Francis Jammes Et Le Pays Basque » 1952 Thèse De Doctorat D'etat

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Francis Jammes Et Le Pays Basque » 1952 Thèse De Doctorat D'etat & Du même auteur « Francis Jammes, du faune au patriarche » Presses Académiques de Lyon - 1952. « Francis Jammes et le Pays Basque » 1952 Thèse de doctorat d'Etat. « Francis Jammes par-delà les poses et les images d'Epinal » Editions Marrimpouey Jeune - Pau 1974 Aux éditions Ezkila, Abbaye de Belloc « Un guide spirituel de Poètes et d'Artistes : le Père Michel Caillava » 1970 « Aux origines de Belloc : Le sourire du Frère Raphaël » Numéro spécial de Corde Magno. « Le visage de Belloc en son premier siècle » Centenaire de Belloc (collectif) : & avec 12 dessins à la plume de Raymond de Longueuil Deuxième Edition revue et augmentée Librairie Limarc 7, Arceaux Port-Neuf 64100 Bayonne De cet ouvrage il a été tiré 1.000 exemplaires dont 100 exemplaires sur Vergé des Papeteries Arjomari numérotés de 1 à 100 © s.a.r.l. Limarc - André Cadier - 1982 7, rue Port-Neuf 64100 Bayonne - Explorations jammes defrancis en pays basque - PRÉFACE à la nouvelle édition Toute soutenance de thèse est une joute, mais académique, et où il entre plus de jeu que de combat. L'aspirant docteur qui, dans les années 45, avait choisi l'œuvre de Jammes pour faire preuve devant un aréopage de Sorbonne de ses facultés d'analyse, Robert Mallet (1), s'était volontairement cantonné dans la première par- tie de l'œuvre, laissant entendre que le reste ne présentait guère d'intérêt (2). Celui qui, quelques années plus tard et devant les mêmes juges, se chargeait d'étudier ce « reste », ne pouvait que mettre en relief les dons nouveaux révélés par la maturité et la vieillesse, en un génie comblé par la gloire en son « aube », par elle dédaigné en son midi, et qu'un observateur impartial retrouve aussi vivace jus- qu'en son extrême « soir ». Parmi les dons nouveaux apportés par l'âge, il y avait la décou- verte, comme perfection de l'art, du dépouillement et d'une sim- plicité linéaire : « Il n'y a rien de beau, disait le poète citant Lucien Daudet, dans la préface du Premier Livre des Quatrains, comme l'épuration du génie, le moment où le poète sait qu'en disant du ciel qu'il est bleu, il a tout dit et qu'autre chose serait une épithète vaine ; le moment où se décante une œuvre, et où l'extrême sim- plicité apparente n'est que l'opération de la complexe expérience. Et c'est à cet instant de la vie du poète, c'est à cette preuve que l'on reconnaît son ascension qui ne s'arrêtera plus (3). Qu'à cette « décantation » l'émigration en pays basque eût efficacement contribué, par l'austère dessin de ses collines, le mo- delé rigoureux de ses visages, par sa « lumière qui simplifie tout » (4), le poète lui-même l'avait reconnu : le commentateur n'avait plus qu'à suivre l'écrivain dans l'exploration du pays d'adoption, qu'à scruter dans l'œuvre les reflets de l'environnement nouveau. Le résultat de cette enquête avait été le petit volume, Francis Jammes et le Pays Basque (5), paru à Lyon au printemps de 1952 et dont Pierre-Henri Simon (6) — alors professeur à l'Université de Fribourg, avant d'accéder à l'Académie Française — rendait fidèlement compte dans la Liberté de Fribourg : « Si l'on regarde de près la deuxième partie de l'œuvre de Jammes : le Mariage bas- que, Les Quatrains, L'Arc-en-Ciel des Amours, on constate que le poète sensuel et gentiment balbutiant des premiers recueils et des premiers romans, a gagné en concision du vocabulaire, en préci- sion de la syntaxe, en netteté. Il a reconnu lui-même avoir reçu une leçon du pays qui lui montrait à onze heures cet azur absolu- ment net, cette noirceur incisive des platanes absolument nette, les chemises, pantalons et sandales des joueurs absolument nets, et la pelote décrivant sa bourbe absolument nette ». P.-H. Simon était-il aussi fidèle à l'ouvrage recensé — et sur- tout à la réalité des choses — quand il introduisait par une for- mule restrictive l'influence religieuse du pays basque sur le poète : « Il n'est pas jusqu'au catholicisme austère, pragmatique, tran- quille et un peu formel sur la pensée religieuse de Jammes vieil- lissant, pour donner à sa dévotion on ne sait quel accent de séré- nité inébranlable et de dogmatisme intransigeant » ? A parcourir, avec un recul de trente ans, l'œuvre de Jammes, nous serions portés à réduire la coupure entre la période orthé- zienne et la période basque, à estomper — sans pour autant la sup- primer — l'aide à la simplification apportée par l'environnement et l'accompagnement basques, mais à souligner au contraire l'in- fluence religieuse de ce milieu. Là, les dépouillements imposés par l'existence : séparations, incompréhensions, solitude, trouvent dans le spectacle des « simples fidèles » (7) l'exemple qui soutient et entraîne : « Ce peuple attend la renaissance des cendres plus fer- mement qu'il ne compte sur la poussée des chênes » (8) L'examen des rapports du poète avec la côte basque — frange du pays basque, mais frange d'importance — confirme notre pre- mier diagnostic. On est tenté de limiter à la deuxième partie de son existence, la fréquentation par Jammes de la côte basque ; cette côte a été autant le dérivatif de la « névrose » orthézienne que de l' « exil » à Hasparren. Qu'on se rappelle la page des Caprices du Poète : « Il m'arrivait de sauter dans un train matinal, à la saison pro- pice, pour pouvoir contempler, à Irun par exemple, un arbre rose qui me consolait. C'était un Lagoerstremia. Que sa beauté pleine d'aurore et de crépuscule me ravissait, faisait naître en moi l'es- pérance ! (...) Afin de lui rendre visite, je descendais à Hendaye. Un petit batelier, le même presque toujours, glissait avec moi sur cette nacre chinoise qu'est la Bidassoa quand il fait beau. Derrière nous semblait reculer et virer la jolie maison de Loti, mais en avant s'avançait et grandissait la rousse Fontarabie, son clocher inquisi- torial à la voix rauque... » (9) On le devine, le jeune poète, sur la côte basque, ne contemplait pas que des Lagoerstremia ; dans le même volume des Mémoires, il raconte ses promenades autour de Biarritz avec Charles Guérin : « Nous nous grisâmes à Biarritz, durant quelques jours, de cette légèreté bébête qui est celle des villes d'eaux, où le vieux garçon grincheux, à la barbe en yatagan, refuse à la bouquetière ensoleil- lée ses touffes de violettes. Comme des fusées éclataient de toutes parts les accords, brisés par le vent de mer, des tziganes. » (19) D'Hasparren, le poète continue de fréquenter cette même côte, mais dans une attitude intérieure toute différente ; et cette diffé- rence est d'ordre religieux. C'est que sur cette côte basque précisément un événement s'est produit — plus exactement, une suite d'événements — qui allait avoir une répercussion décisive sur tout le reste de ses jours. Fran- cis Jammes n'en a pas soufflé le moindre mot dans son œuvre écrite et, en conversation, a évité d'en parler. Mais, un jour de mars 1925, au moment de prononcer une conférence sur le sym- bolisme de la fleur au Grand Séminaire de Bayonne, mis en con- fiance par l'attention intense de son jeune auditoire, il se laissa aller aux confidences (11) : « Rapproché de Claudel par sympathie poétique, sentant qu'il y avait en lui quelque chose qui me man- quait, j'eus le bonheur providentiel de le rencontrer à Paris, pen- dant un de ses congés. A ce moment, Claudel revenait de Char- tres, dont il avait visité la magnifique cathédrale, plus ornée que celle de Bayonne, mais pas plus belle dans sa ligne idéale. J'entrai chez lui avec un de mes amis. On nous laissa seuls. Nous vîmes trois ou quatre chaises dépenaillées, un lit dur et, sur une com- mode, un paroissien, un chapelet et l'Appel au Soldat de Barrès. Il arrive : un œil d'une beauté, d'une pureté merveilleuse, un front de cathédrale romane et une certitude que nous ne connaissions pas... Des tempêtes traversèrent sa vie. Un jour, après un long silen- ce, nous nous retrouvâmes. C'éait en juillet 1905. Nous souffrions tous deux. Lui, sentant ma détresse, vint panser mes plaies. Nous suivîmes les processions du Saint Sacrement (12). Deux jours après, nous résolûmes d'aller à Biarritz. La pluie nous obligea de nous arrêter à Bayonne. Nous allâmes à la cathédrale. C'est alors que j'ai pris contact avec la Vierge de Bayonne. Claudel me dit, dès l'entrée : « Oh ! comme on sent qu'elle est habitée ! — Je me pros- ternai au pied de la Vierge. J'attendais la patience de Dieu. Nous priâmes longuement. Le soir, dans ma petite chambre d'hôtel de Biarritz, je sentais en moi un grand bouleversement. C'était la brisure entre le passé et l'avenir. Je fis ce soir-là deux rêves. Il y avait à Paris un homme qui a joué un rôle éminemment mauvais, Rémi de Gourmont. Il repré- sentait ce que notre génération avait de déliquescent et il était devenu, à la fin de sa vie, une sorte de rédacteur de La Dépêche de Toulouse. Je le vis dans mon rêve, couché sur un grabat à côté de moi dans un hôpital de lépreux. Il me tendait sa main en me disant : — ce jeune homme est le mensonge ; moi, je suis la vérité. Le jeune homme dont il parlait était Claudel. Mon second rêve eut trait à l'Eucharistie. Cette idée se rap- procha dans mon rêve d'un très beau poème en prose de Claudel, où lassé du monde et de la gymnastique qu'est la danse, il se sen- tait pacifié, la nuit, auprès des fleurs de magnolia.
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