La Communauté de l’Agglomération Elbeuf Austreberthe (CREA) : territoire de la proximité ? Une approche par l'organisation des équipements dans 11 bassins de vie

Sous la direction de Jean-Marie Cipolat (Université de Rouen)

Cartographie : Mathieu Leullier et Geoffroy Duboc

Stage sous la direction de Sarah Krikorian (CREA)

Julien Cammas Master 2 Territoire et Développement Local UFR Sociologie – Université de Rouen - Septembre 2010

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 1 Remerciements :

Sarah Krikorian et toute l’équipe du SCOT de la CREA pour leur accueil Mathieu et Geoffroy pour leur disponibilité et leur travail de cartographie Agnès Grandou Jean-Marie Cipolat Jérôme Bertrand et Yann Watkin (Iau-îdf) Les personnes consultées au cours du stage : Stéphane Jot (Pays Entre et Bray), Vincent Targosz (pôle de proximité CREA, ), François Naitali (CCI de Rouen), Jérôme Follin, Nadine Poullain et Joselito Mancuso (INSEE Haute- Normandie)

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 2 Table des matières Introduction...... 5 Les trois dimensions de la proximité : sociale, spatiale et temporelle...... 9 Un terme social ...... 9 La dimension spatiale et temporelle : la fin de « la ville proche »...... 10 Développer la proximité...... 11 Les échelles de la proximité...... 13 Déterminer la proximité...... 13 Le quartier urbain : espace social de la proximité...... 15 Le bassin de vie, zonage de la proximité ...... 18 11 bassins de vie et la CREA...... 27 Le choix du périmètre d'étude...... 27 Un découpage qui interpèle la gouvernance...... 29 Trois bassins de vie d’agglomérations concentrent l’activité et la population....32 Deux catégories de bassins de bourgs et de petites villes...... 34 L'organisation des équipements dans les bassins de vie et la CREA...... 43 L’implantation des équipements est corrélée la population ...... 43 Les bassins de vie de bourgs et petites villes, bassins de la proximité...... 46 54 pôles d'équipements...... 48 L'organisation des équipements de la quotidienneté...... 57 Les services de proximité...... 59 Les commerces alimentaires de détails...... 60 Les équipements de proximité pour la petite enfance...... 62 La santé de proximité...... 63 Carte de synthèse : les équipements de la quotidienneté...... 64 Conclusions et pistes de réflexion...... 66 La proximité est vecteur d'un développement durable des territoires ...... 66 La proximité est-elle équitable sur notre territoire ?...... 66 Deux modèles de développement de la proximité...... 66 Enjeux et leviers d'action pour la CREA ...... 67 Bibliographie...... 70 Annexes...... 72

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 3 Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 4 Introduction Le présent document constitue le rapport de stage pour l’obtention d’un Master 2 en Territoires et Développement Local à l’Université de Sociologie de Rouen. Le stage s’est déroulé de mars à juin 2010 au service du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) de la Communauté de l’agglomération Rouen Elbeuf Austreberthe (CREA).

Un contexte de changement institutionnel : Le stage s’est déroulé dans un contexte particulier. Deux changements sont à noter : 1. Naissance de la Communauté de l’Agglomération Rouen Elbeuf Austreberthe (CREA) le 1er janvier 2010 de la fusion de quatre communautés : la Communauté d’agglomération rouennaise (CAR), la communauté d’agglomération d’Elbeuf-Boucle de Seine, la Communauté de communes de Le Trait- et la communauté de communes Seine-Austreberthe. La CREA devient ainsi la première communauté d’agglomération et le 8ème territoire de . Plus de la moitié des communes se trouvent dans l’ancienne CAR (45 communes).

PRESENTATION DE LA CREA Chiffres clés

- 71 communes - 494 382 habitants - 730 hab./km2 - 225 570 emplois - 20527 demandeurs d’emplois - Effectifs CREA : environ 1000 salariés

Points forts Points faibles - un tissu industriel fort - perte d’habitants au profit des espaces - la situation géographique : le Grand port périphériques et faible attractivité Maritime et la proximité avec Paris (projets du démographique Grand Paris etc.) - dépendance à l’industrie malgré une - une intercommunalité puissante en mesure tertiarisation des emplois de porter des projets structurants - infrastructures de transports insuffisantes : pas de contournement, mauvaise desserte ferrée vers Paris, pas de ligne régulière pour l’aéroport Source : Profiléco N°4, janvier 2010, CCIR Rouen

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 5 2. Fusion du Syndicat Mixte pour le Schéma de Cohérence Territoriale de l’agglomération Rouen-Elbeuf avec la CREA. Le SCOT devient ainsi un service du Pôle Planification Urbaine, Urbanisme et Habitat de la nouvelle communauté d'agglomération.

La CREA constitue désormais un vaste territoire institutionnel composé d'espaces ruraux et urbains : deux pôles urbains (Rouen et Elbeuf) concentrent l'activité économique et les habitants alors que l’ouest de l’agglomération rouennaise (Le Trait et ) est à dominance rurale. Il s'agit donc d'une nouvelle échelle de projet à gérer pour les administrations des anciennes communautés. D’autre part, le SCOT était mené auparavant par un syndicat co-financé par les deux communautés de Rouen et Elbeuf. Le projet doit désormais être adapté au nouveau territoire constitué des 71 communes. Le pilotage du SCOT est désormais assuré directement par la CREA.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 6 La demande initiale : l’implantation des équipements

La mission a comme objectif initial l’étude de l’implantation des équipements sur le territoire de la CREA. En effet, la problématique des équipements est présente depuis longtemps dans les réflexions engagées par le SCOT. Le Schéma Directeur de l’Agglomération de Rouen- Elbeuf proposait en 2001 une organisation prospective du territoire en fonction des niveaux d’équipements des communes. Il préconisait notamment d’organiser le territoire autour de grands équipements structurants et de pôles ruraux biens équipés. C’est pourquoi il a été choisi d’approfondir cette thématique au cours d'un stage. Source : Schéma Directeur de l’agglomération Rouen- Elbeuf

De plus, le stage offre également l’occasion d’exploiter les données 2008 de la base permanente des équipements (BPE) pour alimenter le diagnostic de la répartition des équipements sur le territoire de la CREA. La BPE est une source d’information très complète sur les équipements à l’échelle de la commune et du quartier. En accès libre depuis 2006, elle est actualisée tous les ans et renouvèle l’inventaire communal de 1998.

Evolution de la demande : la proximité dans la CREA Le pôle planification de la CREA entreprend depuis Mars 2010 une réflexion originale menée par le SCOT sur le territoire de la CREA. Elle consiste à ne plus penser l'aménagement selon une approche thématique (économie, transports, environnement etc.) mais en fonction des échelles d'attractivité du territoire : « la proximité », « l'agglomération » et « le rayonnement international ». Cette nouvelle approche permet de croiser les regards en fonction des échelles de la ville : « la proximité » pour répondre aux besoins quotidiens des habitants, « l'agglomération » pour les fonctions auxquelles doit répondre la CREA et « l'international » pour les fonctions métropolitaines, l'attractivité et l'image de Rouen et de son agglomération au-delà de la CREA.

C'est pourquoi une présentation spécifique sur les équipements de proximité nous a été demandée au cours du stage dans le cadre du groupe de réflexion sur la proximité intitulé « Garantir un cadre de vie de qualité et de proximité ». Cette réflexion a fait l'objet d'une présentation devant le groupe de travail le 10 juin 2010.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 7 La problématique du mémoire : C'est ainsi que nous en sommes venu à nous intéresser à la notion de proximité sur un territoire. Interroger la proximité sur la CREA revient à se poser les questions suivantes : comment déceler les phénomènes de proximité sur un territoire ? Les espaces de proximité correspondent-ils aux territoires de projet ? La proximité est- elle équitable partout ? La CREA propose t-elle un offre cohérente, équitable et accessible d'équipements et de services de proximité ?

Il convient dans un premier temps de définir ce qu'est la proximité. Le terme signifie a priori ce qui est proche. La proximité serait donc une façon de qualifier une distance courte, à l'inverse de l'éloignement et du lointain. Mais le mot a à l'origine une signification sociale, ce qui confère à la proximité trois dimensions : spatiale, temporelle et sociale. Nous verrons en quoi la proximité est un principe fondateur et la ville qui s'estompe avec l'extension urbaine et les modes de transports modernes. Nous verrons pourtant que la proximité est un vecteur durable de développement des territoires. Dans cette même partie, nous chercherons à définir les principes de la proximité. Nous verrons qu'elle ne peut pas être la même partout et dépend de vecteurs sociaux. Pour illustrer cette dimension de la proximité, nous prendrons l'exemple de la définition sociale du quartier, territoire urbain de la proximité. Ce sera également l'occasion d'introduire la notion de bassins de vie que nous utiliserons pour qualifier les territoires vécus dans les espaces péri-urbains.

La dernière partie illustre l'analyse de la proximité sur un territoire sous l'angle de l'offre d'équipements. Cette approche utilise le découpage de l'INSEE en bassin de vie pour qualifier les espaces vécus au quotidien par les habitants. Cette approche est directement inspirée du travail effectué pour le compte du SCOT. L'exercice consiste à qualifier l'offre d'équipements dans un périmètre élaboré à partir de 11 bassins de vie autour de la CREA. Un premier travail d'analyse permet d'identifier les spécificités socio-économiques des bassins de vie. Ce diagnostic est ensuite croisé avec l'étude de l'offre d'équipements des communes et des bassins de vie, à partir des données de l'INSEE de 2008 proposées dans la base permanente des équipements. L'exploitation de cette source permet d'identifier les territoires en sous-densité d'équipements et de faire ressortir les polarités du territoire pour mieux expliquer les dynamiques de déplacements pour les besoins quotidiens. Un dernier travail consiste à isoler quelques équipements jugés indispensables à la vie quotidienne pour identifier les manques en fonction des différentes thématiques que recouvre la proximité. L'objectif est d'expliquer « comment on vit » au quotidien dans la CREA et de déterminer si la proximité est une réalité dans tous les espaces vécus par les habitants.

En conclusion, différentes pistes de réflexion et des leviers d'actions sont identifiés pour améliorer l'offre de proximité pour tous sur le territoire de la CREA.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 8 Les trois dimensions de la proximité : sociale, spatiale et temporelle

Un terme social La proximité fait intuitivement appel à une notion de distance : être proche, c'est-à- dire à une faible distance de quelque chose. Mais les origines du mot sont différentes. En effet, « proximité » vient du latin proximitas, apparu au XIVème siècle, et signifie « parenté proche » au sens propre. Le sens figuré, signifiant « parenté spirituelle », est plus tardif (fin XVème siècle). Le mot a pour origine une dimension sociale. A partir du XVIème siècle, « proximité » désigne un voisinage spatial, souvent employé dans l'expression « à proximité de ».

Aujourd'hui, la dimension sociale du terme est prédominante dans les discours politiques. En effet, on entend parler de politique de proximité, de démocratie de proximité, de commerces de proximité, de services, de quartiers etc. Le terme semble « à la mode », comme l'est depuis une vingtaine d'années « le développement durable » et maintenant « la gouvernance ». La prédominance du terme dans les discours actuels correspond à la fois à une volonté des élus d'être proches des préoccupations de leurs administrés et à un besoin de participation citoyenne. En effet, la proximité fait son apparition dans le débat public après les premières lois de décentralisation de l'appareil de l'Etat dans les années quatre-vingts. Ces lois avaient pour objectifs de délocaliser le pouvoir historiquement concentré à Paris et de développer la participation citoyenne à l'échelle locale. La « démocratie participative » était née, et avec elle un ensemble de mesures sur la création d'institutions locales (les collectivité territoriales) et les politiques de développement local. La proximité s'invite alors dans les discours politiques. Pour les élus locaux, c'est le moyen d'orienter les votes en promettant aux citoyens d'être au contact des réalité locales, proches des préoccupation quotidiennes. Pour le citoyen comme pour l'élu, c'est l'occasion de dénoncer l'appareil d'Etat trop bureaucratique et centralisé(1) et de participer à l'organisation de la vie locale. Avec le développement des champs de compétences des collectivités territoriales, les politiques publiques s'appliquent de plus en plus souvent à l'échelle de la proximité. Par exemple , la circulaire du 31 décembre 1998 relative aux contrats de ville 2000-2006 a pour objet de développer la « gestion urbaine de proximité » : mise en place d’actions concertées en faveur de « la mixité de l'habitat, la diversification des fonctions des quartiers d'habitat social, […] l'emploi et le développement économique local […]». La proximité semble donc être une échelle justifiée de l'action publique.

La proximité dans les politiques locales désigne donc un mode de gouvernance auquel participent citoyens et élus locaux. Le terme reprend son sens premier dans les politiques publiques en désignant un phénomène social.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 9 La dimension spatiale et temporelle : la fin de « la ville proche »

La « proximité » a aussi une signification géographique et spatiale, puisque le mot désigne ce qui est proche : « proche commerces », «à proximité des transports » etc. Elle désigne le local, l'accessible, ce qui est en deçà d'une certaine distance. H. Rey, Y. Sintomer et M.H. Bacqué1 définissent la proximité comme « l'échelle locale ou micro-locale du quartier ou de la ville ». La proximité est la ville. En effet, le modèle européen de la cité est fondée sur un principe de continuité et de proximité : tout est aggloméré, accessible à pied, d'autant plus que les distances devaient être à l'origine courtes pour être parcourues à pied ou à cheval. Il fallait alors rassembler, concentrer les activités pour répondre aux besoins de la population sur place. C'est « la ville proche », où tout doit être à proximité. Historiquement, on peut dire que les villes européennes se sont fondées sur le principe de concentration/expansion, base des théories sur la ville comme le modèle centre/périphérie : un centre qui concentre les activités et une périphérie résidentielle qui se développe de façon concentrique autour du centre. C'est le modèle fondateur de la géographique spatiale (Christaller).

Mais avec l'amélioration des performances des transports, l'homme a acquis la faculté de se déplacer plus vite. En un même temps de trajet, les distances parcourues ont fortement augmenté : de 1990 à 2002, la durée totale moyenne des déplacements quotidiens des français a stagné à 55 minutes mais les distances parcourues ont augmenté de 30%2. Une des conséquences directes sur la morphologie des villes est l'étalement urbain : en effet, l'utilisation de l'automobile permet de dépasser la contrainte de temps. Les familles peuvent désormais s'installer en dehors du centre ville et accéder aux services nécessaires à la vie quotidienne en voiture. Cela leur permet souvent de disposer de logements plus grands et moins chers et de fuir les nuisances des villes. En effet, 27% des citadins déclarent vouloir habiter à la campagne3. C'est pourquoi entre 1990 et 1999, les communes péri-urbaines ont une croissance huit fois plus rapide que les grandes communes.4

1 Bacqué, Marie-Hélène ; Rey, Henri, Sintomer, Yves.- Gestion de proximité et démocratie participative : une perspective comparative, Paris : La Découverte, 2004 2 D'après Jean-Pierre Orfeuil dans Benoît, Jean-Marc; Benoît, Philippe ; Pucci, Daniel.- La France à 20 minutes : la révolution de la proximité. Paris : Belin, 2002. 3 Prud'homme, Rémi ; Dupuis, Gabriel ; Boret, Daphné.- Développement urbain: les nouvelles contraintes. Rapport N°1. Véolia Environnement http://www.institut.veolia.org/fr/ressources/cahiers/16FF5YH37a8MuY5529pTeL82.pdf 4 Benoît, Jean-Marc; Benoît, Philippe ; Pucci, Daniel.- La France à 20 minutes : la révolution de la proximité. Paris : Belin, 2002

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 10 Le modèle de « la ville proche » est donc révolu. Le temps est désormais l'unité de mesure de la proximité. On ne pense plus le territoire en fonction de la distance mais par temps d'accès, ce qui modifie considérablement les idéologies sur l'urbain : la ville n'est plus un noyau urbain avec sa couronne périphérique. La ville devient un vaste espace dynamique de déplacements entre plusieurs pôles de concentration d'activités et d'équipements. On passe désormais d'un espace à un autre en une journée pour aller faire ses courses, jouer au tennis ou déposer son enfant à l'école. Les espaces pratiqués par les habitants se forment autour du domicile, de façon concentrique ou selon une logique « d'archipels » : des micros-espaces non contigus pratiqués au quotidien par les habitants. Chaque habitant a son réseau « d'archipels » bien identifiés qu'il rejoint en traversant en voiture des espaces qui sont de fait ignorés. Jean-Marc Offner appelle ce phénomène « le zapping territorial »5.

Développer la proximité La proximité serait une voie salutaire pour bâtir la ville de demain. En effet, une ville durable est une ville dense. Elle permet de limiter les « Il est bon de rappeler que Paris déplacements en rapprochant les habitants est passé de 500 habitants/ha au des services quotidiens. Les travaux 6 XIVe siècle à 200 habitants/ha universitaires de P. Newman et J. Kenworthy aujourd'hui. » comparent des grandes métropoles mondiales Les cahiers de la ville responsable, n°1, et démontrent que la consommation d'énergie p.24, 2010. par personne pour les transports pourrait être divisée par quatre en rationalisant l'aménagement des villes et en densifiant l'urbanisation autour des centres-villes.

C’est pourquoi la tendance actuelle en aménagement du territoire est de prôner un retour à la ville compacte plutôt que d'étaler l'urbanisation au détriment des surfaces agricoles et naturelles. Les politiques publiques encouragent les opérations valorisant les couples habitat / emploi, entreprises de production / ressources, consommateurs / producteurs, équipements / habitants etc. Les collectivités orientent donc les Plan locaux d'urbanismes et les schémas directeurs en faveur d'une densification des espaces déjà urbanisés et d'un renforcement des pôles existants. Le SCOT de 2001 de l'agglomération Rouen/Elbeuf allait dans ce sens en proposant le renforcement de petits pôles autour de Rouen et le développement du réseau de transports en commun. Les villes s'étalent et perdent leur vocation première de concentration de l'activité sociale. Les hommes s'éloignent et l'urbanisation gagne les terres agricoles. Mais l'éloignement est un vecteur d'inégalité, car le fait de ne pas avoir de véhicule ou d'habiter une commune mal desservie en transports en commun est discriminant pour accéder aux services et équipements nécessaires à la vie quotidienne.

5 Interview disponible dans Benoît, Jean-Marc; Benoît, Philippe ; Pucci, Daniel.- La France à 20 minutes : la révolution de la proximité. Paris : Belin, 2002. 6 P.Newan, J.Kenworthy, Cities and Automobile Dependence: A Sourcebook. Journal of American Planning Association, 57, pp.376-379, 1989

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 11 De plus, la proximité répond au besoin de « vivre ensemble » de l’homme. Elle est garante d’interactions sociales et développe la solidarité. Les services de proximité par exemple sont des prestations proposées aux habitants. Ils sont souvent effectués directement auprès des personnes concernées. D'après certains sociologues, les services de proximité sont une nouvelle forme de sociabilité dans la ville. Une nouvelle émanation sont les services solidaires qui fondent l'initiative économique sur la volonté de promouvoir des rapports sociaux de solidarité7. Dans l'action publique, les politiques de proximité encouragent la participation des habitants et développent ainsi le sentiment d'appartenance à un immeuble, un quartier, une ville ou un pays. Elles offrent également l'occasion de partager les décisions entre élus et citoyens. La proximité est également un vecteur de développement économique. L’innovation se propage grâce à la proximité spatiale : celle-ci permet de multiplier les interactions sociales et de développer le réseau de connaissances spécifiques de l’entreprise et du territoire. C'est pourquoi certains territoires parviennent à se spécialiser grâce à la proximité et en se servant des ressources locales, comme la Silicon Valley en Californie par exemple. En France, les politiques d'aménagement proposent la création de pôles de compétitivités, de pépinières d’entreprises etc. La proximité permet également des économies d'échelles et le développement local : la valorisation des filières courtes dans le domaine industriel ou agroalimentaire permet de rationaliser les dépenses de transport de marchandises et valorise les exploitations locales. Beaucoup de collectivités territoriales stimulent désormais l'activité économique locale en finançant des projets de développement économique associant les ressources locales. Enfin, face à la mondialisation et l'économie de marché, la proximité rassure. Elle apparaît comme un moyen d'affirmer les spécificités locales face au grandes tendances globales. Comme pour « le développement durable », le terme est victime de son succès mais il véhicule des valeurs citoyennes positives et reste un bon principe d'aménagement du territoire et d'organisation de l'activité.

La proximité pensée dans ses trois dimensions (sociale, spatiale et temporelle) sur un territoire permet donc une approche transversale de l'aménagement. Elle correspond aux valeurs de développement durable, elle permet de renforcer le lien social et facilite le développement économique.

Il est cependant difficile de mesurer la proximité sur un territoire, car chaque espace étudié possède ses propres échelles du proche et du lointain. Nous allons donc illustrer différentes approches possibles de la proximité : une approche sociale à travers le quartier urbain et une approche statistique avec le zonage en bassin de vie de l'INSEE.

7 Bonnet, Michel ; Bernard, Yvonne.- Services de proximité et vie quotidienne : de nouvelles sociabilités urbaines , Paris : Presses universitaires de France , 1998

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 12 Les échelles de la proximité

Déterminer la proximité Avec le développement exponentiel de la mobilité, la proximité spatiale perd de son sens au profit de la proximité temporelle. De plus, chacun a sa propre façon de se déplacer. Il existe ainsi autant de modes de consommation de l'espace-temps qu'il y a de situations sociales8. Ainsi, il n'existe pas une mesure universelle de la proximité. Chaque espace et chaque individu a sa propre interprétation de la proximité. Elle ne peut donc être qu'interprétée, simulée.

En région parisienne par exemple, une convention informelle entre chercheurs de l'Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Île-de-France (IAU-îDF) admet que la proximité à pied correspond à 15 minutes de marche, soit un espace pratiqué de 800 mètres de diamètre autour du domicile. En voiture, la proximité représente un trajet de 30 minutes. Sur l'agglomération de Rouen par exemple, les comportements de mobilité sont plus orientés vers la voiture et le trafic routier est sans conteste plus fluide qu'en région parisienne. Les temps d'accès moyens à ce qui est considéré comme proche par les rouennais sont certainement inférieurs aux estimations des parisiens. A titre de comparaison, les temps de déplacements moyens quotidiens en région parisienne sont d'1h20, dont 30 minutes pour se rendre au travail. En Province, 17 minutes sont nécessaires pour ce même déplacement9.

Cependant, il est possible de distinguer un certain nombre de critères communs à toutes les situations de proximité. Ces critères reprennent les trois dimensions sociales, spatiales et temporelles de la proximité.

8 Faivre, Emmanuel.- Dis-moi quels sont tes nouveaux déplacements avec la RTT...... je te dirai qui tu es et où tu habites ! Espaces, populations, société, n°2007/2-3 Une analyse auprès des salariés de Franche-Comté 9 Les Franciliens consacrent 1h20 par jour à leurs déplacements.- INSEE Ile-de-France à la Page, n°331, avril 2010

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 13 Évaluer la proximité

En premier lieu, la distance d'un point A à un point B est déterminante pour évaluer le niveau de proximité. Celle-ci doit être complétée, comme nous l'avons vu, avec le temps qu'il faut pour relier ces deux points. C'est pourquoi la proximité a cette dimension sociale : tout le monde n'a pas la même capacité à se déplacer, le même niveau de mobilité. C'est pourquoi la détermination de la proximité fait appel aux facteurs traditionnels des approches de la mobilité : le lieu de résidence, la catégorie socio-professionnelle, l'équipement en véhicule personnel (et donc le niveau de revenus), l'offre d'infrastructures du territoire (le lieu de résidence est-il bien desservi en transports en communs, en routes etc.) et enfin l'offre d'équipements du territoire. Nous reviendrons largement sur cette dernière notion avec l'étude approfondie du territoire de la CREA. Par exemple, un jeune célibataire parisien va se déplacer quotidiennement à pied et en métro moins loin mais peut-être plus souvent pour faire ses courses qu'une mère de famille rouennaise qui se déplacera en voiture avec ses enfants pour se rendre au supermarché une fois par semaine. Les déplacements du jeune parisien seront d'autant plus réduits que les rues de Paris sont généralement bien achalandées pour les besoins quotidiens. Le parisien aura cependant tendance à se déplacer plus longtemps car il utilise peu la voiture et les distances/temps en transports en commun sont longues. Notre parisien aura donc une perception différente de la proximité de la mère de famille rouennaise.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 14 La notion de proximité fait donc appel aux perceptions individuelles de ce qui est loin et ce qui ne l'est pas. Pour illustrer cette dimension psycho-sociologique, nous allons prendre le cas d'un quartier urbain dans Paris.

Le quartier urbain : espace social de la proximité En milieu urbain, le quartier est le territoire de la proximité. La littérature est riche sur la notion de quartier, mais les définitions couramment admises tendent à se rejoindre : « le quartier est un ensemble urbain sur lequel se déroulent des relations sociales spécifiques10 ». Le quartier n'est pas qu'un morceau de ville, c'est un espace d'interactions entre individus formant une communauté. Le quartier est individuel et ses frontières sont sociales, établies par la pratique quotidienne à pied de chaque résident. Enfin, chaque individu est capable de se représenter mentalement « son quartier ». Le quartier est donc un territoire social forgé par une pratique quotidienne individuelle et intensive de l'espace urbain. C'est le territoire des besoins quotidiens accessibles à pied. Cette définition correspond tout à fait aux principes de la proximité. Le quartier, pensé comme espace social, constitue donc une échelle pertinente pour proposer de la proximité en ville. Encore faut-il parvenir à discerner les différents quartiers d'une ville.

L'exemple du quartier Pernéty à Paris L'exemple suivant est tiré d'une étude réalisée en 2002 qui porte sur un quartier urbain dans le XIVème arrondissement de Paris11. L'objectif du rapport est de déterminer ce qui fait de Pernéty un quartier urbain.

Pernéty est perçu par ses habitants comme un quartier résidentiel calme et verdoyant, qui contraste avec les quartiers bruyants limitrophes de la gare Montparnasse et de la place d'Alésia. Il est délimité selon ses résidents par trois avenues passantes qui donnent au quartier sa forme de triangle et lui confèrent une impression d'enclave. Historiquement le quartier se trouvait aux portes de Paris, sur la route d'Orléans. C'était la terre d'accueil des voyageurs et des saltimbanques en tous genres. Il était composé de logements de fortunes et de petites maisons de faubourgs avant les grands réaménagements du baron Haussmann sous Napoléon III.

10 Di Méo G., Epistémologie des approches géographiques et socio-anthropologiques du quartier urbain, Annales de géographie n°577, Mai-Juin 1994 11 Cammas, Julien, Le quartier dans la grande ville. Etude des pratiques et des perceptions des habitants du quartier Pernéty dans le XIVème arrondissement de Paris. Mémoire de Géographie, Université Paris I La Sorbonne, 2002

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 15 Aujourd'hui, l'activité économique est essentiellement résidentielle. Le quartier est particulièrement bien achalandé en services et commerces de proximité et propose peu d'équipements supérieurs (services administratifs, spécialistes de santé etc.).

L'analyse des déplacements à pied d'un échantillon représentatifs de résidents montre que les déplacements pour les besoins quotidiens se font essentiellement dans le quartier et les résidents ont tendance à quitter le quartier pour les loisirs et les besoins en santé. D'autre part, l'espace représenté mentalement par les habitants correspond à l'espace pratiqué chaque jours pour se rendre au travail ou aller faire ses courses.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 16 Trajet quotidien d’une femme de 35 ans pour se Le quartier, ou « espace vécu », dessiné par cette rendre au travail même personne est calqué sur ce trajet

Enfin, une image partagée par tous se dégage parfois de certains quartiers emblématiques. A Paris, Montmartre est le quartier des artistes, La-Défense est le quartier des affaires etc. Cette image a souvent comme source un symbole : un monument, une place. Pernéty a une image de « quartier village ». Pourtant, aucun clocher et aucune place justifiant d'une centralité ne se distingue à Pernéty. Il s'agit bien d'une perception partagée par les résidents de leur quartier. Les commerçants jouent de cette réputation en communiquant sur l'image sereine et rassurante du « village Pernéty », un quartier qui respire le bien être et le respect des traditionnels bourgs d'antan où tout le monde se connait et où tout est accessible.

Publicité pour les commerces de la rue Daguerre Source : « Annonce quartier », hebdomadaire gratuit du 14 Mai 2001

L'étude de Pernéty montre ainsi que le quartier peut être l'échelle de référence pour penser la proximité en milieu urbain. Morceau de ville pratiqué au quotidien par ses résidents, le quartier est également social et constitue une représentation mentale individuelle dont les frontières varient en fonction de l'offre d'équipements de proximité et des pratiques individuelles.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 17 Le bassin de vie, zonage de la proximité

Le bassin de vie est un zonage statistique créé « On constate qu'il existe un en 2003 par l'Institut National de la Statistique espace plus ou moins bien défini, et des Études Économiques (INSEE). Il a été souvent d'une trentaine de élaboré sur les recommandations de la kilomètre de rayon, à l'intérieur Délégation interministérielle à l'aménagement duquel s'effectuent les du territoire et à l'attractivité régionale déplacements domicile-travail et (DATAR) afin de mieux qualifier l’espace 12 tous les autres déplacements rural . habituels ». Roger Brunet, 2002. Le bassin de vie part du constat du caractère de moins en moins monocentrique des grandes agglomérations.

Le phénomène d'étalement inexorable des villes complexifie les relations entre l'urbain et le rural. Si le centre-ville a toujours fait l'objet d'attentions particulières, la périphérie ne fait pas l'objet d'études. Pourtant, de nouvelles centralités se manifestent dans les couronnes péri-urbaines. Le centre-ville « n'incarne plus l'image valorisante de la citadinité et ne se révèle plus indispensable à la réalité des différentes activités quotidiennes »13, et les mobilités s'intensifient dans des espaces de plus en plus vastes.

La réflexion est initiée en 1996 par Christophe Terrier, statisticien, qui cherche à déterminer une méthode d'analyse des espaces réellement pratiqués par les habitants. En effet, la dissociation entre lieu de travail et lieu de résidence est toujours plus grande. D'après lui, c'est donc le trajet domicile-travail qui fait la ville. Il faut donc modéliser les déplacements et distinguer les polarités nourries par l'emploi et l'offre d'équipements des communes. La première carte des « territoires vécus » publiée en 1996 fait l'effet d'une bombe dans le monde de l'aménagement du territoire. C'est la première fois que qu'une carte présente l'organisation du territoire métropolitain à travers les pratiques quotidiennes de ses habitants.

12 DATAR / IFEN / INRA / INSEE / SCEES, Structuration de l'espace rural : une approche par les bassins de vie. INSEE, 2003 http://www.datar.gouv.fr/article.php3?id_article=1315

13 Hilal M. et Sencébé Y., Mobilité quotidienne et urbanité suburbaine. Espaces et Société, n° 108- 109, Mai 2002

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 18 Carte des « territoires vécus », INSEE, actualisée en 2002

La France est ainsi découpée selon une typologie d'aires d'influences des grandes villes et des bourgs et petites villes et non plus en secteurs administratifs. Ces territoires sont calculés selon une typologie distinguant les dominances urbaines ou rurales. Ainsi, l'aire d'influence de grandes agglomérations est déterminée en fonction des trajets domicile-travail et de l'emploi proposé en milieu urbain, formant ainsi les aires urbaines. Dans l'espace à dominance rural, la carte détermine des pôles de services intermédiaires, c'est-à-dire des petites communes qui en polarisent d'autres par leur offre d'équipements dits de niveau « intermédiaires ». Les aires d'influences sont déterminées ici grâce à l'Inventaire communal de 1998 (INSEE) qui permet de connaître la destination des habitants d’une commune donnée vers un équipement spécifique lorsque la commune en est dépourvue14.

14 Julien P. (2007), « La France en 1 916 bassins de vie », Économie et Statistique, n° 402 www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/es402b.pdf

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 19 Plus tard, l'INSEE va améliorer la définition des aires d'influences déterminées par Christophe Terrier en créant un découpage en 2641 « bassins de services intermédiaires » dans l'espace rural et 171 dans l'espace urbain. Chaque bassin se voit attribué un « score » en fonction de l’offre, absolue et relative, de services à la population et d’emplois sur ces territoires. Ce principe d'attribution de score par rapport à l'offre d'une sélection d'équipements nécessaires au quotidien des habitants va être déterminant pour la mise en place, en 2003, du zonage en bassins de vie.

Source : Julien P. (2007), « La France en 1 916 bassins de vie », Économie et Statistique, n° 402

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 20 Le bassin de vie est « le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à l’emploi et aux équipements courants ». Chaque bassin est déterminé en fonction de l’accès à l’emploi et à 78 équipements de services, de commerces, de transports, d'enseignement, de santé, d'action sociale et de loisirs et culture.

La France est ainsi découpée en 1916 bassins de vie, répartis selon la typologie de leur pôle : • 1745 « bassins de vie des bourgs ou petites villes » sont centrés sur une commune ou unité urbaine de moins de 30.000 habitants. • 171 « bassins de vie des grandes agglomérations » sont centrés sur une agglomération de plus de 30.000 habitants

Source : Julien P. (2007), « La France en 1 916 bassins de vie », Économie et Statistique, n° 402

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 21 Par la nature des équipements retenus pour leur construction, les bassins de vie sont spécialement adaptés pour étudier la structuration d’un espace peu intensément urbain. Ils ne sont pas a priori conçus pour l'étude des agglomérations dont les flux de déplacements sont beaucoup plus intenses et complexes. L'offre d'équipements y est également plus dense et d'un niveau d'attractivité supérieur à celui des pôles ruraux cherchant avant tout à répondre aux besoins quotidiens.

Cependant ce découpage s'avère très utile pour déterminer la structuration du territoire. En effet, il intègre de fait la distinction urbain/rural en incluant pour la première fois « ce qui n'est pas rural » dans une catégorie à part (les bassins de vie d'agglomération), à la différence des zonages précédents en aires urbaines ou zone d'emploi. Ce zonage faisait donc défaut pour qualifier l'espace rural et les territoires vécus des péri-urbains dans des espaces qui deviennent stratégiques pour l'aménagement du territoire.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 22 Depuis 2003, la carte du territoire métropolitain des bassins de vie n'a pas été actualisée. Ce zonage a cependant été beaucoup utilisé dans des études de l'INSEE pour caractériser l'offre d'équipements et étudier la structuration des territoires. L'INSEE a notamment démontré en 2004 les fonctions résidentielles de certains des 58 bassins de vie de Haute Normandie au regard de territoires plus industriels (voir carte précédente)15.

Dans le réseau des aménageurs, le bassins de vie alimente encore aujourd'hui les réflexions sur les espaces vécus réellement pratiqués par les citoyens en dehors des grandes agglomérations. Les agences d'urbanisme notamment, sont intéressées par la thématique du bassin de vie car ce découpage permet de justifier des préconisations d'aménagement à l'échelle des mobilités quotidiennes des habitants, qui s'avèrent souvent plus pertinentes que les découpages administratifs.

L'agence d'urbanisme et de développement intercommunal de l'agglomération rennaise a récemment publié un découpage de son territoire en une dizaine de bassins de vie dont les critères s'inspirent du zonage INSEE16. L'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Île-de-France (IAU-îDF) a découpé la région francilienne en bassins de vie « de déplacements ».

15 Poullain, N., Reboul, C., 58 bassins de vie des bourgs et des petites villes. Structuration de l’espace régional. Aval, n°37, sept. 2004 http://www.insee.fr/fr/insee_regions/haute- normandie/themes/dossiers/autres/docs/aval_septembre_2004_art2_37.pdf 16 Agence d'urbanisme et de développement intercommunal de l'agglomération rennaise , Réflexion sur les bassins de vie en Ille-et-Vilaine. Identification des bassins de vie en Ille-et-Vilaine, Mars 2010

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 23 Les bassins de vie de la région Ile-de-France déterminés par l'IAU-îDF. Source : Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Île-de-France, Bertrand, J., Bassins de vie et déplacements. 2008

Prenant en compte les préoccupations quotidiennes des français, à savoir l'accès à l'emploi et aux équipements, le bassin de vie est donc un découpage d'étude pertinent pour appréhender la proximité : il offre une image des territoires vécus par les habitants à partir de leurs déplacements pour se rendre au travail et s'équiper. Il permet d'étudier la structuration du territoire à travers l'attraction exercée par les petites villes selon leur offre d'équipements. Enfin, l'INSEE propose librement l'accès aux statistiques selon le découpage en bassins de vie, ce qui facilite la comparaison entre territoires cohérents.

C'est pourquoi nous avons choisi d'aborder la réflexion sur l'organisation des équipements sur le territoire de la CREA avec un découpage en bassins de vie.

La partie suivante expose l'essentiel de la réflexion initiée lors du stage de fin d'études de mars à juin 2010 au service SCOT de la CREA. Après avoir justifié du territoire d'étude, nous étudierons l'offre d'équipements des bassins et nous verrons si elle est cohérente et suffisante dans chaque bassin. Cette étude sera également l'occasion d'analyser la structuration du territoire de la CREA et de sa couronne péri- urbaine et de définir les dynamiques.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 24 11 bassins de vie et la CREA

Le choix du périmètre d'étude Le bassin de vie de l'INSEE s'est imposé comme un découpage pertinent pour étudier l'implantation des équipements sur la CREA. A l'échelle d'une agglomération, ce découpage offre une vision pertinente des espaces de déplacements des habitants pour les activités quotidiennes : l'accès à l'emploi et aux équipements. Il offre par ailleurs une distinction entre espaces urbains et à dominance rurale. C'est sur ces derniers que la problématique d'accès aux équipements est la plus délicate. En effet, nous sommes partis du constat que Rouen et son agglomération ont un maillage d'équipements, d'emplois et d'infrastructures de transports équilibré par rapport à la population. Une étude de la proximité dans l'urbain pourra cependant faire l'objet d'une approche par quartier, qui est le découpage que nous préconisons pour l'étude de la proximité dans la ville. Dans un contexte politique instable, le bassin de vie est également un outil d'analyse intéressant qui ne prend pas en compte les découpages administratifs. En effet, la CREA est un territoire récent qui risque d'évoluer dans les prochains mois.

Le territoire d'étude se compose de onze bassins de vie contigus aux frontières de la CREA. Trois bassins de vie d'agglomération sont polarisés sur une agglomération de plus de 30 000 habitants. Il s'agit des bassins de Rouen, Elbeuf et . Les huit autres sont des bassins de vie de bourgs et petites villes, centrés sur une unité urbaine de moins de 30 000 habitants. Enfin, cinq bassins ont des communes comprises dans la CREA. Le périmètre d’étude comprend 698230 habitants compris dans la zone d’emploi de Rouen.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 25 Le territoire d'étude : 11 bassins de vie et la zone d'emploi de Rouen

Une cartographie des bassins de vie sur le périmètre du SCOT n'avait jusqu'alors jamais été étudiée à la CREA. Ce découpage a donc offert une vision inédite du territoire à l'équipe du SCOT. Les bassins de vie ont été validés par l'équipe : il semble en effet que les bassins de vie correspondent aux espaces vécus des habitants. La présence de deux bassins centrés respectivement sur les communes de Le Trait et Duclair a été validé sur le terrain auprès des référents locaux de la CREA : les deux communes semblent être deux entités « à part »17. La présence de deux bassins de vie autour de Bosc-le-Hard et Buchy a également semblé pertinent sur les plateaux Est : le chef de projet du SCOT Seine et Bray18 a effectivement validé ce découpage.

Enfin, la forte amplitude du bassin de vie de Rouen est remarquable dans le découpage en bassins de vie du périmètre d'étude. Il traduit la forte attractivité qu'exerce le cœur de l'agglomération sur les espaces périphériques.

17 Entretien réalisé auprès de Vincent Targosz, pôle de proximité de la CREA à Le Trait 18 Stéphane Jot

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 26 Un découpage qui interpèle la gouvernance Christophe Terrier, auteur de la « carte des territoires vécus » qualifie les zonages statistiques de « zonages de savoirs », se distinguant des « zonages de pouvoirs » institutionnels que sont les régions, les départements, les intercommunalités ou les territoires de projets comme les pays ou les SCOT. Ces derniers se construisent sur la base du volontariat des communes. A Rouen, la superposition des intercommunalités sur le découpage du territoire en bassins de vie met en évidence l'inadéquation des découpages administratifs avec les espaces vécus des habitants.

Les espaces de projets présents sur le périmètre d'étude sont également mal corrélés aux espaces vécus : Par exemple, cinq bassins de vie se partagent le périmètre du SCOT de la CREA, complexifiant ainsi les croisements de découpages : − les espaces péri-urbains au nord-est du bassin de vie de Rouen sont sur le territoire de projet du SCOT en élaboration du Pays Entre Seine et Bray ; − seule la commune du Trait est située dans la CREA alors que tout son bassin de vie s’étend vers l’ouest ; − le bassin de Duclair est à peu près cohérent avec l’ancien périmètre de la communauté de communes Seine Austreberthe ; − la CREA est présente, avec deux autres territoires de projets, sur le bassin de vie d’Elbeuf.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 27 Ainsi, la gouvernance des espaces vécus par les habitants est partagée entre plusieurs collectivités. La première conséquence est que celles-ci financent des équipements qui ne sont pas utilisés par leurs administrés. Au moment de la parution de la loi Voynet d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire19, Roger Brunet, géographe, recommandait que les pays se constituent à l'échelle des bassins de vie pour que l'intercommunalité puisse se généraliser et s'ajuster en fonction de ces échelles de territoires vécus. Cela aurait permis, d'après lui, « d'harmoniser les contributions pour la constitution de nouveaux équipements par ceux qui les utilisent vraiment »20

D'autre part, la gouvernance citoyenne ne s'applique pas à des territoires effectivement pratiqués par les habitants : il est donc plus difficile de susciter le sentiment d'appartenance à des agglomérations ou des intercommunalités. En effet, comme pour le quartier urbain, le bassin de vie se rapproche de la notion de territoire vécu par les habitants. Il s'agit d'un espace pratiqué au quotidien que chaque individu se représente mentalement. Le sentiment d'appartenance à ses territoires « investis » est donc de fait. Tout l'enjeu pour les collectivités est donc de parvenir à légitimer le périmètre administratif auprès des citoyens. Le cas échéant, c'est une perte du sens du territoire.

19 Loi no 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire 20 Entretien de Roger Brunet dans Benoît, Jean-Marc; Benoît, Philippe ; Pucci, Daniel.- La France à 20 minutes : la révolution de la proximité. Paris : Belin, 2002.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 28 Trois bassins de vie d’agglomérations concentrent l’activité et la population Rouen, Elbeuf et Louviers représentent 584 555 habitants, soit 83,7% de la population étudiée et 84,9% des équipements de l’étude. Il s'agit des bassins les plus denses de l'espace étudié : Rouen a une moyenne de 53045 habitants/km2 tout en étant le bassin le plus étendu. Les trois bassins de vie d'agglomération représentent également 84% des logements et 90% des emplois. La CREA, dont une large part est située sur le bassin de vie de Rouen, représente 69,4% de la population et 24,8% des communes de l’aire d’étude.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 29 Type de N° Bassins Noms Pop. 2006 Nombre Densité de bassin d’équipements population Bassin de 76540 Rouen 435161 9121 53045 vie 76231 Elbeuf 93464 15106 d’agglo. 1783 27375 Louviers 55930 1082 4142 Bassin de 76057 33089 653 3153 vie de 76222 Duclair 16665 264 1782 bourgs et 76709 Le Trait 15584 304 1326 de petites 27246 Fleury-sur-Andelle 14108 255 1920 villes 76146 Buchy 12041 224 1823 27103 Bourg-Achard 11174 232 1460 76125 Bosc-le-Hard 5646 90 752 27493 Romilly-sur-Andelle 5368 118 732 ENSEMBLE 698230 14126 7749 Sources : INSEE recensement 2006 et base permanente des équipements 2008

Le bassin de Rouen domine donc très largement le territoire d'étude avec près de 2/3 des équipements et de la population. Le bassin constitue également 40,8% de la population haut-normande et est le premier bassin de Seine Maritime en surface.

Deux catégories de bassins de bourgs et de petites villes Il est possible de distinguer deux types de bassins de vie de bourgs et petites villes parmi les huit bassins de cette catégorie dans notre territoire d'étude.

Une première catégorie peut être définie comme étant « des bassins d’héritage industriel », autrement appelés bassins « industriels » ou « très industriels » par l'INSEE, qui propose une classification selon l'orientation économique du bassin21 .

Il s'agit notamment des bassins de Romilly-sur-Andelle, Fleury-sur-Andelle, Le Trait et Duclair. Leur évolution spécifique s'explique en partie par leur histoire. Territoires de bords de Seine, l'activité économique est encore aujourd'hui tournée vers l'industrie, notamment à Le Trait et dans les territoire ruraux de la vallée de l'Andelle, qui conservent de grosses unités de production dans l'aéronautique et l'agroalimentaire, fortement génératrice d'emplois occupés majoritairement par la population locale. C'est en partie pourquoi ces bassins sont considérés comme « autonomes » par l'INSEE. Le niveau d'autonomie est calculé par rapport à l'emploi et aux équipements offerts aux populations de ces bassins.

21 Structuration de l'espace rural : une approche par les bassins de vie. INSEE, 2003

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 30 Avec un score de 17/20, le bassin de vie de Le Trait est considéré comme fortement autonome. En effet, c'est le bassin dans lequel la part des actifs travaillant dans leur commune de résidence est la plus élevée. Le bassin est également très bien équipé avec 19,6 équipements pour 1000 habitants22. Fleury-sur-Andelle et Duclair sont également considérés comme autonomes par l'INSEE.

Cependant, ces bassins sont victimes d'un manque d'attractivité, car peu d'emplois restent disponibles pour les actifs d'autres bassins. La croissance démographique reste donc faible, alimentée par le seul solde naturel. La conséquence et un risque de vieillissement de la population. En 2006, Fleury-sur-Andelle et Le Trait sont les bassins dont la part des plus de 60 ans est la plus élevée. Part des plus de 60 ans 25,0 20,5 20,0 18,4 18,7 17,4 17,2 17,2 17,9 18,0 16,2 15,7 16,5 15,0

10,0

5,0

0,0 Bourg- Fleury- Romilly- Barentin Bosc-le- Buchy Duclair Le Trait Louviers Elbeuf Rouen Achard sur- sur- Hard Andelle Andelle

22 Voir ci-après le chapitre relatif aux équipements des bassins de vie

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 31 L'activité économique des années soixante à nos jours a cependant donné aux communes les ressources nécessaires pour développer leur offre d'équipements. Les bassins d'héritage industriel sont donc généralement des territoires bien structurés autour de petites villes assez denses et bien équipées.

Duclair : une petite ville de bord de Seine bien équipée en commerces artisanaux et de détail

Le Trait : une commune industrielle bien pourvus en services et commerces alimentaires

Enfin, ces bassins sont en situation de fragilité économique car l'activité reste insuffisamment diversifiée. La baisse de l'activité industrielle est un frein au développement de ces bassins. Fleury-sur-Andelle est le bassin ayant le taux de chômage le plus élevé du périmètre d'étude.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 32 Nous avons pu déterminé un ensemble de trois autres bassins de vie autour de l'agglomération de Rouen qui rassemblent quelques similitudes. Il s'agit des bassins de Buchy, Bourg-Achard et Bosc-Le-Hard, que nous considérons comme des bassins « à dominance rurale en cours de péri-urbanisation »23.

Il s'agit d'après nous de bassins stratégiques pour l'étude de la proximité. En effet, ces territoires sont à forte dominance rurale, avec des densités de population parmi les plus faibles du territoire. Cependant, ces bassins connaissent un regain de population depuis le début des années soixante-dix, avec une tendance forte ces dernières années, alors que les territoires plus centraux observent une baisse de croissance démographique.

23 L’INSEE définit ces bassins comme « résidentiels » ou « fortement résidentiels » (Structuration de l'espace rural : une approche par les bassins de vie. INSEE, 2003)

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 33 Taux de variation annuel 1999-2006 2,0 1,8 1,8 1,8 1,6 1,6 1,5

1,4

1,2 1,1 1,0 1,0 1,0

0,8 0,7 0,6 0,6 0,5 0,4 0,4

0,2

0,0 Bourg- Fleury- Romilly- Barentin Bosc-le- Buchy Duclair Le Trait Louviers Elbeuf Rouen Achard sur- sur- Hard Andelle Andelle

Avec Romilly-sur-Andelle, Buchy, Bosc-le-Hard et Bourg Achard sont les bassins dont la croissance démographique a été la plus forte entre 1999 et 2006. Ce phénomène peut s'expliquer en partie par les prix du logement qui ont fortement augmentés au début des années 2000, mais également par l'engouement des familles pour la maison individuelle et la fuite vers la campagne, qui expliquent en partie les phénomènes de péri-urbanisation.

Evolution du parc de logements 1999-2006

Rouen 5,7% 7,8%

Elbeuf 6,8% 16,5%

Louviers 7,6%3,7%

Le Trait 4,8% 24,6%

Duclair 6,4% 35,7%

Buchy 11,8% 50,5%

-40,0%Bosc-le-Hard 12,4% Appartements Barentin 8,8% 9,9% Maisons

Romilly-sur-Andelle 6,6% 61,5%

Fleury-sur-Andelle 4,9% 50,4%

Bourg-Achard 12,7% 38,0%

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 34 Alors qu'ils ne disposent pas d'emplois et d'équipements en nombre suffisant pour accueillir de nouveaux habitants, ces bassins de vie sont devenus en quelques années les territoires les plus attractifs de la zone d'emploi de Rouen.

La faiblesse de l'offre d'équipements dans ces bassins de vie va être compensée par une forte mobilité en voiture.

Buchy, Bourg Achard et Bosc-le-Hard sont en effet les bassins dans lesquels les ménages ont les plus forts taux d'équipements des ménages en véhicules personnels. Plus de la moitié des ménages disposent d'au-moins deux véhicules dans ces deux derniers bassins.

Les actifs de ces bassins péri-urbains vont donc être amenés a ce déplacer au quotidien plus loin et plus longtemps pour accéder à l'emploi. Reprenant le principe de l'INSEE sur le calcul du degré d'autonomie des bassins de vie, nous avons cherché à déterminer comment se structuraient les dynamiques inter-bassins sur le périmètre d'étude à travers les principaux flux domicile-travail.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 35 La carte analyse 92155 déplacements quotidiens répertoriés dans la base des flux de l'INSEE de 2006. Elle permet de constater la très forte attractivité du bassin de Rouen sur ses espaces périphériques pour l'accès à l'emploi. En effet, 81,1% des flux convergent vers le bassin de Rouen. De façon générale, 95,3% des flux sont en direction des bassins d’agglomération (Elbeuf et Louviers compris). Les mouvements effectués par les actifs du bassin de Rouen représentent 79,3% des flux analysés. 93% de ces flux sont internes au bassin de Rouen. Celui-ci n'envoie donc que très peu d'actifs vers l'extérieur. En effet, seulement 2% des flux se font vers l'extérieur du périmètre d'étude, et les échanges entre Rouen et Louviers sont peu intenses et réciproques. Seuls 3% des mouvements du bassin de Rouen se font en direction de l'agglomération d'Elbeuf.

Les principaux mouvements des bassins de Bourg Achard, Bosc-le-Hard et Buchy se font exclusivement vers le bassin de Rouen. Cette univocité confirme la tendance péri-urbaine de ces bassins. Fleury-sur-Andelle semble autonome pour l’accès à l’emploi : les principaux flux se font entre Charleval et Fleury-sur-Andelle. Dans une moindre mesure, de nombreux déplacements pendulaires se font entre Romilly-sur- Andelle et Pont-Saint-Pierre.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 36 Enfin, Le Trait est le bassin dans lequel la population semble la moins mobile pour l'emploi. Cependant, il est intéressant de constater que le solde de migrations pendulaires se fait majoritairement vers le bassin de Barentin.

En effet, la situation du bassin de Barentin est très particulière. C'est le quatrième plus gros bassin de bourgs et petites villes de Haute-Normandie, ce qui signifie la forte attractivité de son pôle centre. Barentin est connu pour sa très forte activité commerciale grâce à l'implantation d'un des premiers hypermarché de France au milieu des années soixante-dix. En terme de mobilité, le bassin semble être un territoire stratégique, avec une bonne part de déplacements intra-bassin et des migrations vers Rouen et le Pays de Caux au nord.

La réalité socio-économique des habitants, appréciée sous l'angle du bassins de vie considéré comme espace de déplacements quotidien, fait apparaître de grandes disparités. C'est à travers ces monographies de bassins de population et l'appréhension des dynamiques que nous allons étudier l'organisation des équipements dans les onze bassins de vie du périmètre.

L'étude plus approfondie de la répartition et de la typologie des équipements va permettre de compléter le diagnostic de la proximité sur notre espace étudié.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 37 L'organisation des équipements dans les bassins de vie et la CREA La partie suivante est une exploitation de la base permanente des équipements (BPE) de 2008 de l’INSEE disponible sur Internet. 101 types équipements24 sont ainsi référencés à l'échelle de la commune et du quartier (IRIS), soit une base d'environ 2,1 millions d'équipements référencés en France métropolitaine. La BPE utilise une dizaine de sources administratives spécialisées et est actualisée tous les ans. 14316 équipements sont ainsi référencés sur notre périmètre. Dans cet échantillon, la CREA rassemble 71% des équipements.

L’implantation des équipements est corrélée la population Selon les auteurs de « La France à 20 minutes » (2002), la majorité des français habitent à moins de 30 minutes de l'ensemble des services nécessaires ou accessoires dans la vie de tous les jours. Le territoire métropolitain semble donc bien maillé en équipements et en infrastructures par rapport aux foyers de population.

Sur l'espace d'étude, la part des équipements que représente chaque bassin est bien corrélée à la part représentée par leur population.

Répartition des équipements et de la population

74,4 Rouen 76,0

29,1 Barentin 29,0

16,0 Elbeuf 14,9

13,7 Le-Trait 13,8

12,4 Fleury-sur-Andelle 13,1

14,7 Duclair 12,0

9,8 Bourg Achard 10,9

10,6 Buchy 11,4

9,6 Louviers 9,1

4,7 Romilly-sur-Andelle 5,6

5,0 % population Bosc-le-Hard 4,4 % equipements

Ainsi, les équipements se concentrent dans les bassins de vie d’agglomération fortement peuplés (Rouen, Elbeuf et Louviers) et dans les grandes villes. Les pôles de bassins de vie d'agglomération sont les communes disposant du plus grand nombre d'équipements.

24 Voir la liste des équipements en annexes

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 38 Parmi les communes adhérentes à la CREA, Rouen domine très largement cette catégorie. Son indice d'équipements par rapport à sa population est également très élevé : plus de deux fois supérieur à la moyenne des communes du territoire. La ville est ainsi très attractive.

Les neuf communes disposant du plus grand nombre d'équipements Nbre Equipts pour Commune d'équipements Population 2006 1000 hab. Rouen 3713 107904 34,4 Elbeuf 534 17277 30,9 Louviers 522 18259 28,6 Sotteville-lès- Rouen 508 30076 16,9 Le Petit-Quevilly 404 22132 18,3 Saint-Étienne-du- Rouvray 391 27815 14,1 Le Grand-Quevilly 337 26226 12,8 Bois-Guillaume 331 13013 25,4 Barentin 329 12208 26,9 Mont-saint-Aignan 303 20659 14,7 Moyenne 50 2441 14,7

Par contre, 90 communes ont entre un et cinq équipements et 17 communes n'en ont aucun de référencé dans la base de l'INSEE. Il s'agit principalement de communes de moins de 500 habitants qui n'atteignent pas un seuil critique de population pour bénéficier de suffisamment d'équipements et d'emplois.

Enfin, il n'existe pas de différence notable entre les niveaux d'équipements des bassins de bourgs et petites villes et ceux des bassins d'agglomération. L'offre d'équipements sur le territoire d'étude est ainsi bien répartie dans les bassins de population.

Nombre d'équipements pour 1000 habitants par catégorie de bassins

12,0 19,5 20,7

11,5

11,0

10,5

10,0 BV de bourgs et de petites villes BV d'agglomération

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 39 Bosc-le-Hard et Duclair demeurent cependant des bassins en sous-densité d'équipements malgré leurs faibles niveaux de population. D'autre part, les bassins de vie de Romilly-sur-Andelle et Bourg Achard apparaissent mieux équipés que le bassin de Rouen au regard de leur population. Le bassin de Rouen concentre cependant quarante fois plus d’équipements et d’habitants que Bourg Achard

Nombre d'équipements pour 1000 habitants

Romilly-sur-Andelle 22,9 Bourg-Achard 21,6 Rouen 21,1 Buchy 20,9 Fleury-sur-Andelle 20,5 Louviers 19,6 Le Trait 19,6 Barentin 19,4 Elbeuf 19,3 Bosc-le-Hard 17,2 Duclair 16,0

0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0

L'implantation d'équipements sur notre périmètre d'étude répond de façon quasi systématique à la loi de l'offre et la demande : les équipements s'implantent là où sont concentrés les habitants. Les espaces densément peuplés, comme les gros pôles urbains, bénéficient ainsi d'une bonne offre d'équipement au détriment des zones de de vide. Mais la répartition brute des équipements ne suffit pas à elle seule à déterminer le niveau de proximité. En effet, celui-ci va dépendre de l'adéquation du type d'offre d'équipements avec la typologie des bassins. Il faut donc arriver à caractériser l'offre dans chaque bassin pour voir si elle correspond aux spécificités socio-économiques du bassin de vie. Par exemple, un bassin « vieillissant » devra être bien équipé en santé de proximité et services à la personne. L'ANPE doit être accessible aux chômeurs. Nous allons donc observer qualitativement l'organisation des équipements sur le territoire de l'étude en utilisant la classification proposée par l'INSEE dans la base permanente des équipements.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 40 Les bassins de vie de bourgs et petites villes, bassins de la proximité La base permanente des équipements de 2008 propose une typologie en trois classes des équipements, basée sur l’attractivité, la fréquentation et la fréquence de répartition de l'équipement sur le territoire25. Ainsi, 21 équipements sont placés dans la catégorie de « proximité ». Il s'agit pour l'INSEE des équipements répondants aux besoins quotidiens des habitants : les petits commerces comme les boulangeries ou les épiceries, des médecins généralistes ou encore des bureaux de poste. Les catégories suivantes sont des équipements utilisés plus occasionnellement, comme les supermarchés, les gendarmeries ou les services d'ambulance. Il s'agit de 31 équipements « intermédiaires ». Les équipements « supérieurs » sont au nombre de 49. Il s'agit surtout d »équipements rares dans le domaine de la santé, ou de cinémas et d'hôtels présents dans les grandes agglomérations. Les équipements sont également ventilés, en fonction de leur nature, dans cinq thématiques.

Les 14316 équipements de l’étude par types et par gammes Equipements Proximité Intermédiaire Supérieur ENSEMBLE % A : Services aux particuliers 4311 2159 200 6670 47% B : Commerces 1236 1515 167 2918 20% C : Enseignement 621 75 120 816 6% D : Santé, social 2053 607 843 3503 24% E, F, G : Transports, loisirs, tourisme 242 0 167 409 3% ENSEMBLE 8463 4356 1497 14316 100,0 % 59% 30% 11% 100,0

L'exercice de ventilation par gamme des équipements offerts dans chaque bassins au regard de leur population fait apparaître que les bassins ayant les plus hauts niveaux de proximité sont les bassins de bourgs et de petites villes.

Romilly-sur-Andelle et Le Trait sont les bassins qui offrent le plus d'équipements de proximité pour 1000 habitants. Comme nous l'avons vu, ces bassins sont d'héritage industriels et ont développé leur offre d'équipements parallèlement à leur développement économique dans la seconde moitié du XIXe siècle. Rappelons que Le Trait est considéré comme fortement autonome par l'INSEE.

25 Voir la liste des équipements retenus pour l'étude en annexes

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 41 Les gammes d'équipements dans les bassins de vie Equipements de proximité pour 1000 habitants 70% 61,8% 58,0% 60% Romilly-sur-Andelle 14,3

Le Trait 14,1 50% Bourg-Achard 12,4 Rouen 12,1 40% 33,2% Buchy 11,9 30,4% Elbeuf 11,3 30% Louviers 11,2

20% Fleury-sur-Andelle 11,0 11,6% Duclair 11,0

10% Bassins de petites villes Barentin 5,0% 10,6 Bassins d'agglomérations Bosc-le-Hard 10,1 0% Equipements de Equipements Equipements 0,0 2,0 4,0 6,0 8,0 10,0 12,0 14,0 16,0 proximité Intermédiaires Supérieurs

Equipements intermédiaires pour 1000 habitants Equipements supérieurs pour 1000 habitants

Bourg-Achard 8,1 Rouen 2,6 Barentin 7,6 Louviers 1,9 Romilly-sur-Andelle 6,7 Elbeuf 1,7 Buchy 6,3 Barentin 1,5 Rouen 6,3 Le Trait 1,0 Louviers 6,2 Romilly-sur-Andelle 0,9 Fleury-sur-Andelle 6,2 Fleury-sur-Andelle 0,9

Elbeuf 6,2 Duclair 0,7

Bosc-le-Hard 5,3 Bosc-le-Hard 0,5

Le Trait 4,5 Buchy 0,4

Duclair 4,1 Bourg-Achard 0,4

0,0 2,0 4,0 6,0 8,0 10,0 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0

D'autre part, Bourg Achard semble disposer d'une forte densité d'équipements intermédiaires dans son bassin avec une différence de près de 2 équipements intermédiaires supplémentaires pour 1000 habitants avec Rouen. Cette spécificité tient certainement au fait que le bassin est suffisamment loin de Rouen pour disposer d'une offre intermédiaire. L'offre est toutefois fortement polarisée sur la commune de Bourg Achard qui cumule à elle-seule 53 des 87 équipements intermédiaires référencés dans la BPE. Le bassin est donc très polarisé sur une commune, ce qui rend nécessaires les déplacements quotidiens des habitants des communes alentours vers le pôle centre.

Enfin, une dernière tendance est très remarquable dans la répartition des gammes d'équipements : les équipements supérieurs représentent en effet 11,6% des équipements des bassins de vie d'agglomération, tandis qu'ils ne représentent que 5% de l'offre des bassins de bourgs et petites villes.

Les bassins de vie de bourgs et petites villes sont quant à eux des bassins dont l'offre d'équipements est structurée de manière à répondre aux besoins quotidiens des habitants. En effet, 61,8% des équipements des bassins de bourgs et petites villes sont des équipements de proximité.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 42 Rouen, Elbeuf et Louviers sont donc des bassins très attractifs car ils disposent d'équipements rares et dont le recours est occasionnel.

Nous l'avons vu, certaines communes disposent de nombreux équipements, en corrélation directe avec leur population. Les plus grosses communes participent ainsi à subvenir aux besoins des habitants de communes alentours, générant ainsi un rayon d'attractivité qui constitue en partie les bassins de vie. Mais à l'échelle de l'agglomération, existe t-il une logique d'implantation des équipements ? Les équipements les plus attractifs sont-ils répartis de façon égalitaire et forment-ils un réseau cohérent ? Enfin, si l'offre est concentrée sur un nombre restreint de communes, les infrastructures de transports sont-elles adaptées pour permettre l'accès aux équipements rares ?

54 pôles d'équipements Nous avons essayé de faire ressortir les communes du territoire qui permettent de justifier d'une centralité, c'est-à-dire dont l'offre d'équipement est suffisamment significative pour attirer les communes alentours. Ces communes constituent des pôles qui structurent le territoire par leur offre spécifique d'équipements.

Nous disposons pour cela de deux indicateurs : le nombre d'équipements de la commune et la répartition communale de l'offre d'équipements par gamme d'attractivité.

Une première étape consiste à définir un seuil critique d'équipements par communes : ainsi, une commune disposant de 40 équipements est considérée comme pôle.

12 pôles sont ainsi identifiés en bassins de vie de bourgs et petites villes et 42 autres dans les bassins de vie d'agglomération. La structure communale des bassins plus centraux explique en partie qu'ils aient davantage de pôles que les bassins périphériques. En effet, près de la moitié des communes de bassins de bourgs et petites villes sont des communes de moins de 500 habitants.

La taille des communes dans les bassins de vie 50% 45% 40% 35% 30% 25% BV petites villes 20% BV agglo 15% 10% 5% 0% - de 500 - 1000- 1500- 5000- 10000 + de 500 999 1499 4999 9999 - 20 19999 000

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 43 D'autre part, l'offre d'équipements semble diluée dans les bassins de vie de bourgs et petites villes puisque les pôles d'équipements concentrent 59% de l'ensemble des équipements des bassins. L'offre d'équipements des bassins d'agglomération repose davantage sur de grosses communes bien équipées puisque les 42 pôles concentrent 89% de l'offre de ces bassins. Les équipements sont beaucoup plus centralisés.

BV petites villes BV d'agglo. Nbre d'équipements des pôles 1300 10804 Nbre d'équipements des BV 2214 12102 59,00% 89,00%

Dans un second temps, nous avons étudié la part que représente chaque gamme d'équipements dans l'offre globale des communes pôles. Cette méthode nous a permis de classer les pôles selon la typologie suivante :

=> 29 « pôles de proximité » : Pôles ayant au moins 60% d’équipements de gamme de proximité.

La répartition selon les bassins de vie est la suivante : 8 pôles en bassins de bourgs et petites villes et 21 en bassins d'agglomération. Les pôles offrant des équipements et des services de proximité dans les bassins de bourgs et petites villes sont donc majoritaires. Il s'agit pour sept d'entre eux des plus grosses communes de ces bassins (entre 1500 et 5000 habitants). Les bassins peuvent parfois être multipolaires : la centralité est partagée entre deux communes contigues : c'est le cas notamment dans la vallée de l'Andelle, où se succèdent deux couples de petits pôles polarisant leurs bassins : Romilly-sur-Andelle et Pont-Saint- Pierre, Fleury-sur-Andelle et Charleval. La complémentarité de ces couples de communes se manifeste d'ailleurs dans l'étude des flux domicile-travail : 100% des principaux flux du bassin de Fleury-sur-Andelle se font entre ses deux communes pôles. Il existe donc une réelle activité endogène dans les bassin multipolaires. Ces bassins apparaissent également comme bénéficiant d'une bonne offre de proximité. Le Trait et Caudebec-en-Caux sont également des pôles de proximité situés dans le bassin de vie de Le Trait. La densité d'équipements de proximité dans le bassin de Le Trait est donc assez élevée par rapport au nombre d'habitant et le bassin est considéré comme très autonome par l'INSEE. Ces multipolarités sont donc très bénéfiques pour la proximité dans les bassins de vie.

50% des pôles des bassins de vie d'agglomération sont des pôles de proximité. L'offre de proximité n'est donc pas prédominante, ce qui ne signifie pas qu'elle n'existe pas : les gammes intermédiaires et supérieures sont simplement plus présentes dans les pôles de bassins d'agglomération.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 44 Un phénomène de concurrence entre pôles peut expliquer que de grandes communes puissent parfois être pôle de proximité. L'offre d'équipements s'autorégule en effet selon les principe de « zone de chalandise ». Deux communes proches ne vont donc pas s'équiper d'une multitude d'équipements de niveaux supérieurs, dont les rayons d'attractivité risquent de s'entremêler. Une grande commune comme est trop proche de communes bien équipées pour avoir une offre intermédiaire ou supérieure conséquente. . => 17 pôles « intermédiaires » Pôles ayant au moins 40% d’équipements de gammes intermédiaires et supérieures et au-moins 30 équipements intermédiaires

Buchy, et Bourg-Achard sont les trois seuls pôles intermédiaires en bassin de petites villes. Buchy se situe au cœur d'un bassin très rural qui s'urbanise depuis quelques années. Avec 62,6 équipements pour 1000 habitants, la ville est la seconde commune la mieux équipée du périmètre d'étude (après Ry avec 74,1 équipements pour 1000 habitants). La ville a toujours bénéficié d'une forte activité commerciale avec un marché très dynamique. Le bassin est donc très centralisé autour de cette commune qui joue pleinement son rôle de pôle au cœur de son bassin de vie. Pavilly est une commune dont les fonctions économiques sont partagées avec Barentin. Le bassin est ici très centralisé : les deux pôles fédèrent un ensemble de petites communes très rurales, et offrent des équipements dont l'attractivité va au-delà des frontières du bassin de vie.

14 pôles intermédiaires sont concentrés autour de Rouen. Il s'agit de grosses communes qui jouent le rôle d'extensions résidentielles des pôles supérieurs. Le long de la Seine, au nord d'Elbeuf, Tourville-la-Rivière, Cléon et Saint-Aubin-lès-Elbeuf ont une forte activité économique industrielle ou commerciale qui leur permet de bénéficier d'une grande variété d'équipements.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 45 => 8 pôles « supérieurs » Communes ayant au-moins 40 équipements supérieurs

La répartition des équipements supérieurs est très clairement en faveur des bassins d'agglomération. 7 pôles supérieurs sur 8 sont des grandes communes de plus de 20000 habitants situés dans ces bassins. Rouen, Elbeuf et Louviers sont les plus grosses communes en nombre d'habitants et d'équipements du périmètre d'étude. Ce sont des pôles urbains au sens de l'INSEE, puisqu'elles disposent toutes les trois d'une aire urbaine26.

Mont-Saint-Aignan, Bois-Guillaume, Saint-Etienne-du-Rouvray et Grand-Couronne sont de grandes communes de l'agglomération de Rouen qui viennent compléter l'offre d'équipement de la capitale haut-normande. Avec 11,2 équipements supérieurs pour 1000 habitants, Bois-Guillaume est le pôle de santé du territoire, devant Rouen qui possède l'hôpital. Mont-Saint-Aignan est le pôle dédié à la recherche et à l'enseignement supérieur.

Rouen est quant à elle une ville d'envergure métropolitaine : c'est la préfecture de Région et de nombreux services administratifs se situent à Rouen. Avec son agglomération, elle dispose d'une offre d'équipements supérieurs exceptionnels qui la place parmi les agglomérations les mieux équipées de la région Haute-Normandie.

26 Une aire urbaine est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. En 1999, l'INSEE a délimité 354 aires urbaines en France

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 46 Les équipements métropolitains dans l'agglomération rouennaise L'ensemble métropolitain rouennais rassemble un réseau de grandes infrastructures de santé. Cette spécificité conforte le positionnement de Rouen comme premier pôle régional de santé. Source : réseau Parhtage, 2007

La capitale normande dispose des équipements d'envergure métropolitaine. En 2010, d'autres infrastructures sont en projet : un palais des sports, une cité des sciences et un pôle culturel dédié aux musiques actuelles. Quelques réflexions ont récemment émergée sur la coopération métropolitaine à l'échelle du bassin parisien notamment pour la mise en Source : AUDIAR 2004. Les équipements structurants (sport, culture, accueil) : une réseau de ces équipements comparaison entre métropoles régionales de portée internationale.

De nombreux équipements sportifs et culturels sont implantés dans le cœur de l'agglomération

Source : Syndicat mixte pour le SCOT Rouen-Elbeuf, 2001

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 47 Enfin, Barentin est le seul pôle supérieur des bassins de vie de bourgs et de petites villes. L'offre commerciale de Barentin est supérieure à celle de Rouen, rapportée au nombre d'habitants, notamment grâce à la zone d'activité implantée depuis plus de trente ans. Le bassin de vie possède également une très bonne densité d'équipements de santé grâce à un centre hospitalier et la présence de nombreux spécialistes.

Ces équipements contribuent fortement à développer l'emploi du bassin : le bassin de Le Trait est par exemple fortement polarisé vers Barentin, puisque la totalité des principaux flux de déplacements pour le travail se font dans sa direction. Barentin est donc un pôle résolument tourné vers l'extérieur, dont la structuration en équipements fait davantage penser à un bassin de vie d'agglomération.

A l'inverse d'autres bassins de bourgs ou petites villes, la gamme d'équipements de proximité à Barentin fait défaut : l'offre de proximité du bassin est en effet la plus basse de la zone d'étude. Les équipements supérieurs et intermédiaires, notamment commerciaux, se substituent à l'offre traditionnelle de proximité pour les résidents et contribuent à l'attractivité du pôle.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 48 Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 49 Les pôles d'équipements concentrent donc une grande partie de l'offre des bassins. Afin de garantir un bon niveau de proximité, les pôles doivent être accessibles. Le réseau routier du périmètre d'étude semble suffisamment maillé pour permettre d'accéder aux pôles d'équipements de n'importe quelle commune du territoire.

Par contre, le réseau de transports en commun ne semble pas bien corrélé à la structuration en pôles du territoire. C'est le cas par exemple des liaisons ferrées de transports de voyageurs : les gares ne sont pas situées dans les communes identifiées comme pôles d'équipements. Pourtant, les réflexions sur les polarités urbaines convergent de plus en plus sur le facteur de développement que peut constituer une desserte ferrée. En zone urbaine, beaucoup s'accordent à dire que « densifier en équipements autour d’un quartier de gare est toujours efficace » Ou encore, « habiter ou travailler près d’une gare a un impact réel sur l’utilisation de la voiture »27.. Sur notre périmètre, Elbeuf est desservi par une gare située à Saint- Aubin et la gare desservant Louviers se situe dans une commune avoisinante. Les deux principaux pôles urbains après Rouen ne sont donc pas desservis directement par le réseau ferroviaire.

L'implantation des gares ne suit pas non plus la logique de structuration du territoire en bassins de vie. Il existe deux gares encore en fonctionnement dans le bassin de Buchy, mais aucune n'est située à Buchy même. D'autre part, aucune ligne ne dessert l'ouest de l'agglomération (les bassins de Bourg Achard et Le Trait). Enfin, les plateaux nord de l'agglomération de Rouen ne possèdent pas non plus de gare. Ce territoire, identifié dans une étude sur les déplacements domicile-travail28, concerne 2800 flux quotidiens.

Exemples de dessertes de pôles supérieurs29 :

Trajets Temps de Fréquence parcours Rouen /Elbeuf 15 min. Toutes les 45 min. env. Elbeuf / Barentin 45 min. Toutes les heures env. Rouen / Barentin 15 min. Toutes les 20 min. env. Saint-Etienne-du-Rouvray / Barentin 30 min. Toutes les heures env.

27 Habiter ou travailler près d'une gare de banlieue. Quels effets sur les comportements de mobilité ? – N’Guyen, Dany, Iau-îdf, 2007 28 Diagnostic territorial contournement Est – liaison A13-A28 : état des lieux des déplacements domicile-travail.- INSEE / SCOT Rouen/Elbeuf – mars 2008 29 Source : sncf.fr. Exemple pris sur la tranche horaire 16h-19h en semaine

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 50 Au regard de leur population, les bassins du périmètre d’étude sont bien équipés. L'offre de proximité est garantie dans la plupart des bassins de bourgs et de petites villes, notamment dans ceux qui ont bénéficié d'un développement économique grâce à l'industrie. Les bassins d'agglomération concentrent les équipements supérieurs dans des pôles d'équipements très forts dont certains sont d'envergure métropolitaine. La répartition des équipements est donc organisée selon un principe de centralisation des fonctions supérieures.

En terme de proximité, cela signifie que plus on s'élève dans la gamme d'équipement et moins la proximité est facile à atteindre. Ainsi, s'il est admis qu'il n'est pas possible d'implanter tous les équipements partout, une des clés de l'augmentation du niveau de proximité dans la CREA et ses bassins contigus réside dans la mise en réseau des pôles d'équipements du territoire. L'agglomération doit se doter d'un réseau performant de transports publics desservant les huit pôles supérieurs d'équipements et les pôles intermédiaires. Une desserte nord-sud pourrait constituer la colonne vertébrale d'un réseau de transports en commun hiérarchisé desservant les pôles intermédiaires. Un projet de Tram-train est d'ailleurs à l'étude en 2010 pour relier Barentin à Elbeuf en desservant le cœur urbain de l'agglomération.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 51 L'organisation des équipements de la quotidienneté30 Nous avons choisi de terminer le diagnostic de l'implantation des équipements sur le périmètre d'étude par une étude approfondie de la répartition des équipements de la quotidienneté par communes. Ces équipements sont utilisés au quotidien par les habitants et illustrent bien l'usage de proximité d'un territoire. L'étude de l'implantation de cet échantillon d'équipements nous permet ainsi d'identifier les polarités du quotidien du périmètre d'étude et d'affiner la connaissance du territoire.

En collaboration avec l'équipe d'étude du SCOT, 18 équipements de la quotidienneté ont été sélectionnes :

Catégorie d'équipement Équipements cartographiés Les services de proximité Bureau de poste, banque ou caisse d'épargne, restaurants Les commerces alimentaires de détails épiceries/supérettes, boucheries, boulangeries Les grandes surfaces commerciales Supermarchés, hypermarchés Les équipements de proximité pour la écoles maternelles, élémentaires, petite enfance primaires (regroupement maternelles/élémentaires) et gardes d’enfants31 La santé de proximité Médecins, masseurs-kinés, pharmaciens, infirmiers, dentistes

Les cartes suivantes représentent les « communes équipées », c’est-à-dire des communes ayant, pour chaque thématique, au moins un équipement..

La dernière carte est une synthèse sur les équipements de la quotidienneté. Elle permet de rendre compte des éventuels manques dans l'offre de proximité des bassins de vie.

30 Cette thématique a fait l’objet d’une présentation spécifique en juin 2010 pour le groupe de travail « Garantir un cadre de vie de qualité et de proximité » interne à la CREA. 31 Crèches collectives ou parentales, haltes-garderie yc parentales, garderies et jardins d'enfants, établissement d'accueil collectif et/ou familial yc parental

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 52 Les services de proximité L'offre de services de proximité est réservée aux plus grandes communes du territoire dans les bassins de bourgs et de petites villes. En effet, 51 communes disposent des trois services de proximité de base. La répartition de ces services dépend de l’identité des bassins de vie : dans les bourgs « ruraux en cours de périurbanisation », seules les communes centres sont équipées (Buchy, Bourg Achard et Bosc-le-Hard). Dans les bassins « d’héritage industriel », plus de deux communes peuvent accueillir les trois services. Mais l'offre est très centralisée : 152 communes n’ont aucun des trois services. Bosc- le-Hard et Buchy sont les bassins les plus déficients et la répartition dans le bassin de Barentin est assez concentrée sur Barentin et Pavilly. Enfin, le restaurant est l’équipement le plus représenté dans chaque commune avec 126 communes équipées. La poste est présente dans 85 communes et 51 communes disosent d’au-moins une banque et/ou une caisse d’épargne.

Bureau de poste, banque ou caisse d'épargne, restaurants

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 53 Les commerces alimentaires de détails Selon le Conseil stratégique du commerce de proximité de l'INSEE32, la part du commerce de proximité a baissé de 3% entre 2002 et 2008, passant ainsi de 75% à 72%. Dans les grandes communes, la proximité est économiquement plus dynamique et les surfaces commerciales sont plus petites. Dans le monde rural, une commune sur deux ne possède aucun commerce de proximité. En Haute- Normandie, plus de 60% des communes ne possède aucun commerce de quotidienneté, alors qu’en Bretagne cette part passe à 4%.

Conformément à l'étude de l'INSEE, le petit commerce ne semble pas très dynamique dans les petites communes. En effet, la présence des trois commerces de proximité s’observe surtout dans les grandes communes de bassins d’agglomérations et s’estompe en s’éloignant des villes. Seul 11% des communes de bassins de vie de bourgs et de petites villes dispose des trois commerces de proximité (28,5% en bassins d’agglomérations). Le bassin de Bosc-le-Hard est le plus mal desservi : seule la commune centre dispose d’au-moins une boucherie et une boulangerie.

Enfin, La moitié des communes du territoire n’a aucun commerce alimentaire de proximité. Il s’agit principalement de communes de moins de 500 habitants.

Épiceries/supérettes, boucheries, boulangeries

32 Etude réalisée en 2009 sur les « commerces de la quotidienneté » : boulangerie et pâtisserie, commerce d’alimentation générale et supérettes, magasins populaires, commerce de détail d’habillement et de la chaussure, coiffure, commerce de détail d’articles de sports et de loisirs, supermarchés, commerce de détail de bricolage, hypermarchés.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 54 L'offre commerciale intermédiaire permet de compenser le déficit de proximité observé dans un premier temps dans les bassins de bourgs et de petites villes.

La première carte est ici complétée par les 105 supermarchés et les 17 hypermarchés33 référencés dans la zone d’étude, .

L'offre commerciale de proximité apparaît prédominante dans les bassins de bourgs et petites villes : 81,1% des commerces alimentaires sont des commerces de détails, contre 66,9% en bassins de vie d’agglomérations. L'offre de supermarchés est supérieure dans les bassins de bourgs et petites villes avec 1,8 supermarchés pour 10 000 habitants et 1,4 en bassins d’agglomérations. Tous les hypermarchés sont situés en bassins de vie d’agglomérations sauf un, situé à Barentin.

Enfin, 143 communes n’ont aucun commerce

Commerces alimentaires de détails et les supermarchés et hypermarchés

33 Surface de vente déclarée supérieure à 2500 m²

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 55 Les équipements de proximité pour la petite enfance La densité d'écoles maternelles et élémentaires sur le territoire est tout à fait remarquable, notamment dans les bassins de bourgs et de petites villes.

629 écoles sont référencées, soit une moyenne de 2,17 écoles par communes. Seules 42 communes n’ont pas d’écoles (alors que 143 n’ont pas de commerce). Le maintien d'une classe dans chaque commune semble politique. Dans le Pays Entre Seine et Bray, c'est un moyen de maintenir une proximité dans des communes très rurales34. Bosc-le-Hard et Buchy sont d'ailleurs des bassins mieux équipés en écoles que Rouen, avec près de deux écoles pour 1000 habitants. Il s'agit la plupart du temps d'une ou deux classes, car les regroupement intercommunaux sont assez rares : seules 18% des écoles référencées sont des primaires (regroupements maternelles / élémentaires). Enfin, la répartition des gardes d’enfants est au contraire très favorable aux bassins d’agglomérations. Barentin et Bourg Achard sont les seuls bassins de petites villes équipés.

Ecoles maternelles, élémentaires, primaires (regroupement maternelles/élémentaires) et gardes d’enfants

34 Entretien réalisé auprès de Stéphane Jot, en charge du SCOT du Pays

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 56 La santé de proximité La région Haute-Normandie est la troisième région de France en sous-densité médicale35. Cette tendance s’observe sur notre territoire.

En effet, 178 communes (62,3%) n’ont aucun équipement sanitaire de proximité. Le bassin de Bosc-le-Hard est le moins bien équipé avec 1,8 équipement de santé pour 1000 habitants. Duclair et Buchy sont dans la même situation. L'offre pour la santé de proximité se développe en milieu rural « en grappe » : une profession en entraîne une autre. D'après les référents locaux, il s'agit d'initiatives personnelles des libéraux car les maisons de santé ont du mal à se développer sur notre territoire d'étude. Les bassins multipolarisés bénéficient généralement de tous les équipements de santé dans leur réseau de pôles. L'offre à Fleury-sur-Andelle par exemple, est assez bien répartie. Il s'agit de bassins dont la part de personnes âgées est la plus importante, ce qui peut expliquer cette spécificité.

Enfin, Rouen est un bassin très bien équipé avec plus de 3 équipements sanitaires de proximité pour 1000 habitants.

Médecins, masseurs-kinésithérapeutes , pharmaciens, infirmiers, dentistes

35 Atlas de la démographie médicale en région Haute-Normandie. Situation au 1er janvier 2009. Le Breton-Lebrouvillois, Gwénaëlle, Paris, CNOM : 2010

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 57 Carte de synthèse : les équipements de la quotidienneté La carte suivante offre une vue d'ensemble sur les niveaux de proximité des bassins de vie établis à partir du nombre d'équipements de la quotidienneté rapportés à la population.

Le premier constat est que les bassins de bourgs et petites villes sont aussi bien fournis en équipements de base que les bassins d’agglomérations. Rapportés à leurs populations respectives, les deux types de bassins ont en moyenne 1,8 équipements de base pour 1000 habitants.

Les bassins de Romilly-sur-Andelle et Le Trait sont les bassins de la quotidienneté avec 2,3 équipements de base pour 1000 habitants. Romilly-sur-Andelle est particulièrement bien équipé en santé de proximité (médecin, pharmacie etc.) et Le Trait en services de proximité (2,8 équipements pour 1000 hab.). Bosc-le-Hard souffre quant à lui d’un important déficit de proximité, notamment en commerces, mais conserve un bon niveau d'équipements scolaires et pour la petite enfance.

Enfin, Barentin propose des équipements de niveau supérieur en santé et en commerce, au détriment de services et de petits commerces de proximité. Son niveau d’équipements de proximité est donc le plus bas de la zone d’étude avec 1,5 équipements pour 1000 habitants.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 58 Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 59 Conclusions et pistes de réflexion

La proximité est vecteur d'un développement durable des territoires La mission qui nous a été confiée à la CREA a été l'occasion de s'interroger sur la proximité sur un territoire. Nous avons pu déterminer qu'appréhender l'aménagement d'une commune, d'un quartier ou d'un bassin de vie en objectivant la proximité permet à long terme de développer l'économie, la qualité de vie tout en respectant les valeurs du développement durable. Les politiques d'aménagement actuelles tendent donc à penser l'organisation du territoire en fonction des espaces vécus des habitants.

La proximité est-elle équitable sur notre territoire ? Nous avons pu constater un bon niveau général de proximité, notamment dans les bassins de vie de bourgs et petites villes. Romilly-sur-Andelle, Le Trait et Bourg Achard sont les bassins de la proximité grâce à une bonne offre de services répartis dans plusieurs pôles d'équipements de proximité et intermédiaires : Romilly / Pont de l’Arche pour le premier, Le Trait / Caudebec-en-Caux pour le second et Bourg Achard pour le dernier. Cependant, les niveaux de proximité diffèrent selon les types d’équipements et les bassins : • les services et la santé de proximité font défaut dans le bassin de Duclair. • c’est l’absence de commerces de proximité qui explique très nettement le déficit de Bosc-le-Hard, qui souffre également d’un manque de médecins. Cette perte est compensée par l’abondance d’écoles dans les communes les plus rurales. • Barentin est spécifique : le bassin est bien équipé en niveaux intermédiaires et supérieurs mais doit veiller à développer ses services de proximité. Avec 1,6 équipements pour 1000 habitants, Barentin est le second bassin le moins bien pourvu en commerces de proximité. Une attention particulière est à porter à la santé de proximité : 143 communes du territoire n’ont pas de médecin.

Deux modèles de développement de la proximité Une première manière d'augmenter le niveau de proximité sur le territoire consiste à développer de façon ciblée l’offre d’équipements de proximité dans les zones déficitaires. L'approche doit être thématique. En effet, certains bassins sont fortement déficitaires en santé de proximité, notamment en milieu rural. Les politiques locales peuvent inciter les futurs médecins à s’installer en zones rurales, notamment en encourageant les initiatives locales comme les pôles de santé, les maisons rurales ou les visites à domicile. Certains bassins vieillissants, comme Fleury-sur-Andelle, doivent veiller à développer une offre adaptée : favoriser l'implantation de maisons de retraites, encourager le secteur du service à la personne etc.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 60 La question du commerce de proximité est délicate, car le secteur répond à la loi de l'offre et la demande. En milieu rural, les territoires doivent être innovants en proposant par exemple des politiques de soutien « au dernier commerce », en aidant les commerces implantés à conserver leurs activités itinérantes et en valorisant les marchés, encore très présents dans les pôles ruraux comme Buchy par exemple. Enfin, les petites communes rurales doivent veiller à ne pas tout miser sur l’école comme ultime service de proximité. En effet, cette solution n'est pas durable si l'on considère la tendance au vieillissement de la population. Il faut donc chercher des nouveaux modes de développement : le tourisme vert dans notre région est une carte à jouer, le développement du réseau Internet et l’accès aux nouvelles technologies peut être un facteur de décloisonnement et les services et les livraisons à domicile sont également, nous l'avons vu, vecteurs de liens sociaux. De plus, l'ouverture à l'urbanisation dans de petites communes rurale constitue parfois une menace pour l'équilibre du territoire. Dans le Pays entre Seine et Bray notamment, au nord de l'agglomération, certaines petites communes qui gagnent de la population commencent à s'équiper en nouveaux équipements sportifs par exemple. Ce phénomène « d'effet de seuil » risque de bouleverser l'équilibre du territoire en faisant émerger de nouvelles centralités.

Ainsi, il ne faut pas mettre des équipements partout. La seconde manière d'améliorer la proximité sur le territoire d'étude est de donner la possibilité aux habitants d'accéder aux pôles d'équipements. Le développement du réseau de transports calibré sur l'offre d'équipements renforcerait le lien de proximité sur le territoire. En zone rurale, certaines initiatives peuvent être encouragées : le covoiturage, les aides à la mobilité comme le prêt de véhicules ou encore le transport à la demande, actuellement expérimenté dans de nombreuses campagnes françaises et en Seine Maritime. La CREA envisage également cette possibilité sur son territoire.

Enjeux et leviers d'action pour la CREA

Le territoire de la CREA est pour l'instant bien structuré autour de 54 pôles d'équipements qui se répartissent des fonctions de proximités, intermédiaires et supérieures. Cette armature est une force sur laquelle la CREA peut appuyer ses politiques d'aménagement. Conformément aux préconisations du SCOT de 2001, la communauté a tout intérêt à renforcer les polarités existantes pour garantir un équilibre durable du territoire. Mais ce principe passe impérativement par le développement d'un réseau de transports performant pour relier les différents pôles d'équipements. En effet, la voiture est pour l'instant sans conteste le mode de transport le plus compétitif sur notre territoire. Les gares ne sont en effet pas corrélées aux équipements. Le projet de Tram-train, directement lié au vaste chantier de déplacement de la gare rive gauche à Rouen, pourrait constituer la colonne vertébrale de ce réseau. Le développement du réseau de transports est en effet une condition indispensable pour garantir la proximité pour tous à l'échelle de la CREA.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 61 Dans les franges de l'agglomération, la « proximité pour tous » constitue un véritable défi, notamment sur le plateau nord. En effet, faut-il amener les équipements aux nouveaux habitants ou l’inverse, au risque de conditionner leurs pratiques à l’utilisation de la voiture ? Si l'étalement urbain se poursuit, la problématique de déplacements dans ces espaces péri-urbains va prendre de plus en plus d'ampleur. La répartition sociale est pour l'instant équilibrée pour garantir une proximité : les ménages les plus aisés s'installent dans les bassins les plus éloignés et les moins bien équipés. Ils compensent le manque de proximité par un fort investissement dans les coûts de déplacements. Les ménages les plus pauvres sont moins mobiles et résident dans des bassins qui ont déjà investis dans le développement d'équipements de proximité. Il s'agit cependant d'un équilibre fragile car les premiers s'exposent à l'augmentation probable du coûts des transports et les seconds au déficit d'immigration et donc au vieillissement de la structure par âges. L'offre d'équipements devra donc s'adapter aux phénomènes sociaux qui émergent dans les bassins de vie.

En milieu urbain, le quartier est le territoire de la proximité. Ainsi, une étude à l'IRIS de l'implantation des équipements permettrait à la CREA d'affiner son diagnostic sur les équipements. Dans l'aménagement des villes, les nouveaux projets urbains doivent veiller à conserver l'esprit de la proximité des quartiers. Le futur Palais des Sports est un projet emblématique de la reconquête des bords de Seine par la ville de Rouen. Cet équipement, d'envergure internationale, est décrit par son architecte comme « une hybridation du quotidien et de l'événementiel ». Cependant, un équipement ne suffit pas à lui-même pour créer de la proximité s'il n'est pas inséré dans un réseau complexe d'éléments de quotidienneté. M. Perrault semble donc oublier que la proximité se fait à travers l’espace vécu des habitants. Le rôle de l'aménageur est de créer un territoire sur lequel les habitants peuvent se projeter, avec un bon niveau d’équipements de proximité, une bonne qualité paysagère etc.

D'autre part, les frontières de la proximité ne dépendent en aucun cas des frontières administratives. En effet, pour 50% de notre territoire, la proximité transgresse les frontières communales : 143 communes n’ont pas de commerce de proximité, ce qui signifie que de nombreux déplacements extra-communaux sont réalisés uniquement pour les besoins alimentaires quotidiens. Le phénomène est applicable aux communautés de communes et aux SCOT, Pourtant, les espaces de déplacements quotidiens ne sont pas en phase avec les territoires de projets. Nous avons pourtant pu constater que le fonctionnement du territoire en bassins de vie renvoyait à une certaine réalité sur la CREA et dans ses espaces périphériques. Les espaces de projets, les communes et intercommunalités qui gouvernent les territoires administratifs ont donc intérêt à collaborer pour organiser la vie les différents espaces vécus. Pour cela, la coopération inter-scots dans le cadre d'un projet de territoire commun et partagé est indispensable. L'agence d'urbanisme de Rouen et des Boucles de Seine et Eure est un outil que les territoires peuvent utiliser pour harmoniser les initiatives et orienter les politiques.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 62 La participation citoyenne est également un élément indispensable du façonnage du sentiment de proximité sur un territoire. La CREA nouvellement constituée doit en effet rassurer par rapport à l'immensité que peut représenter son territoire pour la population. C'est à travers une forte présence sur le terrain, notamment par l'ouverture de pôles de proximité et l'implication de référents locaux, que la CREA peut parvenir à renforcer le lien de proximité avec les administrés et à mobiliser les forces actives de la communauté.

La gouvernance partagée est donc une des principale composante du sentiment de proximité sur un territoire. Avec la rationalisation de l'implantation des équipements selon les espaces de déplacements quotidiens des habitants et le développement du territoire en pôles et réseaux, les pouvoirs locaux sont en mesure d'organiser la proximité pour tous sur leur territoire. Cependant, il restera certainement toujours des zones de vides et des phénomènes sociaux qui constituerons un frein à l'homogénéisation de la proximité sur un territoire.

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 63 Bibliographie Agence d'urbanisme et de développement intercommunal de l'agglomération rennaise, Réflexion sur les bassins de vie en Ille-et-Vilaine. Identification des bassins de vie en Ille-et-Vilaine, Mars 2010 Agglomération de Rouen-Elbeuf ; Follin, Jérôme ; Poullain, Nadine ; Mancuso, Joselito, Aire d’influence du pôle Rouen-Elbeuf : éléments de diagnostic territorial, INSEE Haute-Normandie, 2010 Bailly, S. Antoine, L’organisation urbaine. Théories et modèles, Centre de recherches d’urbanisme, 1975 Benoît, Jean-Marc ; Benoît, Philippe ; Pucci, Daniel, La France à 20 minutes : la révolution de la proximité. Belin, 2002. Boret, Daphné ; Bonnet, Michel ; Bernard, Yvonne, Services de proximité et vie quotidienne : de nouvelles sociabilités urbaines, Presses universitaires de France, 1998 Boret, Daphné ; Prud'homme, Rémi ; Dupuis, Gabriel, Développement urbain: les nouvelles contraintes. Rapport N°1. Véolia Environnement Bourdin, Alain ; Germain, Annick ; Lefeuvre, Marie-Pierre ; Tahon, Marie-Blanche, La proximité : construction politique et expérience sociale. Paris : L'Harmattan, 2006 Brevet, Nathalie, Mobilités et processus d'ancrage en ville nouvelle : Marne-la- Vallée, un bassin de vie ? Étude des mobilités résidentielles et des mobilités quotidiennes, Institut d’Urbanisme de Paris, 2008 (Thèse) http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/47/28/50/PDF/2008PEST3025_0_0.pdf Burmeister, Antje ; Dupuy, Claude, Entreprises et territoires. Les nouveaux enjeux de la proximité. Paris : La Documentation française, 2003 Cammas, Julien, Le quartier dans la grande ville. Etude des pratiques et des perceptions des habitants du quartier Pernéty dans le XIVème arrondissement de Paris. Mémoire de Géographie, Université Paris I La Sorbonne, 2002 Guédon, Jérôme, Approches de la notion de proximité en sciences sociales, Ecole de Management de Normandie, 2005 http://www.ecole-management-normandie.fr/upload/editeur/CR36.pdf Hilal M. ; Sencébé Y., Mobilité quotidienne et urbanité suburbaine. Espaces et Société, n° 108-109, Mai 2002 INSEE ; IFEN ; INRA ; SCEES ; DATAR, Structuration de l'espace rural : une approche par les bassins de vie, INSEE, 2003 INSEE Haute Normandie ; Poullain, Nadine ; Reboul, Catherine, 58 bassins de vie des bourgs et des petites villes. Structuration de l’espace régional. Aval, Lettre statistique et économique de Haute-Normandie, n°37, sept. 2004 INSEE Rhône Alpes, L'accès aux équipements en Rhône-Alpes : un tiers des communes sont pôles de services de proximité, 2004

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 64 Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France ; Bertrand, Jérôme, Bassins de vie et déplacements, IAU-îDF, 2008 Julien P., La France en 1 916 bassins de vie. Économie et Statistique, n° 402, 2007 Le Breton-Lebrouvillois, Gwénaëlle, Atlas de la démographie médicale en région Haute-Normandie. Situation au 1er janvier 2009, CNOM, 2010 ORFEUIL Jean-Pierre, L’évolution de la mobilité quotidienne, Comprendre les dynamiques et éclairer les controverses, INRETS, 2000 Rallet,Alain ; Torre, André, Les nouvelles proximités urbaines, L'Harmattan, 2008. 193 p. Solard, Gwennaël, Le commerce de proximité. Insee Première N°1292, mai 2010. http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1292 Syndicat Mixte pour le SCOT de l’agglomération Rouen Elbeuf, Etat zéro du territoire autour du contournement Est / Liaison A28-A 13, 2008 Syndicat Mixte pour le SCOT Rouen-Elbeuf, Schéma Directeur de l’agglomération Rouen-Elbeuf, 2001 TERRIER Christophe, Zonage de Pouvoir, Zonage de Savoir In Benoit J.-M. ; Benoit P. ; Pucci D., La France redécoupée, Enquête sur la quadrature de l’hexagone, Belin, p. 60-64, 1998

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 65 Annexes Les équipements de l'étude

Équipements Proximité (21) Intermédiaire (31) Supérieur (49) A : Services aux particuliers (24) Banque, Caisse d'Epargne Police ANPE Plombier, couvreur, Location auto-utilitaires chauffagiste Trésorerie légers Agence de travail Électricien Gendarmerie temporaire Coiffure Pompes funèbres Restaurant Maçon Agence immobilière Plâtrier peintre Menuisier, charpentier, École de conduite serrurier Réparation auto et de Blanchisserie- matériel agricole Teinturerie Poste Soins de beauté Entreprise générale du bâtiment Vétérinaire Contrôle technique automobile B : Commerces (19) Boulangerie Supermarché Parfumerie Magasin de revêtements Boucherie charcuterie Librairie papeterie murs et sols Fleuriste Magasin de vêtements Produits surgelés Magasin d'équipements du Epicerie/supérette foyer Poissonnerie Magasin de Grande surface de chaussures bricolage Magasin d'électroménager Hypermarché Magasin de meubles Magasin d'articles de sports et de loisirs Droguerie quincaillerie bricolage Horlogerie Bijouterie C : Enseignement (5) École maternelle Collège Lycée École élémentaire Enseignement supérieur

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 66 Etablissement santé court D : Santé, social (48) Médecin omnipraticien Opticien-lunetier séjour Etablissement santé Chirurgien dentiste Orthophoniste moyen séjour Etablissement santé long Infirmier Pédicure-podologue séjour Laboratoire d'analyses Etablissement Masseur kinésithérapeute médicales psychiatrique Pharmacie Ambulance Urgences Personnes âgées : hébergement Maternité Personnes âgées : services d'aide Centre de santé Garde d'enfant d'âge Structures psychiatriques préscolaire en ambulatoire Centre médecine préventive Hospitalisation à domicile Spécialiste en cardiologie Spécialiste en dermatologie vénéréologie Spécialiste en gynécologie médicale Spécialiste en gynécologie obstétrique Spécialiste en gastro- entérologie hépatologie Spécialiste en psychiatrie Spécialiste en ophtalmologie Spécialiste en oto-rhino- laryngologie Spécialiste en pédiatrie Spécialiste en pneumologie Spécialiste en radiodiagnostic et imagerie médicale Spécialiste en stomatologie Sage-femme Orthoptiste Audio prothésiste Ergothérapeute

Julien CAMMAS Université de ROUEN – 2010 67 Psychomotricien Transfusion sanguine Etablissement thermal Etablissement lutte contre l'alcoolisme Enfants handicapés : hébergement Adultes handicapés : hébergement Adultes handicapés : services Aide sociale à l'enfance : hébergement CHRS : centre d'hébergement et de réadaptation sociale E, F, G : Transports, loisirs, tourisme (4) Taxi Agence de voyage Hôtel homologué Cinéma

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