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Séquences La revue de cinéma

Sommersby Jocelyne Hébert

Number 164, May 1993

URI: https://id.erudit.org/iderudit/59537ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this review Hébert, J. (1993). Review of [ ]. Séquences, (164), 56–57.

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Lorsqu'il voit que le Il est intéressant de noter que le retour Accueilli chaleureusement, reconnu monde s'écroule autour de lui, il veut cyclique de certaines phrases ponctue de tous et accepté par son épouse, il retourner dans le sein maternel. Mais harmonieusement le scénario. reprend, à la fois, sa place dans la c'est impossible parce que la mère Ce qui est amusant, quoique déjà famille et le travail sur ses terres. Tout tranche définitivement le cordon vu, c'est l'opposition du personnage va bien ou plutôt, tout va mieux car ombilical. Victor est donc obligé de straight, Victor, au personnage l'homme a changé durant ses voyages; devenir un être autonome. Fini la comique, Michou. Ils sont les clowns des changements agréables qui font fusion avec l'autre et les cris. C'est le blancs et noirs qui nous font voir les particulièrement la différence dans temps d'articuler. Il doit apprendre à deux côtés des choses. Donc rien de une vie de couple. Mais ces sentir ses besoins réels et à les dire. La neuf sous le soleil, mais ça fonctionne changements, peu à peu, sèment le mère n'est plus responsable de son toujours. Les comédiens sont très doute dans l'entourage: ce survenant fils. Ce dernier doit aller chercher lui- convaincants. Sauf erreur, à part la est-il le bon homme? même de par le monde ce qui le scène du concert, il n'y a pas de nourrira. musique dans ce film. S'il y en a, je ne Pendant qu'il se calme, Michou, l'ai pas remarquée. La parole prend un type plutôt benêt, mais pas toute la place. Quoi de plus normal méchant explique très concrètement quand on met en scène des gens en pourquoi il n'aime pas les immigrants pleine crise de nerfs. Parler, ça aide à qui habitent près de chez lui. Puis ce faire sortir la vapeur. sont les enfants d'un député qui jettent Bref, Coline Serreau a su, à partir le foie gras et le vin à la poubelle d'une réalité dramatique parce que la Dr Kousmine y voit la contemporaine faire une comédie cause de toutes les maladies bien ciselée. Elle a exagéré dégénératives comme le cancer et la suffisamment nos défauts pour qu'ils sclérose en plaques. Et il y a aussi Isa, soient bien visibles aux aveugles que la soeur de Victor, qui ne parvient pas nous sommes. Et tout ça, elle l'a fait On se souvient du Retour de à faire comprendre à son ami qu'elle avec une tendresse qui rend tous ses dans Sommersby , un brillant exercice l'aime même si elle ne veut pas personnages attachants. Puisqu'ils narratif tourné en 1982 par le l'épouser. Qui peut dire qu'il ou elle nous ressemblent, nous apprenons réalisateur français Daniel Vigne, et ne s'est jamais retrouvé(e) dans l'une donc qu'il ne nous sert à rien d'adorer dans lequel Bertrande, personnage- ou l'autre, sinon toutes ces situations? le veau d'or. Comme Victor et son clé, raconte au conseiller du Personne. Alors nous nous entourage, nous comprenons qu'il faut parlement les circonstances du retour reconnaissons et nous rions jaune lâcher prise et cesser de jouer des de Martin, son mari. Exploitant une parce que Victor auquel nous nous rôles en croyant faussement qu'ainsi atmosphère et des perspectives qui étions déjà identifié ne ressemble ni à nous serons aimés de tous. La Crise rappellent le peintre flamand Bruegel, Michou ni aux enfants du député, et le est donc une excellente comédie où sur une musique qui halète et enfle salaud, il rit ouvertement de Michou l'humour et la tendresse sont bien comme une rumeur, le film pose en et plus discrètement des enfants. dosés. filigrane les questions de l'identité et Quant à la petite mésaventure d'Isa, de la légitimité: où se trouve la vérité elle aide Victor à s'ouvrir les yeux, à Sylvie Beaupré et comment décider qu'elle s'y trouve? voir comment une femme perçoit la Quel est le poids d'un témoignage et vie de couple. Il commence alors à LA CRISE — Réal.: Coline Serreau — Scén.: lequel retenir lorsque deux opinions comprendre pourquoi sa femme l'a Coline Serreau — Phot.: Robert Alazraki — contraires s'opposent avec la même Mont.: Catherine Renault — Mus.: Sonia quitté. D'autres rencontres amèneront Wieder-Atherton — Son: Guillaume Sciama, force? A quoi reconnaît-on qu'une Victor à voir de plus en plus clair en Dominique Dalmasso — Dec: Guy-Claude personne est vraiment celle qu'elle dit lui, à se retrouver. Ainsi, il apprend à François — Cost.: Karen Mûller — Int.: Vincent être? Lindon (Victor Barel), Patrick Timsit (Michou), s'accepter, à être plus ouvert, plus Zabou (Isa), Maria Pacôme (Mme Barel), Yves Onze ans plus tard, c'est au tour vivant, plus aimant. Robert (M. Barel), Catherine Wilkening (Marie du cinéma américain et du réalisateur Barel), Annick Alane (la grand-mère), Gilles Même si l'effet de distanciation est Privât (Laurent) — Prod.: Alain Sarde — France- de donner leur version du réussi, ce n'est pas suffisant pour faire Italie — 1992 — 95 minutes — Dist.: Malofilm. retour-de-l'homme-parti-au-loin. Si,

56 Séquences dans un premier réflexe, on peut être mauvais souvenirs et qui, alors qu'elle Carrière — Phot.: Philippe Rousselol — Mont.: Peter Boyle — Mus.: — Son: tenté de s'interroger sur l'intérêt qu'a le croyait mort, a accepté les avances Chris Newman — Dec: Bruno Rubeo, Michael pu soulever chez nos voisins d'un rival. Au centre de l'éternel trio Johnston — Cost.: Marilyn Vance-Straker — producteurs cette histoire subtile et qui se constitue, Laurel se refuse Int.: Richard Gere (Jack), |odie Foster (Laurel), d'abord au mari qu'elle a connu... et Lanny Flaherty (Buck), Wendell Wellman troublante, on comprend ensuite (Travia), Bill Pullman (Orin), Bretty Kelley (Little rapidement qu'Hollywood ne s'est pas cède ensuite chaleureusement au Rob), William Windom (Rév. Powell), Clarice seulement contenté de transposer le nouvel amant qui s'installe chez elle. Taylor (Esther), lames Earl lones (le juge Isaacs) récit dans un contexte qui lui Le film se donne alors pour ce qu'il — Prod.: , Steven Reulher — États-Unis — 1993 — 112 minutes — Dist.: convient, mais l'a aussi adapté à ses est, une histoire d'amour construite, Warner Bros. incontournables canons. comme tant d'autres, sur le jeu de la C'est ainsi que Martin Guerre, ce vérité et du mensonge. Ici encore, les tout jeune homme ombrageux parti à questions de légitimité et d'identité l'aventure sous le règne de François sont posées, non plus face à la Utz 1er, devient Jack Sommersby, un collectivité et au droit, comme dans À plusieurs égards un fermier sudiste, dur et violent, qui Martin Guerre, mais face à l'amour et collectionneur ressemble à un rentre chez lui au lendemain de la à tout ce qui est permis de faire en son toxicomane incurable. Accumuler, guerre de Sécession. Au retour, tous nom. Lorsque Laurel demande à cet grouper, cataloguer, voilà le lot d'un deux ont beau être beaucoup plus homme qu'elle sait être un imposteur collectionneur invétéré qui tel un sympathiques et se chausser plus de quitter sa maison, Jack répond: drogué agit par compulsion et est petitement — pour la plus grande «Peu importe qui tu crois que je suis, souvent prêt à payer très cher un objet confusion de leurs cordonniers m'aimes-tu?». Devant l'hésitation de convoité. Collectionner devient respectifs —, bien des choses, et la jeune femme, il reprend: «Je suis parfois une servitude qui peut pousser notamment le scénario, les chez moi maintenant.» un individu à l'isolement jusque dans différencient et les éloignent. Plus encore, malgré les tentatives le tréfonds de sa personnalité, En effet, dès le générique, la du rival éconduit de nuire à l'engageant à la contemplation de ses comparaison entre les deux films Sommersby, c'est à un duel entre Jack trésors et le contraignant à s'abstraire devient malaisée, et rapidement, et Laurel que nous assistons, un duel radicalement de la société qui Sommersby s'impose comme une d'amour qui aurait pu donner au film l'entoure. C'est le cas précisément du histoire remarquablement américaine. un titre du genre «Sommersby contre baron Kaspar Joachim von Utz, le Sur le chemin qui le ramène chez lui, Sommersby». Dans le tribunal où Jack personnage principal du dernier film Jack Sommersby enterre le cadavre Sommersby est accusé de meurtre, la de George Sluizer (The Vanishing). d'un homme sous un amas de pierres, plus grande adversaire que l'homme Adapté d'un roman de Bruce Chatwin, Armin Mueller- Utz nous fait suivre d'une façon puis continue sa route. Le jour de son rencontre est Laurel, prête à tout, Stahl et Peter arrivée, c'est beaucoup plus que le même à la vérité et au déshonneur, Riegert dans Utz troublante l'itinéraire d'un revenant d'un passé englouti qui est pour le sauver de la mort. Il faut voir accueilli par le village encore ravagé cette confrontation devant juge par la guerre. Au contraire, confondu et assistance attendrie pour Sommersby représente une aube mesurer l'audace des Américains nouvelle, il apporte avec lui les quand il s'agit de mettre en scène des valeurs que le public américain bien- situations invraisemblables. Mais à pensant d'aujourd'hui aimerait voir force de larmes retenues et de chez les Sudistes d'alors. Débordant musique puissamment étalée, que ne de charme et d'altruisme, Sommersby peut-on pas faire accepter? Enfin, il séduit tout le monde, convainc les faut bien le dire, Sommersby a comme fermiers désemparés de risquer leur atouts d'allier la sobriété de ses avoir dans une nouvelle sorte de comédiens à la candeur d'un scénario récolte, celle du tabac, établit une bâti sur les valeurs yankees. Un léger culture communautaire, réussit à faire divertissement, en somme, qui a su accepter la participation des Noirs sur éviter le piège de n'être qu'une collectionneur de porcelaines de une base égalitaire et affronte mauvaise copie. Meissen qui avant de mourir aura bravement les attaques du Ku Klux Jocelyne Hébert amassé un millier de figurines dont la Klan. Comment lui résister? valeur marchande atteindra les C'est ce que, d'ailleurs, ne saura SOMMERSBY - Réal.: Jon Amiel - Scén.: 3 000 000 de dollars. , Sarah Kernochan, Anthony pas faire Laurel, l'épouse délaissée qui Shaffer, d'après le film Le Retour de Martin Héritier d'une grosse fortune a conservé de Sommersby de fort Guerre, écrit par Daniel Vigne et lean-Claude prudemment mise à l'abri en Suisse, le

No 164- Mai 199.3 57