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temps fort

Vendredi 28 octobre 2011 à Birzeit : les élèves de la Palestinian Circus School investissent enfin leur école. Ce superbe résultat, nous le devons à tous ceux et toutes celles qui se sont mobilisés autour de ce projet, en Belgique et ailleur s ! MERCI ! www.asseoir lespoir.be Photo : PCS APC-28.e$S:Layout 2 5/12/11 10:48 Page3

sommaire

2 TEMPS foRT

4 éDITo

PoRTRAIT PolITIquE : 5 • 2012 : ZEBDA au second tour

CôTé NoRD : 8 • Dave Sinardet : Culture, médias et clivages linguistiques

dossier dossier dossier A JUSTER LA BAL ANCE JUSTICE SOCIALE ENVIRONNEMEN TALE COMME GL AIVE ET QUESTION ENVIRONNEMENTALE CONTRE L’ INÉGALITÉ SOC IALE A l’a pproc he de boulev ers ement s écolog iques d’am pleur et d’une ac cent uat ion dossier DoSSIER : JuSTICE SoCIAlE des inégalit és soc iales, on s’ aperçoit non seulem ent de leur origine s ouv ent com - mune -l’éc onomie cap italis te- mais au ss i de leur profonde imbric atio n. L’enjeu de la déc ennie à v enir, c’ est bien celui de c onnect er et d’ agir avec c e double horizon Objection d e croissance : en têt e : la just ice envi ronnement ale et la just ice s oc iale, jouer sur l’une ent rai- nant le plus souv ent l’aut re. nostalgie m oyenâgeuse o u Dans ce doss ier, on interro ge l’art iculat ion ent re ces deux néc ess ités . Quelles s ont nécessité i ncontournabl e ? © KaYann - fotolia.com les o ptions pos s ibles et les alter nativ es au « développ ement durable » lib ér al ? ET quESTIoN ENVIRoNNEMENTAlE Quelles réf lexions s ont po rt ées par le mouv ement d es object eurs de cro iss ance ? blalbladossier Comm ent agir en polit ique ? Comm ent agir sur le t errain ? CC BY-SA 2.0L ’paréc Dougolog Beckersi e, au fi l des années, est de- amoindrir des ressources naturelles de plus en venue c entral e dans les r éfl ex ions in- plus rares ? Le défi est à proprement parler tell ectuel les et l’ac tion poli tique. Pl us historique. Nous ne pouvons plus vivre comme enc ore, le s per tur batio ns de s éc o- si la nature était un réservoir inépuisable de sy stèmes ont com me effets dir ec ts matières et d’énergies dans lequel chacun pui- l’aggr avati on de l a m isère et des iné- serait à satiété. Face aux inégalités croissantes, gal ités. On ne peu t plus penser et un milliard d’humains souffrent la faim, la ques- agi r san s l ier indi ssoci ab©l e KaYannment - fotolia.comun tion cruciale de la redistribution des richesses proj et émanci pateur pour l’homme et est plus que jamais d’actualité. C’est elle qui a la défense des équi li bres naturel s. structuré et structure encore le débat public. Mais elle est désormais insuffisante. Face à la dossier Deux éléments pour commencer. Le 24 juin dégradation de la biosphère, la question de 2011, le Monde titrait sur l’effondrement des notre modèle de développement devient cen- même pour les Accords de partenariats écono- bon marché et les syndicats peu ou pas existants. • Ajuster la balance environnementale comme glaive CONCIL IER J USTICE 10 systèmes marins : « Les océans seraient à la trale. D’autant que la ScriseO CclimatiqueIALE aggrave ET miques entre l’UE et l’Afrique. Les mines à ciel ou- Parfois, comme c’est le cas au Vietnam, par exem- veille d’une crise biologique inédite depuis 55 considérablement les inégalités sociales. La vert, les monocultures intensives destinées à ple, ce sont des entreprises extérieures qui font millions d’années ». Un trio mortel menacerait justice sociale doit rimerEN avecVI laR OjusticeNN envi-EMENTALE l’exportation (notamment pour l’alimentation du pression à la baisse sur les salaires et l’applica- les mers de la planète : accroissement de l’aci- ronnementale. Comment dès lors penser et bétail ou la production d’agro carburants) ont des tion des règlements de travail locaux en mena- dité de l’eau, augmentation de la température agir dans un nouveau Bienparadigme que tout qui gouvernement préserve ait une large res- répercussions irréversibles sur l’environnement çant de se retirer du paysage économique et extension des zones privées d’oxygène.L EtES O NG FACE AUX D EFIS SOCIAUX Je a n-Baptis te Godi not es t un des moteurs L’objectionles de croissance équilibres résulte naturels enponsabilité premier sans lieu politique de culpabiliser enconstatent la matière, par lorsqu’on contre que parle notre modeet la debiodiversité dévelop- de zones souvent riches en res- national. Avec des conséquences désastreuses ce, sans parler de la surpêche qui a déjà réduit du mouv eme nt poli tique des obje c te urs la prise del’homme conscience et sansde l’inanité renoncerde et justicede à nosla dange- sociale idéaux etde pementenvironnementale, pro- est écologiquement on pense absolumentsources intenable, naturelles. sur les conditions de travail et de vie des em- de près de 90 % certaines espèces de pois- de crois sa nc e qui e st né e n Be lgi que da ns rosité du dogmegrès et économiste d’émancipation qui voudraitsurtout ? àque la lesresponsabilitéqu’ilE vaT donc sociale falloirE des enN changerentre-VI et prendreEt,R enO ce la qui Ndirec- concerneNE l’agrobusiness,MEN vuT sonA hautUXployés de ces entreprises. Les investissements contre l’inégalité sociale la f oulé esons. d’u Lane caractéristiquejourné e thé m? a« tL’ampleurique à desactivités dé- marchandes peuvent et doiventprises, infinimentcar elles sonttion souvent de plus les de acteurs mesure. concer- Nous savonsniveau aussi quetechnologique, cette il génère peu d’emploi au privés se font souvent au mépris des souveraine- l’ UL B engâts fé v observésrie r 200 et9. le J rythmee une , tderèC leurso me nmaggravation-ent croître.les O Georgescu-Roegen,NGU Nq uRi AaPgPisOsReTn économistePt LsUuSrnés Ql e U eniconoclaste,E PenvironnementauxpremièreREO CCU lignePmodernitéAN Tpar n’est cette nous pas question.aliène complètement toujours Si, plus.com-plan Elle local. continueprises de position. Nous avons ainsi consacré téspas nationales en matière de lois sociales et envi- gagé , c oesthé r eau-delànt da n des stouta v ices io quin d avaitu m oéténd eprévuen pré- a montré clairement l’absurditéjusqu’à : le processus présent,blé, mais au il est plande devenunous international, faire évident perdre l’Unionque des loin savoir-faire eu- d’être op- et desmoins usages de deux dossiers à la question du modèle ter rai n arti cul entLe-e nouveaul les la Rapportdimens dui o nGIEC (le Groupe Inter- ronnementales et de la souveraineté alimentaire et de l’ acédemmentction politi qouue anticipé, i l e s t ».é gL’horizonaelenmv eirnotn probableneéconomiquementale a estv e ctout la entier que ancrés ti on dans ropéenneso- la réalitéposés, reconnaît ma- ceux-cià les lasont foisatteintes au pratiques, contraire que sociauxles complémentaires entre- et intellectuels économiquequi sont actuel et de son alternative idéale. gouvernemental d’Experts sur le Changement Au vu de cette situation, nombre d’ONG du Sud des Etats et des populations concernées, qu’elles tr ès i mpldeiqu cetteé da ncrises l e ?c oEntremba t 2020c ont rcetei al2050,’leen ?- D c'est-à-etérielleux re sdupo mondens abl eets dès au lorss ei nrégi d’ prisesoluir- aussi et peuvent par même les étroitement porternécessaires aux imbriqués. à droits l’accomplissement humains d’une vie humaineCe travail a servi de base à des formations desti- climatique) est en effet plus que préoccupant : et du Nord demandent à leurs gouvernements de soient urbaines ou rurales. Ces dernières se va his se mdireen t demain.publi cita ire . I l a a ussgia bnrisila-tionloiss, ndeo ulas physique. i ndique Iln ten ic découlei comm qu’il(notammentent n’y a pas ceuxde deset socialetravailleurs libre, …!)juste etet fraternelleà l’en- pour y substituernées tant à nos 160 associations qu’à un public croissance« Le économique réchauffement infinie du possible climat débouche sur un surla desmarchandise. Un équilibre harmonieuxcontraindre entre lesles firmes transnationales à publier voient en effet privées de l’accès aux ressources la mme nt té moi gné a u Pa rl eme nt à pi lrso pc osnci li ent ces déf is majeurs . Pavironnement,rc e Prédateurs les dispositions de ressources légales naturelles font encore et généra- plus large. Nous avons également consacré notre de la proSecondpos itio n d élément.e loi int e r Nousdi sa nt sommesla pro- depuismonde auxchangements ressources limitées. dans Unela fréquence,fois cela com- l’intensité,humains et les écosystèmes a été possibleun rapport ici (pen- social et environnemental rendant naturelles et à la terre, censées satisfaire leurs que pour Pi err e Ti teux (Fédératsouventi on teurscruellement de multiples défaut pollutions, pour pénaliser nos modes celles de pro- « Université d’automne » 2010 à la « décroissance moti on dquelquese s voitu rsemainese s l es p l7u smilliards pol lua ndete Terriens.s. pris, Et l’objectionl’extension à la croissance et la durée du PIB des devient événements évi- clima-sons à l’agropastoralisme) et le comptereste dans du respect plu- des normes en leur sein et par besoins alimentaires de base. Ce sujet fait l’ob- Jean Cornil I nter-Envi ronnement Wall onie) ces deux Par qui sontduction responsables et de de consommation ces atteintes. fondés Les ré- sur le « » et l’édition 2011 à la « transition économique ». Au-de l à unede s personnedoss ie rs sur c o deuxncre tvits, enil éville.ta it Commentdente et débouchetiques et logiquement météorologiques sur une extrêmes remise en et peutsieurs dé- endroits du monde. leurs La croissancefournisseurs et sous-traitants. Elles de- jet de différents articles du numéro hors-série de thèmes et l es enj eux qui les sous -tcentsen- accordstoujours bilatéraux plus » méprisent sur les investissements également les condi- Autant d’activités qui traduisent l’attention que uti le de lnourrir,’ inter r ologerge r scorrectementur le s e ns m êtousme lesde hommes,cause de laboucher réduction sur de des nos événements vies par l’économie sans précédentéconomique qui va de pair avec lemandent développement également de garantir l’existence de ces la revue Politique (Décembre 2011) publié par dent sont intimement liés et parc e qouue les, traitéstions de travaillibre commerce et de vie d’uneentre main-d’œuvrel’UE et cer- sou- nous portons à cette question fondamentale et CC BY 2.0 par Jim Linwood l’ obj ec tioleurn d epermettre croi ssa n l’accèsce , con auxce p soinst pa r fdeois santé(l’économisme). et à ». « La L’objectionvulnérabilité de et croissance l’exposition n’est aux risques« à l’occidentale » a rompu ces équilibresclauses, etassorties place de mécanismes contraignants Solidarité Socialiste en collaboration avec l’agence fourr e-tout ou ambi gu qui vé hic uelne sluesi vantdonc P as pasc a lseulemente Bodi na lau xdécroissance ( Solidartainsi tdeé l’empreintepaysvent d’Amérique considéréedésormais Latine comme (Colombie l’humanité une et simple devantPérou, variabledes seuils écosysté-participent de « l’agitation d’idées » que nous l’éducation, sans épuiser les écosystèmes et sont généralement le résultat de processus de de vérification, pour tout accord bilatéral d’inves- de presse InfoSud plus fa nta sque s c omme le s plus Snobc liaesl is teécologique), une j u–s tabsolumenti ce soc i anécessairel e p asentres e – maisautres)d’ajustement. aussi accentuentmiques Ainsi, le probablement lesphénomène travailleurs d’acca-irréversibles sont les pre-tissement : si nousnous pous-signé attachons par les à étatsgénérer membres en marge et etl’UE. en soutien es pér ance s . une position résistante et créatrice qui cherche l’ac- sons plus loin la dévastation du monde, il est © KaYann - fotolia.com aus s i par l e règlement de ques ti oparementns mières des terres victimes et les de déplacements processus industriels forcés pol-Nous savonsà notre que travail bon d’analysenombre d’entreprises critique et influence dé- Pdesas cale Bodi naux 10 complissement et l’émancipation humaine en dehors probable que nous rendrons la terre inhabitable aux l iées à l’ écol ogie. de populationsluants. paysannesCe fut le cas et indigènes.hier avec l’amianteIl en va de ; ce l’estlocalisentpolitiques vers des publiques. pays où la main d’œuvre est De va nt l e ca ra ctèr e c umula tif de s c ris es de l’économisme. aujourd’hui humains.avec le sablage La recherche des jean's des équilibresou l’agri- entre la cul- ture et la nature, les sociétés et les écosystèmes (dé mogra phique , s ocia l e, éc onomi que , culture industrielle et son usage massif d’intrants Cependant, si la réflexion intellectuelle et le posi- culture ll e , f ina nciè re , env ironnDemEeSn- EL’NobJj eEctUionX d e croi ss a nc e n’ e st-e ll e pas est donc vitale. Cela dit cette harmonie est au- tal e…) qui tra ve rs e nt notre é poqIueM, BlaR IuQneU nÉosSta,l g ie f a rf el ue d’ un reMtouUindustrielsr Nil luI- T hautementjourd’huiIO Neffectivement nocifs.S SurC unhypothétiqueU autreLT plan,U tantR lesEtionnement forcesLLE idéologiqueS ont10 considérablementouvrage s pour const ruire l’a lte rna tive les populations les moins favorisées se trouvent évolués, la diffusion d’un tel message au sein des que s tion d’ une re mis e e n ca use PdA’unSe OsoPirPe Oa uSx ÉmoSnde s anc ie ns e t àP unO hyUpoR- productivistesAFFR s’acharnentONTE dansR la destruction. Il croi ss anc e infi nie f a ce à un monde f ini, thé tique é qui li bre har moni eux entconfinéesre l es danssemble des bien quartiers que le retourcumulant aux leséquilibres nui- vitauxpublics dé- prioritairement concernés- An trestei man complexe.uel d’ écol ogie, Yves Cochet, Bréal, 2009 imprègne pe tit à pe tit le s c ons cie nce s e t huma ins e t l es éc osys tème s ? LEsancesS : traficPpendraE intense,R deI la L bruit,mobilisationS paysage À politique saccagé,VE desN peuples.IDifficile,R en effet, de sensibiliser- Le à c cesont questionsrat naturel, Michel Serres, François Bourin, 1990 le s pra ti ques . Peux -tu te nte r de Longtemps,déf i ni r il fut de règle d’opposer préoccupa- air vicié, etc. des individus logiquement- et Llégitimement’humanité dplusi sparaî tr a, bon débarr as !, Yves Pac- ce tte obje ction à la crois sa nce ? tions environnementalesLes objecteurs et de revendications croissance ne cherchentso- pas à soucieux de leur situation matériellecalet, Arthaud,que de l’état 2006 ciales. Les défenseursremonter lede temps l’environnement ou à retourner étaient en arrière. Ils Amorcée dès les années 60 avec des penseurs de la planète ou même de- leurL quartier.e pari D’autantde la déc rois s anc e, Serge Latouche, Fayard, considérés comme des (petits) bourgeois plus de l’écologie politique tels André Gorz, cette ap- plus difficile que ce positionnement2006 implique une 12 • Jean-Baptiste Godinot : objection de croissance, préoccupés par le sort de la reinette12 aux yeux proche d’un combat commun de l’environnement révision quantitativement- à T lac h baisseernob dey l, nosl a vi e contaminée, un film documentaire rouges que par le bien-être de la classe ouvrière et du social face à l’économie trouve aujourd’hui modes de vie. Nous sommes depourtant David Desramé convain- et Dominique Maestrali, Elzévir Films, 2009 tandis que les syndicalistes et autres acteurs de un large écho à gauche de l’échiquier politique. cus que cette approche associant- Re détroitementéf inir l a pen-r os périté, jalons pour un débat pu- la lutte sociale apparaissaient comme prêts à sa- Elle colore les programmes des partis et a donné jeux sociaux et environnementauxbl ic, Isabelle s’imposera Cassiers et Alii, L’Aube, 2011 crifier mère Nature sur l’autel d’un productivisme naissance à un nouveau courant : l’éco-socia- demain comme un impératif- desL’a nnouveaux I de l ’ rap-èr e écol ogique, Edgar Morin (et dialogue synonyme de croissance et de pouvoir d’achat. lisme. ports économiques ici et ailleurs.avec Nicolas Hulot), Tallandier, 2007 Nous sommes – heureusement ! – aujourd’hui - L’homme éc onomi que et le s ens de l a v ie, Petit bien loin de cette vision caricaturale. Certes, le Chez Inter-Environnement Wallonie, ce lien s’im- tr Paiiteér rde’ aTlitteeru-xéconomi e, Christian Arnsperger, Textuel, fossé séparant jadis les enjeux sociaux et pose comme un axe central de nos analyses et nostalgie moyenâgeuse ou nécessité incontournable ? 2011 - Vers une démoc ratie écol ogique, le citoyen, le savant 16 et le politique, Dominique Bourg et Kerry Whiteside, Seuil, 2011 - La s impl ic ité vol ontaire c ontre le mythe de l ’abondance , Paul Ariès, La découverte, 2010

Retrouver sur www.agirparlaculture.be une bibliographie développée des ouvrages et documentaires qui permettent d’aller plus loin sur ces thématiques 17 14 • Joëlle Kapompolé et olivia P’tito : Justice sociale et justice environnementale en politique

16 • les oNG face aux défis sociaux et environnementaux Par Pascale Bodinaux et Pierre Titeux

à BAS lA CulTuRE : 18 • Voyage au bout d’une poupée russe Par Denis Dargent

RéflEXIoNS : 19 • Raffaele Simone : le monstre doux contre la gauche

MéDIAS : 21 • Ignacio Ramonet et la théorie de l’évolution des es- pèces médiatiques Par Marc Sinnaeve

PRATIquES EN AMATEuR 23 • Rester motivé, c’est une affaire de chœur Par Denis Dargent

l’AIR Du TEMPS 25 • Tu te souviens ? Vendredi 28 octobre 2011 à Birzeit : les élèves de la Palestinian Circus School investissent enfin leur école. Par Daniel Adam Ce superbe résultat, nous le devons à tous ceux et toutes celles qui se sont mobilisés autour de ce projet, en Belgique et ailleurs ! MERCI ! 26 DéCouVERTES www.asseoirlespoir.be Photo : PCS APC-28.e$S:Layout 2 5/12/11 10:48 Page4

l’année 2011 aura permis à notre mouvement de concrétiser un certain nombre d’objectifs importants. D’abord l’évolution du magazine que vous avez sous les yeux. Vous êtes nombreux à nous adresser des messages édito d’encouragement sur la forme et les contenus d’ « AGIR PAR lA CulTuRE. » Nos choix éditoriaux autour de l’articulation entre culture et politique, entre Art et engagement, et notre volonté de favoriser une analyse critique plurielle tout en valorisant de nouvelles pratiques sociales et culturelles, rencontrent un lectorat croissant et c’est un encouragement important pour le comité de rédaction. Notre dossier abordé dans ce numéro, « Justice sociale et question environnementale », témoigne bien de cette volonté de traiter des vrais problèmes contemporains. Et l’interview de Zebda s’inscrit dans notre volonté de donner la parole à des artistes engagés. Depuis quatre ans, Présence et Action Culturelles, Mouvement d’éducation permanente qui édite ce magazine, s’est investi sans compter dans la création d’une école de cirque dans les territoires occupés de Cisjordanie. Cet espace de création et de résistance existe aujourd’hui à Birzeit, dans des locaux entièrement rénovés par l’association pa- lestinienne Rewac en collaboration avec les élèves et les professeurs de la Cambre. Cette réussite n’a été possible que grâce à la mobilisation de plusieurs centaines d’associations, de 2500 artistes professionnels et amateurs et des milliers de citoyens qui ont participé à notre opération « Asseoir l’Espoir ». Cette coopération s’inscrit parfaitement dans le combat pour la reconnaissance des droits des Palestiniens, recon- naissance qui vient enfin de déboucher sur une victoire diplomatique, à savoir le vote très largement majoritaire pour l’adhésion de la Palestine à l’uNESCo. Mais l’année 2011 aura vu aussi une dégradation inacceptable des conditions d’accueil des populations Roms et des gens du voyage, tant chez nous que dans le reste de l’Europe. outre le scandaleux jeu de ping-pong auquel se livrent les différents niveaux de pouvoir pour ne pas garantir un accueil décent, il faut bien constater que les représentations stigmatisantes de ces populations sont légions. C’est pourquoi nous lançons dans les prochains jours une campagne intitulée « WElCoME RoMS ! » en collaboration avec la ligue des Droits de l’Homme. Cette campagne connaîtra des développements importants en 2012, notamment au travers d’un partenariat avec la très dynamique Maison du livre de Saint Gilles. A suivre…

Yanic Samzun Directeur de publication

RECEVOIR GRATUITEMENT AGIR PAR lA CulTuRE N°28 une publication de Présence et Action Culturelles ASBl – 8, rue Joseph Stevens - 1000 AGIR PAR LA CULTURE Bruxelles – Belgique - www.pac-g.be - N° Tél : 02/545 79 11 Tirage : 10.000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé AGIR PAR lA CulTuRE est gratuit. Si vous habitez en Belgique, vous pouvez le recevoir gratuitement chez vous. Pour les autres pays, des Editeur responsable : Yanic Samzun frais de ports peuvent s’appliquer (nous contacter). Rédacteur en chef : Aurélien Berthier - [email protected] – 02 545 77 65 Equipe rédactionnelle : Daniel Adam, Sabine Beaucamp, Jean Cornil, Denis Dargent, Marc Sinnaeve. NoM : ...... ont par ticipé à ce numéro : Pascale Bodinaux, Yannic Keepen, Nathalie Misson, PRENoM : ...... Pierre Titeux. Crédits photographiques : Nathalie Caccialupi, André Delier, Jean-françois Rochez ADRESSE : ...... Photo couver ture : © KaYann - fotolia.com CP : ...... lay-out : Nino lodico VIllE : ...... Abonnement et mailing : Maria Casale

PAYS : ...... Pour recevoir gratuitement AGIR PAR lA CulTuRE par la poste ou pour vous désinscrire EMAIl : ...... de la liste d’envoi, prière de contacter Maria Casale par mail ([email protected]) ou par téléphone (02/545 79 11) ou de vous rendre sur le site www.agirparlaculture.be

A renvoyer par courrier ou par mail à : le contenu des articles n’engage que leur(s) auteur(s). Tout les articles peuvent libre- ment être reproduits à condition d’en mentionner la source. AGIR PAR lA CulTuRE/ PAC - 8 rue Joseph Stevens - 1000 Bruxelles [email protected] Conformément à la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, vous pouvez consulter, faire Egalement possible via notre site www.agirparlaculture.be modifier vos informations de nos fichiers d’abonnés ou vous opposez à leur utilisation.

Cette publication reçoit le soutien du Service éducation permanente du Ministère de la fédération Wallonie Bruxelles, de la loterie Nationale, de la Région wallonne et de l’Agence du fonds social européen.

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2O12 : ZEBDA AU SECOND

TOUR ! © Jean-francois Rochez

le groupe toulousain Zebda était en liée à notre histoire culturelle. à savoir que ce comptes après coup « Alors ? ». Eh ben alors, concer t le 25 novembre dernier dans n’est pas le groupe qui a créé l’association, on avait quatre élus au Conseil municipal, dé- le cadre du festival des liber tés or- mais l’association qui a créé le groupe. on a munis, sans pouvoir, dans l’opposition, minori- ganisé par Bruxelles laïque, date toujours beaucoup lié la dynamique musicale, taire… le danger est là. Comment apporter belge de leur première tournée de- l’expression artistique à une expression plus une forme d’espoir ou d’énergie sans basculer puis 2003. Deux de ses membres, culturelle au sens de l’action citoyenne. on a dans l’illusion qu’un groupe de rock puisse Mustapha Amokrane et Magyd Cherfi toujours essayé de faire le lien entre les deux. remplacer un politique élu par le peuple. se sont prêtés au jeu du por trait po- Pour nous, ça a toujours été indissociable. on litique afin d’aborder différents as- a été jusqu’au bout de la logique puisqu’on a Vous êtes restés soudés ? Vous avez pects de leur carrière ar tistique et été jusque dans le cadre électoral en portant continué à vous voir pendant toutes militante, leur point de vue sur la si- une liste aux élections municipales. D’ailleurs, ces années ? tuation sociale en france ainsi que le on s’est posé la question : est-ce qu’on n’a pas Magyd : on est soudé à notre façon. on est rappor t entre la gauche et la ques- touché la limite d’une participation politique ? des frères. Il y a quelque chose d’historique, tion postcoloniale. on n’a pas de regret, on a vécu des choses fa- d’affectif, de philosophique, d’idéologique qui buleuses, notamment dans le cadre de la cam- Pourquoi un groupe comme le vôtre, nous lie sans qu’on ait à passer tous nos week- pagne, mais quelque chose nous a dépassé et ends ensemble. Pour moi c’est définitif. impor tant dans la scène musicale nous a mis dans une position délicate. quelque française comme dans l’univers poli- chose qui nous a en quelque sorte substitués Vous vous reformez pour de bon ? tique (on se souvient de l’élection de au politique. 4 conseiller s municipaux de la liste Magyd : on ne peut pas anticiper. Y a-t-il une Motivé-e-s que vous aviez initiée) C’était décevant ? Est-ce que vous re- réalité pour nous dans la scène francophone ? avait-il quitté la scène ? tenteriez l’expérience électorale ? on sent que ça se passe pas mal du tout. à nous de voir au jour le jour où est-ce que ça Mouss : on n’a pas quitté la scène, on avait Magyd : Pas décevant. Ce qui s’est passé nous mène. décidé de mettre Zebda, cette entité collective, c’est qu’on a suscité l’espoir. Pour un artiste, le entre parenthèses pendant une dizaine d’an- problème c’est quand il suscite l’espoir... J’en Dans l’album « le bruit et l’odeur », nées, car on avait le besoin impératif d’aller ex- avais parlé avec Bertrand Cantat de Noir Désir on entendait un extrait d’un discours plorer des univers artistiques qui seraient plus il y a quelques années, il était terrorisé, car les de Jacques Chirac, est-ce que dans propres aux individus. Magyd en l’occurrence a gens attendaient de lui, de l’artiste, qu’il votre album à venir début 2012, « Se- fait deux albums et deux livres, Hakim et moi change le monde. Et nous qui sommes allés au cond tour », on entendra des extraits avons fait trois albums et beaucoup de tour- bout de la démarche, les gens attendaient que de Nicolas Sarkozy ? nées, beaucoup de concert. cet espoir soit réalisé. En entrant dans la poli- Mouss : on s’est posé la question, mais on tique, les gens pensent qu’on va mettre en s’est dit qu’on pourrait faire un album entier Par rapport à la dimension politique, on a tou- place ce qu’on a porté. Par exemple, la mixité seulement avec des extraits de ses discours ! jours eu une histoire associative intimement sociale. les gens nous demandent des

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portrait politique

Et puis, il y avait quelque chose de très spon- intégrés. Notre façon de vivre est un combat et gens comme nous, issus de cette histoire-là : tané dans « le bruit et l’odeur », une réaction Zebda permet de déployer au plus large cet es- « Vous êtes ici chez vous ». Au contraire, tous naturelle. on ne sait pas absolument repro- prit de combat, mais dans sa dimension spec- les signaux étaient ou sont encore inverses : duire les recettes qui ont pu fonctionner et on taculaire, au sens premier du terme. C’est donc « Vous êtes français, mais… », il y a toujours un a aussi une volonté de changer, de trouver des vital pour nous de pouvoir dire, divulguer notre moment où : « oh, arrête, t’as déjà de la chance axes différents pour aborder une même thé- message qui nous semble singulier. le plaisir est d’être-là ». matique. on peut en profiter pour constater d’entendre en réponse le public dire « oui, on qu’à l’époque de cette sortie de Chirac en est d’accord avec vous, avec cette acuité-là ». Magyd : ou encore « N’en demandez pas trop 1991, il y a eu une espèce de réaction unanime quand même ». Il y a toujours un « quand pour la condamner. Aujourd’hui, l’insulte ra- Votre album s’appelle « Second tour », même », un « mais », une préposition. Et nous, ciste, islamophobe, ces discours-là sont por- c’est une référence aux élections pré- on fait la guerre à la préposition en question ! tés régulièrement sans aucun problème par sidentielles françaises, il sor tira avant les élections ? Votre break a duré 8 ans, quelles évo- toutes sortes d’hommes et de femmes poli- lutions sociales vous avez constatées tiques. Ils insinuent que c’est une façon pour la Mouss : oui, il sortira avant les élections. évi- en france durant cette période ? droite d’être « décomplexée » et que : « il faut demment, c’est un jeu de mots par rapport à la dire les choses quand même, ils sont quand période politique, mais c‘est aussi notre second Mouss : Il s’est passé ce qu’on craignait, les même pas chez eux ». C’est insinué en perma- tour à nous, notre second chapitre. Après avoir politiques libérales et ultralibérales ont installé nence. C’est un peu dramatique. construit cette aventure très familiale, chacun a une logique de démantèlement d’un certain tenté une aventure à l’étranger et puis tout le modèle social. Il y a eu une perte du pouvoir quel sera le fil conducteur de politique envers les pouvoirs économiques. Ce « Second tour ? » monde revient à la maison, on se retrouve comme des adultes, chacun a exploré. sont des thématiques qui ont d’abord été abor- Magyd : Je crois que c’est un album qui est fi- dées par des mouvements altermondialistes dèle à tous les autres : les thèmes restent les le contexte électoral est un contexte privilégié comme ATTAC, des mouvements auxquels on a mêmes, car notre combat reste le même depuis pour une sortie d’album. on n’a pas décidé de participé. Cette critique, cette idée que le poli- le début. Après, artistiquement, on trouve des revenir spécialement pour ça, on avait déjà pris tique avait perdu son pouvoir sur l’économique nouvelles couleurs, dans le texte, des nouvelles la décision. Mais on s’est dit que ce serait dé- est à présent actée. façons de le dire. Mais ça reste du Zebda ! bile de sortir notre album après les élections alors qu’on a tellement de choses à porter. Concrètement, ça veut dire qu’il va y avoir des Mouss : on est dans le pur Zebda dans cet Alors, on va le faire et l’assumer concrètement scissions entre les populations, entre celles qui album-là. Après toutes ces années de break, en espérant que le second tour présidentiel ap- ont accès et celles qui n‘ont pas accès. qui on a constaté qu’on avait une patte, un truc porte le changement. n’ont pas accès et qui malheureusement au- bien à nous, qu’on était très heureux de re- ront de moins en moins accès, car celles qui trouver. C’est un des premiers plaisirs : se re- Est-ce que vous soutenez un candidat ont accès se protègent et sont protégées. ou une candidate en par ticulier ? trouver, retrouver cette alchimie multifacette. C’est très présent dans le langage. En france, Avec à la fois un texte important, qui joue un Magyd : on réfléchit à ça. on essaye d’éviter ça fait des années que les campagnes électo- rôle fort, qui aborde une thématique via le de soutenir une personne, mais plutôt une rales se centrent autour de la notion d’insécu- média de la poésie sociale et puis une musique idée. Je pense qu’on va avoir des réflexions rité. Mais attention, insécurité au singulier. qui permette l’énergie et qui intègre des vo- entre nous sur comment tout ça peut se conju- C’est-à-dire l’idée que l’insécurité ou la sécu- lontés multiples qu’on apprécie particulière- guer sachant qu’on est évidemment porteurs rité, c’est seulement celle de la propriété pri- ment, la musique noire américaine, jamaïcaine, de valeurs de gauche. Mais sachant aussi que vée. Il n’y pas de dimension plurielle : il la chanson française, le hip-hop, le rock… la gauche nous a beaucoup éreinté. n’existerait pas d’insécurité sociale, affective… Il y a une logique de discours qui est bien ins- Vous êtes contents de remonter sur C’est-à-dire ? scène ? tallée et qui alimente tout ça, qui alimente la Magyd : Je me souviens, il y a une trentaine pratique, sans vergogne, d’avocats d’affaires Magyd : on a un besoin vital de dire quelque d’années, de la promesse sur le vote des im- qui sont au pouvoir et qui pratiquent le hold-up chose puisqu’on a passé toute notre vie à éla- migrés. Je parle d’une promesse non-tenue. électoral en instrumentalisant la peur. borer, même inconsciemment, quelle est la jus- tesse du combat à mener, car il y a combat à Mouss : on est profondément attaché à cette En même temps, il y a forcément des alterna- mener. Notre vie elle est faite pour combattre, question de l’histoire de l’immigration, cette tives et des sources d’espoir qui naissent en certainement parce qu’on est issu de l’immi- question postcoloniale, parce que c’est notre réaction. on est attentif à ça. on a la chance de gration. Nos parents ont été les esclaves d’une histoire. la gauche n’a pas été au bout, elle n’a tourner, de bouger, on se rend bien compte société moderne occidentale, nos amis, nos en- pas par exemple aboli la double peine, elle n’a qu’un peu partout, il y a des choses qui se pas- fants sont dans le danger de ne pas être pas envoyé des signaux, elle n’a pas dit à des sent face à ça.

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portrait politique

Depuis une dizaine d’années, les choses se important : il s’agit du fait de sentir qu’on est combat noble sans non plus virer au roman- sont aggravées du point de vue social. on n’a digne d’intérêt. les quartiers sont encore plus tisme total. Nous-mêmes, on fait tout pour dé- pas réfléchi à ce que signifiait dans un pays à l’abandon. mystifier le rôle qu’on doit jouer tout en le riche, industrialisé, une société où le monde du jouant le plus possible. Et puis il y a des lec- travail ne représente plus ce qu’il représentait, Au début des années 80, il y a eu ces fameuses tures, frantz fanon pour ne citer que lui. avec ses dimensions culturelles, de transmis- marches des beurs, pour l’égalité, on n’hésitait sions, de place, etc. pas à dire « Vive la République », à se revendi- Magyd : quand je parlais d’approches, une quer comme français. Aujourd’hui, on voit la amie me rappelait que dans les années 70, on met les gens dans des situations de préca- génération des 15-18 ans se balader avec des pendant les combats féministes, on disait « la rité, ensuite on les insulte en leur disant : « Vous T-shirts « Maroc en puissance », « Maghreb uni- lutte des classes d’abord, on verra la condition êtes des assistés ». Ils font ça sans problèmes. ted » ou « Viva Algeria ». Ce sont des mômes des femmes ensuite ». Dans les années 80, une certaine classe moyenne est réceptive à qui n’y sont souvent jamais allés. Nous, de quand nous on s’est engagé, on a entendu « ces messages, car elle est formée de gens qui deuxième génération, on y passe quelques se- la lutte des classes d’abord, les reubeus on viennent de plus bas et qui ont choisi de fermer maines de vacances. Eux, ils sont déconnectés verra ensuite ». la porte derrière eux par honte de ce qu’ils ont des réalités maghrébine ou subsaharienne, et été, de leurs origines. on est bien dans une ils ont pourtant trouvé ça comme refuge. C’est Du coup, il y a quand même un parallèle pour problématique sociale et culturelle. les poli- dire l’état de la déliquescence. on peut consi- nous à faire avec les luttes des femmes. Cette tiques, à gauche, ont trop souvent considéré dérer ça comme une marche arrière d’un point façon de dire « c’est pas prioritaire ». C’est ce que la problématique n’était que sociale : « Ré- de vue citoyen dans ces zones-là. qui manque dans les propositions politiques de glons le social, on réglera tout ». oui, le pro- gauche cette façon de dire… Est-ce qu’il y a une per sonne que blème est social, mais il est aussi éminemment Mouss : … cette façon de dire « Tu crois pas culturel : on refuse de regarder l’identité indi- vous admirez, un personnage qui a guidé votre action ? que t’exagères un peu ? », de ne pas mesurer viduelle, ce que deviennent les gens, comment à quel point ça peut être traumatique d’être ils évoluent dans l’exclusion, dans le trauma- Magyd : Je n’en vois aucune, je ne vois que constamment considéré comme suspect. à par- tisme. des approches. Rien d’idéal pour nous. tir du moment où on nie le traumatisme, on crée des situations de rupture. Et quelles évolutions au niveau des Mouss : Mandela a joué un rôle quand j’étais quar tiers populaires ? adolescent. Il m’a permis de fantasmer sur Propos recueillis par Magyd : Il y a eu une désagrégation du mou- cette idée de l’engagement et du combat, sur Sabine Beaucamp vement associatif, éreinté par les nouvelles po- le côté romanesque qu’on aime bien mettre de- et Aurélien Ber thier litiques sociales et culturelles. le tissu dans, ce côté poétique dans le rapport à la ré- sistance, l’idée qu’il ne faut pas attendre d’être associatif s’est disloqué en raison du manque http://zebda.artiste.universalmusic.fr/ de financement, du manque d’encouragement, pendu par les pieds pour résister. Certaines fi- et du manque d’empathie. Ce dernier point est gures comme ça m’ont renvoyé cette idée d’un

© Jean-francois Rochez

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côté nord DAVE SINARDET : CULTURE, MÉDIAS ET CLIVAGES LINGUISTIQUES

©André Delier Dave Sinardet est politologue et est Bien sûr, la manière dont notre système est or- partie du monde culturel flamand est plutôt bel- professeur à la VuB, à l’université ganisé, tant au niveau politique qu’au niveau giciste et se distance explicitement du nationa- d’Anver s et aux facultés universi- médiatique, incite à analyser en terme de blocs lisme flamand : Tom lanoye ou Dimitri Verhulst taires Saint-louis (fuSl) où il donne et donc à renforcer le clivage communautaire. en littérature, Clouseau, Milow Deus ou Daan le cours « Media en Politiek » en néer- les partis politiques sont tous organisés sur en rock. Pourtant, la culture est une compé- landais dans le cadre du programme base linguistique, il n’y a pas de partis natio- tence exclusive des communautés en Belgique. bilingue des fuSl. Il est aussi chroni- naux. Il n’y a pas de médias nationaux non plus queur au « De Standaard » depuis 4 et ils n’organisent même pas d’émissions poli- on peut d’ailleurs se demander si c’est si bien ans et l’a été au Soir pendant deux tiques ensemble. Nous avons donc des partis logique. Récemment, des artistes flamands ont ans. Dave Sinardet est sur tout connu francophones qui s’adressent uniquement à plaidé pour une compétence fédérale pour la dans les médias francophones comme des électeurs francophones à travers des mé- culture, complémentaire à celle des commu- politologue néerlandophone à qui on dias francophones. Tout cet appareillage poli- nautés. l’idée était soutenue par des respon- s’empresse de demander son exper- tique est très séparé. sables politiques comme Karel De Gucht, Rik tise en matière de politique belge. Torfs et Caroline Gennez. Mais cela n’a pas créé Rencontre autour des médias et de la les médias renforcent-ils les clivages un vrai débat. Pourtant, ce ne serait pas illo- culture. linguistiques ? gique. on pourrait alors soutenir des initiatives culturelles qui ne sont pas spécifiquement fla- quel regard por tez-vous sur la ma- les médias ont certainement leur part de res- mandes ou francophones mais bilingues, ima- nière dont les francophones perçoi- ponsabilités. Ce n’est pas la faute des journa- giner des collaborations entre un théâtre à vent leurs concitoyens flamands, listes mais celle de ce système politique et Anvers et un théâtre à Charleroi. finalement, si ont-ils les bonnes clés pour se com- médiatique dans lequel ils travaillent. Par exem- on veut garder une Belgique fédérale – et c’est prendre mutuellement ? ple, j’entends souvent des journalistes franco- bien sûr légitime de dire qu’on ne veut plus la phones et néerlandophones se plaindre que garder – et donc continuer à former un pays, Ce problème de perception mutuelle se trouve des ministres fédéraux de l’autre rôle linguis- on doit essayer d’abolir la mécompréhension peut-être déjà un peu dans votre question. Je tique ne veulent pas venir dans des émissions mutuelle qui nous fait perdre énormément de parle de la tendance à présenter les flamands ou débats. C’est bien sûr surtout parce qu’ils temps. Tentons alors d’organiser au mieux ce et les francophones comme deux blocs homo- n’ont pas d’intérêt électoral à le faire. C’est un vivre ensemble. Si on veut garder une solidarité gènes. les francophones et les flamands ne élément qu’il faut prendre en compte. interpersonnelle fédérale, il est aussi important sont bien sûr pas tous les mêmes, les percep- d’avoir une base commune. tions qui existent chez les francophones sur les les ar tistes contribuent à estomper flamands et inversement sont toutes aussi di- ce conflit linguistique, ils travaillent Pourquoi n’aurions-nous pas également une verses. Dans la question communautaire, un dans l’optique de créer ensemble. Ne compétence fédérale au niveau des médias, des problèmes, c’est justement cette homogé- sont-ils pas de bons indicateurs ? pour soutenir activement des collaborations néisation, y compris dans l’analyse politique. En tout cas, quand on compare la flandre avec entre VRT et RTBf, par exemple des débats Dans les médias francophones, on parle sou- d’autres régions dans le monde où il y a des communs ? Car, finalement, quel est l’intérêt vent de « la flandre » qui veut ceci ou cela, demandes pour plus d’autonomie comme le d’avoir des systèmes qui créent des malenten- mais, en fait, la flandre est une société proba- québec, la Catalogne ou l’écosse, on constate dus communautaires, des clichés et des cari- blement aussi divisée que l’est la Belgique. que dans ces régions-là, beaucoup d’artistes catures ? Certes, les résultats électoraux en flandre vont sont assez nationalistes. Parce que leur de- Propos recueillis Sabine Beaucamp plus à droite, mais en même temps il existe un mande d’autonomie vient d’une sorte de quête monde entre la flandre de Groen ! et celle du de reconnaissance culturelle. En flandre, cela Retrouvez cette interview dans une version Vlaams Belang. a pu être le cas dans le passé mais depuis étendue sur www.agirparlaculture.be quelques années, on constate qu’une grande

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JUSTICE SOCIALE ET QUESTION ENVIRONNEMENTALE

A l’approche de bouleversements écologiques d’ampleur et d’une accentuation des inégalités sociales, on s’aperçoit non seulement de leur origine souvent com- mune -l’économie capitaliste- mais aussi de leur profonde imbrication. l’enjeu de la décennie à venir, c’est bien celui de connecter et d’agir avec ce double horizon en tête : la justice environnementale et la justice sociale, jouer sur l’une entrai- nant le plus souvent l’autre. Dans ce dossier, on interroge l’ar ticulation entre ces deux nécessités. quelles sont les options possibles et les alternatives au « développement durable » libéral ? quelles réflexions sont por tées par le mouvement des objecteurs de croissance ? Comment agir en politique ? Comment agir sur le terrain ?

© KaYann - fotolia.com APC-28.e$S:Layout 2 5/12/11 10:50 Page10

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AJUSTER LA BALANCE ENVIRONNEMENTALE COMME GLAIVE CONTRE L’INÉGALITÉ SOCIALE

l’écologie, au fil des années, est de- amoindrir des ressources naturelles de plus en venue centrale dans les réflexions in- plus rares ? le défi est à proprement parler tellectuelles et l’action politique. Plus historique. Nous ne pouvons plus vivre comme encore, les per turbations des éco- si la nature était un réservoir inépuisable de systèmes ont comme effets directs matières et d’énergies dans lequel chacun pui- l’aggravation de la misère et des iné- serait à satiété. face aux inégalités croissantes, galités. on ne peut plus penser et un milliard d’humains souffrent la faim, la ques- agir sans lier indissociablement un tion cruciale de la redistribution des richesses projet émancipateur pour l’homme et est plus que jamais d’actualité. C’est elle qui a la défense des équilibres naturels. structuré et structure encore le débat public. Mais elle est désormais insuffisante. face à la Deux éléments pour commencer. le 24 juin dégradation de la biosphère, la question de 2011, le Monde titrait sur l’effondrement des notre modèle de développement devient cen- systèmes marins : « les océans seraient à la trale. D’autant que la crise climatique aggrave veille d’une crise biologique inédite depuis 55 considérablement les inégalités sociales. la millions d’années ». un trio mortel menacerait justice sociale doit rimer avec la justice envi- les mers de la planète : accroissement de l’aci- ronnementale. Comment dès lors penser et dité de l’eau, augmentation de la température agir dans un nouveau paradigme qui préserve et extension des zones privées d’oxygène. Et les équilibres naturels sans culpabiliser ce, sans parler de la surpêche qui a déjà réduit l’homme et sans renoncer à nos idéaux de pro- de près de 90 % certaines espèces de pois- grès et d’émancipation ? sons. la caractéristique ? « l’ampleur des dé- gâts observés et le rythme de leur aggravation uN RAPPoRT PluS quE PREoCCuPANT est au-delà de tout ce qui avait été prévu pré- cédemment ou anticipé ». l’horizon probable le nouveau Rapport du GIEC (le Groupe Inter- de cette crise ? Entre 2020 et 2050, c'est-à- gouvernemental d’Experts sur le Changement dire demain. climatique) est en effet plus que préoccupant : « le réchauffement du climat débouche sur des Second élément. Nous sommes depuis changements dans la fréquence, l’intensité, l’ex- quelques semaines 7 milliards de Terriens. Et tension et la durée des événements climatiques une personne sur deux vit en ville. Comment et météorologiques extrêmes et peut débou- nourrir, loger correctement tous les hommes, cher sur des événements sans précédent ». CC BY 2.0 par Jim linwood leur permettre l’accès aux soins de santé et à « la vulnérabilité et l’exposition aux risques l’éducation, sans épuiser les écosystèmes et sont généralement le résultat de processus de

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Parce que, et exprimé en termes caricaturaux ou la croissance verte. tant une analyse plus fine s’avère indispensa- ble, nous pensons et nous interprétons encore - Position 3 : elle se fonde aussi sur les le monde avec une perspective mentale héri- vertus du développement durable, mais tée du siècle précédent. Notre logiciel intellec- dans une perspective réformiste du capita- tuel qui réagit à l’intentionnalité humaine, au lisme par l’économie solidaire et l’alter- jugement moral, à la visibilité et à l’immédia- mondialisme. teté d’un phénomène pour que nous le pre- - Position 4 : c’est une attitude de rupture nions en compte, même s’il reste pertinent avec le système qui met en exergue la dé- pour la compréhension des rapports de forces croissance, la relocalisation de l’économie des humains, devient inopérant devant les mé- et critique radicalement la logique du pro- CC BY 2.0 par Vagawi tamorphoses des cycles de la nature. Il va fal- fit, du marché et de la consommation. loir se résoudre progressivement à penser en développement associés à la dégradation de même temps, selon la classification d’Edgar - Position 5 : elle rejette à la fois le déve- l’environnement, à une urbanisation rapide et Morin, que l’ordre comporte du désordre, que loppement durable et la décroissance dans non planifiée dans des zones dangereuses, à la science éclaire et aveugle, que la civilisation une logique révolutionnaire d’écosocia- des défauts de gouvernance et à la faiblesse contient la barbarie, que raison et passion sont lisme. de moyens d’existence des plus pauvres », écrit complémentaires, que la raison pure est dérai- Ces cinq positions-types, une conservatrice, encore le GIEC qui a estimé que 95 % des son… Sans quoi, écrit le philosophe, « le pro- deux réformistes et deux révolutionnaires, sont morts dans les catastrophes naturelles entre bable est la désintégration. l’improbable, mais bien évidemment ultra-simplifiées dans la très 1979 et 2004 vivaient dans des pays en déve- possible, est la métamorphose ». Cela se tra- courte présentation que j’en fais. Elles impli- loppement. Ils sont à la fois plus exposés aux duit, sur le plan de l’action, par l’imagination quent chacune un rapport à soi, aux autres et risques naturels et moins aptes à faire face aux d’une politique de l’humanité qui inclurait des à la nature qui varie considérablement, mais catastrophes et à conjurer leurs effets des- normes tout à la fois complémentaires et anta- elles permettent, certes de manière caricatu- tructeurs. gonistes : « mondialisation/démondialisation, rale, à chacun de se situer actuellement face croissance/décroissance, développement/en- aux impasses planétaires. Mais, croisées avec quel que soit l’angle d’approche, de la mono- veloppement, transformation/conservation ». la typologie décrite par Edgar Morin, elles de- culture à la perte de la biodiversité, des phé- Superbe et essentiel programme politique pour vront évoluer, voire se chevaucher sous cer- nomènes climatiques extrêmes à la santé les chercheurs d’un futur décent. publique en termes de pesticides, d’obésité ou tains aspects. Voilà sans doute un des enjeux d’asthme, ce sont toujours les populations les DEVEloPPEMENT DuRABlE ou DE- majeurs de la nouvelle politique à construire. plus précarisées, chez nous et plus encore CRoISSANCE ? Imaginer une science de la complexité qui com- dans les pays du Sud, qui subissent de plein bine des éléments à la fois convergents et fouet le dérèglement des cycles naturels. En ce face à ces douloureux constats – la crise en- contradictoires pour répondre aux urgences du sens, la lutte contre l’inégalité sociale est in- vironnementale amplifie la redistribution inéga- monde. dissociablement liée à celle qui vise à rétablir et litaire des richesses – et face à la nécessité de l’éducation populaire doit se saisir de ces op- à préserver les équilibres fondamentaux de la repenser notre grille d’interprétation du réel, tions cardinales. Elle se doit de les mettre en biosphère. à défaut d’une prise de conscience nous nous sentons comme hagards dans le débat-citoyen en brisant le prisme traditionnel planétaire et de politiques beaucoup plus vo- brouillard, sans boussole doctrinale pour for- de nos représentations du politique. Par sa dé- lontaristes, les différends entre de plus en plus ger notre destin. Devant ces incertitudes, en marche singulière, son interrogation perma- d’humains pour des ressources de plus en plus reprenant une classification d’Andreu Solé dans nente, la mise en perspective critique de tout, raréfiées, des hydrocarbures aux forêts, des « Développement durable ou décroissance ? », et surtout de ce qui apparaît comme évident, minerais précieux à l’eau, vont s’exacerber de cinq positions politiques types peuvent être naturel ou de bon sens, elle questionne sans manière dramatique. on peut déjà dresser la identifiées : tabous et hors de l’idéologie marchande domi- cartographie actuelle des conflits géopolitiques - Position 1 : attitude ultralibérale selon nante, tous les chemins de l’avenir. la question pour l’accaparement de ces biens vitaux, du laquelle, pour protéger l’environnement, il civilisationnelle qui inclut au premier chef les contrôle des terres en Afrique jusqu’à la ges- faut faire confiance à l’initiative privée et li- rapports entre les hommes et la nature, la lutte tion des barrages sur les grands fleuves. les miter au maximum les interventions de contre les inégalités sociales par la justice cli- constats sont aveuglants. Pourtant, dans la ma- l’état. matique, en devient chaque jour, et à mesure jorité des cas, la cécité demeure la règle. Pour- de l’étendue des dégâts, plus capitale. quoi donc, selon l’expression de Jean-Pierre - Position 2 : l’intégration du développe- Dupuy, ne croyons-nous pas à ce que nous sa- ment durable comme opportunité pour de Jean Cornil vons ? nouveaux marchés. C’est le capitalisme vert

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dossier Objection de croissance : nostalgie moyenâgeuse ou nécessité incontournable ?

CC BY-SA 2.0 par Doug Beckers

Jean-Baptiste Godinot est un des moteurs l’objection de croissance résulte en premier lieu de constatent par contre que notre mode de dévelop- du mouvement politique des objecteur s la prise de conscience de l’inanité et de la dange- pement est écologiquement absolument intenable, de croissance qui est né en Belgique dans rosité du dogme économiste qui voudrait que les qu’il va donc falloir en changer et prendre la direc- la foulée d’une jour née thématique à activités marchandes peuvent et doivent infiniment tion de plus de mesure. Nous savons aussi que cette l’ulB en février 2009. Jeune, très en- croître. Georgescu-Roegen, économiste iconoclaste, modernité nous aliène toujours plus. Elle continue gagé, cohérent dans sa vision du monde en a montré clairement l’absurdité : le processus de nous faire perdre des savoir-faire et des usages et de l’action politique, il est également économique est tout entier ancré dans la réalité ma- à la fois pratiques, sociaux et intellectuels qui sont très impliqué dans le combat contre l’en- térielle du monde et dès lors régi lui aussi par les nécessaires à l’accomplissement d’une vie humaine vahissement publicitaire. Il a aussi bril- lois de la physique. Il en découle qu’il n’y a pas de et sociale libre, juste et fraternelle pour y substituer lamment témoigné au Parlement à propos croissance économique infinie possible sur un la marchandise. un équilibre harmonieux entre les de la proposition de loi interdisant la pro- monde aux ressources limitées. une fois cela com- humains et les écosystèmes a été possible ici (pen- motion des voitures les plus polluantes. pris, l’objection à la croissance du PIB devient évi- sons à l’agropastoralisme) et le reste dans plu- Au-delà des dossiers concrets, il était dente et débouche logiquement sur une remise en sieurs endroits du monde. la croissance utile de l’interroger sur le sens même de cause de la réduction de nos vies par l’économie économique qui va de pair avec le développement l’objection de croissance, concept parfois (l’économisme). l’objection de croissance n’est « à l’occidentale » a rompu ces équilibres et place four re-tout ou ambigu qui véhicule les donc pas seulement la décroissance de l’empreinte désormais l’humanité devant des seuils écosysté- plus fantasques comme les plus nobles écologique – absolument nécessaire – mais aussi miques probablement irréversibles : si nous pous- espérances. une position résistante et créatrice qui cherche l’ac- sons plus loin la dévastation du monde, il est complissement et l’émancipation humaine en dehors probable que nous rendrons la terre inhabitable aux Devant le caractère cumulatif des crises de l’économisme. humains. la recherche des équilibres entre la cul- (démographique, sociale, économique, ture et la nature, les sociétés et les écosystèmes culturelle, financière, environnemen- l’objection de croissance n’est-elle pas est donc vitale. Cela dit cette harmonie est au- tale…) qui traver sent notre époque, la une nostalgie farfelue d’un retour illu- jourd’hui effectivement hypothétique tant les forces question d’une remise en cause d’une soire aux mondes anciens et à un hypo- productivistes s’acharnent dans la destruction. Il croissance infinie face à un monde fini, thétique équilibre harmonieux entre les semble bien que le retour aux équilibres vitaux dé- imprègne petit à petit les consciences et humains et les écosystèmes ? pendra de la mobilisation politique des peuples. les pratiques. Peux-tu tenter de définir cette objection à la croissance ? les objecteurs de croissance ne cherchent pas à remonter le temps ou à retourner en arrière. Ils

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dossier

CC BY-SA 2.0 par Akeg

le très polémique mot de « décroissance » démographique ou la souveraineté ali- un faisceau d’indices malheureusement toujours n’est-il pas une provocation face à la pré- mentaire. Est-ce une chimère ou une es- plus nombreux pointe directement vers l’abîme. Pre- carité et la misère qui enfle dans nos pays pérance ? nons trois exemples d’actualité parmi d’autres, qui industrialisés et plus encore face à la rendent visibles des dynamiques de fond qui confir- souffrance des peuples du Sud ? le mot technoscience me semble bien choisi ment ce diagnostic : la crise de la dette témoigne puisque ce dont il est question ici n’est pas la de la décomposition de la forme actuelle du capita- le terme « décroissance » utilisé seul est porteur science, ni la technique. la technoscience, cette lisme de marché ; les guerres en Irak, lybie, Af- de trop de malentendus. Précisons-le pour indiquer sorte fuite en avant technologique justifiée par le ghanistan sont des guerres du pétrole c'est-à-dire qu’il s’agit de la décroissance de l’empreinte écolo- scientisme, transforme le monde en profondeur en d’appropriation de ressources matérielles devenant gique des riches, régions ou personnes. une fois mettant l’homme au service de la machine, laquelle rares ; la famine dans la corne de l’Afrique, prévue cela posé, il est clair que cette décroissance maté- sert le profit et la croissance économique. Cette depuis un an, indique le sort que l’on réserve aux rielle des riches est une idée utile pour sortir du ca- technoscience fait partie du problème, pas de la so- pauvres du monde, qui subissent là-bas les pires pitalisme et du productivisme, et que les pauvres lution. Elle se présente comme le salut par le savoir effets du colonialisme et du post-colonialisme en ont tout à y gagner. le mode de vie occidental n’est et de la puissance combinés, prétend corriger par la même temps que du bouleversement climatique his- pas durable, encore moins universalisable. les pau- technologie les catastrophes créées par elle, au toriquement créé par le riche occident, ici. on voit où vres — du sud et du nord — ne pourront pas rat- nom de la croissance, qui est insoutenable. mènerait le cours des choses s’il devait être conti- traper les riches. Comme le gâteau ne peut plus nué sur la même pente : l’effondrement économique grandir, pour réduire les inégalités, il faut prendre Pensons aux projets risqués déjà hors de prix et puis social chaotique, l’accroissement des tensions l’argent là où il est, c'est-à-dire chez ceux qui en pourtant encore non-fonctionnels de séquestration géopolitiques, l’explosion de la misère et la mort de ont trop, puis le redistribuer. Mais ne nous y trom- du carbone : il s’agit de développer des machines population entière. pons pas : au regard d’une part des limites écolo- pour stocker le Co2 sous terre parce que la machi- giques que l’on doit respecter pour ne pas dévaster nerie thermique a consumé le pétrole qu’elle a préa- le destin de l’humanité n’est pas écrit et le milléna- la planète et d’autre part de la nécessité minimale lablement permis d’extraire du sol. risme n’est pas la tasse de thé des objecteurs de de justice sociale qu’est la garantie d’un accès équi- croissance. Mais pour échapper à un destin désas- table aux ressources pour chaque humain, il est clair les oGM promus par les entreprises les plus crimi- treux qui est désormais visible et qui pourrait être que les classes moyennes occidentales se trouvent nelles et soutenues notamment par la Commission le nôtre si nous ne nous ressaisissons pas, l’huma- au-delà du seuil de consommation qui pourrait être européenne, alors que les peuples y sont largement nité doit être capable de regarder en face la possi- partagé par tous. Nous sommes les riches des pau- opposés, constituent une menace majeure pour la bilité de catastrophe, comme conséquence logique vres ! biodiversité, la souveraineté alimentaire et les pay- de notre mode de développement et non comme sans qui nous nourrissent, tout en privatisant le vi- accident imprévisible. Il y a là quelque chose de fondamental qui vant. rompt deux conser vatismes : En ce sens, il nous est utile d’être ce que Jean Pierre les sciences, lorsqu’elles savent douter et ne sont Dupuy appelle des « catastrophistes éclairés » : ce - sans pour autant tomber dans la culpabilisation, pas corrompues par les intérêts marchands, indi- n’est qu’à la condition que nous sachions prendre il est clair qu’il est trop facile d’extérioriser les quent que pour faire face à l’urgence de la crise, il conscience des conséquences, même les pires, de difficultés en rendant une classe lointaine fau- faut réduire la taille de l’économie, organiser la dés- ce que nous entreprenons que nous pourrons dé- tive de tout, cela serait une posture irrespon- escalade de la puissance industrielle. C’est un pas- cider d’actions permettant d’éviter l’ornière qui sable et impuissante ; sage obligé, et un choix politique. la technique peut mène à l’abîme. Nous avions placé toute confiance être une partie de la solution pour autant qu’elle en notre modernité, laquelle a trahi ses promesses. - en plus de la redistribution, il nous faut revoir en soit contrôlée démocratiquement, mais une partie Nous devons désormais nous défier de cette mo- profondeur nos façons de comprendre la ri- seulement. dernité pour la dépasser et avoir confiance en notre chesse et la pauvreté, sous peine de retomber capacité à inventer du neuf, en partant du meilleur dans le piège de la croissance et de nous en- Edgar Morin diagnostique une crise de ci- de l’ancien et en mettant l’imagination au pouvoir. Et fermer dans un monde toujours plus injuste qui vilisation majeure qui risque d’empor ter en plus, ça n’est pas triste, bien au contraire ! condamne les pauvres à la misère. notre humanité ver s l’abîme. Est-ce une vision millénariste et catastrophiste face Propos recueillis par Jean Cor nil Beaucoup parient sur les avancées des aux avancées de notre modèle de déve- technosciences pour résoudre notamment loppement et face à la nécessité d’avoir www.respire-asbl.be les déséquilibres climatiques, le défi confiance en notre modernité ?

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blalbladossier JUSTICE SOCIALE ET JUSTICE ENVIRONNEMENTALE EN POLITIQUE Joëlle Kapompolé et olivia P’tito. Deux représente le mieux l’ar ticulation des olivia P’tito : Toute catastrophe est humai- députées régionales, l’une wallonne, enjeux environnementaux et sociaux ? nement dramatique, mais ma vision n’a pas l’autre br uxelloise. Deux caractères changé : nous devons sortir du nucléaire. Ce- qui très tôt ont pris conscience de olivia P’tito : Riccardo Petrella, docteur en pendant, ce n’est pas du « y a qu’à » car il faut l’enjeu des boulever sements des cy- sciences politiques et sociales, qui s’engage - tout à la fois garantir la sécurité, y compris d’ap- cles de la nature et qui associent to- entre autres- pour l’eau en refusant sa privati- provisionnement, baisser la consommation éner- talement émancipation sociale et sation. J’ai eu la chance de participer à un débat gétique (avec une population en plein boom préser vation des équilibres naturels. à ses côtés, à l’occasion du lancement de sa démographique à Bruxelles, rappelons-le) ainsi Regard croisé. campagne européenne, campagne au cours de que la facture énergétique et répondre à nos laquelle. Il a d’ailleurs salué la tradition belge engagements environnementaux. les défis sont le socialisme a historiquement son ayant préservé le caractère public de son ré- donc énormes, mais nous devons être prêts à centre de gravité autour de la ques- seau hydrique par le biais des intercommunales. les relever. tion sociale. quel est l’événement Joëlle Kapompolé : Dominique Bourg, professeur concret qui vous a convaincue de lier de philosophie de la nature à l’université de Joëlle Kapompolé : Cette catastrophe a juste indissolublement l’égalité des travail- lausanne, car il insiste de manière pertinente confirmé ma conviction que le nucléaire n’est leurs avec la défense de l’environne- sur la répartition inégalitaire de la richesse sur pas une solution à long terme pour notre pla- ment ? notre planète et pose la question de notre mode nète et pour ses habitants. une transition vers de consommation basé sur l’accumulation de des énergies renouvelables s’avère, plus que ja- Joëlle K apompolé : Je ne pense pas à un biens matériels. mais, nécessaire. En outre, cette transition doit seul événement en particulier. Il s’agit d’une s’opérer à un coût raisonnable pour les citoyens. prise de conscience qui s’est développée en moi l’écologie politique a-t-elle insuffi- basée sur la multiplication des catastrophes na- samment pris en compte la pauvreté, quelle est la mesure, en termes d’éco- turelles, la médiatisation des conclusions du l’exclusion sociale et les inégalités qui logie sociale, que vous rêveriez de GIEC et du protocole de Kyoto, l’exposition Yann s’accroissent chez nous, en Europe et faire adopter au sein de votre assem- Arthus-Bertrand organisée par Présence et Ac- dans les pays en développement ? blée parlementaire ? tion Culturelles, le film d’Al Gore « une Vérité qui dérange », les débats menés au sein du Collec- Joëlle K apompolé : Malheureusement non. Joëlle Kapompolé : J’aimerais que les indi- tif pour une écologie sociale, mes lectures,… Très longtemps, le débat a été confisqué par des cateurs alternatifs (indice de soutenabilité envi- intellectuels privilégiés qui ne voulaient pas (ou ronnementale, indice de bien-être, indicateur de olivia P’tito : Mes études en droit social puis ne pouvaient pas) comprendre la réalité vécue progrès véritable, empreinte écologique…) de- en droit de l’environnement m’ont convaincue par les plus démunis de notre société. à l’heure viennent la norme pour notre gouvernance dans du lien entre ces enjeux. Parallèlement, le 1er actuelle, consommer bio reste un luxe et l’im- toute la fédération Wallonie-Bruxelles à côté des paragraphe de la Charte de quaregnon qui possibilité de se chauffer correctement prend indicateurs classiques tels que la croissance ou fonde mon attachement aux valeurs du PS d’au- des proportions catastrophiques. le produit intérieur brut. tre part : « les richesses, en général, et spé- cialement les moyens de production, sont ou des olivia P’tito : NoN ! la pauvreté aug- olivia P’tito : la création d’un véritable en- agents naturels ou le fruit du travail -manuel et mente… Voilà pourquoi il est urgent de partir cadrement des loyers fixé en tenant compte de cérébral- des générations antérieures, aussi du social PouR relever le défi environnemental. l’état du bâtiment y compris au niveau énergé- bien que de la génération actuelle ; elles doi- on doit arrêter de penser « groupement tique. Car, outre que les prix n’ont fait qu’aug- vent, par conséquent, être considérées comme d’achats solidaires » (y compris d’énergie) ou menter en Région bruxelloise, une large majorité le patrimoine commun de l'humanité ». les potagers urbains sans en faire profiter prioritai- de notre population est locataire et non-pro- bases de ce combat ont été posées en 1894… rement les plus démunis. priétaire contrairement aux deux autres Ré- à nous de le continuer. gions. Cette situation rime avec inégalités la catastrophe de fukushima a-t-elle sociales et précarité énergétique. quelle est la figure politique, intellec- modifié votre analyse de l’enjeu du nu- tuelle, ou culturelle qui à vos yeux cléaire ?

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A l’inverse, quelle est la plus mauvaise Êtes-vous favorable à une régulation un paysage, un roman… qui symbolise mesure législative que vous avez été des prix de l’énergie et dans l’affirma- pour vous l’alliance des deux justices, contraintes de voter en matière envi- tive, sur quels critères ? la sociale et l’environnementale ? ronnementale ? olivia P’tito : ouI bien évidemment, l’accord Joëlle Kapompolé : le film « one water » que olivia P’tito : Je m’interroge souvent sur les de gouvernement prévoit d’ailleurs l’instaura- j’ai pu présenter à une centaine d’étudiants de énormes budgets consacrés aux primes éner- tion d’une tarification solidaire -comme pour 4ème secondaire dans le cadre de mes activités gie qui, certes depuis l’an passé et au prix de l’eau- dès que la compétence nous sera trans- de présidente du Contrat de Rivière de la Haine. longs débats, ont été modifiées afin de tenir férée. Il faudrait aussi interdire aux fournisseurs Ce film montre les multiples façons dont l’eau compte des revenus des bénéficiaires, mais la répercussion dans leurs prix des taxes, envi- touche les êtres humains tout autour du globe. s’apparentent encore souvent à des effets d’au- ronnementales ou liées aux missions de service Il a été filmé dans 15 pays, sur les 2 hémi- baine. le retour sur investissement tant en public, qui leur sont imposées. sphères, pendant une période de 5 ans. J’ai ap- termes d’économies d’énergie que d’emplois précié les séquences visuelles fortes, les devrait être plus mesurable… Joëlle K apompolé : évidemment, je suis fa- commentaires ainsi que la musique jouée par vorable à une régulation des prix de l’énergie. Je l’orchestre philharmonique de Russie. Surtout, Joëlle Kapompolé : les décrets relatifs aux pense qu’il faut travailler sur les prix de l’éner- j’ai été heureuse d’échanger mes impressions aéroports même si nous avons réalisé du bon gie elle-même et sur les coûts de distribution, avec celles des jeunes présents dans la salle. travail en matière de réduction des nuisances ce qui implique d’agir au niveau fédéral et au ni- sonores et environnementales. veau régional. le moins que l’on puisse dire, olivia P’tito: l’enjeu de cette alliance des c’est que la libéralisation de l’énergie n’a pas deux justices et la vulgarisation des enjeux afin En matière de production et de été favorable au consommateur. que chacun puisse s’en emparer. l’humour y a consommation, de nor mes sociales et donc sa place et Jamel Debbouze a bien résumé environnementales, l’état doit-il être le développement durable, avec ses les choses : « Ma mère, c’est elle qui a inventé plus contraignant ou faut-il faire quatre piliers, vous apparaît-il comme l’écologie : un bain pour 7 ! ». Côté BD, « les in- confiance aux citoyens ? un modèle opérationnel de gouver- nocents » sonnent comme un « retour à la nature nance face aux catastrophes clima- » de Etienne Davodeau, plus habitué à des olivia P’tito : ouI il faut faire confiance aux ci- tiques et aux per turbations des cycles thèmes clairement sociaux… toyens, MAIS en l’accompagnant afin que ses naturels ? choix soient éclairés en tant que consommateur Propos recueillis par Jean Cor nil au milieu de l’écologie de marché actuelle. Il im- Joëlle Kapompolé : En tout cas, je n’en vois porte aussi de « réguler » certains marchés pas d’autres pour l’instant. créés de toutes pièces (PEB, sols pollués, etc.) et bien sûr imposer des normes et sanctions olivia P’tito : Ce qui compte c’est la trans- comme ce qui concerne la propreté. versalité opérationnelle qui doit exister derrière ce concept de développement durable : les ad- Joëlle Kapompolé : l’état doit jouer son rôle ministrations doivent travailler ensemble. et édicter la norme. Par contre, il faut sans cesse convaincre les citoyens de la pertinence une production culturelle, une chan- de celles-ci pour susciter l’adhésion de tous. son, un film, une recette, un tableau, LE NUCLEAIRE : UN PARI PASCALIEN

Alexandre lacroix, dans un dossier sur le nucléaire de Philosophie Magazine, décrit un saisissant parallèle avec le pari de Pascal sur l’exis- tence de Dieu. Il est rationnel de croire en Dieu, selon Pascal, en regard des bienfaits éternels qu’il nous apporte s’il existe. Si Dieu existe, nous gagnons tout. A l’inverse, et en parabole, il serait fou de croire aux vertus du nucléaire même si le risque d’un accident est infime. Car s’il se produit, nous perdons tout… Après Tchernobyl et fukushima, la question du nucléaire est plus que jamais d’une brûlante actualité, tant en termes de sécurité des popu- lations qu’en ce qui concerne le retraitement des déchets. l’énergie nucléaire (à peine 3% de la production de l’énergie mondiale) est non seulement très onéreuse à produire mais constitue évidemment un danger majeur comme nous l’a rappelé brutalement le drame du Japon. Il aura fallu cette tragédie moderne pour que certains états, comme l’Allemagne, se convertissent encore plus aux énergies renouvelables ou entament enfin le débat comme la france. Chez nous, à l’heure où sont écrites ces lignes, les négociations ont confirmé le respect de la loi sur la sortie du nucléaire, c'est-à-dire la fermeture en 2015 de Doel 1 et 2 et de Tihange 1. les quatre derniers réacteurs devraient être fermés entre 2022 et 2025. Saluons aussi l’exceptionnelle pétition de Greenpeace qui a déjà recueilli plus de 100.000 signatures. (JC)

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LES ONG FACE AUX DEFIS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX

Comment les oNG qui agissent sur le environnementaux n’est pas complètement com- prises de position. Nous avons ainsi consacré pas ter rain ar ticulent-elles la dimension blé, mais il est devenu évident que loin d’être op- moins de deux dossiers à la question du modèle environnementale avec la question so- posés, ceux-ci sont au contraire complémentaires économique actuel et de son alternative idéale. ciale ? Deux responsables au sein d’or- et même étroitement imbriqués. Ce travail a servi de base à des formations desti- ganisations, nous indiquent ici comment nées tant à nos 160 associations qu’à un public ils concilient ces défis majeurs. Parce Prédateurs de ressources naturelles et généra- plus large. Nous avons également consacré notre que pour Pierre Titeux (fédération teurs de multiples pollutions, nos modes de pro- « université d’automne » 2010 à la « décroissance Inter-Environnement Wallonie) ces deux duction et de consommation fondés sur le « » et l’édition 2011 à la « transition économique ». thèmes et les enjeux qui les sous-ten- toujours plus » méprisent également les condi- Autant d’activités qui traduisent l’attention que dent sont intimement liés et parce que, tions de travail et de vie d’une main-d’œuvre sou- nous portons à cette question fondamentale et en suivant Pascale Bodinaux (Solidarité vent considérée comme une simple variable participent de « l’agitation d’idées » que nous Socialiste), une justice sociale passe d’ajustement. Ainsi, les travailleurs sont les pre- nous attachons à générer en marge et en soutien aussi par le règlement de questions mières victimes de processus industriels pol- à notre travail d’analyse critique et influence des liées à l’écologie. luants. Ce fut le cas hier avec l’amiante ; ce l’est politiques publiques. aujourd’hui avec le sablage des jean's ou l’agri- DES ENJEUX culture industrielle et son usage massif d’intrants Cependant, si la réflexion intellectuelle et le posi- IMBRIQUÉS, industriels hautement nocifs. Sur un autre plan, tionnement idéologique ont considérablement les populations les moins favorisées se trouvent évolués, la diffusion d’un tel message au sein des PAS OPPOSÉS confinées dans des quartiers cumulant les nui- publics prioritairement concernés reste complexe. sances : trafic intense, bruit, paysage saccagé, Difficile, en effet, de sensibiliser à ces questions longtemps, il fut de règle d’opposer préoccupa- air vicié, etc. des individus logiquement et légitimement plus tions environnementales et revendications so- soucieux de leur situation matérielle que de l’état ciales. les défenseurs de l’environnement étaient Amorcée dès les années 60 avec des penseurs de la planète ou même de leur quartier. D’autant considérés comme des (petits) bourgeois plus de l’écologie politique tels André Gorz, cette ap- plus difficile que ce positionnement implique une préoccupés par le sort de la reinette aux yeux proche d’un combat commun de l’environnement révision quantitativement à la baisse de nos rouges que par le bien-être de la classe ouvrière et du social face à l’économie trouve aujourd’hui modes de vie. Nous sommes pourtant convain- tandis que les syndicalistes et autres acteurs de un large écho à gauche de l’échiquier politique. cus que cette approche associant étroitement en- la lutte sociale apparaissaient comme prêts à sa- Elle colore les programmes des partis et a donné jeux sociaux et environnementaux s’imposera crifier mère Nature sur l’autel d’un productivisme naissance à un nouveau courant : l’éco-socia- demain comme un impératif des nouveaux rap- synonyme de croissance et de pouvoir d’achat. lisme. ports économiques ici et ailleurs. Nous sommes – heureusement ! – aujourd’hui bien loin de cette vision caricaturale. Certes, le Chez Inter-Environnement Wallonie, ce lien s’im- Pierre Titeux fossé séparant jadis les enjeux sociaux et pose comme un axe central de nos analyses et

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CONCILIER JUSTICE même pour les Accords de partenariats écono- bon marché et les syndicats peu ou pas existants. SOCIALE ET miques entre l’uE et l’Afrique. les mines à ciel ou- Parfois, comme c’est le cas au Vietnam, par exem- vert, les monocultures intensives destinées à ple, ce sont des entreprises extérieures qui font ENVIRONNEMENTALE l’exportation (notamment pour l’alimentation du pression à la baisse sur les salaires et l’applica- bétail ou la production d’agro carburants) ont des tion des règlements de travail locaux en mena- Bien que tout gouvernement ait une large res- répercussions irréversibles sur l’environnement çant de se retirer du paysage économique ponsabilité politique en la matière, lorsqu’on parle et la biodiversité de zones souvent riches en res- national. Avec des conséquences désastreuses de justice sociale et environnementale, on pense sources naturelles. sur les conditions de travail et de vie des em- surtout à la responsabilité sociale des entre- Et, en ce qui concerne l’agrobusiness, vu son haut ployés de ces entreprises. les investissements prises, car elles sont souvent les acteurs concer- niveau technologique, il génère peu d’emploi au privés se font souvent au mépris des souveraine- nés en première ligne par cette question. Si, plan local. tés nationales en matière de lois sociales et envi- jusqu’à présent, au plan international, l’union eu- ronnementales et de la souveraineté alimentaire ropéenne reconnaît les atteintes que les entre- Au vu de cette situation, nombre d’oNG du Sud des Etats et des populations concernées, qu’elles prises peuvent porter aux droits humains et du Nord demandent à leurs gouvernements de soient urbaines ou rurales. Ces dernières se (notamment ceux des travailleurs …!) et à l’en- contraindre les firmes transnationales à publier voient en effet privées de l’accès aux ressources vironnement, les dispositions légales font encore un rapport social et environnemental rendant naturelles et à la terre, censées satisfaire leurs souvent cruellement défaut pour pénaliser celles compte du respect des normes en leur sein et par besoins alimentaires de base. Ce sujet fait l’ob- qui sont responsables de ces atteintes. les ré- leurs fournisseurs et sous-traitants. Elles de- jet de différents articles du numéro hors-série de cents accords bilatéraux sur les investissements mandent également de garantir l’existence de ces la revue Politique (Décembre 2011) publié par ou les traités de libre commerce entre l’uE et cer- clauses, assorties de mécanismes contraignants Solidarité Socialiste en collaboration avec l’agence tains pays d’Amérique latine (Colombie et Pérou, de vérification, pour tout accord bilatéral d’inves- de presse InfoSud entre autres) accentuent le phénomène d’acca- tissement signé par les états membres et l’uE. parement des terres et les déplacements forcés Nous savons que bon nombre d’entreprises dé- Pascale Bodinaux de populations paysannes et indigènes. Il en va de localisent vers des pays où la main d’œuvre est

MUNITIONS CULTURELLES 10 ouvrages pour construire l’alter native POUR AFFRONTER - Antimanuel d’écologie, Yves Cochet, Bréal, 2009 LES PERILS à VENIR - le contrat naturel, Michel Serres, françois Bourin, 1990 - l’humanité disparaîtra, bon débarras !, Yves Pac- calet, Arthaud, 2006 - le pari de la décroissance, Serge latouche, fayard, 2006 - Tchernobyl, la vie contaminée, un film documentaire de David Desramé et Dominique Maestrali, Elzévir films, 2009 - Redéfinir la prospérité, jalons pour un débat pu- blic, Isabelle Cassiers et Alii, l’Aube, 2011 - l’an I de l’ère écologique, Edgar Morin (et dialogue avec Nicolas Hulot), Tallandier, 2007 - l’homme économique et le sens de la vie, Petit traité d’alter-économie, Christian Arnsperger, Textuel, 2011 - Vers une démocratie écolo gique, le citoyen, le savant et le politique, Dominique Bourg et Kerry Whiteside, Seuil, 2011 - la simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance, Paul Ariès, la découverte, 2010

Retrouver sur www.agirparlaculture.be une bibliographie développée des ouvrages et documentaires qui permettent d’aller plus loin sur ces thématiques

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à bas la Culture

VOyAGE AU BOUT D’UNE POUPÉE RUSSE

© Nathalie Caccialupi

les lecteurs attentifs de cette chronique Vers qui, vers quoi ? une star de l’effeuillage ? les plus grande, d’une formidable poupée ! Et tôt ou – un milliard d’individus au bas mot… – douze apôtres ou les douze salopards ? un dicta- tard – d’aucuns disent bientôt… – une couche in- savent que son leitmotiv, outre la défense teur peut-être ? Puis un autre, puis un autre, puis commensurable submergera notre univers tout en- acharnée de l’ar t d’en bas, est implicite- un autre… Jusqu’au plus petit des dictateurs. Dont tier. la dernière ligne d’horizon de l’humanité, ment, et métaphoriquement, contenu tout la cruauté serait inversement proportionnelle à la au-delà de laquelle nous ne verrions que du vide, entier dans une poupée r usse. le mes- taille. serait donc bel et bien la face cachée d’une poupée sage est on ne peut plus clair : tout est gigogne ! une sorte de miroir céleste sur lequel, dans tout ! Et réciproquement. Il doit exister aussi une poupée russe islamiste dont l’espace d’un instant, se reflèteront nos vanités on dévoilerait, au fur et à mesure, les mollahs et qu’on croyait éternelles. Bien fait pour nos gueules. Mais qui est-elle au juste cette poupée russe, aussi ayatollahs empilés (très difficile à prononcer ça) appelée matriochka ou poupée gigogne ? jusqu’à la révélation du prophète : un morceau de Et si cette histoire de va-et-vient n’avait finalement C’est une idole. De bois. Très impudique puisqu’elle bois non peint celui-là, ne figurant rien d’autre que aucun sens ? nous invite à voyager au plus profond d’elle-même. la matière elle-même. Et si Mahomet n’était au fond Profitons dès lors des quelques instants qui nous une expédition de l’étagère vers le centre de la que la métaphore du vide originel dont nous restent pour vous conseiller un détour par les œu- Terre, par strates ou couches successives. Suivant sommes toutes et tous issus ? vres plastiques superbes de Sara Conti, artiste mon- la technique de l’oignon. toise qui utilise notamment les formes galbées de la De l’hypothèse théologique à la pataphysique spa- matriochka comme support de création. Tapez Sara Mais pourquoi diable répondre à son appel ? l’ob- tiale, il n’y a qu’un pas. C’est pourquoi certains dis- Conti sur votre moteur de recherches et laissez- jet de ce voyage n’est-il pas, en effet, prédéfini par ciples d’Alfred (Jarry) pensent également que le big vous surprendre. la logique torve d’un fabricant ou pire, d’un com- bang lui-même prit naissance à la plus infime limite manditaire ? Il n’y a donc pas de raison valable à d’une poupée russe. Selon cette théorie, l’expan- C’est bien quand nos vies s’emboîtent, non ? cette aventure de salon, si ce n’est la pulsion de la sion de l’univers serait donc le produit du dévelop- quête… pement continu, par couches, de la plus petite à la Denis Dargent

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réflexions

LE MONSTRE DOUX CONTRE LA GAUCHE ENTRETIEN AVEC RAFFAELE SIMONE

© Nathalie Caccialupi aurait attendu après la crise ou même pendant portante de rendez-vous historiques. Par la crise que les gens se déplacent au fur et à exemple, elle n’a pas compris la valeur et le mesure vers la gauche, car même les gouver- sens de la révolution numérique. on l’a consi- nements de droite, tels que celui de Bush à déré tout d’abord comme une sorte d’amuse- l’époque, ont dû prendre des mesures de ment, une sorte d’entretien superficiel alors gauche, comme nationaliser ou contribuer de que la révolution numérique allait modifier en manière lourde au financement des banques et profondeur jusqu’à notre esprit même. De plus, des entreprises financières. Mais malheureu- ils n’ont pas compris la signification véritable sement cette attente ne s’est pas réalisée. des phénomènes d’émigration de masse, Pourquoi ? d’émigration clandestine et non-clandestine. la à mon avis, la réponse est contenue dans le quantité de rendez-vous historiques que la titre même de mon livre. les gens sont telle- gauche a raté explique le fait qu’elle ne soit pas ment pénétrés par les monstres doux, la cul- encore à la hauteur des temps présents. ture du monstre doux, que l’on ne se rend même plus compte du fait qu’il y a des mo- Dans cette époque, comme le consumérisme ments où les mesures de gauche sont néces- l’a emporté pratiquement partout, la nécessité saires. on est tellement infiltré par ce de se sentir jeune, de pratiquer les sports, de paradigme que l’on n’arrive même pas à faire s’adonner aux soins du corps, etc., cela cor- valoir ses propres intérêts. respond par contraste à la réduction graduelle Dans les moments de crise, la gauche est né- de la compassion et de la solidarité. Et donc, on cessaire, et les crises sont des moments où elle délègue, on transfère la solidarité aux organi- se révèle de la manière la plus efficace. Mal- sations de charité comme Médecins sans fron- Raffaele Simone est professeur de lin- heureusement, ce signal n’a pas été reçu par tières, Emergency, etc., mais ce faisant, on guistique à l’université de Rome. Il a les électeurs, en Europe tout au moins. Ce n’est réduit la mesure dans laquelle on fait person- publié en 2010 aux Editions Gallimard donc pas un paradoxe, c’est un tournant his- nellement de la solidarité. « le monstre doux, l’occident vire-t-il torique qui se manifeste là. à droite ? ». Ce livre a connu un vif Il y a un autre élément, me semble-t-il, que succès et a secoué la réflexion sur la Vous expliquez dans votre livre que vous n’avez pas mentionné dans ce paradigme, gauche. Dans le cadre de Philo, les nous vivons sous la forme d’un lévia- c’est celui que la culture numérique qui joue un rencontres philosophiques de PAC en than médiatico-financier, une forme rôle essentiel dans ce panorama actuel et qui collaboration avec Philosophie Maga- de pieuvre suave où les mots d’ordre a contribué de manière extrêmement lourde et zine, il est venu débattre à Bruxelles sont aujourd’hui pour les gens : même dramatique, à brouiller, dans les esprits, avec Paul Magnette en novembre der- consommer, s’amuser, rester jeunes. la distinction entre le fait réel et le fait repré- nier sur l’avenir du socialisme. la gauche apparaît à l’inverse comme senté c’est-à-dire entre le fait « dur » et sa re- le par ti de la compassion, du sacri- production sous forme d’images, de pixels, Depuis 2008, c’est la crise du capita- fice, des limites, de la renonciation. d’écrans d’ordinateurs ou de télévision. Si cette lisme, une crise bancaire et finan- Comment dépasser l’alternative entre confusion ne persiste pas dans les esprits les cière, et en même temps, la gauche ces deux conceptions de valeurs cul- plus avertis, la confusion est totale dans l’esprit européenne, comme on l’a vu aux turelles ? des foules, dans le peuple au sens réducteur élections européennes de juin 2009, qu’il faut parfois attribuer à ce terme. à partir perd les élections ? Comment conci- Ce n’est pas à moi heureusement d’indiquer les de quoi voit-on ce fait qui, pour moi, est extrê- liez-vous cet apparent paradoxe : voies par lesquelles il faut modifier les attitudes mement grave ? à partir du fait que, par exem- actuelles des électeurs. C’est plutôt une tâche ple, on peut s’amuser dans un contexte de C’est une belle remarque que vous faites et il des politiques en tant que telles au sein de la guerres, de rébellions, de massacres : là, on me semble que c’est une très juste vérité. on gauche. la gauche a raté, une série très im- peut faire de belles photos, on peut faire des

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réflexions

prises de vue par portables et les distribuer Pour l’instant on a des espoirs vis-à-vis de ce De toute façon, on adresse les félicitations les dans le monde entier par You Tube ou via d’au- gouvernement mais les perplexités sont nom- plus fortes à ce gouvernement qui va assumer tres forums sociaux. Donc, la confusion est breuses pour les raisons que je viens de dé- une tâche énorme qui est celle de reconstruire continue et totale. on produit parfois des faits crire. En plus, il y a un grand banquier dans ce un pays qui a été terrassé par une administra- simplement pour qu’ils soient reproduits en gouvernement dont le rôle est le plus impor- tion catastrophique. En plus, il faut recons- images. C’est donc une artificialisation de faits tant de tout le cabinet. Il y a beaucoup de ca- truire, avec une patience religieuse, la moralité qui a contribué à faire trembler la distinction tholiques, peut-être un peu trop par rapport à publique, car le moral de mon pays est aussi qui est à la base de la conscience rationnelle de la composition naturelle de la population ita- complètement à plat. l’occident. lienne. Propos recueillis par Jean Cornil Est-ce le prolongement des analyses d’Alexis de Tocqueville, du despotisme doux, dont vous dites dans votre livre « le monstre doux » : on a hébété la volonté plutôt que de chercher à la briser ?

C’est une citation de Tocqueville que j’ai sou- vent employée et discutée dans mon livre parce qu’il me semble que ce petit texte, ces quelques pages de son « De la démocratie en Amérique », contient une sorte de prophétie foudroyante. Il l’a formulé par rapport à son époque, mais cette description s’adapte, me semble-t-il, par- faitement à la situation actuelle. Il y a quelqu’un qui dispose de nous et qui veut que l’on s’amuse sans souffrir, mais en se soumettant à des volontés qui ne sont pas les nôtres.

Vous êtes italien. l’Italie vit un mo- ment politique impor tant. Silvio Ber- lusconi vient de quitter le pouvoir. Il a été remplacé comme Premier ministre par Mario Monti et ce que d’aucuns appellent un gouvernement de tech- nocrates. Cela vous laisse-t-il per- plexe ou bien est-ce pour vous une espérance pour le renouveau de votre pays ?

Tout d’abord, on a fait la fête pour célébrer le départ de ce monsieur qui a marqué d’une ma- nière si dure, si triste et méprisable presque 20 ans de notre histoire. Mais après la fête, on a commencé à se demander : qu’est-ce que cela représente ce gouvernement « technique », comme on le dit en Italie, formé surtout de professeurs d’université, mais surtout de pro- fesseurs d’université qui sont pour la plupart des professionnels importants, puissants, ri- chissimes, et donc qui ne représentent pas au sens propre les intérêts de la population d’un pays comme l’Italie.

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médias IGNACIO RAMONET ET LA THÉORIE DE L’ÉVOLUTION DES ESPÈCES MÉDIATIQUES

Tant dans l’explosion du journalisme, son der nier ouvrage, qu’à la tribune de l’uni- ver sité de Mons-Hainaut où il s’exprimait début novembre 2011 à l’invitation de Télé Mons-Borinage, le diagnostic d’un monde médiatique « tcher nobylisé » que pose l’ancien directeur du mensuel le Monde diplomatique est sans appel. Alors, Ignacio Ramonet convoque la théo- rie de l’évolution pour rassurer : le jour- nalisme, lui, existera toujours. Dans de nouveaux habits et à traver s des pra- tiques régénérescentes. Wikileaks a mon- tré la voie.

« Ce à quoi l'on assiste aujourd'hui, dans le secteur de l'information et des médias, c'est à un change- ment d'écosystème, une mutation structurelle parmi les plus importantes et les plus profondes dans l'histoire de la communication. » Ignacio Ramonet n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, nous sommes à l’aube d’un processus d’extinction mas- sive. Tous n’en meurent pas, mais tous sont tou- chés. à commencer par les quotidiens de la presse papier, dinosaures de la nouvelle ère numérique, pris dans la tourmente des fermetures, des plans d’économie et de licenciement : 120 quotidiens ont disparu aux états-unis pour 25.000 emplois détruits entre 2008 et 2010. la diffusion de la presse écrite y chute de 10 % par an. CC BY-SA 2.0 par Harshil Shah D’autres « espèces » sont, elles aussi, menacées de disparition. Des chaînes d’information en continu manque à gagner qui en résulte ne sont pas épon- Google, de facebook ou de Twitter, contribue à la s’éteignent. Signe que les grands groupes multi- gés par les gains de lecteurs sur la Toile : même en maximalisation de la recherche des profits. Dans médias, ces mastodontes constitués dans les an- hausse, l’audience Internet rapporte moins auprès cette optique, l’information est une matière pre- nées 1980 et 90, se sont avérés inefficaces, face à du marché publicitaire. que ce soit sur le Net, les mière que l’on vend et revend, peu importe le la prolifération des nouveaux modes de diffusion de smartphones ou les tablettes, les recettes du nu- contenu. Ce qui compte, c’est de pouvoir la propo- l’information, pour protéger leurs fleurons et leurs mérique demeurent une toute petite partie des re- ser au plus grand nombre : « le marché de l’infor- intérêts. Troisième groupe au monde, News Corpo- venus globaux des groupes médias. Et lorsque les mation ne consiste plus à vendre de l’information ration, propriété de Rupert Murdoch, a reconnu des sites web des grands journaux passent au tout- aux gens, mais à vendre des gens, des consomma- pertes annuelles supérieures à 2,5 milliards de dol- payant, comme le Wall Street Journal ou le Times de teurs, aux annonceurs. » la seule valeur de l’info, lars. le financial Times, un des hérauts les plus londres, la fréquentation s’effondre : de 22 millions dans cette optique, c’est sa consommation. prestigieux du capitalisme libéral dans le monde, à 200.000 pour ce dernier. paie ses rédacteurs trois jours par semaine… « C’est ce qui explique, pour l’essentiel, la mauvaise uNE INfoRMATIoN quI NE VAuT RIEN qualité de l’information journalistique actuelle », ren- la question tarabuste les patrons de presse du chérit l’ex-éditorialiste en chef du Diplo (comme monde entier. Sans que personne ne soit encore Ignacio Ramonet pose les termes de l’équation. la l’appellent ses plus fidèles lecteurs et amis). Pour parvenu à trouver la martingale. la baisse prolifération des nouvelles entreprises de commu- être la plus attirante et la plus rentable possible, en constante des ventes des journaux papier et le nication, qu’il s’agisse des firmes télécoms, de effet, elle doit, selon les dogmes en vigueur, être

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médias

CC BY 2.0 par Katerha

instantanée, simple, manichéenne, émotionnelle- « les grands médias posent un réel problème à la « les révélations de Wikileaks ne nous ont rien ap- ment forte, people… Par ailleurs, comme elle est démocratie, se désole celui qui a été le premier à pris que nous ne connaissions pas déjà », a entonné en offre surabondante dans la multiplicité des flux formuler le concept de la pensée unique (dans un – avec beaucoup de mauvaise foi – le chœur mé- qui s’entrecroisent, selon la logique du marché, éditorial de 1995). Ils ne contribuent plus à élargir diatique… sans même prendre la peine de se pen- « cette information ne vaut rien ». le champ démocratique, mais à le restreindre, voire cher sur les informations recelées dans les fuites à se substituer à lui. les groupes médiatiques sont publiées. Préférant mordre le doigt plutôt que scru- or, comment faire du profit avec « du rien » ? une in- devenus les chiens de garde du désordre écono- ter la lune que celui-ci pointait… formation qui ne vaut rien se vend difficilement. mique établi. Ces groupes sont devenus les appa- Alors, les éditeurs l’offrent… le plus largement pos- reils idéologiques de la mondialisation. » Aux Et au bout du doigt, notamment, Wikileaks a dévoilé sible, en essayant ainsi de bénéficier de davantage états-unis, poursuit-il, un cinquième des membres l’existence d’un gigantesque état sécuritaire occulte de retombées publicitaires, et en la subventionnant, des conseils d’administration des mille principales parti des états-unis. En tient lieu de confirmation, en pour le reste, par les rentrées de la presse papier. entreprises des états-unis siège également à la di- quelque sorte, la violence de la réplique et l’extrême Mais comme ils la proposent gratuitement ou rection des plus grands médias : « la communica- sévérité des peines infligées aux Cassandres : « Pour presque cette information web, ils ne vont pas non tion est devenue une matière première stratégique. avoir fait circuler librement des informations ca- plus dépenser trop pour la produire. on réduit les le chiffre d’affaires de son industrie s’élevait en chées – alors même que la libre circulation de l'in- effectifs et les moyens, y compris dans les rédac- 2010 à 3.000 milliards d’euros (15 % du PIB mon- formation est au cœur du concept hyper valorisé de tions non web. on prolétarise les entrants dont le dial) ». la société de l'information – le soldat américain statut professionnel, économique et social se dété- Bradley Manning [NDA : à l’origine de la fuite des câ- riore : c’est le cas en particulier pour les galériens le pire demain, pour autant, n’est pas certain. le bles sur les opérations de l’uS Army en Afghanis- du web. Et on compense le manque à gagner des journalisme, Ignacio Ramonet en est convaincu, tan] a été embastillé par une justice médiévale. » ventes par l’intrusion du marketing dans le rédac- existera toujours, car « c’est un pilier essentiel de la quant à Julien Assange, quoi qu’en aient jugé la jus- tionnel… démocratie ». Si des médias disparaissent au fil de tice britannique, Paypal ou Mastercard (qui ont tenté la mutation en cours, « de nouveaux biotopes se dé- de le ruiner), « rien n’arrêtera le mouvement qu’il a quand le magazine en ligne Slate appartenant au veloppent qui proposent d’autres façons de faire du enclenché, pronostique Ramonet, puisqu'avec la nu- groupe du Washington Post commente un livre ou journalisme ». une évolution bornée par le phéno- mérisation, les archives sont dématérialisées et ac- un DVD, des liens relient le texte au site de vente en mène Wikileaks : « Il existera un avant et un après cessibles à tous ». Et de rappeler que la mission ligne Amazon. Pour chaque vente effectuée, Slate Wikileaks dans l’histoire du journalisme qui s’écrira première du journalisme est moins de diffuser, en perçoit 6 % du prix. la déontologie journalistique dans quelques années », soutient celui qui a été l’ayant retraité, de l’information que l’on reçoit ou s’est toujours montrée sourcilleuse à l’égard de (élu) directeur du Monde diplomatique de 1990 à que l’on trouve en masse, que de chercher l’infor- l’étanchéité de la frontière entre information et com- 2008. mation rare, c’est-à-dire celle qui se dissimule. munication notamment commerciale. Cette barrière, on le voit, a été « explosée », elle aussi. la philosophie de l’entreprise de Julian Assange est Dans une société parmi les plus éduquées de l’his- que, en démocratie, tout secret est fait pour être toire de l’humanité, et dans un monde de plus en WIKIlEAKS, l’oXYGÈNE D’uN NouVEAu dévoilé. Par la divulgation d’archives et de docu- plus complexe, selon Ignacio Ramonet, la demande BIoToPE ments confidentiels, ce que Wikileaks a démontré et d’une information de qualité, d’un journalisme cri- démonté, en marge des contenus exhumés eux- tique permettant le recul et porteur de points de Hier, le journalisme « idéal » se revendiquait éclaireur mêmes, estime Ignacio Ramonet, c’est l'illusion que vue exprimés honnêtement, d’analyses en profon- de la société ou éducateur du peuple, ses contenus nous avions d'être bien informés, alors que « des deur, et de données occultées ne va cesser de croî- s’efforçaient de fabriquer de la citoyenneté, il se vi- continents entiers d’informations nous faisaient dé- tre. vait conciliant pour les plus vulnérables et impi- faut sur des affaires aux enjeux extrêmement toyable pour les plus puissants. Aujourd’hui, à leur graves. » Pour Ignacio Ramonet l’enseignement Et qui sait ce que réserve l’avenir, confie l’hôte d’un corps défendant ou non, nombre de journalistes des principal de Wikileaks, c’est que le journalisme défini soir de Télé MB et de l’université de Mons : « l’écri- médias d’information centraux cherchent avant tout comme la recherche et la mise au jour de ce qui est ture a 5.000 ans. Il a fallu 500 ans, à partir de l’in- à « fasciner le peuple » (à l’égard duquel ils n’éprou- caché par les pouvoirs ne fonctionne tout simple- vention de l’imprimerie, pour que s’épanouisse vent que condescendance), ils font eux-mêmes par- ment plus dans les médias classiques. l’humanisme à l’échelle de nos sociétés. le web tie des people (moins, c’est vrai, dans l’espace n’existe que depuis 22 ans. or, combien de chan- francophone belge), et ils se font les vecteurs – par MoRDRE lE DoIGT PluTôT quE SCRuTER gements d’une profondeur globale dans nos vies simplification, par « objectivité », par conformisme lA luNE depuis… » Il en est persuadé : d’autres suivront. professionnel, par adhésion au diktat de l’événe- ment, par renoncement au questionnement de l’or- C’est sans doute pour cela que la très grande ma- Marc Sinnaeve dre des choses… – des recettes de la globalisation jorité d’entre eux a réagi en stigmatisant les mé- économique et financière libérale. thodes et en dévalorisant les contenus de Wikileaks :

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pratiques en amateur RESTER MOTIVÉ, C’EST UNE AFFAIRE DE CHœUR

CC BY 2.0 par Katerha © Philippe Perniaux

fin août, avec l’aide du CPAS et d’Ar- octobre », remporta ce soir-là un succès mas- ponsable du Plan de participation sociale, cul- ticle 27, Présence et Action Cultu- sif, tout à fait mérité. Ce fut l’apothéose d’une turelle et sportive du CPAS de Charleroi, et Car- relles (PAC) Charleroi réunissait une aventure humaine commencée quelques se- mela Morici, coordinatrice régionale d’Article chorale citoyenne, sous la houlette maines plus tôt. 27(mention spéciale aussi à leslie Raone de d’un animateur hors du commun. l’asbl Promotion famille). En activant nos diffé- Après une prestation remarquée au D’uN RéSEAu l’AuTRE rents réseaux, grâce aux contacts individuels festival de la chanson ouvrière en oc- et à notre inscription dans les réseaux sociaux, tobre, le chœur a continué de bat- l’idée d’une fanfare ouvrière ou d’une chorale nous avons mobilisé une soixantaine de per- tre… Récit d’une aventure traînait dans les tiroirs de PAC Charleroi depuis sonnes, de tous âges, de tous horizons, ayant par ticipative. un certain temps déjà. Nous voulions rassem- parfois une certaine expérience du chant et du bler un groupe de musiciens ou de chanteurs chant choral, aucune le plus souvent. florence Marchienne-au-Pont, 8 novembre 2011 : oli- amateurs qui pourraient se produire à l’occa- et fabrice (de PAC), motivés, se joignirent au vier Bilquin, notre maître chanteur, accueille à sion de quelques grands rendez-vous popu- groupe. sa manière les choristes dans le local de répé- laires de la région. tition prêté par la Maison pour associations. « Je C’est ensuite la logique du hasard (à la faveur suis très content de vous revoir… Je n’ai pas C’est le festival de la chanson ouvrière, orga- du désistement du premier animateur pres- encore bu le vin mais j’ai mangé le saucisson ! » nisé par Taboo, Centre jeunes de la fGTB, qui senti…) qui nous a permis de rencontrer celui les exercices d’échauffement peuvent com- servit de catalyseur à nos envies. Nous déci- qui allait constituer la pièce essentielle de ce mencer dans la bonne humeur. Déambulation dâmes de constituer une chorale dont les mem- puzzle participatif : olivier Bilquin, le thauma- aléatoire, les pieds se déroulent sur le sol, les bres ne possèderaient aucune connaissance turge souriant, le sorcier de l’imprévu, le pas- bassins se tendent vers l’arrière, on mâche, on particulière des techniques du chant, et de sionné transpirant d’énergie. bâille sans retenue, on laisse les premiers sons mettre en place en un temps record un en- descendre le plus bas possible. on accom- semble vocal capable de se produire en ou- à la mi-août, le dispositif était en place, le pagne le son dans sa chute, avant de remon- verture du festival. Pour y interpréter deux, « chant » des possibles s’ouvrait à nous, sans ter sur un rythme de plus en plus soutenu… trois, voire quatre chansons. Au final, le chœur qu’aucun des partenaires ne puisse prévoir, à offrit au public un répertoire de six chansons, ce stade, ce qui allait réellement se passer. un mois plus tôt, ces femmes et ces hommes se après seulement dix répétitions… produisaient sur la scène de Charleroi-Danses, le premier atelier, la première rencontre, se dans le cadre d’un 1er festival de la chanson le recrutement des participants s’opéra dans déroula le 23 de ce même mois, alors que l’été ouvrière plein à craquer. la chorale, rebapti- un partenariat étroit avec deux actrices bien pourri se poursuivait… D’emblée, olivier im- sée depuis lors « Chœur des motivés du 8 connues dans la place : florence Trifaux, res- prima un caractère collectif à l’aventure en

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© Philippe Perniaux

pratiques en amateur

lançant son tonitruant : « on fait ce chœur avec mettait d’aller plus loin. Ici, on se retrouve un tout le monde et on s’adapte à tout le monde ! certain nombre de fois pour produire un résul- » Moment clef. la répétition avait commencé tat… Il faut s’adapter à la façon dont le chœur depuis cinq minutes à peine. Place à l’échauf- répond, autant sur l’appréciation du répertoire fement. qu’on propose que sur la façon dont ils chan- tent. Mais le niveau est vraiment chouette, il y « PluS uN PARTAGE qu’uNE a un son, tout de suite il y a eu une matière so- TRANSMISSIoN » nore sur laquelle on pouvait travailler. »

le même olivier, interrogé le 13 septembre, Afin de coller à la thématique « chanson ou- avant que ne démarre la cinquième répétition : vrière » du festival, l’option retenue fut de sou- « les choses ne se déroulent pas comme je les mettre aux participants des textes relevant du avais prévues parce que je n’avais rien domaine de la lutte. lutte des classes ? luttes ner, tandis que les gens ici viennent pour le prévu… C’est un groupe que je ne connaissais ouvrières ? où commence la lutte, où finit-elle plaisir avant tout, le plaisir de chanter et de voir pas et dont pas mal de personnes ne se ? Pour qui, pour quoi ? du monde. Certains viennent parce que c’est connaissaient pas non plus ; beaucoup d’entre Il s’agissait surtout de construire collectivement une activité en groupe. J’insiste sur le plaisir. elles n’ont jamais chanté de leur vie, en tout un répertoire, parallèlement au rythme soutenu Moi aussi j’y prends du plaisir, je ne suis pas cas pas en choeur. Donc, a priori, je ne me suis des répétitions. Nos propositions, intuitives, un fonctionnaire. (…) J’essaye de transmettre pas fixé d’objectifs, on commence puis on va suscitèrent assez vite une large adhésion, un savoir, c’est vrai, mais c’est plus un par- jusqu’où on va… Mais à ce stade, c’est déjà notre volonté étant d’éviter la caricature, la ré- tage qu’une transmission, partage d’un savoir une satisfaction parce qu’on a du monde et que volte gnangnan ou la rengaine datée. D’où, au et d’un plaisir. » ce monde est revenu à chaque fois, c’est qu’ils final, ce cocktail imprévisible fait de standards y trouvent du plaisir. Pour moi ce genre de indémodables (le temps des cerises, Bella Plaisir, laisser-faire et savoir-faire. Hasard et chœur a d’abord une vocation sociale, ce sont Ciao), d’un mix détonnant (la version Chant des nécessité. l’éducation permanente n’est pas des gens qui se rencontrent et qui partagent partisans/Motivés de Zebda), d’un classique une science exacte, c’est une pratique qui se un truc ensemble. Sinon on ne fait pas un contemporain en Vo (The Partisan de léonard calque sur les envies et les aspirations de cha- chœur… Ils aiment ça, donc ils reviennent. Cohen) et puis de choses beaucoup moins im- cun, chacune. Ce qu’exprime frida avec ses Pour ce qui est de l’objectif musical, je dirais probables qu’il n’y paraissait au départ (les mots à elle : « J’adore ces initiatives citoyennes qu’on a déjà atteint un certain niveau, et on mains d’or de lavilliers et Alors on danse de culturelles ! on se rassemble, on forme un mé- sera plus loin le 8 octobre. où ? Je n’en sais Stromae). lange, on se lance et on se laisse aller, on se rien, est-ce qu’on aura un chant, deux chants laisse emporter. Je ne maîtrise pas la langue ou trois, je ne sais pas. Mais je remarque déjà « Ma méthode, poursuit olivier Bilquin, c’est anglaise par exemple, mais je me laisse aller une qualité, une qualité d’écoute, une qualité d’amener les gens à découvrir ce qu’ils doivent par rapport aux autres, je chante sur les pa- de production, il y a une envie de produire du chanter avec un niveau d’exigence un peu roles des autres, c’est magnifique ! » son de la part du chœur. Pour moi l’objectif est caché, ne pas être rébarbatif, ne pas être cas- déjà atteint. » sant. une dame me disait que mes remarques, la suite de cette aventure s’écrivit d’elle-même, je les faisais avec humour, ainsi on prend les dès le 8 octobre, alors que le public, conquis, le musicien n’avait pourtant pas l’habitude de choses plus facilement. Ça fonctionne bien avec exigeait un rappel : la volonté de continuer fut travailler avec un groupe hétéroclite, suivant les chœurs amateurs, je ne suis pas sûr que unanime et deux nouvelles prestations furent un timing aussi serré. « J’ai animé une chorale ça marche autant avec un chœur profession- programmées en novembre. Toutes et tous d’une cinquantaine de personnes pendant 15 nel, les pros ce sont tous des chanteurs, avec motivés, jusqu’à une date indéterminée… ans, mais il y avait une connaissance réci- une formation vocale dans leur parcours. Il n’y proque — je savais où je pouvais les emmener a pas le même plaisir à venir aux répétitions, Denis Dargent — et puis l’expérience des choristes qui per- certains auraient même tendance à cacheton-

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l’air du temps TU TE SOUVIENS ?

Revenir d'exil compor te des risques, comme rentrer une aiguille dans un vieux disque… (R.Desjardins)

© Daniel Adam

qu'est-ce qui m'a pris d'ouvrir cette on est honnête. Mais oui Jeannette que le soir après dîner et la photo de la pochette est, boîte ? C'était même pas de la nos- monde est honnête, quelle question ! Regarde, comment dire, bah, voyez vous-même. Dingue, talgie, et puis j'ai horreur de ça ; faut les banques par exemple, honnêtes jusqu'au non ? on parlait de la révolution, avant, et on vivre avec son temps, comme on dit. bout de leurs villes et communes, c'est pas disait souvent, en rigolant, qu'on la ferait après J'essaye, comme tout le monde, mais beau ça ? Mince alors, je l'avais complètement la douche, mais après le dîner c'est bien aussi. sans doute que pour y voir clair, il oubliée cette pochette de Tony Danieli, son alto Sauf qu'à bien regarder dans nos assiettes, on faut être plus pugnace qu'avant. et son orchestre. faut dire, on était en 1964. le a peut-être intérêt à la commencer là aussi, la Avant quoi ? Je ne sais pas moi, vous regard qui tue de la fille sur la pochette avec un révolution. avez de ces questions ! décolleté qu'on regrette tout de suite de n'avoir pas acheté le 33 tours. Il y a deux slows : finis Tiens, frank Sinatra avec son chapeau, et dé- la guerre du Golfe, vous vous souvenez, la pre- de rêver et Du chagrin pour toujours. Je me dis filent des images de las Vegas, de mafia (qu'on mière guerre à la télé, comme un feuilleton, ou que c'est un peu ça que nous annoncent les disait), de whisky et quoi encore. Mais sa chan- bien celle de 2001, vous savez bien, les avions technocrates de l'Europe du libre échange (en- son, Strangers in the night, putain, il y a en a dans les tours et tout ça, mais là, visiblement, tendez : arnaque permanente). plus d'un qui a dû chialer en l'écoutant, quand c'était pas les mêmes qui avaient écrit le scé- elle passe dans le métro et qu'ils sont sur des nario. J'en étais où moi ? Ah oui, la nostalgie, Ben zut alors, Solange Berry. Solange Berry ! cartons à essayer de passer une nuit de plus. camarade, la nostalgie, celle qui n'est plus ce Vous vous souvenez de Solange Berry ? Moi Soit. qu'elle était. Donc, cette boîte, avec mes 45 non plus, alors pour réparer cette injustice, tours. Bob Azzam, celui de Mustapha… « Ché- j'écris son nom trois fois. quand elle chante Ne un petit dernier pour la route ? le bateau mi- rie je t'aime chérie je t'adore… ». un libanais. t'endors pas sur les lauriers, je me demande racle, une chanson, quatre interprètes : Be- Tiens, ça va aujourd'hui le liban ? si j'ai bien refilé aux plus jeunes tout ce qu'il caud, The Golden Gate quartet, Miriam Makeba fallait, question valeurs. Et puis ils en feront ce et los Wawanco. C'était une belle idée, en 68, là-dessus suit un autre Bob : Martin. Je les qu'ils veulent, mais enfin, j'espère que je n'ai un disque voué à la campagne mondiale contre avais classés par ordre alphabétique ou quoi pas oublié un truc ou l'autre, histoire que je ne la faim. Je ne sais pas si ça a vraiment marché. ? Il chantait, lui aussi, le temps des cerises, me sente pas obligé d'écrire dans trente ans « Ce qui est sûr, c'est que rester chez soi ne sert quand même. Il est où ce temps-là ? « …ne Révoltez-vous », parce qu'ils n'auront rien vu à rien non plus. D'ailleurs, je vais sortir, voir pourra jamais fermer ma douleur… ». Bon, on venir. David Whitaker interprète 4 inédits de comment va le monde aujourd'hui. se reprend, il y a Jeannette Batti, à peine ca- loulou Gasté qui, comme vous le savez, était chée derrière une ombrelle, qui chante quand le mari de line Renaud. le 45 tours s'intitule Ce Daniel Adam

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découvertes

RoMAN ESSAI/INTERNET « inefficace » de contemplation, pourtant tout aussi la merditude des choses Internet rend-il bête ? nécessaire à un esprit bien fait, ne serait-ce que Dimitri Verhulst Nicolas Carr pour consolider les connaissances apprises et évi- Editions Denoël, 2011 Robert laffont, 2011 ter qu’elles ne fassent que passer fugacement. C’est tout notre côté humain qui est en jeu. le danger A-t-on vraiment de plus étant moins qu’une intelligence artificielle surpasse en plus de mal à lire un celle de l’homme, mais plutôt que notre intelligence texte long en entier ? se nivelle au niveau de la très mécanique intelligence Est-ce normal de lire artificielle. (Aurélien Berthier) moins de livres ? Est-ce à cause d’internet ? www.nicolasgcarr.com (en anglais) Nicolas Carr, journaliste et spécialiste des nou- ESSAI/ECoNoMIE velles technologies se demande dans cette l’homme économique et le sens de la vie, étude fascinante dans Petit traité d’alter-économie quelle mesure l’usage Christian Arnsperger d’internet change la manière dont notre cerveau Editions Textuel, 2011 traite l’information. Il utilise notamment les der- nières découvertes des neurosciences sur la plas- Parmi les très nom- ticité du cerveau : celui-ci n’est pas fini une fois pour breux ouvrages qui toutes à la fin de l’adolescence mais se remodèle analysent la crise Ce roman écrit par Dimitri Verhulst a reçu en 2009 en permanence tout au long de la vie en fonction du capitalisme, et le libris literature Prize, il a été porté à l’écran par des activités principales que l’on choisit de faire. In- plus particulière- félix Van Groeningen, et a remporté le prix Art & ternet, ses outils et ses usages de plus en plus fré- ment la déroute Essai au festival de Cannes. la merditude des quents participent de fait à une reconfiguration, non systématique de choses dresse le portrait d’un clan de marginaux seulement cognitive, de nos capacité à récolter les l’ordre marchand déjantés, amoureux de la dive bouteille. un roman informations, mais aussi, anatomique, de nos or- depuis septembre tout à la fois hilarant et mélancolique. le lecteur ganes sensoriels eux-mêmes. 2008, le livre de plonge dans la Belgique profonde, un village En suivant histoire et sociologie des techniques, il Christian Arnsper- quelque part en flandre à Reetveerdegem. le per- nous rappelle qu’internet, à l’instar de l’horloge mé- ger devrait être im- sonnage Dimitri vit avec son père et ses trois on- canique, l’imprimerie ou de la carte, est une tech- pérativement lu. Il cles chez sa grand-mère, une femme conciliante qui nologie intellectuelle dont l’usage régulier influe sur est à la fois simple s’occupe des tâches ménagères, les laisse boire sa nos perceptions du monde, à un niveau individuel et dense. Il combine une vision philosophique des maigre pension et nettoie le mobilier avant le pas- comme à un niveau sociétal. Ses conclusions in- impasses de notre civilisation avec des propositions sage de l’huissier. Nous sommes bien au cœur d’un quiètent quelque peu. Internet n’attire notre atten- pragmatiques comme le revenu de transition éco- univers absurde. les Verhulst ne travaillent pas sauf tion que pour la disperser. Sans être jamais nomique. Dans le prolongement de ses œuvres pré- lorsque c’est absolument nécessaire. Ils passent le réactionnaire et en reconnaissant toujours ses bien- cédentes (Critique de l’existence capitaliste et plus clair de leur temps à se perdre dans des beu- faits, l’auteur pointe néanmoins le fait que le net est éthique de l’existence postcapitaliste, les Editions veries épiques, défendent à coups de poing l’hon- un environnement qui favorise la lecture en diago- du Cerf, 2005 et 2009), Christian Arnsperger nous neur familial, organisent des Tours de france nale, la vitesse au détriment de la qualité, l’appren- convie au travers d’un examen impitoyable de notre éthyliques ou des courses de vélo nudistes. « Mes tissage superficiel « vite vu, vite oublié », ou la « capitalisme intérieur » à une sortie existentielle du premières années, je les ai passées avec mes pa- pensée hâtive et distraite. Avec comme consé- capitalisme par une prise et conscience du rôle cen- rents dans la Kantonstraat, dans la minuscule cour quences : un déficit d’attention (du aux liens hy- tral de nos désirs consuméristes pour conjurer d’une ruelle disposant d’une pompe à eau collec- pertextes et aux interruptions fréquentes) ; une notre double finitude, celle des autres et celle de tive et de toilettes communistes, c’est-à-dire un trou surinformation stérilisante (être partout, c’est être notre mort. Indispensable pour vivifier l’éducation dans une planche placée exactement au-dessus du nulle-part) ; une altération de notre mémoire (car populaire dans une perspective critique de l’an- puits perdu. les murs intérieurs du living étaient sous-traitée aux banques de données) ou encore thropologie aliénante qui préside à notre destin. trempés et dans le bois vermoulu des châssis on une mécanisation des processus de l’exploration in- (Jean Cornil) enfonçait des boules de papier froissé contre les tellectuelle (on se moule aux logiques du pro- courants d’air. » un roman que vous prendrez plai- gramme) qui se répercute dans tous les aspects de sir à lire et qui vous transporte dans une autre di- notre vie. www.editionstextuel.com mension. (Sabine Beaucamp) Nous lisons certes plus vite que jamais (« efficace- ment »), mais nous sommes de moins en moins in- www.dimitriverhulst.net (en néerlandais) cités à comprendre un texte en profondeur. la pertinence made in Google (rapidité de la re- cherche, accès en priorité aux pages les plus po- pulaires) remplace peu à peu le creusement du sens et rend de moins en moins fréquent le moment

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découvertes

la finance imaginaire ESSAI / PHIloSoPHIE Tous philosophes, les grandes idées tout Anatomie du capitalisme des simplement « marchés financier s » à l’oligarchie une Rolex à 50 ans, A-t-on le droit de ouvrage collectif Geoffrey Geuens rater sa vie ? Prisma, 2011 Aden, 2011 Yann Dall’Aglio flammarion, Antidote, 2011 Je persiste à croire, Jacques Séguéla à Télé- contre ceux matin le 13 février 2009 : qui me taxe- « Comment peut-on re- ront de vec- procher au président de teur d’une la République d’avoir une pensée trop Rolex ? une Rolex, enfin ! stratosphé- Tout le monde a une rique pour Rolex ! Si à 50 ans on n’a nourrir les pas une Rolex, on a insubordi- quand même raté sa nations du vie ! ». Cette incroyable p r é s e n t , affirmation, contre la- que le long chemin de la philosophie peut non seu- quelle le publicitaire se rétractera une semaine plus lement servir à s’élever un petit peu plus soi-même, les marchés euphoriques, les marchés inquiets et tard, traduit parfaitement l’inconscient qui irrigue le mais également fournir, avec les sciences humaines, à rassurer à coup de plan d’austérité… Mais qui propos de notre époque. Des signes extérieurs de un bagage conceptuel utile au décryptage du réel et sont les marchés ? Sait-on seulement qu’ils ont des richesse, une accumulation infinie de biens et votre donc aux stratégies pour les transformer. C’est noms et des adresses bien précises ? Et si on sait vie trouve tout son sens : travaillez plus pour gagner pourquoi, au fil des numéros d’Agir par la culture, je les identifier, pourquoi n’est-ce pas plus simple d’in- plus pour consommer plus ! Et ma Swatch ? à l’in- pense judicieux d’attirer l’attention sur des initia- tervenir ? Pourquoi malgré les discours incanta- verse de tout un mouvement, à la fois intellectuel et tions, modestes, mais pédagogiques, à la réflexion toires prônant une régulation des marchés, rien ne très concret, qui valorise la frugalité, la croissance et à la jubilation que peut apporter la fréquentation change ? Pourquoi une différence telle entre dis- spirituelle, la lenteur, le silence, la contemplation… de grands écrivains et savants qui ont tenté de dé- cours anticapitalistes qu’on a vu fleurir à droite et qui porte la critique majeure au matérialisme ivre chiffrer les enjeux qui se posent à l’homme depuis comme à gauche et les actes politiques qui les met- qui assigne une direction à nos existences : acheter les origines. Pour reprendre la maxime d’Emmanuel traient en œuvre ? avec de l’argent que l’on n’a pas, des biens dont on Kant : que puis-je connaître, comment dois-je me En fait, si la phrase « l’état doit reprendre la main n’a pas besoin pour impressionner des gens que comporter ; que m’est-il permis d’espérer ? les uni- sur la finance » est l’une des plus prononcées cette l’on n’aime pas. Au départ de ce condensé central versités populaires, de celle de Caen avec Michel année, elle l’est en majorité par un personnel poli- de notre modernité, tel qu’exprimé par Séguéla, onfray à celles de liège ou de Bruxelles, représen- tique très investi dans le monde des affaires et qui, Yann Dall’Aglio construit un petit bijou de philoso- tent une magnifique voie pour démocratiser la partant, aura du mal à abjurer ses engagements phie dans la collection Antidote au profit de ceux qui connaissance et aiguiser l’esprit critique qui fait tant précédents. Comme jadis le sociologue américain veulent, au-delà des consensus mous et des fausses défaut en cette surmédiatisation persistante. la lec- Charles Wright Mills (l’élite du pouvoir, les Cols évidences, se construire un regard sur le monde ture permet aussi cette familiarisation avec des œu- blancs), Geoffrey Geuens opère une sociologie des par eux-mêmes et pour eux-mêmes. (JC) vres souvent complexes pour autant que l’auteur élites et conclut à la présence d’un appareil non pas possède les vertus didactiques, ce qui n’est pas si militaro-industriel, mais politico-financier. En son http://editionsflammarion.flammarion.com/ fréquent. En témoigne le travail de Charles Pépin, sein, la porosité entre milieux politiques et milieux collaborateur au très stimulant Philosophie Maga- d’affaires est totale. on ne compte plus les allers-re- la planète des sages, Encyclopédie mon- zine, dont j’ai présenté dans cette rubrique « Ceci tours entre hauts postes de compagnies (médias, diale des philosophes et des philosophies n’est pas un manuel de philosophie ». Il récidive avec énergie, distribution) et fonctions politiques déter- Charles Pépin et Jul le dessinateur Jul pour dresser avec humour les minantes, et ce, quelle que soit la couleur politique Dargaud, 2011. portraits et les systèmes des grands penseurs de de ses acteurs. l’histoire et pas celle parfois trop exclusive de la ra- l’oligarchie, loin d’être un fantasme de complotistes, tionalité occidentale. En témoigne aussi l’ouvrage est une réalité qui est ici mainte fois démontrée et collectif édité à la fois à londres et à New Delhi, qui documentée. l’ouvrage est aussi l’occasion de mon- dresse un panorama mondial de la philosophie en ter les capacités performatives des acteurs du mar- invitant, enfin car c’est relativement rare, des intel- ché qui, par leurs discours, instituent des situations lectuels africains. (JC) bien réelles. Il présente en outre une présentation des acteurs les plus représentatifs du capitalisme www.dargaud.com anglo-saxon qui domine actuellement et dont les im- brications entre pouvoirs publics et groupes finan- ciers est l’une des caractéristiques principales. (AB)

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ESSAI/ENVIRoNNEMENT l’homme. Il faut éviter que ce berceau ne devienne Paru pour la première fois en 1848, le Manifeste du notre tombeau collectif, telle est notre tâche. « Seule parti communiste a eu le retentissement sur l’his- l’animal est l’avenir de l’homme force originale du demi-siècle écoulé, écrit Bruck- toire que l’on connaît (participant tout de même à Dominique lestel ner, l’écologie, c’est son mérite, a remis en cause quelques révolutions d’envergure). Cette publica- fayard, 2010 les finalités du progrès, posé la question des limites. tion prend place à un moment où la pensée marxiste Elle a réveillé notre sensibilité à la nature, souligné opère un retour en force dans le champ intellectuel « Ceux qui se les effets du dérèglement climatique, constaté après une période de bannissement, « fin des idéo- soucient des ani- l’épuisement des ressources fossiles. à partir de ce logies » oblige. Publiée par l’éditeur bruxellois Aden, maux ne sont pas credo collectif s’est greffée toute une scénographie cette version du Manifeste reprend le texte original des femmes ou de l’apocalypse. l’écologie est devenue l’humeur enrichi des préfaces successives écrites par ses au- des adolescents dominante de ce début de siècle ». teurs, Marx et Engels. Celles-ci témoignent de l’évo- à la sensibilité le souci de l’environnement est légitime poursuit lution du mouvement ouvrier à la fin du 19è siècle. exacerbée, mais Bruckner, mais le catastrophisme nous transforme Des notes (celles de Engels comme celle de divers des individus qui en enfants qu’on panique pour mieux les comman- commentateurs) viennent ajouter à la compréhen- constituent der. Derrière les commissaires politiques du car- sion et la contextualisation du document politique. l’avant-garde bone, c’est peut-être un nouveau despotisme à la Il est illustré de belles et nombreuses gravures ex- d’une nouvelle chlorophylle qui s’avance écrit-il encore. C’est sûr, ce pressionnistes du belge frans Masereel. culture en gesta- livre bouscule. Il n’y va pas de main morte Pascal Ce texte d’une centaine de pages résume la pensée tion. Car qui s’at- Bruckner. Malheureusement, ce pamphlet contre marxiste et donne à lire une version de combat du taque aux animaux agresse aussi l’homme. Et l’écologie reste à l’état de pamphlet, point. En effet, socialisme. Il rend centrale la lutte des classes arguer qu’aimer l’animal revient à détester l’homme il ne contient et ne s’appuie sur aucune donnée chif- comme moteur de l’histoire alors que se développe est une ineptie qui devrait faire honte à ceux qui la frée, aucune rigueur scientifique, il est creux, sans la révolution industrielle et une féroce exploitation professent » écrit Dominique lestel en ouverture argument, ni preuve. Pascal Bruckner s’abandonne des travailleurs. Il insiste sur un internationalisme d’un passionnant petit livre consacré aux rapports complètement à écrire son hostilité à la critique de la lutte à une époque de durcissement des na- entre les animaux et les hommes. le débat sur l’hu- « verte ». un livre finalement peu constructif qui ne tionalismes. Et il appelle au remplacement de la so- manité et l’animalité devient aujourd’hui de plus en s’emploie qu’à déconstruire le kit de base de l’éco- ciété bourgeoise où les prolétaires sont soumis à la plus central. De élisabeth de fontenay à Peter Sin- logie bienpensante, et qui n’apporte aucune alter- classe par une société communiste. Dans celle-ci, ger, de Vinciane Despret à Jonathan Safran foer, les native. à lire si vous pensez qu’une course de la propriété bourgeoise (privée) serait abolie, l’éga- essais se multiplient sur cette question complexe vitesse est engagée entre les forces du désespoir et lité entre tous les hommes (et femmes) établie, l’im- que beaucoup encore considèrent comme secon- les puissances de l’audace. (SB) pôt progressif mis en place, l’héritage serait daire, voire ridicule. Je pense tout le contraire. l’ani- supprimé, les moyens de transport et le secteur mal est notre interlocuteur, notre partenaire http://www.grasset.fr bancaire nationalisé, l’éducation publique rendue privilégié. Pour autant que nous rompions avec le gratuite pour tous et le travail des enfants abolis. à mythe multiséculaire de l’homme insulaire, arraché ESSAI/PolITIquE lire ou relire dans cette édition agréable pour ceux à la nature, étranger et perdu dans ce monde qui veulent se targuer de connaître l’histoire de la comme l’affirmait Jean-Paul Sartre. « le vrai pro- le manifeste du par ti communiste gauche et s’apercevoir des permanences du sys- blème existentialiste de l’homme n’est pas que sa Karl Marx et friedrich Engels tème capitaliste. (AB) vie n’ait aucun sens et qu’elle soit absurde, mais Illustration par frans Masreel qu’elle s’inscrive au contraire au plus profond d’elle- Aden, 2011 (1848) www.aden.be même dans le développement et l’extension du vi- vant » écrit encore Dominique lestel. (JC) l’extinction des lumières olivier Starquit www.fayard.fr les Territoires de la Mémoire, 2011

le fanatisme de l’Apocalypse Pourquoi adhérons- Pascal Bruckner nous benoîtement à un Grasset, 2011 système qui nous op- prime ? Pourquoi, nés le nouvel ouvrage de libres, consentons- Pascal Bruckner « le fa- nous à vivre dans les natisme de l’Apoca- fers, selon la maxime lypse » n’est pas tendre de Jean-Jacques Rous- avec l’écologie. Il tient seau. Pourquoi cette une plume plutôt incisive servitude volontaire, à son égard. la planète selon l’œuvre fameuse est malade. l’homme est de étienne de la Boé- coupable de l’avoir dé- tie ? olivier Starquit, au départ d’une judicieuse pré- vastée. Il doit payer. Sau- face de Jacques Généreux, tente une adaptation ver la terre, punir moderne de l’exploitation consentie. Dans

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« l’extinction des lumières », il met en relief tous riche en exemples relatifs à de nombreuses situa- s’intéresse aux moyens d’améliorer le système édu- les éléments, de la langue à la publicité, du forma- tions vécues. Serge Saada montre comment des ac- catif. (AB) tage de l’information au culte du consommateur, qui tions menées dans l’esprit de l’éducation populaire nous conduisent à nous résigner au monde tel qu’il soulèvent des questions purement esthétiques, à www.cultureetdemocratie.be est et à nous priver de tout imaginaire alternatif. même de faire évoluer les contenus et la pratique l’idéal du XVIIIe siècle d’un homme autonome, libre artistique. Il cherche à réconcilier l’exigence esthé- MuSIquE/RoCK et tendu vers un futur de promesses, s’effondre. tique à la préoccupation citoyenne. Serge Saada l’obscurité et l’obscurantisme imprègnent nos cer- était invité à la table ronde des Journées la Scène The feelies veaux et notre rapport aux autres dans la gestion – organisées en partenariat avec PAC à l’IHECS Here Before la digestion ? – de la cité. Nous sommes devenus (Bruxelles) les 18 et 19 octobre sur le thème : « Pu- Bar/None Records/Namskeïo, 2011 des spectateurs de nos vies et du grand spectacle blics de la culture : savoir réinventer pour faire mondialisé. Ce petit livre salutaire est une élévation sens ». Son discours fut fort apprécié. (SB) vers la lucidité et la prise de conscience des grilles invisibles qui enferment notre regard critique et www.editions-attribut.fr amoindrissent nos horizons. (JC) ESSAI/ENSEIGNEMENT www.territoires-memoire.be les Cahiers de Culture et Démocratie N°3 ESSAI / CulTuRE l’indispensable révolution Culture et création au cœur de l’enseignement Et si on par tageait la Culture ? Culture et démocratie, 2011 Serge Saada Editions de l’attribut, 2011 Ce numéro 3 des Cahiers de Culture et Dé- mocratie est consacré à la place et au rôle de l’art, de la culture et de la création dans l’ensei- gnement. Il présente les synthèses et conclusions des débats de 6 tables-rondes organisées par Surprise surprise “The feelies” groupe américain, l’ASBl Culture et Démocratie qui sont à chaque fois auteur de quatre albums entre 1980 et 1991, vien- assorties d’un commentaire critique. l’ouvrage se nent 20 ans plus tard, avec Here Before, de sortir termine sur un « nouveau contrat culturel pour l’en- un nouvel album ! C’est en 1986 que The feelies seignement », proposition d’un renouvellement des ont véritablement décollé avec leur album intitulé paradigmes de l’enseignement obligatoire et supé- « The Good Earth ». une pop aérienne, psychédé- rieur qui émane de ces travaux afin d’initier « l’in- lique inspirée par le Velvet underground et les re- dispensable révolution » du secteur. Il y est grettés REM. Certes, 20 ans ont passé, mais l’on questions des pédagogies alternatives, de l’éduca- n’a rien vu venir. Non, non rien n’a changé, « Here tion à l’image, de la formation culturelle et artistique Before » est plaisant, on y retrouve avec bonheur, dans l’enseignement supérieur, du projet « art et sans aucune pointe de nostalgie, les mêmes spi- école ». Cet ouvrage collectif aborde de manière rales de guitares effilées, la même voix sombre transversale ces thématiques et permet une ré- même s’ils n’affichent plus leurs airs de students flexion sociétale plus large encore. Il s’agit de re- universitaires, le temps ayant fait son travail. à mettre l’art et la culture au centre de l’écoute de l’album on replonge dans les années 80, l’enseignement (et de la formation des ensei- exactement à l’identique. le seul intérêt, c’est que gnants), qui est actuellement largement consacré à les générations actuelles puissent découvrir un l’utilitaire, en reconnaissant à ceux-ci des capacités groupe qui a enjoué toute l’ère punk. Cela suffit pour Il s’agit d’un essai sur la médiation culturelle et le non seulement émancipatrices aussi pédagogiques. dire qu’il faut s’y référer. Pour les plus vieux d’entre potentiel du spectateur qui place la culture en ques- leur rôle pour élargir le spectre des connaissances nous, c’est un bon rafraîchissement musical. Ne pas tions. fort de son expérience, Serge Saada illustre ou le langage est à légitimer au sein de l’institution passer à côté donc. (SB) avec un regard sensible les conclusions des études et il faut rendre tangible les nombreux ponts entre faisant apparaître des inégalités sociales dans la art et savoir qui existent. C’est grâce à eux qu’on www.thefeeliesweb.com fréquentation des théâtres. Il dépasse toutefois le pourra par exemple diffuser une compréhension cri- simple constat pour défendre l’idée du potentiel du tique du monde de l’image dans lequel nous bai- spectateur, d’un spectateur à qui on laisserait le gnons. Il s’agit également de clarifier le rôle du temps de se construire, d’un individu dont la propre médiateur culturel au sein de l’institution scolaire, culture ne serait pas jugée comme illégitime face à mais aussi d’aller vers la généralisation des prin- la culture instituée. le médiateur culturel a un rôle cipes et méthodes de l’enseignement dit alternatif essentiel à jouer, celui de passeur qui sait se retirer à l’ensemble des écoles francophones. Propos no- au moment opportun pour laisser à l’individu la pos- vateurs, réponses et propositions concrètes à des sibilité de continuer seul le chemin. le médiateur problèmes bien posés donnent toute son impor- n’amène rien et surtout pas la culture. Ce livre est tance à cet ouvrage peu onéreux (5 euros) pour qui

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John Cale déclenché. Ils écrivent la même année un album Snowy Red Paris 1919 pour Henri Salvador « Chambre avec vue » qui rem- The ultimate Edi- Warner Records, 2011 porte deux Victoires de la musique en 2001 et les tion 1980-1984 font dès lors entrer dans la sphère des auteurs- onderStroom John Cale vient de compositeurs. Avec son sixième album studio, la Records, 2010 sortir dans son chanteuse a opté pour un univers aux sonorités pop et électro. Ce qui est totalement différent des pré- Snowy Red était intégralité, une cédents albums, beaucoup plus susurrés. on a l’im- l’un des groupes reprise de son pression qu’avec ce sixième album « 101 », elle se de la scène élec- album paru en révèle sous les traits d’une femme beaucoup plus tro belge les plus 1973 « Paris affirmée, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Elle inspirées des années 80. Maîtrisant les ondes mini- 1919 ». C’est nous plonge dans un univers musical à la fois teinté males et un chant éthéré, proche des Tuxedomoon avec bonheur, de fragilité et d’intensité. (SB) et autre Digital dance, le groupe a composé des mor- délectation, que ceaux/complaintes proche d’un Suicide, mais typi- www.kerenann.com quement belge, qu’il détaille en quatre albums : l’on prend plaisir à écouter un chef-d’œuvre lumi- Snowy Red, The Right To Die, Vision et The Beat is neux, solaire de l’Histoire de la musique rock qui n’a u.S. Girls over. quelques perles de l’électropop intemporelle pris aucune ride en trente ans. l’intemporalité de Go grey telle que « So low » (en collaboration avec la mysté- sa beauté est restée intacte. Membre du légendaire Siltbreeze, 2010 rieuse Carol), « Euroshima », « Come on dance » ou Velvet underground de 1965 à 1968 (date à la- « Maud is dead » ont depuis rejoint le panthéon des quelle il quitta le groupe pour un problème d’ego les song-writer tubes underground coldwave. la mort de son chan- avec lou Reed), il est tour à tour auteur-composi- girls se multiplient teur et principal fondateur Micky Mike en 2009 em- comme des petits pêcha malheureusement un projet de reformation. teur interprète, multi-instrumentaliste. Il entama sa pains ces der- leurs deux premiers disques ont été réédités en vi- carrière solo en 1970. Pionnier de la scène punk- nières années. Il nyle tout récemment par onderstroom Records. à se rock, il a collaboré avec de nombreux artistes, tels s’agit d’abord des procurer directement chez les disquaires s’il en que : Patti Smith, The Modern lovers, The Stooges, folk-girls redécou- existe encore près de chez vous. la fierté du pays ! , Phil Manzanera, Nico etc. Son album « vertes après des (AB) Paris 1919 » est une véritable perle discographique, décennies d’oc- cultation. Ainsi Sy- www.myspace.com/snowyred composé de chansons fortes, sans artifice quel- bille Baier aux compositions dépouillées et conque. Sa renaissance 37 ans plus tard, permet- émouvantes enregistrées dans les 70’s. on ne doit Penguin Cafe orchestra tra aux jeunes générations de découvrir sa musique leurs sorties en disque qu’à la découverte de ces glam rock, garage rock et remémorera aux plus enregistrements par ses enfants au grenier qui ont, J Records, 2011 vieux l’inestimable talent qu’est celui de John Cale. à juste titre, estimé qu’il fallait le partager avec le à écouter de toute urgence et sans modération ! monde. ou encore Vashti Bunyan, géniale auteure Ce groupe an- (SB) folk que ne renierait pas un fan de Patti Smith ou glais, apparu en Nick Drake, qui abandonna sa carrière en 1970, 1974, est un www.john-cale.com faute de succès. Mais il s’agit aussi des lo-fi girls groupe peu actuelles, qui ont rajouté à ce folk minimaliste et ex- banal, dont la Keren Ann pressionniste tout l’héritage du mouvement riot musique est qua- 101 grrrls des années 90 ainsi que des sonorités issues siment inclassa- EMI, 2011 d’univers aussi différents que l’indus, l’électro ou ble. formé par les scènes expérimentales. Dans la lignée des Co- , ce Depuis quatre corosie (mais en mieux et moins lassant), des ar- groupe ne ans, on s’interro- tistes comme Jana Hunter ou u.S. Girls proposent compte à ses débuts que deux permanents à savoir : geait sur l’ab- un folk tourmenté où les guitares et voix passent Simon Jeffes (guitariste) et Helen liebmann (violon- sence de par une série d’effets. u.S. girls c’est Meghan Remy, celliste). Au gré de 24 ans de composition, Simon nouveaux albums une musicienne de Baltimore à la pop bruyante et Jeffes recrute à chaque fois des musiciens différents de Keren Ann déconstruite qui fabrique des paysages musicaux pour ses albums. Décédé en 1997, c’est désormais dans les bacs. la d’une beauté complexe. on a pu dire d’elle qu’elle son fils Arthur qui a pris la relève et la direction du chanteuse et mu- était la Brian Eno des années 50 mais, précisons, groupe. Penguin Cafe s’est créé avec comme leitmo- sicienne néerlan- des années 2250. Elles et les autres sont à savou- tiv de mettre de côté leur formation classique, en daise Keren Ann rer un peu partout sur internet. (AB) 1976 ils réalisent la première partie du concert de revient en 2011 avec un album intitulé “101” et un . à cette époque leur 1er album sortait sous premier single « My name is trouble ». C’est en 1997 http://www.myspace.com/sibyllebaier le label expérimental de Brian Eno (excusez du que Keren Ann démarre sa carrière, elle est alors http://www.myspace.com/vashtibunyan peu !). S’il fallait définir au mieux la musique de Pen- assez ignorée du public. Jusqu’à sa rencontre avec http://www.janahunter.tk/ guin Cafe, on pourrait dire que l’on passe de la gui- Benjamin Biolay, où la complicité aidant, tout s’est http://www.myspace.com/usgirlsss tare aux synthés en passant par le ukulélé, le

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trombone, etc. Au fil des albums, on l’identifie mieux Cet album hommage (un espèce de « solitude peuplée », oscillant entre ennui, en y retrouvant des similitudes folkeuses à la Yann de plus me direz-vous !) désabusement, abus d’alcool et de filles, amoureux Tiersen ou à l’esthétique du compositeur américain consacré au grand ar- de sa ferrari, qui fait l’objet de longues séquences . En 2011, Arthur Jeffes dirige et sort l’al- tiste qu’était Bashung, dans le film. on le voit souvent rouler sur des routes bum « Glassheart », une pure merveille pour les ama- n’a pu voir le jour que si aux grandes étendues qui mènent on ne sait où. un teurs de musique minimaliste et répétitive. Album les interprètes qui se beau matin, sa fille Cleo de 11 ans, vient vivre à ses vivement conseillé, qui vous donnera sûrement l’en- sont approprié un de côtés pendant quelque temps. le temps que sa mère vie d’écouter toute la discographie de Penguin Cafe. ses titres, étaient des prenne du recul et réfléchisse. A partir de là, Johnny (SB) amis proches, des gens qu’il aimait ou avec qui il Marco savoure chaque instant passé avec sa fille et avait travaillé. Ce CD/DVD hommage s’adresse à la se rend compte qu’au fond en ces 11 ans d’absence, www.penguincafe.com fois à des amoureux de versions alternatives aux suc- il a tout raté. Sa vie prendra désormais un autre sens, cès du disparu ou à des amoureux des artistes qui Johnny a découvert la richesse sentimentale de cet The Kinks se sont livrés à l’exercice. Chacun d’entre eux a choisi ange blond. Auréolé du lion d’or à la dernière Mostra Something Else le morceau qu’il a eu envie de reprendre et a eu une de Venise, ce film a été très mal reçu par la critique. Sanctuary uK, 2011 totale liberté d’interprétation pour retravailler le mor- la plastique est très réussie, très soignée, sûr on re- ceau comme il l’entendait, avec les musiciens et les trouve là le talent de Sofia Coppola, mais pour le reste Plus encore que les producteurs qu’il souhaitait. Doté d’une pochette la déception est bien présente, on attend que le film Beatles ou les Who, les sympa sous les traits de crayon de Moebius, cet décolle, ce qui n’arrive jamais et quand la fin s’an- Kinks dans les années album propose des titres appartenant à la deuxième nonce, c’est comme si deux heures durant, on n’avait 60 incarnent à eux seuls partie de la carrière de Bashung, celle que l’on aime rien vu venir. à voir si vous aimez « The Strokes », la tous les thèmes, toutes le plus. Ainsi, Noir Désir reprend le titre « Aucun ex- musique du film est plaisante, mais pour le reste on les images, toute la my- press » de l’album fantaisie militaire. Gaëtan Roussel passera allègrement son tour ! (SB) thologie de la pop an- propose une version originale de « J’passe pour une glaise. Ils ont inspiré et caravane ». Dionysos regorge toujours autant de www.somewhere-lefilm.com/sofia-coppola propulsé à l’avant-plan beaucoup de groupes, deve- nervosité et d’inventivité avec « 2043 ». Christophe Submarine nus par la suite, légendaires dans l’Histoire du Rock. reprend avec brio « Alcaline ». Miossec -et ça lui va un film de Richard Ayoade En juillet 2011, vient de ressortir le double CD « So- bien- s’essaie à « osez Joséphine ». la surprise vient 2011 mething Else » (Editions Deluxe), album paru en de la gente féminine, Vanessa Paradis et Keren Ann, 1965. la pochette ne s’y trompe pas, elle conserve dont les interprétations sont assez inattendues. la Décalé, c’est le mot bien le style de l’époque. Cet album est étrange, ab- première propose une version folk d’ « Angora », la qui convient le mieux solument irrésistible, captivant, intemporel, teinté seconde lance une version électro de « Je fume pour à cette comédie dra- d’un air de mélancolie. on y retrouve des chansons à oublier que tu bois ». Citons également « Ma petite matique. oliver Tate, boire « Harry Rag », des chansons contestataires, des entreprise » reprise par Benjamin Biolay dans une le personnage princi- chansons populaires de caractère qui parlaient des version dandy. Côté moins réussi, M interprète « Ma- pal vit une adoles- réalités sociales de ces années-là : «Situation va- dame rêve », Raphaël , un peu faiblard « l’apiculteur » cence compliquée, cant » ; « Waterloo Sunset » ; « Death of a clown ». En et les BB Brunes « Gaby oh Gaby », no comment ! doux rêveur, sensible, 1965, l’album « Something else » se bouclait au mo- (SB) il voudrait sortir de ment où les Beatles sortaient « Sgt’s Peppers », il est www.alainbashung.fr ses pensées plato- un fait que les Kinks n’ont jamais réussi à s’installer niques, pour connaître les vrais plaisirs de chair dans les charts américains pendant la British Inva- avec Jordana une collégienne pleine d’aplomb. Mais CINEMA/DVD sion. Car c’était sans compter sur la rivalité de choc la rude vie scolaire lui fait goûter au harcèlement, avec les Rolling Stones, les Who, les Beach Boys ou aux blessures assassines. Plongé dans le dico, il dé- encore les Byrds. Ce qui est certain, c’est qu’ils ont Somewhere un film de Sofia Coppola2011 tient un vocabulaire improbable, ce qui le rend sûr servi de modèle à d’autres chroniqueurs de l’Angle- de lui. l’histoire fera mener à oliver Tate, deux com- terre quotidienne, tels Paul Weller des Jam, Morris- Sofia Coppola signe ici bats de front, le sien, celui de la conquête de Jor- sey ou Jarvis Cocker de Pulp. à l’époque avec leur son quatrième long-mé- dana, il apprendra à découvrir et à définir ses morceau « lola », ils abordaient avant tout le monde trage. « Somewhere » responsabilités amoureuses. Et celui de ses parents des thèmes comme les travestis et l’homosexualité, n’est pas son meilleur, dont le père est dépressif et la mère revit une se- qui seront repris par le glam rock (David Bowie, T.Rex, loin de là. Son scénario conde adolescence en compagnie de son premier Roxy Music). Ce double CD est du pur bonheur, il est est pauvre en action, en amour devenu une sorte de gourou qui dégage une du genre à vous faire danser seul(e) au beau milieu dénouement, il s’affuble zénitude douteuse et qui vient s’installer en face de de sa cuisine ! à ajouter d’urgence à votre collection d’une lenteur désar- chez eux ! Absolument désopilant, plein de subtilités musicale (SB) mante. l’histoire ne dé- sur fond d’humour très très british. Vaut le détour, marre pas vraiment, un bon moment cinéma. www.thekinks.info pour faire court Johnny un premier film d’un réalisateur prometteur (SB). Marco, acteur à la réputation agitée, vit dans un hôtel Tels Alain Bashung légendaire de Hollywood. Cette star de cinéma au film disponible en DVD en décembre 2011 Compilation bord du gouffre et de l’overdose mondaine vit une Barclay, 2011 www.marsfilms.com/film/submarine

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