Ancienne Abbaye De La Crête
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Champagne-Ardenne, Haute-Marne Bourdons-sur-Rognon Lacrête Ancienne abbaye de la Crête Références du dossier Numéro de dossier : IA52001002 Date de l'enquête initiale : 2015 Date(s) de rédaction : 2016 Cadre de l'étude : Recensement des sites cisterciens de Champagne-Ardenne Degré d'étude : recensé Désignation Dénomination : abbaye Genre du destinataire : de cisterciens Vocable : Purification Notre-Dame Appellation : La Crête, Lacrête Destinations successives : abbaye, ferme Compléments de localisation Milieu d'implantation : isolé Références cadastrales : 2016, F, 28a, 29, 36, 302, 305, 306. porterie : parcelle 306 communs : parcelle 305 ancien carré monastique : parcelles 28a et 29 jardins : parcelle 302 logis abbatial : parcelle 36 Historique Seconde fille de Morimond, d’où sortit le premier groupe de moines avec à sa tête l’abbé Baudouin, la Crête (52-com. Bourdons-sur-Rognon) a été fondée en 1121, l’année après Bellevaux, sous le vocable de la Purification Notre-Dame. Les (vi-)comtes de Clefmont, en particulier Simon II, sont reconnus comme les fondateurs, puis principaux bienfaiteurs de l’abbaye, parmi lesquels se retrouvent aussi les principales familles nobles de la région, dont les Reynel, Vignory, Joinville, Nogent et Chaumont, sans oublier les évêques de Langres et plus tard les comtes de Champagne. L’hypothèse de l’existence d’un prieuré au XIe siècle à la Vieille-Crête, dont un groupe de moines venus de Morimond aurait pris possession dès 1118, n’est pas étayée, même si nombre d’auteurs l’ont reprise à leur compte. En revanche, comme son nom pourrait le rappeler, la Vieille-Crête fut probablement le site primitif où les moines ont pu s'établir de manière provisoire, le temps d'édifier les premiers bâtiments de la nouvelle abbaye. L’afflux de religieux fut assez tôt suffisant à la Crête pour qu’elle fonde à son tour Saint-Benoît-en-Woëvre en 1132 au diocèse de Metz, puis les Vaux-en-Ornois l'année suivante dans celui de Toul. Au milieu du XIIe siècle, ce sera le tour des Feuillants près de Toulouse, puis de Matallana en Espagne. Le site retenu, au cœur de la grande forêt homonyme, se caractérise par l’encaissement et l’étroitesse de la vallée du Rognon, affluent de la Marne (ill. IVR21_20155200605NUCA). Les moines essartèrent assez peu ce massif et développèrent leur temporel au-delà, du plateau chaumontais au Barrois et à la dépression bassignotte (cf. carte du temporel ill. IVR21_20155200606NUCA). L’implantation des granges reflète bien l’identité et l’origine des principaux bienfaiteurs : avec le domaine abbatial, dont la grange (?) de la Vieille-Crête, les Clefmont ont donné les terres de Dardu (52- com. Audeloncourt) dès 1136 et en partie celles de Morlais (52-com. Millières) ; pour leur part, les Nogent sont à l’origine de Fragneix (52-com. Treix) dès 1128, de Pincourt (grange et moulin, 52-com. Nogent) en 1166, et peut-être aussi d’Orsoy (52-com. Mennouveaux) ; non loin des Quartiers (52-com. Riaucourt) apparus avant 1150, Chevechey (52-com. Darmannes) est lié à Vignory et à son prieuré dès 1137 ; les Reynel et Lafauche quant à eux ont donné en 1157-58 la grange d’Audeuil (88-com. Trampot), que l’abbaye vendit en 1170 —en raison de sa proximité— aux chanoines prémontrés de Mureau, établis 13 ans auparavant (A. Philippe, ”Les chartes-parties des archives départementales des Vosges”, Bulletin du CTHS, 1921, p. 193). Enfin la grange de Malnuit (52-com. Chantraines), constituée vers 1164 (détruite vers la fin du XIXe siècle) provenait peut-être de l’extension vers l’ouest du domaine initial. Ainsi, à l’exception de deux sites de fond de vallée à l’abbaye et à Dardu (entre côte et Meuse), la Crête semble s’être porté de manière préférentielle sur les domaines de plateaux, qui il est vrai dominent très largement cette partie nord-est du diocèse de Langres. Comme à Trois- 26 septembre 2021 Page 1 Champagne-Ardenne, Haute-Marne, Bourdons-sur-Rognon, Lacrête Ancienne abbaye de la Crête IA52001002 Fontaines, Cheminon ou encore Boulancourt, le temporel apparaît d’emblée dissymétrique : l’abbaye ne s’est quasiment pas étendue vers le nord, si ce n’est à Audeuil, en proche Barrois, mais pendant une douzaine d’années seulement. Ce déséquilibre spatial procède directement de la partition territoriale imposée par la concurrence monastique locale due à la présence, à 6 km à peine au nord-ouest, de l’abbaye prémontrée de Septfontaines (52-com. Blancheville), fondée en 1123, qui a développé ses domaines sur la côte oxfordienne et son revers forestier. Malgré cette contrainte de voisinage, la structure principale du temporel de la Crête, reposant sur ce réseau de 10 granges, se constitua pour l’essentiel en un demi- siècle seulement, signe d’une croissance rapide et d’une réception favorable dans la société locale. Toutes ces granges étaient polyvalentes avec quelques variations dues au contexte morpho-agraire : si les terres labourables étaient sans doute d’un bon rapport sur le plateau chaumontais (granges de Chevecheix, Fragneix et des Quartiers), l’élevage fut en général la préoccupation principale ; de nombreux seigneurs firent des concessions en ce sens comme Guitier d’Ambonville qui céda en 1158 (après contestations) la paisson dans toute sa terre entre Marne et Rognon, ainsi que la glandée pour les porcs (J. Benton et M. Bur, Recueil des actes d’Henri le Libéral, I, 2009, n°124, p. 166). La délimitation des parcours fut aussi l’objet de plusieurs accords avec l’abbaye-mère, Morimond, dont les granges de Grandrupt (1150), Levécourt et des Gouttes jouxtaient celle de Dardu, et surtout avec les prémontrés de Septfontaines, notamment en 1181 (AD52, 19J11). À cette date, un bornage fut établi entre les deux parties afin de fixer les limites à respecter entre le domaine prémontré d’Eugécourt (« agri proprii de Ougiscourt », anc. grange détruite, 52-com. Rochefort-sur-la-Côte) et celui de Rosières (ferme détruite, 52-com. Chantraines)(Ch. Higounet, Défrichements et villeneuves du Bassin Parisien, 1990, p.133). Dans le même temps, l’abbaye a pris part à la production de denrées plus spéculatives. Si aucun cellier n’est officiellement connu dans son temporel, la Crête a bien sûr exploité des vignes sur les versants les mieux exposés des côtes et vallées locales comme à Rosières ou Bourdons, mais surtout à Oudincourt (52), où elle a établi sur la donation de Barthélemy II de Nogent vers 1150 le petit domaine de la Borde, consistant en maison, pressoir et vignes. De même, dans le sillage de Morimond et Clairvaux, la Crête a bénéficié de la bienveillance de grands barons pour s’insérer dans les structures proto-industrielles métallurgiques et salicoles. Le comte de Champagne, Henri le Libéral, lui donna en 1156 une forge à Wassy (52) avec droits d’usage dans les bois pour le combustible (« quandam fabricam in nemore de Vesseyaco cum omni usuario eidem fabrice necessario », M. Bur, op. cit., n°79, p. 110-111). À la fin du XIIe siècle, l’abbaye acquit de Geoffroy V de Joinville (confirmé par son frère en 1207) une seconde forge un peu plus au sud, en forêt de Mathons (52), mais les moines la rétrocédèrent avant 1233 à son frère et successeur Simon contre le bénéfice de dîmes (I. Lambert, JM. Mouillet et J. Charlier, L’abbaye de la Crête (1121-1789), Langres, 2006, p. 50). On rappellera par ailleurs que le produit de cette forge permit sans doute à l’abbé de la Crête ”d’acheter” la paix et le calme de son abbaye en offrant au seigneur de Nogent la matrice de son premier seau vers 1160 (voir à ce sujet l’excellent article d’Hubert Flammarion, "Le sceau du silence : sigillographie et pratiques seigneuriales au XIIe siècle entre Marne et Meuse", Retour aux sources (mélanges offerts à M. Parisse), Paris, 2003, p. 99-113). Comme Morimond pour son approvisionnement en sel, la Crête possédait avant 1172 une vingtaine de places et poêles à sel avec maison à Moyenvic (57), l’une des principales localités salicoles du pays Saulnois, avec Vic-sur-Seille et Marsal, où se trouvait aussi Clairvaux. Ces installations lui furent données par le comte de Metz et divers seigneurs locaux, moyennant redevances sur l’exploitation. Une fois les besoins ”domestiques” couverts, il est clair que sel et fer furent écoulés, en particulier pendant les foires de Champagne. La Crête disposait justement d’un relais urbain à Bar-sur-Aube au milieu du XIIIe siècle. Si la maison de Chaumont citée en 1290, sous les murs du château comtal, devait avoir fonction de refuge, celle de Toul (idem), en plus d’une présence dans la cité d’évêques bienfaiteurs, a nécessairement joué un rôle d’étape à mi-chemin dans le convoi du sel lorrain vers l’abbaye. Pour le faciliter, la Crête avait tôt reçu diverses exemptions de péage, notamment à Maizières et Bainville-sur-Madon (54) en 1162 par l’évêque de Toul, et au franchissement de la Moselle à Pont-Saint-Vincent (54) avant 1182, acte renouvelé en 1236 par le comte de Vaudémont. Les ducs de Lorraine eux-mêmes accordèrent des sauf-conduits dans leur ressort et l’exemption de toutes taxes en 1181, 1184 et 1235 (Lambert-Mouillet, op. cit., p. 76-77). D’autres domaines de moindre importance vinrent compléter le dispositif économique de la Crête, comme le Tilleul (52- com. Bologne), cité en 1158 en tant qu’alleu en 1138-43 et territoire en 1158, Rosières (terre vers 1150) ou encore Churey (52-com. Bourdons-sur-Rognon). La définition précise de ces derniers reste délicate : il est probable que leur évolution ait été calquée sur celle des granges mais il faut attendre l’époque moderne pour y trouver mention de fermes.