Réponse des communautés végétales des tourbières à l’arrêt du broutement par le cerf de Virginie à l’île d’Anticosti

Mémoire

Milène Courchesne

Maîtrise en biologie végétale Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

© Milène Courchesne, 2016

Réponse des communautés végétales des tourbières à l’arrêt du broutement par le cerf de Virginie à l’île d’Anticosti

Mémoire

Milène Courchesne

Sous la direction de :

Monique Poulin, directrice de recherche Stéphanie Pellerin, codirectrice de recherche

RÉSUMÉ

Les cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) utilisent abondamment les tourbières sur l’île d’Anticosti. En effet, dans un contexte de densité élevée et d’absence de prédateurs, les tourbières représentent des aires d’alimentation alternatives. Or, cette utilisation peut entraîner des changements dans leurs communautés floristiques en raison du broutement sélectif et du piétinement. Ce projet vise à déterminer les effets du retrait du cerf sur les communautés végétales de différents types de tourbières : 1) ombrotrophes (bogs) et 2) minérotrophes (fens ouverts et arbustifs) ainsi que 3) leurs bordures (laggs). Un dispositif comprenant 53 exclos appariés à une parcelle avec cerfs a été mis en place en 2007 et a été suivi quatre fois sur huit ans par des inventaires floristiques. Ce suivi a d’abord permis de caractériser la flore des tourbières après l’exclusion des cerfs, d’analyser le rétablissement dans le temps des communautés végétales des différents types de tourbières après l’exclusion des cerfs puis de comparer les réponses à l’exclusion selon la productivité des sites. Les résultats ont montré que les laggs étaient des habitats riches en espèces qui possédaient une flore unique. Dans les laggs et les fens arbustifs, la composition végétale des exclos s’est différenciée de celle des parcelles avec cerfs au fil des années, favorisant certaines espèces broutées par le cerf, notamment Sanguisorba canadensis et Betula pumila tandis que des espèces tolérantes au broutement comme Trichophorum cespitosum et Dasiphora fruticosa ont bénéficié de la présence des cerfs. La diversité bêta était plus élevée dans les exclos que dans les parcelles soumises au broutement dans les tourbières à pH élevé, suggérant que les cerfs mènent à l’homogénéisation dans les tourbières les plus productives. Les plans de conservation de la diversité végétale des tourbières de l’île d’Anticosti devront tenir compte que la réponse de la végétation à l’arrêt du broutement par les cerfs varie selon le type d’habitats et selon la productivité.

III

ABSTRACT

White-tailed deer (Odocoileus virginianus) are regular users of peatlands on Anticosti Island. In a context of high density of herbivores and absence of predators, peatlands may become new feeding areas. Intensive use of peatlands by deer may lead to changes in these communities by trampling and selective browsing. This project aims to determine the impacts over several years of deer browsing on plant communities in peatlands by comparing different types of peatlands: ombrotrophic (bogs) and minerotrophic (open and fens) and their edges (laggs). A total of 53 exclosures paired with a browsed plot were installed in 2007 and surveyed four times over eight years by floristic surveys. This survey describes the flora of the island’s peatlands after deer exclusion. It also assesses the recovery over time of peatland vegetation communities after deer exclusion and compares the responses among habitat type and site productivity. Results showed that laggs are species rich habitats with a unique flora. In laggs and shrub fens, vegetation composition of exclosures changed over time compared to browsed plots, promoting growth of palatable species such as Sanguisorba canadensis and Betula pumila, while deer-tolerant species like Trichophorum cespitosum and Dasiphora fruticosa benefited from browsing. Beta diversity was higher in exclosures than in browsed plots for peatlands with high pH, which suggests that deer browsing leads to biotic homogenization of more productive peatlands. Conservation plans targeting plant diversity in peatlands of Anticosti Island should consider that vegetation response varies according to habitat type and site productivity.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ...... III ABSTRACT ...... IV LISTE DES TABLEAUX ...... VII LISTE DES FIGURES ...... VIII LISTE DES ANNEXES ...... IX REMERCIEMENTS ...... X AVANT-PROPOS ...... XII CHAPITRE 1 ...... 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE ...... 1 La perturbation écologique et comment la mesurer ...... 2 Résilience et résistance ...... 2 Mesures de composition et de diversité végétale ...... 3 Les grands herbivores : une perturbation chronique menant à des changements de composition et de diversité forestière ...... 3 Les grands herbivores et la composition végétale ...... 5 Les grands herbivores et la diversité végétale ...... 5 Le cas de l’île d’Anticosti ...... 6 Les tourbières : une aire d’alimentation alternative pour les cerfs de Virginie ...... 7 Les tourbières : une vue d’ensemble ...... 8 Définition et processus de formation des tourbières ...... 8 Types de tourbières et succession végétale ...... 8 Gradients de végétation ...... 10 Les différents types de tourbières et leur utilisation par les herbivores ...... 11 Les impacts des grands herbivores sur les tourbières ...... 11 Objectifs et hypothèses de recherche ...... 13 CHAPITRE 2 ...... 15

PORTRAIT DE LA FLORE DES TOURBIÈRES DE L’ILE D’ANTICOSTI APRÈS L’EXCLUSION DES CERFS DE VIRGINIE ...... 15 Résumé ...... 16 Introduction ...... 16 Méthodes ...... 17 Aire d’étude ...... 17 Design expérimental et inventaires de végétation ...... 18 Conditions environnementales ...... 19 Analyse des données ...... 20

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Résultats ...... 22 Diversité ...... 22 Espèces indicatrices et composition en espèces ...... 24 Changement de couvert végétal depuis l’installation des exclos ...... 27 Conditions environnementales ...... 28 Relation entre la végétation et les variables environnementales ...... 31 Discussion ...... 31 Diversité de la flore des tourbières à la suite de l’exclusion des cerfs ...... 31 Espèces ayant répondu à l’exclusion des cerfs ...... 33 Conditions environnementales expliquant la diversité végétale ...... 33 Conclusion ...... 34 CHAPITRE 3 ...... 35 CHRONIC DEER BROWSING LEADS TO BIOTIC HOMOGENIZATION OF PRODUCTIVE PEATLANDS ...... 35 Résumé ...... 36 Abstract ...... 36 Introduction ...... 37 Methodology ...... 39 Study area ...... 39 Experimental design ...... 40 Sampling ...... 40 Data analyses ...... 41 Results ...... 42 Changes in vegetation composition over time ...... 42 Structure and vegetation cover ...... 45 Beta diversity ...... 46 Discussion ...... 47 Changes in vegetation composition and structure in shrub fens and laggs ...... 47 Biotic homogenization of vegetation in more productive habitats ...... 49 CHAPITRE 4 ...... 51 CONCLUSION GÉNÉRALE ...... 51 Apports de l’étude ...... 52 Limites de l’étude ...... 53 Implications pour la conservation ...... 54 RÉFÉRENCES ...... 56 ANNEXES ...... 66

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1.1 Définitions des différents types d’habitats tourbeux étudiés ...... 9 Tableau 2.1 Richesse totale des plantes dans chacun des quatre types d’habitats de tourbières pour l’année 2007 et 2015 de l’île d’Anticosti...... 22 Tableau 2.2 Les valeurs indicatrices des espèces selon les strates de végétation de chacun des types d’habitats tourbeux de l’île d’Anticosti...... 25 Tableau 2.3 Nombre d’espèces indicatrices selon les années pour chacun des types d’habitats tourbeux de l’île d’Anticosti et pour chacune des strates de végétation...... 26

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LISTE DES FIGURES

Figure 2.1 Localisation des 53 exclos situés dans les différents types d’habitats des tourbières dans la partie ouest de l’île d’Anticosti (Québec, Canada)...... 19 Figure 2.2 A) Richesse en espèces B) Indice de Shannon et C) Indice de Simpson dans les différents types d’habitats de tourbières de l’île d’Anticosti huit ans après l’installation d’exclos...... 23 Figure 2.3 Analyse en composantes principales représentant 53 exclos dans différents types de tourbières de l’île d’Anticosti selon leur similarité en espèces...... 27 Figure 2.4 Recouvrement moyen des espèces avant l’installation des exclos en 2007 par rapport à celui en 2015 (n = 53 sites) dans des tourbières de l’île d’Anticosti...... 28 Figure 2.5 Distribution des variables environnementales dans les quatre types d’habitats tourbeux étudiés sur l’île d’Anticosti. A) pH de l’eau B) conductivité électrique C) profondeur de la nappe phréatique D) Épaisseur du dépôt de tourbe E) Concentration en ions magnésium dans l’eau F) ions calcium et G) ions potassium...... 30 Figure 2.6 Partition de la variance à l’aide d’un diagramme de Venn entre les variables environnementales explicatives de la répartition des espèces huit ans après l’installation des exclos dans des tourbières de l’île d’Anticosti...... 31 Figure 3.1 Principal response curves representing changes in plant composition between unbrowsed and browsed plots by white-tailed deer over time for all types of habitat (bog (n = 13), open fen (n = 20), shrub fen (n = 7) and lagg (n = 13)) in peatlands of Anticosti Island...... 44 Figure 3.2 Average shrub height in the four types of peatland habitat of Anticosti Island, all years combined...... 45 Figure 3.3 Herbaceous cover in the four types of peatland habitat of Anticosti Island, all years combined...... 46 Figure 3.4 Influence of browsing and pH of water on the multivariate dispersion (percentage difference) of species composition in peatlands of Anticosti Island...... 47

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LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 Les équations des indices de diversité alpha utilisées pour calculer la diversité alpha des différents types d’habitats dans les tourbières de l’île d’Anticosti ...... 67 Annexe 2 Espèces de plantes rares répertoriées dans les exclos des différents types d’habitats des tourbières de l’île d’Anticosti entre 2007 et 2015...... 68 Annexe 3 Analyse en composantes principales représentant les espèces qui sont associées aux 53 exclos des différents types de tourbières de l’île d’Anticosti représentés par différents symboles...... 69 Annexe 4 Corrélation de Pearson entre les différentes variables environnementales mesurées dans les tourbières de l’île d’Anticosti. Les corrélations les plus fortes sont en gras...... 70 Annexe 5 Environmental variables (pH and electrical conductivity) for the four types of peatland habitats on Anticosti Island ...... 71 Annexe 6 Survey years for all variables in the peatlands of Anticosti Island ...... 72 Annexe 7 Number of each habitat type of peatlands of Anticosti Island found in each group of pH ...... 73 Annexe 8 Principal response curves representing changes in bryophyte composition between unbrowsed and browsed plots over time for all types of habitats (bog (n = 13), open fen (n = 20), shrub fen (n = 7), and laggs (n = 13)) in peatlands of Anticosti Island...... 74 Annexe 9 Bryophyte cover in four types of peatland habitat of Anticosti Island for all years combined...... 75 Annexe 10 Liste des espèces végétales présentes dans les inventaires dans les tourbières de l’île d’Anticosti ...... 76

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REMERCIEMENTS

J’ai tellement de gens à remercier que j’espère ne pas en oublier! Tout d’abord, je voudrais remercier mes deux directrices pour leurs judicieux conseils qui ont su guider ma réflexion tout au long du projet. Merci de m’avoir confié ce projet. C’était le projet parfait pour moi qui combinait mes intérêts pour les tourbières et les relations plantes-herbivores. Monique, un gros merci pour ta confiance, ta compréhension, ta disponibilité, ton appui et tes encouragements à toutes les étapes du projet. Stéphanie, merci pour tes idées, ton efficacité et tes bons conseils. J’ai toujours apprécié nos rencontres à trois très efficaces et la vitesse impressionnante de votre correction!

J’aimerais grandement remercier Marianne d'avoir fait avancer le projet lors de son doctorat, mais aussi d’avoir toujours été là pour m’encourager et me soutenir dans le projet. Merci de m’avoir laissée m’approprier le projet et d’avoir pris de ton temps pour venir partager ton savoir sur le terrain. Tes conseils ont été appréciés pour la rédaction.

Merci à Steeve de m’avoir fait sentir intégrée dans ton labo comme une de tes propres étudiantes et pour tous tes commentaires constructifs sur mon projet. Merci à Jean-Pierre de m’avoir donné la chance de participer pour une première fois à un projet de recherche et pour tous tes conseils sur mon projet et sur mon mémoire. Un gros merci à Sonia, professionnelle de recherche à la Chaire Anticosti, qui était toujours là pour répondre à mes questions. Merci aussi à Julien et à Caro. Merci également à Nelson Thiffault pour ses précieux commentaires sur mon mémoire.

Merci beaucoup à Emilie de m’avoir acceptée dans son équipe de terrain à l’île d’Anticosti à l’été 2013. J’ai passé de bons moments sur le terrain et j’ai beaucoup appris en travaillant avec toi. J’avais parlé à Emilie que j’étais intéressée par le projet des tourbières à l’île d’Anticosti déjà lors de cet été et finalement, je me suis retrouvée avec ce projet pour la maîtrise!

Merci Aimée de m’avoir fait découvrir l’île et d’avoir vérifié et réparer les exclos de si nombreuses fois! Mes trois passages à l’île n’auraient pas été les mêmes sans le « social » sur l’île! Merci à l’aide sur l’île, en particulier Gaétan, Danièle et Joël. Un merci à l’équipe de 2007 qui ont installé le dispositif : Monique, Gilles Ayotte et Sylvain Ménard. Merci à tous les assistants de terrain qui ont contribué à la récolte de données depuis le début du projet. Un merci particulier à Sabrina et Jessica, deux filles super motivées avec qui mon

X terrain n’aurait jamais été aussi drôle et aussi efficace! Merci aussi à Maxime et à Evelyne qui ont partagé avec nous les joies du terrain!

Merci au CRSNG, au FRQNT et à la Chaire Anticosti pour le soutien financier. Je remercie également le CSBQ qui m’a permis d’aller présenter mes résultats au congrès ÉCOVEG12 à Brest en France.

Merci à Gaétan Daigle et à Pierre Legendre pour leurs précieux conseils statistiques. Merci à Gilles Ayotte et à Denis Bastien pour leurs aides botaniques. Merci aussi à Karen Grislis pour la révision de l’anglais.

Grâce à mon projet de maîtrise, j’ai eu la chance d’appartenir à plusieurs labos en même temps. Merci à toute la gang du Labo Côté-Tremblay pour leur dynamisme et leurs idées lors des rencontres de labo ainsi que leur soutien lors de mes présentations, en particulier : Maxime, Emilie, Michaël, Nico, Amélie, Julien, Sab, Maël, Barbara, Pascale, Jérémie, Dalie, Clara, Béa et Édouard pour m’avoir aidée de près ou de loin durant ma maîtrise. Sans oublier les gens du GRET pour les pratiques de présentations, pour le prêt de matériel et pour m’avoir acceptée dans leur grande famille, même si je n’en faisais pas officiellement partie. Merci aux étudiants du labo de Monique : Bérenger qui m’a également aidée pour les statistiques, Jérôme, Laurent, Maxime, Alexandre, Léo Janne et Daniel. Tous ces gens que j’ai côtoyés au cours de mes deux années m’ont toujours impressionnée par leurs connaissances et par leurs ambitions et je suis certaine qu’ils iront loin dans leurs parcours professionnels.

Merci à Guillaume et à ma petite boule de poil Navi pour leur grand soutien moral. Merci aussi à tous mes amis qui ont été là pour me supporter et qui ont su me changer les idées quand c’était le temps!

Merci à toute ma famille, à ma mère Francine, à ma sœur Élodie de m’avoir encouragée pendant toutes mes années d’études. Un merci particulier à mon père, Yvon. Merci papa de m’avoir transmis ta passion!

XI

AVANT-PROPOS

Ce mémoire de maîtrise vise à déterminer la réponse des communautés végétales des tourbières à l’arrêt du broutement par le cerf de Virginie à l’île d’Anticosti (Québec, Canada) et s’inscrit dans le contexte des projets de recherche de la Chaire de recherche industrielle CRSNG en aménagement intégré des ressources de l’île d’Anticosti (Chaire Anticosti). En 2007, le projet a été amorcé par la Chaire Anticosti. Un premier inventaire a été réalisé immédiatement après l’installation des exclos à l’été 2007 par Monique Poulin, Sylvain Ménard et Gilles Ayotte. Les inventaires de végétation en 2008, en 2010 et en 2012 ont été réalisés par Marianne Bachand alors qu’elle était étudiante au doctorat à la Chaire Anticosti.

Ce mémoire comprend quatre chapitres, soit une introduction générale, suivie de deux chapitres sous forme d’article scientifique, une conclusion générale et des annexes. Le premier article est rédigé en français et sera soumis au Naturaliste canadien. Le second est rédigé en anglais et sera soumis à une revue scientifique internationale (Plant Ecology). En tant que première auteure, je fus responsable du développement des hypothèses de recherches et des prédictions, de l’élaboration du protocole d’échantillonnage en 2015, de la récolte de données sur le terrain en 2015, des manipulations en laboratoire, de la compilation et de l’analyse des données ainsi que de la rédaction des chapitres. Les coauteurs ont participé à ces chapitres par la planification du projet et en apportant leurs conseils et leurs commentaires durant le processus de rédaction, durant l’analyse des données ainsi que l’interprétation des résultats.

Les chercheurs qui seront coauteurs des deux articles sont :  Monique Poulin, directrice de maîtrise, professeur titulaire au département de phytologie de l’Université Laval  Stéphanie Pellerin, codirectrice de maîtrise, chercheur au Jardin botanique de Montréal et professeur associé au département de phytologie de l’Université Laval  Steeve D. Côté, collaborateur, professeur titulaire au département de biologie de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche industrielle-CRSNG en aménagement intégré des ressources de l’île d’Anticosti.  Marianne Bachand, scientifique chez Environnement Canada et Changement climatique / Gouvernement du Canada

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CHAPITRE 1

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1

La surabondance de grands herbivores a fortement perturbé les écosystèmes à travers le monde en modifiant la composition et les processus écologiques de ceux-ci (Hobbs 1996). L’île d’Anticosti constitue un bon exemple de l’impact des cervidés sur les écosystèmes où les fortes densités de cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus Zimmermann) ont complètement changé la composition forestière qui est passée de grandes forêts de sapins et de bouleaux blancs à des forêts dominées par l’épinette blanche, une espèce moins appréciée des cerfs (Potvin et al. 2003, Barrette et al. 2010). Dans ce contexte de densités élevées et d’absence de prédateurs, les cerfs utilisent des sites alternatifs pour se nourrir comme les tourbières (Massé & Côté 2009). Pour l’instant, ce phénomène est restreint à l’île d’Anticosti, mais le contexte d’augmentation des populations de cervidés en Amérique du Nord (Côté et al. 2004) pourrait mener à l’augmentation de leur utilisation à la suite de la diminution des ressources forestières. L’intérêt d’étudier les tourbières réside dans le fait que ce sont des systèmes fragiles aux perturbations et qui remplissent des rôles écologiques importants, notamment la captation de carbone. La présente étude vise à déterminer la réponse de la végétation (composition et diversité) des tourbières à la suite du retrait des cerfs sur plusieurs années afin de mieux comprendre l’impact du broutement des cerfs sur ces écosystèmes. Les sections suivantes traiteront du concept de perturbations, des impacts des grands herbivores sur les écosystèmes forestiers, du cas de l’île d’Anticosti, des tourbières et des impacts des grands herbivores sur les celles-ci.

La perturbation écologique et comment la mesurer Une perturbation correspond à un évènement ponctuel ou continu qui modifie la structure et la fonction des communautés et qui provoque parfois une perte d’organismes dans les écosystèmes touchés (White & Jentsch 2001). Les perturbations peuvent être d’origine naturelle comme le feu, les épidémies d’insectes ou le verglas mais aussi d’origine anthropique comme l’urbanisation, la fragmentation ou les changements climatiques récents. Les grands herbivores, notamment les cervidés, peuvent être parfois considérés comme des agents de stress pour l’écosystème, mais également de plus en plus comme des agents perturbateurs des écosystèmes puisqu’ils affectent les propriétés à long terme de ceux-ci (Hobbs 1996, Royo & Carson 2006, Frelich & Reich 2010), ce qui sera discuté dans la prochaine section.

Résilience et résistance La réponse des milieux naturels aux perturbations dépend de plusieurs facteurs comme l’étendue, l’intensité, la sévérité, la durée et la fréquence des perturbations (Coffin & Lauenroth 1988), mais aussi des espèces présentes et leurs attributs fonctionnels. Une perturbation peut entrainer trois types de réponses : 1) aucun changement à long terme ou des changements mineurs, 2) des changements graduels et 3) des changements majeurs et survenant de façon abrupte. Ce type de réponse peut dépendre de la résilience et de la résistance de l’écosystème face à la perturbation, deux composantes fondamentales pour la stabilité de l’écosystème (Carpenter et al. 2001). La résilience d’un écosystème se définit comme la capacité d’un écosystème à

2 absorber une perturbation sans modifier sa composition initiale, sa structure, ses fonctions et ses mécanismes de régulation (Holling 1973, Walker et al. 2004). Selon cette définition, un écosystème peut avoir plusieurs points d’équilibre et un écosystème est résilient lorsqu’il peut absorber plusieurs perturbations ou une forte perturbation sans changer d’état qu’équilibre (Holling 1973). La résistance est une mesure de la sensibilité d’un écosystème aux modifications de son environnement biotique et abiotique après une perturbation (Westman 1978, Walker et al. 2004). Un écosystème est donc résistant lorsque la perturbation ne change pas sa composition (Sutherland 1990). Un écosystème stable est ainsi un écosystème résilient ou résistant aux perturbations.

Mesures de composition et de diversité végétale Afin de déterminer l’impact d’une perturbation sur un écosystème donné et d’identifier les espèces favorisées ou affectées par celle-ci, la composition en espèces et la diversité végétale peuvent être mesurées. La composition en espèces correspond à l’inventaire de l’ensemble des espèces selon leur abondance ou leur fréquence relatives à différents habitats. La diversité taxonomique se décompose en trois composantes : la diversité alpha, bêta et gamma. La diversité alpha se définit dans son sens strict comme le nombre d’espèces présentes dans le même site et leur abondance respective (Whittaker 1972). Parmi les indices de diversité alpha, l’indice de Simpson (Simpson 1949) prend en compte la dominance des espèces tandis que l’indice de Shannon-Wiener calcule l’uniformité relative de toutes les espèces, donnant davantage de poids aux espèces rares (Shannon & Weaver 1963). La diversité bêta est la variation de la composition en espèces entre les sites et peut être étudiée le long de gradients spatiaux ou temporels (Whittaker 1972). La diversité totale d’un paysage ou d’une région géographique composée d’une multitude d’habitats correspond à la diversité gamma (Whittaker 1972).

Les grands herbivores : une perturbation chronique menant à des changements de composition et de diversité forestière La surabondance des grands herbivores et son impact sur les écosystèmes forestiers ont été abondamment étudiés (Russell et al. 2001, Rooney & Waller 2003, Côté et al. 2004). Depuis quelques années, les populations de cervidés ont augmenté dans la plupart des milieux tempérés de l’Amérique du Nord et de l’Europe dû à l’accroissement de la quantité de fourrage et à la réduction de la pression de chasse et des populations de prédateurs naturels (Côté et al. 2004). Les cervidés représentent des éléments clés des écosystèmes puisqu’ils en modifient la composition végétale et les processus écologiques (Hobbs 1996, Rooney & Waller 2003). En effet, les cervidés consomment les feuilles, les fleurs et les , ce qui affecte directement la survie et la croissance des plantes (Côté et al., 2004). Par exemple, les cervidés peuvent réduire l’abondance des herbacées préférées de sous-bois comme le trille blanc (Trilium grandiflorum Schreb.) ou le maïanthème du Canada (Maianthemum canadense Desfontaines) (Augustine & Frelich 1998, Royo et al.

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2010). Les cervidés peuvent de même affecter indirectement d’autres populations végétales et animales en augmentant la présence de la lumière par l’élimination de certaines espèces ou strates végétales ainsi qu’en consommant les plantes qui sont utilisées par d’autres animaux (Rooney & Waller 2003). Ils peuvent également affecter indirectement les écosystèmes en altérant les processus écologiques comme les cycles des nutriments. Par exemple, les fèces et l’urine des herbivores ont un impact important sur les cycles de l’azote puisqu’une partie de l’azote consommée est par la suite retournée dans le sol (Hobbs 1996).

Les changements de la composition, la structure et la fonction des écosystèmes peuvent entraîner la perte de la résilience de ceux-ci selon le degré d’altération (Côté et al. 2004, Walker et al. 2004) et ultimement mener à des écosystèmes alternatifs (Connell & Slatyer 1977, Tremblay 2005). Ces états alternatifs sont composés d’espèces et de fonctions différentes de l’écosystème initial et peuvent être soit réversibles ou irréversibles, ce qui dépend de la résilience des écosystèmes (Scheffer & Carpenter 2003). Les écosystèmes qui sont soumis au broutement depuis peu et qui ont une grande productivité sont plus à risque de perdre leur résilience et changer d’état (Cingolani et al. 2005). Ces écosystèmes sont plus susceptibles à la perte de résilience puisque les plantes qui s’y trouvent ont investi plus dans la croissance due à la compétition pour la lumière que dans la reproduction et leur rétablissement après une perturbation (Cingolani et al. 2005). Même lorsque l’effet du broutement est considérable dans un écosystème, les réserves de graines peuvent permettre de supporter la résilience de l’écosystème et ainsi empêcher la mise en place d’un état stable alternatif (Augustine & Frelich 1998, Rooney et al. 2002).

Afin d’étudier l’effet du broutement intensif des cerfs sur les écosystèmes, plusieurs études ont utilisé des exclos (Augustine & Frelich 1998, Tremblay et al. 2007, Rooney 2009). L’utilisation d’exclos permet de mettre en évidence, visuellement et expérimentalement, le retour de la végétation dans les écosystèmes qui ont été sujets au broutement des cerfs pendant de longues périodes (Bergström & Edenius 2003, Côté et al. 2004). Les exclos ne permettent donc pas de montrer les communautés végétales présentes en absence des cervidés puisque certaines espèces ont pu être complétement extirpées par le broutement, mais bien de déterminer celles qui se rétablissent après l’arrêt du broutement. La plupart des études utilisent un seul niveau de broutement (densité naturelle) comparé aux endroits où les cerfs ont été exclus alors qu’un nombre plus restreint se base sur des exclos à densités variables (Tremblay et al. 2007, Royo et al. 2010, Bachand et al. 2015). Les études à un seul niveau de broutement sont souvent critiquées puisqu’elles ne sont pas représentatives de régimes naturels de broutement (Royo et al. 2010), ce qui rend l’application de ces études limitée (Bergström & Edenius 2003). Les études à densités variables permettent de déterminer un niveau optimal de broutement pour maintenir la résilience des écosystèmes (Bachand et al. 2015). Par contre, ces dernières représentent des coûts importants dus à la construction de grands enclos et la gestion des densités.

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Les grands herbivores et la composition végétale Face au broutement des herbivores, certaines plantes peuvent se maintenir en place par des mécanismes de résistance ou de tolérance. Les plantes résistantes ont généralement des traits leur conférant un avantage comme la présence de défenses chimiques ou morphologiques qui leurs permettent de réduire leur probabilité d’être consommées tandis que les plantes tolérantes sont broutées sans impact sur leur croissance, leur reproduction et leur survie puisqu’elles ont notamment la capacité de compenser les pertes subies par le broutement (Belsky et al. 1993). Par exemple, les chardons (Cirsium spp.) sont résistants au broutement en raison de la présence d’épines tandis que les graminées sont tolérantes puisque leur méristème se trouve à leur base ce qui évite leur consommation et permet une régénération rapide après le broutement des parties supérieures (Ferraro & Oesterheld 2002). Ainsi, l’abondance et le recouvrement de plantes résistantes et tolérantes augmentent généralement en présence de densité élevée d’herbivores (Diaz et al. 2007). Le mécanisme par lequel les plantes tolérantes remplacent les tissus endommagés par le broutement est appelé la compensation (Belsky 1986). Certaines plantes peuvent même augmenter en biomasse en présence des cerfs, on parle alors de surcompensation (McNaughton 1986, Paige & Whitham 1987, Edenius et al. 1993). En effet, les cerfs affectent la croissance de ces plantes en prélevant la tige terminale, ce qui peut causer l’apparition de plusieurs tiges latérales.

Les grands herbivores, notamment les cervidés, induisent de nombre impacts directs et indirects sur la végétation tel un déclin dans l’abondance des espèces préférées en favorisant les espèces résistantes et tolérantes (Augustine & Frelich 1998, Rooney & Waller 2003, Rooney 2009). Par exemple, les communautés végétales de l’île d’Anticosti ont été comparées à celle de l’archipel des îles Mingan (sans cerf) et certaines espèces résistantes au cerf comme le chardon (Cirsium arvense L. Scopoli) n’ont été trouvées qu’à Anticosti, ce qui suggère que le cerf influence la composition des communautés végétales et modifie la succession naturelle (Viera 2003). Les cervidés amènent des changements dans la composition des communautés forestières surtout celles préférablement soumises au broutement (Perea et al. 2014). Par exemple, les plantes des premiers stades de succession telles les Labiées et les Cistacées ne sont généralement pas les préférées des cerfs et par conséquent, les cerfs favorisent dans ce cas le retour des écosystèmes à des stades pionniers de succession (Perea et al. 2014). Ainsi, le cerf de Virginie change les chênaies en prairie, les prûcheraies en érablières et empêche la régénération du thuya occidental (Thuja occidentalis L.) (Alverson & Waller 1997, Côté et al. 2004, Larouche & Ruel 2015).

Les grands herbivores et la diversité végétale Plusieurs études ont rapporté que la diversité végétale dans les écosystèmes forestiers peut être favorisée par une faible densité de cerfs et fortement diminuée à densités élevées (Rooney & Waller 2003, Côté et al.

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2004). Selon l’hypothèse de perturbation intermédiaire, des niveaux intermédiaires de densités de cervidés permettent de favoriser la diversité interspécifique (Connell & Slatyer 1977). En effet, à de faibles densités jusqu’à des densités intermédiaires, la consommation des espèces dominantes laisse l’opportunité aux espèces végétales ayant besoin de lumière de s’installer (Schütz et al. 2003). Par contre, à forte densité, les impacts directs et indirects des cervidés amènent une diminution de la diversité des communautés végétales (Augustine & Frelich 1998, Rooney & Waller 2003). Comme le broutement des cerfs est sélectif, celui-ci peut affecter la diversité spécifique et provoquer des changements dans les communautés végétales dominantes (Russell et al. 2001). À titre d’exemple, les communautés végétales de sous-étages des forêts de l’est des États-Unis ont été modifiées par le cerf de Virginie passant de buissons et d’herbacées latifoliées à des communautés dominées par les graminées et les ptéridophytes, espèces tolérantes au broutement (Horsley & Marquis 1983). Ce changement de composition végétale peut mener à la simplification des communautés végétales et ultimement à l’homogénéisation des communautés végétales. D’ailleurs, Rooney (2009) a montré que dans les forêts du nord du Wisconsin, les cerfs peuvent mener à l’homogénéisation biotique à l’échelle du peuplement, c’est-à-dire que la composition en espèces était plus similaire entre les parcelles témoins soumises au broutement qu’entre les exclos. En présence de cerfs, la végétation s’est simplifiée en quelques espèces tolérantes au broutement comme la végétation graminoïde qui est passée d’un couvert de 10 % à 83 % en seulement 16 ans de densités élevées (Rooney 2009). Dans le maquis méditerranéen, les cervidés ont également mené à l’homogénéisation biotique en causant la diminution de 30% de la richesse spécifique des plantes ligneuses due au manque de régénération des espèces préférées (Perea et al. 2014). Sur l’archipel des îles Haida Gwaii dans l’ouest canadien, Martin et al. (2010) ont montré que les cerfs à queue noire (Odocoileus hemionus Rafinesque) peuvent simplifier la végétation dans les îles où ils étaient présents depuis plus de 50 ans. Le résultat est un assemblage de quelques espèces tolérantes au broutement, soit deux espèces de conifères, la végétation de sous-bois étant presque complètement disparue (Martin et al. 2010). Bref, en présence de grandes densités de cerfs, le broutement amène un changement de composition forestière et peut même occasionner une perte de diversité végétale dans ces écosystèmes.

Le cas de l’île d’Anticosti À l’île d’Anticosti, les grandes densités de cerfs offrent une opportunité d’étudier les impacts des cervidés sur les écosystèmes. Au 19e siècle, 220 individus ont été introduits sur cette île située dans le golfe du St-Laurent pour la pratique de la chasse. En absence de prédateurs naturels, cette population a pris de l’expansion pour atteindre rapidement une densité de cerfs de plus de 20 cerfs/km2 (Rochette & Gingras 2007) et même jusqu’à 56 cerfs/km2 par endroits (Tremblay et al. 2006). Les fortes densités ont nettement perturbé les forêts présentes de sorte que plusieurs espèces ligneuses ont vu leur abondance diminuer comme le bouleau à papier (Betula papyrifera Marsh.), le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides Michx.), le sorbier d’Amérique

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(Sorbus americana Marsh.), le cerisier de Pennsylvanie (Prunus pensylvanica L. f.) et le noisetier à long bec (Corylus cornuta Marsh.) (Pimlott 1965). D’autres espèces qui étaient autrefois abondantes sur l’île comme l’épilobe à feuilles étroites (Chamerion angustifolium (L.) Scopoli), le framboisier (Rubus idaeus L.) et la clintonie boréale (Clintonia borealis (Ait.) Rafinesque) ne sont presque plus présentes dans les environnements non aménagés (Potvin et al. 2003). Un des changements les plus marqués à la suite de l’introduction des cerfs de Virginie est le remplacement des peuplements de sapins baumiers (Abies balsamea (L.) Miller), qui représentent environ 72 % de l’alimentation hivernale du cerf de Virginie (Lefort et al. 2007), par des pessières à épinettes blanches (Picea glauca (Moench) Voss), une espèce peu appréciée par le cerf (Potvin et al. 2003, Barrette et al. 2010).

Afin d’aider les travaux de restauration de la sapinière à bouleau blanc et de mieux comprendre l’impact des cerfs sur celle-ci, des enclos à densités variables ont été installés pour déterminer une densité limite de cerfs qui permet de conserver les processus écosystémiques. Ces enclos sont aménagés après une coupe forestière et la population de cerfs y est diminuée par l’attribution de permis de chasse à l’intérieur des enclos (Beaupré et al. 2004). En étudiant le retour de la végétation selon différentes densités de cerfs (0, 7,5, 15 cerfs/km2 et densité naturelle), Tremblay et al. (2007) ont trouvé que des densités de cerfs de moins de 15 cerfs/km2 atteintes en moins de 3 ans après une coupe seraient compatibles avec le maintien de la régénération. Bachand et al. (2015) suggèrent une plus grande réduction de densités de cerfs, soit moins de 7,5 cerfs/km2 afin de permettre la restauration des fonctions spécifiques des peuplements de sapins. Après 3 ans à une densité de 7,5 cerfs/km2, le rétablissement d’espèces préférées par les cerfs était possible comme l’épilobe à feuilles étroites qui a été désignée comme indicatrice de faible densité de cerf (Tremblay et al. 2006). La gestion par exclos permet donc de déterminer les densités optimales de cerfs de Virginie pour la régénération de la forêt et d’identifier les espèces qui sont le plus affectées par le broutement.

Les tourbières : une aire d’alimentation alternative pour les cerfs de Virginie Les changements de composition forestière et la presque disparition de plusieurs espèces arbustives et herbacées à l’île d’Anticosti ont amené les cerfs à se trouver d’autres alternatives pour se nourrir en période estivale. Dans le contexte de densité élevée d’herbivores, la disponibilité des ressources par individus diminuent dans les endroits préférées et sont donc souvent délaissés par les herbivores pour des endroits moins préférés (Pérez-Barbería et al. 2013). Ainsi, les tourbières et leurs pourtours peuvent représenter des aires d’alimentation alternatives selon les dernières études de sélection d’habitats menées à l’île d’Anticosti (Massé & Côté 2009). En l’absence de prédation, la sélection de l’habitat à fine échelle est déterminée par la quantité de nourriture plutôt que le couvert pour la protection (Massé & Côté 2009). Les tourbières possèdent davantage de ressources que les milieux forestiers en été et sont donc utilisées pour l’alimentation des cerfs (Massé & Côté 2012). L’étude de Massé & Côté (2009) a permis de montrer que les milieux ouverts

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(tourbières et coupes) sont grandement utilisés pour l’alimentation en comparaison aux habitats forestiers en raison de l’abondance d’herbacées et d’arbustes qui s’y trouvent en été. Plus précisément, dans cette même étude, les cerfs ont utilisé 60% des coupes, 29% du couvert forestier et 50% des tourbières disponibles. Une augmentation de 10 % en herbacées et en arbustes décidus dans un milieu donné est associée à une augmentation de 12 % de la probabilité d’utilisation par le cerf de ce milieu (Massé & Côté 2009).

Les tourbières : une vue d’ensemble

Définition et processus de formation des tourbières Les tourbières sont des milieux humides où le processus d’accumulation est supérieur au processus de décomposition entrainant ainsi une accumulation de la matière organique sur au moins 30 cm (Payette & Rochefort 2001). Il existe deux processus de formation des tourbières : la paludification et le comblement. Le plus commun est la paludification qui se définit comme l’entourbement d’un site terrestre mal drainé dû à l’influence du climat, de la géomorphologie ou de la géologie (Rydin et al. 2013). Une tourbière peut également se former par le comblement d’un lac ou d’un petit plan d’eau. L’accumulation de matière organique commence par les bords et le fond du plan d’eau jusqu’à le combler complètement (Rydin et al. 2013). Les deux modes de formation peuvent intervenir en même temps sur un même site.

Types de tourbières et succession végétale Les tourbières se divisent généralement entre les tourbières ombrotrophes (les bogs) et les tourbières minérotrophes (les fens) qui se distinguent selon leurs sources d’alimentation en eau et en éléments minéraux qui induisent à leur tour des distinctions dans leur composition chimique et floristique ainsi que dans leur hydrologie (Tableau 1.1). Les bogs sont généralement plus acides (pH < 5.5) et ont une plus faible conductivité électrique de l’eau de surface (conductivité corrigée < que 80 µS/cm) et de plus faibles concentrations en cations de base (calcium, sodium) que les fens (Vitt et al. 1995, Andersen et al. 2011).

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Tableau 1.1 Définitions des différents types d’habitats tourbeux étudiés Type d’habitats Définitions* Tourbière ombrotrophe dont l’apport principal en éléments minéraux et en eau provient du vent et des précipitations. Dominance de sphaignes et Bog d’éricacées. pH de l’eau de 2,8 à 5,4

Tourbière minérotrophe recevant une quantité variable d’eau, à la fois des précipitations et des eaux de drainage qui enrichissent en éléments Fen ouvert minéraux le sol humide. Dominance de cypéracées et de mousses brunes. pH de l’eau 3,8 à 7,5

Idem que fen ouvert, mais on note la présence de plus de 25 % d’arbustes Fen arbustif et de petits arbres. pH de l’eau 3,8 à 7,5 Zone tourbeuse minérotrophe (± 30 cm de dépôt organique) en périphérie des tourbières qui fait la transition entre la tourbière et le milieu forestier et Lagg qui est parfois caractérisée par la présence d’espèces écotonales. Dominance d’herbacées, arbres et arbustes. pH, conductivité et nappe phréatique plus élevés que la tourbière. *Définitions adaptées de Harris et al. (1996), Payette & Rochefort (2001), Andersen et al. (2011), Langlois et al. (2015) et Paradis et al. (2015)

Au début de la formation d’une tourbière, peu importe le processus de formation, la tourbière correspond en général au type minérotrophe (Rydin et al. 2013). Les tourbières minérotrophes sont alimentées à la fois par l’eau des précipitations et par les eaux de ruissellement de surface ou souterraines, ce qui apporte des éléments minéraux et nutritifs aux plantes (Payette 2001). Après un certain temps, l’accumulation progressive de tourbe déconnecte la surface des sols minéraux sous-jacents de sorte que les seuls minéraux disponibles pour les plantes proviennent des précipitations, ce qu’on appelle l’ombrotrophisation (Rydin et al. 2013). Comme l’apport des minéraux y est plus faible, la végétation devient acidophile et elle s’appauvrit en plantes vasculaires (Payette 2001). Toutefois, l’ombrotrophisation peut être arrêtée et même inversée par un apport en minéraux et en nutriments provenant d’eaux de drainage, passant alors d’une tourbière ombrotrophe à une tourbière minérotrophe. Dans une séquence temporelle de succession, une tourbière minérotrophe ou ombrotrophe peut passer de ouverte (fen ou bog ouvert) à boisée (fen ou bog arbustif) jusqu’au stade arborescent (ou forestier) et même passer de minérotrophe à ombrotrophe ou inversement (Harris et al. 1996, Rydin et al. 2013).

Les tourbières ombrotrophes sont généralement considérées comme des écosystèmes pauvres en espèces (Damman 1986), et sont donc reconnues comme des milieux peu productifs qui évoluent très lentement (Maitland & Morgan 1997). En effet, les tourbières ombrotrophes sont généralement moins diversifiées que les

9 tourbières minérotrophes (Payette 2001). Les sphaignes qui dominent dans les tourbières ombrotrophes créent des conditions acides, pauvres en éléments minéraux et anoxiques, ce qui rend l’environnement défavorable pour les plantes vasculaires (Van Breemen 1995). Les tourbières minérotrophes se forment dans les dépressions et les pentes, une topographique qui permet l’arrivée de l’eau provenant des milieux minéraux adjacents, ce qui favorise l’apport de minéraux (Payette 2001) et rend ces tourbières plus riches en espèces que les tourbières ombrotrophes.

Les tourbières minérotrophes se divisent généralement en deux types selon leurs conditions chimiques : les tourbières minérotrophes pauvres et les tourbières minérotrophes riches (Du Rietz 1949, Payette 2001). Le pH des tourbières minérotrophes pauvres se situe entre 3.8 et 6.5 tandis que celui des tourbières minérotrophes riches est supérieur à 5.5 jusqu’à atteindre plus de 7.5 (Gorham & Janssens 1992). Les tourbières minérotrophes présentent donc un grand gradient de minérotrophie associé à leur pH.

Les bordures des tourbières, les laggs, ont été peu étudiées, mais elles sont généralement considérées comme plus riches en espèces que la tourbière puisqu’elles sont enrichies en minéraux par l’eau provenant des sols minéraux sous-jacents et adjacents (Dimitrov et al. 2014, Langlois et al. 2015). Les laggs constituent des écotones qui se distinguent des milieux environnants, soit du milieu minéral et de la tourbière, par une structure de végétation différente, c’est-à-dire un couvert plus abondant d’arbustes, par une concentration plus élevée en azote et phosphore dans les sols ainsi que par un niveau d’eau plus élevé et fluctuant (Paradis et al. 2015). Paradis et al. (2015) ont montré que les laggs en bordure de bogs au Nouveau-Brunswick, dans l’Est du Canada peuvent être caractérisés par 1) une transition abrupte sans montrer de communautés écotonales, 2) une transition rapide avec une communauté écotonale de lagg marécageux, 3) une transition rapide avec deux communautés écotonales soit une de lagg-fen et une autre de lagg marécageux et finalement 4) une longue transition avec un milieu humide élargi en périphérie du bog, le deuxième type étant le plus commun dans cette région (Paradis et al. 2015). Les laggs sont donc des habitats très variables, mais généralement d’une richesse plus importante que la tourbière attenante.

Gradients de végétation Les tourbières présentent des patrons de végétation apparents, c’est-à-dire des changements dans la composition et l’abondance des espèces, qui peuvent être expliqués par différents gradients environnementaux et spatiaux (Sjörs 1948). Le premier est le gradient de topographie entre les buttes et les dépressions qui a été surtout décrit pour les bryophytes, selon lequel les espèces de sphaignes varient avec la position relative à la nappe phréatique (Clymo & Hayward 1982). Ensuite, un gradient entre le centre d’une

10 tourbière et ses bordures a également été étudié. Les espèces indicatrices de minérotrophie augmentent en nombre du centre vers les bordures des tourbières (Damman & Dowhan 1981) de même que le nombre et la taille des arbres et la richesse en espèces (Campbell & Rochefort 2001). Le troisième gradient est le gradient de pauvre à riche en espèces indicatrices de minérotrophie, qui mène surtout à la distinction entre les tourbières ombrotrophes et minérotrophes (Du Rietz 1949). Ce gradient est souvent associé au pH de l’eau et à la présence d’éléments minéraux et nutritifs (Vitt & Chee 1990, Wheeler & Proctor 2000). Enfin, le dernier gradient est causé par les conditions climatiques entre les régions biogéographiques, comme la distance depuis la mer, où se trouvent les tourbières ombrotrophes (Malmer 1986). Par exemple, la croissance des arbres dans les tourbières continentales est due à la période prolongée d’une nappe phréatique profonde en raison des faibles précipitations dans ces régions (Malmer 1986). L’intérêt d’étudier ces gradients est de mieux comprendre la répartition des espèces végétales dans les tourbières.

Les différents types de tourbières et leur utilisation par les herbivores En Europe, les tourbières sont souvent utilisées comme pâturage pour les grands herbivores domestiques (moutons et vaches). Par contre, les tourbières sont normalement moins productives que les écosystèmes forestiers et les cervidés préfèrent donc les habitats forestiers (Telfer 1970). Étant donné que les tourbières n’étaient pas reconnues comme des milieux fréquentés par les cervidés, elles ont souvent été ignorées dans les études sur le broutement par le cerf. L’étude de Massé & Côté (2009) a permis de montrer qu’à l’île d’Anticosti les cerfs utilisent les tourbières et cette utilisation varie selon le type d’habitat. Ainsi, les laggs et les fens sont les habitats de tourbières les plus intéressants pour le cerf puisqu’ils présentent un couvert d’arbustes décidus de 35 % plus grand que tous les autres habitats (bogs, coupes, forêts) (Massé & Côté 2009). En effet, les cerfs utilisent 3 fois plus les laggs que les bogs et 2 fois plus les fens que les bogs (Massé & Côté 2009). Ceci est cohérent avec l’étude de Pellerin et al. (2006) qui a montré que l’impact du broutement était plus élevé dans les fens que dans les bogs. Par contre, cette étude était restreinte au centre des tourbières et le lagg n’avait pas été échantillonné alors que cet habitat est susceptible d’être plus utilisé par les cerfs. D’ailleurs, dans un bog au nord de l’Angleterre, certaines espèces typiques des tourbières comme la bruyère commune (Calluna vulgaris (L.) Hull) étaient favorisées par l’arrêt du broutement des moutons et cette différence était supérieure dans les bordures que dans le centre du bog étudié, ce qui peut suggérer que l’impact des herbivores peut varier selon la minérotrophie des sites (Smith et al. 2003).

Les impacts des grands herbivores sur les tourbières Plusieurs études européennes ont porté sur l’impact des animaux domestiques, plus particulièrement les moutons (Ovis aries L.), dans les tourbières (Grant et al. 1985, Tallis 1998, Hulme et al. 2002, Smith et al. 2003). Ces études peuvent être comparables à la présente étude, puisque les cerfs et les moutons sont des herbivores de types sélectifs et de taille similaire (Rawes & Hobbs 1979, Birnie & Hulme 1990, Côté et al.

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2004). Les cerfs comme les moutons ne consomment que de petites parties des plantes contrairement aux vaches qui utilisent leurs langues pour arracher les plantes (Tallis 1998). Les auteurs européens étudiant le broutement dans les tourbières font les mêmes constats que les auteurs qui étudient le broutement en milieux forestiers pour ce qui est de la diversité. En effet, à faible densité d’herbivores, le broutement dans les tourbières pourrait augmenter la diversité végétale en diminuant le couvert en arbustes et en éliminant la compétition, pour ainsi permettre aux plantes de lumière de s’installer (Ausden et al. 2005, Sundberg 2012). Par contre, un broutement élevé contribue à un changement de composition végétale et à la diminution de certaines éricacées comme la bruyère commune (Calluna vulgaris (L.) Hull) au profit d’espèces graminoïdes comme la linaigrette à large graine (Eriophorum vaginatum L.) (Rawes & Hobbs 1979). De plus, la biomasse végétale dans un bog en Écosse était réduite de 20 à 50% à de fortes densités d’herbivores (2,2 moutons/ha) comparativement à de faibles densités (0,4 moutons/ha) sur neuf ans (Grant et al. 1985). À titre comparatif, la densité moyenne de cerfs de l’île d’Anticosti équivaut à 0,2 cerf/ha (i.e. 20 cerf/km2; Rochette & Gingras 2007).

Les herbivores causent aussi de l’érosion dans les tourbières. En Écosse, une étude faite à l’aide de photos aériennes a montré que 17 % de la surface des tourbières étudiées ne présentaient aucune végétation (Birnie & Hulme 1990). En effet, la tourbe à nu augmente rapidement avec un broutement intensif (Rawes & Hobbs 1979). Cette érosion est causée par le piétinement des animaux qui laisse des marques dans le sol mou des tourbières et compacte le sol (Arnesen 1999). D’ailleurs, plusieurs études mentionnent que le broutement contribue grandement à la diminution des lichens et des bryophytes qui sont également sensibles au piétinement (Rawes & Hobbs 1979, Welch & Scott 1995, Pellerin et al. 2006). Certaines espèces peuvent être favorisées par le piétinement comme le gaillet des fanges ( uliginosum L.) et la violette des marais (Viola palustris L.) qui ont augmenté en couvert après une simulation d’empreintes d’ongulés (Stammel & Kiehl 2004) et la droséra à feuilles rondes ( rotundifolia L.) qui peut se trouver en plus grande concentration dans les tourbières avec un grand pourcentage de tourbe à nu (Pellerin et al. 2006). De plus, certaines espèces sont tolérantes au piétinement par les cerfs, notamment les plantes graminoïdes dues à leur forme et à la protection de leur méristème (Arnesen 1999).

Plusieurs études ont approfondi l’impact du broutement et du piétinement des herbivores domestiques dans les tourbières, mais peu d’études ont porté sur le broutement des herbivores sauvages comme le cerf de Virginie dans les tourbières. En comparant les communautés végétales des tourbières entre l’île d’Anticosti habitée par les cerfs et les îles Mingan non habitées par les cerfs, une différence de 33 % plus de couvert de lichens entre les tourbières de Mingan et Anticosti a été trouvée (Viera 2003). Dans une étude similaire, Pellerin et al. (2006) ont trouvé que la diversité végétale était supérieure dans les fens non broutés que dans les fens broutés, plus particulièrement pour ce qui est des arbustes, des carex et des hépatiques (Pellerin et

12 al. 2006). Dans les tourbières d’Anticosti, les cerfs de Virginie préfèrent le bouleau nain (Betula pumila L.) et le myrique baumier (Myrica gale L.) (Viera 2003, Pellerin et al. 2006). De plus, dans ce contexte de surabondance, les cerfs vont jusqu’à brouter le kalmia à feuilles d’andromède (Kalmia polifolia Wangenheim), une espèce pourtant toxique (Pellerin et al. 2006). Pellerin et al. (2006) ont aussi trouvé que la surface foliaire du bouleau nain était significativement plus faible dans les tourbières de l’île d’Anticosti que dans celles sur les îles Mingan. Le nombre de feuilles chez la chicouté (Rubus chamaeomorus L.) est également plus faible lorsqu’il y a présence de cerfs et la proportion de chicouté ayant seulement une feuille à Anticosti (80 %) est plus élevée que sur les îles Mingan (58 %)(Pellerin et al. 2006). Dans un fen dans l’état de New York, Johnson & Leopold (1998) ont montré que le broutement par les mammifères réduisait la hauteur des arbustes. En effet, la hauteur des arbustes a augmenté de plus de 20 cm dans tous les traitements clôturés après deux ans (Johnson & Leopold 1998). Bref, les herbivores peuvent avoir un impact sur les communautés végétales des tourbières, mais il reste à déterminer comment cet impact peut varier selon les types de tourbières et selon leur productivité.

Objectifs et hypothèses de recherche Ce projet vise à comprendre l’impact du broutement des cerfs sur la végétation des tourbières. Dans un premier temps, ce projet permettra de dresser un portrait de la flore des tourbières de l’île d’Anticosti dans un contexte d’exclusion de cerfs et dans un deuxième temps, à évaluer la réponse de la végétation des tourbières à l’arrêt du broutement par les cerfs en regardant l’évolution de la composition, la structure et la diversité végétale à la suite du retrait des cerfs. Quatre types d’habitats tourbeux seront comparés : les bogs, les fens ouverts, les fens arbustifs et les laggs.

Pour le portrait de la flore des tourbières, nous émettons comme hypothèse que les tourbières supportent une diversité végétale qui n’est pas totalement exprimée à cause de la présence des cerfs. Ainsi, nous prédisons le retour de plusieurs espèces et l’augmentation de la diversité dans les différents types de tourbières au fil du temps suite à l’établissement des exclos. Cette hypothèse est explorée dans le chapitre 2.

Concernant le deuxième objectif, nous formulons comme première hypothèse que la réponse de la végétation des tourbières sera déterminée par la composition initiale du type d’habitat, et sera donc plus élevée dans les habitats composés d’espèces fortement utilisées par les cerfs et non-résistantes au broutement. Ainsi, la différence entre l’exclos et la parcelle avec cerfs s’accentuera le long de cette séquence d’habitats : bogs, fens ouverts, fens arbustifs et laggs. Nous prédisons une différenciation de composition végétale dans le temps, soit un recouvrement supérieur en espèces préférées par les cerfs ou non-résistantes au broutement (par exemple Betula pumila et Myrica gale) dans les exclos et en espèces résistantes comme le Kalmia ou

13 tolérantes au broutement comme les plantes graminoïdes dans les parcelles avec cerfs. Nous prédisons aussi une augmentation de la hauteur moyenne des arbustes, du recouvrement en herbacées et en arbustes dans les exclos comparativement aux parcelles avec cerfs. Nous formulons comme deuxième hypothèse qu’à fortes densités de cerfs, le broutement mène à l’homogénéisation de la végétation dans les tourbières et cette différence augmentera selon la productivité des sites, ce qui se traduirait par une plus grande similarité en espèces entre les parcelles soumises au broutement qu’entre les exclos dans les sites les plus productifs. Ces hypothèses sont testées dans le chapitre 3.

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CHAPITRE 2

PORTRAIT DE LA FLORE DES TOURBIÈRES DE L’ILE D’ANTICOSTI APRÈS L’EXCLUSION DES CERFS DE VIRGINIE

Milène Courchesne, Stéphanie Pellerin, Marianne Bachand, Steeve D. Côté et Monique Poulin

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Résumé Depuis leur introduction il y a plus d’une centaine d’années, les cerfs de Virginie ont fortement perturbé les communautés végétales de l’île d’Anticosti. En raison de leur densité élevée et de l’absence de prédateurs, les cerfs exploitent de plus en plus de nouvelles aires d’alimentation, comme les tourbières, normalement peu utilisées. Quelle est la diversité végétale des tourbières après le retrait du cerf à la suite d’une présence de plus de 100 ans? Pour répondre à cette question, un dispositif permettant d’exclure les cerfs a été mis en place pendant huit ans dans 53 tourbières se regroupant selon quatre types d’habitats: les bogs, les fens ouverts, les fens arbustifs et les laggs (écotone entre la tourbière et la forêt). Au total, nous avons inventorié 125 espèces végétales au moment de l’instauration des exclos (2007) et 158 espèces après huit ans d’exclusion du cerf. La richesse spécifique était deux fois plus élevée dans les laggs que dans les bogs et le nombre d’espèces herbacées indicatrices était 4 à 10 fois plus élevée dans les laggs que dans les autres types d’habitats. De plus, après huit ans d’exclusion du cerf, le couvert végétal des espèces fortement broutées par le cerf a grandement augmenté, notamment celui de Betula pumila L. et Sanguisorba canadensis L. (2 et 8 fois plus respectivement). En somme, les tourbières de l’île d’Anticosti possèdent un potentiel de richesse végétale qui est favorisé par l’arrêt du broutement du cerf de Virginie sur ces écosystèmes tourbeux.

Introduction Les grands herbivores représentent souvent des agents perturbateurs des écosystèmes puisqu’ils en modifient la composition végétale et les processus écologiques (Hobbs 1996, Rooney & Waller 2003, Côté et al. 2004). En effet, ils affectent directement les plantes en consommant les feuilles, les fleurs et les fruits et indirectement en altérant les relations interspécifiques ainsi que les cycles du carbone et des autres nutriments (Côté et al. 2004). En surabondance, les grands herbivores peuvent grandement affecter les écosystèmes et l’île d’Anticosti en est un exemple frappant. Au 19e siècle, environ 220 cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus Zimmermann) ont été introduits sur l’île pour la pratique de la chasse sportive. En l’absence de prédateurs, la population de cerf a vite augmenté pour atteindre aujourd’hui des densités supérieures à 20 cerfs/km2 (Rochette & Gingras 2007). Le broutement intensif par le cerf de Virginie a profondément modifié la composition forestière de l’île et a contribué à la disparition locale d’espèces qui étaient autrefois abondantes comme Acer spicatum Lam., Corylus cornuta Marsh., Cornus stolonifera L., Chamerion angustifolium L., Rubus idaeus L. et Clintonia borealis Ait. qui ont été remplacées par des espèces résistantes au broutement telles Cirsium arvense (L.) Scopoli et les graminées (Pimlott 1965, Viera 2003, Tremblay 2005). D’autre part, les peuplements d’Abies balsamea (L.) Mil., espèce qui représente environ 72% de l’alimentation hivernale du cerf (Lefort et al. 2007), se font de plus en plus rares et laissent place à des pessières blanches et des landes forestières (Potvin et al. 2003). Dans le contexte de densités élevées de

16 cerfs résultant en un manque de ressources forestières dû au broutement intensif des cerfs et de l’absence de prédateurs, les tourbières et particulièrement leurs pourtours sont devenues des aires d’alimentation alternatives en été (Massé & Côté 2009). Or, les tourbières de l’île d’Anticosti représentent un intérêt particulier pour la biodiversité en raison de leur flore diversifiée et rare dans le paysage canadien (Dignard et al. 2009). En effet, contrairement à la majorité des tourbières des régions boréales, celles de l’île d’Anticosti bénéficient d’un climat maritime et reposent sur des sols calcaires favorisant la présence d’espèces calciphiles ou rares au Québec (Sabourin & Morin 2009).

En été, les cerfs de Virginie utilisent davantage les tourbières de l’île d’Anticosti, qui constituent 25% de la surface de l’île, que les milieux forestiers (Massé & Côté 2009). Cette forte utilisation des tourbières par les cerfs peut avoir entraîné des changements dans leurs communautés floristiques en raison du broutement sélectif et du piétinement. Par exemple, une étude précédente a montré que les tourbières minérotrophes de l’île d’Anticosti étaient plus pauvres en espèces d’arbustes, de cypéracées et d’hépatiques que celles des îles de Mingan situées à proximité (<50 km à vol d’oiseau) et où le cerf est absent (Pellerin et al. 2006). Les tourbières de l’île d’Anticosti se répartissent selon un gradient de minérotrophie passant des tourbières ombrotrophes (les bogs) à pH acide (généralement pH < 5.5) aux laggs et tourbières minérotrophes (les fens) à pH plus élevé (pH entre 3.8 et 6.9, Andersen et al. 2011). Les laggs sont des habitats minérotrophes qui constituent l’écotone en bordure de la tourbière. Les cerfs de l’Île d’Anticosti fréquentent trois fois plus les laggs que les bogs et deux fois plus que les fens en raison de l’abondance des herbacées et des arbustes comestibles (Massé & Côté 2009).

Dans le but d’étudier la réponse des communautés végétales au retrait des cerfs de Virginie des tourbières de l’île d’Anticosti, des exclos ont été installés dans des tourbières de la portion ouest de l’île en 2007. Ces tourbières étaient caractérisées par des niveaux variés de minérotrophie. En se basant sur ce dispositif expérimental, notre objectif était de dresser un portrait du potentiel végétal des tourbières de l’ouest de l’île d’Anticosti dans un contexte d’exclusion des cerfs. Plus spécifiquement, nous avons caractérisé les communautés végétales et certaines conditions environnementales expliquant leur diversité huit ans après l’installation des exclos dans quatre types d’habitats tourbeux, soit les bogs, les fens ouverts, les fens arbustifs et les laggs. De plus, afin de déterminer quelles espèces ont le plus bénéficié du retrait des cerfs, nous avons

étudié les changements de couvert pour les espèces herbacées et arbustives entre 2007 et 2015.

Méthodes

Aire d’étude Située dans le golfe du Saint-Laurent, l’île d’Anticosti s’étend sur une superficie de 7943 km2. Elle se trouve dans le domaine bioclimatique de la sapinière à bouleau blanc, sous-domaine de l’est (Saucier et al. 2009). Le

17 climat est maritime, avec des précipitations annuelles de 917 mm et des températures moyennes variant d’un minimum de -12 °C en février à un maximum de 16 °C en juillet (Environnement Canada 2006). Les espèces arborescentes historiquement abondantes sont Abies balsamea (L.) Mil., Betula papyrifera Marsh., Picea glauca (Moench) Voss et Picea mariana (Miller) B.S.P. (Lavoie & Fillion 2001). Selon le dernier inventaire aérien de 2006, la densité moyenne de cerfs sur l’île s’élèverait à plus de 20 cerfs/km2 (Rochette & Gingras 2007), quoiqu’elle puisse atteindre ≥ 56 cerfs/km2 par endroit et par moment (Tremblay et al. 2006).

Les tourbières de l’île d’Anticosti se sont mises en place à la suite du retrait de la mer de Goldwaith il y a environ 8500 ans cal B.P. (Lavoie & Fillion 2001). Ces tourbières n’ont jamais été exploitées ni drainées de sorte que l’effet du broutement des cerfs ne peut être masqué par des perturbations d’origine anthropique. Les bogs sont surtout dominés par les sphaignes et les éricacées tandis que les fens sont dominés par les Carex et les arbustes tels que Dasiphora fruticosa (L.) Rydb. et Myrica gale L. (Viera 2003). Les espèces arborescentes sont pratiquement absentes de ces deux habitats. Pour cette étude, nous avons divisé les fens en fens ouverts et en fens arbustifs selon un seuil de 25% de recouvrement d’arbustes (Harris et al. 1996). Les laggs se caractérisent généralement par la présence de plantes graminoïdes et par un couvert variable d’espèces arbustives et arborescentes (Larix laricina Du Roi K. Koch et P. mariana). Ils ont un pH élevé, un niveau de la nappe phréatique élevé et fluctuant, une topographie généralement plus basse que la tourbière, une structure végétale différente par la présence d’arbustes et d'un couvert arborescent et une concentration plus élevée en azote et phosphore (Langlois et al. 2015, Paradis et al. 2015).

Design expérimental et inventaires de végétation En 2007, un dispositif expérimental de 53 exclos carrés de 4 m2 et d’une hauteur de 1,22 m a été installé dans 13 bogs, 20 fens ouverts, 7 fens arbustifs et 13 laggs (Figure 2.1). Les quadrats échantillonnés étaient de 1 m2 et positionnés au centre des exclos. Les arbres de grande taille n’ont pas été inclus dans les exclos lors de leur installation, la méthode d’échantillonnage n’étant ici pas appropriée pour l’estimation du couvert des espèces arborescentes de grande taille. Les sentiers de cerfs de Virginie ont été évités lors de la mise en place du dispositif.

La végétation a été inventoriée une première fois juste après l’installation des exclos en juillet 2007, en 2010, en 2012 puis huit ans après l’exclusion des cerfs en juillet 2015. Pour cette étude, nous avons comparé la diversité végétale de l’année de l’installation des exclos et la huitième année (sauf pour les analyses d’espèces indicatrices pour lesquelles nous avons utilisé toutes les données d’inventaires). L’analyse de toute la séquence temporelle fait l’objet d’une autre étude (Voir chapitre 3). Le recouvrement de toutes les espèces végétales a été évalué visuellement en pourcentage de recouvrement au sol (<1, au 1 % près entre 1 et 10 %, au 5 % près entre 15 et 90 % au et au 1 % près entre 90 et 100 %).

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Figure 2.1 Localisation des 53 exclos situés dans les différents types d’habitats des tourbières dans la partie ouest de l’île d’Anticosti (Québec, Canada). Conditions environnementales À l’été 2015, un ensemble de variables environnementales a été mesuré dans chaque tourbière. Les mesures ont été prises à un seul point à proximité de l’exclos (< 5 m). Des échantillons d’eau de surface ont été prélevés afin de mesurer le pH, la conductivité électrique ainsi que la composition en cations de base, des variables permettant de caractériser les tourbières (Andersen et al. 2011). Le pH et la conductivité électrique ont été mesurés directement sur le terrain dans l’eau de surface à l’aide d’un pHmètre/conductivimètre (HI98129, Testeur de pH/Conductivité/TDS, Hannah Instrument, Modèle #98129). Le protocole de calibration du fabricant a été appliqué et la conductivité a été corrigée pour les concentrations en ions H+ selon la formule de Sjörs (1950) adaptée aux tourbières (conductivité -(10-pH x 325 000) à 20°C). Les échantillons d’eau pour l’analyse des cations de base (Ca2+, Mg2+, K+) ont été récoltés dans des bouteilles de polyéthylène et ils ont été conservés congelés jusqu’à l’analyse chimique à l’aide d’un ICP (Perkin-ElmerP40) au département de foresterie de l’Université Laval (Québec, Québec, Canada). La profondeur de la nappe phréatique a été mesurée dans un trou creusé directement dans la tourbière alors que l’épaisseur du dépôt de tourbe a été mesurée à l’aide de tiges de fibre de verre. Enfin, le pourcentage d’ombre des arbres, qui correspond à la

19 projection de la canopée des arbres au sol dans un rayon de 5 m à partir du centre des exclos, a été évalué à l’aide d’un densiomètre sphérique convexe (Lemmon 1956).

Analyse des données

Diversité

Pour chaque type d’habitat, nous avons évalué la diversité alpha, c’est-à-dire la diversité à un site, selon trois mesures différentes (Annexe 1). Nous avons d’abord mesuré la richesse spécifique (S) qui est le nombre d’espèces total par site. L’indice de Shannon (H’) a ensuite été calculé. Cet indice permet de décrire la structure de la communauté (Shannon & Weaver 1963). Il peut prendre une valeur allant de 0 à l’infini. Plus la valeur de l'indice est élevée, plus la diversité est grande. Cet indice est souvent accompagné de l’indice de Simpson (D) puisque l’indice de Shannon est plus sensible aux espèces rares que l’indice de Simpson qui est plus sensible aux espèces abondantes. L’indice de diversité de Simpson (1-D) permet de calculer la probabilité que deux individus choisis au hasard dans une communauté soient de la même espèce et il varie de 0 à 1, 1 étant la probabilité que les espèces soient différentes (Simpson 1949). Dans le but de déterminer le potentiel de diversité végétale après l’arrêt du broutement par le cerf, les indices de diversité alpha (S, H’ et D) ont été calculées après huit ans d’exclusion des cerfs pour chacun des types d’habitats tourbeux. L’influence du type d’habitats de tourbière sur les indices de la diversité alpha a ensuite été évaluée à l’aide d’une analyse de variance (ANOVA) suivie d’un test de comparaisons de moyennes a posteriori (LSD de Fisher). Finalement, afin de déterminer comment la richesse totale variait dans le temps, la richesse en espèces a été calculée à l’année 2007 et à l’année 2015 pour chacun des quatre types d’habitats et elle a été comparée à l’aide d’un test de t pour données appariées.

Composition en espèces et espèces indicatrices

Nous avons utilisé une analyse en composantes principales afin de caractériser la répartition des sites entre les quatre types d’habitat selon leur similarité en espèces huit ans après l’installation des exclos. Une transformation de Hellinger a été effectuée sur les données d’abondance d’espèces afin de tenir compte de la double absence (Legendre & Gallagher 2001). Afin d’identifier les espèces indicatrices des différents types d’habitats tourbeux huit ans après l’exclusion des cerfs, nous avons utilisé les analyses d’espèces indicatrices (IndVal) pour chacune des strates de végétation, soit la strate muscinale, arbustive et herbacée (Dufrêne & Legendre 1997). La valeur de P a été corrigée pour les tests multiples (Benjamini & Hochberg 1995). Ensuite, afin d’identifier les espèces qui ont été favorisées par le retrait du cerf, nous avons fait de nouvelles analyses d’IndVal pour chacune des strates de végétation pour toutes les années d’échantillonnage. Une espèce indicatrice est une espèce qui est spécifique à un type d’habitat ou un traitement (par exemple, une espèce qui

20 se retrouve seulement dans les bogs) et qui est fidèle à ce type d’habitat (qui est fréquente dans les sites se trouvant dans les bogs) (Legendre & Legendre 2012). Une fois que la spécificité et la fidélité d’une espèce sont calculées, on obtient une valeur se situant entre 0 et 1. Plus la valeur s’approche de 1 et plus elle est indicatrice d’un type d’habitat/traitement. Une espèce est jugée fortement indicatrice de l’habitat lorsque sa valeur d’IndVal atteint 0.25 et plus (Dufrêne & Legendre 1997). Une espèce apparaissant dans le temps dans la liste d’espèces indicatrices a été considérée comme une espèce qui a bénéficié de l’arrêt du broutement et une espèce disparaissant correspondait à une espèce qui n’a pas été avantagée par le retrait des cerfs.

Changement de couvert végétal depuis l’installation des exclos

Afin de savoir quelles espèces ont bénéficié du retrait des cerfs, nous avons étudié les changements de couvert végétal pour chacune des strates de végétation entre l’année d’installation des exclos et la dernière année d’inventaire. Pour chaque strate, nous avons considéré seulement les espèces ayant un recouvrement moyen supérieur à 2 % pour au moins l’une des années d’échantillonnage pour s’assurer de la pertinence biologique des résultats. Le couvert végétal à l’année 2015 a été comparé au couvert végétal de 2007 pour chaque espèce à l’aide d’un test de t pour échantillons appariés avec permutations. Chaque espèce a été testée séparément.

Conditions environnementales

Afin de comparer les conditions environnementales de chaque type d’habitat tourbeux, chaque variable environnementale a été testée individuellement à l’aide d’une ANOVA à un facteur (type d’habitat) et par la suite nous avons comparé les quatre types d’habitats à l’aide d’un test de comparaisons de moyennes a posteriori (LSD de Fisher). Afin d’identifier les variables environnementales qui varient de manière similaire et donc qui influencent la végétation de manière similaire, nous avons calculé les coefficients de corrélations de Pearson entre toutes les variables.

Relation entre la végétation et les variables environnementales

Afin de déterminer quelles conditions environnementales expliquent le mieux la répartition des espèces dans les différents types d’habitats, nous avons utilisé une analyse de redondance sur les variables environnementales de tous les types d’habitats. Nous avons ensuite calculé la partition de la variance entre les variables environnementales significatives afin d’évaluer l’importance relative de chacune dans la répartition des espèces et également de voir l’effet combiné des variables environnementales.

21

Toutes les analyses ont été réalisées à l’aide de la version 3.2.3 du logiciel R (R Core Team 2015). Nous avons utilisé la librairie « vegan » pour l’analyse de redondance et les calculs de diversité végétale (Oksanen et al. 2016). Nous avons utilisé la librairie « labdsv » pour les analyses de valeurs indicatrices (Roberts 2016). La librairie « agricolae » a été employée pour les ANOVA et les tests de comparaisons multiples (Mendiburu 2015).

Résultats

Diversité En 2015, soit huit ans après l’exclusion du cerf, un total de 158 espèces (34 espèces invasculaires et 124 espèces vasculaires) ont été identifiées dans les quatre types d’habitats alors que seulement 125 espèces (28 espèces invasculaires et 97 espèces vasculaires) au total avaient été identifiées en 2007 avant l’implantation du dispositif (Tableau 2.1). La richesse totale a significativement augmenté dans les différents types d’habitats après huit ans d’exclusion du cerf (t = 5,1, P = 0,007).

Tableau 2.1 Richesse totale des plantes dans chacun des quatre types d’habitats de tourbières pour l’année 2007 et 2015 de l’île d’Anticosti.

Types d’habitats 2007 2015

Bog 35 42

Fen ouvert 54 77

Fen arbustif 61 69

Lagg 81 102

La proportion du recouvrement d’espèces exotiques comme Elymus repens (L.) Gould et Vicia cracca L. sur le recouvrement total était de 0,8 % en 2007 et de 0,3 % en 2015. Quatre espèces rares (Tardif et al. 2016) ont été observées, soit Pedicularis palustris L. dans les fens ouverts et arbustifs, Carex sterilis Wild. dans les fens et les laggs ainsi que Rhynchospsora capillacea Tor. et Drosera linearis Gold. dans les fens ouverts (Annexe 2).

La richesse spécifique était plus élevée dans les laggs que dans les fens ouverts et dans les bogs, mais pas significativement différente de celle des fens arbustifs (Figure 2.2a). Selon l’indice de Shannon, les laggs étaient plus hétérogènes en espèces que les bogs et les fens ouverts (Figure 2.2b). Aussi, la probabilité que deux espèces choisies au hasard soient différentes (Indice de Simpson) était plus élevée dans les laggs que dans les autres types d’habitats (Figure 2.2c).

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A) )

2 a ab b

c

Richesse en espèces (espèces/m 5 10152025303540

B) a

ab b b

Indice de Shannon

1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 a C) b b b

Indice de Simpson

0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 Bog Fen ouvert Fen arbustif Lagg Figure 2.2 A) Richesse en espèces B) Indice de Shannon et C) Indice de Simpson dans les différents types d’habitats de tourbières de l’île d’Anticosti huit ans après l’installation d’exclos. Les lignes supérieure, inférieure et centrale de la boîte à moustaches correspondent respectivement au 75e, 25e et 50e percentiles. Les barres pointillées s’étendent de la valeur minimale à la valeur maximale dans la distribution. Les points représentent des données extrêmes. Les lettres minuscules au-dessus des boîtes à moustaches indiquent que les différents types d’habitats sont significativement différents selon une ANOVA suivie d’un test de comparaisons de moyennes a posteriori (LSD de Fisher) (P < 0,05).

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Espèces indicatrices et composition en espèces Seize espèces ont été identifiées comme indicatrices des bogs en 2015 (Tableau 2.2). Il s’agit essentiellement d’espèces de sphaignes, de lichens et d’éricacées. Sept espèces indicatrices des fens ouverts ont été identifiées, soit principalement des mousses brunes, des cypéracées ainsi que Sarracenia purpurea L. Sept espèces indicatrices ont été identifiées pour les fens arbustifs dont Drepanocladus revolvens (Sm.) Warnst., Andromeda polifolia L., Betula pumila L. et Dasiphora fruticosa (L.) Rydb. Finalement, les laggs constituent l’habitat avec le plus d’espèces indicatrices (23), ces espèces étaient toutes des plantes herbacées, sauf la mousse Tomentypnum nitens (Hedw.) Loeske. Globalement, une augmentation du nombre d’espèces indicatrices herbacées dans les laggs a été notée au cours des années (Tableau 2.3). Certaines espèces étaient indicatrices seulement à partir de la cinquième ou la huitième année d’exclusion des cerfs.

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Tableau 2.2 Les valeurs indicatrices des espèces selon les strates de végétation de chacun des types d’habitats tourbeux de l’île d’Anticosti. Seules les INDVAL de plus de 0,25 et les valeurs de P corrigées pour les tests multiples significatives sont présentées. Les INDVAL, les valeurs de P corrigées et la fréquence des espèces dans l’habitat ont été calculés huit ans après l’installation des exclos (n = 53) sur un total de 158 espèces. Les années durant lesquelles les espèces ont été identifiées comme indicatrices sont indiquées (0 = 2007, 3 = 2010, 5 = 2012 et 8 = 2015). Strate Espèce Type d’habitat Années INDVAL Valeur de P Fréquence Muscinale Sphagnum fuscum Bog 0, 3, 5, 8 0,85 < 0,001 11 Cladonia rangiferina Bog 0, 3, 5, 8 0,69 < 0,001 9

Mylia anomala Bog 0, 3, 5, 8 0,62 < 0,001 8

Cladonia mitis Bog 0, 3, 5, 8 0,62 < 0,001 8

Sphagnum rubellum Bog 0, 3, 5, 8 0,54 < 0,001 7

Dicranum undulatum Bog 0, 3, 5, 8 0,31 0,02 7

Campylium stellatum Fen ouvert 0, 3, 5, 8 0,63 0,001 35

Scorpidium scorpioides Fen ouvert 0, 3, 8 0,39 < 0,001 9

Drepanocladus revolvens Fen arbustif 0, 3, 5, 8 0,53 0,01 33

Tomentypnum nitens Lagg 0, 3, 5, 8 0,36 0,01 6

Arbustes Kalmia polifolia Bog 0, 3, 5, 8 1,00 < 0,001 13 Chamaedaphne calyculata Bog 0, 3, 5, 8 1,00 < 0,001 14

Empetrum nigrum Bog 0, 3, 5, 8 0,92 < 0,001 12

Kalmia angustifolia Bog 0, 3, 5, 8 0,92 < 0,001 12

Rhododendron groenlandicum Bog 0, 3, 5, 8 0,84 < 0,001 21

Vaccinium angustifolium Bog 0, 3, 5, 8 0,62 < 0,001 8

Vaccinium myrtilloides Bog 5, 8 0,31 0,01 4

Picea mariana Bog 0, 3, 5, 8 0,29 0,04 11

Andromeda polifolia Fen arbustif 3, 5, 8 0,57 0,002 33

Betula pumila Fen arbustif 0, 3, 5, 8 0,51 0,01 15

Dasiphora fruticosa Fen arbustif 0, 3, 5, 8 0,46 0,01 26 Herbacées Rubus chamaemorus Bog 0, 3, 5, 8 0,92 0,001 12 Drosera rotundifolia Bog 3, 5, 8 0,52 0,001 31

Carex livida Fen ouvert 0, 3, 5, 8 0,70 0,001 22

Trichophorum cespitosum Fen ouvert 0, 3, 5, 8 0,61 0,001 37

Carex exilis Fen ouvert 0, 3, 5, 8 0,59 0,001 13

Carex viridula Fen ouvert 5, 8 0,37 0,01 15

Sarracenia purpurea Fen ouvert 0, 3, 5, 8 0,32 0,03 15

Packera paupercula Fen arbustif 3, 5, 8 0,46 0,003 16

Comandra umbellata Fen arbustif 3, 5, 8 0,42 0,004 8

Linnaea borealis Fen arbustif 8 0,29 0,03 10

Calamagrostis canadensis Lagg 0, 3, 5, 8 0,76 0,002 11

Carex flava Lagg 0, 3, 5, 8 0,65 0,002 24

Carex leptalea Lagg 3, 5, 8 0,62 0,001 8

Mitella nuda Lagg 0, 3, 5, 8 0,59 0,001 9

Iris versicolor Lagg 0, 3, 5, 8 0,57 0,002 12

Sanguisorba canadensis Lagg 3, 5, 8 0,56 0,004 22

Carex aquatilis Lagg 3, 5, 8 0,52 0,002 19

Galium labradoricum Lagg 0, 3, 5, 8 0,52 0,002 12

Carex interior Lagg 8 0,51 0,01 17

Maianthemum trifolium Lagg 0, 3, 5, 8 0,48 0,003 24

Equisetum arvense Lagg 5, 8 0,46 0,003 6

Rubus pubescens Lagg 0, 3, 5, 8 0,46 0,003 6

Eurybia radula Lagg 0, 3, 5, 8 0,46 0,02 26

Vicia cracca Lagg 0, 3, 5, 8 0,38 0,004 5

Equisetum fluviatile Lagg 5, 8 0,38 0,02 21

Carex aurea Lagg 8 0,31 0,02 4

Ranunculus acris Lagg 8 0,31 0,02 4

Packera aurea Lagg 5, 8 0,31 0,01 4

Conioselinum chinense Lagg 5, 8 0,30 0,02 5

Elymus repens Lagg 3, 5, 8 0,30 0,02 9

Equisetum variegatum Lagg 3, 8 0,28 0,02 5

Platanthera hyperborea Lagg 5, 8 0,27 0,03 5

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Tableau 2.3 Nombre d’espèces indicatrices selon les années pour chacun des types d’habitats tourbeux de l’île d’Anticosti et pour chacune des strates de végétation. Au total, 200 espèces ont été recensées.

Strate Types d'habitats 2007 2010 2012 2015 Bog 7 7 7 6 Fen ouvert 2 1 2 2 Muscinal Fen arbustif 1 1 1 1 Lagg 1 3 3 1 Bog 7 7 8 8 Fen ouvert 0 0 0 0 Arbustive Fen arbustif 2 3 3 3 Lagg 0 0 0 0 Bog 1 2 3 2 Fen ouvert 4 3 7 5 Herbacée Fen arbustif 2 6 3 3 Lagg 10 16 20 22

Selon l’analyse en composantes principales (ACP), la composition en espèces des bogs se distinguait clairement de celle des habitats minérotrophes (Figure 2.3; axe 1), tandis que celle des fens ouverts se distinguait de celles des fens arbustifs et des laggs (Figure 2.3; axe 2). Les deux premiers axes de l’ACP étaient significatifs et représentaient ensemble environ 43 % de la variance totale. Les espèces associées à la répartition des sites au sein des quatre types d’habitats concordaient avec les espèces indicatrices identifiées. Les espèces les plus fortement associées étaient d’abord les bryophytes. En effet, les sphaignes (Sphagnum fuscum (Schimp.) Klinggr. et Sphagnum rubellum Wil.) distinguaient les bogs des tourbières minérotrophes selon le premier axe; Campylium stellatum (Hedw.) C.E.O. Jens. et Drepanocladus revolvens séparaient les fens ouverts et les laggs selon le deuxième axe (Annexe 3). Ensuite, en ce qui a trait aux plantes vasculaires, les éricacées séparaient bien les sites selon le premier axe étant abondantes dans les bogs. Trichophorum cespitosum (L.) Hart. et Sanguisorba canadensis L., les deux espèces vasculaires les plus abondantes dans les inventaires, séparaient bien les sites entre les fens ouverts et les laggs (Annexe 3).

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0,6 Bog Fen ouvert Fen arbustif 0,4 Lagg

0,2

0,0

CP2 (14,9%) CP2 -0,2

-0,4

-0,6

-1,0 -0,5 0,0 0,5 Figure 2.3 Analyse en composantes principalCP1es (28,1%)représentant 53 exclos dans différents types de tourbières de l’île d’Anticosti selon leur similarité en espèces. Le pourcentage explicatif est indiqué entre parenthèses pour chacun des axes. La composition végétale évaluée correspond à la composition végétale huit ans après l’installation des exclos.

Changement de couvert végétal depuis l’installation des exclos Betula pumila est le seul arbuste dont le couvert moyen a significativement augmenté, ayant un couvert près de deux fois plus élevé en 2015 par rapport à 2007 (t = -1,4, P = 0,04, Figure 2.4). Aucune espèce de bryophyte n’a significativement augmenté ou diminué en couvert entre 2007 et 2015. En ce qui concerne les herbacées, Sanguisorba canadensis a augmenté en couvert de près de huit fois entre 2007 et 2015 (t = -3,1, P = 0,00001) tandis que deux herbacées ont significativement diminué en couvert, soit Rubus chamaemorus L. et Viola nephrophylla Greene (t = 2,3, P = 0,03 et t = 3,4, P = 0,0002).

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Figure 2.4 Recouvrement moyen des espèces avant l’installation des exclos en 2007 par rapport à celui en 2015 (n = 53 sites) dans des tourbières de l’île d’Anticosti. Seulement les espèces ayant présenté un changement significatif de couvert végétal sont présentées (test de t pour données appariées, P < 0,05). La ligne pointillée ne correspond à aucun changement de couvert végétal; le couvert des espèces figurant au-dessus de la ligne a augmenté en huit ans alors que celui des espèces sous la ligne a diminué.

Conditions environnementales Les bogs se distinguaient des tourbières minérotrophes, qui comprennent les fens et les laggs, quant à leurs conditions environnementales. Le pH des bogs variait entre 2,8 et 4,2 tandis que celui des habitats minérotrophes variait entre 5,3 et 7,5 (Figure 2.5a). La conductivité électrique corrigée des bogs était en moyenne de 10 µS/cm et de 316 µS/cm dans les habitats minérotrophes (Figure 2.5b). Le point extrême correspondait à un bog situé à proximité des rives de l’île, ce qui a probablement eu pour effet d’enrichir la tourbière en sels minéraux par les embruns marins (Campbell & Rochefort 2001), et expliquerait la conductivité électrique aussi élevée. Le pH et la conductivité électrique corrigée étaient fortement corrélés (0,80, P = 0,00001, Annexe 4).

La nappe phréatique était plus près de la surface dans les fens ouverts et les laggs que dans les bogs, mais elle n’était pas significativement différente dans les fens ouverts et les fens arbustifs (Figure 2.5c). L’épaisseur moyenne du dépôt de tourbe était près de 2 fois plus élevée dans les bogs (256 cm) que dans les fens (132 cm) et 3 fois plus élevée que dans les laggs (75 cm) (Figure 2.5d). Le dépôt le plus épais (421 cm) correspondait à un fen arbustif, dont le site d’échantillonnage était situé au centre de la tourbière, expliquant la donnée extrême. Les concentrations en Ca2+ et en Mg2+ des bogs étaient généralement beaucoup plus faibles (< 3,8 ppm et < 0,5 ppm, respectivement) que les tourbières minérotrophes qui présentaient des valeurs de 2

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à 40 fois plus élevées (Figure 2.5e et f). D’ailleurs, les concentrations de ces deux cations étaient fortement corrélées entre elles (0,82, P = 0,00001) et avec le pH de l’eau (0,82 avec le Ca et 0,81 avec le Mg, P = 0,00001, Annexe 4). Les laggs possédaient deux fois plus d’ions K+ (1,6 ppm) que tous les autres types d’habitats (0,8 ppm; figure 2.5g).

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A) a a E) a a a a (ppm) 2+ 5678 Mg pH de l'eaupH de b 1234 b 34 B) F) a a a a a a (ppm) 2+ Ca 20 40 60 80 b b 100 200 300 400 500 600 700 0 Conductivité électrique (µS/cm) électrique Conductivité C) G) a

b (ppm) + b ab K b a b Profondeur de la 123

-20 -40 -60 -80 -100 a nappe phréatique (cm) nappe phréatique 0 D) a Bog Fen ouvert Fen arbustif Lagg

bc

b c

Épaisseur du dépôt de tourbe (cm)

0 100 200 300 400 Bog Fen ouvert Fen arbustif Lagg Figure 2.5 Distribution des variables environnementales dans les quatre types d’habitats tourbeux étudiés sur l’île d’Anticosti. A) pH de l’eau B) conductivité électrique C) profondeur de la nappe phréatique D) Épaisseur du dépôt de tourbe E) Concentration en ions magnésium dans l’eau F) ions calcium et G) ions potassium. Les lignes supérieure, inférieure et centrale de la boîte à moustaches correspondent respectivement au 75e, 25e et 50e percentiles. Les barres pointillées s’étendent de la valeur minimale à la valeur maximale dans la distribution. Les points représentent des données extrêmes. Les lettres minuscules au-dessus des boîtes à moustaches indiquent que les différents types de tourbières sont significativement différents selon une ANOVA suivie d’un test de comparaisons a posteriori (LSD) (P < 0,05).

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Relation entre la végétation et les variables environnementales Seuls le pH de l’eau, l’épaisseur du dépôt de tourbe et le pourcentage d’ombre sont ressortis comme variables environnementales significatives expliquant la composition en espèces des types d’habitats tourbeux lors de la sélection des variables de la RDA. Ces trois variables contribuaient à expliquer 31 % de la variance dans la composition végétale des différents types de tourbière (Figure 2.6), le plus grand pourcentage étant attribuable au pH de l’eau.

Pourcentage pH de l’eau d’ombre 16% 5%

0,1% 8%

2%

Épaisseur du dépôt de tourbe

Valeurs < 0% non représentées Résidus = 69%

Figure 2.6 Partition de la variance à l’aide d’un diagramme de Venn entre les variables environnementales explicatives de la répartition des espèces huit ans après l’installation des exclos dans des tourbières de l’île d’Anticosti. Une présélection des variables a d’abord été faite à l’aide d’une RDA et uniquement celles étant ressorties significatives pour expliquer la variabilité dans la composition végétale ont été considérées ici.

Discussion

Diversité de la flore des tourbières à la suite de l’exclusion des cerfs Cette étude constitue une des premières décrivant la flore des tourbières de l’île d’Anticosti dans un contexte d’exclusion des cerfs de Virginie. Le retrait du cerf semble avoir permis l’établissement d’une plus grande diversité végétale. Les inventaires effectués dans les 53 tourbières ont révélé 33 nouvelles espèces, dont 27 vasculaires, huit ans après le retrait des cerfs, suggérant que l’absence des cerfs de Virginie a favorisé le rétablissement de certaines espèces (par exemple Geum rivale L., Maianthemum stellatum L. Link, Lobelia kalmii L.). De plus, certaines espèces présentes sont apparues comme indicatrices que lors des dernières

31 années, et ainsi ont pu être favorisées par le retrait des cerfs comme Linnaea borealis L., Platanthera hyperborea (L.) Lindley, Conioselinum chinense (L.) B., S. & P., Ranunculus acris L. dans les laggs et Vaccinium myrtilloides Michx. dans les bogs.

Parmi les quatre types d’habitat, les laggs sont ceux où le plus grand nombre d’espèces se sont établies au fil du temps après l’instauration des exclos. Non seulement la richesse totale des laggs est passée de 81 à 102 en huit ans, mais le nombre d’espèces indicatrices a fortement augmenté au cours de ces années. Les laggs montrent donc un potentiel de diversité végétale qui n’était pas totalement exprimé avec les densités actuelles de cerfs de Virginie. Les tourbières, surtout ombrotrophes, constituent généralement des écosystèmes peu productifs par rapport au milieu forestier environnant et le temps de réponse à la suite d’une perturbation y est plus long qu’en forêt (Sjörs 1980). Ainsi, les tourbières de l’île d’Anticosti n’ont peut-être pas atteint leur maximum de diversité après le retrait des cerfs. Certaines espèces présentes dans le pool régional d’espèces qui n’ont pas été identifiées dans nos inventaires pourraient apparaître après plusieurs années d’exclusion du cerf. Par exemple, Ilex mucronata (L.) M. Powell, V. Savol. & S. Andrews est une espèce abondante dans les tourbières de la région des îles Mingan et de l’île d’Anticosti (Marie-Victorin & Rolland-Germain 1969), mais elle n’a pas été retrouvée dans nos inventaires ni dans les inventaires précédents dans les tourbières de l’île (Pellerin et al. 2006). Sa difficulté à s’établir peut être expliquée par sa germination lente qui requiert deux à trois années après l’implantation des graines, l’absence de graines viables ou par son mode de dispersion qui est assurée par les oiseaux (Loizeau et al. 2016). Cette espèce a montré une bonne capacité d’établissement dans une étude sur la germination des graines en tourbière restaurée, ayant germé six fois plus en conditions d’ombrage qu’en conditions de lumière (Paradis 2015). Il est ainsi possible que le rétablissement d’un couvert plus dense à la suite de l’arrêt du broutement génère des conditions d’ombrage propices à de telles espèces et qu’elles puissent s’établir et enrichir davantage les tourbières.

Les laggs, ces écotones en périphérie des tourbières, peuvent supporter une plus grande diversité de plantes puisqu’ils sont enrichis en éléments minéraux et nutritifs (Paradis et al. 2015) et sont caractérisés par des couches de tourbe moins profondes où les racines des plantes peuvent entrer facilement en contact avec le sol minéral sous-jacent (Dimitrov et al. 2014). Non seulement les laggs étaient plus riches en espèces, mais nous avons également trouvé une grande diversité d’espèces herbacées indicatrices de ces milieux, dont plusieurs espèces associées à des milieux enrichis en éléments minéraux et nutritifs comme Carex leptalea Wahl. (Garneau 2001). Les écotones sont en fait reconnus comme des milieux riches en biodiversité puisqu’ils recèlent des espèces des deux milieux adjacents en plus d’abriter des espèces d’écotone qui leur sont inféodées (van der Maarel 1990, Walker et al. 2003). En effet, une étude récente de Paradis et al. (2015) a montré que les laggs en bordure de bogs peuvent être caractérisés par 1) une transition abrupte sans montrer

32 de communautés écotonales, 2) une transition rapide avec une communauté écotonale de lagg marécageux, 3) une transition rapide avec deux communautés écotonales soit une de lagg-fen et une autre de lagg marécageux et finalement 4) une longue transition avec un milieu humide élargi en périphérie du bog. Néanmoins, le deuxième type reste le plus commun dans les régions maritimes du Canada (Paradis et al. 2015). Notre étude semble ainsi en accord avec ces résultats, les laggs d’Anticosti renfermant plusieurs espèces qui leur sont exclusives ou fortement associées. Les laggs représentent donc des milieux diversifiés dans les tourbières à l’île d’Anticosti alors que ce type d’habitat de tourbières n’a été étudié que dans quelques études de cas (Damman & Dowhan 1981, Damman 1986, Pellerin et al. 2009). Les fens ouverts se sont révélés moins diversifiés, mais ils s’avèrent tout autant d’intérêt pour la diversité que les laggs étant donné que les espèces rares ont été trouvées principalement dans ces habitats (Annexe 2).

Espèces ayant répondu à l’exclusion des cerfs Les deux espèces ayant fortement augmenté en couvert à la suite de l’exclusion des cerfs sont Betula pumila, un arbuste décidu et Sanguisorba canadensis, une herbacée. Ces deux espèces sont surtout présentes dans les fens calcaires et sont fortement broutées par les cervidés (Bergerud 1972). Le retour de ces espèces indique qu’elles sont résilientes au broutement. La diminution en couvert de Rubus chameomorus, une espèce sensible au broutement (Pellerin et al. 2006), et de Viola nephrophylla est probablement due à un effet d’ombrage dû à la végétation dense dans les exclos. Elle peut également être due à un effet de l’année, la variabilité annuelle de la croissance du Rubus chameomorus ayant déjà été noté en tourbière naturelle (Bellemare et al. 2009).

Conditions environnementales expliquant la diversité végétale La diversité végétale dans les tourbières de l’île d’Anticosti s’explique par la présence d’une différence marquée dans les conditions environnementales entre les types de tourbières. Les tourbières de l’île d’Anticosti sont réparties le long d’un fort gradient de pH, variant de 2,83 à 7,45, qui constitue le facteur qui explique le mieux la répartition de la végétation dans notre étude. D’ailleurs, la part du pH dans le gradient de minérotrophie allant des tourbières «pauvres» en espèces indicatrices de minérotrophie (bog) aux tourbières plus «riches» (fen) a été reconnue par de nombreuses études (p. ex. Sjörs 1950, Malmer 1986, Vitt & Chee 1990, Anderson & Davis 1997). Ce gradient peut également être expliqué par la concentration en cations (Ca2+ et Mg2+) et par la conductivité électrique, qui sont d’ailleurs très corrélées avec le pH (Campbell & Rochefort 2001) comme montré par nos résultats (Annexe 4). Dans notre étude, les habitats de bordures (laggs) se distinguent des tourbières ouvertes selon les conditions hydrologiques de la tourbière et selon l’enrichissement en minéraux et en éléments nutritifs de l’eau qui sont d’ailleurs des facteurs associés au gradient du centre vers les bordures des tourbières (Damman & Dowhan 1981, Cooper & Andrus 1994, Campbell & Rochefort 2001, Bragazza et al. 2005). En effet, les laggs, qui se sont distingués des autres types

33 d’habitats par une grande diversité végétale, présentaient une plus grande concentration en K+, ce qui est cohérent avec d’autres études qui ont montré que les bordures des tourbières étaient enrichies en éléments nutritifs (Malmer 1986, Bridgham et al. 1996).

Conclusion Ce portrait des tourbières de l’île d’Anticosti a permis d’élargir les connaissances sur les tourbières de cette région et de mettre en évidence leur flore diversifiée. Après l’exclusion des cerfs, la diversité végétale augmente dans les tourbières de l’île d’Anticosti, montrant qu’elles ont un potentiel de diversité végétale d’intérêt pour la conservation. Avant 2000, la proportion des tourbières protégées au Québec était de 0,1 % (Poulin et al. 2004). Avec l’adoption de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel et la création de réserves de biodiversité en 2002, la superficie des tourbières protégées au Québec est montée à 9 % de la superficie totale des tourbières, mais la majorité d’entre elles se situent dans le Nord québécois (Rochefort et al. 2011). En effet, les tourbières ne représentent que 4,8 % des milieux humides protégés dans les basses- terres du Saint-Laurent (Pellerin & Poulin 2013). En 2001, la création du Parc national d’Anticosti de 20 000 ha a considérablement augmenté la superficie des tourbières protégées de cette région au Québec, les tourbières représentant 35 % des aires protégées de l’ensemble de l’île d’Anticosti (Poulin & Pellerin 2001). Les tourbières de l’île d’Anticosti font donc partie d’un patrimoine naturel d’intérêt. D’autant plus que l’île d’Anticosti présente une bonne diversité de conditions environnementales dans les tourbières et les fens y sont abondants comparativement aux autres régions de la sapinière à bouleau blanc de l’est (Buteau 1989, Tarnocai et al. 2011). Cette étude a montré qu’après l’exclusion du cerf les tourbières de l’île d’Anticosti présentent également une plus grande diversité végétale, notamment dans les laggs. De même, cette flore des tourbières pourrait s’enrichir davantage dans les prochaines années par le retour en abondance d’autres espèces présentes dans le pool d’espèces régionales. À plus long terme, advenant une réduction globale de la densité des cerfs, si certaines espèces ont de la difficulté à s’établir, l’introduction de certains individus à partir de populations sources pourrait être envisagée pour surmonter les filtres de dispersion. La gestion des densités de cerfs devient ainsi un aspect important à considérer dans les plans de conservation et restauration des tourbières de l’île d’Anticosti. Ces plans devront tenir compte de la variabilité des assemblages d’espèces végétales et des conditions environnementales qui caractérisent les tourbières afin d’en assurer la représentativité à l’échelle de l’île.

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CHAPITRE 3

CHRONIC DEER BROWSING LEADS TO BIOTIC HOMOGENIZATION OF PRODUCTIVE PEATLANDS

Milène Courchesne, Stéphanie Pellerin, Marianne Bachand, Steeve D. Côté et Monique Poulin

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Résumé Les populations abondantes de grands herbivores affectent grandement la composition, la structure et la fonction des écosystèmes. Par contre, le rétablissement de la végétation après l’arrêt du broutement en relation avec la productivité des sites reste peu compris. Nous avons d’abord comparé les trajectoires de composition végétale dans les parcelles soumises au broutement du cerf de Virginie (Odocoileus virginianus Zimmermann) à celles d’exclos sur une période de huit ans dans quatre types d’habitats tourbeux (bog, fen ouvert, fen arbustif et lagg) sur l’île d’Anticosti (Québec, Canada) en utilisant les courbes de réponse principales (PRC). Ensuite, nous avons examiné les changements de diversité bêta selon un gradient de minérotrophie, qui a été utilisé comme un estimé de la productivité pour comprendre la réponse de la végétation à l’arrêt du broutement selon plusieurs régimes de productivité. Les analyses ont révélé que la composition végétale des exclos a changé significativement dans le temps par rapport aux parcelles avec cerfs dans les fens arbustifs et les laggs. Aucun changement n’a été observé dans les bogs et les fens ouverts qui sont des habitats composés de plantes résistantes et tolérantes au broutement. Les exclos ont favorisé la croissance d’espèces broutées par le cerf, soit Sanguisorba canadensis et Betula pumila alors que des espèces tolérantes au broutement comme Dasiphora fruticosa et Trichophorum cespitosum ont bénéficié du broutement. La hauteur des arbustes était 27% et 34% supérieure dans les exclos que dans les parcelles avec cerf dans les fens arbustifs et les laggs alors que le couvert en herbacées était 43% plus grand dans les exclos que les parcelles avec cerfs dans les laggs. La diversité bêta était plus grande dans les exclos que les parcelles avec cerfs pour les tourbières à fort pH, ce qui suggère que les cerfs favorisent l’homogénéisation biotique dans les sites les plus productifs. En somme, nous résultats indiquent que les communautés végétales des tourbières se rétablissent lentement et montrent une réponse d’accélération le long d’un gradient de minérotrophie.

Abstract Overabundance of large herbivores strongly affects the composition, structure and function of ecosystems. However, the recovery of vegetation after browsing control in relation to site productivity remains less understood. We first compared the trajectories of vegetation composition in plots subjected to browsing by white-tailed deer (Odocoileus virginianus Zimmermann) to plots protected by exclosures over a period of eight years in four types of peatland habitats (bog, open fen, shrub fen, lagg) on Anticosti Island (Québec, Canada), using principal response curves (PRC). We then examined changes in beta diversity in relation to site minerotrophy, which was used as a surrogate for plant productivity, to assess the response of vegetation to browsing under different productivity regimes. Vegetation composition changed significantly over time in unbrowsed plots compared to browsed plots in shrub fens and laggs, while no changes were observed in bogs

36 and open fens, habitats composed of deer-resistant and tolerant plant species. Exclosures promoted the growth of palatable species such as Sanguisorba canadensis and Betula pumila, while tolerant species like Dasiphora fruticosa and Trichophorum cespitosum benefited from browsing. Shrub height was 27% and 34% higher in unbrowsed plots than browsed plots in shrub fens and laggs, respectively, while herbaceous species cover was 43% greater in unbrowsed plots than browsed plots in laggs. Beta diversity in exclosures was higher than in browsed plots for peatlands with high pH, suggesting that deer use leads to biotic homogenization of more productive sites. Overall, our results indicate that peatland plant communities can recover from browsing, and show a stronger response along a minerotrophic gradient.

Introduction Large herbivores have modified vegetation composition in a wide range of habitats worldwide (de Vos et al. 1956, Vázquez 2002, Côté et al. 2004, Nunez et al. 2010). These modifications are more pronounced in environments that have evolved without herbivory (Milchunas et al. 1988) or under a new type or level of herbivory when an introduced herbivore reach higher densities than an native one (Hobbs & Huenneke 1992). Prominent vegetation-browsing patterns can be illustrated by the well-known cases of the Haida Gwaii archipelago (Canada), where introduced black-tailed deer (Odocoileus hemionus) have contributed to simplify vegetation into few browsing tolerant species (Martin et al. 2010); of the Palma Island in the Canary Islands, where seedling recruitment declined under high browsing pressure from rabbits and goats (Oryctolagus cuniculus and Capra hircus) (Irl et al. 2012); and of many New Zealand communities, where multiple pressures are experienced by and particularly indigenous species following several introductions of mammal herbivores (Wardle et al. 2001).

Over the last decades, deer populations have greatly increased in most temperate habitats of North America and Europe (Côté et al. 2004). Deer browsing has been shown to modify forest structure or plant community composition by reducing the abundance of more palatable species (Augustine & Frelich 1998, Royo et al. 2010) and favoring browsing-tolerant or resistant plants (Tremblay et al. 2007). In certain circumstances, browsing can alter succession of ecosystems and alternative successional stages can be reached (Connell & Slatyer 1977, Suding et al. 2004). This is due to the establishment of a recalcitrant understory layer (Royo & Carson 2006) and the impoverishment of seed banks (Maron & Crone 2006) that hinder vegetation recovery after herbivore density control (Hidding et al. 2013). Chronic browsing can in fact lead to biotic homogenization, that is the process by which natural or anthropogenic factors reduce the variation of species composition in space (beta diversity) over time (McKinney & Lockwood 1999, Olden & Rooney 2006). Rooney (2009) indeed suggested that deer can constitute a causal factor of biotic homogenization of the ground-layer vegetation of these forests, with the cover of grasses and sedges increasing from 10% to 83% within 16 years of high herbivore abundance (> 16 deer/km2). In northern Wisconsin forests, deer have modified vegetation

37 communities and have caused a 9% increase in similarity of species composition among sites (Rooney et al. 2004). As well, long history of browsing in late succession and old-growth stands in Pennsylvania has contributed to the biotic homogenization of the sapling layer, resulting in low understory density, low diversity and abundance of browse-tolerant species (Schumacher & Carson 2013).

The process by which vegetation communities are homogenized by browsing may depend on the rate of production of new vegetation biomass by the ecosystem (Allaby 2010). Indeed, browsing impact may increase with productivity, due to more intense feeding activity at high productivity or because plants are more resistant in low productive sites (Daskin & Pringle 2016). Compensation has been shown for plants growing both at high and low productivity and will also influence the outcome of browsing on plant communities (Daskin & Pringle 2016). When an herbivore is extirpated from an ecosystem, the subsequent recovery of vegetation could also depend on site productivity. While highly productive ecosystems can be more intensively grazed, they may be more resilient, with vegetation recovering more rapidly from browsing pressure (Maschinski & Whitham 1989). Clearly, the response of ecosystems to browsing in function of their productivity is only partially understood. Because peatlands offer the great advantage of exhibiting a wide range of productivity from ombrotrophic to minerotrophic habitats (Zoltai & Vitt 1995), they represent an ideal context for assessing the response of vegetation to deer browsing along a productivity gradient. We based our assessment on pH, which is highly correlated with the minerotrophic gradient of peatlands, and thus their productivity (Vitt & Chee 1990).

While browsing effects on forests and grasslands have been largely studied (Côté et al. 2004), the impact of wild large ungulates on peatlands is less understood. In these habitats, most studies have focussed on livestock rather than wild animals (Rawes & Hobbs 1979, e.g. Grant et al. 1985). Grazing and trampling by sheep and cattle have been shown to reduce the cover of ericaceous while favoring graminoids (Rawes & Hobbs 1979, Rawes 1983, Birnie & Hulme 1990, Ward et al. 2007) and decrease the total vegetation biomass (Ausden et al. 2005). Trampling also reduced the cover and richness of bryophytes while increasing the cover of bare peat (Arnesen 1999, Stammel & Kiehl 2004). Furthermore, only one study has evaluated the effects of browsing exclusion in the context of different types of peatlands and took place in ombrotrophic peatlands (bogs) in northern England, where the cessation of grazing by livestock for a period of 14 years led to the replacement of original species by species associated with drier conditions (Smith et al. 2003). Vegetation changes were also greater at the margins of the bog, suggesting this difference was associated with productivity (Smith et al. 2003). Few studies have examined the impact of grazing on minerotrophic peatlands (fens) (Middleton 2002, Stammel et al. 2003) while grazing impacts may differ between ombrotrophic and minerotrophic peatlands (Middleton et al. 2006).

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In a context of high herbivore densities and lack of predators, open habitats like peatlands can represent potential feeding grounds (Massé and Côté, 2009). For example, Pellerin et al. (2006) conducted an observational study of the impact of deer browsing at high density on peatland vegetation by comparing peatland plant communities of Anticosti Island (Québec, Canada) with those on the deer-free Mingan archipelago located nearby; they found a greater impact of browsing in fens than in bogs, with a loss of diversity in fens, principally for shrubs, sedges and liverworts. Although this study focused on open peatlands, it showed that browsing could differ between habitats. Laggs, which are ecotones between open peatland expanses and adjacent mesic forests, are susceptible to more intensive use by deer (Massé & Côté 2009). This is likely due to their high productivity and thus could be more affected than other peatland types. On Anticosti Island, peatlands are highly used by introduced white-tailed deer, and, in the absence of predation, fine-scale habitat selection by deer is determined more by forage quantity available than by protective canopy cover, which fosters the use of open or semi-forested peatlands adjacent to forests (Massé & Côté 2009).

The presence of white-tailed deer at a high density in peatlands of Anticosti Island for several decades provides a unique opportunity to evaluate the response of peatlands to browsing in relation to the habitat type and productivity. We set up a deer exclosure experiment in 53 peatlands and assessed the response of vegetation over eight years in order to evaluate the impact of deer browsing on four types of habitats: bogs, open fens, shrub fens and laggs. In the context of high herbivore densities and absence of predators, we asked the following questions: 1) does response to deer exclusion vary between habitat types? and 2) can deer browsing induce biotic homogenization of peatland plant communities and is this process related to site productivity? Specifically, we predicted that under no deer browsing: (i) cover of plants non-resistant to herbivory and preferred species will increase through time, especially in habitats that are more intensively browsed by deer (shrub fens and laggs), and (ii) herbaceous as well as cover and height of shrubs will increase over time. We also predicted that beta diversity would be greater under deer exclusion than in browsed sites and that this difference would increase with the productivity of peatlands since browsing is likely to be intensified in productive sites.

Methodology

Study area Our study was carried out on Anticosti Island (7943 km2), located in the Gulf of St. Lawrence, Québec, Canada (49º 28ʼ N; 63º 00ʼ W; Figure 2.1). The climate is maritime, and generally humid, with a total of 917 ± 130 mm (mean ± standard error) annual precipitation and a mean temperature varying from a minimum of about -12ºC in February to a maximum of about 16ºC in July (Environnement Canada 2006). The island is in the boreal zone, and forests belong to the eastern Abies balsamea - Betula papyrifera bioclimatic domain (Saucier et al.

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2009). The forests were originally composed of A. balsamea (L.) Mill., Picea mariana (Mill.) B.S.P., Picea glauca (Moench) Voss and species such as B. papyrifera Marshall (Lavoie & Fillion 2001). A total of ca. 220 white-tailed deer were introduced in 1896-1897 and proliferated in the absence of predators to reach densities averaging 20 deer/km2 only 30 years after their introduction. Since then, densities have remained high, up to 56 deer/km2 in some areas (Tremblay et al. 2006). Deer chronic browsing has drastically modified forest composition, with most stands of Abies balsamea being replaced by Picea glauca (Potvin et al. 2003, Barrette et al. 2010).

More than 25% of Anticosti Island’s area is peatland. These peatlands have never been exploited or drained; therefore, the effects of browsing are not confounded with anthropogenic disturbances. Peatlands selected for the study are located in the western part of the island. Deer density in this area varies between 19 and 24 deer/km2 (Rochette & Gingras 2007). Four types of peatland habitat were studied: bogs, open fens, shrub fens and laggs. Bogs are dominated by Sphagnum mosses and ericaceous shrubs. Fens are dominated by Carex with shrubs such as Dasiphora fruticosa (L.) Rydb. and Myrica gale L. (Viera 2003). We separated open and shrub fens according to a threshold of 25% of shrub cover (Harris et al. 1996). Tall trees are virtually absent from bogs and fens. Laggs are ecotonal zones between forests and peatland expanses, and are dominated on the island by graminoïds, sedges, shrubs and coniferous trees such as P. mariana and Larix laricina Du Roi K. Koch. In a previous study, it was found that deer use laggs three times more than bogs and two times more than fens (Massé & Côté 2009). The pH of peatlands of Anticosti Island varied between 2.83 to 7.45 and electrical conductivity varied between 0 to 499 µS/cm (Annexe 5).

Experimental design In 2007, 4 m2 exclosures were established in 53 peatlands (13 bogs, 20 open fens, 7 shrub fens and 13 laggs). Exclosures were paired with a similar area in close proximity (ca. 5 m) used as a browsed plot representing in situ deer density. Tree species were not considered in the study due to their height compared to the small (2 x 2 m) and short (1.22 m) size of exclosures.

Sampling

The cover of all plant species was estimated in 1m2 plots centered within each exclosure and paired browsed plot (to account for edge effect) using percentages which varied depending on the accuracy of the estimate (<1, 1 to 10 by 1%, 15 to 90 by 5%, 90 to 100 by 1%). Vegetation was inventoried in July 2007 (prior to the installation of exclosures), 2010, 2012 and 2015 (Annexe 6). Estimated mean shrub height was evaluated for each species of shrubs present in plots. Although trees were not considered in the study, height of regenerating trees was measured where applicable. The height of the most abundant herbaceous species was measured in 2015 (12 species).

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Abiotic and environmental variables were surveyed in all types of habitats in the summer of 2015, at a single location between paired plots. Surface water pH and electrical conductivity were assessed in the field using a portable handheld probe (HI98129 pH/Conductivity/TDS Tester, Hannah Instruments, Model #98129). Conductivity values were adjusted to 20 ºC and corrected for the concentrations of hydrogen ions (Sjörs 1950).

Data analyses

Changes in vegetation composition over time

We used principal response curves (PRC) to compare vegetation composition in unbrowsed and browsed plots over time (Van den Brink & Ter Braak 1999). PRC is a type of partial redundancy analysis that represents a response (vegetation composition) of a given treatment (unbrowsed plots) as a deviation from a comparison benchmark (browsed plots) along a time axis. We performed two PRC: one with vascular species and the other with bryophytes, and the PRCs were computed separately for each type of habitat. To account for the interdependency of the two plots located at each sampling site, we conducted an analysis of variance (ANOVA) on each response variable (cover of plant species) with pairs as random factor. Then, we extracted residuals from this ANOVA and used them as the response variable in the PRC. We then compared the change in plant composition between unbrowsed and browsed plots for each year after deer exclusion using a linear mixed model. Site scores along the first axis of the PRC were used as response variables and treatment and time elapsed since the beginning of deer exclusion as explanatory variables. Spatial (site) and temporal (year) correlation, including time nested within the spatial variables (repeated measures), were used as random factors (Alday and Marrs, 2014). A Bonferroni correction was applied to test the significance of each contrast, here α = 0.0125 (Sokal & Rohlf 1995). For this analysis, we carried out a Hellinger transformation to account for the double-absence of species (Legendre & Gallagher 2001).

Structure and vegetation cover

Shrub height was averaged for each plot in each type of habitat. Herbaceous, shrub and bryophyte cover was evaluated by computing the sum of cover of all species for each site, although this could overestimate cover, as species could be superimposed. Statistical analyses of the effects of deer on these variables were performed by repeated measures ANOVA. When the interaction between deer browsing and type of habitat was significant, a Fisher’s Least Significant Difference (LSD) test was performed to compare values among the habitats. All vegetation covers were log-transformed and shrub height was squared root transformed to comply with the normality assumption of the parametric tests, and a model with heterogeneous variances for the types of habitats was used when necessary.

41

Beta diversity

Water pH is highly associated with the gradient of ombrotrophic to minerotrophic peatlands (Vitt & Chee 1990) and is positively related to productivity (Zoltai & Vitt 1995). Because of the wide range of pH values in our study area, it is possible to distinguish between poor and rich fens (Du Rietz 1949). Consequently, the sampled habitats were reclassified according to water pH in order to assess the change in beta diversity after deer browsing control along a gradient of minerotrophy, which was used as a surrogate for a gradient of productivity. We used “k-means” clustering function to divide the sites into four groups of pH from low pH to high pH (Annexe 7), which corresponds to the number of groups recommended by the simple structure index criterion. Then, we used these groups to compute the beta diversity as the average distance of sites to their centroid for each group in multivariate space using the “betadisper” function to test the homogeneity of multivariate dispersions (Anderson et al. 2006). This method computes the centroid of the sites for each group (here, four groups of pH) by using a sites-by-sites distance matrix, and then calculates the distance of sites to the centroid of the group to which they are associated. We calculated beta diversity for vascular species for each pH group for unbrowsed and browsed sites in 2015. Percentage difference was selected as the distance measure because it accounts for species abundance, circumvents the double-absence problem (Legendre & Legendre 2012), and is recommended for testing biotic homogenization (Olden & Rooney 2006). The square root of percentage difference was calculated to obtain Euclidean matrices. To analyse the interaction of the pH level and deer browsing, a linear mixed model using sites as a random factor was computed. We used a Bonferroni correction for multiple comparisons (α = 0.0125).

PRC and beta diversity analyses were performed in R version 3.2.3 (R Core Team 2015) using the vegan package (Oksanen et al. 2016) and nlme package for linear mixed model (Pinheiro et al. 2016). Statistical analyses of structure and vegetation cover were performed using the MIXED procedure in SAS 9.4 (SAS Institute, 2016).

Results

Changes in vegetation composition over time

PRC showed that vascular species composition of unbrowsed plots diverged from that in browsed plots through time only for shrub fens and laggs (Figure 3.1). Vegetation composition changed rapidly for both habitat types after deer exclusion was initiated, then slowed after three years, and changed rapidly again during the final three years of the survey. Unbrowsed plots had significantly different species composition than browsed plots only eight years after deer exclusion in these habitats (Figure 3.1; t = 2.8, P = 0.01 and t = 3.6,

42

P = 0.001). In shrub fens, the positive scores of Betula pumila and Sanguisorba canadensis on the right vertical axis of the PRC indicate that these species were associated with unbrowsed plots, whereas browsed plots were characterized by Dasiphora fruticosa and Trichophorum cespitosum. In laggs, S. canadensis and Myrica gale were well represented in unbrowsed plots after eight years and Carex flava L., D. fruticosa and Calamagrotis canadensis (Michx.) P. Beauv. became more common in browsed plots. The PRC of bryophyte species revealed that the composition of these species did not change significantly between unbrowsed and browsed plots over time (Annexe 8).

43

Bog Open fen Trichophorum cespitosum

0.4 0.6 Rubus arcticus Kalmia angustifolia Myrica gale Rhododendron groenlandicum Empetrum nigrum Vaccinium oxycoccos Vaccinium myrtilloides Lonicera villosa (3.2%) (4.8%) Andromeda polifolia Rhynchospora capitellata Trichophorum alpinum Andromeda polifolia Unbrowsed Rubus chamaemorus Rhamnus alnifolia Browsed Larix laricina Packera paupercula Sarracenia purpurea Carex viridula Carex limosa Chamaedaphne calyculata Carex flava Larix laricina -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2

PRC1 Shrub fen Lagg Sanguisorba canadensis

Sanguisorba canadensis Betula pumila * uliginosa * Myrica gale Geum rivale Comandra umbellata Eurybia radula Larix laricina Equisetum arvense Rhamnus alnifolia Rhamnus alnifolia Primula mistassinica Solidago uliginosa (7.7%) (9.4%) Selaginella selaginoides Myrica gale Calamagrostis canadensis Sarracenia purpurea Thalictrum alpinum Carex interior Rubus arcticus Trichophorum cespitosum Carex aquatilis Dasiphora fruticosa Dasiphora fructicosa Carex flava -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 0358 0358 Time elapsed since the beginning of deer exclusion (years)

Figure 3.1 Principal response curves representing changes in plant composition between unbrowsed and browsed plots by white- tailed deer over time for all types of habitat (bog (n = 13), open fen (n = 20), shrub fen (n = 7) and lagg (n = 13)) in peatlands of Anticosti Island. The proportion of variance explained by the first axis of the PRC is noted in parentheses. Species on the right-side vertical axis are listed according to their respective score in the PRC, which indicates how each species is correlated with the curves. Species with a score > 0.2 are shown. Statistical differences were determined after Bonferroni correction (* for p < 0.0125). Plant communities were different between the two types of plots only at year 8 in shrub fens and laggs.

44

Structure and vegetation cover

The exclusion of deer significantly promoted the growth of shrubs in shrub fens and laggs (Figure 3.2; significant interaction between habitat and deer; F = 3.5, P = 0.02). Shrub height was 27% and 34% higher in unbrowsed plots than browsed plots in shrub fens and in laggs respectively (Figure 3.2; F = 6.4, P = 0.01, and F = 12.7, P = 0.0008). Cover of shrubs was 32% and 33% higher in unbrowsed than in browsed plots after five and eight years respectively (F = 8.4, P = 0.004 and F = 12.1, P = 0.0006), but did not significantly differ between type of habitats (data not shown).

25 ** *

20

15

Browsed Unbrowsed 10 Shrub height (cm) 5

0

Bog Open fen Shrub fen Lagg Figure 3.2 Average shrub height in the four types of peatland habitat of Anticosti Island, all years combined. All species of shrubs are included (21 species). Least squares means ± SE of the original data of the interaction between deer and habitats are presented, and comparisons were performed between the four types of habitats. Significant differences were determined with Fisher’s Least mean differences test (* for P < 0.05; ** for P < 0.01).

Herbaceous plant cover responded to deer exclusion only in laggs, where their cover was 43% greater in unbrowsed plots than in browsed plots (Figure 3.3; F = 5.1, P < 0.0001). In addition, herbaceous species height was 70% higher in unbrowsed plots (32.6 cm) than in browsed plots (19.2 cm) in laggs (F = 37.5, P < 0.0001), and there was a similar tendency in shrub fens (F = 3.2, P = 0.08) (data not shown). Futhermore, we observed that two herbaceous species flowered only in exclosures: Sanguisorba canadensis (2 ) and Thalictrum pubescens Pursh (16 flowers). We found no change in bryophyte cover after deer exclusion (Annexe 9).

45

125 **

100

(%)

75

Browsed Unbrowsed 50

25 Herbaceous cover (%)

0 Bog Open fen Shrub fen Lagg

Figure 3.3 Herbaceous cover in the four types of peatland habitat of Anticosti Island, all years combined. All herbaceous species are included (200 species). Least squares means ± SE of the original data of the interaction between deer and habitats are presented and comparisons were performed between the four types of habitat. Significant differences were determined with Fisher’s Least mean differences test (** for P < 0.01).

Beta diversity

Beta diversity followed a unimodal hump-shaped relationship with water pH, and was higher at high intermediate pH. Vegetation communities were therefore most dissimilar among sites characterized by an intermediate pH of 6.3 to 6.8. In regard to our question on biotic homogenization, beta diversity was higher in unbrowsed than in browsed plots in high productive sites (high intermediate pH and high pH), eight years after initiation of deer exclusion (Figure 3.4; t = -2.5, P = 0.01; t = -3.9, P = 0.0003).

46

** 0.50 Browsed Unbrowsed

0.45 ** 0.40

0.35 Distancescentroïd to 0.30

0.25 Low Low-intermediate High-intermediate High [2.8, 4.2[ [5.3, 6.2[ [6.3, 6.8[ [6.9, 7.45[ pH of water

Figure 3.4 Influence of browsing and pH of water on the multivariate dispersion (percentage difference) of species composition in peatlands of Anticosti Island. Beta diversity was measured as the average distance between sites and their group (water pH) centroid in unbrowsed plots and browsed plots in 2015. Least squares means ± SE of the original data of the interaction between deer and group of pH are presented and comparisons were performed between the four groups of pH. Significant differences were determined by Fisher’s Least mean differences test (** for P < 0.01). Total number of sites in each group (water pH) as follows: low (n = 13), low-intermediate (n = 6), high-intermediate (n = 23) and high (n = 11). Numbers of sites for each type of habitat in each water pH group are listed in Annexe 7.

Discussion

Changes in vegetation composition and structure in shrub fens and laggs

We found notable changes in community composition in shrub fens and laggs over time following deer exclusion. These results respond to our first question that vegetation recovery can vary between habitat types, being greater in habitats composed of deer-preferred and non-resistant species. It is also consistent with findings of Massé & Côté (2009) that deer use fens and laggs more intensively than other peatland habitat types due to the high abundance of herbaceous species and deciduous shrubs. Indeed, the use of ecotones might increase at high herbivore densities because their high plant diversity can partly compensate for the rarity of preferred forage in other habitats (Clark & Gilbert 1982). No changes were observed in bog and open fen vegetation through time. This could be related to the dominance of species unpalatable to herbivores in bogs as Kalmia species and high abundance of deer-tolerant species such as Carex spp. in open fens

47

(Ferraro & Oesterheld 2002). However, in the context of high deer densities, deer can browse even less palatable species such as Kalmia and Spruce (Telfer 1972, Pellerin et al. 2006, Lefort et al. 2007), and consequently the long term response of plant communities of bogs and open fens to deer exclusion may require further investigation over a longer time period. The slow growth rate of plants in habitats with low productivity, such as bogs, may decrease their ability to recover from browsing (Austin & Smith 1990). Because we only tested two browsing treatments (0 and natural density), our experiment does not allow the estimation of the capacity of peatlands to support other levels of browsing or to predict deer densities compatible with the recovery of vegetation. On Anticosti Island, deer density experiments established in clear- cut boreal forest patches with exclosures of 10 to 40 ha did not reveal changes in plant species composition at densities of 7.5 and 15 deer/km2 compared to the in situ density of ca. 27 deer/km2 after eight years of density control (Bachand et al. 2015). In our study, deer exclusion showed results only after eight years, it is therefore expected that a lesser reduction should have required more time to show a response in peatlands, whose dynamics are known to proceed at a slower pace than those of mesic forests (Sjörs 1980).

We found that deer exclusion promoted the growth of numerous species non-resistant to browsing or preferred by deer, including Sanguisorba canadensis, Betula pumila and Myrica gale. Sanguisorba canadensis is a highly palatable forb found in calcareous fens and browsed by cervids (Bergerud 1972). Flowers of S. canadensis were noted in two exclosures in 2015 for the first time of the experiment. Similar observations were reported in Shenandoah National Park (US), where S. canadensis was found to have a greater cover and 33% more flowering plants in deer exclosures than in controls in a fen where deer were excluded for two years (NPS 2010). Betula pumila is a deciduous shrub palatable for large herbivores (Bergerud 1972) and its total area has been shown to be six times smaller on Anticosti Island than on the nearby deer-free Mingan archipelago (Pellerin et al. 2006). Myrica gale is a species commonly browsed by deer (Telfer 1972, Skinner & Telfer 1974) and was reported to be heavily browsed by deer on Anticosti Island (Viera 2003). All these species associated with exclosures were identified as common in inventories in the deer-free Mingan archipelago (Pellerin et al. 2006).

Dasiphora fruticosa, Carex flava, Trichophorum cespitosum and Calamagrotis canadensis were favored by the conditions in browsed plots, potentially by the decrease in plant competition for light and space. Graminoid plants are generally well represented at high deer densities (Fisichelli et al. 2013), because they are tolerant to deer due to their basal meristems, high shoot density and capacity for compensatory growth (Ferraro & Oesterheld 2002). Poaceae and Carex have also been associated with high deer density in clear-cut boreal forests on Anticosti Island (Bachand et al. 2015) and in northern Wiscosin forests (Rooney 2009), and are well represented on deer-habited islands compared to deer-free islands in the Haida Gwaii archipelago, Canada (Stockton et al. 2005). Dasiphora fruticosa is a herbivore-tolerant shrub (Gary L. Wade & Mengak 2013). A

48 high degree of browsing on this species was previously observed on Anticosti Island (Viera 2003), likely because deer consume it when other resources are absent (Elkington & Woodell 1963).

We found that deer reduced shrub height in shrub fens and laggs, which could be explained by the dominance of preferred deciduous shrubs in these habitats (Viera, 2003). When deciduous shrubs represent 10% or more of the cover, deer are 12% more likely to use this habitat (Massé & Côté 2009). Several studies of forest ecosystems reported that deer limited shrub and tree growth, contributing to delay both forest succession and tree seedling establishment (Rooney & Waller 2003, Côté et al. 2004). Impact of deer on shrubs has also been reported in peatlands. For example, Johnson & Leopold (1998) found that, in a fen, shrub height increased by 20 cm in exclosures after two years. Over the long term, a reduction of shrub growth may have cascading effects on an ecosystem, such as affecting the complexity of the vertical structure or songbird populations associated with shrubby habitats and shade-tolerant plants (DeCalesta 1994, Fuller 2001, Côté et al. 2004) (Côté et al. 2004). We observed signs of browsing on all species of shrubs found in the plots, particularly deciduous shrubs, but even for less palatable species such as Kalmia. At high densities, deer are indeed "making the best of a bad choice”, consuming generally avoided species such as spruce and ferns (Sauvé & Côté 2007, Rooney 2009). However, when preferred species are present, they usually favor these (Russell et al. 2001).

Higher recovery of herbaceous communities in exclosures of laggs can be explained by the presence of minerals and nutrients in this habitat (Paradis et al. 2015), since the diversity of herbaceous species can be strongly related with key elements (Horsley et al. 2008). In forest ecosystems, deer browsing is known to reduce growth and reproduction of preferred herbaceous species (Augustine & Frelich 1998). Similarly, we found that in laggs (the most forested habitats) deer have reduced the growth of the most abundant herbaceous species such as Sanguisorba canadensis, while flowers of Thalictrum pubescens were found only in exclosures.

We found that bryophytes were not affected by deer presence. Herbivores directly affect bryophytes by trampling, resulting in an increase of bare peat cover (Arnesen 1999, Stammel & Kiehl 2004, Pellerin et al. 2006). However, on the sites studied, trampling was mostly confined to narrow tracks, none of which were present in our plots. In addition, deer do no generally consume bryophytes (Chollet et al. 2013) because their lignin-like compounds make them difficult to digest (Herbert & Prins 1982).

Biotic homogenization of vegetation in more productive habitats

Our experiment showed that beta diversity was higher at an intermediate level of productivity. This unimodal hump-shaped relationship pattern corresponds to the most common in studies on the relationship between

49 diversity and productivity (Abrams 1995, Waide et al. 1999), and is generally explained by higher competition for resources at higher productivity. Intermediate to high pH ecosystems (pH 6.3 to 6.8) were mostly associated with laggs in our study, which are rich in minerals because of the presence of mineral soil near the surface and runoff from adjacent land. This closer relationship with mineral soil may lead to higher species variability among sites in response to more heterogeneous resources, which may foster higher beta diversity. More minerotrophic peatlands (pH 6.9 to 7.45) were generally dominated by a few Carex species and other graminoids, and thus were less diversified than intermediate-high pH habitats. The same unimodal distribution over a bog-rich fen gradient was found in boreal peatlands in Manitoba, Canada, where moderately rich minerotrophic habitats had the highest diversity while bogs and open rich fens had the lowest mean diversity (Locky & Bayley 2006). A similar distribution was also reported in peatlands of northern Minnesota, New York state and Europe (Glaser et al. 1990, Johnson & Leopold 1994, Chytrý et al. 2003).

Our study showed that in the most productive habitats (pH 6.3 to 7.5) beta diversity was higher in the absence of deer, indicating that deer can drive biotic homogenization under certain circumstances. These results are consistent with studies conducted in forest (Rooney 2009, Holmes & Webster 2011) and shrubland (Perea et al. 2014) ecosystems that revealed biotic homogenization by deer. However, these studies did not assess the relation between biotic homogenization and site productivity. As shown in our study, stronger direct effects of herbivores can be linked to habitat productivity, much as is the case in grasslands (Bakker et al. 2006, Endara & Coley 2011). Similarly, grazing by livestock can decrease beta diversity in grasslands and differences between ungrazed plots and grazed plots are only evident in highly productive sites (Lezama et al. 2014). Overall, productive sites are more likely to recover faster from browsing while more time may be needed for the less productive habitats, suggesting that more restoration efforts may be needed in these habitats.

We found that deer browsing can modify the composition and structure of peatlands over time and it can lead to biotic homogenization of productive peatlands. This phenomenon is likely to be reproduced in other temperate regions where peatlands are abundant and occurring close to forests exposed to high deer densities, following (Côté et al. 2004). Our study should raise concerns about the future impact of browsing in peatlands by wild large herbivores.

50

CHAPITRE 4

CONCLUSION GÉNÉRALE

51

Dans le cadre de ce mémoire, la réponse des communautés végétales des tourbières à l’arrêt du broutement par des grands herbivores a été étudiée. Un portrait des tourbières de l’île d’Anticosti a d’abord montré que les différents types d’habitats tourbeux se différenciaient selon leurs conditions environnementales, leur diversité, leur composition en espèces et leurs espèces indicatrices et que les tourbières possédaient une plus grande diversité végétale après l’exclusion des cerfs. Ensuite, l’utilisation d’un dispositif expérimental a permis de mesurer la réponse des tourbières à l’arrêt du broutement par les cerfs en termes de composition, de structure et de diversité végétale et de montrer que la réponse de la végétation à l’exclusion du broutement variait selon les différents types d’habitats et selon un gradient de productivité.

Apports de l’étude

Ce suivi sur plusieurs années a permis de mieux comprendre comment les cerfs affectent les communautés végétales des tourbières en apportant des connaissances sur ce sujet peu approfondi jusqu’à présent. En effet, l’impact des grands herbivores sur les écosystèmes forestiers a été largement étudié, mais peu d’études ont porté sur la relation entre les herbivores sauvages et les tourbières. Notre étude a montré que les cerfs avaient un impact sur la végétation des tourbières. Dans le contexte de l’augmentation des populations de cervidés en Amérique du Nord (Côté et al. 2004), la compréhension de cette problématique devient encore plus pertinente.

Notre étude a montré que les laggs des tourbières de l’île d’Anticosti soutiennent une grande diversité végétale. Or, ce type d’habitat de tourbières n’a pas fait l’objet de nombreuses études, soit quelques études de cas (Damman & Dowhan 1981, Damman 1986, Pellerin et al. 2009) et quelques études récentes (Langlois et al. 2015, Paradis et al. 2015). Les laggs des tourbières présentaient un bon nombre d’espèces indicatrices, ce qui indique qu’ils possèdent une flore caractéristique qui les distingue des autres habitats de tourbière. Après le retrait des cerfs, plusieurs espèces sont apparues dans les tourbières, ce qui indique que les tourbières ont un potentiel de diversité végétale non exprimé en présence des cerfs.

Les tourbières peuvent constituer un aire d’alimentation pour le cerf en été notamment les laggs et les fens (Massé & Côté 2009). D’ailleurs, la présente étude a permis de déterminer que les laggs et les fens arbustifs sont les deux habitats qui ont répondu le plus fortement au retrait des cerfs. Cette réponse était significative seulement huit ans après l’exclusion des cerfs, ce qui montre l’importance des études à moyen et à long terme surtout dans les écosystèmes à dynamique lente comme les tourbières (Sjörs 1948). De plus, une similarité en espèces entre les sites en présence de densités élevées de cerfs plus grande qu’entre les sites d’exclos a été observée, ce qui indique que les cerfs favorisent l’homogénéisation biotique dans les tourbières les plus

52 productives, un phénomène non négligeable dans la crise actuelle de perte de biodiversité (McKinney & Lockwood 1999).

Limites de l’étude

Les études avec un seul niveau de broutement (densité naturelle in situ vs exclusion des cerfs) comme notre étude sont souvent critiquées, car elles montrent comment les plantes répondent en l’absence des cerfs et ne sont donc pas représentatives de densités atteignables à la suite de la réduction des populations (Royo et al. 2010). Même si notre projet ne nous a pas permis d’établir la capacité de support des tourbières et de prédire une densité optimale pour le retour de la végétation en tourbières, nous avons comparé les types de tourbières et nous avons montré que les laggs et les fens arbustifs ont vu leur composition se différencier après huit ans d’arrêt du broutement. Des exclos à densités multiples requièrent de grandes clôtures et donc des investissements importants. Sur l’île d’Anticosti, de tels exclos ont été construits pour étudier les changements de compositions végétales à différentes densités de cerfs et une réduction de densités à 15 et même 7,5 cerfs/km2 comparée à la densité naturelle de 27 cerfs/km2 n’était pas suffisante pour s’apparenter à la composition végétale de l’exclusion totale du cerf (Bachand et al. 2015). Étant donné que la composition végétale s’est différenciée entre les exclos (sans cerf) et les parcelles avec cerfs seulement après huit ans dans notre étude, il aurait été surprenant de voir une réponse dans les tourbières avec des densités intermédiaires de cerfs sur le même nombre d’années vu que les tourbières sont reconnues pour montrer une réponse lente (Sjörs 1980).

Dans la même étude de Bachand et al. (2015), une densité de 7,5 cerfs/km2 permettait d’observer des changements en termes de réponse fonctionnelle. L’approche fonctionnelle de la biodiversité est une méthode de plus en plus utilisée afin de prédire la réponse des écosystèmes aux perturbations (Aubin et al. 2009). Cette approche se base sur le fait qu’une espèce est caractérisée par un ensemble de traits qui montre son fonctionnement dans un milieu donné (Lavorel et al. 1997). Les traits fonctionnels sont définis comme les caractéristiques morphologiques, physiologiques ou phénologiques qui ont un impact sur la performance individuelle d’une espèce et son fitness par rapport à leurs effets sur la croissance, la reproduction et la survie des individus (Violle et al. 2007). L’approche par traits fonctionnels se veut complémentaire à l’approche taxonomique puisque celle-ci n’est pas recommandée pour des zones géographiques à grande échelle, puisqu’elle amène une réduction de l’information écologique (Keddy 1992). L’approche fonctionnelle permet de simplifier la diversité du vivant en la regroupant selon ses traits fonctionnels (Lavorel et al. 1997). L’approche par traits fonctionnels peut être utilisée afin de déterminer comment les communautés végétales répondent aux perturbations comme les herbivores, car elle permet de cerner les mécanismes sous-jacents aux changements de composition taxonomique (Lavorel et al. 2007). Cette approche pourrait être utilisée dans

53 le cadre d’une prochaine étude sur le sujet. En effet, l’approche fonctionnelle aurait peut-être permis de montrer une réponse différente des tourbières qui aurait, par exemple, pu être plus rapide pour les traits fonctionnels que pour la composition en espèces.

La réponse plus rapide des communautés végétales dans les fens arbustifs et dans les laggs suggère qu’ils sont plus résilients au broutement que les autres types d’habitats (bogs et fens ouverts). Par contre, afin de mesurer la véritable résilience des tourbières, il faut comparer les résultats avec un système de référence n’ayant pas été soumis au broutement par le cerf. Ainsi, afin de mesurer la résilience des tourbières au broutement des cerfs, les exclos et les quadrats avec cerfs des quatre types d’habitats pourraient être comparés avec un système de référence comme les tourbières des îles de l’archipel de Mingan (sans cerf) dans une prochaine étude.

Implications pour la conservation

Les tourbières rendent plusieurs services écologiques. Par exemple, elles emmagasinent du carbone puisqu’elles sont caractérisées par l’accumulation de matière organique et ainsi elles peuvent contribuer à la régulation du climat global (Gorham 1991). De plus, les tourbières avec leur végétation caractéristique et leur hétérogénéité d’habitats contribuent à augmenter la biodiversité régionale (Rochefort 2001). Or, les tourbières sont des écosystèmes fortement menacés par les activités humaines. Le développement urbain, l’exploitation de la tourbe et l’agriculture contribuent à leur diminution (Pellerin & Poulin 2013). Le broutement dans les tourbières par les herbivores sauvages représente une nouvelle problématique avec l’augmentation actuelle des populations de cervidés en Amérique du Nord et en Europe (Côté et al. 2004), même si celle-ci est pour le moment assez localisée. Le broutement et le piétinement occasionnés par les cerfs peuvent modifier la végétation, mais ils pourraient ultimement entraîner des changements dans la dynamique des tourbières et affecter leur rôle écologique. Des études récentes tentent de déterminer l’impact des ongulés sur la capacité de stockage de carbone des tourbières (Ward et al. 2007, Tanentzap & Coomes 2012, Worrall & Clay 2012). Worrall & Clay (2012) ont déterminé le niveau d’intensité de broutement à laquelle le flux de gaz à effet de serre dû au broutement est égal à la capacité de réservoir de la tourbe, c’est-à-dire au point ou la tourbe n’accumule plus de carbone, et elle variait entre 1,7 et 2,0 brebis/hectare. Bien que les densités de cerfs de l’île d’Anticosti n’atteignent pas encore cette capacité limite et que nous n’avons pas observé de problème d’accumulation de matière organique, l’impact des cerfs sur les tourbières d’Anticosti demeure important à surveiller en regard des nombreux services écologiques qu’elles fournissent.

Nos conclusions pourraient avoir également des retombées sur le plan de la conservation des ressources de l’île d’Anticosti. Étant donné que les tourbières occupent une forte proportion du territoire de l’île d’Anticosti, la

54 complémentarité de ce projet par rapport aux projets en milieu forestier est primordiale pour une gestion intégrée des ressources de l’île. La superficie des tourbières protégées au Québec représente 9% de la superficie totale des tourbières, la plupart de ces tourbières sont situées dans le Nord-du-Québec (Poulin et al. 2004, Rochefort et al. 2011). Sur l’île d’Anticosti, les tourbières protégées couvrent plus de 200 km2, ce qui correspond à 35% des aires protégées de l’ensemble de l’île (Société de la faune et des parcs du Québec 2004, Pellerin & Poulin 2013) et près de 20% de l’ensemble des tourbières protégées au Québec (Rochefort et al. 2011). Les tourbières protégées de l’île représentent donc un patrimoine naturel et l’impact des cerfs de Virginie doit être pris en compte dans la protection de ces écosystèmes.

Le broutement des cerfs de Virginie contribue à modifier la composition, la structure et la diversité des tourbières de l’île d’Anticosti. La gestion des densités de cerfs devient ainsi un aspect à ne pas négliger dans les plans de conservation des tourbières de l’île. Afin de conserver ces milieux fragiles, diverses actions pourraient être envisagées. L’installation de clôtures ne serait pas envisageable puisque clôturer ces immenses tourbières représenterait des sommes trop importantes. La réduction des densités de cerfs, par exemple par la chasse, serait une solution plus réaliste. Par contre, comme démontré par Simard (2010), la chasse intensive localisée n’est pas efficace pour réduire les densités de cerfs à moyen-terme et donc la gestion par la chasse doit se faire sur une plus grande région. Étant donné que la réponse des tourbières est considérablement lente, un suivi de la diversité végétale pourrait être maintenu dans les prochaines années. De plus, nous pourrions voir l’apparition d’autres espèces présentes dans le pool régional. Dans notre étude, nous avons montré que les laggs étaient des milieux très riches en espèces et très diversifiés à la suite de l’exclusion cerfs. Le laggs et les fens arbustifs correspondent aux deux types de tourbières ayant répondu le plus à l’arrêt du broutement par les cerfs. Ainsi, les efforts de conservation pourraient être concentrés sur ces types d’habitats. Par exemple, à plus long terme, advenant la réduction de la densité des cerfs, si certaines de ces espèces ont de la difficulté à s’établir, l’introduction de certains individus à partir de populations sources pourrait être envisagée pour surmonter les filtres de dispersion dans ces types d’habitats.

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ANNEXES

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Annexe 1 Les équations des indices de diversité alpha utilisées pour calculer la diversité alpha des différents types d’habitats dans les tourbières de l’île d’Anticosti

Indice Équation

Richesse spécifique Nb d’espèces total

Shannon H’= -∑pilogpi

Simpson 1-D = 1-∑pi2 pi : proportion d’abondance de l’espèce, c’est-à-dire entre le nombre d’individus de l’espèce et le nombre total d’individus de toutes les espèces. i: Nombre total d’espèces

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Annexe 2 Espèces de plantes rares répertoriées dans les exclos des différents types d’habitats des tourbières de l’île d’Anticosti entre 2007 et 2015.

Espèce Moyenne de recouvrement Fréquence

Fen arbustif Fen ouvert Transition Fen arbustif Fen ouvert Transition

Carex sterilis 4 3 2 13 34 21

Drosera linearis 1 4

Pedicularis palustris 2 1 1 2 2 1

Rhyncospora alba 6 6

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Annexe 3 Analyse en composantes principales représentant les espèces qui sont associées aux 53 exclos des différents types de tourbières de l’île d’Anticosti représentés par différents symboles. Le pourcentage explicatif est indiqué entre parenthèses pour chacun des axes. La composition végétale évaluée correspond à la composition végétale de 8 ans après l’installation des exclos. Pour le nom complet des espèces, se référer à l’annexe 10.

camste Bog Fen ouvert Fen arbustif Lagg scices

sphfus carliv chacal claran carexi kalang kalpol scosco empnig vacang betpum sphrub potfru rubcha myrgal rhogro carfla carlas

CP2 (14,9%) calcan tomnit

sancan drerev -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 -1.0 -0.5 0.0 0.5 CP1 (28,1%)

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Annexe 4 Corrélation de Pearson entre les différentes variables environnementales mesurées dans les tourbières de l’île d’Anticosti. Les corrélations les plus fortes sont en gras.

Profondeur Épaisseur pH de Conductivité Pourcentage de la Ca2+ Mg2+ K+ du dépôt l'eau corrigée d'ombre nappe Épaisseur - 1.00 0.19 -0.59 -0.44 -0.13 -0.45 -0.14 du dépôt 0.49 Profondeur - 1.00 -0.47 -0.36 -0.06 -0.39 -0.17 de la nappe 0.33 pH de l'eau 1.00 0.80 0.18 0.82 0.81 0.12

Conductivité 1.00 0.11 0.75 0.77 0.13 corrigée Pourcentage 1.00 0.22 0.15 0.32 d'ombre

Ca2+ 1.00 0.80 0.17

Mg2+ 1.00 0.15

K+ 1.00

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Annexe 5 Environmental variables (pH and electrical conductivity) for the four types of peatland habitats on Anticosti Island

Variables Bog Open fen Shrub fen Lagg

pH of water 2.83 to 4.20 6.07 to 7.45 5.31 to 7.19 5.87 to 7.35

Electrical conductivity 0 to 612 82 to 457 133 to 469 210 to 499 (µS/cm)

71

Annexe 6 Survey years for all variables in the peatlands of Anticosti Island

Year Variables 2007 2008 2010 2012 2015

Cover (all species) X X X X

Shrub height (all species) X X X X X

Environnemental variables X Herbaceous species height (12 X species)

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Annexe 7 Number of each habitat type of peatlands of Anticosti Island found in each group of pH

Groups of Bog Open fen Shrub fen Lagg pH 2.8 to 4.2 13

5.3 to 6.2 3 2 1

6.3 to 6.8 9 3 11

6.9 to 7.45 8 2 1

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Annexe 8 Principal response curves representing changes in bryophyte composition between unbrowsed and browsed plots over time for all types of habitats (bog (n = 13), open fen (n = 20), shrub fen (n = 7), and laggs (n = 13)) in peatlands of Anticosti Island. The proportion of variance explained by the first axis of the PRC is noted in parentheses. Statistical differences were determined after Bonferroni correction (* for P < 0.0125). No statistical change in bryophyte composition occurred over time.

0.6 Open fen Bog (1.5 %) (0.5 %)

Unbrowsed Browsed -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 PRC1 Shrub fen Lagg (3.9 %) (1.6 %) -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 03580358 Time elapsed since the beginning of deer exclusion (years)

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Annexe 9 Bryophyte cover in four types of peatland habitat of Anticosti Island for all years combined. All bryophyte species are included. Least squares means ± SE of the interaction between deer and habitats are presented, and comparisons were performed between the four habitat types. Significant differences were determined with Fisher’s Least mean differences test (** for P < 0.01)

100

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50 Browsed Unbrowsed

25 Bryophyte cover (%) cover Bryophyte

0 Bog Open fen Shrub fen Lagg

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Annexe 10 Liste des espèces végétales présentes dans les inventaires dans les tourbières de l’île d’Anticosti

Strate Code Espèce Autorité Arborescente abibal Abies balsamea (Linnaeus) Miller larlar Larix laricina (Du Roi) K. Koch picgla Picea glauca (Moench) Voss picmar Picea mariana (Miller) Britton, Sterns & Poggenburgh Arbustive andgla Andromeda polifolia Linnaeus betpum Betula pumila Linnaeus chacal Chamaedaphne calyculata (Linnaeus) Moench corsto Cornus stolonifera Michaux empnig Empetrum nigrum Linnaeus junhor Juniperus horizontalis Moench kalang Kalmia angustifolia Linnaeus kalpol Kalmia polifolia Wangenheim lonvil Lonicera villosa (Michaux) Roemer & Schultes myrgal Myrica gale Linnaeus potfru Dasiphora fruticosa (Linnaeus) Rydberg rhaaln Rhamnus alnifolia L’Héritier rhogro Rhododendron groenlandicum (Oeder) Kron & Judd saldis Salix discolor Muhlenberg salesp Salix sp. Linnaeus vacang Vaccinium angustifolium Aiton vacmyr Vaccinium myrtilloides Michaux Bryophyte aulpal Aulacomnium palustre (Hedw.) Schwägr. baztri Bazzania trilobata (L.) Gray bryesp Bryophyte sp. calgig Calliergon giganteum (Schimp.) Kindb. camste Campylium stellatum (Hedw.) C.E.O. Jensen cliden Climacium dendroides (Hedw.) F. Weber & D. Mohr dicund Dicranum undulatum Schrader ex Bridel dreadu Drepanocladus aduncus (Hedw.) Warnst. dreesp Drepanocladus sp. drerev Drepanocladus revolvens (Sm.) Warnst. hamver Hamatocaulis vernicosus (Mitt.) Hedenäs hylspl Hylocomium splendens (Hedw.) Schimp. mniaff Plagiomnium affine (Blandow ex Funck) T. Kop. mnium Mnium sp. Hedw. mylano Mylia anomala (Hooker) Gray palsqu Paludella squarrosa (Hedw.) Brid. plaell Plagiothecium ellepticum (Brid.) T.J. Kop plesch Pleurozium schreberi (Willd. ex Brid.) Mitt pohnut Pohlia nutans (Hedwig) Lindberg polcom Polytrichum commune Hedw. polesp Polytrichum sp. Hedw. poljun Polytrichum juniperinum Hedw. pticil Ptilidium ciliare (L.) Hampe pticri Ptilium crista-castrensis (Hedw.) De Not. rhytri Rhytidiadelphus triquetrus (Hedw.) Warnst.

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scosco Scorpidium scorpioides (Hedw.) Limpr. spaang Sphagnum angustifolium (Warnst.) C.E.O. Jensen sphcap Sphagnum capillifolium (Ehrh.) Hedw. sphesp Sphagnum sp. Linnaeus sphfus Sphagnum fuscum (Schimp.) Klinggr. sphmag Sphagnum magellanicum Brid. sphrub Sphagnum rubellum Wilson sphsub Sphagnum subsecundum Nees sphwar Sphagnum warnstorfii Russow thurec Thuidium recognitum (Hedw.) Lindb. tomnit Tomentypnum nitens (Hedw.) Loeske warflu Warnstorfia fluitans (Hedw.) Loeske Herbacée agrrep Elymus repens (Linnaeus) Gould anepar Anemone parviflora Michaux astrad Eurybia radula (Aiton) G.L. Nesom brocil Bromus ciliatus Linnaeus calcan Calamagrostis canadensis Michaux) Palisot de Beauvois calpal Caltha palustris Linnaeus caraqu Carex aquatilis Wahlenberg caratr Carex atrata Linnaeus caraur Carex aurea Nuttall carbeb Carex bebbii (L.H. Bailey) Olney ex Fernald carbux Carex buxbaumii Wahlenberg carcap Carex capillaris Linnaeus carcas Carex castanea Wahlenberg carech Carex echinata Murray caresp Carex sp. Linnaeus carexi Carex exilis Dewey carfla Carex flava Linnaeus cargyn Carex gynocrates Wormskjold ex Drejer carint Carex interior L.H. Bailey carlas Carex lasiocarpa Ehrhart carlep Carex leptalea Wahlenberg carlim Carex limosa Linnaeus carliv Carex livida (Wahlenberg) Willdenow carpac Carex pauciflora Lightfoot carpap Carex magellanica subsp. irrigua (Wahlenberg) Hiitonen carste Carex sterilis Willdenow cartor Carex torta Boott carvag Carex vaginata Tausch carvir Carex viridula Michaux cerfon Cerastium fontanum Baumgarten cirarv Cirsium arvense (Linnaeus) Scopoli clibor Clintonia borealis (Aiton) Rafinesque comric Comandra umbellata (Linnaeus) Nuttall conchi Conioselinum chinense (Linnaeus) Britton, Sterns & Poggenburgh copgro Coptis trifolia (Linnaeus) Salisbury corcan Cornus canadensis Linnaeus dacglo Dactylis glomerata Linnaeus

77 danspi Danthonia spicata (Linnaeus) P. Beauvois ex Roemer & Schultes desces Deschampsia cespitosa (Linnaeus) Palisot de Beauvois droang Hudson drolin Drosera linearis Goldie drorot Drosera rotundifolia Linnaeus epirep Epigaea repens Linnaeus equarv Equisetum arvense Linnaeus equflu Equisetum fluviatile Linnaeus equsyl Equisetum sylvaticum Linnaeus equvar Equisetum variegatum Schleicher ex F. Weber & D. Mohr erivag Eriophorum (Fernald) Hultén vaginatum subsp. spissum erivig Eriophorum virginicum Linnaeus erivir Eriophorum viridicarinatum (Engelmann) Fernald fraame Fragaria vesca subsp. Americana (Porter) Staudt fravir Fragaria virginiana Miller galesp Galium sp. Linnaeus gallab Galium labradoricum (Wiegand) Wiegand galtri Galium triflorum Michaux geoliv Geocaulon lividum (Richardson) Fernald geumac Geum macrophyllum Willdenow geuriv Geum rivale Linnaeus glystr Glyceria striata (Lamarck) Hitchcock graesp Poaceae sp. Barnhart hieesp Hieracium sp. Linnaeus hypcan Hypericum canadense Linnaeus iriver Iris versicolor Linnaeus junart Juncus arcticus Juncus arcticus lacbie Lactuca biennis (Moench) Fernald leoaut Scorzoneroides autumnalis (Linnaeus) Moench linbor Linnaea borealis Linnaeus lobkal Lobelia kalmii Linnaeus lolmul Lolium multiflorum Lamarck lomrot Lomatogonium rotatum (Linnaeus) Fries maican Maianthemum canadense Desfontaines maitri Maianthemum trifolium (Linnaeus) Sloboda malmon Malaxis monophyllos (Linnaeus) Swartz mellin Melampyrum lineare Desrousseaux mentri Menyanthes trifoliata Linnaeus mitnud Mitella nuda Linnaeus muhglo Muhlenbergia glomerata (Willdenow) Trinius osmcla Osmorhiza claytonii (Michaux) C.B. Clarke pargla Parnassia glauca Rafinesque pedpal Pedicularis palustris Linnaeus phlpra Phleum pratense Linnaeus pinvul Pinguicula vulgaris Linnaeus pladil Platanthera dilatata (Pursh) Lindley ex L.C. Beck plahyp Platanthera hyperborea (Linnaeus) Lindley poapal Poa palustris Linnaeus polpau Polygaloides paucifolia (Willdenow) J.R. Abbott

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polviv Bistorta vivipara (Linnaeus) Delarbre potpal Comarum palustre Linnaeus pretri Nabalus trifoliolatus Cassini primis Primula mistassinica Michaux pyrasa Pyrola asarifolia Michaux pyresp Pyrola sp. Linnaeus ranacr Ranunculus acris Linnaeus rhyalb Rhynchospora alba (Linnaeus) Vahl rhycap Rhynchospora capillacea Torrey rubarc Rubus arcticus Linnaeus rubcha Rubus chamaemorus Linnaeus rubpub Rubus pubescens Rafinesque sancan Sanguisorba canadensis Linnaeus sarpur Sarracenia purpurea Linnaeus schpal Scheuchzeria palustris Linnaeus schpur Schizachne purpurascens (Torrey) Swallen scices Trichophorum cespitosum (Linnaeus) Hartman sciesp Scirpus sp. Linnaeus scihud Trichophorum alpinum (Linnaeus) Persoon selsel Selaginella Selaginoides (Linnaeus) P. Beauvois ex Martius & Schrank senaur Packera aurea (Linnaeus) Á. Löve & D. Löve senpau Packera paupercula (Michaux) Á. Löve & D. Löve smiste Maianthemum stellatum (Linnaeus) Link sisang Sisyrinchium angustifolium Miller soluli Solidago uliginosa Nuttall sonarv Sonchus arvensis Linnaeus taroff Taraxacum officinale F.H. Wiggers thaalp Thalictrum alpinum Linnaeus thapub Thalictrum pubescens Pursh thepal Thelypteris palustris Schott tofglu Triantha glutinosa (Michaux) Baker trimar Triglochin maritima Linnaeus utrint Utricularia intermedia Hayne versuc Veronica scutellata Linnaeus viccra Vicia cracca Linnaeus vioesp Viola sp. Linnaeus vionep Viola nephrophylla Greene viopal Viola macloskeyi F.E. Lloyd ziggla Anticlea elegans (Pursh) Rydberg arenaria Arenaria sp. Linnaeus maluni Malaxis unifolia Michaux dalrep Rubus repens (Linnaeus) Kuntze Herbacée/Arbuste gauhis Gaultheria hispidula (Linnaeus) Muhlenberg ex Bigelow vacoxy Vaccinium oxycoccos Linnaeus Lichen/Hépatique marpol Marchantia polymorpha Linnaeus clamit Cladonia mitis Sandst. claran Cladonia rangiferina (L.) F.H. Wig. claste Cladonia stellaris (Opiz) Pouzar & Vĕzda

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