnelle.

Ces conclusions sont complétées par cinq considérations pratiques, que l’on peut même se permettre d’appeler des suggestions, qui en découlent, et qui synthétisent l’apport que l’on peut et doit retirer de cette histoire de la rencontre et de la cohabitation souvent heurtée des médecines chinoise traditionnelle et occidentale moderne, de 1840 à 1982.

Du côté culturel, la médecine traditionnelle est non seulement un art de guérir, mais elle aussi une représentation formelle de la culture à laquelle elle appartient, et dont elle émane. Le lien entre cette médecine et la culture traditionnelle ne doit jamais être rompu. Cependant, à l’heure actuelle, dans les écoles de la médecine chinoise, les élèves ne connaissent pas bien la langue chinoise classique et les classiques de la médecine chinoise1257 sont juste des cours à option. Il en résulte que la connaissance des praticiens reste superficielle : ils prescrivent des médicaments selon des remèdes traditionnels sans connaitre vraiment la théorie derrière, ce qui est préjudiciable à la reconnaissance et à l’évolution de cette médecine ancestrale. Il serait donc judicieux de renforcer les enseignements en culture traditionnelle chinoise et notamment de créer des cours obligatoires pour apprendre les classiques de la médecine chinoise. Quant à

1256 http://opinion.people.com.cn/n/2015/0325/c1003-26746363.html. 1257 Les classiques de la médecine chinoise telle que Huangdi Nei Jing, Nan Jing, Shanghan Lun, Shennong bencao Jing, etc. 379 l’obstacle de la langue, le gouvernement peut organiser un travail de traduction, pour traduire ces livres de la langue classique en chinois simplifié, et aussi en langues étrangères, avec une publication de l’Etat des traductions officielles de ces classiques. Cela d’un côté, améliorera considérablement la qualité et l’efficacité de la formation en médecine chinoise, et de l’autre assurera l’exactitude de la théorie de la médecine chinoise dans sa popularisation.

Ensuite, du côté législatif, il est bien sûr avantageux de promulguer une loi de la médecine et de la pharmacopée chinoises, et cependant, cette nouvelle loi a juste fixé les grandes lignes de chaque domaine visé1258. Pour que la nouvelle loi soit vraiment profitable à l’amélioration de la situation de la médecine traditionnelle, il est urgent d’élaborer des mesures concrètes de mise en œuvre. Sur la base de l’expérience des politiques du Parti communiste entre les années 1940 et 1960, l’élaboration de ces mesures doit respecter la particularité, l’intégralité, et l’indépendance de la médecine chinoise ; mais le monde de la médecine traditionnelle et les décideurs de politique doivent aussi rester raisonnables, c’est-à-dire que malgré un certain enthousiasme, il faut éviter d’agir sous l’impulsion du moment. Précisément, il faut éviter de ne mettre en avant que l’intérêt de la médecine chinoise, et surtout interdire de fabriquer des mouvements populaires et d’élaborer des mesures formalistes cherchant juste à démontrer les réalisations politiques de certains officiels locaux. L’essentiel est donc, et en tenant compte des réalités, de chercher désormais à harmoniser les intérêts profonds des deux médecines avec des mesures pragmatiques.

En ce qui concerne le domaine administratif, les organismes actuellement chargés de l’administration des deux médecines sont sous la direction de la commission de la Santé et de la Planification familiale. Pour des raisons historiques que nous avons détaillées, le problème principal est que les règles d’administration sont généralement établies selon les normes de la médecine moderne, qui ne s’adaptent pas à la médecine traditionnelle, voire gênent l’évolution de cette médecine. Il faut donc ajuster les anciennes normes ou adopter de nouvelles normes en tenant compte de la particularité de la médecine chinoise dans les domaines concernant la formation, l’accréditation du personnel médical, l’accès aux marchés du service médical et des

1258 Il s’agit des grands principes favorisant le développement de la médecine chinoise, des services médicaux, de la protection et du développement de la pharmacopée, de la formation, des recherches académiques, de la transmission et de la diffusion des savoirs nationaux et internationaux, des soutiens gouvernementaux et de la définition des responsabilités juridiques. 380 médicaments, l’examen administratif, les frais d’exploitation de la médecine chinoise, la protection des ressources médicinales, etc., et afin de créer une ambiance plus favorable à stimuler la vitalité de la médecine chinoise.

On peut aussi affirmer que la collaboration est une bonne méthode de cohabitation des deux médecines. En effet, ce n’est plus le pouvoir politique, mais c’est le monde de la médecine qui décide quelle méthode de traitement, voire quelle médecine est adaptable aux diverses demandes sanitaires de la population. Il serait donc souhaitable de permettre aux étudiants en médecine d’apprendre les deux médecines selon un libre choix, mais sans perturber le cursus normal. Il s’agirait de créer des cours à option en médecine traditionnelle dans les facultés de médecine moderne, et vice versa. Les cours à option peuvent être assurés par les facultés ou par les associations respectives de chaque médecine. Cela permettrait d’abord d’élargir les connaissances des étudiants quant à leur spécialité précise, et surtout les échanges voire les débats dans le cadre académique favoriseraient amplement la connaissance mutuelle des deux parties. Cette mesure serait également accompagnée du renforcement des services en médecine chinoise dans les établissements de santé, notamment dans les hôpitaux ou les cliniques. Cela permettrait aux patients de diminuer leurs dépenses de santé et de choisir librement une méthode de traitement préférentielle dans des établissements de santé officiels, sans risque de tomber sur des charlatans.

Ce furent jadis les missionnaires chrétiens qui ont premièrement introduit la médecine moderne en Chine, avec beaucoup de labeurs, d’efforts et d’abnégation. Grâce à cette « tête de pont », la situation sanitaire de la Chine a fini par connaître au XXe siècle une vraie amélioration. Aujourd’hui, la valeur de la médecine traditionnelle pour le bien-être, la prévention des maladies et les traitements en douceur est de plus en plus approuvée. On perçoit donc qu’afin de mieux partager les fruits intellectuels humains, il faut renforcer les échanges internationaux aux niveaux académique, gouvernemental et commercial. Une suggestion à ce propos serait de créer des instituts de médecine traditionnelle pour les étrangers en prenant l’exemple des instituts Confucius (linguistiques), pour approfondir les échanges académiques et aussi pour faciliter l’apprentissage d’une médecine traditionnelle sérieuse à d’autres cultures qui cherchent à ajouter à leur bien-être. Cette initiative aurait bien d’autres corollaires, comme protéger les remèdes traditionnels au moyen d’une législation plus stricte afin de rester compétitif sur le

381 marché médical mondial, ou encore offrir des aides médicales aux pays en voie de développement, avec comme objectif l’accès global aux soins de santé primaires. Enfin, nous pensons aussi avec raison qu’il est important de collaborer plus étroitement avec l’Organisation mondiale de la Santé(OMS) et avec les gouvernements des autres pays dans l’élaboration et l’exécution des traités de collaboration tels que la « Résolution WHA 56. 31 de l’Assemblée mondiale de la santé », la « Résolution WHA62.13 de l’Assemblé mondiale de la Santé », la « Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle pour 2014-2023 », afin de mieux contribuer au développement de la médecine traditionnelle dans le monde entier ; et qu’il est nécessaire d’établir des normes internationales confirmés par l’Organisation internationale de normalisation (ISO) pour la pharmaceutique traditionnelle, afin d’améliorer la gestion et le contrôle des substances médicamenteuses traditionnelles et d’assurer la sureté de l’utilisation de celles-ci, de faciliter l’exportation et l’importation de ces médicaments et d’être accepté par les pays qui n’ont pas encore donné d’autorisation d’accès à leurs marchés.

Finalement, il ressort de ce parcours historique et juridique de plus d’un siècle et demi de la médecine chinoise et de sa rivale, occidentale et moderne, que les épreuves et la décadence qu’a connu la médecine chinoise ne sont pas tant liées à la qualité de cet art de guérir, mais bien aux définitions et aux ambitions différentes des pensées qui les avaient vu naître, et qui traduisaient cette nature dans des normes juridiques correspondantes. De nos jours, on considère que ces deux médecines ont leurs avantages respectifs, qui doivent être circonscrits à des sphères d’efficacité différentes, et c’est bien là tout l’enjeu pour les juristes chinois dans les années à venir.

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Décision de Mao Zedong en avril 1944 à l’occasion de l’épidémie aux alentours de la capitale de la base Shan-Gan-Ning, Yan’an.

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Instruction de Mao concernant « la mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise (中 医科学化, Zhongyikexuehua) » adressée au ministère de la Santé de la commission Militaire centrale pendant la réunion administrative nationale de la santé organisée par la commission Militaire centrale du parti communiste chinois en septembre 1949.

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Arrêté pour développer la formation de santé et pour former le personnel de santé à tous les échelons (guanyu fazhan weisheng jiaoyu he peiyang geji weishengrenyuan de jueding, 关于发展卫生教育和培养各级卫生工作人员的决定), publié le 4 avril 1951 par le ministère de la Santé et le ministère de l’Education du gouvernement RPC.

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Arrêté concernant perfectionner et développer les établissements de santé de base du pays (guanyu jianquan he fazhan quanguo weishengjiceng zuzhi de jueding, 关于健全和发 展全国卫生基层组织的决定), publiés le 4 avril 1951 par le ministère de la Santé du gouvernement RPC.

Arrêté concernant la modification des relations entre le publique et le privé au sein de l’œuvre d’amélioration sanitaire (guanyu tiaozheng yiyao weisheng shiye zhonggongsi guanxi de jueding, 关于调整医药卫生事业中公私关系的决定) publié le 4 avril 1951 par le ministère de la Santé du gouvernement RPC.

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Décision concernant l’édification et le développement de l’œuvre sanitaire dans les zones des minorités ethniques (guanyu jianli he fazhan shaoshuminzu diqu weishenggongzuo de jueyi, 关于建立和发展少数民族地区卫生工作的决议), issu de la réunion nationale de santé des minorités ethniques a lieu à Pékin, le 23 août 1951.

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Programme de prévention des maladies sexuellement transmissible, du paludisme et mise en pratique des emplois de santé maternelle et infantile dans les zones des minorités ethniques (fangzhi shaoshuminzu diqu xingbing、nueji yu tuixing shaoshuminzu diqu fuyo uweishenggongzuo de fangan, 防治少数民族地区性病、疟疾与推行少数民族 地区妇幼卫生工作的方案), issu de la réunion nationale de santé des minorités ethniques a lieu à Pékin, le 23 août 1951.

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Avis sur le renforcement et l’édification des hôpitaux en médecine chinoise (Guanyu jiaqiang zhongyi yiyuan zhengdun he jianshe de yijian, 关于加强中医医院整顿和建设的意 见), issu de la réunion nationale de travail des hôpitaux en médecine chinoise et de la formation supérieure en médecine chinoise, ayant eu lieu entre le 16 et le 22 avril 1982 à Hengyang en province de Hunan.

Règlement de travail des hôpitaux en médecine chinoise du pays (expérimental) (Quanguo zhongyi yiyuan gongzuo tiaoli(shixing), 全国中医医院工作条例 (试行)), issu de la réunion nationale de travail des hôpitaux en médecine chinoise et de la formation supérieure en médecine chinoise, ayant eu lieu entre le 16 et le 22 avril 1982 à Hengyang en province de Hunan.

Efforts pour améliorer la qualité de la formation, établir consciencieusement les écoles de médecine chinoise (Nuli tigao jiaoyuzhiliang, qieshi banhao zhongyi xueyuan, 努力提 高教育质量,切实办好中医学院), issu de la réunion nationale de travail des hôpitaux en médecine chinoise et de la formation supérieure en médecine chinoise, ayant eu lieu entre le 16 et le 22 avril 1982 à Hengyang en province de Hunan.

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Index

Daqinglüli 65, 72, 89, 90, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 99, A 102, 373 acuponcture ...... 78, 98, 361 dentistes ..... 135, 167, 205, 206, 220, 221, 305, 316, Alma-Ata ...... 31, 372 317 Armée rouge 30, 237, 238, 239, 242, 243, 244, 250, drogues ...... 90, 97, 119, 200, 208, 212, 213 251, 258, 360, 375 dynastie Ming ...... 66, 73, 80, 99, 162, 277, 282 association de la Médecine de Shanghai ...... 181 dynastie Qing . 24, 25, 26, 27, 33, 35, 52, 65, 66, 69, association de Médecine de Chine ...... 218 71, 73, 74, 75, 76, 77, 80, 81, 82, 83, 87, 88, 93, association des Affaires médicales de Shanghai 182 94, 95, 96, 98, 100, 101, 106, 107, 112, 114, 117, association des médecins missionnaires 118, 119, 121, 122, 131, 133, 136, 138, 139, 140, Zhonghuaboyihui ...... 115 141, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 153, 157, 158, association dongyangyidaohui ...... 309, 310 160, 161, 163, 165, 166, 167, 170, 171, 172, 173, Association médicale mondiale ...... 218 174, 175, 176, 177, 179, 181, 182, 183, 187, 198, autochtones ..... 24, 29, 277, 279, 280, 281, 296, 301 201, 224, 277, 282, 285, 289, 373, 374, 375 dynastie Shang B ...... 42, 45, 46 dynastie Tang ...... 35, 98, 99, 125, 128 base antijaponaise ...... 31, 261, 262, 263 dynastie Yin ...... 46 Benjamin Hobson ...... 24, 114 dynastie Zhou ...... 42, 45 C E centres de santé ...... 251, 257, 351 École de Médecine Boji ...... 113, 114 centres de soins ...... 201 école de médecine dans l’Hôpital de Suzhou .... 113 centres de traitement ...... 159 école de médecine du gouverneur-général de centres médicaux ...... 163 Taïwan ...... 294, 295, 296, 300 Cents Ecoles ...... 39 école de médecine Guohua de Canton ...... 229 charlatans ...... 73, 78, 96, 101, 319, 358, 381 école de médecine Liji ...... 181 chirurgie . 66, 69, 70, 84, 97, 98, 177, 204, 206, 241, école de médecine militaire de Beiyang ...... 166 258 École de Médecine Nanhua ...... 113 chirurgien ...... 97, 100, 110 École de médecine occidentale de Tianjin...... 118 Cinq Eléments 25, 39, 42, 43, 44, 49, 51, 58, 59, 61, école de perfectionnement de la médecine chinoise 62, 63, 64, 123, 125, 138, 139, 140, 373 ...... 338 Comité National Chinois pour les termes en école de santé de l’Armée de la Huitième route 258 Sciences et Technologies ...... 50 école de santé de la Commission militaire centrale communes populaires ... 31, 331, 351, 360, 362, 364, de l’Armée rouge chinoise ...... 258 365, 376 Eglise ...... 26, 29, 225, 284 concessions ...... 147, 167, 168 épidémies ... 156, 186, 191, 214, 239, 241, 246, 254, confucianisme ... 26, 35, 39, 46, 47, 49, 58, 109, 122 272, 273, 278, 285, 286, 288, 289, 293, 301, 311, coopérative de médicaments ...... 31, 250, 252, 357 314, 338, 341, 342, 344, 346, 352, 361, 377 coopérative médicale rurale . 31, 332, 356, 357, 359, établissement dentaire ...... 206 362, 364, 370, 371, 372, 376 établissements médicaux ... 26, 65, 66, 76, 108, 111, Cour de Médecine impériale .. 67, 68, 69, 70, 71, 72, 117, 120, 141, 146, 152, 155, 157, 158, 159, 161, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 82, 83, 84, 85, 86, 153, 197, 200, 203, 209, 212, 241, 245, 250, 251, 374, 175, 176 377 croyances ...... 22, 281, 294 établissements médicaux impériaux ...... 26 D éthique ...... 25, 46, 48, 49, 58, 81, 218 expertise ...... 99, 100 Daqinghuidian ...... 65, 67, 69, 70, 71, 74, 95, 373

433

F institut d’étude de la Médecine et de la Pharmacopée chinoises et de la Médecine et de faute ...... 72, 91, 99, 172, 216, 261, 270, 344, 373 la Pharmacopée occidentales ...... 266 Fédération nationale de la médecine...... 195 institut de la Médecine chinoise ...... 340 Feng Youlan ...... 38 institut de la médecine du pays ...... 233, 264 formation . 26, 29, 53, 65, 66, 67, 77, 78, 82, 83, 84, 86, 87, 88, 108, 113, 114, 131, 135, 140, 144, J 147, 158, 165, 172, 174, 175, 176, 177, 178, 179, Jingshidaxuetang ...... 118, 176, 421 180, 181, 182, 187, 188, 191, 193, 205, 206, 207, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225, L 226, 227, 228,229, 230, 232, 233, 234, 236, 238, licence .. 22, 170, 190, 193, 206, 207, 210, 290, 307, 241, 243, 250, 251, 252, 253, 257, 259, 272, 274, 318, 349 282, 283, 287, 290, 291, 292, 293, 294, 296, 297, Louis Pasteur ...... 24, 196 298, 300, 303, 304, 305, 310, 317, 318, 320, 321, lutte des classes ...... 269, 271, 272, 363 323, 324, 325, 327, 330, 332, 339, 341, 342, 346, 352, 353, 358, 360, 361, 362, 363, 365, 366, 368, M 370, 371, 373, 376, 378, 380, 388 maison centrale de la Médecine du pays ....230, 231, Fuxi ...... 25, 51, 53, 373 232, 233 G Maison de la médecine ...... 176, 231 Maison des affaires de la médecine ...... 176, 177 ginseng ...... 92, 93, 94, 95 maisons de commerce et les producteurs des gouvernement Beiyang . 28, 188, 191, 208, 218, 224, médicaments ...... 208 231, 232, 374 maisons de cures ...... 242 gouvernement nationaliste ..... 28, 29, 145, 198, 275, Mao 30, 31, 236, 238, 247, 251, 255, 266, 267, 271, 277, 278, 280, 298, 311, 313, 315, 320, 329, 349, 331, 334, 337, 344, 353, 354, 358, 359, 362, 363 350, 375, 376 marché ...... 105, 209, 215, 247, 252, 314, 331, 382 gouvernement provisoire ...... 28, 145 médecine ambulatoire .. 66, 76, 77, 78, 88, 102, 116, Grand Bond en avant ...... 31, 331, 345, 376 120, 140, 153, 157, 158, 197, 373, 377 Grande école de la capitale ...... 177, 178 médecine chinoise 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 30, Guanyiju ...... 159, 160, 161 31, 32, 33, 35, 37, 39, 42, 44, 45, 46, 48, 50, 51, guerre civile ... 29, 30, 238, 241, 247, 254, 259, 268, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 64, 65, 66, 269, 274, 277, 311, 315, 327, 329 69, 76, 78, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 96, 98, guerre de l’opium ... 22, 26, 33, 68, 78, 79, 105, 110, 101, 103, 105, 106, 107, 108, 110, 111, 113, 114, 116, 117, 133, 137, 138, 144, 285, 373 115, 116, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 128, 129, guerre sino-japonaise ... 27, 105, 133, 134, 136, 138, 130, 132, 134, 135, 136, 137, 138, 140, 141, 143, 202, 221, 254, 255, 274, 277, 287 146, 152, 160, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 174, H 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, herboristes ...... 75, 92, 314 199, 202, 203, 205, 215, 229, 230, 231, 232, 233, homicide ...... 97, 99, 100, 101 234, 235, 236, 250, 251, 253, 254, 257, 259, 261, homicide involontaire ...... 99, 101 264, 265, 266, 271, 273, 274, 277, 278, 279, 280, hôpital .. 81, 108, 110, 117, 120, 161, 162, 163, 164, 282, 283, 290, 299, 305, 306, 309, 310, 317, 319, 165, 166, 190, 199, 204, 223, 238, 242, 262, 270, 320, 321, 322, 323, 324, 328, 332, 333, 334, 335, 287, 294, 321, 388 336, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 343, 344, 345, Huangdi ...... 25, 51, 52, 53, 373, 379 346, 347, 348, 349, 350, 353, 354, 355, 356, 360, hygiène . 28, 128, 150, 151, 152, 155, 156, 161, 165, 365, 367, 368, 369, 370, 373, 374, 376, 377, 378, 168, 170, 173, 191, 200, 201, 204, 218, 241, 244, 379, 380, 381, 382 246, 257, 262, 267, 270, 272, 313, 314, 316, 318, médecine conventionnelle...... 24, 333 338, 363, 377 médecine de palais . 66, 67, 73, 75, 79, 88, 102, 116, I 118, 120, 153, 162, 373, 377 médecine intégrative .. 333, 353, 354, 355, 368, 369 infirmière ...... 206 médecine Kampo ...... 22, 135, 293 médecine locale des autochtones de Taïwan .. 24, 29

434 médecine moderne21, 24, 27, 29, 31, 103, 242, 257, 267, 270, 273, 280, 314, 329, 340, 341, 348, 352, 258, 259, 279, 281, 282, 283, 285, 286, 292, 293, 361, 374, 379, 381, 382, 388 294, 296, 297, 298, 299, 300, 305, 307, 308, 310, mentalité juridique ...... 25, 46, 49, 81, 102, 373 317, 319, 320, 321, 324, 325, 327, 329, 332, 334, ministère de l’éducation ...... 135, 190 336, 338, 341, 343, 346, 347, 348, 350, 352, 354, ministère de l’Éducation ..... 188, 194, 195, 203, 220, 357, 361, 368, 371, 374, 376, 378, 379, 380, 381 229, 322, 323 médecine mongole ...... 24, 75, 332 ministère de l’Intérieur ...... 198, 200, 203, 204, 206, médecine occidentale . 21, 22, 23, 24, 27, 30, 32, 33, 207, 208, 212, 213, 214, 227, 246, 300, 315, 318, 84, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 386 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 129, 132, ministère de la Défense...... 73 135, 140, 141, 143, 146, 150, 151, 152, 153, 157, ministère de la Justice ...... 73 160, 163, 164, 165, 166, 167, 174, 176, 177, 178, ministère de la Santé .. 186, 193, 194, 195, 199, 200, 179, 183, 187, 188, 189,190, 191, 192, 193, 195, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 209, 211, 212, 215, 196, 197, 198, 199, 201, 202, 204, 205, 206, 214, 220, 239, 246, 315, 336, 337, 338, 339, 340, 343, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 344, 345, 348, 349, 350, 351, 352, 354, 355, 359, 225, 226, 227, 228, 229, 234, 235, 236, 242, 243, 361, 362, 363, 364, 365, 367, 368, 370, 376 251, 254, 256, 258, 259, 260, 261, 264, 265, 266, ministère des Affaires civiles ..... 149, 155, 163, 164, 271, 274, 278, 284, 285, 286, 290, 291, 293, 294, 165, 166, 170, 191 295, 298, 299, 300, 303, 304, 305, 310, 322, 323, ministère des Finances ...... 199, 359, 370 324, 332, 333, 334, 335, 337, 338, 342, 343, 344, ministère des Rites ...... 68, 83, 84 345, 353, 354, 356, 358, 360, 365, 367, 368, 369, missionnaires . 24, 26, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 374, 376, 377, 378 113, 114, 115, 116, 117, 119, 120, 136, 141, 164, médecine primitive ...... 280, 281 180, 217, 218, 219, 224, 225, 228, 250, 278, 284, médecine scientifique... 24, 107, 111, 259, 286, 297, 285, 286, 294, 297, 302, 305, 374, 381 302, 318, 324, 332, 341, 379 mort 45, 46, 94, 95, 97, 99, 100, 101, 102, 126, 127, médecine tibétaine ...... 24, 333 131, 173, 215, 268 médecine traditionnelle .... 21, 22, 23, 24, 25, 29, 49, Mouvement d’auto-renforcement . 27, 106, 118, 132, 50, 55, 59, 60, 61, 78, 87, 88, 115, 121, 135, 175, 133, 138, 180, 181 176, 177, 179, 181, 182, 192, 264, 279, 280, 281, N 282, 284, 290, 291, 292, 293, 295, 299, 300, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 310, 317, 318, 319, 320, Nei/Waichengyiyuan ...... 159, 161 324, 329, 330, 332, 334, 338, 346, 350, 357, 361, O 362, 371, 375, 376, 379, 380, 381 médecine traditionnelle chinoise .. 21, 22, 23, 25, 50, obligation ...... 73, 96, 172, 214, 239, 296, 301, 379 59, 60, 61, 295, 376 occidentalisation ...... 27, 28, 30, 132, 133, 134, 136, médecins ambulants ...... 130 164, 180, 185, 192, 219, 338, 339, 340, 343, 355, médecins aux pieds nus 31, 253, 332, 356, 357, 358, 374, 378 359, 360, 361, 362, 363, 364, 365, 366, 371 œuvres de bienfaisance ...... 81 médecins en médecine chinoise 195, 202, 323, 335, OMS ...... 22, 23, 31, 372, 382 337, 342, 350 Organisation des Nations Unies ...... 311 médecins en médecine occidentale ... 196, 202, 241, Organisation mondiale de la Santé ...... 22, 372, 382 291, 296, 304, 337, 344 P médecins impériaux ... 26, 67, 68, 69, 71, 73, 76, 77, 82, 83, 84, 88, 91, 100, 109 Parti communiste ..... 30, 31, 32, 183, 185, 213, 237, médecins militaires .... 215, 242, 314, 326, 327, 328, 238, 244, 245, 247, 251, 252, 253, 254, 255, 258, 334 259, 260, 261, 262, 264, 268, 269, 270, 271, 272, médecins mongoles ...... 75 275, 331, 332, 362, 364, 371, 375, 380 médecins populaires ...... 78 Parti nationaliste..... 29, 30, 183, 185, 238, 275, 277, médicaments .. 52, 56, 68, 72, 73, 75, 79, 80, 81, 91, 375 119, 123, 126, 130, 135, 152, 155, 156, 157, 160, patient 61, 79, 97, 100, 101, 120, 164, 197, 209, 341 166, 170, 171, 172, 173, 191, 195, 196, 200, 201, peine .... 72, 90, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 99, 100, 101, 203, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 215, 220, 230, 102, 172, 173, 350 231, 238, 239, 241, 246, 250, 252, 253, 261, 265, pensée philosophique ...... 37, 39, 46, 50, 59

435 période des Printemps et des Automnes ...... 46 S pharmacie impériale ...... 69, 75, 94 sages-femmes ..... 135, 152, 156, 157, 167, 170, 200, Pharmacie impériale 66, 73, 74, 75, 83, 92, 152, 153 205, 206, 207, 214, 217, 219, 220, 221, 266, 267, pharmacien ...... 100, 173, 204, 205, 209, 210, 261 305, 316, 351, 352, 357, 361, 374 pharmaciens 165, 199, 200, 204, 205, 210, 211, 221, sanction 65, 72, 88, 89, 90, 91, 94, 95, 100, 169, 170 246, 264, 266, 299, 314 secours . 72, 171, 222, 237, 239, 244, 257, 268, 327, pharmacopée chinoise .. 27, 42, 52, 56, 98, 124, 129, 352, 361 178, 192, 195, 321, 339 section de reboutement ...... 66, 75, 76 philosophie 25, 35, 37, 38, 39, 40, 42, 46, 52, 53, 59, Shennong ...... 25, 51, 52, 125, 373, 379 108, 119, 122, 136, 139, 140, 181, 269, 271 soins ..... 21, 31, 50, 70, 71, 79, 81, 87, 99, 201, 222, police .. 147, 148, 149, 152, 153, 154, 155, 157, 158, 239, 250, 252, 254, 257, 265, 266, 282, 283, 284, 162, 163, 165, 168, 169, 170, 171, 190, 191, 198, 285, 295, 301, 307, 308, 314, 316, 317, 319, 321, 209, 263, 287, 288, 290, 295, 298, 301, 302, 308, 336, 338, 341, 343, 347, 355, 356, 357, 360, 364, 312, 313, 314, 315 371, 372, 382 pratiquants ...... 180, 291, 296 soins de santé primaires ...... 31, 356, 372, 382 pratiques illégales ...... 316, 328, 329, 378 sorcellerie50, 51, 53, 54, 55, 58, 101, 102, 125, 126, prescription ...... 79, 261 127, 128, 267, 280 Q sorciers-guérisseurs ...... 280, 281, 296, 338, 373 stupéfiants ...... 209, 210, 211, 212, 213 qi 39, 41, 45, 49, 57, 60, 63, 373 système de santé 28, 29, 30, 32, 120, 166, 167, 185, R 237, 239, 244, 245, 246, 247, 254, 256, 257, 261, Réforme des nouvelles politiques ...... 26, 28, 33, 35, 262, 263, 264, 269, 274, 278, 284, 287, 289, 290, 141, 143, 144, 145, 146, 151, 154, 158, 159, 161, 293, 294, 298, 300, 302, 303, 305, 310, 328, 331, 167, 168, 174, 175, 181, 182, 373, 374 332, 333, 334, 335, 345, 346, 347, 350, 351, 353, régime 29, 30, 66, 88, 151, 152, 159, 160, 162, 168, 356, 363, 368, 371,374, 375, 376, 379 182, 185, 191, 198, 209, 225, 247, 252, 253, 265, T 271, 273, 288, 289, 294, 313, 318, 324, 345, 363, Taoïsme ...... 39, 45, 46, 48, 49, 57 376, 377, 378 religion . 38, 107, 109, 110, 111, 117, 198, 225, 279, U 284, 295 université de médecine de Chine ...... 258 remède...... 70, 91, 97, 99, 100, 102 République Populaire de Chine....31, 183, 224, 236, V 275, 311, 331, 334, 375 vente ...... 79, 80, 135, 173, 208, 209, 212, 213, 215, restauration de Meiji ...... 22, 28, 135, 136, 290, 308 273, 326 Restauration de Meiji ...... 136 vétérinaires ...... 167, 266, 267, 314, 319 r volution culturelle é ..... 31, 332, 356, 358, 360, 367, vol...... 93, 94, 97, 100 376 révolution industrielle ...... 105 Y Robert Koch ...... 24, 196 yang .... 25, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 49, 51, 57, 59, Royaumes combattants...... 35, 46, 53, 58 60, 61, 62, 64, 125, 138, 373 Royaumes Combattants ...... 39, 43 yin .25, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 49, 51, 57, 59, 60, 61, 64, 373 Yu Yue ... 27, 28, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 193

436

Table des matières

INTRODUCTION ...... 21 PREMIERE PARTIE : LES PLACES RESPECTIVES DE LA MEDECINE CHINOISE ET DE LA MEDECINE OCCIDENTALE DANS LE DROIT CHINOIS A L’EPOQUE IMPERIALE (1840-1911)...... 33

TITRE I : LE SYSTEME MEDICAL DANS LE DROIT CHINOIS TRADITIONNEL...... 35 Chapitre I : La relation entre la philosophie, la médecine et le droit chinois dans leur contexte culturel traditionnel...... 37 Section I : La pensée philosophique chinoise concernant la médecine chinoise...... 37 I. Les thèmes les plus importants dans la philosophie traditionnelle chinoise...... 39 A. Le concept du yin et yang...... 40 B. La théorie des Cinq Eléments...... 42 C. Le qi ou l’énergie...... 45 II. Les principales écoles philosophiques ayant donné leurs influences à la médecine chinoise...... 46 A. La pensée fondamentale confucéenne...... 46 B. la pensée fondamentale Taoïste...... 48 Section II : Application de la pensée philosophique chinoise à la médecine chinoise...... 50 I. L’origine de la médecine chinoise...... 50 A. La légende mythique...... 51 1) Les trois empereurs mythiques...... 51 2) La médecine et la sorcellerie...... 53 B. Les conditions objectives et le contexte culturel...... 55 1) Les aspects géographiques et climatiques...... 55 2) Le contexte culturel...... 56 II. Assimilation de la pensée philosophique chinoise...... 59 A. Le yin et le yang dans la théorie de la médecine chinoise ...... 59 B. Les Cinq Eléments dans l’organisme humain...... 61 C. L’énergie ou le qi dans l’organisme humain...... 63 Chapitre II : Le statut de la médecine chinoise dans le droit chinois avant la Réforme de la fin de la dynastie Qing (1840-1900)...... 65 Section I : Les institutions médicales sur les établissements médicaux et la formation de la médecine chinoise..... 66 I. Les établissements médicaux...... 66 A. Les établissements médicaux de la médecine de palais...... 66 1) La Cour de Médecine impériale...... 67 a) L’organisation de la Cour de Médecine impériale...... 67 b) Les services de la Cour de Médecine impériale...... 70 2) La Pharmacie impériale...... 73 3) La section de reboutement...... 75 B. Les établissements médicaux de la médecine ambulatoire...... 76 1) Les praticiens individuels...... 77 2) Les pharmacies populaires individuelles ...... 79 3) Les œuvres de bienfaisance ...... 81 II. La formation en médecine chinoise...... 82 A. La formation officielle en médecine chinoise...... 82 1) L’enseignement...... 83 2) La qualification...... 85 B. La formation populaire de la médecine...... 86 Section II : Les dispositions concernant l’exercice de la médecine chinoise : la prévalence des règles à caractère de sanction ...... 89 I. Les dispositions destinées à la protection de l’intérêt impérial...... 89 A. Les dispositions sur la sécurité de la médecine et des mets impériaux...... 89 B. Les dispositions sur la préservation de la ressource pharmaceutique ...... 92 II. Les dispositions sur le système médical du pays...... 96 A. La disposition visant au statut et aux obligations de médecin...... 96 B. Les dispositions visant à l’activité médicale...... 97 437

TITRE II : LES PREMIERS CHANGEMENTS DU DROIT CONCERNANT LA MEDECINE...... 105 Chapitre I : Les premières discussions visant la médecine chinoise et la médecine occidentale...... 107 Section I : L’introduction de la médecine occidentale en Chine...... 107 I. L’introduction de la médecine occidentale...... 107 A. Les missionnaires et les établissements médicaux...... 108 B. La formation...... 113 C. La publication...... 114 II. Les réactions des Chinois...... 116 A. Les réactions des empereurs et des officiels...... 116 B. Les réactions du peuple...... 119 Section II : les discussions s’opposant à la culture chinoise ont entamé le statut juridique de la médecine chinoise...... 121 I. Yu Yue et ses pensées sur la médecine chinoise...... 121 A. Yu Yue...... 122 B. Les pensées de Yu Yue sur la médecine et la pharmacopée chinoises...... 123 1) « Feiyilun (Essai sur l’abolition de la médecine) »...... 124 2) « Yiyaoshuo (Essai sur la pharmacopée) »...... 129 C. Les raisons du changement de position de Yu Yue à l’égard de la pharmocopée chinoise...... 131 II. Deux courants de pensées remarquables...... 132 A. Le courant d’occidentalisation...... 133 1) Le Courant d’occidentalisation entre les années 1840 et les années 1890...... 133 2) Le Courant d’occidentalisation après la guerre sino-japonaise en 1894...... 134 B. L’opposition à la culture traditionnelle chinoise...... 137 Chapitre II : Aux origines des nouvelles institutions médicales (1901-1911)...... 143 Section I : L’exercice médical et la révision des lois pendant la Réforme des nouvelles politiques...... 144 I. La nouvelle administration sanitaire...... 146 A. La médecine dans le nouveau système de santé du gouvernement de la dynastie Qing...... 146 1) L’administration sanitaire centrale...... 146 2) Les administrations sanitaire locales...... 153 a) L’administration sanitaire de Pékin...... 154 b) L’administration sanitaire des provinces...... 157 B. Les établissements hospitaliers officiels...... 159 1) Guanyiju/Maison officielle de la médecine...... 159 2) Nei/Waichengyiyuan / Hôpital de la ville intérieure/extérieure...... 161 II. Les nouveaux droits...... 167 A. Les règlements...... 167 B. Les lois...... 171 Section II : Les changements de la formation médicale...... 174 I. Les changements de la formation officielle médicale...... 175 A. La formation centrale...... 175 1) La formation par la Cour de Médecine impériale...... 175 2) La formation par à la nouvelle école...... 176 B. La formation locale/provinciale...... 178 II. Les changements de la formation privée...... 179 A. La formation traditionnelle...... 180 B. Les nouvelles méthodes de formation...... 181 DEUXIEME PARTIE : LES PLACES RESPECTIVES DE LA MEDECINE CHINOISE ET DE LA MEDECINE OCCIDENTALE DANS LE DROIT CHINOIS A L’EPOQUE REPUBLICAINE (1912-1982)...... 183

TITRE I : LA SITUATION DE LA COEXISTENCE DES DEUX MEDECINES DANS LE SYSTEME DE SANTE DE LA REPUBLIQUE DE CHINE ET DANS CELUI DES TERRITOIRES SOUS CONTROLE DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS (1912-1949)...... 185 Chapitre I : La médecine dans le droit de la République de Chine (1912-1949)...... 187 Section I : Une administration médicale caractérisée par les conflits entre « l’ancienne » et « la nouvelle médecine » et par la complexité des droits de l’époque...... 187 I. La résistance du monde de la médecine chinoise...... 187 A. Pendant le gouvernement de Beiyang (1912-1928)...... 188 B. Pendant le gouvernement nationaliste(1927-1948) ...... 191 II. Un système de santé plus moderne...... 197 438

A. L’administration médicale du gouvernement nationaliste...... 198 1) Les caractéristiques.in ...... 198 2) Les qualités...... 200 3) Les défauts...... 201 B. Une administration médicale pratiquement plus occidentalisée...... 203 1) Les établissements médicaux...... 203 2) Le personnel médical...... 204 3) Les médicaments...... 208 a) La vente des médicaments...... 208 b) L’utilisation des médicaments...... 210 4) Les instruments médicaux...... 214 Section II : Analyse des avantages comparatifs liés aux cheminements différents des formations en médecine. .. 216 I. La formation de la médecine occidentale est privilégiée dans le système éducatif moderne...... 216 A. Les trois périodes caractéristiques de la formation en médecine occidentale...... 216 1) La période embryonnaire entre 1912 et 1926...... 217 2) La période de prospérité entre 1927 et 1937...... 220 3) La période de dépression entre 1937 et 1949...... 221 B. Les établissements de la formation de la médecine occidentale ont des styles variés...... 223 1) Les écoles de médecine occidentale établies par les missionnaires...... 224 2) Les écoles de médecine occidentale établies par les autorités chinoises...... 226 3) Les écoles de médecine occidentale établies par les gouvernements ou les groupes financiers étrangers...... 228 4) Les écoles de médecine occidentale établies par les capitaux privés chinois...... 229 II. La formation en médecine chinoise fait un maximum d’effort pour s’adapter à la nouvelle situation...... 230 A. La maison centrale de la Médecine du pays est l’organisme qui se charge réellement de la gestion de la formation en médecine chinoise...... 230 1) Un organisme académique...... 231 2) Le rôle de la Maison centrale de la médecine du pays dans la formation en médecine chinoise est irremplaçable...... 232 B. La formation en médecine chinoise : un cheminement original...... 232 1) Une division des matières très moderne et des durées d’études variées...... 233 2) Les nouvelles méthodes d’enseignement...... 234 a) La rédaction des manuels...... 235 b) La répartition entre les cours théoriques et les cours pratiques...... 235 Chapitre II : Les statuts juridiques des deux médecines dans les territoires sous contrôle du Parti communiste chinois (1927-1949)...... 237 Section I : Les rôles des deux médecines pendant les premières heures de la fondation du pouvoir communiste (1927-1937)...... 237 I. L’emploi des deux médecines en harmonie avec les besoins militaires...... 238 A. Le système médical militaire initial : rudimentaire mais pragmatique...... 238 B. Un niveau de formation du personnel médical discutable...... 241 II. La situation des deux médecines dans l’édification du système de santé territorial du Parti communiste. ... 244 A. Les premiers systèmes de santé des territoires du Parti communiste : un résultat du mélange de la centralisation des pouvoirs et de la mobilisation des masses populaires...... 245 B. Problèmes liés aux traitements médicaux et aux fournitures médicales...... 250 1) Des établissements médicaux avec des capacités de traitement inégales...... 250 2) Une formation médicale excessivement simplifiée et utilitaire...... 251 3) Premier système de coopérative de médicaments : une solution originale au manque de fournitures médicales...... 252 Section II : Maturation d’un système conciliant les deux médecines...... 254 I. Pendant la période de la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945)...... 255 A. Les spécialités des systèmes de santé dans les armées...... 255 1) Les systèmes de santé modernes dans les armées...... 257 2) Les privilèges des médecins de la médecine occidentale...... 260 B. L’idée de fusionner les deux médecines apparaît premièrement dans la base antijaponaise Shan-Gan-Ning...... 261 1) L’évolution du système de santé et la systématisation de la coexistence des deux médecines...... 262 2) Premières tentatives de fusion...... 264

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II. Pendant la période de la seconde guerre civile (1945-1949)...... 268 A. Les ordres et les politiques concernant la médecine dans l’armée deviennent plus législatifs et détaillés...... 269 B. Les mesures envisageant de résoudre le problème lié aux « contradictions de classes » concernant les statuts des médecins...... 271 TITRE II : COHABITATION DES DEUX MEDECINES DANS LE DROIT DE TAÏWAN, ET DANS LE DROIT DE LA CHINE CONTINENTALE (1949- 1982)...... 275 Chapitre I : Statuts juridiques des deux médecines, précédant et suivant l’installation du gouvernement du Parti nationaliste chinois à Taïwan...... 277 Section I : Présentation de la médecine de Taïwan avant 1949...... 279 I. La variété de médecines avant l’occupation du Japon...... 279 A. Une médecine traditionnelle se compose de la médecine locale et de la médecine de Han...... 279 1) La pérennité de la médecine locale taïwanaise...... 280 2) La médecine han, médecine officielle de Taïwan depuis 1661...... 282 B. Les médecines introduites par les Occidentaux...... 283 1) Une brève introduction au XVIIe siècle...... 283 2) La médecine moderne à Taïwan au XIXe siècle : une arrivée par deux voies différentes...... 285 II. La médecine occidentale prend une place dominante pendant l’occupation du Japon (1895-1945)...... 286 A. Un système de santé centralisé, une administration sévère...... 287 1) La police et l’administration de la santé...... 288 2) Le système Baojia...... 289 B. Un système de santé qui aide à l’effort colonisateur...... 290 1) Une préconisation déterminante pour la médecine occidentale...... 291 a) La base juridique du monde de la santé...... 292 b) La formation en médecine...... 294 c) Le titre de médecin...... 299 2) La médecine traditionnelle, un statut inférieur et risquant d’être supprimé...... 305 a) La sous-estimation...... 306 b) L’arrêté n° 47 et la décadence grave de la médecine traditionnelle...... 307 c) Une résistance qui manque d’efficacité et qui reste sans conséquence...... 309 Section II : Début de la seconde moitié du XXe siècle : les deux médecines sous une administration perturbée. .. 311 I. Une administration de santé perturbée...... 312 A. La dégradation de la situation de santé lors des rectifications...... 312 1) L’administration de santé se sépare partiellement de la police...... 313 2) La descente d’échelon des organismes de la santé et des établissements de santé dans le gouvernement...... 315 B. Dégradation de la situation sanitaire à cause de politiques inadaptées...... 316 1) La formation en médecine...... 317 2) La gestion du personnel de santé...... 318 II. La situation des deux médecines...... 320 A. La restauration du statut de la médecine chinoise...... 320 1) Les premières tentatives heuristiques...... 321 2) La réintégration dans le système éducatif moyennant la fusion des deux médecines...... 322 3) La formation formelle des médecins en médecine chinoise et leur emploi détourné...... 323 B. Les aménagements concernant le monde de la médecine moderne...... 324 1) L’américanisation dans la formation...... 325 2) Quelques aménagements pour la profession de santé...... 326 a) La tendance à la commercialisation du fonctionnement des établissements de santé...... 326 b) La régularisation du statut des ex-médecins militaires...... 327 c) La modification de la loi des médecins...... 328 Chapitre II : Les deux médecines dans les systèmes de santé établis par le Parti communiste chinois (1949- 1982)...... 331 Section I : La reconnaissance des statuts juridiques des deux médecines entre 1949 et 1965...... 333 I. La relation des deux médecines et le système de santé pendant la période de l’édification et de l’amélioration du système de santé du pays entre 1949 et 1956...... 334 A. Deux étapes exploratoires de la relation entre les deux médecines...... 335 1) « La mise aux normes scientifiques de la médecine chinoise »...... 335 a) La naissance et l’explication de cette politique...... 336

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b) La portée de cette politique...... 341 2) « Les médecins en médecine occidentale étudient la médecine chinoise »...... 344 B. L’établissement initial du système de santé...... 345 1) Les deux médecines dans le système de santé des régions urbaines...... 347 a) La médecine moderne comme médecine principale des régions urbaines...... 347 b) Le droit concernant la profession en médecine chinoise est peu adaptable à la situation urbaine. 348 2) Le système de santé rural avant la coopérative médicale...... 350 a) Les établissements de santé...... 351 b) Le personnel médical...... 351 II. La médecine « intégrative » en médecine chinoise et médecine occidentale émis pendant la période de développement du système de santé du pays entre 1957 et 1965...... 353 A. L’origine de la proposition sur la médecine « intégrative » en médecine chinoise et médecine occidentale...... 353 B. La proposition formelle de la médecine « intégrative » en médecine chinoise et médecine occidentale. 354 Section II : L’acceptation de la valeur intrinsèque de la coexistence des deux médecines entre 1966 et 1982...... 356 I. Pendant la grande révolution culturelle entre 1966 et 1976...... 356 A. L’établissement du système de la coopérative médicale rurale...... 357 B. Les « médecins aux pieds nus »...... 358 1) L’apparition du système...... 358 2) Le fonctionnement du système...... 362 II. Pendant la période de « clarifier la confusion et ramener les choses à l’ordre » entre 1977 et 1982...... 367 A. Attacher la même importance à la médecine chinoise et à la médecine occidentale...... 367 B. Les statuts constitutionnels de la médecine chinoise et de la coopérative médicale...... 370 1) La coopérative médicale rurale est confirmée par la Constitution de 1978...... 370 2) La médecine chinoise est confirmée par la Constitution de 1982...... 370 CONCLUSION ...... 373 BIBLIOGRAPHIE ...... 383 INDEX ...... 433 TABLE DES MATIERES ...... 437

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