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L’Annuaire théâtral Revue québécoise d’études théâtrales

De Musidora à Mad Souri : l’influence du cinéma sur Le trésor des Jésuites de Breton et Aragon LÉA BUISSON

LA SCÈNE SURRÉALISTE Résumé de l'article Numéro 59, printemps 2016 La pièce de théâtre Le trésor des Jésuites (1928) témoigne de ce qui est probablement la dernière collaboration entre Breton et Aragon, qui la URI : https://id.erudit.org/iderudit/1040487ar composent en hommage à Musidora, vedette du cinéma muet des années 1910. DOI : https://doi.org/10.7202/1040487ar Notre intention est de démontrer qu’elle participe d’une esthétique cinématographique qui relève d’une volonté de rendre hommage au septième Aller au sommaire du numéro art en s’inspirant du film à épisodes. Après avoir examiné la genèse de la pièce, nous étudions les emprunts au contenu et à l’atmosphère du genre, et, enfin, nous voyons en quoi la structure de la pièce tente d’assimiler la plasticité temporelle du cinéma. Éditeur(s) Société québécoise d’études théâtrales (SQET) Université de Montréal

ISSN 0827-0198 (imprimé) 1923-0893 (numérique)

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Citer cet article Buisson, L. (2016). De Musidora à Mad Souri : l’influence du cinéma sur Le trésor des Jésuites de Breton et Aragon. L’Annuaire théâtral, (59), 31–47. https://doi.org/10.7202/1040487ar

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Université Paris Diderot – André Breton etLouisAragon, Université deMontréal / juillet Le trésordesJésuites 1916 et proposait une » (Béhar, 1979 soirées poétiques LÉA BUISSON Paris 7 : 41-

»

31 Léa Buisson 32 L’Annuaire théâtral no 59 2 1 ubuesque et débridée, décrit le spectacle avec une rage syncopée qui traduit bien sa teneur au-delà duseulaspectbiographique en scèneMusidora,aupointdegénérer uneœuvre dontlavaleur, noussemble-t-il,vabien s’il est un domaine où leurs goûts se rejoignaient encore, c’est celui des films à épisodes mettant Plusieurs différends, d’ordre politique ou esthétique, opposaient Breton et Aragon en 1928, mais profonde mésentente entre les deux hommes qui la se solderait par une rupture définitive en 1932. effectivement mûrissait 1920 années des fin la Vers auteurs. deux les entre collaboration était avanttoutbiographique,puisqu’ilconservelatracedecequi estprobablement ladernière tardivement d’« signaler queLetrésordes et pour ses rôles de vamp et de femme fatale dans deux mémorables films à épisodes, d’« qualifier pourrait qu’on Ce étude. présente la de l’objet fera qui Aragon, nombreuses reprises, notammenten1928dansLetrésordesJésuitesd’AndréBreton etLouis de à réinvesti et reconduit sera qui genre du éclatement un à effet en assiste on genèse, sa bouleverse les codes traditionnels de l’esthétique et de la bien-pensance. En parcourant Mais déclencherl’ire dupublicn’estsansdoutepaslafonctionpremière decethéâtre qui d’une formescéniquequicombineavecaudaceunemultiplicitéd’artsetde fera d’ailleursusagedansbeaucoupdesesœuvres dejeunesse;etdeuxièmement,laproduction théâtre surréaliste éléments majeursqu’onverrainconditionnellementreliés àcequideviendra,parlasuite,le Ce compterendu, originellementpubliédansDadaAlmanachen1920,portelatracededeux corrosive : Roques, pour l’état civil. Cette célèbre actrice française du cinéma muet se fit surtout remarquer bel et bien effectif dans cette pièce composée à quatre mains en hommage à Musidora Judex, réalisésparLouisFeuilladeentre 1915et1917.Avant toutechose,ilestimportantde Aragon adjoignità la première publication envolumedecetexteunportrait de lui-mêmeencompagnie Souhaitant souligner laportéebiographiqueetquestion del’amitiésous-jacentesauTrésor des Jésuites, exclure de plusieursautres médias,celaimpliquealorsquelaconception d’untypemonadiquedemédiaestà entendons par“intermédialité”lefait qu’un médiarecèle ensoidesstructures etdespossibilités d’unou les sériesculturelles etqueleurfonctionnaîtentre autres del’évolutionhistorique cesrelations, sinous « Si nousentendonspar“intermédialité” qu’ilyadesrelations médiatiques variablesentre lesmédiaset on sebatlapoliceinterruption(Tzara,1975 apporte lagrosse caisse[…] –onproteste oncriecasselesvitres onsetue démolit rang approuve deuxièmerangsedéclare incompétentlereste crie,quiestplusforton Panama surpianoetembarcadère – Poème – oncriedanslasalle,se crié bat, premier Janco meineBilder, HeussereigeneKompositionen leschienshurlentetladissectiondu pisser en couleurs diverses, Huelsenbeck manifeste, Ball manifeste, Arp Erklärung, Devant unefoulecompacte,Tzaramanifeste,nousvoulons » (Müller, 2000 assez mauvaisepièceàgrandspectacle : premièrement, ungoûtimmodérépourlaprovocation, dontLouisAragon : 113). fut fortement déprécié par ses créateurs. Aragon le qualifia le Aragon créateurs. ses par déprécié fortement fut Jésuites 2 . Au fil de cette étude, nous tenterons de montrer que montrer de tenterons nous étude, cette de fil Au . : 562-563). » (Aragon,1974b : 276)dontl’intérêt media différents. intermédialité Les vampires – Jeanne 1 est » Le

4 quelque sorte,l’unedespotentialitésduseptièmeart,soitsaplasticitétemporelle. d’absorber, tente pièce la structure de la même verrons quoi nous en enfin, épisodes; à films en Jésuites; nousexaminerons ensuitelesempruntsdirects aucontenuetàl’atmosphère deces du l’élaboration à conduit ont qui étapes différentes aux d’abordintéresserons nous l’astre MusidorailluminaleurjeunessevoléeparlaPremière Guerre mondiale.Pourcefaire, nous de rendre hommageaucinématographeens’inspirantnotammentdel’universdesserials trésor desJésuitesparticiped’uneesthétiquequirelève d’unevolontécommuneàsesauteurs « bruit l’action , lesommantdeprendremythologie moderne enconsidération « à s’émanciper de l’influence de Mallarmé et de l’obsession rimbaldienne pour qu’il s’ouvre à une dandy local, qui, avant de succomber mystérieusement à une overdose d’opium en 1919, l’aide en 1915 et 1916.Ily fait la rencontre d’un soldat blessé dans les tranchées, Jacques Vaché, médecine, est affecté à la fonction d’interne dans un hôpital militaire de Nantes, ville où il séjourne « il fautexaminerdeprèsunphénomèneparticulierqu’onpourraitrétrospectivement appeler bien celledesprotosurréalistes Breton etAragonquecelledeleurscompagnonsl’époque Afin de comprendre les tenants et aboutissants de cette passion cinématographique qui fut aussi À L’ORIGINEDU 3 Comme dansunbois mythologie dusurréalisme 84.) (1992 : et qu’auréveil,lelendemain, nouscherchions latracedetroublante souris d’hôtelquinousavaitvisités? rêvions devouset que, lesoirvenu,dansvotre maillot noir, vousentriezsansfrapper dans notre chambre, Musidora danssesécrits de l’éloge souvent fit qui mais 1922, qu’en groupe le rejoignit ne qui Desnos, Robert citer surtout faut Il emprunté àl’anglaisetattestéparleTrésor delalanguefrançaise . s u sbtni msui snnm d « de synonyme masculin substantif un est Rappelons queserial photographie figuraitdéjàdansla revue belgeVariétés, oùfutinitialementpubliéelapièce en1929. de Breton, réaliséparManRayen1924(AragonetBreton, 1974 » (Breton, 1969 « àNantes quis’offrait ce tout àépuiser suffisaient […]. Jen’aijamaisrienconnudeplusmagnétisant Quelquesheures dudimanche précipitamment versuneautre salleoùnouscomportionsdemême,etainsisuite où etd’oùnoussortionsàlapremière approche d’ennui –desatiétépournousporter l’irruption dansunesalleoùl’ondonnaitcequedonnait, enétaitn’importe Je m’entendais très spécialement avec Jacques Vaché pour n’apprécier rien tant que : « chargé Écrire, penser, ne suffisait plus » pourquelquesjours(1967 : 17).Dansunarticleparuinitialementen1951dansL’ TRÉSOR DES JÉSUITES DES TRÉSOR », Breton exposel’undesrituelsparticipantdecettemythologiemoderne : « ». DurantlaPremière Guerre mondiale,Breton, alorsétudianten Musidora, quevousétiezbelledans Lesvampires! Saviez-vousquenous : il fallait à tout prix se donner l’illusion du mouvement, du : 376-377;soulignédansletexte).

: UNMYTHESURRÉALISTE liprat s q’n oti d là de sortait qu’on est l’important : : 337).ÀlademandedeBreton, cette film à épisodes film l’importance desgestes â et intitulé ge ducinémaetintitulé o d « de ou » Trésor des feuilleton » etde 3 , dont 4 » » : ,

33 Léa Buisson de LouisFeuillade(1915). Musidora dansLesvampires 34 L’Annuaire théâtral no 59 La désinvolture sous-jacenteàcettepratiquedélibérémentaléatoire delaséancecinéma 5 Les criminelle desVampires touffeur , queprésidaientlabeautésulfureuse etl’érotisme troublant deMusidora. l’inquiétante dans racine prenait composante une dont surréalisme, du fondateurs avec l’illustre « où l’onprojetait, entre autres feuilletons,Lesvampires deFeuillade.Inspiréparcetterencontre passées, encompagniedecetamisiadmiréetbrutalementdisparu,danslescinémasnantais III; soulignédansletexte).Cetonmystérieuxetempreint denostalgiecommémore lesheures reviennent. – Qui?Lesvampires, etdanslasalleéteinteleslettres rouges deCe aux Le (Lesmystères deNew décriés si déjà à épisodes films aux allait fidélité de accorder bandes spécifiques ne laissaient pas de fasciner les deux acolytes méthode arbitraire de visionnage aucœur de l’ancienne cité des ducs deBretagne, plusieurs de dépaysement lyrique exigeantd’être brasséeenmasseetauhasard « art, septième du Breton qu’avait conception la partie grande en fonde et définit

masque l’énigmatique Jacques Vaché. avoir publiélessurréalistes – sousl’impulsion deBreton. Ils’agitdel’un desrares texteslaissés par serials Lettres de guerre ont été publiées en 1919 par la maison d’édition Au sans pareil dans sa préface aux Lettres de guerre

aux dandy destranchées dents

» ( ibid blanches, .

: 377; souligné dans le texte). Cependant, tandis que s’élaborait cette (idem),écritBreton quiavaitdéjàfaithonneur Les vampires) » » (Roy, 1989),Breton s’appliquaàconstruire l’undesmythes 5 de Jacques Vaché Jacques de », maisdispensatriced’unfort« : « Tout ce que nous pouvions

: « :

La belle affiche belle La (1919 : soir-là » – la première à substance pouvoir York,

: Ils 1978 8 7 6 chavirer leur cœuràpeinesortidel’adolescence Mais pourquoi rendre hommage subitement et surtout si tardivement à l’actrice qui avait fait sur scèneetdanslafiction –àcellequesesauteursn’ontpuoublier. mythe vieuxd’aumoinsunedécennie,LetrésordesJésuites offre le premier rôle enflammant l’imagination des jeunes spectateurs durant les années Ce passage estrévélateur delacharge érotique dont fut investie lavamp au maillot noir, contemporaine l’actrice et aux pendant romanesque deMusidora.Àplusieursreprises, Aragontémoigneraducultequ’ilvouaità fait tantôtfemme,pure abstraction;àbiendeségards, ilestpossibledereconnaître enellele roman seprénommeMirabelle,sortededivinitéinsaisissablequi initiatique,lamusemoderne vie, delalignemêmequimarquait l’horizondevoscontemporains je faisaisusage,nepersistaipasdansmonerreur etpartisàlarecherche dela del’idéemoderne son premier roman, AnicetouLepanorama d’un idéalde« Les termes qui caractérisent ici la vedette de cinéma anticipent remarquablement la quête effrénée « fée adorablementdouéepourlemal,puérile –ôvotre voixd’enfant interprète? Commentdire pourcertains cequevousenêtesvenueàincarner d’écrire cemotàMusidora l’issue de cette courte pièce, le jeune Breton lança sur la scène un bouquet de roses, avant également lavoirsurscènele21 juillet1917,dansLemaillotnoir.PatrickCazalsracontequ’à Fervent admirateurdel’interprèted’IrmaVep, protagoniste fémininedesVampires, Breton alla MUSIDORA OU LA « DU GALA JUDEX AU NOVÉ DIVADLO NOVÉ AU JUDEX GALA DU Musidora est bien la femme moderne enquelquechose Musidora estbienlafemmemoderne Vampires surlesécransfrançais, ennovembre 1915. Aragon etBreton étaientrespectivement âgésdedix-huitetdix-neuf ansaumomentdelasortiedes Le manuscritdecet ouvrageinachevérestera inéditjusqu’àsapublication posthumeen1994. Notons quecetteretranscription provient d’unelettre adressée àThéodore Fraenkel. : 64.)Danscettemême missive, l’auteur des Manifestes du surréalismeajoutequ’àsonavis, révélation sexuelle. […] Cette magnifique bête d’ombre fut donc notre Vénus et notre Vénus déesse Raison(1994 notre donc fut d’ombre bête magnifique Cette […] sexuelle. révélation Les vampires. […] Àcettemagie,àattraction,s’ajoutaitlecharmed’unegrande la résume,unfeuilleton.Unejeunessetombatoutentière amoureuse deMusidora,dans qui film un c’est et cinéma, au forma se monde du fit se génération L’idéeune toute que Beauté moderne Vampires, le film à épisodes qui la rendit célèbre, notamment dans le 7 qu’ilrédigerapourlecouturieretmécèneJacquesDouceten19221923

: 7-9). BEAUTÉ MODERNE : « », qu’Aragonentreprendra quelquesannéesplustard parlebiaisde Quel poète[…]nes’honorerait aujourd’hui devousavoirpour : « Mais, quandjem’aperçusdequelsphiltres démodés

: LARÉDEMPTIONPARLE MYTHE 8

» ? Àn’enpasdouter, untelprojet auraitpu » (Breton, citédansHubert,1988 » (Aragon,1997a 6 1910. Réactivant en 1928 un

! » (Breton, citédansCazals, : quelle moderne : quellemoderne – simultanément Projet d’histoire : 37).Dansce : 1745). :

35 Léa Buisson 36 L’Annuaire théâtral no 59 ressources aucunes pour élever sa fille handicapée. Le Le handicapée. fille ressourcessa élever pour aucunes on situation, la de s’indignant Tout-Paris la veuvedeRenéCresté – l’interprètedeJudex 1928, octobre En ans. des fil au atténuée peut-être s’était qui passion d’une l’étincelle raviva et s’échafauder beaucoup plus tôt; or, il n’en fut rien. Cependant, un événement tragique survint 11 10 9 un panoramadusurréalismeen1929, toutporteàcroire quelestextesqui s’ytrouvaient – dont trésor desJésuites faisant office de clôture. Ce numéro de chez Gallimard, ainsiquedenombreux textes,documents,tableauxetdessinssurréalistes,Le contenait notammentseptpoèmesdeLagrandegaîtéd’Aragon,recueil quiallaitbientôtparaître 1929 en surréalisme Jésuites Toujours est-ilquelefruitdeleurtravailnefutpasperdu, puisque,dèsjuin1929,Letrésordes égards, commenousleverrons plusloin. d’un surréalisme involontaire puisé aucœurd’uneculture populaire maissubversiveàcertains d’Aragon et de Breton du Gala Judex veuve la de méfiance La l’époque. de avant-gardes hostile, enl’occurrence celuid’uncinémacommercial etparfoisdepiètre qualité,trèséloignédes définition par est leur production de même milieu le dont d’art formes des pour surréalistes des Musidora évoquait une séance de lecture du texte par Breton, en présence d’Aragon, au domicile de qui […] Lazareff Pierre de reportage un […] et […] musicale partie la pour choix le rôles, des une première foisau1 très vite,lespectacledevantavoirinitialementlieu3novembre 1928.Ilfutnéanmoinsreporté gala dont le bénéfice serait reversé à la famille démunie du comédien disparu. La pièce fut écrite d’un cadre le dans Cresté René de films des projection la accompagner devait divertissement effarouchée et moralisatrice publique opinion une par contesté approchés, OlivierBarbarantsuppose« qui avaitendossélerôledel’aventurière DianaMontidansJudex.Quantàlafaçondontilsfurent demanda àBreton etàAragond’écrire unsketchdramatiquedanslequelpourraitjouerMusidora, préparatifs delapièceallaientbontrain,« la piècedethéâtre écritepourl’occasion.Pourtant,Étienne-AlainHubertnousapprend queles programmation, si bien que le gala de charité eut finalement lieu en février 1929, mais exempt de de et direction de conflits plusieurs S’ensuivirent sketch. du l’écriture de responsables étaient écrivains, sachantleurgoûtpouruncinémaqu’ilsavaientd’autantplusdéfenduqu’ilavaitété Gustave Van Hecke –promoteur desavant-gardes belges –etpubliée mensuellement entre 1928et1930. Variétés Cinéphile militantetsecrétaire généralduGroupement desspectateursd’avant-garde. vampiresLes (1915-1916).RenéCresté estdécédé en1922àl’âgedequaranteans. après Feuillade, Louis réalisa que épisodes à film troisième le fut (1917) Judex put jouir d’une publication dans un numéro spécial de la revue belge Variétés » (1988 : revue mensuelleillustréedel’espritcontemporain , lancéeparl’entrepreneur etécrivain Paul- : 1746).Cettedéconvenueestànotre avissymptomatiquedel’engouement », dont la composition avait été confiée aux deux auteurs. Le hors-série Le auteurs. deux aux confiée été avait composition la dont », er décembre, laveuve ayantprispeurenapprenant quedeuxsurréalistes – témoigne de ce rejet plutôt brutal de deux poètes en quête que JeanPidault comme entémoignentdespropositions d’attributions 9 – tentadesesuicider, s’étantretrouvée sans – rapidement suivie de l’éviction complète l’éviction de suivie rapidement – 10 Variétés ayantpourfonctiondedresser apriscontactavecl’unoul’autre des » (Barbarant, 2007 (Barbarant, » Fantômas (1913-1915)et : 1351). Ce 1351). : 11 « ,

Le en 1924.Toutefois, Aragonapointédudoigt,en1974,l’artificialitéd’unetellepublication.Ildit la piècedethéâtre étudiéeici –sontemblématiquesdumouvementartistiquefondéparBreton spectacle, fut également réalisateur de films, détail qui vient faire écho aux prémices de la pièce. l’avons vu,danslecreuset duseptièmeart. À cela s’ajoute lefaitqueHonzl,concepteur du 1749), annonçantd’embléelaportée cinématographiqued’uneœuvre quifutélaborée,nous on ajoutalesous-titre « praguoise scène en mise cette de celui fut qui pris parti le spécifier proposde à d’ailleurs est Il Toyen.alias Čermínová Marie peintre la dont Paris, à tchèques artistes plusieurs de passage le plasticien Jindřich Štyrský – soitdeuxmembres dugroupe surréalistepraguoisquiseformaaprès (Théâtre Nouveau) de Prague en 1935 par le metteur en scène Jindřich Honzl dans des décors du premier rôle, comme cela était prévu à l’origine, mais il bénéficiera d’une création au Nové Divadlo Le trésordesJésuitesneseradoncjamaismontépourlascèneavecl’actriceMusidora en de dixans. plus de datant complicité une s’effondre ne que avant compagnons, deux aux artistique sursis un offre cinéma, au emprunts autres et épisodes à films des l’évocation par passant anciens, cohésion dansunepériodecritiquepourlegroupe surréaliste.Lasalutaire réactivationdemythes trésor desJésuites,parlechoixdesessujetsetsources d’inspiration,faitfoid’unevolontéde Sans remettre enquestion,commeThirion, laqualitédepièce,noussommesd’avisqueLe surréaliste AndréThirionfaitleconstatsuivant détruit : élaboraitunmanuscritparuàtitre posthume,inachevéetpartiellementalors quecedernier saurait tarder, puisqueBreton avaitdéjàformellementréprouvé lestravauxromanesques d’Aragon, ne elle mais consommée, encore été pas effectivement n’avait poètes deux ruptureentreles La quelques-unes desœuvres capitalesdelalittérature duXX plus éminentsreprésentants, quiavaientàpeinedépassélatrentaine etavaientdéjàécrit la finde à du surréalisme l’année 1928etdel’espècefadingquicouvraitalorslaforce créatricedesesdeux l’essoufflement de accablant très témoignage un avis mon fantaisie écriteencollaborationparAragonetBreton […].LetrésordesJésuitesestà Rien n’illustre mieuxlacrisetraverséeen1929parlesurréalismequelaborieuse à Breton fidèle demeuré 334). (1974a : J’étais surréalisme. du l’histoire dans grave plus le schisme la feuille,publiéelorsdel’enterrement d’AnatoleFrance,sontitre Uncadavre), parle même annéebriseravecAndréBreton (ensignantunpamphletcontre lui,reprenant à Il est à remarquer ici la présence d’un certain nombre de surréalistes qui allaient cette La défense de kino feuilleton l’infini. Revenantsurl’œuvre rédigéeàquatre mainsen1928,l’écrivain » surlapremière page duprogramme (Hubert, 1988 : e siècle(1972 : 191). : 1748- : :

37 Léa Buisson 38 L’Annuaire théâtral no 59 remarquer : 12 l’action pourl’action,d’avoir essencel’énergie mêmedelavie possède unequalitéexceptionnelleauxyeuxdesmembres dugroupe le poétique, et réaliste propriétés des alliance l’ingénieuse par Défini protosurréalistes. autre facteurdéterminantpourl’émergence delapréférence cinématographiquechezles Nous compléterionscetéclaircissement del’attraitsurréalistepourlesurannépar l’ajoutd’un la critique martèlelacélébrationd’uneformecinématographiquepourtantrejetéedu temps,l’Éternité par hantise d’une l’objet faire pour marquant passage oùlemedium cinéma se voit convoqué par l’entremise d’un Le phénomènederéactivationdumytheàl’œuvre danslapièceestaisémentrepérable dansce l’antique –, lateneurduspectacleestannoncéed’emblée rien demoinsquelesallégoriesduTemps – pastichantaupassageleprologue etdel’Éternité à de théâtre enunécrandecinéma.Aucoursd’undialogueentre deuxpersonnagesquinesont Dès leprologue, Le trésordesJésuitesdévoileunprogramme ambitieux LE TRÉSOR DES JÉSUITES DES TRÉSOR LE 62). 1994 : contrecritique cinématographique naissantes’acharna luiavecladureté propre àlajeunesse La romans-feuilletons. des fignoler à talent son consacrait qui ancêtre vieil ce pouffant en considéraient regardait monter avecstupeuravantqu’ill’engloutît.Une“nouvellevague”de jeunes réalisateurs mais la guerre avait fait passer sur lecinémauntorrent d’idées nouvelles que le pionnierde chezGaumont « Jusqu’en 1918,Feuillade était considérécomme l’un desquatre oucinq grands réalisateursfrançais plus àmêmederendre comptedel’époque,ceseraLesvampires, [I]l s’agitavanttoutdesubstitueràlaculture préétablieunecontre-culture desmarges, au-delà dugoût (AragonetBreton, 2007 dans qui faisaitnaguère lajoiedesespritsforts.C’estdansLesmystères deNew bientôt qu’il n’y eut rien de plus réaliste et de plus poétique à la fois que le ciné-feuilleton d’un genre oublié,quelesévénementsdechaquejourfontrenaître. Oncomprendra Tiens, puisquetut’intéresses aucinématographe,jevaistefaire assisteràl’apothéose ne peutinterpréter, dedéjouer[…]lesconventions(2006 Palau. Ils’agitaussidedisloquerlesrepères dubeauparl’intrusiond’objetsquelaraison 12 et les mœurs artistiques contemporaines. À ce sujet, Vincent Antoine fait justement Les vampires qu’ilfaudrachercher lagranderéalitédecesiècle.Au-delàmode, , UN HYBRIDE THÉÂTRAL DU FILM À ÉPISODES : le film à épisodes. Désavouant le passage indéniable passage le Désavouant épisodes. à film le : : 464-465). : : 104). Mirage, noussommesaucinéma. André Breton etLouisAragon, : genre oublié : métamorphoser la scène : métamorphoserlascène Les : celledepromouvoir Le trésordesJésuites détraqués de York, c’est – suffisamment » (Lacassin, serial :

14 13 scénographie unpalierd’hôtel de « vol etlemeurtre. Séduisanteetérotisée, elleapparaîtd’ailleursponctuellementdansuncostume vampires. Enpremier lieu,yévolueunpersonnagedecriminelledontl’activitéprincipaleestle Souri précisément, avecpourhéroïne unpersonnagefémininénigmatiqueetsubversifdunomdeMad narrative typiquedugenre policier;l’argument delapièceenreconduit touslesingrédients.Plus trame Faisant échoauxressorts une duserial,lestrois tableauxduTrésoroffrent desJésuites surréalistes, cohabiterdansunemêmeimage. conventions delabeautéetexpliquecomment« modifie la et situation la fonction est de « schème sensori-moteur de l’existencesetrouverait danscettesuitefrénétiqued’épisodesàrebondissements, dansce tergiversations de principal. Trêve l’enjeu constitue l’action où films de Musidora.Ilélucidel’attiranceBreton etd’Aragonpourungenre démodé feuilleton Ce passageduroman Anicet 15 gestes » des la sourisd’hôtel;etdansLesvampires , IrmaVep estl’anagrammede« Soulignons lejeusur lesanagrammesavecnomdeshéroïnes L’action donneimmédiatementlieuàune réaction. des Jésuites.L’esthétique reposant surleclair-obscur estcommuneàlapièce etaufilm. criminel RaphaelNorton àlarecherche delacarteconduisantaubutin – exactementcommeLetrésor dans vêtue delatêteaux piedsd’unmaillotnoirquimoule sa silhouette,furètedanslachambre d’hôteldu des séquencesdusixièmeépisode Vampires (24 mars1916),« Cette scène,présentéesousformede didascaliedansLetrésordesJésuites,estlependantthéâtrald’une de lasériesortile4 décembre 1915,« souris d’hôtel 14 Elle siècle (Aragon,1997a songé àladiscuter?onn’enavaitpasletemps.Voilà bienlespectaclequiconvientàce que pourlesgestes.L’action nenousapassionnésqu’àtitre detourforce. Quiaurait sa conscience, mais par sport, par hygiène morale. Aucinéma,lavitesseapparaîtdansvie,etPearlWhiten’agitpaspourobéirà unique estlamorale,règledetouteaction Ce quifaitlethéâtre aussimortpournous,disaitAnicet,c’estsansdoutequesamatière 332. pour voirsipersonnenevient,lesdiversrecoins delascène,portedu331,celle électrique deMadSourisousleprojecteur , ce texte semble avoir pour ambition de contrefaire un épisode fictif du feuilleton du fictif épisode un contrefaire de ambition pour avoir semble texte ce , Les mystères de New est […] (Breton, 1969 en Obscurité maillot » similaire àceluid’IrmaVep, unebonnepartiedupremier tableauayantpour présente[r] un personnage dans une situation donnée, qui réagit à cette » (Deleuze, 1984). Cette fascination pour les scènes trépidantes dévie les dévie trépidantes scènes les pour fascination Cette 1984). (Deleuze, » 13 noir, complète que Gilles Deleuze a si justement qualifié d’« : 17)soulignéeparVaché estprétexteàunamourdémesurépourdes : 82-83). lampe ou Lepanoramas’appuiesurl’exempledel’héroïne athlétiquedu : York, lablondeetvertueusePearlWhite,sortededoubleinversé puis, électrique Le cryptogrammerouge par la à 15 porte : notre époquenepeutguère s’intéresser àla : elle agit pour agir. […] Il n’y a eu de place ici la (AragonetBreton, 2007 main. réalité du 332, Elle » et« »). : Musidora /MadSouriévoquelemotifde éclaire un Les yeuxquifascinent faisceau poésie vampire successivement, image-mouvement psychologiques, la vérité la psychologiques, : 468-469). » peuvent,del’avisdes lumineux : » (voirletroisième épisode : « la lampe comme », oùIrmaVep, l’importance », dont Les

39 Léa Buisson 40 L’Annuaire théâtral no 59 L’univers du film à épisodes a contaminé l’espace scénique par le concours d’une foule de foule d’une concours le par scénique l’espace contaminé a épisodes à film du L’univers 16 incluant l’extrait d’un article consacré à l’affaire du caissier assassiné, paru le 1 Qui plusest,LetrésordesJésuitesrésultepartiellement d’un collage,letextedusecondtableau marasme”! […]éditionsportive,beauxcrimesenperspective qu’illustre parfaitementcettereprise théâtraledesVampires négatif envers un pour inclination cette confirmer reste, du vient, fictifs sordides, délictueuses,voire criminelles.Dans letroisième tableau, unelitaniedetitres depresse radical etagressif, récurrent dansLarévolutionsurréaliste , etunpenchantpourlesatmosphères recours àuntelfaitdiversréponddefront àdeuxexigencessurréalistes obscures quioccupèrent lapresse etnefurent jamaisélucidées le 11février1928caissierdesMissionsétrangères avaitétéassassinédansdesconditions occasion de réexploiter le thème de larichesse et de la puissance occulte des jésuites, puisque d’un faitdiversréelquiorienteindiscutablementlechoixdutitre chose personnage de Simon, amoureux transi le vampires estl’emblème.Pourcouronner le tout,MadSouri,symétriquementàIrmaVep dans qui composel’actionouledécorfaitsigneversgenre dufeuilleton policiermuet,dontLes espionnage et document secret, activités suspectes et réunion de malfaiteurs, chaque détail du premier tableau motifs quiluisontpropres, accumulationquiatteintsonparoxysmesegment dansledernier des Jésuites dans lemagazineDétective : ce passage, comme le signalait le prologue, la réalité alimente la fiction, car ce crime s’inspire crime ce car fiction, la alimente réalité la prologue, le signalait le comme passage, ce Puis serial susmentionné,assassineméthodiquement L’épisode « dans « vraisemblablement empoisonnée(AragonetBreton, 2007 criminelle, parIrma Vep. Unpistoletestl’arme ducrime,maisleprocédé utiliséparMadSouri,uneépingle elle 473). avec lebrasgauche(ibid. : est entièrement enveloppé dansunecapeenroulée qu’ilretient enavantde sonvisage larges deux sortir portefeuilles bourrésdebilletsmille.[…]Unesonnerieretentit; unvisiteur. de Levisiteur vient Pérédès de M. tiroir, D’un fonte. de crucifix grand un pend mur Au coffre-fort. d’un sièges, deux de bureau, d’un meublée sommairement est pièce Pérédès, caissierdes Missions Catholiques de France,meten ordre sa comptabilité. La C’est le samedi 11 de prend La baguequitue lourd : », orchestrant ensuite le subterfuge rusé mais cruel qui fera accuser à sa place le Les yeuxqui fascinent les le souliers cadavre : casinosoùl’onjouetoutelanuitetbistrots oùl’onboitavecexcès, » (13novembre 1915). février 1928, vers 16h. Dans son bureau, M.Félix de la Tajiada de de du l’homme, voyageur, » setermine par lemeurtre duGrand Vampire, le chef del’organisation

: « qu’elle

dans Elle va vient la

au lumière

333, 16 déposer levoyageurporteurdelacartedu« : 482),rappellele bijou empoisonnéquisévit

y

du entre, à projecteur, : « la » (AragonetBreton, 2007

en “Le crépuscule”,“Lanuit”, porte » (Barbarant, 2007

sort : « L’actualité une fournissait du très qu’elle » (ibid. 332 » et obscur du monde, du obscur et

vite, : unanticléricalisme er enferme novembre 1928 traînant : 469).Dans : 1352).Le quelque au : 476). Trésor 332. 20 Dans cetextrait,seuleladernière phrasecorrespond àunajoutdesauteursalorsquelereste 19 18 17 s’était attachéàdévelopperdansLepaysandeParis en1926 qui consisteàfabriquerdumerveilleuxpartirdelabanalitéquotidienne,conceptqu’Aragon présent, celuidel’écriture, lesdeuxauteursmettentàexécutionl’undespréceptessurréalistes Faisant abondammentusagedecesanecdotesoucaractéristiquesquiappartiennentautemps mentionné danslesdidascaliespuiseplusieursairscontemporainslaculture populaire 477), voyagéenPolynésiefrançaisedeuxansauparavant.Enoutre, l’accompagnementmusical tableau s’inspire dunavigateurAlainGerbaultquiavait,commeindiquédansletexte(ibid. a étésignéenaoût1928,suscitantdenombreuses critiques.Sanscompterqueletroisième à l’incapacitédelaSociétédesNationsendiguerguerre (ibid. 71 de la Loi de finances, sur lesquels s’est attardée la Chambre des députés en octobre 1928 Hormis lefaitdiversdéjàévoqué,ilestallusion,toujourssuruntonsatirique,auxarticles70et ciné-feuilleton etque,symétriquement,rienn’estpluscinématographiquequelavieelle-même. année de la rédaction de la pièce, démontrant encore une fois que rien n’est plus réaliste que le les événementsdechaquejourfontrenaître Le spectaclepromis dèsl’ouverture duTrésor desJésuites , « imaginaire, et il est alors impossible de différencier la fiction cinématographique de la vie réelle s’éclaire mystérieusement le sens d’interpénétration ducinémaetdelavie a passédansledomainedelavie dansl’ouverturepersonnage del’Éternité dumêmetableau reprend avec exactitude le texte de l’hebdomadaire « « un costumequireprésente lesdeux articlesdelaLoifinances(AragonetBreton, 2007 La fin du second tableau illustre pleinement ce phénomène d’intrusion du quotidien dansl’espace quotidien du l’actualité d’intrusion cephénomène pleinement illustre scénique tableau second du fin La évidence l’intricationdurêveetdela réalité. Il y aurait là un parallèle à établir avec Les vases communicants(1932) de Breton, ouvragequi met en 1352). Dans lemanuscrit,lacoupure del’articleenquestionn’estpasrecopiée, maiscollée(Barbarant, 2007 Anything ButLove Le beaubébé (Aragon, 2007 empruntent àl’anodinmêmedecetaccoutrementtemps modernes uneforce magique chambre enpilou,leursvestons familiers,leurssouriantesbonhomies,lessimulacres des Le quotidien,onn’approchera jamaisassezduquotidien,[…]dansleursrobes de : le Temps, alors qu’il demande à Mad Souri d’ajouter à sa revue de fin d’année « d’année fin de revue sa à d’ajouter Souri Mad à demande Temps,qu’il le alors : », estprisaumotparlajeunefemme quienvoiesurscènedeuxpersonnagesfémininsportant », « Ain’t She Sweet! : 256-257). 475). » (ibid. : » (AragonetBreton, 2007 » (ibid.

» ( ibid . : « : 471). Le prologue annonçait en effet ce phénomène ce effet en annonçait prologue Le 471). :

: 464), l’existence devient le creuset d’un feuilleton » (idem),prend ainsiracinedansl’actualitéde1928, film impossibleàsuivre etdontcependantunjour 17 , ce qui confirme le constat émis par le par émis constat le confirme qui ce , : 472),« : « l’apothéose d’ungenre oublié,que : Old ManRiver ce quiétaitlepropre del’écran : 476) –lepacteBriand-Kellogg » (ibid. : 475). : 474)ouencore le piquant de piquant le 19 , et 20 18 : . . :

41 Léa Buisson 42 L’Annuaire théâtral no 59 des sallesobscures, quin’avaitconnujusque-làqueledispositifthéâtral 22 21 la définitionqu’endonneAndreï Tarkovski et lerécitd’anticipation –,lesdeuxpoètesfontœuvre decinémaen« conduire lespectateurdansunespace-tempssituéfutur –àmi-cheminentre laprophétie au beaumilieud’unestratetemporelle préétablie,lesfantômesd’uneépoquerévolue,pourensuite cinématographique, en un mot son élément le plus spécifique montage « de théâtre empruntecertainsprocédés narratifspropres aulangagecinématographique,telle en 1928 saut enarrière estsuivi,audeuxièmetableau,parunsautenavantquifaitretourner lespectateur premier tableau, un « on écritl’histoire. (Aupublic,trèshaut)1917! d’entrée dejeuleurintentionfaçonnerletemps affichant événements, des chronologie la guise leur à remodelant en unités trois des règle la 1981 de semoulersurletempsl’objetetprendre parsurcroît l’empreinte desadurée cinématographe estindéniablementl’artdelarémanence,encequ’il« Né en1895aveclatoutepremière projection publiqueorganisée parlesfrères Lumière, le François Albera cinéma du l’ère effet, En plasticité. sa cinéma au permise parlecinéma.Loindesuivre larègleclassiquedel’unitétemporelle, cettepièceemprunte et sautenavant(en1939) –dontl’emploientretient uneparenté avec lasouplessetemporelle puisque lestrois tableauxopèrent plusieurs glissementstemporels – retour enarrière (en1917) Le trésordesJésuitesnesecontentepasd’implantersonargument dansl’ère contemporaine, EMPRUNTS ÀLAPLASTICITÉDUCINÉMA FLASH-BACK ET SAUT EN AVANT « achevée, quil’éclaire decefaitmieuxquequiconque de la communication etde l’expression et dontle cinéma n’est point le toutmais la concrétisation la plus « mêmes delareprésentation duTrésor des Jésuites,déjàplanifiéeau moment del’écriture. 2007 MAD. –Rendez-vous dansonzeans,le1 “[L]’épistémè ducinéma”,cenouveau paradigmedepenséeetreprésentation quiinnervetoutl’espace

: 151). Cherchant à transcender l’expérience théâtrale usuelle, Breton et Aragon outrepassent pellicule. C’estlàunedifférence majeure entre lesdeuxarts(Achemchame,2010 « peuvent ils dans lemêmeespace-temps.Lesacteursdecinémasont,aucontraire, desfantômes, Au théâtre, lesacteurspartagentlatemporalitéimmédiatedesspectateurs.Ilssontlà, Au cinéma,cequiestimpressionné surlapelliculeetprojeté surl’écranestimmuable. : 471) 22 ; finalement, le troisième tableau le propulse en 1939. Dans sa composition, la pièce la composition, sa Dans 1939. en propulse le tableau troisième le finalement, ; qui estlanotionplussubtileetenmêmetempsessentielle del’esthétique : ce saut temporel est l’occasion d’opérer une mise en abyme qui inclutle temps et l’espace 21 – estcelled’unecrisedel’expériencetemporelle traverséeparlespectateur revivre

bond » par-delà la mort et cela indéfiniment, ou plutôt tant que défile la quedéfile tant plutôt ou indéfiniment, cela et mort la par-delà »

» temporel transporte instantanément le spectateur de 1928 à 1917; ce er : décembre 1928,auThéâtre de l’Apollo

:

» (AragonetBreton, 2007 » (Albera,2005 : « – ou « ou – Viens avecmoi.Jetemontrerai comment épistémè du cinéma du épistémè » (Martin, 2001 : 48). sculpt[ant] letemps réalise l’étrangeparadoxe : : 465.)Duprologue au : 184). En ressuscitant, » (AragonetBreton, », théorisée par théorisée », : 360). » (Bazin, », selon 25 24 23 de tableau separtageendeuxdécorsdistincts –« plain-pied dans les combats sanglants de la Grande Guerre. En effet, la scénographie du premier Par ailleurs, le flash-back qui nous ramène en 1917 est également significatif en ce qu’il entre de seul surlesécrans poétique neuf et véritablement onirique; elle signifiait pour les poètes le retour définitif au réalisme désintérêt progressif enverscemedium rédaction du glissement progressif ducinémamuetverslesonore (ouparlant),contemporaindela commercial du cinémahollywoodienquiestdénoncée,ainsiquel’émergence d’uncinémaexclusivement maisons d’exploitation s’effondrent les unes après les autres heures deloisir, lesheures detravail.Qu’est-cequelesheures? Lapellicules’altère, lesgrandes entre autres, d’être périssable,toutcommeletempsquiluiestconsacré explorer letemps usage d’un procédé cinématographique, qui produit un effet semblable à celui d’une « accomplis parcequ’ilestconvenud’appelerleSeptièmeArt éléments lesplustypiquesduciné-feuilleton,[…]perdus devuedepuislesprogrès déroutants « de et l’oubli dans désormais tombé cinématographique genre un avril 1917).Opérer unretour enarrière àcetteépoqueprécisepermet doncderameneràlavie Vep dansLesvampires etceluideDianaMontidansJudex(présentéaupublicentre janvieret fort, étantdonnéquecettedernière estausommetdesagloire, ayantàsonactiflerôled’Irma certainement del’annéeoùl’engouementdesprotosurréalistes pour l’actrice Musidoraestleplus s’agit il D’abord, Aragon. et Breton pour significative doublement année 1917, en spectateur le temps de l’histoire et temps du récit « temporel décalage un produit qui cinéma, au flash-back du s’inspirant en c’est Ainsi, les deuxallégoriesquisertd’amorce faitleprocès àlapièce,l’Éternité ducinéma,luireprochant, avec trois portesnumérotées »(AragonetBreton, 2007 laquelle Mis au point vers 1925, le cinéma parlant détrône définitivement son homologue muet au début des début au muet années 1930. homologue son définitivement détrône parlant cinéma le 1925, vers point au Mis À cesujet,voirl’articledusurréaliste Benjamin Péret « dans letemps,aparupourlapremière foisen1895. Le roman duBritanniqueHerbertGeorge Wells TheTimeMachine , pointdedépartlatraditionduvoyage d’un « forme àvenir, enextraittoutcequineluiappartiendrapas,demêmelecinéastes’empare sa de conscient et, marbre, de bloc d’un s’empare effet, en sculpteur, un Toutcomme de l’imagecinématographique(Tarkovski, 1989 dont il n’a pasbesoinetneconserveque ce quidevrase révéler comme les composants [sic] 24 bloc de temps . Quantaux« Trésor des Jésuites trois 23

» (Virmaux, 1968 », estempreint denostalgie,voire dedéception.Aucoursl’échangeentre hommes », d’unemasse énorme de faits de l’existence, en élimine tout ce progrès déroutants émergent 25 , qui déplut profondément aux surréalistes et contribua à leur : 274). » (Journot, 2011 » (Journot, : « : à mi-corps, La parole, en effet, ruinait tout espoir d’un langage d’un espoir tout ruinait effet, en parole, La » dontilestfaitmentionplushaut,s’agitdu pour letiersgauche,unélémentdetranchées : 61). Contre lecinémacommercial pour : 55), que Le trésor des Jésuitesconduit : 465) –quinouspermettentdevisualiser les » (ibid. » (AragonetBreton, 2007 deux : 464).C’estl’industrialisation faire défiler devant [n]ous les [n]ous devant défiler faire tiers droits : « » (1987 Les heures… les un palier : 270). machine à : 471).Cet d’hôtel entre

43 Léa Buisson 44 L’Annuaire théâtral no 59 offre la possibilité d’apposer deux points de vue différents sur la Première Guerre mondiale, qui mondiale, Guerre Première la sur différents vue de points deux d’apposer possibilité la offre cinéma au propre L’ubiquité alterné. montage du filmique procédé le convoque qui l’éclairage successivement un simulacre desVampires etunescènedeguerre, augréd’unefocalisation de 27 26 souffrances en se lançant des plaisanteries dans lesquelles le « du « en maillot noir Dans lapiècedethéâtre, l’undesdeux« espérant sepréserverdelasortedesballesennemies poitrine, leur contre Musidora de photo la cach[ai]ent soldats Ces guerre”. de “filleuls comme scène dupremier tableauévoquentMusidoraet sonrôlede« seconde la de soldats deux les historique, réalité la à fidèle très façon de plus, De guerre. la parallèlement représentés, soitdeuxfaçonsradicalementopposéesdefaire l’expériencede exprimée danslepremier tableauduTrésor desJésuitesoùdeuxcadres spatio-temporels sont Cette dichotomie entre la très peudeleurstextessurréalistesmentionnentcettepériodehistorique et dansplusieurshôpitaux.Bienqu’ilsaientétéprofondément marqués parcequ’ilsyvécurent, ontfaitl’expériencedelaviolencedescombats,ayanttousdeuxétémobiliséssurlefront derniers sont symptomatiques du traitement littéraire qu’en firent systématiquement Breton et Aragon; ces dire MusidoraetLesvampires enpremière ligne plutôt verslesmoyensd’évasionquileurontpermisdesurmonterl’horreur delaguerre, c’est-à- affrontements. En effet, celle-ci « Judex trésor desJésuites danslarevueVariétés , elles-mêmes« d’une grandesignature brutale « rayée semble être lamêmequecelledécriteparAragondansProjet d’histoire littéraire contemporaine : Signalons leréseau photographiquequitraverseplusieurstextes.Cettecarte postalereprésentant Musidora dans letexte). Notre silencenoussemblaitunmoyenderayerlaguerre, de l’enrayer « Ce choixdenepasévoquerlaguerre auseindesœuvres étaitdélibéré,carenparlereût été lacautionner À cetégard, LetrésordesJésuitesconstitueuneexceptionsurlaquelle ilestintéressant desepencher. Nous pensionsqueparlerdelaguerre, fût-cepourlamaudire, c’étaitencore luifaire delaréclame. bruit demitrailleuses 7-9). 1994 : tandis qu’on crevait fermeautre part sans quenousyprenions seulementgarde (Aragon, est venueparcechemin de lumière, entre lesimagesdumeurtre etdel’escroquerie, famille et des insurgés. […] Il y a une idée de la volupté qui nous est propre, et qui nous adultes. […] Il appartint au maillot noir de Musidora de préparer à la France des pères de jamais laguerre nefutloinducœurdesjeunesgensqu’encesjoursqu’elledominaitles au débutdelaguerre, surleseuildesécoles?[…][J]enecrois pasmentirendisantque À quelle lumière voyions-nous, qui n’avions pas vingt ans, la vie bouleversée, nous autres » (Hubert,1988 27 , s’apprête à déserter pour la retrouver à Paris. Dans cette courte scène saturée : 1744). réalité de la guerre et la fiction compensatrice est, de ce fait, parfaitement » (AragonetBreton, 2007 » (1994 a […] entretenu une correspondance avec des soldats adoptés : 9),ellecorrespond àl’unedesphotographies accompagnantLe poilus : », quiportesurluilaphotographiedel’actrice : 467),les soldatstentent d’atténuerleurs » (Buisson,2014 rescapées duprojet deprogramme duGala marraine deguerre Chemin des Dames » (Aragon,1997b : 14). 26 , leurpréférence allant » pendantles » est associé : 10;souligné : détail troublant, la guerre semble faire rage de taille historique réelle, c’est làque réside leprojet duTrésor des Jésuites, qui lance un défi au temps, et et c’estremettre àplustard l’heure desadieux.Écrire l’histoire, soitrelancer etélargir ladurée l’épisode inventédesVampires, nonseulementMusidora /MadSourineparaîtpasatteintepar 29 aventurière le luxe,lesfêtes,grandorchestre desvices,l’imagedelafemmeaussi,maishéroïsée, sacrée pour rejoindre Musidoraetl’universdesserials,« obus, quicauseront lamortd’unsoldat.Simon,ledéserteur, s’échappeàtempsdecetenfer à unlexiqueérotique saugrenu. Maisleurséclatsderire seront bientôtrattrapésparceuxdes 28 l’« image-cristal de qui ferment le texte, rassemblant futur, permanence du quotidien, fin et commencement, à l’instar « cette de l’effet peut-êtresous personne, sa de notable altération rouge,seule désormais maillot un dans voilà la mythifiée; et resplendissante plus encore est elle mais temps, du passage le qui « plus anciens membres. Convoquer le cinéma, Musidora et le film à épisodes, c’est faire appel à ce la fin des années 1920, une crise qui précède la désagrégation définitive de l’amitié entre ses deux ne pouvaitseprojeter au-delàdeslimitesdutexte.Nousl’avonsvu,lesurréalisme traverse, vers quelque sorte à une mise sous respirateur artificiel de ces belles images mythiques, survivance qui cinématographe revenait àmettre enactelacélébrationd’ungenre devenudésuet,procédant en Combiner laformethéâtraleavecdesélémentsdemontageetcontenupropres au de café distorsion succède pasauprésent qu’iln’estplus,ilcoexisteavec leprésentqu’ilaété L’expression« de 1947intitulé“Devantlerideau”(repris dansLaclédeschamps ) « Breton n’apasmanquédesoulignerlaportéeapparemment prémonitoire decepassage dansuntexte persiste 483). » (ibid. : : letroisième tableautransportelespectateuren1939,annéependantlaquelle, etdernier » (Aragon,1994 » temporelle extraordinaire et fulgurante. Elle prononce alors les mots énigmatiques », à« image-cristal ce quitrouve danslavieunéchomerveilleux 29

» de Deleuze de » : 7). » désigne un plan de film où cohabitent passé, présent et futur et présent passé, cohabitent où film de plan un désigne » : « : Avenir, avenir! Le monde devrait finir par une belle terrasse belle une par finir devrait monde Avenir,Le avenir! 28 . Dans ce dernier segment de la pièce où s’achève . Dans ce dernier tout cedont[le]privaientunemoraleimposée, » (Barbarant,2007 » (AragonetBreton, 2007 » (Deleuze,1985 : 1355). : « Le passéne : 106). : 464),

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