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Compte rendu Raid SLAT Samedi 23 Mars au Samedi 31 mars 2019

Haute Route Royale Pyrénéenne Raid Posets – Aneto

Participants: Frédéric (Bort) - Alexandre (Martellozzo) - Olivier (Laverdan) - Thomas (Badia) - Cyril (Montobbio) – Francis (Druilhe) – François (Pfindel)

Prologue

Le choix de la destination s’est porté sur le des Posets et de l’Aneto. Une très belle zone de haute montagne pyrénéenne, où l’on trouve les plus grands des Pyrénées (et c’est pas peut dire), des zones sauvages et engagées, et plein de sommets mythiques (pour les Pyrénées). Nous avons concocté un superbe parcours au grand large, avec des longues étapes, dont certaines avec des passages techniques où il faudra mettre plusieurs fois les skis sur le sac, les crampons aux pieds et le piolet à la main. Nous traverserons le massif des Posets et du Perdiguere, puis nous ferons une boucle autour de l’Aneto, avec en apothéose son ascension : une sorte de Haute Route Royale Pyrénéenne.

Ce raid est donc destiné aux skieurs randonneurs expérimentés, ayant le pied montagnard, dotés d’une bonne condition physique et ne craignant pas de faire une ou deux étapes qui pourront être de 7 à 8 heures avec un dénivelé positif qui pourra dépasser 1500 mètres. Nous serons donc 7 skieurs, que l’on peut classer en 3 catégories : • 60 – 70kg : Fred, Alex, Olivier, Thomas et Francis • >70kg : Cyril • >> 80kg : Francois

Voilà pour le plan ! Mais la suite de l’histoire va nous montrer que les sirènes de la haute montagne restent les maîtresses et peuvent fortement influencer la motivation des encadrants.

J1: Toulouse – Ref. Angel Orus Où l’on monte au Refuge d’Angel Orus, en short & Tshirt & basket en pensant à notre 1er bière.

Départ de Toulouse vers 8h du matin pour une longue route vers Eristé. La montagne est désespérément sèche en cette fin mars. Il fait beau et chaud depuis environ 3 semaines, et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Nous manquerons certes d’un poil de neige, mais au moins on ne se pose pas trop de questions nivologies…ce qui nous arrange quand même pour ce raid sportif…mais confortable. Nous serons en refuges gardés pour l’ensemble du raid, ce qui a un impact non négligeable sur le poids des sac à dos. Et comme notre point de départ n’est pas le même que celui d’arrivée, nous devons faire une dépose voiture. Et il se trouve que notre parcours à le bon gout de passer par le point d’arrivée pour la 4e nuit… un autre impact non négligeable sur poids des sacs à dos.

Tout le monde a donc peaufiné son sac à dos. Cependant le volume et le poids du sac varient selon les différents énergumènes : - d’aucuns décident de ne rien prendre à manger, sauf quelques barres de céréales et comptent sur les bocadillos préparés par les refuges pour le repas du midi. - d’autres prennent quand même des rations de jambon, fromage, graines pour assurer le coup. - les plus extrêmes ne prennent ni nourritures, ni fringues de rechanges, ni change pour la nuit. Chacun aura cependant gagné à observer les autres pour enrichir son expérience et son sac pour la 2e partie du raid.

Nous arrivons au parking-départ pour le refuge d’Eristé vers midi. Fred et Francis font la manœuvre pour déposer une voiture à l’Hospital de puis reviennent au départ d’Angel Orus. Il fait beau et chaud, mais le secteur manque cruellement de neige. L’ARVA reste dans le sac, ainsi que les pantalons de ski, doudoune, gants et tout le bazar. On part en baskets et en short, avec tout notre barda sur le dos. Le ton est donné d’entrée de jeu : on va porter, et on ne va pas trainer. Les maigrichons imposent un train d’enfer et je réussis à me faire distancer de 15min en 4km….je me dis que la semaine va être longue, et que je n’aurai pas dû faire ces foutus calculs sur les rapports Poids/Puissance, sur l’énergie à fournir pour gravir les montagnes et que je ferais mieux de penser à la bière qui m’attend.

Nous arrivons un peu avant 16h au refuge d’Angel Orus (2100m). La réputation du refuge n’étant plus à faire, nous espérons tomber sur la bonne semaine…c’est-à-dire sur le « bon » gardien. La différence entre le bon et le mauvais ne se faisant pas sur grand-chose, un peu comme le chasseur, alors autant tomber sur le bon. La chance nous sourit ! Nous tombons sur le bon !

Luxe ultime de ce refuge, il y a des douches et de l’eau chaude. Nous prenons tous la douche, sauf Francis qui nous explique « qu’on ne vient pas en montagne pour prendre la douche, sinon on peut rester à Toulouse ». Vous me direz, vu la taille de son sac (30+10) avec la corde dedans et rien qui ne dépasse, il a bien dû rogner sur quelque chose. Le savon sans doute ?

Bilan journée : D+ = 600m portage // D- = 0m // dst = 4km // t.b.b = 1h30 à 1h45

J2: Ref. Angel Orus – Posets (3375m) – Ref. Estos Des dépôts de matériels que firent les skieurs, de la course aux 3000 qui commence et de la longue traversée vers le refuge d’Estos

Départ vers 7h du refuge. On s’échauffe en portant les skis et en partant doucement….ca y est, je cours à nouveau derrière. On porte les skis pendant 400 mètres de dénivelé, puis on met enfin les skis sous les pieds vers 2500m d’altitude. A 500m près, ça ne servait à rien de les apporter et nous aurions pu faire comme la cohorte d’espagnols éparpillés dans la montagne et tout faire avec les crampons. Nous aurions gagné quelques kilogrammes. Mais nous avons un plan pour gagner ces quelques kilo ! les dépôts de matériels : - 1er dépôt au pied du Canal fonda vers 2800m : Nous nous délestons de la nourriture et des fringues de rechanges… - 2e dépôt au sommet du canal vers 3000m : Nous nous délestons des skis. - 3e dépôt vers 3200m : Nous nous délestons des sacs à dos et des crampons. L’arête finale est désespérément sèche. On ne va pas monter le matos pour le plaisir non plus.

Les petits poucets que nous sommes arrivons vers 11h au Pic des Posets (3375m), pic qui domine puissamment de 1800m les vallées d’Eristé, Viados et Estos. Cyril est au sommet de son 1er 3000 pyrénéen. Profite et regarde autour de toi ! Tu veux que je te raconte les Pyrénées ? Y en a partout, du Montcalm au Balaïtous en passant par les monts Maudits – l’Albe, la et l’Aneto – et le mont Perdu, le Coteilla et le Turbon qui fument de luminosité, la Couronne des 3000m du Luchonnais que l’on observe que trop peu souvent par ce versant S qui est bien sec en cette fin Mars, la fantastique dent de Lladaneta toute proche. Partout je te dis ! Partout jusqu’aux empilements de sierra qui marquent le début de la plaine, là-bas au Sud.

Cet instant hors du temps ne pouvant durer indéfiniment, nous redescendons au dépôt N°3, puis nous faisons un nouveau dépôt une 50aine de mètre plus haut que le dépôt N°2, afin justement de récupérer les skis du dépôt N°2 pour les remonter au dépôt N°4. Je pourrais vous raconter une conquête himalayenne que vous n’y verriez que du feu avec tous les dépôts que nous avons fait. Nous avons fait cette petite manip pour aller chercher la fameuse contre pente Sud-ouest qui nous avait fait un mauvais tour lors de la TPS : pas de risque d’avalanche cette fois-ci, mais une belle neige de printemps. Nous arrivons après ces 1er virages de ski au dépôt N°1. Nous faisons une petite pause repas dans la fournaise.

On attaque par la large brèche à la cote 2841m (juste au Nord de la Tuca Alta). Au passage de la brèche, Francis et Cyril se font une petite frayeur au moment rechausser les skis. C’est alors que Francis nous propose le sujet de philo du BAC 2019 : « Faut-il mieux faire un truc merdique dans un terrain foireux, ou un truc foireux dans un terrain merdique ? » Même pas sûr que les Russell, Packe, Gourdon, Lassus, Ollivier et le club des Isards aient une réponse à cette question digne d’Audiard. Nous poursuivons par une traversée ascendante sous le cagnard nous amenant au col de Paul (3035m), et nous en profitons pour gravir le Pic Inférieur de La Paul (3075m).

Nous descendons ensuite dans vallon Nord jusqu’à ~2620m, puis nous recollons les peaux pour la 3e fois pour remonter au Pic Royo de la Paul. Thomas fait la trace, trace qui se relève de plus en plus et qui finit même par un joli petit parcours arête jusqu’au Pic Royo (2832m).

La journée est presque finie, et plusieurs stimuli viennent chatouiller nos centres de motivation : - la belle descente du Pic Royo, qui passe par le Col de Gisthain et qui se prolonge jusque vers 1900m. Il nous reste alors 30 minutes de marche pour rejoindre le refuge. - la bière fraiche dont il aura beaucoup été question sur cette dernière descente, nos réserves d’eau étant épuisées depuis longtemps.

Nous arrivons au refuge d’Estos (1900m) vers 16h30. Nous pouvons enfin étancher notre si belle soif avec cette fameuse 1er gorgée de bière : on la boit tout de suite, ni trop ni trop peu, le bien-être immédiat ponctué par un soupir, la sensation trompeuse d'un plaisir qui s'ouvre à l'infini... En même temps, on sait déjà tout. Tout le meilleur est pris.

Bilan journée : D+ = 1900m // D- = 2000m // dst = 23.5km // t.b.b = 9h30 J3: Collet de Montidiego (2647m) De la journée de repos qui fut accordée aux Pyreneus-Primatus et de la belle expérience au refuge d’Estos qu’ils vécurent.

Aujourd’hui sera une journée plus cool, pour nous remettre de la veille et pour nous préparer à la grosse traversée de demain.

On s’accorde une grâce matinée et on démarre vers 8h, sous le soleil et le ciel bleu. Environ 4h plus tard nous arrivons au Collet de Montidiego non sans avoir fait notre lot de manip quotidienne : nous avons mis deux fois les crampons : - la première fois vers 2050m dans une pente raide et dure avant atteindre le bon replat côté 2150 (Pleta de Bardamina), - une deuxième fois pour les 100 derniers mètres avant d’atteindre le collet. L’itinéraire est magnifique : il s’agit d’un très beau cheminement dans les vallons supérieurs entourés de belles parois…mais je ressens la fatigue de la vieille et j’ai l’impression d’être scotché sur place. Thomas partage cette impression.

Nous nous arrêtons au Collet de Montidiego (2647m) sans même essayer de gravir le sommet éponyme. Francis et Olivier sont partis en éclaireur, et nous les attendons au col, à lézarder et à l’abri du vent. En bon encadrants bien organisés que nous sommes, nous avions bien évidemment les talkie-walkies, ce petit instrument permettant de transmettre des sons à distance, sans être obligé de se casser la voix à hurler pour savoir ce que fiche l’autre. Tu parles ! le talkie de Francis était dans son sac, qui lui était à côté de moi ! Fred part alors voir ce qu’ils font….mais tu crois que j’aurai pensé à lui filer ce fichu talkie….et ben non ! Le plus sage étant encore d’attendre au soleil, nous nous accordons une pause en attendant le retour des 3 échappés. Faudrait pas risquer le claquage en cette journée de récupération active.

Les 3 échappés finissent évidemment par revenir. Nous pouvons enfin attaquer la descente. Nous redescendons par le même itinéraire où nous nous arrêtons pour observer des traces de pattes qui ressemblent furieusement à des traces d’ours (le plantigrade, pas les homo sapiens…).

Cyril et moi remontons environ 150m avec les crampons, au-dessus de la Pleta de Bardamina, pour atteindre le point haut d’un beau couloir, qui plonge jusqu’au torrent. Nous sommes de retour au refuge entre 13 et 14h. Autant la réputation du Refuge d’Angel Orus était déjà faite, celle d’Estos ne devait finalement qui suivre. C’est un refuge des plus classiques : - Au rez-de-chaussée, il y a le sas exigu où l’on pose ses affaires, puis un réfectoire comprenant quelques tables, un poêle au milieu de la pièce avec à coté une petite réserve de bois, quelques vieux magazines et enfin l’accueil et la cuisine du gardien. - A l’étage, il y a plusieurs grands dortoirs : les dortoirs sont assez froids, d’où la promiscuité des couches….on compte sur la chaleur humaine et les couvertures pour réchauffer la pièce. - Pour les toilettes, il faudra aller à l’extérieur dans une petite bâtisse assez sommaire: des toilettes à la turque, et une porte qui laisse passer tous les courants d’air.

Ce lieu de repos est tenu ce soir par Chavi, un gardien bougon, pas des plus sympathique mais pas méchant non plus, plutôt flemmard voir légèrement pingre: le service n’est pas nécessairement la priorité du personnel. La nourriture, qui fait toute l’appréciation d’un refuge est ici frugale…voire abstinente. Le service est quant à lui aléatoire… voire inexistant ! C’est toi qui va chercher au comptoir de la cuisine ta louche de soupe, ton assiette de boulettes et ton yaourt chimique ! Cyril et Fred attendent toujours les féculents.

Quant à la nuit passée, nous avons eu droit à une synthèse de ce qui se fait de mieux dans les refuges : - Un orchestre polyphonique de nuit, composé de ténors de la glotte et les barytons du cul. Pour les ténors, on a beau siffler à la louis de Funès, rien n’y fait. Le ronfleur continue à ronfler et à écraser, le siffleur à siffler et à s’exciter…le ronfleur, beau joueur, nous avouera quand même qu’il a bien dormi. Les barytons, eux, prétextent l’équilibrage des pressions. On se protège des ténors avec les boules Quiés, pour les barytons, c’est plus compliqué. - Les mauvaises odeurs dues aux efforts de la journée, aux barytons de la nuit et au manque de déodorant que l’on a laissé à la voiture sous prétexte de gramme économisé dans le sac.

Bref, si on dort d’une traite, que personne ne ronfle et que ça ne sent pas l’effort, alors ce n’est pas une vraie nuit en refuge. C’était une vraie nuit en refuge ! Et Chavi est le gardien de ce joyeux bordel !

Bilan journée : D+ = 1000m // D- = 1000m // dst = 14.5km // t.b.b = 5h30

J4: Ref. Estos – Port d’Oo – Port sup de literole – Tuca de literole – Hosp. Benasque De la splendide traversée entreprise par nos skieurs, des 1eres manip d’alpinismes qu’ils subirent et de la fantastique descente qu’ils découvrirent

Réveil 5h15. Nous avalons notre frugal petit déjeuner où Chavi nous sert, un à un, notre eau chaude au café, puis nos bocadillos pour la journée : deux tranches de pain sec, avec 4 ridicules bout de Jambon Iberico…la journée va être longue, mais heureusement que nous avons des barres « énergétiques »….des trucs immangeables qui donnent surtout de l’énergie pour rejoindre le point d’arrivée le plus rapidement possible.

Nous partons vers 6h15 pour une longue journée qui s’annonce grandiose, toujours sous le soleil et le ciel bleu, mais avec un peu de vent. Comme les journées précédentes, nous avons droit à notre lot de manip quotidienne : 1- Basket : On part en direction du Port d’Oô, les baskets aux pieds, avec tout le barda sur sac. 2- Crampons : 250m plus haut, nous troquons les baskets pour les crampons. Nous atteignons des langues de neige dure, avec des passages raides et exposés. Nous allons finir les 750m d’ascensions en crampons….et pour changer, je cours derrière le groupe. Je me demande bien pourquoi les alpinistes sont maigres…c’est certes optimisé pour la montée, mais enfin, c’est quand même un choix surprenant quand on sait que les principales causes de mort en montagne sont le froid, le vent, le dévissage, la faim et les chutes en crevasses. 3- Escalade : On atteint le Port d’Oô (2908m) vers 10h, et nous perdons une heure à trouver le bon passage - il est franchement à gauche du cairn, pas loin du Jean Arlaud. Francis part en éclaireur, et nous refaisons le coup des talkies-walkies, mais on ne nous y reprendra plus. Nous traversons une pente de neige raide, puis nous posons une main courante pour un court passage escalade facile – mais impressionnant pour les moins habitués - pour atteindre le col et la . Je crois bien qu’aucun des bocadillos de Chavi n’aura atteint la France… 4- Crampons : Nous descendons une pente raide pour arriver versant français. 5- Ski avec peaux : nous remontons au Pluviomètre (2929m, 12h). Ici aussi Francis nous raconte les Pyrénées et finit par s’étouffer à nommer la couronne de 3000 qui nous entoure : Spigeole, Gourdon, Gourg Blanc, Seuil de la Baque, pic d’Oô, Perdiguere, Crabioules, Lezat, Querat,….le coin est vraiment exceptionnel, et requiert quand même des conditions bien stables pour aller y trainer ses skis, ce qui n’est pas un problème en ce moment.

6- Ski descente : nous faisons enfin notre 1er descente de la journée vers le lac du Portillon (2600m), dans une excellente neige froide, conservée par le frigo qu’est le cirque du Portillon. 7- Ski avec peaux : nous remontons au col sup de Literole (3049m) que nous atteignons vers 13h30. Le vent forcit, avantage au gros… 8- Pieds : la route vers le Perdiguere nous semble engagée pour notre groupe de 7. On va gravir le Tuca Literola (3097m), mais ne le dites pas à Francis…il est persuadé d’avoir gravi le Pic Royo ! 9- Ski descente : nous repartons vers l’Espagne et nous descendons vers l’Ibon Blanco de Literola (2740m) sur une neige tôlée et encore gelée…le soleil n’aura pas vaincu le vent froid…pas de dégel et de neige printanière. Nous profitons de la vue atypique sur le Perdiguere-Crabioules-Maupas- Boum. 10- Ski avec peaux (3x) : une courte remontée (80 mètres) au portal de Remuñe (2820m). 11- Ski descente : la caviar de la journée ! Une descente grandiose dans le Vallon de Remuñe jusqu’à environ 1900m. Nous contournons par le Sud le système des barres supérieures du cirque de Remune, puis nous plongeons dans le fond du vallon et dans le superbe canyon encaissé par de hautes murailles et suivant le lit d’un torrent.

12- Crampons : un léger problème de routage à la fin de la descente nous amène sur un cheminement foireux en rive droite du torrent. On remet les crampons et on ressort la corde. 13- Pieds : une fois la route atteinte vers 16h, il nous reste 30 minutes de marche pour rejoindre l’Hospital de Benasque (1750m). A 50m près, nous devions faire un rappel pour prendre pieds sur la route. Sans doute une des plus belles journée de montagne que nous avons eu l’occasion de passer dans les Pyrénées.

Nous arrivons enfin à L’hospice de Benasque où nous retrouvons la voiture, nos fringues de rechanges, les vivres de course pour la seconde partie du raid, et du réseau pour filer un coup de fils à nos femmes. Nous en profitons pour recharger nos batteries dans cet établissement touristique tout confort : - Une douche chaude pour tout le monde…oui oui !! tout le monde ! - Des fringues propres pour la suite du raid - Des bières en pression et pas en canette, et un vrai repas avec entrée-plat-dessert. - Des sacs rechargés de vivre de course, mais allégés des baskets, short et même des fringues de rechanges. J’applique la technique Francis, à ceci près que j’ai quand même un change pour la nuit.

Bilan journée : D+ = 2000m // D- = 2000m // dst = 25.5km // t.b.b = 11h

J5: Hosp. Benasque – Ref. Rencluse De la prétendue journée de transition transformée en course aux 3000m par un des encadrant

Nous nous accordons une petite grasse matinée pour cette journée de transition : on déjeune à 8h00 et on démarre à 9h00. Ici, le petit dej n’a rien à voir avec celui des refuges: pas de biscottes qui craquent et cassent, pas de confitures de fraises industrielles et pas d’eau chaude au café. Nous avons le droit à un vrai petit dej continental.

Première étape de la journée : la Rencluse On monte au refuge en 1h30. Les avions de chasses sont en formes, je cours derrière. Nous faisons un dépôt des fringues et de nourritures au refuge pour alléger les sacs.

Deuxième étape : le Pic Cordier Le coin doit avoir un effet bénéfique sur moi. Je fais le rythme, régulier, sans à coup, et en 2h, nous avalons les 1000m de dénivelé qui nous séparent de la rampe finale du Pic Cordier. Francis pose une main courante dans une rampe de neige/glace inclinée, puis nous prenons pieds dans le cirque final, avec encore une courte pente raide, bien tracée, et nous filons tous au sommet du Pic Cordier (3263m). La descente se fait sur des œufs pour les moins habitués, mais ça nous permet d’entrainer tout le monde avant le grand final.

Troisième étape : le Bonus Les sirènes de la Maladeta m’attirent. J’expose mon plan au groupe. La Maladeta est là, juste à côté, alors autant voir à quoi ressemble le couloir d’accès. Francis et Fred redescendent à la Rencluse, tandis qu’Alex, Cyril et Thomas me suivent. 15min plus tard, nous sommes au pied du couloir : bingo ! Il est en super condition, et est bien marqué par le passage répété des alpinistes. Je pose une main courante, mais les marches sont tellement marquées qu’elle ne sert à rien. 45min plus tard, nous sommes au sommet de la Maladata (3308m) et nous jouissons d’une splendide vue sur l’Aneto, le Cordier qui est à côté, les Posets et le Perdiguere d’où nous venons, et le Pic Abadia, juste à côté, à portée immédiate de crampons…mais nous ignorons son nom et décidons donc de ne pas y aller. Dommage pour Thomas. Un coup de Talkie pour prévenir Francis que nous sommes arrivés, mais c’est la Guardia civile qui me répond…j’ai pas tout compris, peut-être qu’ils voulaient nous féliciter ! Allez savoir ! Nous profitons d’une belle descente, en bonne neige, de presque 1000m vers le refuge de la Rencluse que nous rejoignons vers 18h. Une belle journée de transition et sans portage !! Mais je crois que nos participants commencent à cerner les Pyreneus-Primatus en chef, et l’effet que les sirènes des 3000m ont sur eux.

Bilan journée : D+ = 1800m // D- = 1400m // dst = 17.4km // t.b.b = 8h

J6: Ref. Rencluse - Col Salenques – Ref. Cap de Llauset Une longue journée de transit sous le signe de l’Imodium, une tentative d’un autre 3000, et un refuge grand confort que découvrirent nos skieurs

Encore une très grande journée de ski de randonnée, dans un cadre hyper sauvage. Nous partons de la Rencluse vers 8h. Cyril n’est pas au mieux de sa forme : Imodium et Smecta sont de rigueur aujourd’hui. Nous reprenons les bonnes habitudes : du portage et des manip ! 1- Crampons : montée au collet Renclusa (2281m) au-dessus du refuge avec le barda sur le dos. La journée va être longue pour Cyril. 2- Ski descente : une 1ere descente au soleil pour se laisser porter vers l’idyllique Pla des Aigualluts. 3- Ski avec peaux : longue remontée du splendide Vallon des Barrancs pour accéder au col des Salenques. J’en profite pour faire une pause et d’admirer un beau couloir à ski donnant sur l’Ibon de Barrancs. Ça me permettra de reprendre mes bonnes habitudes et courir après le groupe. 4- Crampons : les 50m finaux se font en crampons, sauf pour Francis. Nous atteignons le col des Salenques (2809 m) vers midi. 5- Ski descente : la descente est un poil raide et en neige béton. Il fait beau, mais les températures sont en chutes libres depuis ce matin. On essaye de se protéger du vent, et on se fait une pause casse- croûte avant la remontée suivante. Cyril est au plus bas de sa forme, mais il tient quand même la route. 6- Ski avec peaux : nous remontons vers la Morrena Russell, puis notre envie de 3000m reprend le dessus. Nous partons vers le Pic Russel Oriental. Désolé Cyril ! Il n’est pas surpris pas notre envie d’aller voir si le sommet se fait… 7- Pieds : on fait un dépose de matos. Cyril en reste là. Nous continuons à pieds, mais vers 2950m, nous renonçons à monter plus haut. Ce n’est que du rocher. Nous perdrions trop de temps à aller au sommet et la route n’est pas encore terminée. 8- Ski descente : nous redescendons vers l’Estany Cap de la Vall (2667m). 9- Ski avec peaux (x3) : nous remontons vers le coll d’Estany Negré (2720m). 10- Crampons (x3): Un court passage en crampons pour franchir le coll. 11- Ski descente : la délivrance pour Cyril. Nous n’avons plus qu’à nous laisser descendre et nous atteignons enfin le refuge vers 16h.

Nous découvrons le nouveau refuge hyper moderne du Cap de Llauset. L’intérieur est tout en bois, les toilettes sont à l’intérieur et les douches sont chaudes (quand il fait beau). Nous prenons presque tous une douche. Nous changeons un poil nos plans : la météo prévue pour demain n’étant pas top, nous décidons de reporter d’une journée notre traversée vers l’Aneto, et nous prolongeons donc notre séjour au Cap de Llauset. Ca permettra peut-être à Cyril de se refaire une santé.

La journée de demain étant cool, nous terminons celle-ci par deux ou trois manip de corde, puis on en profite pour déguster un pichet de vino tinto rustico. Ici, ce n’est pas un raid où l’on boit, ici c’est un raid où l’on déguste.

Bilan journée : D+ = 1500m // D- = 1200m // dst = 19km // t.b.b = 8h

J7: Ref. Llauset - Pic des Tempêtes - Pic de Vallibierne – Ref. Llauset Où nos skieurs redécouvrirent qu’il ne fait pas toujours beau en montagne, mais qu’il est quand même possible de continuer la course aux 3000

A journée cool, départ cool. Nous quittons le confortable refuge et ses biscottes vers 8h pour reconnaitre le parcours du lendemain et essayer d’accrocher le Pic des Tempêtes à notre tableau de chasse. Pour la 1er fois de la semaine, le temps est nuageux, histoire de se rappeler qu’il ne fait pas toujours beau en montagne.

Première étape : les brèches Cyril va un peu mieux et impose un bon train jusqu’à col de Vallibierna (2732m). Une descente rapide vers l’Ibon Alta et nous voici au pieds de la brèche Soler i coll (2663m). Nous reprenons les bonnes habitudes, mettons les crampons aux pieds et les skis sur le sac. En arrivant à la brèche, nous voyons la splendide face S du pic des Tempêtes, puis le ciel se referme définitivement pour la journée.

Deuxième étape : le Pic des tempêtes Nous continuons un chouia avec les crampons, puis nous rechaussons les skis dans les grandes pentes du pic des tempêtes. Nous nous arrêtons vers 3100m à cause du jour blanc. Il n’y a aucun intérêt à continuer et à aller au sommet. Vini, nihil vidi, quasi vici ! Nous faisons donc demi-tour et redescendons la brèche Soler i Coll. Nous avons le droit à un court passage à ski en pente raide. Troisième étape : le bonus Les sirènes des 3000 continuent à m’appeler. Je propose le Vallibierne, là juste à côté, sur le chemin du retour du refuge ! Ce serait bien dommage de ne pas tenter notre chance, surtout que lui n’a pas la tête dans les nuages. Ils sont juste au-dessus. Cyril et Thomas préfèrent rentrer au refuge se reposer en prévision de la journée du lendemain. Nous sommes donc 5 pour tenter le Vallibierne. On re-peaute et on monte à la collada Plana de Batornas (2708m), puis nous quittons Thomas et Cyril en leur passant un talkie-walkie et nous enchainons la traversée et ascension du premier pic de Vallibierne. Fred nous montre ce que les avions de chasses sont capables de faire : une jolie accélération, des beaux mouvements bien fluides, on dirait qu’il court en montant, avec un sac à dos et des skis aux pieds. C’est beau, c’est fluide, c’est léger ! Olivier et Alex le suivent de près. Derrière, j’ai l’impression d’être un gros porteur, scotché à la montagne. La progression de Fred est stoppée par une plaque de neige bien dure…une petite chute, une petite glissade et il s’arrête net. Les 150 derniers mètres se font en crampons. Au sommet du Pic du Vallibierne (3058 m), la vue doit être splendide.…on reviendra pour passer par le fameux Pas du Cavalier et pour la vue.

Nous arrivons au refuge vers 15h où nous en profitons pour dévorer un frichti concocté par Martin, le gardien. Contrairement à Chavi, il cuisine – plutôt bien – et est généreux sur les quantités. Et je ne parle pas du repas du soir : pate et riz ! Nous allons avoir la super caisse pour demain.

Francis nous fait néanmoins part d’une inquiétude sur la propreté du lieu. Y aurait-il des puces de lit ? Non, non…il faut juste ne pas avoir peur de l’eau de la douche et ne pas hésiter à changer de fringues entre la jour et la nuit.

Bilan journée : D+ = 1550m // D- = 1550m // dst = 17km // t.b.b = 7h

J8: Ref. Llauset – Aneto (3404m) – Hosp. de Benasque De la journée royale que vécurent nos skieurs.

Il est cinq heure, LLauset s’éveille….LLauset s’éveille.

Le café coule dans les tasses Les biscottes se cassent Le ciel est encore noir Les montagnards sont sur le départ

Il est six heure, Llauset se lève….Llauset se lève. Départ à la frontale pour franchir 4 brèches et prendre pieds sur le des Barrancs. Nous optons pour démarrer en crampons avec les skis sur les sacs. Comme d’habitude, un départ rapide. Il va y avoir du sport, mais moi j’reste tranquille ! J’arrive 10min après les 1er…  Col de Vallieberna (2732m – 7h)

Même parcours que hier, et nous franchissons les 150m de montée raide en crampons.  Brèche de Soler I coll (2663m – 8h)

Une rapide descente et nous faisons une première courte pause au déversoir de l’Ibon de Llosas, sous le soleil, pour dévorer les Bocadillos de Martin. On remet les peaux et on attaque la montée de la brèche supérieure de Llosas. Cette montée se fait en plein soleil et nous bénéficions d’un paysage grandiose dans le cirque sud de l’Aneto, dominé par la célèbre arête des Tempêtes et la brèche éponyme. Vers 2700m nous nous échappons par la droite du vallon qui monte à la brèche inférieure de Llosas. Cette échappée nécessite que nous remettions les crampons sur un court passage un peu raide mais sans difficulté, pour atteindre les larges pentes supérieures du cirque, sous les arêtes en beau granit ciselé (la trilogie Argarot - Tchihatcheff - Franqueville) et nous atteignons la brèche ski aux pieds.  Brèche supérieure de Llosas (3060m – 10h)

Conformément aux informations obtenues par les montagnards qui sont passés par là récemment, la brèche de Llosas est déneigée du coté Coronas et nécessite donc un encordement de 30m pour la passer en toute sécurité. Francis mouline tout le monde. J’ouvre la voie pour découvrir la suite et sécuriser le point bas. Francis termine le passage en tirant le rappel (heureusement nous avions pris 2 brins de 30 mètres). L’ensemble de cette manœuvre nous prend bien 1h30 .. heureusement soleil et pas de vent. Ensuite rapide traversée pour les 200 derniers mètres jusqu’au Col de Coronas, où nous remettons les crampons (pour la 5e fois de cette journée … !!! ).  Col de Coronas (3208m – 12h)

En franchissant le col de Coronas, nous rejoignons la voie normale et sa cohorte de touriste montagnard. Nous ne serons pas seul au sommet de l’Aneto. Nous finissons le reste de la progression avec les crampons. On profite de ces dernières pentes comme d’une immersion en altitude, le regard étonné et le souffle coupé de ceux qui ne connaissaient pas, le bonheur d’être là et de se rapprocher de la cime des Pyrénées par-delà les perspectives fuyantes. On vient buter sur l’antécime ! Nous attendons sagement notre tour pour franchir le fameux pas de Mahomet qui par-dessus ces deux vides, protège le sommet, sa croix métallique et sa vierge noire. Le clin d’œil est cocasse en ces temps troubles, mais en indécrottable mécréant que nous sommes, nous franchissons le passage sans frémir, sans sortir la corde, sans prosternation, sans génuflexion. Une photo autour de et debout sur la croix, puis c’est l’heure de la redescende.  Aneto (3404m – 13h30) 1500m de descente en perspective pour atteindre les plats des Aigualluts. La neige n’est pas trop mauvaise et nous nous lâchons pour cette dernière descente, où nous trouvons même un petit couloir pour pimenter la chose. 45min plus tard, nous sommes en bas. Nous nous accordons une petite pause pour contempler une dernière fois l’Aneto, puis nous repartons vers l’Hospital de Benasque où nous nous tirons la bourre sur les pistes de ski de fond.

Bilan journée : D+ = 1500m // D- = 2150m // dst = 27.5km // t.b.b = 9h30

Epilogue

Fred et Francis effectuent la navette pour récupérer la voiture de Fred restée sur le parking du refuge d’Eristé, alors que nous attendons à l’Hospital avec quelques boissons houblonnées sur la table. Et pour finir, c’est le retour à Toulouse, avec une belle pause tapas à Vielha, et nous sommes sur le parking du TOAC vers 22h30.

En bref, nous venons d’effectuer un raid Pyrénéen grandiose, voire royal .. avec une belle immersion en altitude, moult sommets de plus de 3000 (7), des passages super sauvages (Cirque du Portillon - Vallon de Remuñe - traversée sur Cap de Llauset), des conditions hyper stables, quelques manipulations et quelques portages, une équipe physiquement homogène et avec un bon niveau. Equipe qui nous fera quand même remarquer que nous avions vendu notre Raid avec une ou deux étapes de 8h et plus de 1500m de dénivelé…

Au final, si on exclut le 1er jour, nous avons fait en moyenne des sorties de 8h40 et 1600m de deniv par jour… On vous avait prévenu, les sirènes des 3000 et la haute montagne ont quelques effets secondaires sur les capacités cognitives et de motivations des encadrants.

On peut ainsi réaliser une Haute route Royale dans les Pyrénées, se faire plaisir et en prendre plein les yeux sans aller dans les Alpes…le tout pour un tarif modéré (480€ pour 7 nuitées, coût du transport inclus).

Francis et Frantz.