Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne, 1 - Société Botanique de Franche-Comté

Programme Gagea lutea (L.) Ker-Gawler

Société botanique de Franche-Comté Vie de la société Principaux résultats de l’année 2002

Coordination : Max André

Introduction tions franc-comtoises existantes et che en 2002 ; cependant une pre- anciennes. Une lettre de présenta- mière prospection la même année ’inventaire des stations de gagée tion de l’étude, un protocole d’in- a très certainement permis de jaune en Franche-Comté consti- ventaire, une première liste des sta- localiser quatre de ces stations. Ltue la première action concrète tions connues, ainsi qu’une fiche de Ce constat est relativement encou- de la SBFC, suite à la création de détermination de la gagée ont été rageant et montre que la gagée l’association en janvier 2002. adressés à tous les membres de la a pu se maintenir dans certai- SBFC, ainsi qu’à des amis mycolo- nes stations sur une période qui Un concours de circonstance parti- gues, chercheurs de morilles… dépasse 150 ans. culier a permis à ce projet de voir le jour. Dans le cadre d’un stage La SBFC a souhaité, conformément à Tab. I : données historiques (anté- de maîtrise de biologie des popula- ses buts, compléter ce travail en réa- rieures à 1900) d’après la littérature tions et des écosystèmes, une étu- lisant de nouvelles prospections ; en citée en bibliographie. diante à l’université de Bourgogne, effet la trentaine de stations connues * : les stations revues en 2002. Floriane Paulin, a contacté la DIREN était répartie sur un vaste territoire 1810 Besançon-25 de Franche-Comté pour définir un présentant de nombreux « vides », 1845 Andelot-en-Montagne –39 * sujet de stage et trouver un orga- susceptibles d’accueillir également nisme susceptible de l’accueillir et l’espèce. 1853 Côtes du Dessoubre-25 (Consolation) * de l’encadrer. Le bureau d’études Y. 1853 Grand’Combe-Châteleu-25 Ferrez et la SBFC ont accepté cette La note qui suit présente d’une 1853 Montbéliard-25 responsabilité. manière synthétique les principaux résultats, assez spectaculaires, de ces 1853 Trévillers-25 La gagée jaune (Gagea lutea Ker- nouvelles recherches. Cette synthèse 1853 Val de -25 * Gawler) est une Liliacée placée sur n’existerait pas sans le concours des 1864 Nozeroy-39 la liste des espèces végétales pro- nombreux observateurs bénévoles de 1881 Lepuix-Gy-90 (Chaumes du tégées sur l’ensemble du territoire la SBFC ; en fin d’article on trouvera Wisgrut) français (arrêté du 20 janvier 1982, la liste des personnes ayant accepté 1895 Cressia-39 * modifié par arrêté du 31 août 1995, de nous transmettre des données. 1900 Verrières-25 J.O.N.C. du 13 mai 1982) ainsi que sur celle des espèces menacées avec En 100 ans, le nombre de stations le statut « à surveiller ». Nous pres- Résultats recensées passe de 11 à 25 (Tab. II) ; sentions que cette plante à florai- certaines « stations historiques », son vernale était assez méconnue Historiquement la gagée jaune est considérées comme disparues et méritait qu’on lui accorde une une plante rare en Franche-Comté (Besançon, Montbéliard…) n’ont attention particulière. Dans le cadre (Tab. 1) ; onze stations recensées, pas été retenues dans la cartographie de son mémoire de stage de maî- dont 7 pour le département du de l’espèce. Vingt stations nouvelles trise (janvier à juin 2002), Floriane , 3 pour le Jura et 1 sta- sont découvertes en un siècle dont Paulin fut chargée d’effectuer des tion pour le Territoire-de-Belfort. une majorité pour le département recherches bibliographiques concer- L’espèce n’a jamais été indiquée, à du Jura et dans une moindre mesure nant la taxinomie, la morphologie, notre connaissance, dans le dépar- pour le département du Doubs. On l’autécologie, la répartition mon- tement de la Haute-Saône. ne peut s’empêcher de relier cette diale de la plante et d’établir une Toutes ces « stations historiques » observation aux prospections très cartographie au 1/25 000e des sta- n’ont pu faire l’objet d’une recher- nombreuses menées dans ces deux

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Tab. II : données Atlas des plantes rares ou protégées de Franche-Comté, 2000. En gras, « stations historiques » conser- vées dans l’atlas.

Doubs Nb. Jura Nb. Territoire de Belfort Nb. stations stations stations 1 Andelot-en-Montagne 1 Chaux 1 La Cluse-et-Mijoux 1 Aresches 1 Lepuix (chaumes du Wisgrut) 1 Gilley 1 Bornay 1 Rougegoutte 1 Grand’Combe-Châteleu 1 Cressia 1 Sermamagny 1 1 Dournon 1 Total : 4 1 La Favière 1 1 Lemuy 1 Villers-Chief 1 Loisia 1 Total : 8 Loulle 1 Nozeroy 1 Présilly 1 départements par le botaniste juras- sien J.-F. Prost. Saint-Lupicin 1 Salins (Pont d’Héry) 1 Les prospections menées par les Total : 13 membres de l’association (Tab. III) montrent l’énorme succès de cette sont sensiblement modifiées : 380 m action, très largement au-delà de dans la vallée de la Barbèche (com- nos espérances. mune de -25) d’une part et 1281 observations m sur le Mont de L’Herba, Chalet antérieures à 1980 Les résultats pour le Haut-Doubs et Neuf (commune Les Hôpitaux- observations la partie nord du département du Jura Neufs-25) d’autre part. postérieures sont particulièrement spectaculaires. à 1980 inclus On peut estimer que la gagée jaune comporte environ 140 stations, dont Fig. 1 : stations connues de Gagea lutea Commentaires en 2000 d’après l’Atlas des plantes rares plus de 110 sont nouvelles. Plusieurs ou protégées de Franche-Comté. sites découverts comptent des dizai- Quelques remarques sur nes de milliers de pieds ; on ne peut l’autécologie de la gagée jaune que s’interroger sur la découverte de en Franche-Comté. taines fermes comme à La Cluse-et- telles stations en 2002. Ces stations Les nombreuses prospections des uns Mijoux-25. sont-elles récentes ? Pour la plupart, et des autres nous ont permis de nous On la rencontre également, mais plus nous ne le pensons pas ; il ne s’agit rarement, à l’ombre de haies de noi- « familiariser » un peu avec cette belle pas, en effet, de stations correspon- setiers et autres arbustes ou dans des inconnue. Finalement on arrive pres- dant à une colonisation de nouveaux bosquets de hêtres sur lapiez bou- que à « sentir » la gagée dès que le territoires (parterres urbains comme chés. Elle s’aventure exceptionnel- milieu devient favorable. cela existe en Suisse), mais, dans de lement en pleine lumière aux alti- nombreux cas, des biotopes tradi- tudes inférieures à 1 000 m. Dans La gagée jaune, dans le Haut-Doubs tionnels de l’espèce : pourtour des le val de Mièges-39, la vallée du fermes d’alpage, vieilles haies… On et certainement le Haut-Jura, affec- Dessoubre-25, à plus basse altitude, imagine plutôt que cette espèce est tionne particulièrement les vieilles elle affectionne les fonds de val- passée aussi longtemps inaperçue haies où sont présents de gros frênes lons (avec ruisseau), sous les frênes du fait de sa floraison vernale et de et des noisetiers ; elle côtoie souvent mais également sous de gros peu- sa répartition essentiellement monta- les scilles, ficaires, nivéoles, mosca- pliers. Elle peut coloniser l’intérieur gnarde. Les botanistes ont plus l’ha- telles et crocus, plus rarement la fri- de massifs forestiers en profitant des bitude de prospecter au printemps tillaire, l’ornithogale des Pyrénées et « trous de lumière » créés par la mise les corniches calcaires des premiers l’ail des ours ou l’isopyre comme à en place des layons. plateaux jurassiens que de pourchas- Présilly (J.-F. Prost, com. pers.). Elle ser les stations de crocus et autres s’aventure encore largement à l’in- Au-dessus de 1 000 m d’altitude, sur plantes vernales de la montagne térieur des villages comme sur le les zones d’alpage, la gagée jaune jurassienne… plateau de Mignovillard--du- fréquente les pourtours des cha- Suite à cette opération, les limites -39. Elle peut même coloni- lets et apprécie l’ombre des éra- altitudinales connues de l’espèce ser partiellement le potager de cer- bles sycomores pluricentenaires qui

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Tab. III : données actuelles, SBFC-2002. En gras, les stations nouvelles par rapport à l’Atlas des plantes rares ou proté- gées de Franche-Comté, 2000. * : stations revues en 2002. ** : stations non revues en 2002.

Doubs Nb. Jura Nb. Territoire de Belfort Nb. stations stations stations Arçon 4 Andelot-en-Montagne * 1 Chaux * 1 Bonnevaux 1 Aresches * 1 Lepuix (chaumes du Wisgrut) 1 Bretonvillers 1 Beffia 1 Rougegoutte 1 4 Bief-du-Fourg 3 Sermamagny 1 Cernay-l’Eglise 1 Bornay 1 Total : 8 Consolation-Maisonnettes 3 Censeau 1 Dompierre-les-Tilleuls 1 Communailles-en-Montagne 3 Evillers 1 Cressia * 1 Feule 1 Dournon 1 2 La Favière ** 1 Fournet-Luisans 1 Lemuy * 3 1 Loisia 1 Fuans 1 Longcochon 2 Gilley1 1 Loulle ** 1 Grand’Combe-Châteleu2 1 Mignovillard (dont 4 Froidefontaine, Essavilly) Guyans- 2 Molpré 10 Les Hôpitaux-Neufs 2 Moutonne 1 observations antérieures à Les Hôpitaux-Vieux 7 Nozeroy ** 1 1980 Les Hôpitaux-Vieux (La 1 Présilly * 1 observations Béridole) postérieures à 1980 inclus La Chaux 5 Rix 1 La Cluse-et-Mijoux 4 Saint-Lupicin 1 Fig. 2 : stations connues de Gagea 1 Salins (Pont d’Héry) 1 lutea fin 2002. 2 Villeneuve d’Amont 1 6 Total : 42 1 4 Position phytosociologique Menaces Maiche 1 des stations de Gagea lutea Les principales menaces pesant sur Maisons-du-Bois-Lièvremont 5 Floriane Paulin dans son mémoire cette espèce sont les changements Montbenoît 5 de maîtrise aboutit aux conclusions des pratiques agricoles : Montécheroux 2 suivantes. - arrachage des haies ; 4 Deux types d’associations sont pri- - utilisation d’engrais chimiques, de vilégiés : désherbants ; Orchamps-Vennes 1 • les associations de la classe - abandon du pâturage, de la prati- Ouhans * 1 H*Anemono nemorosae-Carice- que de l’estive ; Pierrefontaine-les-Varans 1 tea sylvaticae (Julve et al., 1997) ; - mise en culture de prairies natu- Rosureux * 1 plus spécialement les associa- relles. Sainte-Colombe 4 tions H*Leucojo verni-Scilletum La Sommette 1 bifoliae corydalidetosum solidae L’élargissement des chemins, Thiébouhans 1 Gillet 86 et H*Leucojo verni- comme nous avons pu encore le Vennes 4 Scilletum bifoliae corydalideto- constater en 2002, le broyage des Ville-du-Pont 3 sum cavae Gillet 86 ; talus de route font disparaître éga- Villers-Chief 1 • les associations de la classe lement cette liliacée. Des mesures Total : 94 H*Galio aparine-Urticetea dioi- agri-environnementales contractuel- cae (Julve et al., 1997) et plus les visant la préservation des haies et les entourent. Elle s’aventure cette particulièrement H*Sileno dioi- une exploitation extensive des par- fois beaucoup plus facilement en cae-Urticetum dioicae Gillet in cours d’estive permettraient une sau- pleine lumière. Gallandat et al. vegarde durable de l’espèce.

1Station correspondant certainement à une station localisée sur la commune de « La Chaux ». 2Station correspondant certainement à une station localisée sur la commune « Les Gras », lieu-dit « Nid-du-Fol ».

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Perspectives Bibliographie Parisot C.-L. et PourChot L., 1892. Notice sur la flore des environs de BaBey C.-M.-P., 1845. La flore jurassique, Belfort, extrait des mémoires de la Cette opération sera reconduite en 2 vol., Paris, Audot Libraire-éditeur, Société d’émulation, Belfort, 111 p. 2003 avec l’objectif d’avoir encore 523 p. et 532 p. plus de correspondants locaux. Des Prost j.-F., 2000. Catalogue des plantes Contejean C.-L., 1854. Énumération zones importantes, comme les pla- vasculaires de la chaîne jurassienne, des plantes vasculaires des environs Lyon, édition Société linnéenne de teaux de la partie Nord du départe- de Montbéliard, Besançon, Imprimerie Lyon, 428 p. ment du Doubs et toute la partie Sud d’Outhenin-Chalandre fils, 247 p. du département du Jura, abritent très oLiVier L., GaLLand j.-P., Maurin h. et certainement de nombreuses stations Ferrez y., Prost j.-F., andré M., Carteron roux j.-P., 1995. Livre rouge de la M., MiLLet P., et VadaM j.-C., 2001. inédites de gagée jaune. Les Vosges flore menacée de , t.1 : Espèces Atlas des plantes rares ou protégées prioritaires, Paris, Muséum national haut-saônoises sont également sus- de Franche-Comté, Besançon, société d’histoire naturelle, 486 p. ceptibles d’abriter la première sta- d’horticulture du Doubs et des amis du tion pour le département. Quant jardin botanique / Turriers, Naturalia renaud F. et LaLoy d., 1873. Aperçu au Territoire-de-Belfort, la chorolo- Publications, 312 p. (707 cartes, 420 phytostatique sur le département gie de l’espèce n’a pas encore été illustrations couleur, 12 tableaux). de la Haute-Saône, Bull. de la Société d’Agriculture, sciences et modifiée depuis la parution de l’At- Godet Ch.-h., 1852. Flore du Jura, arts du département de la Haute- las des plantes rares ou protégées de Neuchâtel, Librairie de J.-P Michaud, Saône, 3e série, n°4, p. 313-706 + Franche-Comté. 872 p. suppléments.

Grenier Ch., 1865-1869. Flore de la chaîne jurassique. Mém. Soc. Emul. Liste des personnes ayant Doubs, série 3, 10 [1865] : [1]-346 p. ; fourni des observations [1869] : 347-1001, Besançon. Réédité André M., Berger E., Betinelli L., (1875) en un vol. Blanchard O., Carteron M., Chaillet P., Maire r., 1898-1906. Contributions à Cremille J., Esseiva N., Ferrez l’étude de la flore de la Haute-Saône. Y., Frund C., Marguet J., Millet P., Plantes vasculaires, fasc. II à VII, Bull. de Moingeon J.-M., Moyne G., Paulin la Société Grayloise d’Emulation. F., Pelletier C., Petit D., Petit F., Prost J.-F., Roverreto P., Thiery F., MiChaLet e., 1864. Histoire naturelle du Jura et des départements voisins, Paris, Vadam J.-C. éd. Masson, t.II : Botanique, 397 p.

8 Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne, 1 - Société Botanique de Franche-Comté

Programme Gagea lutea (L.) Ker-Gawler Max André Une station typique : fond de combe, ourlet frais bordant une haie de noi- setier et de frêne, en compagnie de Scilla bifolia, Ornithogalum pyrenai- cum, Adoxa moschatelina, Corydalis solida… Max André Gagea lutea (L.) Ker-Gawler. Max André Une autre situation en milieu urbanisé.

La redécouverte de la laîche en touffe (Carex cespitosa L.) dans le canton de Neuchâtel, fruit d’une collaboration franco-suisse. Max André Carex cespitosa, touradons. Les gaines basilaires brun-rouge et non carénées permettent de distin- Inflorescence ; les utricu- guer Carex cespitosa de C. elata. les possèdent 2 stigmates comme Carex elata. Max André Max André

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