LES Procèseverbaux DE L'agence INTERNATIONALE DES
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LES PROCÈS-VERBAUX DE L’AGENCE INTERNATIONALE DES PRISONNIERS DE GUERRE (AIPG) Comité international de la Croix-Rouge 19, avenue de la Paix 1202 Genève, Suisse T +41 22 734 60 01 F +41 22 733 20 57 Email: [email protected] www.cicr.org © CICR, octobre 2014 1 Les Procès-Verbaux de l’Agence internationale des Prisonniers de Guerre (AIPG) Édités et annotés par Daniel Palmieri 2 L'Agence internationale des prisonniers de guerre INTRODUCTION a. Naissance du CICR Au moment où éclate la Grande Guerre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est déjà une institution plus que cinquantenaire. Le CICR est en effet né en février 1863, lorsque cinq citoyens de Genève se réunissent pour discuter des propositions formulées par l'un d'entre eux, Henry Dunant (1828-1910),1 dans un ouvrage devenu célèbre. Le livre s'intitule un Souvenir de Solferino2 et il témoigne de l'expérience dramatique vécue par son auteur auprès des victimes de la célèbre bataille du 24 juin 1859. Arrivé par hasard sur les lieux après les combats, Dunant ne peut que constater l'abandon quasi-total dans lequel sont laissés les soldats blessés faute d'une bonne organisation des services de santé des armées. En parallèle, Dunant admire le dévouement de la population locale qui tente par des moyens de fortune de venir aide à ces infortunés, avec lesquels le Genevois passe plusieurs jours dans l'église de Castiglione delle Stiviere. Trois ans plus tard, Dunant pose sur le papier le récit de ce séjour traumatique et prend le soin de diffuser largement le livre – qui n'est d'ailleurs pas destiné à la vente – à ses connaissances à Genève, mais aussi de l'envoyer à différentes personnalités et cours européennes. Son témoignage sur la détresse des victimes de la guerre frappe les lecteurs. Il les émeut d'autant plus que les opinions publiques sont déjà troublées par la tournure qu'a prise la belligérance depuis le milieu des années 1850. La guerre de Crimée, puis la Guerre d'Italie et, plus tard la guerre civile américaine, se signalent en effet par le retour de batailles excessivement meurtrières que l'on n'avait plus connues depuis les guerres napoléoniennes. Les progrès que connaît l'armement aggravent encore ce phénomène. On redécouvre alors le caractère mortifère de la violence entre États, tout comme le sort peu enviable de ceux qui en sont victimes. L'insuffisance des secours qu'on peut leur apporter, comme l'incompétence de ceux qui en ont la charge, frappe aussi les esprits. Et l'on se plaît alors à mettre en exergue les gestes héroïques de quelques icônes de la charité (Florence Nightingale, la Grande-duchesse Pawlowna, Clara Barton) qui tentent de soulager les souffrances des blessés de guerre.3 L'ouvrage de Dunant s'inscrit donc pleinement dans les préoccupations de l'époque, ce qui explique d'ailleurs en large partie son succès auprès du public. Si ses lecteurs ont en majorité été sensibles au caractère émotionnel de sa narration, peu d'entre eux, étonnamment, se sont penchés sur les deux propositions plus concrètes qui figurent à la fin du Souvenir de Solferino. Dunant, en effet, ne s'arrête pas au simple compte-rendu de son expérience auprès des soldats blessés et agonisants à Castiglione. Il énonce aussi deux moyens d'éviter, tant se peut, à l'avenir la reproduction d'un tel désastre. Se basant certainement sur l'exemple de la population de Castiglione, le Genevois propose tout d'abord la création, déjà en temps de paix et dans chaque pays, de Sociétés de secours aux militaires blessés, composées de volontaires civils qui, en cas de guerre, viendraient épauler les services de santé nationaux. Une pareille proposition rompt d'avec ce qui se faisait jusqu'alors, car s’il n'était pas rare que des groupements de privés se constituent 1 Outre Dunant, les quatre autres fondateurs du CICR sont le juriste et philanthrope Gustave Moynier (1826- 1910), les médecins Louis Appia (1818-1898) et Théodore Maunoir (1806-1869), et le général Guillaume-Henri Dufour (1787-1875). 2 Le livre paraît en octobre 1862, à Genève. 3 Voir Daniel Palmieri, "Post Tenebras Lux. New Perspectives on the Foundation of the Red Cross", Wolfgang U. Eckart, Philipp Osten (Hg.), Schlachtschrecken, Konventionen. Das Rote Kreuz und die Erfindung der Menschlichkeit im Kriege, Freiburg, 2011, pp. 17-26. 3 lors d'un conflit armé pour apporter des secours, c'était toujours une fois que la guerre avait éclatée. Et ces associations disparaissaient au retour de la paix. Deuxièmement, Dunant propose que les gouvernements européens formulent un "principe international, conventionnel et sacré, lequel, une fois agréé et ratifié, servirait de base à des Sociétés de secours pour les blessés dans les divers pays de l'Europe".4 En d'autres termes, il demande que le statut et les principes de travail de ces Sociétés soient uniformisés, pérennisés et reconnus internationalement au travers d'un texte ratifié par les États. L'anticipation et la légitimation forment donc le socle des propositions du Dunant. Or, celles-ci vont immédiatement intéresser le président de la Société genevoise d'Utilité publique, Gustave Moynier (1826-1910), qui va chercher le moyen de les concrétiser. Pour ce faire, il réunit, le 17 février 1863, une commission de cinq membres – dont Dunant et lui-même – issus de la Société d'Utilité publique. Dès sa première séance, la Commission se constitue en un "Comité5 international et permanent". Le CICR était né.6 b. Les premiers pas du CICR Grâce au travail du Comité, et en particulier de son président Gustave Moynier,7 les deux propositions de Souvenir vont trouver une concrétisation. En octobre 1863, lors d'une Conférence internationale qu'il a convoquée à Genève, le CICR réussit à faire approuver par les représentants de seize États l'idée de constituer des comités nationaux de secours aux militaires blessés dont le personnel médical volontaire serait identifié par le port d'un brassard à croix rouge sur fond blanc. Et dès la fin de 1863, de tels comités commencent à se former, d'abord en Europe, puis dans le monde. Ces comités prendront au tournant des années 1870 le nom de Sociétés de la Croix-Rouge (ou du Croissant-Rouge, pour l'Empire ottoman). Contrairement à une idée courante, une fois créées, ces Croix-Rouge sont et resteront toujours indépendantes du CICR qui ne joue qu'un rôle d'intermédiaire entre elles, tout en les tenant informées de l'évolution de l'œuvre de la Croix-Rouge. Quant à l'idée d'un traité international, elle voit le jour le 24 août 1864 avec l'adoption par une Conférence diplomatique, convoquée par la Suisse, mais toujours à l'initiative du CICR qui a également proposé le texte à discuter, de la Convention pour l'amélioration de sort des blessés et des malades dans les armées en campagne (connue aussi sous le nom de 1ère Convention de Genève). Ce traité prévoit que les belligérants apporteront des soins aux blessés sans distinction de nationalité. Le personnel soignant et les établissements médicaux, ainsi que les ambulances seront, eux, considérés comme neutres par rapport aux combats. La Convention réaffirme aussi l'emploi de la croix rouge comme signe distinctif des hôpitaux de campagne. En moins de deux ans, le CICR réussit donc à mettre sur pied un système international, permanent et laïc8 de secours aux blessés militaires. Certes, le projet de créer des sociétés de volontaires n'est ni inédit, et d'autres avant Dunant avaient réfléchi aux moyens de 4 Un souvenir de Solferino, 1ère édition, p. 113. 5 Selon les contextes, la notion de Comité peut désigner l’institution dans son entier, mais aussi son organe décisionnel le plus élévé. Nous n’emploierons le terme de Comité que dans ce second sens. 6 Jusqu'en décembre 1875, l'institution porte le nom de Comité international de secours aux militaires blessés. L'appellation de Comité international de la Croix-Rouge est adoptée après cette date. Dans les procès-verbaux, il est souvent fait mention du Comité international (abbréviation CI) pour parler du CICR. 7 Le premier président du CICR est le général Guillaume- Henri Dufour. Il cède toutefois ce rôle à Gustave Moynier en mars 1864 pour endosser celui de président honoraire du Comité. 8 Malgré l'emploi de la croix (rouge) comme signe distinctif. La laïcité de l'institution va de pair avec l'universalité de l'œuvre qu'elle prône. Cela ne veut toutefois pas dire que le CICR est perçu comme une organisation laïque par l'extérieur. Ainsi la Bavière, l'Autriche et les États pontificaux refusent de participer à la Conférence diplomatique de 1864 à Genève, pour des raisons religieuses liées au caractère protestant tant du CICR que de la ville hôte; Pierre Boissier, Histoire du Comité international de la Croix-Rouge, tome 1, De Solferino à Tsoushima, Genève, 1978 (Paris, 1963), p. 154. 4 secourir les blessés de guerre.9 Mais le CICR seul arrive à donner une réalité à ce qui pouvait paraître jusque-là comme une utopie charitable. Car non seulement le CICR provoque la naissance de comités nationaux de secours, mais il leur permet aussi de trouver une reconnaissance politique grâce à l'adoption de la Convention de Genève pour laquelle il joue un rôle central, devenant en quelque sorte l'initiateur du droit international humanitaire moderne. Mieux, n'étant qu'une simple association de citoyens privés, originaires d'un État bien marginal sur l'échiquier international, le CICR parvient à parler d'égal à égal avec les gouvernements et réussit même à influer sur le droit des gens, en concrétisant pas à pas le processus d'élaboration d'un traité international, y compris lors de deux fora diplomatiques qu'il organise et dirige.10 La reconnaissance obtenue à la suite de ce travail ne peut que renforcer le prestige du CICR et lui donner une assise morale, voire politique sur la scène européenne.