VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON

Année 2011 - Thèse n°

LE CHAT DANS LA MUSIQUE CLASSIQUE

THESE

Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 15 décembre 2011 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

MARION Claire Née le 9 mars 1987 à Bourg-de-Péage (Drôme)

VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON

Année 2011 - Thèse n°

LE CHAT DANS LA MUSIQUE CLASSIQUE

THESE

Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 15 décembre 2011 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

MARION Claire Née le 9 mars 1987 à Bourg-de-Péage (Drôme)

2 Enseignants du Campus Vétérinaire de VetAgro Sup

3

4

Remerciements

A Monsieur le Professeur Mohamed SAOUD, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, Qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence de notre jury de thèse. Mes hommages respectueux

A Monsieur le Professeur Philippe BERNY, Professeur au Campus Vétérinaire de Lyon, Pour m’avoir fait l’honneur et le plaisir de diriger cette thèse, Pour sa gentillesse et son enthousiasme sans faille face à ce sujet qui me tenait à cœur. Sincères remerciements.

A Madame le Professeur Marie-Laure DELIGNETTE-MULLER, Professeur au Campus Vétérinaire de Lyon, Qui nous a fait l’honneur de participer à notre jury de thèse, Sincères remerciements.

5

6

« Il y a deux moyens d’oublier les tracas de la vie : la musique et les chats. »

Albert Schweitzer (1875 – 1965)

7

8 Table des matières

Enseignants du Campus Vétérinaire de VetAgro Sup ...... 3

Remerciements ...... 5

Table des matières ...... 9

Table des illustrations ...... 13

Introduction ...... 15

I. Le chat, un animal étroitement lié à la musique ...... 19 A. Le chat et la musique, une représentation artistique foisonnante ...... 19 1. Une alliance datant de l’Antiquité ...... 19 a) Dans la civilisation égyptienne ...... 19 b) Dans les autres civilisations antiques ...... 21 2. De nombreuses représentations au cours des siècles ...... 22 a) Un musicien… mais un animal avant tout ! ...... 22 b) Une métaphore des cultures et des peuples étrangers ...... 26 c) Un félin source d’amusements plaisants ...... 28 d) Le chat et la musique dans la publicité ...... 29

B. Une « matière première » musicale ...... 33 1. Utilisation de l’anatomie du chat ...... 33 a) Pour la fabrication de cordes ...... 33 b) Pour le revêtement d’instruments de musique ...... 34 c) Pour la forme d’instruments de musique ...... 35 2. Utilisation du cri du chat ...... 36 a) Les concerts de chats ...... 36 b) Les orgues de chats ...... 39 (1) Un cruel divertissement ...... 39 (2) Une curieuse thérapeutique ...... 41

C. Le miaulement du chat, une musique sujette à controverses ...... 43 1. Une musicalité décriée ...... 43 a) Un miaulement anti-musical ...... 43 b) Un véritable « charivari » ...... 44 2. Une concorde discordante ...... 44 3. Un plaidoyer face à l’ethnocentrisme occidental ...... 46 4. Un talent musical certain ...... 48

9 II. Le chat et les musiciens ...... 53 A. Un compagnon fidèle ...... 53 1. Des chanteurs ...... 53 2. Des instrumentistes ...... 54 a) Mademoiselle Dupuy (XVIIème siècle) ...... 54 b) Albert Schweitzer (1875 – 1965) ...... 55 c) Wanda Landowska (1879 – 1959) ...... 56 3. Des compositeurs ...... 57 a) Antonio Sacchini (1730 – 1786) ...... 57 b) E.T.A. Hoffmann (1776 – 1822) ...... 57 c) Alexandre Borodine (1833 – 1887) ...... 58 d) Maurice Ravel (1875 – 1937) ...... 59 e) (1901 – 1989) ...... 60

B. Un animal à l’origine d’œuvres musicales ...... 63 1. Une muse, véritable source d’inspiration pour les compositeurs ...... 63 a) , « Chanson du Chat » (1923) ...... 63 b) Henri Sauguet, « Six mélodies sur des poèmes symbolistes » (1938) ...... 65 2. Un compositeur malgré lui ...... 66 a) Domenico Scarlatti, La « Fugue du Chat » (1738) ...... 66 b) Frédéric Chopin, La « Valse du Chat » (1838) ...... 68 c) Zez Confrey, « Kitten on the keys » (1919) ...... 69

III. Symbolique du chat dans les œuvres musicales classiques ...... 73 A. Une imitation du cri et des attitudes de l’animal ...... 73 1. Par le chant ...... 73 a) Le miaulement du chat, un langage simpliste ...... 73 b) Un animal aux bas instincts ...... 74 (1) Jacques Offenbach, « La Chatte métamorphosée en femme » (1858) ...... 74 (2) Henri Sauguet, « La Chatte » (1927) ...... 75 c) Une parodie des comédies italiennes...... 77 2. Par les instruments ...... 78 a) Les cordes ...... 78 b) Les vents ...... 79 (1) Igor Stravinsky : « Berceuses du chat » (1916) ...... 79 (2) Maurice Ravel : « L’Enfant et les Sortilèges » (1919) ...... 80 (3) Serge Prokofiev : « Pierre et le Loup » (1936)...... 81 c) Tout l’orchestre ...... 82

B. Une évocation nostalgique de l’enfance ...... 83 1. Modeste Moussorgsky, le « Chat Matelot » (1872) ...... 83 2. Mortimer Wilson : « Funeral of a Calico Cat » (1911) ...... 85 3. et Guy Sacre, « Chat » (1956 et 1978) ...... 86

10 C. Une critique du genre humain ...... 88 1. Un symbole de calme et d’honnêteté ...... 88 a) Le chat, un synonyme de vie paisible et douce ...... 88 b) Le chat, une métaphore de l’homme bon ...... 89 2. Une raillerie de l’homme ...... 90 a) L’homme, un animal convoiteur ...... 90 b) Une société affectée et hypocrite ...... 91 c) Un espion sournois ...... 93

Conclusion ...... 94

Annexes ...... 95 Annexe 1 : Série de cartes postales du début du XXème siècle : les chats à l’Opéra ...... 95 Annexe 2 : Partition du « Trio des grotesques » (in Le Mariage Forcé – Marc-Antoine Charpentier, 1672) ...... 96

Glossaire ...... 98

Références bibliographiques ...... 101

Références discographiques ...... 108

11

12 Table des illustrations

- Table des figures :

Figure 1 : Sculpture de la Déesse Bastet tenant un sistre ...... 20 Figure 2 : Dessins de sistres ornés de chats ...... 20 Figure 3 : A Musical Gathering of Cats, tableau de Ferdinand Van Kessel (1648 – 1696) ..... 23 Figure 4 : Chats et concert de singes, tableau de David Téniers le Jeune, vers 1670 ...... 24 Figure 5 : Miserere – Vivace con rabbia, tableau de Marino, 1771 ...... 24 Figure 6 : Leonor Fini et chats devant « Miserere », photographie de Serge Lido, 1949 ...... 25 Figure 7 : Concert de singes avec chats et coq, tableau de Christophe Huet, vers 1730 ...... 26 Figure 8 : Singerie, tableau de Christophe Huet, 1735 ...... 27 Figure 9 : Symphonie des chats, encre sur papier de Moritz von Schwind, 1868 ...... 28 Figure 10 : Katzenmusik, dessin de Hans Georg Lussi, Freiburg, vers 1970 ...... 29 Figure 11 : Affiche du Cabaret du Chat Noir par Théodore-Alexandre Steinlen, 1896 ...... 30 Figure 12 : Publicité de la fin du XIXème siècle pour le savon « Le Chat »...... 30 Figure 13 : Publicité du XIXème siècle pour le papier « Grain de café » ...... 31 Figure 14 : Publicité du XIXème siècle pour le chocolat Guérin-Boutron ...... 31 Figure 15 : Publicité du XIXème siècle pour l’amidon Hoffmann ...... 31 Figure 16 : Publicité des années 1970 pour la nourriture pour chats « Ronron » ...... 32 Figure 17 : My Uncle !, dessin de George Cruikshank, vers 1850 ...... 34 Figure 18 : Photographie d’un Shamisen...... 34 Figure 19 : Photographie d’un instrument en forme de chat utilisé dans les offices religieuses japonaises ...... 35 Figure 20 : Académie de musiques en voix naturelles accompagnées d’instruments à vent et à corde, tableau anonyme, XVIIème siècle ...... 37 Figure 21 : La Musique des chats, photographie inversée d’un original en gravure sur bois, Anonyme, XVIIème siècle ...... 38 Figure 22 : Orgue de chats, dessin de Kircher, 1650 ...... 40 Figure 23 : Orgue de chats, dessin de Caspar Schott, 1674 ...... 41 Figure 24 : Estampe des années 1630 représentant un orgue à chats ...... 42 Figure 25 : Un concert sur les toits, tableau de Louis Leroy, 1842 ...... 45 Figure 26 : Mademoiselle Dupuy avec son chat, sur son lit de mort, écrivant son testament .. 54 Figure 27 : Photographie d’Albert Schweitzer et de son chat « Sizi », 1949 ...... 55 Figure 28 : Wanda Landowska, photographie de Philippe Halsman, 1944 ...... 56 Figure 29 : Photographie de Wanda Landowska et son chat ...... 56 Figure 30 : Couverture de la troisième édition allemande du Chat Murr, 1855 ...... 57 Figure 31 : Statue représentant Hoffmann et son chat, devant le théâtre E.T.A. Hoffmann, sur la Schillerplatz à Bamberg ...... 58 Figure 32 : Photographie de Maurice Ravel et de son chat « Mouni » à Montfort l’Amaury, 1929 ...... 59 Figure 33 : Photographie de Henri Sauguet et de l’un de ses chats ...... 60 Figure 34 : Photographie de Henri Sauguet et de l’un de ses chats, « Le capitaine Miriflore » ...... 61 Figure 35 : Photographie de Henri Sauguet tenant un jeune chat dans ses bras ...... 62 Figure 36 : Comparaison entre les partitions de la « Chanson du Chat » de Satie et la comptine populaire « Compère Guilleri »...... 64 Figure 37 : Couverture de la partition d’un arrangement de la Fugue du chat de Scarlatti par William Hutchins Callcott, 1871 ...... 66 Figure 38 : Partition illustrant le début de la « Fugue du Chat » de Domenico Scarlatti ...... 67 Figure 39 : La Valse du Chat de Chopin, aquarelle de Bernard Vercruyce, vers 1990 ...... 68 Figure 40 : Couverture de la partition de Kitten on the Keys de Zez Confrey, 1921 ...... 69

13 Figure 41 : Photographie prise lors d’une représentation du ballet « La Chatte » de Sauguet ; Gaia Straccamore et Mario Marozzi, Opéra de Rome ...... 76 Figure 42 : Extrait de la partition de la « Sonata Representativa » de Heinrich Ignaz Franz Biber : Die Katz (le chat) ...... 79 Figure 43 : Fin de la partition de « Funeral of a Calico Cat » de Mortimer Wilson ...... 85 Figure 44 : Photographie de Madeleine Milhaud avec le chat « Mitsou » ...... 86 Figure 45 : Photographie de et de son chat...... 87 Figure 46 : Pochette du CD de l’opéra « La Chatte anglaise » de ...... 92

- Table des tableaux :

Tableau 1 : comparaison entre les paroles de « Compère Guilleri » et de la « Chanson du Chat » ...... 6792

14 Introduction

Deux passions, particulièrement importantes à nos yeux, sont au centre du travail présenté ici. Une affection toute particulière pour les chats, animaux si mystérieux et fascinants, et un grand intérêt pour la musique classique, dont le charme et la beauté n’ont de cesse de nous émouvoir. L’idée n’est pas de fournir un travail purement musicologique et exhaustif, mais plutôt de détailler la place prise par l’animal dans l’art musical, qui découle directement de la complexité et de la diversité des relations homme/chat. Le chat a toujours fasciné les hommes, bien plus que d’autres animaux. Certes animal domestiqué depuis des millénaires, il n’en reste pas moins mystérieux, indépendant, source de questionnements et de débats. Sans doute cette dualité a-t-elle contribué à entretenir l’attrait des hommes pour les chats. Quant à la musique, elle a été bien souvent au cours des époques un domaine très important d’expression des peuples et des croyances : ce qui ne pouvait être dit était joué ou chanté. La musique a ainsi toujours eu une fonction de messagère, plus libre et plus audacieuse que les écrits. Etudier la présence du chat dans la musique classique, c’est ainsi étudier les rapports de l’homme à cet animal, mais aussi les rapports humains dans leur ensemble. En effet, à travers la musique classique, on ressent l’attachement profond de l’homme au chat, à cet animal domestique fidèle et rassurant, mais aussi envoûtant par son mystère. Parfois symbolique, la présence du chat sert aussi à transmettre certaines idées politiques ou ethnologiques, mises en lumière par des œuvres musicales. Dans une société où le nombre d’animaux de compagnie, et particulièrement de chats, ne cesse d’augmenter, il est important pour le vétérinaire de cerner au mieux les relations entre l’homme et l’animal ; car la médecine vétérinaire ne doit pas se cantonner à une médecine factuelle et sans prise en compte du facteur humain : elle doit s’inscrire dans un ensemble homme/animal/milieu pour être pertinente. Par ailleurs, un attachement à l’art chez un homme de science semble fondamental à une ouverture d’esprit sur le monde.

Dans une première partie, nous chercherons à étudier les liens entre le chat et le domaine musical, sans entrer dans une étude musicologique quelconque, mais en approchant tous les domaines où le chat et la musique ont été associés. Puis dans une deuxième partie, nous détaillerons les relations privilégiées entre les musiciens – compositeurs, chanteurs ou instrumentistes – et les félins, et comment leur présence a pu influencer le travail musical de leurs propriétaires. Enfin, dans une dernière partie, nous explorerons les différentes symboliques du chat dans les œuvres musicales classiques, en tentant d’expliquer le choix de sa présence en musique.

15

16

« Le plus petit des félins est une œuvre d’art. »

Léonard de Vinci (1452 – 1519)

17

18 I. Le chat, un animal étroitement lié à la musique

Afin d’étudier la présence du chat en musique classique, il convient tout d’abord de mettre en lumière tous les liens existant entre ce domaine artistique et le félin. Or les associations entre la musique et le chat sont multiples. Ainsi, une première partie illustrera comment le « chat musicien » a inspiré les artistes, et notamment les peintres, de toutes les époques de l’Antiquité à nos jours. Dans ces œuvres, on retrouve la considération, plus ou moins grande, accordée au chat selon les époques et les croyances des populations. Le chat a également joué le rôle « d’instrument » à part entière, telle que nous le verrons dans une deuxième partie : plus ou moins réelles, plus ou moins cruelles, les utilisations musicales du chat sont nombreuses. Un musicien donc, le chat ? Pas selon tous les courants de pensées en tous cas ! Dans une dernière partie, nous reviendrons sur la « musicalité » du félin vue par les intellectuels, et sujet de nombreux débats.

A. Le chat et la musique, une représentation artistique foisonnante

1. Une alliance datant de l’Antiquité

a) Dans la civilisation égyptienne

Dès l’Antiquité, le chat a pris une place privilégiée dans certaines civilisations. Ainsi, les Egyptiens vénéraient les chats, et de nombreuses momies de ces animaux sacrés ont été retrouvées par les archéologues. Le chat a alors été associé très tôt au domaine musical : on retrouve l’association du chat et du sistre dans la statuaire égyptienne. Le sistre est un instrument de musique de la famille des percussions, constitué d'un cadre dans lequel sont enfilées des coques de fruits, des coquilles ou des rondelles métalliques qui s'entrechoquent. La déesse Bastet, à tête de chat, est ainsi représentée avec un sistre, rappelant son rôle de déesse de la musique, de la joie et des fêtes. Pour les Egyptiens, le sistre symbolisait la joie et accompagnait les festivités, et notamment les cérémonies de culte : secoué, cet instrument de musique émet un son qui avait pour fonction de calmer et de charmer la déesse vénérée. [75, 78, 81]

19 Figure 1 : Sculpture de la Déesse Bastet tenant un sistre – Egyptian Museum, Leipzig

L’extrémité supérieure du sistre égyptien était ordinairement enrichie d’une sculpture de chat, et l’on pouvait parfois trouver de telles sculptures à différents endroits de l’instrument.

Figure 2 : Dessins de sistres ornés de chats [56]

20 Dans son essai intitulé Les Chats, François Augustin Paradis de Moncrif insiste sur cette alliance égyptienne entre le chat et la musique en détaillant une représentation de Bastet tenant un sistre : « Il tient ce Sistre même ; mais avec une dextérité, & avec un air d’habitude qui frappe, & qui découvre qu’il sçait faire usage de cet instrument. Eh ! pourquoi n’y auroit-il pas de vrais rapports entre les instruments de Musique et les Chats ? tandis que les Dauphins depuis tant de siècles, sont en droit de s’attendrir aux accords de la lyre ; que les Cerfs se plaisent au son de la flûte, & que les Jumens de Grèce aimoient si fort les chansons, qu’on en avoit faite une exprès pour elles, & qui portoit leur nom. » [56]

Plus de 2000 ans avant J.C., le chat se voit pour la première fois lié au monde musical ; alliance déjà très symbolique, puisque en rapport direct avec la mythologie et les Dieux.

b) Dans les autres civilisations antiques

La Grèce Antique s’intéressa également aux chats, notamment après que des Phéniciens volèrent des chats aux Egyptiens, pour les revendre aux Grecs. On citera notamment la présence d’un marché aux chats à Athènes. Mais les Grecs ne donnèrent jamais au chat la place qu’il occupait en Egypte : le chien était, semble-t-il, plus populaire. Les Romains, eux, étaient impressionnés par le chat, sa beauté et son indépendance symbolisant la liberté. D’abord réservé aux classes aisées, l’usage de posséder un chat se répandit dans tout l’Empire et dans toutes les couches de la population, assurant la dispersion de l’animal dans toute l’Europe. Mais nulle trace d’une association entre le chat et la musique dans ces civilisations : aussi important soit-il, ce petit compagnon restait sans doute un bien utile chasseur de rongeurs, mais toutefois trop sauvage pour des intérieurs tranquilles et une alliance à l’art ! [16, 78]

21 2. De nombreuses représentations au cours des siècles

Après avoir été protégé dans les sociétés de l’Antiquité, le chat devient au Moyen-âge un animal maléfique investi de pouvoirs effrayants, et sera persécuté. Les papes du Moyen- âge n’hésitent pas à faire exterminer les chats sous prétexte qu’ils sont malfaisants et diaboliques. Souvent associés aux sorcières et aux comportements hérétiques, les chats sont considérés comme des réincarnations du diable : il n’est donc pas étonnant qu’aucune œuvre artistique n’en fasse mention, qui plus est en l’associant au domaine musical, très influencé par la religion à l’époque.

La Renaissance marque un certain retour en grâce du chat, principalement en raison de son action préventive contre les rongeurs ; mais il faut attendre le XVIIème siècle pour que le sort du chat s’améliore de façon significative. A partir de cette époque, on retrouve à nouveau le chat, et son association à la musique, dans les œuvres d’art. Ainsi l’imagerie populaire, notamment aux XVIIème et XVIIIème siècles, a multiplié les scènes représentant des chats faisant de la musique, sans que l’on sache toujours si, à l’origine d’une telle promotion, il y a ses vertus de silence ou ses qualités vocales si contestées. [13, 78]

a) Un musicien… mais un animal avant tout !

Au XVIIème siècle, dans un tableau de Ferdinand Van Kessel (1648 - 1696), treize chats sont rassemblés devant une partition ouverte : la plupart chantent, un autre joue du trombone ; à terre, on trouve différents objets dont un dessus de viole, une pochette, etc. La partition reste l’objet le plus intéressant : la page de gauche est constituée de notes ordinaires, mais celle de droite porte en guise de notes des souris, et c’est elles que le chat qui bat la mesure égratigne. Champfleury évoque d’ailleurs cette œuvre dans son essai sur les chats : « De mon extrême jeunesse, je me rappelle une vieille toile, servant de devant de cheminée, qui représentait, en face d’un pupitre de musique une douzaine de chats de toute nature et de toute couleur, gros, allongés, noirs, blancs, angoras et matous de gouttières. Sur le pupitre était ouvert, dans son développement oblong, le vénérable Solfège d’Italie. Les notes étaient remplacés par de petits rats, qui imitaient à s’y méprendre les noires et les blanches ; leurs queues indiquaient également les croches et les doubles croches. En avant de ses confrères, un beau chat battait la mesure avec la dignité qu’on est en droit d’attendre d’un chef d’orchestre : sa patte, posée sur le cahier de musique, semblait prendre plaisir à égratigner les rongeurs emprisonnés dans les portées ; mais, malgré les agréments de la clef de sol, je crois que les rats auraient préféré la clef des champs. » [16, 75]

22 Ainsi, si le chat peut se montrer doué de talents musicaux, il n’en reste pas moins, en toutes circonstances, un chasseur de souris aux désirs cruels. Notons d’ailleurs sur cette peinture les faciès pour le moins effrayants des félins : nous sommes encore loin des chats de race adulés par les aristocrates !

Figure 3 : A Musical Gathering of Cats, tableau de Ferdinand Van Kessel (1648 – 1696) – Paris, BNF, Estampes [37]

A la même époque, David Téniers le Jeune (1610-1690) peint un tableau montrant des chats assis sur une table en train de lire une partition, accompagnés par des singes. Tout musicien qu’il est, le chat reste ici dans son rang, auprès des animaux, et notamment des plus ridicules : les singes. Ces mêmes singes jouent de la musique sans partition : peut-on vraiment les supposer grands musiciens ? Cela est peu probable : leur tenue évoque d’ailleurs plutôt les troubadours des rues et des foires... Les chats présents sur la peinture ne sont donc vraisemblablement pas de grands artistes non plus, mais plutôt des animaux curieux, voire arrivistes ! Un des chats observe d’ailleurs la partition en étant caché sur un rebord de fenêtre, comme prêt à fuir si les protagonistes venaient à être découverts !... Une chouette, volatile nocturne, surveille la scène au-dessus de la partition, accentuant le côté secret et interdit de cette réunion musicale animale et vespérale... [37]

23 Figure 4 : Chats et concert de singes, tableau de David Téniers le Jeune, vers 1670 – Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich [37]

Un peu plus tard, en 1771, le peintre Marino réalise un tableau montrant quatre chats réunis autour d’une partition, mais visiblement plus occupés à vouloir dévorer un rat, cruellement pendu par la queue au-dessus de la partition. Peut-être les chats, voulant exécuter au mieux la partition qu’ils ont sous leurs yeux (interprétation « Vivace con Rabbia », c’est-à- dire « vif avec colère »), ont-ils entrepris ce jeu sadique pour exacerber leur rage féline ! On retrouve donc aussi dans ce tableau l’idée que le chat, avant d’être un musicien, est surtout un prédateur redoutable.

Figure 5 : Miserere – Vivace con rabbia, tableau de Marino, 1771 – Ancienne collection Leonor Fini, Paris [37]

24 A noter qu’en 1949, Serge Lido photographiera l’artiste Leonor Fini avec ses chats, à côté de ce même tableau. Cette artiste fut elle-même très attachée aux félins, comme en témoigne une célèbre citation de l’artiste : « Le chat est à nos côtés le souvenir chaud, poilu, moustachu et ronronnant d'un paradis perdu ».

Figure 6 : Leonor Fini et chats devant « Miserere », photographie de Serge Lido, 1949 [37]

Si l’on en croit cette photo, les chats de Léonor Fini semblent plus habitués aux salons bourgeois et bien moins sauvages et cruels que leurs semblables sur le tableau de Marino ! En un peu plus d’un siècle, le chat deviendra un véritable aristocrate, symbole de richesse et de raffinement. [37]

25 b) Une métaphore des cultures et des peuples étrangers

Cependant, l’association du chat et de la musique dans les œuvres d’art fut parfois bien plus que le simple reflet de la considération des peuples pour l’animal lui-même. Ainsi, certaines représentations picturales des XVIIème et XVIIIème siècles mettant en scène des animaux musiciens, et notamment des chats et des singes, se voulaient une expression de la curiosité mêlée de condescendance que ressentaient les Occidentaux pour les cultures et les peuples étrangers.

On citera notamment les « Singeries » de Christophe Huet (1700 – 1759), représentant des singes et des chats musiciens dans des tenues évoquant les peuples orientaux.

Figure 7 : Concert de singes avec chats et coq, tableau de Christophe Huet, vers 1730 – Musée des Arts décoratifs, Paris [37]

26

Figure 8 : Singerie, tableau de Christophe Huet, 1735 – Collection du Château de Chantilly [37]

Ici, les capacités musicales du chat sont bien rabaissées : loin de pouvoir jouer une musique « savante», les chats représentés sur ces tableaux ne sont que des joueurs de mélodies bouffonnes et grotesques. A nouveau, ils sont accompagnés de singes, animaux incarnant le ridicule par excellence, dans des tenues orientales et bouffantes ; de plus, une désorganisation générale semble régner dans cet « orchestre » ! [37] Tel que nous le verrons plus tard, la musique des peuples orientaux était incomprise et très critiquée au XVIIIème siècle. Ces tableaux à l’esprit rococo sont une critique supplémentaire envers les cultures étrangères : le chat, chasseur sournois, et le singe, ancêtre ridicule de l’homme1, sont parés de vêtements grotesques. La musique produite ne peut être qu’un désordre grinçant et sans finesse.

1 C’est du moins ce que l’on croyait à l’époque ! Darwin et la théorie de l’évolution n’étant pas encore passés par là !...

27 c) Un félin source d’amusements plaisants

Signe d’une considération bien meilleure par les hommes, le chat sera, aux XIXème et XXème siècles, associé à la musique dans des œuvres picturales par pure plaisanterie, tel un délassement de virtuose. Ainsi, Moritz von Schwind (par ailleurs grand ami de Franz Schubert) fut l’auteur en 1868 de la Symphonie des chats : sur du papier à musique sont figurées des notes représentées par des chats noirs courant, sautant, chassant à travers la portée, pour finalement dégringoler vers un accord final plaqué fortissimo. [37]

Figure 9 : Symphonie des chats, encre sur papier de Moritz von Schwind, 1868 – Staatliche Kunsthalle, Karlsruhe

28 Plus récemment, un artiste allemand, Hans Georg Lussi a réalisé une œuvre semblable, où des têtes de chats viennent remplacer les notes de musique :

Figure 10 : Katzenmusik, dessin de Hans Georg Lussi, Freiburg, vers 1970 – copyright utilisé avec l’aimable autorisation de la Galerie G, Heidelberg (Allemagne) [82]

Le corps du chat est ici mis en musique de par son côté esthétique et amusant. On est donc bien loin des scènes lugubres de chats réunis autour d’une partition, aux regards effrayants et cruels !

d) Le chat et la musique dans la publicité

Enfin, les liens entre le chat et la musique ont même été mis en valeur dans des publicités.

Le premier exemple de cette utilisation est la création du Cabaret du Chat Noir en novembre 1881 par Rodolphe Salis, et dont l’affiche célèbre porte un dessin de chat. A l’origine du nom, semble-t-il, se trouve l’anecdote selon laquelle Salis aurait trouvé un chat noir par hasard et aurait eu l’idée de nommer son cabaret d’après lui. Dans le journal éponyme qui voit le jour en 1882, l’image du chat noir est évoquée dans le paratexte et au niveau iconographique. Par ailleurs, de nombreux pseudonymes utilisés dans Le Chat Noir sont des noms de chats, tels que « Maigriou » ou « Miahou » ; les titres de certaines rubriques comme « Miaulements financiers » relèvent aussi du même univers. L’image du chat est donc omniprésente. [65]

29

Figure 11 : Affiche du Cabaret du Chat Noir par Théodore-Alexandre Steinlen (1896) - The Jane Voorhees Zimmerli Art Museum

Au XIXème siècle, la publicité se développe, et avec elle les affiches montrant des chats musiciens ou chanteurs. En témoigne cette publicité pour le savon « Le Chat », où l’on voit une jeune femme jouer de la guitare avec un chat assis à côté d’elle. La gueule ouverte du chat semble suggérer que celui-ci accompagne l’instrumentiste de ses vocalises !

Figure 12 : Publicité de la fin du XIXème siècle pour le savon « Le Chat » - collection Philippe Baudoin, Paris

D’autres publicités du XIXème siècle mettent en scène des chats musiciens, plus ou moins talentueux ! Séducteurs des rues auprès d’une jeune chatte, famille de chats chanteurs, chatons aux vocalises désagréables pour l’enfant : les exemples sont nombreux. Le thème du

30 chat musicien apporte aux publicités un ancrage dans la mémoire collective, le « miaou » du chat étant connu depuis notre plus tendre enfance.

Figure 13 : Publicité du XIXème siècle pour le papier « Grain de café » [59]

Figure 15 : Publicité du XIXème siècle Figure 14 : Publicité du XIXème siècle pour l’amidon Hoffmann [59] pour le chocolat Guérin-Boutron [59]

Plus tard, dans les années 1970, une publicité pour de la nourriture pour chats met en scène un jeune chat « jouant » de la flûte à bec. L’impression donnée ici est celle d’un chat charmeur, tels les charmeurs de serpents. La qualité de la pâtée permettrait-elle au chat d’être un véritable musicien ? Ou rendrait-elle les chats si friands qu’ils en deviendraient mélomanes pour l’obtenir ?

31 Figure 16 : Publicité des années 1970 pour la nourriture pour chats « Ronron » - site internet K-Pi, adresse URL : http://www.k-pi.com

Le chat et ses talents musicaux (du moins supposés !) ont ainsi servi à donner à des produits une image de qualité et de douceur.

Le rapport particulier du chat à la musique a donc été abondamment exploité dans les œuvres d’art au cours des siècles. Ses capacités musicales ont d’abord été niées, à travers ces tableaux montrant des chats réunis autour de partitions qu’ils cherchent à déchiffrer sans vraiment les comprendre, plus obnubilés par leurs désirs de chasse, accentuant ainsi le côté mystérieux et sauvage d’un animal encore mal aimé par les hommes après le Moyen-âge. D’ailleurs, seule une musique grotesque pourrait être produite par notre félin, telle la musique des peuples orientaux, encore incomprise à l’époque. Mais heureusement, le chat retrouve au siècle des Lumières ses lettres de noblesse : il n’est plus le chasseur mystérieux vivant dans les gouttières, mais il devient un véritable aristocrate, symbole de richesse et de raffinement, et même un esthète musical. Associée à la musique dans des œuvres d’art par jeu esthétique, il l’est ensuite dans la publicité, preuve que le chat musicien est capable de charmer les consommateurs !...

32 B. Une « matière première » musicale

1. Utilisation de l’anatomie du chat

a) Pour la fabrication de cordes

Pendant une très longue période, les cordes des instruments tels que le violon étaient en boyaux, et seule la corde de « sol » (la plus grave des 4 cordes) était entourée d'un fil d'argent ou de cuivre (elle était ainsi dite « filée »). Le boyau employé n'était cependant pas de chat comme le veut une idée très populaire ! Cette erreur est notamment reprise dans la définition humoristique du violon donnée par Ambrose Bierce dans son Dictionnaire du Diable de 1911 : « Violon : instrument destiné à chatouiller les oreilles de l'homme par le frottement de la queue d'un cheval sur les boyaux d'un chat ». [67]

L'erreur pourrait provenir de l’étymologie incertaine du mot « catgut » : le catgut est un terme anglophone qui désigne des cordes rigides fabriquées à partir d'intestins de mouton, parfois de cheval, de mulet ou d'âne. Il n'y a en fait pas de lien direct avec le chat (« cat », en anglais) ; l'étymologie du mot serait à rapprocher de « kitgut » (cordes de violon), « kit » signifiant « violon », mais ayant provoqué une confusion avec « cat » : « kit » en est une prononciation déformée, et de plus « kitten » signifie « chaton », ceci augmentant encore les sources de confusion ! En réalité, on emploie pour fabriquer les cordes en boyau des instruments de musique la tunique médiane de l'intestin grêle du mouton, dont les fibres sont résistantes. Plusieurs fils obtenus par découpage dans le sens de la longueur sont tordus ensemble, et la tunique médiane est si fine que les intestins grêles de quatre à cinq moutons sont nécessaires pour faire environ vingt-cinq cordes de « la » (la 2ème corde la plus aiguë du violon). [48]

Toutefois, selon François-Augustin Paradis de Moncrif, auteur de Les Chats (1727), « les Chats sont si heureusement organisés pour la musique, qu’ils sont encore l’âme d’un Concert, même après leur mort. Le Violon est le plus agréable de tous les instruments ; la Chanterelle est la corde du Violon la plus sonore & la plus touchante, & les bonnes Chanterelles sont de Boyaux de Chat ». [56] Dans le même ordre d’idée, des caricatures de George Cruikshank montrent un chat dressé devant un violon et s’écriant : « My uncle ! », ou trois chats en pleurs devant un violon couché. [37]

33

Figure 17 : My Uncle !, dessin de George Cruikshank, vers 1850 [37]

Les artistes se sont donc plu à se servir de cette fausse idée dans leurs œuvres et à imaginer que le chat, si souvent représenté comme musicien, avait même un corps capable de produire de la musique !

b) Pour le revêtement d’instruments de musique

Le shamisen, instrument de musique traditionnel japonais à cordes pincées, est constitué d’une caisse de résonnance carrée (traditionnellement en bois de santal) recouverte de peau de chien ou de chat. Selon d’autres sources, les cordes seraient également en boyaux de chat, mais plus vraisemblablement en soie ou nylon pour les instruments récents. [37]

Figure 18 : Photographie d’un Shamisen – site internet Wikipédia, adresse URL : http://www.wikipedia.org (photo non soumise à copyright)

34 c) Pour la forme d’instruments de musique

Si les exemples précédents montrent l’utilisation d’organes de vrais chats, leur image a également été utilisée pour produire de la musique : le corps du chat, allongé, fin, a séduit l’imaginaire des créateurs d’instruments de musique, notamment dans la musique orientale. Une collection d’instruments de musique à New York contient un ancien instrument de temple japonais qui ressemble à un chat couché sur une boîte décorée. Le dos du chat est constitué de dents creusées dans le bois, et son front est gravé d’un mot japonais signifiant « plaisir » : à certains moments de l’office, des claquements étaient produits en raclant le dos du chat avec un morceau de bois et en frappant la tête sur la marque « plaisir ».

Figure 19 : Photographie d’un instrument en forme de chat utilisé dans les offices religieuses japonaises – Metropolitan Museum of Art, New-York [24]

De la musique est également produite du corps d’un chat avec un instrument javanais appelé « saron » : celui-ci est en forme de chat assis avec les pattes étendues et la gueule ouverte. Des tiges parallèles sont portées par le dos de l’animal, et sont frappées avec un petit marteau, à la manière d’un xylophone. La gueule ouverte du chat est probablement faite dans l’intention de donner l’idée que la musique est vocale. [24]

Notons d’ailleurs que certains auteurs comparent la voix des chats à la musique produite par ces deux instruments ! [14]

35 2. Utilisation du cri du chat

a) Les concerts de chats

Le public populaire semble avoir été friand de véritables « concerts de chats ». On retrouve un témoignage de telles productions dans une œuvre du naturaliste Valmont de Bomare : « N’a-t-on pas même vu à la Foire Saint-Germain, il y a quelques années, un concert de chats dressés tout exprès ? Ces animaux étoient placés dans des stalles avec un papier de musique devant eux, et au milieu étoit un singe qui battoit la mesure ; à ce signal réglé, les chats faisoient des airs ou miaulements dont la diversité formoit des sons plutôt aigus que graves et tout-à-fait risibles. Ce spectacle fut annoncé au petit peuple sous le nom de Concert Miaulique. » [13, 74] G.J. Wenzel mentionne un concept du même genre donné à Prague en 1773, et Champfleury un concert de chats monté par un Vénitien à Londres en 1789 : « les animaux obéissaient au moindre signe de leur maître ; mais il avait fallu de longues années pour arriver à ce médiocre résultat.» [13, 16] Il y en eut d’autres au XIXème siècle si l’on en croit la littérature.

36

Figure 20 : Académie de musiques en voix naturelles accompagnées d’instruments à vent et à corde, tableau anonyme, XVIIème siècle – BNF, Estampes, Paris [37]

Cette gravure représente un de ces fameux « concerts de chats », attribuant même à ceux-ci des pouvoirs thérapeutiques. On peut lire en effet en-dessous de l’image : « Pour vous guérir de la migraine, Ou bien pour prendre vos ébats, Laissez là la musique humaine, Venez à l’opéra des chats [...] » [13, 37]

Champfleury, dans l’édition augmentée de ses Chats, reproduit un bois gravé en style naïf du XVIIèmesiècle, intitulé « La Musique des Chats » : on y voit un montreur de chats,

37 ayant trois gros chats sur la tête et les épaules, surmonté d’un phylactère (« Ceans lon prend pensionaires. et le maistre va monstrer en ville. ») ; autour de lui, des chats musiciens – un batteur de mesure, un luthiste, un violoniste et un gambiste – et devant trois chats chanteurs avec des partitions où l’on peut lire : « MI MI MIAOU ». [13, 16, 50, 75]

Figure 21 : La Musique des chats, photographie inversée d’un original en gravure sur bois, Anonyme, XVIIème siècle – BNF, Estampes, Paris [37]

Au-dessous d’une répétition du même sujet, mais en cuivre cette fois, on pouvait lire les vers suivants : « Vous qui ne savez pas ce que vaut la musique Venez vous en ouir le concert magnifique Et les airs ravissants qui iaprens aux matous, Puisque ma belle voix ren ces bestes docilles, Je ne scaurois manquer de vous instruire tous Ni de vous esclairsir les nottes difficiles. »

38 Il existait donc, à la fin du XVIIème siècle, un homme saltimbanque et guérisseur (« céans l’on prend des pensionnaires ») qui faisait d’assez bonnes affaires avec ses musiciens à quatre pattes pour se donner le luxe d’estampes représentant sa profession ! L’image en bois était sans doute une affiche placardée dans les rues de Paris ! [50]

La tradition des concerts de chats ou de l’opéra des chats est restée vivace, comme en témoignent les représentations artistiques vues précédemment, les bibelots multipliés au tournant du siècle, les cartes postales sans nombre montrant chattes et chats jouant d’un instrument ou chantant des grands airs et des duos d’opéra [voir Annexe 1], d’innombrables dessins animés des années trente, ou encore les livres pour enfants, et les contes, tels « la Chatte Blanche » de Mme d’Aulnoy : « ... il vit des Chats qui se placerent dans un petit Orquestre ménagé exprés, l’un tenoit un livre avec des notes les plus extraordinaires du monde, l’autre un rouleau de papier dont il battoit la mesure, et les autres avoient de petites guitares ; tout d’un coup, chacun d’eux se mit à miauler sur différends tons, & à gratter les cordes des guitares avec leurs ongles ; c’étoit la plus étrange musique, que l’on ait jamais entenduë. Le Prince se seroit cru en Enfer, s’il n’avoit trouvé ce palais trop merveilleux, pour donner dans une pensée si peu vray-semblable. » [3, 13]

b) Les orgues de chats

(1) Un cruel divertissement

L’exploitation du chat en tant que musicien releva parfois de la barbarie. Le chroniqueur espagnol Juan Cristobal Calvete rapporta le voyage du futur Philippe II, roi d’Espagne, de Madrid à Bruxelles. Au cours d’une procession qui se fit dans la capitale des Pays-Bas en 1549, on vit un orgue du genre nouveau : « Vint ensuite une musique d’étrange manière et invention. Il y avait un garçon habillé en ours assis sur un char qui jouait d’un orgue, lequel était empli en guise de tuyaux de chats vivants, qui en bon ordre avaient la queue dressée en haut de telle sorte, que l’ours touchant l’orgue tirait la queue aux chats en proportion et mesure réglées, aux uns beaucoup, aux autres peu, aux autres moyennement, et les chats se sentant tirer la queue miaulaient chacun selon sa douleur, et faisaient avec leurs miaulements aigus et graves une musique bien accordée, chose nouvelle et très-digne d’être vue. Au son de cet orgue bizarre, on voyait danser des singes, des ours, des loups, des cerfs et d’autres animaux qui composaient des entrées de ballet sur une espèce de théâtre tiré par

39 deux chevaux qui suivaient ce concert. Il y avait encore dans le milieu du théâtre une grande cage dans laquelle se trouvait une troupe de singes qui jouaient de la cornemuse et d’autres instruments, au son desquels tous ces animaux dansaient des danses particulières, et représentaient la fable de Circé qui changea les compagnons d’Ulysse en bêtes. Quoique Philippe II fut le plus sérieux et le plus grave des hommes, il ne put s’empêcher de rire en voyant les bizarreries de ce spectacle, bien que l’on puisse juger que de tous ces animaux il n’y avait que les singes et les chats qui fussent naturels. » [2, 5, 13, 45, 50, 75, 76]

Le Père Kircher, au XVIIème siècle, aurait également mis au point un orgue à chats pour divertir un prince italien, où les queues des chats étaient piquées et non tirées : « Il suffit de sélectionner des chats dont les miaulements naturels varient en hauteur, puis de les ranger côte à côte dans des petites boîtes. Lorsqu'une touche de piano est pressée, le mécanisme abat une aiguille pointue sur la queue du chat adéquat. Il en résulte une mélodie de miaous qui gagne en vigueur à mesure que les chats perdent espoir. Qui ne rirait pas au son d'une telle musique ? ». [2, 13, 35, 50]

Figure 22 : Orgue de chats, dessin de Kircher, 1650 – site internet Wikipédia, adresse URL : http://www.wikipedia.org (image du domaine public)

Un autre jésuite, Caspar Schott, entreprit de vulgariser l’invention et illustra un orgue de neuf chats d’après la description de Kircher. Il s’agissait d’une boîte, longue de l’ouverture laissée aux chats pour passer leurs têtes, renfermant des chats qui miaulaient non seulement du fait de l’emprisonnement, mais aussi de la douleur provoquée à la queue. [2, 50, 68]

40

Figure 23 : Orgue de chats, dessin de Caspar Schott, 1674 [68]

(2) Une curieuse thérapeutique

L’historien et médecin Jean Starobinski (né en 1920) rapporte qu’en 1803, Johann Christian Reil (1759-1813, médecin – anatomiste – physiologiste – psychiatre) proposait un tel clavier de chats comme remède à la mélancolie : « Il est curieux de lire, chez Reil ou chez Heinroth, la liste des « moyens psychiques » destinés à réveiller la sensibilité du mélancolique et à la faire réagir aux excitants extérieurs. Reil, en particulier, dans un langage marqué par la philosophie de l’époque, fait gravement le compte des méthodes « par lesquelles l’état du corps est modifié de telle façon que sa représentation par le moyen du sens commun dans l’organe de l’âme affecte l’âme d’une manière agréable ou désagréable ». [...] Plaisir ou exercice, c’est toujours une obligation à la vigilance : il faudra distinguer des parfums, toucher des objets étranges dans l’obscurité, écouter des chants et des concerts joués sur des instruments surprenants. Connaissez- vous le clavier de chats ? Les chats étaient choisis d’après la gamme, et mis en rang avec la queue tournée en arrière. Des marteaux garnis de clous pointus pouvaient s’abattre sur ces queues, et le chat ainsi atteint émettait sa note. Lorsqu’on jouait une fugue sur cet instrument, et surtout si le malade était placé de façon à ne rien perdre de la physionomie et des grimaces de ces animaux, la femme de Loth elle-même eût été tirée de sa rigidité et rendue à la raison. » [13, 69]

41

Figure 24 : Estampe des années 1630 représentant un orgue à chats [79]

Ainsi, il n’y a pas d’autre animal que le chat qui aura été autant associé à la production de musique ! Outre les anecdotes sans fondement sur les cordes en boyaux de chat, le monde musical a utilisé la peau, la forme générale et les vocalises du félin pour produire de la musique. Il est ici intéressant de noter que ces réalisations se font souvent d’ailleurs au mépris de la protection et de la douleur animale !... Les multiples exemples de concerts et d’orgues de chats sont le reflet de la considération humaine pour les animaux à cette époque : l’animal est utilisé comme objet, selon les volontés de l’homme, et la notion de douleur animale n’est pas du tout présente dans les esprits !

42 C. Le miaulement du chat, une musique sujette à controverses

1. Une musicalité décriée

a) Un miaulement anti-musical

Le terme « miaulement » fut utilisé dans les écrits avec une signification péjorative pour décrire un son difficilement audible pour une oreille musicale. L’un des premiers critiques de la musicalité du chat fut le poète Nicolas Boileau- Despréaux (1636 – 1711) : dans sa « Satire VI », il décrit les embarras de Paris, dont font partie les vocalises nocturnes des chats : « Qui frappe l’air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ? Est-ce donc pour veiller qu’on se couche à Paris ? Et quel fâcheux démon, durant les nuits entières, Rassemble ici les chats de toutes les gouttières ? J’ai beau sauter du lit, plein de trouble et d’effroi, Je pense qu’avec eux tout l’enfer est chez moi : L’un miaule en grondant comme un tigre en furie, L’autre roule sa voix comme un enfant qui crie. » [34]

Puis le compositeur Berlioz utilisa le terme de « miaulement » dans les réflexions très critiques qu’il eut après avoir entendu des musiques de la Chine et de l’Inde à l’Exposition Universelle de Londres en 1851 : « Je conclus pour finir, que les Chinois et les Indiens auraient une musique semblable à la nôtre, s’ils en avaient une ; mais qu’ils sont encore à cet égard plongés dans les ténèbres les plus profondes de la barbarie et dans une ignorance enfantine où se décèlent à peine quelques vagues et impuissants instincts ; que, de plus, les Orientaux appellent musique ce que nous nommons charivari, et que pour eux, comme pour les sorcières de Macbeth, l’horrible est le beau. » Suit une description également très critique des concerts entendus par Berlioz, et à l’origine de ce jugement sans appel. Au cours de ce récit, Berlioz décrit un violon chinois, et notamment le son de celui-ci : « Il produit ainsi une série continue de grincements, de miaulements faibles, qui donnent l’idée des vagissements de l’enfant nouveau-né d’une goule et d’un vampire. » [7]

43 Il est intéressant de noter dans cette dernière phrase l’utilisation du mot « miaulements », associés aux « grincements » ; Berlioz est donc loin de considérer le cri du chat comme une musique charmante !

Un autre texte du 19ème siècle perpétue l’incompréhension européenne de la musique orientale, en utilisant là encore le mot « miaulements » : « La musique, si toutefois on ose se servir de ce terme pour exprimer les gloussements et les miaulements des mélopées orientales, est censée avoir existé au Japon depuis les temps mythologiques ». [15]

b) Un véritable « charivari »

Argument supplémentaire à ce jugement d’anti-musicalité du chat, l’étymologie même du mot « charivari ». Antoine Furetière, homme d’Eglise, poète et romancier français du début du XVIIème siècle, publia en 1690 (publication posthume) un « Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts ». Dans celui-ci, on peut lire comme définition du mot « charivari » : « bruit confus [...] pour faire injure à quelqu’un », puis plus loin, « bruit confus fait en débauche, ou dans des querelles domestiques », et il ajoute : « se dit aussi ironiquement d’une mauvaise musique ». Or l’ironie veut que « charivari » ait pour traduction allemande « Katzenmusik », « Kattenmusiek » en flamand ; soit « musique de chats » ! [28, 37]

Tous ces arguments sont à mettre en parallèle avec les peintures de Christophe Huet précédemment décrites : la musique des chats semble donc n’être que du ridicule, comparable à la cacophonie bruyante et grotesque produite par les peuples orientaux. Ceci illustre bien la peur de l’étranger et des cultures différentes qui imprègne les Occidentaux à cette époque. Pourtant, les avis sont partagés, et certains intellectuels avancent heureusement un discours plus tempéré !...

2. Une concorde discordante

En effet, la « musique des chats » est aussi l’objet de notions ambivalentes : d’un côté, leurs cris déchirent les oreilles, résonnant comme le paradigme de la cacophonie (« Les chats font pareille musique à la maison », criaient des auditeurs à la création du deuxième concerto pour piano de Prokofiev en 1913) [37] ; de l’autre, les images de chats musiciens (pas toujours réalisées à des fins de moquerie !!) dépassent en nombre tout recensement imaginable.

44

L’idée de cette prolifération est celle d’un concert de dissonances. Ainsi l’on retrouve cet oxymore dans la lithographie de Louis Leroy (1842) intitulée Un concert sur les toits : cette planche de grand format montre des chats qui chantent ou qui jouent de la cloche, de la guitare, du cor, de la trompette, du trombone, du tambourin et du triangle, sous les yeux à lunettes d’un chat chef d’orchestre juché sur une cheminée soutenant une partition où l’on peut lire : « SYMPHONIE FANTASTIQ[...] DE B[...] » (la patte du chat cachant le reste). La référence évidente à Berlioz (auteur de la « Symphonie Fantastique » en 1830) lui retourne par avance ses sarcasmes sur les miaulements et aboiements de la musique chinoise. [37]

Figure 25 : Un concert sur les toits, tableau de Louis Leroy, 1842 – BNF, Estampes, Paris [37]

Par ailleurs, selon Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), « le chat est de tous les animaux celui qui a l’accent le plus expressif. Il déchire le cœur tout en révoltant l’oreille. Il a des sons plaintifs dans ses amours qui ont une énergie particulière. Le chien, qui a plus de tendresse, d’attachement, d’intérêt, n’a pas les inflexions si fortes. Le chat est un animal égoïste & passionné. Il est parfaitement bien peint dans M. de Buffon ; mais je voudrois savoir pourquoi son cri frappe plus directement le cœur, que le cri des animaux domestiques qui semblent toucher de plus près à l’homme.» Les cris du chat sont donc

45 ambigus musicalement parlant : ils charment et retiennent notre attention, mais leur beauté est loin d’être unanime. [46] Mêmes sentiments chez le zoologue et écrivain Alfred Edmund Brehm, qui décrit les vocalises nocturnes des chats en des termes paradoxaux : « A certaines époques de l’année les chats donnent de vrais concerts sur nos toits. Un certain nombre de chattes se réunissent autour d’un matou ; assis au milieu d’elles, celui-ci fait entendre sa voix de basse, les chattes chantent le ténor, l’alto et le soprano. On entend tous les sons possibles, le concert devient de plus en plus sauvage ; de temps en temps, on se donne des coups de pattes dans la face, et les miaulements redoublent de plus belle. Pendant les nuits éclairées par la lune, ils font souvent un vacarme infernal. » La description est paradoxale car l’auteur emploie à la fois des termes péjoratifs tels que « sauvage », « vacarme infernal », et peint une ambiance assez bestiale de l’ensemble ; tout en parlant de « concert » et en attribuant aux chats des tessitures de chanteurs (« soprano », « alto », « ténor », « basse »). [59]

Autre élément surprenant : nous avons vu que le chat avait été associé au sistre dans la civilisation égyptienne. Or, si cet instrument était utilisé lors des cérémonies de culte pour charmer la déesse Bastet, il l’était également dans l’armée égyptienne pour obtenir l’attention des troupes. Cela semble ainsi extraordinaire qu’un instrument symbolisant l’harmonie ait aussi été utilisé dans un contexte de guerre et de discorde ! Cette ambivalence vient ajouter un nouvel argument à la dualité de la musique des chats, à la fois envoûtante et révoltante. [24]

Le chat, avec ses concerts déchirants, serait donc le modèle par excellence de l’oxymore « concordia discors » : entre accord et discordance, entre identité et altérité, la musique des chats fascine l’homme par son ambiguïté.

3. Un plaidoyer face à l’ethnocentrisme occidental

A contrario, en opposition à ces jugements mitigés, Moncrif voit dans ces cris animaux une harmonie qui, bien que très différente du système tonal de notre musique occidentale, n’en reste pas moins très riche. Ainsi, il écrit : « Notre Musique à nous autres modernes, dirons-nous, est bornée à une certaine division de sons que nous appelons Tons, ou Semi-tons ; & nous sommes assez bornez nous-mêmes, pour supposer que cette même division comprend tout ce qui peut être appelé Musique ; de-là nous

46 avons l’injustice de nommer mugissement, miaulement, hannissement, des sons dont les intervalles, & les relations admirables peut-être dans leur genre, nous échappent, parcequ’ils passent les bornes dans lesquelles nous nous sommes restraints. Les Egyptiens étoient plus éclairez sans doute ; ils avoient étudié vraisemblablement la Musique des animaux ; ils sçavoient qu’un son n’est ni juste, ni faux en soi, & que presque toujours il ne paroît ni l’un ou l’autre, que par l’habitude que nous avons de juger que tel assemblage de sons est une dissonance ou un accord [...] : De-là ce qui ne nous semble qu’un bruit confus, un charivari, n’est que l’effet de notre ignorance, un manque de délicatesse dans nos organes, de justesse et de discernement. » [56]

Bien qu’employant le ton de la plaisanterie, Moncrif se place à son époque comme un précurseur de la remise en question du système des relations tonales et du système culturel qui lui sert de base : il dépasse donc la simple défense d’une « Musique de Chats », mais introduit la notion, très mal acceptée à l’époque, de l’ethnocentrisme du monde occidental. « La Musique des peuples de l’Asie nous paroît au moins ridicule. De leur côté ils ne trouvent pas le sens commun dans la nôtre. Nous croyons réciproquement n’entendre que miauler ; ainsi chaque Nation à cet égard, est pour ainsi dire, le Chat de l’autre, & des deux parts peut-être. »

C’est sans aucun doute cette idée « d’ethnocentrisme » que le musicien Erik Satie évoque dans un essai intitulé « la Musique & les Animaux », en considérant de façon plus générale l’ensemble du règne animal : « .... Nous ne pouvons douter que les animaux n’aiment & ne pratiquent la Musique...... Cela est évident, mais il semble bien que leur système musical diffère du nôtre...... C’est une autre école...... Il faut les entendre hennir, caqueter, miauler, braire, siffler, croasser, bêler, mugir, glousser, roucouler, japper, hurler, rugir, ronronner, jacasser, glapir, ...... pour se faire une idée de leur art sonore...... Le répertoire, & la manière de s’en servir, se transmettent de père en fils – par la simple imitation – ... Très bien doué, l’élève ne tarde pas à égaler le maître...... Nous ne connaissons pas leurs ouvrages didactiques...... Peut-être n’en ont-ils pas.... [...]

47 ... Mais, .. rien n’empêche de considérer la plupart des animaux comme propres à exercer un art pour lequel la Nature les a préparés avec tant de soin...... C’est pourquoi les musiciens de l’espèce humaine ont le droit de s’intéresser aux efforts de leurs chers collègues de l’espèce animale ...... Ils l’ont toujours fait de bon cœur, du reste .... » [63, 77]

Cette théorie sera reprise très au sérieux à la fin du XIXème siècle par certains musiciens et ethnologues, remettant alors un question le caractère naturel ou même supérieur de la tonalité classique, et plus généralement des constituants esthétiques, culturels, moraux ou politiques de la civilisation occidentale moderne. C’est notamment le cas de la musique dodécaphonique imaginée par Arnold Schönberg entre 1908 et 1923, et plus particulièrement de la musique sérielle : cette technique de composition musicale donne une importance comparable aux douze notes de la gamme chromatique, et évite ainsi toute tonalité, tout en étant régie par des lois de « séries », dégagées petit à petit et affinées ou modifiées par les successeurs de Schönberg (Berg, Webern, Eisler) et lui-même. Cette nouvelle approche musicale fut très novatrice, et concourut ainsi à se tourner avec intérêt vers la musique orientale. [44]

4. Un talent musical certain

D’autres auteurs ont vu a contrario dans le miaulement du chat une véritable prouesse musicale : « Les Chats sont très avantageusement organisés pour la musique ; ils sont capables de donner diverses modulations à leurs voix, et dans les expressions des différentes passions qui les occupent, ils se servent de divers tons. » [56, 75] Moncrif reprend cette citation de Jean Le Clerc dans son œuvre Les Chats, et ajoute un peu plus loin : « Il faudroit être de bien mauvaise humeur pour disputer aux chats le même avantage [référence à la musicalité des cigales décrite par Pythagore]. On conviendra du moins que la voix des Chats est plus éclatante ; & d’ailleurs nous distinguons bien mieux la variété et le dessein de leur chant ; il est si simple & si agréable, que les enfants à peine sortis du berceau, le retiennent, & se font un plaisir de l’imiter [...] Ceux qui n’y sont pas sensibles n’ont qu’à se prendre au peu de soin qu’ils ont eu de se former le goût.» Puis, encore plus loin, il ajoute : « Il est impossible qu’on ne parvienne point à sentir que dans son Chat on possède un ami de très bonne compagnie, un Pantomime admirable, un Astrologue né, un Musicien parfait, enfin l’assemblage des talents & des grâces. » [56]

48 A la même époque, l’abbé Galiani (ami de Diderot), reconnait plus de vingt inflexions différentes dans le langage des chats, puis des auteurs du XXème siècle en décrivent plus de soixante et comparent leur voix à des instruments exotiques tels que la viole japonaise, le shamisen japonais ou le saron de Java, que nous avons précédemment décrits ; tout en lui prêtant au moment des amours « la plainte attendrie de la viole et les éclats cuivrés de la trompette ». [13, 24, 47, 75]

Mieux que quiconque, les écrivains et les poètes ont su prêter l’oreille à cette musique tantôt si proche et tantôt si éloignée de ce que produisent les voix et les instruments de notre monde occidental. A propos de deux matous qui se battent au dehors dans la nuit de juillet, Colette croit entendre « une grande voix de fauve baryton, à long souffle [qui] persiste à travers les sons acérés d’un chat ténor habile aux trémolos, aux chromatiques aiguës interrrompues d’insinuations furieuses, plus nasales à mesure qu’elles se font plus outrageantes ». Dans « Le Fanal bleu », elle écrit même, en jouant plus encore sur cette complicité musicale entre l’animal et l’homme, que « le chat préfère dans la voix humaine les intonations les plus voisines du chant ». [13, 21, 22]

Baudelaire exprime lui aussi la beauté musicale du miaulement dans l’un de ses poèmes consacrés au chat : « ... Mais que sa voix s’apaise ou gronde, Elle est toujours riche et profonde. C’est là son charme et son secret. [...] Non, il n’est pas d’archet qui morde Sur mon cœur, parfait instrument, Et fasse plus royalement Chanter sa plus vibrante corde

Que ta voix, chat mystérieux, Chat séraphique, chat étrange, En qui tout est, comme en un ange, Aussi subtil qu’harmonieux ! » [4]

49 Les liens entre le chat et la musique sont donc multiples, et ont alimenté les débats et créations artistiques de tous les siècles. Si l’on arrivera difficilement à trancher entre musicalité et charivari, il n’en est pas moins vrai que le sujet questionne, et ce encore à notre époque : des études scientifiques récentes se sont intéressées aux modalités de vocalisations du chat.2 [52] Le temps des concerts et des orgues de chats est bien fini, mais les interrogations scientifiques sur les capacités musicales du mystérieux félin demeurent...

A défaut d’être un grand musicien, il est en tous cas certain que le chat a pris une place importante dans la vie de nombreux musiciens ou compositeurs, influençant souvent leurs choix artistiques.

2 Nous citerons ainsi les 3 articles suivants : - YEON S.C. et al (2011): Differences between vocalization evoked by social stimuli in feral cats and house cats. Behav. Processes 87, (2), 183-189 - PETERS G., TONKIN-LEHAUSENY B. (1999) : Evolution of Acoustic Communication Signals of Mammals : Friendly Close-Range Vocalizations in Felidae (Carnivora). J. Mammal. Evol. 6, (2), 129- 159 - PETERS G., HAST M. H. (1994) : Hyoid structure, laryngeal anatomy and vocalization in felids. Zeitschrift für Saügetierkunde 59, (2), 87-104

50

« Dans une certaine mesure, le chat pourrait être un autre moi-même ou, mieux, comme un maître, un modèle. »

Béatrix Beck (1914 – 2008)

51

52 II. Le chat et les musiciens

Le chat a toujours eu une place privilégiée au sein des milieux artistiques. De nombreux instrumentistes et compositeurs se sont plus à narrer leur attachement au chat, compagnon fidèle des moments de travail dont l’influence est parfois non négligeable. Le chat peut non seulement se targuer d’être une véritable muse, inspirant son propriétaire compositeur pour des créations musicales ; mais également un compositeur à part entière, souvent bien à son insu !

A. Un compagnon fidèle

Nombre de musiciens, compositeurs ou interprètes, ont aimé s’entourer de chats ; et peut-être faut-il envisager les représentations humaines de concerts de chats comme la réciprocité de l’intérêt des chats pour la musique humaine ! Voici quelques exemples montrant l’amitié entre les chats et les musiciens.

1. Des chanteurs

Nombreuses sont les anecdotes de chats fascinés par le chant, jouant même parfois un rôle de critique musical !

Théophile Gautier (1811 – 1872) recevait souvent chez lui des chanteuses, et leurs prestations semblent avoir beaucoup intéressé les chats du poète (qui composa également quelques ballets). Ainsi, il raconte dans une œuvre cette anecdote sur une de ses chattes, « Madame-Théophile » : « Cette délicate et charmante bête […] avait aussi le goût de la musique. Grimpée sur une pile de partitions, elle écoutait fort attentivement et avec des signes visibles de plaisir les cantatrices qui venaient s'essayer au piano du critique. Mais les notes aiguës la rendaient nerveuse, et au la d'en haut elle ne manquait jamais de fermer avec sa patte la bouche de la chanteuse. C'est une expérience qu'on s'amusait à faire, et qui ne manquait jamais. Il était impossible de tromper sur la note cette chatte dilettante. » [29]

Henri Sauguet (1901 – 1989), compositeur passionné par les chats, eut une chatte qui adorait le chant, et notamment les voix de femme, légères et aiguës : « En extase, elle essayait avec la patte, d’attraper au vol les sons qui sortaient du poste de T.S.F. en présence duquel je la laissais toujours quand je m’absentais. Si une chanteuse venait chez moi travailler quelque air de l’opéra que j’écrivais alors (La Chartreuse de Parme) ou quelque mélodie, elle sautait sur le piano et parfois sur la chanteuse elle-même, et cherchait à

53 attraper les sons qui pour elle devaient être visibles, tangibles, matérialisés dans une forme certaine, mais qu’elle n’eût hélas jamais le bonheur de saisir ! […] Elle acceptait la musique quelle qu’elle fut. Seule, la voix l’intéressait. Elle en possédait, du reste, une superbe et peu de matous lui résistèrent. » [12]

2. Des instrumentistes

a) Mademoiselle Dupuy (XVIIème siècle)

Dans son œuvre, Moncrif rapporte une anecdote de musicien très attaché à son chat. Mademoiselle Dupuy, joueuse de harpe du XVIIème siècle, avait écrit un testament en faveur de son chat : « Mademoiselle Dupuy avoit le talent de jouer de la harpe à un degré surprenant, & c’étoit à son Chat qu’elle devoit l’excellence où elle étoit parvenue. Il l’écoutoit attentivement chaque fois qu’elle s’exerçoit sur sa harpe, & elle avoit remarqué en lui des degrez d’intérêt & d’attendrissement, à mesure que ce qu’elle executoit avoit plus ou moins de précision & d’harmonie. Elle s’étoit formé par cette étude un goût qui lui avoit acquis une réputation universelle. A sa mort elle voulut donner à son Chat une marque convenable de sa reconnoissance ; elle fit un Testament en sa faveur ; elle lui legua une habitation très-agrébale à la Ville, & une à la Campagne. Elle y joignit un revenu plus que suffisant pour satisfaire à ses besoins & à ses goûts. » [13, 56, 75]

Figure 26 : Mademoiselle Dupuy avec son chat, sur son lit de mort, écrivant son testament – BNF, Estampes, Paris [37]

54 b) Albert Schweitzer (1875 – 1965)

Albert Schweitzer, plus connu en tant que médecin et théologien alsacien, et pour son prix Nobel de la Paix en 1952, fut également organiste et expert en construction d’orgues : initié très tôt à la musique, il joua de l’orgue paroissial dès l’âge de neuf ans. Il fut un grand admirateur de Bach, et son talent musical de réputation international lui permit entre autres de récolter des fonds pour construire un hôpital à Lambaréné au Gabon. Amoureux des animaux, Schweitzer le fut notamment des chats ; on le voit sur cette photo travaillant à son bureau, entouré de son chat « Sizi ».

Figure 27 : Photographie d’Albert Schweitzer et de son chat « Sizi » (1949) - Bibliothèque Nationale et Universitaire, Strasbourg

Il recueillit cette chatte, alors qu’elle n’était qu’un chaton, entendant un miaulement plaintif près d’un immeuble en construction. Elle s’asseyait souvent sur le bureau de son maître alors qu’il écrivait, s’endormant sur son bras gauche ; alors Schweitzer, qui était gaucher, se mettait à écrire de la main droite ! Elle vécut 23 ans, et un autre chat, Piccolo, lui succéda. Celui-ci aimait bien se coucher sur les papiers encombrant le bureau de Schweitzer ; mais si quelqu’un souhaitait l’un de ses papiers, il était sommé d’attendre que le chat veuille bien se réveiller ! [19] Musicien félinophile donc, Schweitzer nous laisse cette célèbre et très belle citation : « il y a deux moyens d’oublier les tracas de la vie : la musique et les chats. »

55 c) Wanda Landowska (1879 – 1959)

Wanda Landowska, célèbre claveciniste (et en outre brillante interprète de « la Fugue du Chat » de Scarlatti !), fut photographiée par Philippe Halsman en 1944 : l’image montre l’artiste au clavecin, avec un chat assis sur le couvercle de l’instrument. Il est très tentant de trouver une rime plastique entre la position de la tête de l’interprète, sa main droite prête à frapper, et la pose de l’animal, également tête repliée. [37]

Figure 28 : Wanda Landowska, photographie de Philippe Halsman, 1944 [37]

D’autres photos témoignent également de cette affection de Wanda Landowska pour les chats.

Figure 29 : Photographie de Wanda Landowska et son chat [30]

56 3. Des compositeurs

a) Antonio Sacchini (1730 – 1786)

On prétend par ailleurs qu’Antonio Sacchini, compositeur italien, « ne pouvait écrire une note s’il n’avait à ses côtés sa jeune femme, et si une famille de petits chats qu’il affectionnait particulièrement ne jouait pas près de lui. C’était très sérieusement qu’il se disait redevable à leurs mouvements gracieux des chants les plus heureux de son Œdipe à Colone (1786)». [18, 75]

b) E.T.A. Hoffmann (1776 – 1822)

Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann, écrivain romantique allemand mais aussi compositeur, eu également un chat qui compta beaucoup dans sa vie d’artiste. Il fut même à l’origine d’un célèbre roman : « Le Chat Murr ». Le Chat Murr était le véritable nom du chat de Hoffmann, nom inspiré par le bruit du ronronnement de l’animal. Hoffmann laisse l’œuvre inachevée lorsque son animal de compagnie meurt réellement.

Figure 30 : Couverture de la troisième édition allemande du Chat Murr (Berlin, 1855) – site internet Wikipédia, adresse URL : www.wikipedia.org

57 Ce roman se présente comme l’autobiographie d’un chat poète qui a appris à écrire. Il y développe d’ailleurs la qualité opératique des amours félines : « « Mais très-chère, tu as déjà remarqué mon goût extrême pour le chant et la perfection où j’atteins dans cet art : te plairait-il, chère amie, de me chanter un petit air ? » […] Mimine, intimidée d’abord, fut encouragée par mon puissant falsetto. Son organe était adorable, sa diction douce, délicate, coulante ; bref, elle se révéla excellente cantatrice. […] Elle passa magnifiquement de la force héroïque du récitatif à la douceur vraiment féline de l’andante. [Elle] eût transporté un monde entier de matous à l’âme sensible. » [32, 37]

Figure 31 : Statue représentant Hoffmann et son chat, devant le théâtre E.T.A. Hoffmann, sur la Schillerplatz à Bamberg – site internet Wikipédia, adresse URL : www.wikipedia.org (image du domaine public)

Cette statue, située sur une place de Bamberg en Allemagne, représente Hoffmann accompagné de son animal fétiche.

c) Alexandre Borodine (1833 – 1887)

Alexandre Porfirievitch Borodine, compositeur, chimiste et médecin russe, fut également un amoureux des chats. On en retrouve notamment un témoignage dans un passage de l’autobiographie de Rimsky-Korsakoff, consacré à Borodine et à sa famille : « Plusieurs chats, que les Borodine hébergeaient, se promenaient sur la table, fourrant leur museau dans

58 les assiettes ou sautant sur le dos des convives. Ces félins jouissaient de la protection de Catherine Sergueïevna [la femme de Borodine]. On racontait leur biographie. L’un s’appelait « Pêcheur », parce qu’il réussissait parfaitement à attraper des petits poissons à travers les trous de la rivière glacée. Un autre, qui s’appelait « Lelong », avait l’habitude de saisir par la peau et d’apporter chez les Borodine des petits chats qu’il trouvait et que ces derniers casaient chez eux. Plus d’une fois, il m’est arrivé de dîner chez eux et de voir un de ces chats se promener sur la table et arriver jusqu’à mon assiette ; je le chassais ; alors Catherine Sergueïevna prenait sa défense et racontait sa biographie. Un autre s’installait sur le cou de Borodine et le chauffait impitoyablement. « Voyons, monsieur, c’est trop, cette fois », disait Borodine. Mais le chat ne bougeait pas et continuait à se prélasser sur son cou.» [57, 75]

d) Maurice Ravel (1875 – 1937)

Maurice Ravel vécut à Montfort l’Amaury entouré de chats, surtout des Siamois, qu’il appréciait particulièrement. En témoigne la photo ci-dessous et ces propos de Colette, qui avait soumis au compositeur, d’abord réticent, le projet de « L’Enfant et les Sortilèges » : « Cinq ans passèrent. L’œuvre achevée et son auteur sortirent du silence, échappèrent à l’œil nyctalope et bleu des chats du Siam, confidents de Ravel ».

Figure 32 : Photographie de Maurice Ravel et de son chat « Mouni » à Montfort l’Amaury, 1929 [13]

Ses fidèles compagnons contribuèrent sans nul doute à décider Ravel de mettre en musique l’œuvre de Colette, elle aussi très connue pour son amour des chats. [42, 23]

59 e) Henri Sauguet (1901 – 1989)

On sait que le compositeur Henri Sauguet passa sa vie entouré de chats. Durant toute son enfance et son adolescence notamment, un petit félin partagea les joies et les peines du jeune musicien : il s’agissait d’un chat angora noir et blanc, qui lui est donné par une épicière voisine au retour d’un spectacle de cirque auquel il venait d’assister avec son grand-père, à Bordeaux. Comme il s’agissait du cirque du Colonel Cody, Sauguet nomma donc tout naturellement son chat « Cody ». Sauguet se sépara très peu de son chat, et il rapporte que lors des départs en vacances à la campagne, le panier du chat faisait tout naturellement partie des bagages ! [64] Ce chat s’intéressait à la musique que jouait son maître et manifestait ses goûts par l’indifférence pour les gammes et les exercices, par des miaulements ou des ronronnements, suivant les cas, pour les morceaux. Mais il manifestait une passion véritable pour une œuvre. En effet, parmi les pièces pour piano de Debussy que jouait Sauguet, le « Cortège » de la Petite Suite produisait sur Cody « une impression extraordinaire. Il roulait sur le tapis en gémissant de plaisir, sautait sur le piano ou sur mes genoux, léchant mes mains, et accourait dès que je commençais à égrener les tierces enchanteresses », rapporte Henri Sauguet ; « et je ne puis jamais entendre ou jouer cette page sans que son doux fantôme apparaisse et vienne m’offrir une caresse posthume, dans un lointain et insaisissable ronronnement. Cher et doux Cody ! » Ce témoin des jeunes années disparaît lorsque son maître a 20 ans ; mais il sera suivi de beaucoup d’autres congénères. Une chatte, notamment, Marie-Adélaïde Pompon, va être pendant plusieurs années « le plus sévère de mes critiques musicaux », raconte Henri Sauguet. Lorsque le morceau auquel il travaillait lui plaisait, elle ronronnait ; dans le cas contraire, elle demandait à quitter la pièce. « Grâce à elle, bien des fois, j’ai repris un travail ou renoncé à un autre. Et quand j’ai passé outre, je n’ai jamais eu lieu de m’en enorgueillir.» [12]

Figure 33 : Photographie de Henri Sauguet et de l’un de ses chats – site internet Classical Archives, adresse URL : http://www.classicalarchives.com

60 Sauguet aimait également raconter une anecdote plaisante sur le chat : « On m’a parlé de chats virtuoses, de chats danseurs, de chats compositeurs. Je n’ai jamais rien vu de la sorte. J’ai seulement vu, un jour, un chat qui dévorait avec sagesse et sans dégoût la partition d’une œuvre détestable. En essayant de la lui reprendre, il se fâcha et me griffa furieusement. Pour l’achever il la mit en pièces et fit ses besoins dessus. [...] Il était pourtant parfaitement insensible à la musique. Il devait appartenir à la race, extrêmement cruelle et rarissime, des chats critiques musicophages. » [58]

De nombreux livres consacrés à l’autobiographie du compositeur témoignent par des photos de la passion de Sauguet pour les chats : [12, 66]

Figure 34 : Photographie de Henri Sauguet et de l’un de ses chats, « Le capitaine Miriflore » [66]

61 Figure 35 : Photographie de Henri Sauguet tenant un jeune chat dans ses bras [12]

Les chats ont donc souvent eu une place privilégiée dans les foyers des hommes de musique, eux-mêmes très influencés par les réactions de leurs compagnons face à la musique. Mais, bien que peu nombreux, le monde musical connu aussi de farouches opposants aux chats. Le plus connu d’entre eux est Johannes Brahms (1833 – 1897), qui, assis sur le rebord de sa fenêtre dominant les rues de Vienne, prenait grand plaisir à tirer à l’arc sur les chats qu’il apercevait… [19, 75]

62 B. Un animal à l’origine d’œuvres musicales

Simple compagnon, confident intime, l’animal a aussi parfois joué un rôle bien plus important : véritable muse du créateur musical, mais aussi « compositeur » de talent !

1. Une muse, véritable source d’inspiration pour les compositeurs

a) Erik Satie, « Chanson du Chat » (1923)

Erik Satie a composé la « Chanson du Chat » d’après un poème de Léon-Paul Fargue, dont le chat se nommait « Potasson ». C’était également le surnom des amis d’Adrienne Monnier (fondatrice de la « Maison des amis des livres », où Satie aimait se rendre) qui se rassemblaient pour écouter les lectures et jeux de mots du poète ; car ils auraient été, selon lui, aussi agréables que son propre chat, gras, « rond comme un pot ». [55, 62] Ces chansons ont été produites pour la première fois dans le cadre d’un bal masqué organisé par le comte de Beaumont, le 30 mai 1923. Constatant que son nom n’a pas été mentionné dans le programme, Fargue se fâche à mort avec Beaumont et Satie, qu’il ne reverra jamais plus (Satie traitera Fargue de « rude emmerdeur » dans une correspondance avec son ami Paul Collaer). Apparemment, Fargue n’avait pas prévu l’utilisation de cette chanson par son cercle d’amis, en dépit de son intimité avec Satie. [20, 55, 62]

Cette chanson figure parmi les dernières œuvres purement vocales de Satie, écrites deux ans avant sa mort. L’esprit et la fantaisie du meilleur Satie sont une fois de plus mis en évidence, les vers loufoques en sont traités ou dans un style « music-hall » populaire, et le chat est ici un animal totalement burlesque. [77, t] En ce qui concerne les paroles, la « Chanson du Chat » met à l’honneur le chat de Fargue. Fargue partageait le goût de Satie pour le jeu des mots, en les mélangeant avec du non-sens et du parler d’enfant ; si bien que l’ « Air du rat »3, écrit à l’âge de 10 ans par Fargue, est virtuellement différentiable en terme de diction poétique de l’ « Air du chat » écrit bien plus tard – excepté l’humour plus adulte des 3ème et 4ème strophes de ce dernier, que Satie a omises. Musicalement, Satie a ajouté une introduction et une harmonisation à une musique familière, avec assez d’altérations chromatiques pour laisser son empreinte sur l’arrangement. En fait, les poèmes de Fargue allaient si bien sur la chanson enfantine « Compère Guilleri » qu’il devait avoir cette chanson populaire dans la tête comme modèle.

3 Autre poème de Fargue, également mis en musique par Erik Satie dans le même cycle de chansons, « Ludions ».

63

Figure 36 : Comparaison entre les partitions de la « Chanson du Chat » de Satie et la comptine populaire « Compère Guilleri » [80]

Tableau 2 : comparaison entre les paroles de « Compère Guilleri » et de la « Chanson du Chat » [80]

Paroles de Compère Guilleri Paroles de la Chanson du Chat Il était un p’tit homme Il était une bébête Qui s’app’lait Guilleri, Ti li petit nenfant Carabi ; Tirelan Il s’en fut à la chasse, C’est une byronette A la chasse aux perdrix, La beste à sa moman Carabi Tirelan Titi carabi, Le peu Tinan faon Toto carabo, C’est un ti blanc-blanc Compère Guilleri : Un petit potasson ? Te lairas-tu, C’est mon goret Te lairas-tu, C’est mon pourçon Te lairas-tu mouri’ ? Mon petit potasson.

Noter ainsi les distorsions phonétiques : « le petit enfant » devient « li petit nenfant », puis glisse vers « Le peu Tinan faon », ce qui invite à la contrepétrie « le feu Tinan paon » : comme un coup de griffe de Fargue à son ami Jean de Tinan, disparu quelques années auparavant. [36, 55, 80]

64 Si Léon-Paul Fargue passa sa vie entouré de chats, Satie ne sembla pas plus amateur de chats que ça. Cependant, chose amusante, ce compositeur mystérieux et anticonformiste fut lui-même comparé à un félin. Charles Koechlin (1867 – 1950), compositeur contemporain de Satie, le compare à un chat notamment parce qu’il faisait de longues promenades nocturnes : « les chats sortent la nuit » et « Vous connaissez, je suppose, ce conte charmant de R. Kipling Le Chat qui s’en va tout seul... Je ne saurais penser à Satie sans évoquer l’image du libre félin » De plus, il attribuait à sa musique toutes les qualités du chat, à savoir : « La souplesse élégante, la sobriété de gestes, la précision du coup de pattes en ses jeux malicieux, la sensibilité discrète que le vulgaire s’obstine à ne point deviner ; enfin et surtout, l’instinctive, l’absolue indépendance. » La plus grande de ces remarquables vertus félines est : l’indépendance – la plus marquée des caractéristiques de Satie. Ce compositeur se souciait en effet peu de ce que les autres faisaient ou allaient faire ; par contre, nombreux étaient ceux qui jetaient fréquemment un coup d’œil sur Satie pour voir ce qu’il pouvait être en train de préparer ! [72, 77] Du reste, Satie fut à l’origine d’un célèbre article « l’intelligence et la musicalité chez les animaux », publié dans Les Mémoires d’un amnésique. Celui-ci ne traite pas particulièrement du cas du chat, mais on retrouvera une allusion à cet animal dans les « Causeries » : « On a beaucoup parlé de l’intelligence des animaux – ils sont de plus, polis... Il est rare qu’un animal soit grossier envers l’Homme – C’est l’Homme qui manque de courtoisie vis-à-vis de l’animal.... Exemple : un chat dort sur un Fauteuil, l’Homme vient, et chasse le chat. Je n’ai jamais vu le contraire : le chat venant, et chassant l’Homme, du fauteuil... » [63, 77] Satie n’est donc pas un compositeur connu pour une affection particulière pour les chats, mais l’on voit bien dans ses choix artistiques et ses écrits que l’animal le fascinait cependant.

b) Henri Sauguet, « Six mélodies sur des poèmes symbolistes » (1938)

Nul doute que sa passion pour les chats influença Sauguet lorsque, en 1938, il compose « six mélodies sur des poèmes symbolistes », dont deux d’entre elles s’intitulent « Chat I » et « Chat II ». [u] - Chat I : il s’agit de l’une des rares mélodies connues de Sauguet, sur un poème de Charles Baudelaire (« Le Chat »), pour qui le chat fut d’ailleurs aussi un animal fétiche. Elle est composée de mélismes faciles, presque orientalisants, donnant au piano l’effet d’une courbe caressante et nonchalante montant d’une main à l’autre. L’atmosphère générale est celle d’un

65 climat voluptueux que rompt à deux reprises un passage d’accord plus marqué : la deuxième fois, il s’agit du texte « non il n’est pas d’archet ». - Chat II : le rythme de cette mélodie tangue paisiblement, lentement ; elle est plus racée d’écriture, plus imprévue dans ses inflexions et ses harmonies. La mélodie rend admirablement compte du poème : après chat de luxe, de calme et de volupté, voici une énigme plus troublante : « peut-être est-il fée, peut-être est-il Dieu » ? C’est un chat aux prunelles aimantées, qui méduse le poète et le musicien ensemble. [61]

2. Un compositeur malgré lui

a) Domenico Scarlatti, La « Fugue du Chat » (1738)

En 1738, Domenico Scarlatti (1685-1757) composa la « Fugue du Chat », extraite des 30 Essercizi pour clavecin (fugue K30 – L499). [w]

Figure 37 : Couverture de la partition d’un arrangement de la Fugue du chat de Scarlatti par William Hutchins Callcott, 1871 – British Library, Londres

66 Selon Ralph Kirkpatrick, dont la numérotation éponyme est aujourd’hui utilisée de façon standard pour identifier les sonates de Scarlatti, cette dénomination plaisante date de 1800 environ. En effet, le titre désormais célèbre de « Fugue du chat » n’apparaît pas dans l’édition originale mais dans l’ancienne collection de Muzio Clementi (Practical Harmony). On dit que Scarlatti aurait entendu marcher sa chatte Pulcinella sur son clavier, d’où l’écriture de cette fugue : histoire amusante ou réel travail d’écriture ? [76] Rien n’est néanmoins plus contraire à son habitude que d’accoler un titre, fut-il anecdotique. [5, 75] Mais le doute persiste, renforcé par la préface de ces 30 Essercizi pour clavecin, insistant sur le caractère de divertissement voulu par l’auteur : « Ne cherche pas dans ces compositions une érudition profonde, mais plutôt un jeu ingénieux avec l’art ...». De plus, la quasi-totalité des pièces de Scarlatti est écrite selon un schéma binaire, avec 2 parties à peu près égales qu’il faut répéter : une première partie se terminant à la dominante, et une deuxième se terminant sur la tonique. Mais pas la « Fugue du Chat » : il s’agit d’une exception ! On disait également que Scarlatti ignorait les mouvements lents, réputation venant en partie de ces 30 pièces ; pourtant cette dernière fugue est « moderato » !! Cette pièce semble donc accumuler les interrogations... Cependant, aucun manuscrit n’existe pour valider ou non cette théorie ! Dans tous les cas, l’histoire n’en est pas moins charmante, et le morceau d’une grande beauté : non point tant à cause du sujet lui-même, qui rentre bientôt dans l’ordre de progressions harmoniques normales, mais du fait des retards, des syncopes, de tout un entrelacs sensible et mouvant. [25, 60]

La figure 27 représente le début de la partition de la « Fugue du chat » : noter le curieux thème chromatique ascendant, tel le déplacement d’un chat sur un clavier…

Figure 38 : Partition illustrant le début de la « Fugue du Chat » de Domenico Scarlatti – John Sankey (1999), released under the GNU General Public License

67 b) Frédéric Chopin, La « Valse du Chat » (1838)

En 1838, Frédéric Chopin a composé pour le piano Trois valses brillantes (op. 34) (1838). La troisième en fa majeur, Vivace, est une pièce très courte, pleine de malice. C'est [g] « […] une valse de salon pleine de brio. Elle se caractérise surtout par de pittoresques appogiatures (42 mesures) bondissantes qui lui ont valu le surnom de "Valse du chat" et qui auraient été inspirées à Chopin par les sauts légers d'un petit chat sur les touches de son clavier. » [11, 73] Cette œuvre est souvent désignée par ce surnom, mais il n'est vraisemblablement pas de Chopin, qui détestait les sous-titres accolés à ses œuvres. Là aussi, le mystère du titre de l’œuvre reste entier : sans doute un éditeur plein d’imagination y aura vu un rapport à notre cher félin, sans pour autant que l’idée ait traversé l’esprit de l’auteur à l’origine…

Figure 39 : La Valse du Chat de Chopin, aquarelle de Bernard Vercruyce, vers 1990

68 c) Zez Confrey, « Kitten on the keys » (1919)

Le pianiste Zez Confrey (1895-1971), inventeur du style « novelty », adaptation « moderne » et étourdissante du ragtime, reprit cette idée de chat créateur dans « Kitten on the Keys » qu’il enregistra sur piano mécanique vers 1919, puis à plusieurs reprises pour le phonographe, avec un énorme succès. [h] Classiquement formé au conservatoire de Chicago, peut-être a-t-il connu la « Fugue du Chat », morceau souvent publié ou arrangé au XIXème siècle et au début du XXème siècle. Toujours est-il qu’il raconte lui-même que l’inspiration lui vint en observant le chat de sa grand-mère qui avait l’habitude de se balader sur le piano du salon en lui arrachant des notes à l’enchainement fort surprenant et aux rythmes peu usuels. [37, 76]

Figure 40 : Couverture de la partition de Kitten on the Keys de Zez Confrey, 1921 – collection Philippe Baudoin, Paris

Compagnon fidèle, critique musical averti, source d’inspiration pour leurs propriétaires compositeurs, le chat a toujours pris une place favorite dans les milieux de la musique. On ne retrouve pas dans les biographies d’amitié aussi franche et intime entre un musicien et un autre animal. Très sensible à la musique, le chat n’en finit pas d’hypnotiser et de poser son empreinte sur les partitions : nombreuses sont les pièces où le chat tient une place prépondérante. Ce choix est rarement un hasard, et mérite une attention particulière dans cette étude.

69

70

« Il y a quelque chose de mystérieux chez le chat, de secret, et comme soi- même l’on est déjà un secret, c’est alors la rencontre de deux mystères. »

Marcel Arland (1899 – 1986)

71

72 III. Symbolique du chat dans les œuvres musicales classiques

Venons-en ainsi maintenant à l’étude de la symbolique du chat en musique classique. Nombreuses sont les œuvres où le chat est simplement imité à travers ses cris ou ses attitudes félines, que ce soit par le chant ou les instruments de l’orchestre. Mais parfois sa présence au sein des œuvres revêt une fonction particulière : tantôt souvenir nostalgique d’une enfance lointaine, tantôt animal paisible et simple, dont les qualités s’opposent au comportement de l’homme et à ses fourberies, le chat peut aussi être présent de façon purement fictive en tant que métaphore de l’humain.

A. Une imitation du cri et des attitudes de l’animal

On assiste ici à une véritable caractérisation animale par le timbre, qu’il soit vocal ou instrumental.

1. Par le chant

a) Le miaulement du chat, un langage simpliste

En 1790, Wolfgang Amadeus Mozart a écrit et orchestré le duo : "Nun Liebes Weibchen" (Alors chère petite femme), lied en fa majeur (K. 625) pour soprano et basse. [m] Celui-ci constitue le final de l'acte II de l'opéra La Pierre philosophale - Der Stein der Weisen de Emanuel Schikaneder (1790) : c'est le musicologue David Buch qui a retrouvé en 1996 un manuscrit complet de cet opéra dans lequel chaque numéro est attribué à un compositeur. Dans cet opéra, Lubano et Lubana sont deux bergers tout juste mariés, mais Lubana est une femme un peu frivole. Ayant suivi le méchant Eutifronte aux enfers, ce dernier, pour l'empêcher de raconter ce qu'elle a vu, lui retire l'usage de la parole : elle ne peut que miauler. Dans le duo, après une introduction d'orchestre, Lubano retrouve sa femme et découvre qu'elle a été ensorcelée par le diable : il pense que rien ne peut la sauver, mais il espère que malgré tout elle lui restera fidèle. Lubana ne lui répond que par des miaulements expressifs, acquiesçant les paroles de Lubano.

Voici un extrait du texte de cette pièce, pour le moins burlesque : LUBANO : « Allons, chère petite femme, viens vivre avec moi dans ma chaumière tranquille. » LUBANA : « Miaou, miaou, miaou, miaou »

73 LUBANO : « Quel langage tiens-tu là ? Parle sans détour ! N’est-ce pas ? Tu aimes bien rester à la maison. » LUBANA : « Miaou, miaou, miaou, miaou. » LUBANO : « La peste du miaulement ! Dis, restes-tu fidèle à moi seul ? » LUBANA : « Miaou, miaou. » LUBANO : « Miaou, miaou. Aïe, aïe, pauvre de moi ! Elle est ensorcelée, que faire ? » LUBANO, LUBANA : « Miaou, miaou, miaou, miaou, miaou ! » LUBANO : « Pauvre petite femme, tu me fais pitié ; il n’y a plus rien à faire pour toi ! » LUBANA : « Miaou, miaou, miaou. » LUBANO : « Peut-être Eytifronte le pourrait-il ! Viens, viens, il nous le pardonnera. » LUBANO, LUBANA : « Miaou, miaou, miaou, miaou ».

Dans cette œuvre, les miaulements représentent un moyen d’expression simpliste, et incompréhensible de l’homme ; seuls les intonations semblent changer, mais le langage de Lubana reste basé sur l’onomatopée « miaou ». Cela n’est pas anodin si, une fois ensorcelée, la jeune femme ne peut plus s’exprimer que comme un chat : c’est que ce dernier reste un animal, à la communication basique et bestiale ; il se situe donc à un niveau bien inférieur à l’homme et son riche vocabulaire... A noter que dans cet air, les paroles de Lubano sont accompagnées par les cordes en majorité, dans une orchestration relativement recherchée et variée ; à l’inverse, lorsque Lubana s’exprime en miaulant, ce sont les bois que l’on entend le plus, toujours sur le même thème très simple : celui-ci est construit de façon cyclique avec une partie ascendante puis descendante, alternativement répétées une seconde fois, donnant un sentiment de balancement, d’oscillations répétées et peu diversifiées. [54]

b) Un animal aux bas instincts

(1) Jacques Offenbach, « La Chatte métamorphosée en femme » (1858)

Les œuvres musicales où le chat tient un rôle central sont parfois aussi le moyen de montrer toute la différence entre l’animal, aux instincts primaires, et l’homme, être vivant moral et réfléchi. Le genre humain est mis en valeur et encensé tel un être nettement supérieur aux animaux. Ainsi, en 1858, Jacques Offenbach (1819 – 1880), composa la Chatte métamorphosée en femme, à partir de la fable de La Fontaine du même nom. [n] Cet opéra raconte les amours

74 du jeune Guido pour sa chatte Minette. Dig-Dig, un jongleur indien, propose au jeune homme, en invoquant Brahma, de transformer la chatte en jeune fille. Guido accepte et se trouve confronté à l'espiègle Minette. En fait cette féline apparition n'est autre que la cousine de Guido, secrètement amoureuse de son cousin. Celle-ci joue donc le rôle d’une femme qui a été chat auparavant, et en adopte des traits de caractères assez primaires : elle mange la crème avec les doigts, chasse les canaris, griffe, etc. Les journalistes apprécieront cette pièce, surtout le rôle de Minette, par son jeu et son chant : « Il faut voir avec quel charme elle trempe ses doigts dans la crème, avec quelle coquetterie elle vous distribue ses petits coups de griffes, avec quelle savante mimique elle remplit son rôle de chatte et de femme ! ». [39]

(2) Henri Sauguet, « La Chatte » (1927)

Soixante-neuf ans plus tard, en 1927, Henri Sauguet reprendra cette thématique dans son ballet La Chatte [v] : après avoir pensé écrire un morceau ayant pour thème les « matelots », il se voit proposer ce sujet. Sa réaction sera : « Pour un amoureux des chats, la chatte valait bien un matelot ! »[12] Ecrit sur une commande de Serge de Diaghilev (organisateur de spectacles du début du XXème) pour les , avec Georges Balanchine comme chorégraphe, ce ballet s'inspire également de la fable de La Fontaine (nous avons vu que ce même sujet a été traité par Offenbach mais sous la forme d'opérette), mais traitée de façon un peu différente : un jeune homme avait un amour violent pour une Chatte, et pria alors très instamment la Déesse Vénus de la métamorphoser en femme. Vénus, touchée de compassion pour ce jeune homme, transforma la chatte en une belle jeune fille d'une rare beauté. Ils ne furent pas plutôt dans le lit, que Vénus pour éprouver cette fille, et pour savoir si en changeant de figure elle avait aussi changé de tempérament, lâcha un rat dans sa chambre. Alors cette nouvelle épouse oubliant son amant et le lit nuptial, sauta hors du lit, et se mit à poursuivre le rat pour le manger. La Déesse, irritée de sa légèreté, lui rendit sa première forme, et la fit redevenir Chatte. [64]

On assiste ici à une allégorie du Naturel, qu’il ne sert à rien de combattre, à l’instar du proverbe : « Chassez le Naturel, il revient au galop ». De plus, on retrouve là aussi la critique du chat, avec ses instincts de chasseur et sa légèreté animale, si loin de la grandeur de l’homme.

75 Ce ballet fut créé à Monte-Carlo le 30 avril 1927 et donné plus de 200 fois entre 1927 et 1929 jusqu'à la mort de Diaghilev. C'est dans un décor très futuriste - structures métallisées - (nous sommes en 1927 !) que se joue ce ballet en opposition avec la musique de Sauguet qui est d'une grande richesse mélodique ; on y retrouve à un moment l'écho d'une valse de (Richard Strauss félicitera d’ailleurs Henri Sauguet pour son ballet par l'intermédiaire de Diaghilev). L'œuvre est très gaie, le jeu des danseurs très expressif. Elle eut les faveurs de la critique, ce qui valut à Henri Sauguet d'être reconnu comme compositeur de ballet.

Figure 41 : Photographie prise lors d’une représentation du ballet « La Chatte » de Sauguet ; Gaia Straccamore et Mario Marozzi, Opéra de Rome – photographie de Maria Falsini

Force nous est alors d’évoquer très brièvement la cantate BWV 211 de Johann Sebastian Bach. [a] Composée en 1732, cette Kaffeekantate (littéralement, « cantate du café »), légère et humoristique, se moque à la fois des jeunes entichés du café et de la vieille garde qui ne voit que du mal à ce nouveau breuvage. Le dernier chœur de l’œuvre s’intitule « die Katze lässt das Mausen nicht », proverbe allemand signifiant : « chassez le naturel, il revient au galop ». Littéralement, il pourrait être traduit par : « le chat ne peut s’empêcher d’attraper les souris » ; l'écrivain Ludwig Börne (1786 – 1837) proposait lui de le compléter de la manière suivante : « la chatte ne peut s'empêcher d'attraper des souris même lorsqu'elle est devenue une belle princesse ». Notons également que le mot générique désignant le chat en allemand est féminin : die Katze. [8] Aucune allusion directe au chat donc dans cette œuvre musicale, mais il est intéressant de remarquer l’association de notre félin à ce proverbe qui caractérise si bien les deux œuvres précédemment étudiées ! [40]

76 c) Une parodie des comédies italiennes

Bon nombre de compositeurs, à travers les siècles, ont parodié le miaulement du chat dans leurs œuvres, tournant en dérision la musicalité de son cri. On pensera bien entendu au « Trio des grotesques » de chiens, chats et ânes (appelés dans l’œuvre « rossignols d’Arcadie ») composé par Marc-Antoine Charpentier pour l’Intermède nouveau du Mariage Forcé, lors de sa reprise en 1672. [f] Voici un extrait des paroles de ce trio (partie de soprano, voir Annexe 2 pour la partition complète) : « Caou, caou, miaou, oua, oua, oua, ou, miaou, miaou, miaou, hin han, hin han, hin han, hin han, hin han, hin han, hin han ; Ô, ô, ô le joli concert, et la belle harmonie ! »

Ce passage est un clin d’œil plein d’humour à la comédie italienne de l’époque, dont il tourne en dérision les procédés d’écriture, renversant complètement leurs potentialités émotionnelles et leur conférant au contraire une grande force comique. Charpentier utilise ici ces onomatopées de cris d’animaux pour se rire de la musique et se moquer de lui-même. [5, 14, 17]

La même idée se retrouve dans le contrepoint bestial du Festin du Jeudi-Gras (1608) d’Adriano Banchieri. [b, c] Celui-ci met en scène un chien, un chat, un coucou et une chouette chantant en latin sur une basse, improvisant un contrepoint sur leurs cris respectifs. En voici les paroles : « Cucù cucù Chiù chiù Gnau hnau gnara gnau* Babau babau

Nulla fides gobbis ; Similiter est zoppis. Si squerzus bonus est, Super annalia scribe. » (Ne fais jamais confiance aux bossus ; pareillement pour les estropiés. Mais si cette plaisanterie est bonne, consigne-la dans un livre d’histoire). [5, 75] * Italien ancien pour « miaou miaou »

77 Dans ces deux œuvres, les onomatopées sont plus importantes que la mélodie, très simple, que le compositeur a écrite par-dessus.

Bien plus tard, en 1822, Gioachino Rossini (1792-1868) composa le célèbre « Duo des chats », bouffonnerie miaulique où une soprano et une mezzo-soprano échangent comiquement des « miaous ». [r] Construite en trois parties, la mélodie est divisée comme suit : - d’abord un Adagio, échange lent de « miaous » plaintifs : de dépit, ou de langueur ? - puis des « crachements » félins, suivis de « miaous » légers et frétillants (Allegretto) - enfin un festival de vocalises félines, exprimant le ravissement des chats. Toutefois, d’après le musicologue Edward J. Crafts (dans le numéro 3 du Bolletino del Centro rossiniano di studi de l’année 1975), cette œuvre serait faussement attribuée à Rossini : elle aurait été écrite par un certain G. Berthold, qui se serait lui-même inspiré d’un thème de l’Othello de Rossini et d’une Katte-Cavatine d’un compositeur danois, C.E.F. Weyse (1774- 1842). [13, 37] La paternité du « Duo des chats » avait été donnée à Rossini, car elle faisait référence à des faits de la vie personnelle de l’auteur : lorsqu’il se trouvait à Padoue, il devait miauler toutes les nuits vers trois heures du matin sous les fenêtres d’une maison pour pouvoir y entrer. C’est toutefois ce que nous relate Stendhal dans la Vie de Rossini, dans une déclaration du musicien : « A Padoue, l’on m’a obligé à venir faire le chat dans la rue, tous les jours à trois heures du matin, pour être reçu dans une maison où je désirais fort entrer ; et comme j’étais un maître de musique orgueilleux de mes belles notes, on exigeait que mon miaulement fût faux.» [70, 76] Invention ou réalité, cette anecdote n’en reste pas moins plaisante ! Le « Duo des chats » étonne en tous cas par sa modernité et son audace : il est en effet facile de voir dans cette pièce burlesque une raillerie des longs airs langoureux des opéras italiens de l’époque...

2. Par les instruments

a) Les cordes

Le violoniste Carlo Farina (v. 1600-1639) écrivit lui un court extrait intitulé « Il Gatto » dans son Capriccio stravagante (1627) ; ce dernier commence comme le début d’une chaconne, interrompue par un silence ; et très vite, un violon suivi d’un autre, puis d’un troisième, imite les miaulements des félins. « Il Gatto » se termine alors par un staccatissimo

78 joué par l’ensemble des violons dans une nuance forte, comme si le compositeur souhaitait faire taire les chats… [75, i]

Quarante ans plus tard, en 1669, Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) composa une Sonata representativa pour violon et basse, où un allegro et une allemande encadrent des imitations animales (rossignol, coucou, grenouille, poule et coq, caille, chat). Dans l’extrait « Die Katz » (le Chat), on peut noter la présence d’effets humoristiques de glissando en imitation, évoquant le « miaou » du chat, mais aussi sa démarche gracieuse et souple, ses déplacements chaloupés frôlant parfois la reptation. [5, e]

Figure 42 : Extrait de la partition de la « Sonata Representativa » de Heinrich Ignaz Franz Biber : Die Katz (le chat) – Johann Tufvesson (copie non commerciale autorisée)

b) Les vents

(1) Igor Stravinsky : « Berceuses du chat » (1916)

En 1916, Stravinsky fut le premier à se servir du timbre de la clarinette pour caractériser par le timbre les attitudes du chat, dans ce cycle de quatre chants pour voix de contralto et trois clarinettes (petite clarinette en mi bémol, clarinette en la et clarinette basse). Les quatre mouvements sont : « Sur le Poêle », « Intérieur », « Dodo », « Ce qu’il a, le chat ». Différents personnages sont présents dans ces quatre chansons : une mère et son enfant, ainsi qu’un chat, une chatte, et leurs chatons. [75, x]

Sur des textes simples et populaires, Igor Stravinsky a composé ces pièces courtes dans le style des « Pribaoutki », ce cycle de chansons populaires russes qu’il a composé en 1914. Musicalement, la ligne vocale est simple et réduite dans son ambitus, les séquences musicales sont répétitives et l’harmonie est caractéristique. Les trois clarinettes ajoutent une saveur supplémentaire à ces petits chefs d’œuvres : mélismes félins (n°2), registre inhabituel

79 avec la clarinette basse remplacée par une clarinette en la jouant dans l’extrême grave (n°3), doublure du chant à l’octave supérieure (n°4). L'écriture exploite ainsi les instruments dans des registres parfois inusités. [31] Il s’agit de « quatrains absurdes à l’issue incertaine et au caractère remarquablement surréaliste. Quelques figures musicales, quelques tournures répétées à la manière de formules : Stravinsky compose en style imagé le décor agreste irréel appliquant ce faisant avec virtuosité son art enthousiasmant de la caractérisation instrumentale. » [10] Toujours est-il qu’en associant le timbre des trois clarinettes à celui de la contralto chantant des textes populaires russes, Stravinsky réussit à créer entre la mère, l’enfant, le chat, la chatte et leurs chatons, une intimité douillette où se fond toute rationalité qui tendrait à faire de l’homme une espèce distincte. [9]

(2) Maurice Ravel : « L’Enfant et les Sortilèges » (1919)

Le philosophe et musicologue Vladimir Jankélévitch, le premier, souligna le goût de Ravel pour le pari ou la gageure. Mettre en musique le poème de Colette dans l’Enfant et les sortilèges (1925) était un risque comparable à celui d’écrire un concerto pour piano joué avec l’unique main gauche, ou à celui de construire une œuvre, le Boléro, sur une seule mélodie répétée sans cesse ! Ravel releva le défi et le gagna, à tel point que certains n’hésitent pas à placer l’œuvre au sommet de sa création. L’histoire est la suivante : dans une petite chambre basse d’une vieille maison de campagne en Normandie, avec vue sur le jardin, un enfant grognon de six ou sept ans rechigne à faire ses devoirs, un paisible après-midi d’automne ou seulement la bouilloire chante, et le Chat ronronne. Sa mère entre dans la pièce et se fâche. Il lui tire la langue. Pour le punir, elle lui interdit de sortir jusqu’au dîner avec pour toute nourriture du thé sans sucre et du pain sec. Un accès de colère lui fait briser la tasse et la théière, martyriser l’écureuil dans sa cage, tirer la queue du chat, renverser dans le feu la casserole pleine de thé, etc. Il déclare : « Hourra ! Plus de travail, plus de devoirs ! Je suis libre, méchant et libre ! ». Les objets et les animaux, alors, se révoltent contre l’enfant. Le grand fauteuil, la bergère, l’horloge comtoise, la tasse, la théière et enfin le feu le menacent : « Arrière ! Je réchauffe les bons, mais je brûle les méchants ! ». Etourdi, après avoir été aux prises avec l’Arithmétique qui l’a entraîné dans une danse effrénée, il se relève péniblement et voit le Chat qui joue et roule une balle de laine (chat symbolisé dans l’orchestre par une clarinette à la mélodie chaloupée ainsi que par des feulements). Lorsque le Chat veut jouer avec la tête de l’enfant

80 comme avec sa balle, le méchant petit homme demande au Chat : « C’est toi Chat ! Que tu es grand et terrible ! ». Puis l’animal se dirige vers la fenêtre à la rencontre d’une chatte blanche. L’enfant le suit peureusement, attiré par le jardin. A ce moment, les parois s’écartent, le plafond s’envole et l’enfant se trouve, avec le Chat et la Chatte, transporté dans le jardin éclairé par la pleine lune et la lueur rose du couchant. Deux clarinettes commencent alors un duo, miaulé musicalement et sans paroles par une mezzo soprano et un baryton, parfait exemple de musique imitative : seuls des « Mi-in- hou » et autres « Mornaou, nâou, Moâau...», syllabes choisies par Colette pour représenter le langage chat, peuvent être entendus. Mais attention, pas question pour les chanteurs de prendre de la liberté quant à la musique, car Ravel a placé sous chaque syllabe des notes exactes, précisant sur la partition « avec émission nasale » pour renforcer le réalisme de l’effet ! Et au final, l’imitation voulue à la fois par Ravel et Colette du miaulement est étonnante de vérité et montre en passant que le « miaou » est bien plus complexe qu’il n’y paraissait au départ ! Le duo, très langoureux, va crescendo en de longs glissements exécutés par tout l’orchestre. Ce duo miaulé voluptueux bouscula quelque peu les mentalités bien-pensantes de la société bourgeoise de l'époque, et lors de la création parisienne, cette affrontement incongru du baryton et de la mezzo-soprano suscita l’indignation. [13, 42, 51, 76, q]

Notons dès à présent dans cette œuvre l’utilisation de la clarinette pour « représenter » les chats. D’autres compositeurs feront également ce choix, qui n’est pas anodin comme nous le verrons plus loin.

(3) Serge Prokofiev : « Pierre et le Loup » (1936)

En 1936, Prokofiev composa le conte musical Pierre et le Loup : vingt-deux ans après « Le vilain petit canard », on assiste à un nouvel essai de description en musique de tout un monde animal pittoresque. [o] Prokofiev avait un goût très vif pour le fantastique, les contes, les mythes : cela lui aurait été inculqué par sa mère, pour qui il avait une profonde affection, qui lui racontait des contes populaires enfantins. Il s’agit d’une histoire musicale sans importance (à première vue du moins, comme nous le verrons plus loin !), destinée à encourager les enfants à écouter la musique. Prokofiev sait que le monde animal fascine les enfants. Il a composé cette œuvre en une semaine, sollicité par la directrice du Théâtre National pour Enfants. Le chat est présent dans Pierre et le Loup là aussi en tant que clarinette, qui est cette fois staccato, dans le registre grave. [26, 49]

81

Commentons le choix de la clarinette comme instrument représentant le chat : il s’agit d’abord d’un instrument à vent. Le chat mérite cette sonorité aérienne, grave et veloutée à la fois. Il est diaphane, agile, magique, comme détaché de la pesanteur. La clarinette aussi ne pèse pas, légère et spirituelle, mais est en même temps d’une profondeur sans égale. Comme le chat, elle offre un registre incomparable : trois octaves et une sixte mineure. Comme le chat, elle peut plonger dans les profondeurs vibrantes de la vie et de ses secrets... et puis, sans transition, s’éclaircir et tutoyer les anges ! [76]

c) Tout l’orchestre

Une atmosphère féline est recréée par l’orchestre dans le ballet de Tchaïkovski, La Belle au Bois dormant. [z] Créé en 1902, l’idée de cette œuvre revient au librettiste Ivan Vsévolojski, qui voulait recréer l’atmosphère des contes de Perrault : le Chat Botté, le Petit Poucet, Barbe-Bleue, etc. On retrouve nos félins à l’Acte III de la pièce, dans un « Pas de caractère » en la mineur, où interviennent le Chat botté et la Chatte blanche, sur un tempo andante. Le Chat Botté tombe sous le charme d’une Chatte blanche assise sur un coussin et effectuant sa toilette au sein du cortège nuptial. Pour courtiser cette dernière, le Chat Botté exécutera avec elle un pas de deux, moment fort du ballet. Il y est annoté : « Des miaulements réciproques de caresses et de coups de griffes. Pour la fin, égratignures et le cri du chat. Pour commencer, un 3|4 amoureux et pour finir un 3|4 précipité de miaulements. » Les bois font « Mi-a-ou », les trémolos de cordes répondent sourdement « Pfff ! » : tout un matériau musico-félin est utilisé par l’orchestre pour ce dialogue animal. Les successions d’intervalles quinte/sixte mineure, ou sixte mineure/sixte majeure, reproduisent les inflexions naturellement chromatiques du langage chat, et il est certain que Ravel s’en inspira pour le duo félin de L’Enfant et les sortilèges. [38, 75]

82 B. Une évocation nostalgique de l’enfance

Pour certains compositeurs, la présence du chat dans leurs œuvres musicales reflète un attachement profond et personnel à l’animal, évocateur de la quiétude de leur enfance. On retrouve ainsi dans cette affection les mots utilisés par Champfleury à propos de l’élite des hommes : « Un souvenir d’enfance est plus doux au cœur des esprits d’élite que les titres et les honneurs. Sous les couches de science entassées dans le cerveau des grands travailleurs se détache une chanson de nourrice ; car tel est le caractère propre aux intelligences de rester enfants par quelque coin, et de ressentir dans la maturité les impressions de l’enfance. C’est ce qui explique pourquoi tant d’hommes considérables ont conservé une si vive affection pour les chats. » [16]

1. Modeste Moussorgsky, le « Chat Matelot » (1872)

En 1872, le compositeur russe Modeste Moussorgsky composa le recueil des Enfantines, cycle de sept mélodies pour mezzo-soprano accompagnée au piano, incluant notamment le « Chat Matelot » qui en est la 7ème œuvre. [l] Sur des mouvements assez rapides : Vivo, Allegro, Moderato puis Allegro meno vivo, elle raconte l'histoire d'un enfant qui revient dans la chambre pour chercher une ombrelle et qui surprend le chat de la maison, essayant d'attraper le bouvreuil dans sa cage : « je regarde un instant la fenêtre : oh ! je vois notre chat noir, notre mimi couché sur la cage du bouvreuil ! Le pauvre oiseau, tremblant, se cache, et crie. Va, attends, monstre ! oh ! oh ! tu veux croquer notre oiseau, gare ! je te tiens ! oui, gare ! Je restais bien tranquille sur place, faisant l’aveugle, mais d’un œil je surveille sa patte, chose étrange ! Il dardait ses prunelles vertes sur moi, fourrant ses griffes dans la cage ; dès qu’il voulut attraper mon bouvreuil, je l’ai frappé fort ! » Ici il y a un point d'orgue : suspense. La fin de l’histoire est écrite dans un mouvement Moderato. L’enfant, en tapant sur les barreaux pour faire partir le chat, s’est fait mal aux doigts. Comme dans bien d’autres mélodies de Moussorgsky, la réalité fait irruption dans l’univers familier : « Mère, que cette cage était dure !

83 Oh ! que j’ai mal et que je souffre ! Ici, les ongles me font si mal ; ils me brûlent, oh !... » Le refuge sera l’approbation des grandes personnes : « Mais, ce chat, quel brigand, maman, dis ? » Ces derniers mots de l'enfant sont voulus ad lib. parlendo par Moussorgsky. Alors que le récit de l'enfant est forte, lorsqu'il parle du chat : « couché sur la cage du bouvreuil… fourrant ses griffes dans la cage… » la nuance est, brusquement pianissimo, comme pour ne pas attirer le chat mais le surprendre au bon moment. Le morceau se termine par un accord qui laisse en suspens la fin de cette histoire.

Le « Chat Matelot » est donc la narration d’un menu fait, vu au travers de l’œil grossissant d’un enfant. Cette mélodie est un triomphe de réalisme : faisant fi de toutes les conventions et de toutes les disciplines musicales, Moussorgsky n’obéit qu’à ses impressions et à ses impulsions. Les problèmes de l’harmonie ne s’y posent même pas ; il transcrit directement en sonorités pianistiques et vocales tout ce qu’il voit, tout ce qu’il entend. On voit qu’il cherche ici à montrer l’importance du lien entre le chat et le temps de l’enfance. C’est un animal un peu double, qui effraie l’enfant (« il dardait ses prunelles vertes sur moi ») mais porte aussi en lui le symbole de la tendresse et de la douceur (« notre mimi couché sur la cage du bouvreuil »). [41] Selon Pierre d’Alheim, biographe de Moussorgsky, «l’enfant russe adore les animaux, dont il observe avec intérêt le caractère, les mœurs, les habitudes. Il n’est pas rare de rencontrer dans la chambre d’enfants un chat de Sibérie, aux feux ardents comme ceux des chats d’Espagne, qui trouve moyen dans le branle-bas d’une agitation criarde de couler la vie douce.» [1]

Cette œuvre ne s’adressait pas seulement aux grandes personnes et sa joie était immense lorsque les enfants eux-mêmes venaient à la goûter. Dans une lettre au critique d’art Vladimir Stassov (1824-1906), du 10 septembre 1879, il écrit : « Mme Leonova m’a mené chez des amis à Nikolaïev et m’a engagé à chanter mes Enfantines aux enfants de la maison. Quelle joie ! Et la mère ! Elle ne savait comment me féliciter. Nous avons recommencé chez les B... à Kherson. Même effet et même enthousiasme ! » [33]

84 2. Mortimer Wilson : « Funeral of a Calico Cat » (1911)

Mortimer Wilson (1876 – 1932), fut un compositeur américain qui étudia également l’orgue et le violon. Beaucoup de ses travaux de composition sont encore des manuscrits et restent à ce jour non publiés. Cependant, sa suite de « miniatures » pour trio (piano, violon et violoncelle) intitulée From my Youth Op.5 (littéralement « de ma jeunesse ») a été publiée en 1911. Elle comprend quatre mouvements très courts qui évoquent les souvenirs d’enfance de l’auteur. Le premier, « Funeral of a Calico Cat » (« les obsèques d’un chat écaille-de-tortue »), doit sans doute faire référence à un chat qui a accompagné l’enfance de Wilson. A la fin du morceau, les cordes laissent entendre quelques « miaous » tristes. [aa] Mais très peu d’éléments figurent dans la biographie du compositeur : aussi, il est difficile de donner une interprétation exacte et poussée de ce choix de création, hormis la référence à l’enfance. [75]

Figure 43 : Fin de la partition de « Funeral of a Calico Cat » de Mortimer Wilson – D. Rahter, Sibley Music Library  Noter les passages joués glissendo par les violons, tels des « miaous » tristes (cercles rouges)

85 3. Darius Milhaud et Guy Sacre, « Chat » (1956 et 1978)

En 1956, Darius Milhaud compose une mélodie intitulée « Chat » ; sur les mêmes paroles, Guy Sacre, composera lui aussi un « Chat » plus de vingt ans plus tard (1978-1982).

« Le feu : jolis poissons rouges, Endormait le chat fermé. Si, par mégarde, je bouge, Le chat peut se transformer.

Il ne faut jamais que cesse Le rouet des vieilles tours ; Car se changer en princesse Est le moindre de ses tours. »

Milhaud aimait beaucoup les chats, et l’on retrouve dans ses biographies des photos d’un chat nommé « Mitsou ».

Figure 44 : Photographie de Madeleine Milhaud (la femme du compositeur) avec le chat « Mitsou » [53]

Cependant, si Milhaud a composé cette mélodie isolée, c’est en hommage à Jean Cocteau, poète passionné de chats et qui inspira beaucoup le musicien. Pourtant, les poèmes de Cocteau sont rares dans l’œuvre musicale de Milhaud : ce dernier a sans doute voulu reprendre un poème caractérisant une des passions de l’écrivain.

86

Figure 45 : Photographie de Jean Cocteau et de son chat – photographie de Matthew Buchanan

Pour les deux compositeurs, c’est également l’évocation d’une atmosphère douce et rassurante, telle celle de la maison familiale : le « rouet » tourne tranquillement, le feu crépite dans la cheminée, tout ça participant à l’endormissement du félin, aux pupilles fermées. Mais le chat garde toute sa malice, et au moindre dérangement de son sommeil vigilant (si le « rouet des vieilles tours » cesse), il pourra se livrer à des transformations : en « princesse », qui est le « moindre de ses tours », mais certainement aussi en êtres plus troublants, voire diaboliques ! [53, k, s]

87 C. Une critique du genre humain

1. Un symbole de calme et d’honnêteté

Bien que des traits maléfiques aient été souvent attribués au chat (et, encore aujourd’hui, le chat noir fait souvent l’objet de superstitions malheureuses), cet animal peut aussi parfois représenter le Bien, la douceur. C’est en effet un animal doux, souple, chasseur des nuisibles et donc protecteur des maladies pour l’homme.

a) Le chat, un synonyme de vie paisible et douce

En 1918, (1858 – 1924) compose Il Tabarro (=la Houppelande) : dans cet opéra, un chat, figuré tel un animal paisible et doux, tient un rôle symbolique servant à accentuer la haine du genre humain. [p] Le personnage de la scène où le chat apparaît est celui de Frugola (= « la furette ») qui est une chiffonnière : cette femme se plaint de sa misérable condition, mais est pourtant pleine de bonne humeur et d’humour. Elle avoue néanmoins que son être préféré est son chat, à qui elle réserve sa meilleure viande. Cette confession peut accentuer sa haine de l’univers cruel et dramatique des hommes, qui sera décrit à la fin de l’opéra à travers un meurtre, et son amour reporté sur son chat, symbole d’innocence et de simplicité. Alors que l’intrigue générale de l’œuvre est celle d’une sombre histoire d’adultère et de jalousie, Frugola elle ne rêve que d’une maison à la campagne avec son mari et son chat. [43, 51]

Voici un extrait de l’opéra où l’animal est mentionné : FRUGOLA : « C’est deux sous de mous pour Caporal, c’est mon matou, mon matou tigré. Aux yeux si doux, si doux qu’ils vous troublent. » GEORGETTE (riant) : « Mon Dieu ! Pour ton matou que de tendresse ! » FRUGOLA (ricane) : « C’est mérité, crois-le bien ! C’est le plus beau chat, Il est fier comme un pacha ! Quand seule, En ma mansarde, Gravement il me regarde, Jamais de dispute entre nous... Que faut-il pour être heureux dans la vie ? Tendresse et philosophie. Ron... ron... Un brave mari, un matou qui ronronne... Ron... ron... Et pourtant flétri. Mon cœur, mon cœur qui se damne. » [27]

Le personnage rêve de jardin, de tranquillité avec son chat. Celui-ci est ainsi un symbole de vie paisible et harmonieuse, à l’écart de l’agitation du monde des hommes.

88 b) Le chat, une métaphore de l’homme bon

Il n’est donc pas étonnant que certaines œuvres utilisent le chat pour représenter un homme bon, défenseur des opprimés. Ainsi dans Renard d’Igor Stravinsky (1882-1971) composé en 1922, le chat, tout comme le bouc, viennent au secours d’un coq, tyrannisé par le méchant renard. C’est une métaphore du triomphe du débat éternel entre le bon et le méchant, le naïf et le rusé, le trompeur et le trompé. Le rusé triomphe, mais pas pour longtemps : si Renard attrape le coq par deux fois, la providence – par l’intermédiaire des amis, le Chat et le Bouc – s’en mêle et châtie le coupable.

L’opéra début par une petite marche qui introduit les protagonistes. Un quatuor rapide suit où le chat, le bouc et le coq poursuivent le renard. Ensuite, le coq sur son perchoir décrit lascivement la désolante platitude de sa vie quotidienne. Le renard, déguisé en religieuse (critique de la religion et de son impunité en Union Soviétique à cette époque), entre en scène sur un arpège au cymbalum. Il demande au coq de descendre et de confesser ses pêchés. Comme le coq le reconnaît et refuse, le renard essaie d’émouvoir le coq en lui disant qu’il vient d’un désert et qu’il a faim et soif. La demande reste sans effet ; le renard accuse enfin le coq de polygamie : sa confession est urgente car non seulement il a près de quarante femmes, mais de plus il se bat avec les autres coqs pour en avoir davantage. Le stupide oiseau saute alors de son perchoir accompagné par les cymbales et les roulements de tambour. Le renard l’attrape et commence à le plumer. Le coq appelle à l’aide : il trouve réponse auprès du chat et du bouc (ce sont des voix de basses, imposantes et rassurantes) alertés par les cris perçants de leur ami, qui chassent le renard. Cela se produit une deuxième fois dans la deuxième partie, avec à nouveau intervention du chat et du bouc : le Renard finira alors étranglé. [51, y]

On dépasse ici le cadre archétypal premier du conte symbolique « avec animaux », pour entrer dans celui du conte populaire russe (dont l’œuvre garde la crudité et une certaine rudesse), reprenant l’art fugace, libre et purement oral des ménestrels : un art d’itinérant, de chanteurs, de jongleurs, de bateleurs et de bouffons, chroniqueurs et chansonniers satiriques, politiques même, réprouvés par l’Eglise évidemment, véritables témoins de la vie du village. [10, 31, 71]

89 2. Une raillerie de l’homme

a) L’homme, un animal convoiteur

En 1951, Luciano Berio (1925 - 2003) compose Opus Number Zoo, composé de quatre numéros burlesques dont le dernier s’intitule « Histoire de matous » (« Tom Cats » en anglais). [d]

Dans cette œuvre, la clarinette joue un rôle prépondérant pour symboliser les mouvements des chats : on retrouve donc toujours ce même choix d’instrument aérien, comme chez Ravel et Prokofiev.

Attardons-nous un peu sur le récit accompagnant la mélodie : dans une cité, deux matous, Omar et Bartholomew, sont jaloux l'un de l'autre. Omar a de belles moustaches et Bartholomew une queue impressionnante. Lors d'une rencontre, ils se battent. Moralité : moustaches et queues sont perdues ! Il s’agit bien sûr, sous couvert de l’humour, de se moquer de l’homme, toujours prêt à convoiter ce que possèdent ses voisins.

Les paroles originales en anglais, et leurs équivalentes traduites en français, méritent ici commentaire tant la scène de ce combat de chats semble réaliste :

 « In the jungle of the city, two tom-cats chanced to meet. Omar and Bartholomew, hip-toeing round their beat » : Dans la jungle de la ville, deux chats se rencontrent par hasard. Omar et Bartholomé font leur ronde à pas feutrés. Il y a d’abord de longues notes graves pianissimo puis un crescendo, et un decrescendo. Il y a utilisation de la clarinette pour la deuxième phrase (avec même l’annotation « feline » du compositeur) : l’ambiance est pleine de délicatesse, de mystère, de méfiance. Les chats se déplacent sur leurs pattes de velours.  « Their chest swelled up with envy (oh, an envy most intense), as each spotted his new rival, beside a back-yard fence. » : Bombant le torse, lissant leurs moustaches, les deux rivaux s’observent au travers d’une barrière. Le rythme est syncopé, sur des octaves : les deux chats s’observent, il y a comme des frémissements, mais rien ne bouge vraiment.  « Bartholomew’s great tail (a tail of wide renown) made Omar stare insanely, that tail he’d love to own. Bartholomew stared also, he envied what he saw. He yearned to own the whiskers that Omar proudly wore. » : Omar, hagard, fixe avec envie la grande

90 queue de Bartholomé. Quelle grande queue ! Bartholomé, les yeux exorbités, brûle de posséder les moustaches qu’arbore fièrement Omar. Chaque instrument est plus ou moins seul, le rythme s’accélère et les paroles ont elles-mêmes des rythmes plus précis : on sent que l’action augmente.  « A howl soon broke the silence of that midsummer night. Like David and Goliath, both cast aside all fright as cat met cat in battle, in battle, in battle. » : Soudain, un cri brise le silence de cette estivale nuit. Tels deux titans, chacun oubliant sa peur, ils partent à l’attaque, à l’attaque, à l’attaque. C’est le tutti, qui marque le début du combat. Avant tout était pianissimo, avec quelques sforzando mais globalement l’ambiance était calme. Le rythme est fait de syncopes, voulant symboliser les roulés-boulés des deux chats ; les notes sont plus aiguës, comme plus agressives. Le basson est accentué et rythmé, donnant une impression d’urgence et de stress à la scène. Les notes de la clarinette augmentent : crescendo puis fortissimo, sforzando-piano accompagné de « Oh » et de mouvements des musiciens, qui se lèvent et se rassoient de façon rapide et synchronisée. Suivent des triples croches staccato fortissimo avec decrescendo sur la première note. Le son de la clarinette reste stable, alors que la flûte et le hautbois diminuent, et que le cor et le basson augmentent en intensité.  « It was a beastly fight.» : ce fut un combat féroce. A nouveau le « oh » (même clarinette) mais pianissimo decrescendo.  « Both limped home forlorn. » : chacun rentre chez soi en boitant. Retour du piano, sur des rythmes syncopés.  « All tails, all whiskers gone. » : sans queue, sans moustache. « Oh » pianissimo avec debout/assis des musiciens. Conclusion avec la clarinette pianissimo sur un registre grave. [6]

L’atmosphère de la scène est totalement retranscrite musicalement parlant, créant une tension palpable, et donnant de la force à cette métaphore féline.

b) Une société affectée et hypocrite

En 1984, Hans Werner Henze (1926), reprenant la nouvelle d’Honoré de Balzac (Peines de cœur d’une chatte anglaise, tirée de « Scènes de la vie privée et publique des animaux » - 1842), compose Die englische Katze (la Chatte anglaise). [j]

91 Dans cette œuvre, il décrit les péripéties de Pretty, petite chatte blanche, adoptée par Arabelle, lady très respectable de la société britannique et femme d’un ministre anglais. Henze y fustige l’hypocrisie des lois morales de Grande-Bretagne. Il est, par exemple, nécessaire de cacher toutes les choses naturelles, la morale anglaise ne s’occupant que des apparences. Pretty doit donc manger et faire ses besoins cachée des yeux de tous. Membre de la société Ratophile, elle rencontrera un vieux pair d’Angleterre : « Trois jours après, le pair amena le plus beau Matou de la Prairie, Puff, noir de robe, avait les plus magnifiques yeux, verts et jaunes, mais froids et fiers. Sa queue, remarquable par des anneaux jaunâtres, balayait le tapis de ses poils longs et soyeux. Peut-être venait-il de la maison impériale d’Autriche, car il en portait, comme vous voyez, les couleurs. » Mais elle sera un jour attirée par le plus voyous des chats de gouttière. « J’aperçus alors, sans avoir l’air de le regarder, ce charmant Matou français : il était tout ébouriffé, petit, gaillard, et ne ressemblait en rien à un Chat anglais. Son air cavalier annonçait, autant que sa manière de secouer l’oreille, un drôle sans souci. » [51]

Figure 46 : Pochette du CD de l’opéra « La Chatte anglaise » de Hans Werner Henze – site internet Amazon, adresse URL : http://www.amazon.co.uk (image de Granville)

Henze trouve là un sujet de choix pour ridiculiser à loisir le milieu emprunté et formel de la bourgeoisie anglaise. [51]

92 c) Un espion sournois

Revenons sur l’œuvre de Prokofiev, Pierre et le Loup. [o] Et s’il s’agissait d’une œuvre à clefs ? En effet, certains musicologues n’y voient pas seulement là la volonté d’écrire une simple musique pédagogique, mais attribuent aux personnages des rôles métaphoriques : - Pierre est le héros soviétique parfait et courageux, inventif ; - le canard, avec sa démarche bedonnante, incarne le bourgeois fuyant devant le danger ; - l’oiseau est le peuple, qui a une croyance innocente en une idéologie nouvelle ; - les bureaucrates ou hommes politiques sont représentés par les chasseurs ; - enfin, le chat serait la Guépéou, cette instance politique d’information et de répression du régime soviétique. Car il n’est pas très glorieux le chat dans cette histoire ! Il apparaît « rampant dans les hautes herbes », tout sournois. Son seul but : croquer un bien mignon petit oiseau perché en haut de l’arbre. Mais voilà que survient le loup, et la clarinette s’emballe. C’est que le chat, perdant un peu de sa superbe, s’est réfugié en haut de l’arbre...à quelques branches de l’oiseau tout de même ! Il n’en bougera plus, devenant simple spectateur. Il s’agirait donc d’une métaphore de la GPU, qui agissait de façon sournoise en espionnant, et qui voulait notamment réprimer les opposants, ou « ennemis du peuple». [26]

Le chat a donc inspiré les compositeurs de tous styles à travers les siècles. La palette infinie de ses miaulements et de ses traits de caractères a fait naître des œuvres burlesques ou nostalgiques, ou encore métaphoriques et très engagées. Avec toujours un point commun : le sentiment que cet animal fascine l’homme.

93

94 Annexes

Annexe 1 : Série de cartes postales du début du XXème siècle : les chats à l’Opéra [13]

- « Madame Butterfly », de Giacomo Puccini - « Werther », de Jules Massenet - « Le Barbier de Séville », de Gioachino Rossini

95

Annexe 2 : Partition du « Trio des grotesques » (in Le Mariage Forcé – Marc- Antoine Charpentier, 1672) [17]

96

97 Glossaire

- 3|4 : Unité rythmique de division de la musique, où chaque mesure binaire est composée de trois temps. - Adagio, de l’italien « à son aise, doucement » : Indication de mouvement lent, entre Andante et Largo, dans lequel une pièce musicale doit être jouée ou chantée (66-76bpm). - Ad lib. Parlendo : Annotation sur une partition qui signifie « parlé librement ». - Allegro, de l’italien « vif » : Indique le mouvement gai, vif, dans lequel une pièce musicale doit être jouée ou chantée (120-139bpm). Allegretto est un tempo légèrement plus lent que Allegro (110-112bpm). - Allemande : Désigne une danse à quatre temps, divisée en deux parties dont la première se joue deux fois. Elle fait partie presque invariablement de la Suite instrumentale, juste après le Prélude. - Altération : Changement apporté à un son, par l’introduction d’ « accidents » qui ont pour effet de hausser ou de baisser la note d’un ou de deux demi-tons (exemple : dièse, bémol). - Ambitus : Etendue de l’échelle sonore d’une mélodie. - Andante, de l’italien « aller » : Indication de mouvement modéré dans lequel une pièce musicale doit être jouée ou chantée (76-108bpm). - Appogiature, de l’italien « appuyer » : Petite note d’agrément placée devant une note principale, qu’elle retarde pour la mettre en valeur. - Arpège : Exécution successive, et non simultanée, des notes d’un accord. - Basse : Voix masculine la plus grave. - Baryton : Voix masculine dont la tessiture se situe entre celle de la basse et celle du ténor. - Binaire : Succession rythmique basée sur le partage d’une mélodie en « mesures » dont le nombre de temps est divisible par deux. S’oppose notamment au ternaire, dont le nombre de temps d’une mesure est divisible par trois. - Chaconne : Ancienne danse au rythme ternaire et d’allure modérée, divisée en courtes reprises de quatre mesures. - Chanterelles : les cordes aiguës des instruments à cordes - Chromatique : Division du système musical en douze demi-tons : les sept de l’échelle diatonique plus cinq degrés accidentels. - Concerto : Composition instrumentale dans laquelle les instruments dialoguent entre eux. - Contralto : Désigne la plus grave des voix féminines. - Contrepoint : Technique de composition musicale consistant à superposer plusieurs lignes mélodiques. Correspond à une lecture horizontale de la musique écrite, par opposition à l’harmonie.

98 - Crescendo, decrescendo : Indication musicale selon laquelle un passage doit être joué de plus en plus fort (crescendo), ou de moins en moins fort (decrescendo). - Cymbalum : instrument à cordes frappées, constitué d’une caisse de résonance en bois, sur laquelle reposent des séries de chevalets, et de cordes métalliques frappées à l’aide d’un petit marteau. - Dominante : Dans le système tonal, elle désigne la cinquième note d’une gamme majeure ou mineure. La dominante joue un rôle important, elle permet en effet de revenir à la tonique. - Falsetto : désigne la voix de fausset, c’est-à-dire une technique vocale utilisant le registre le plus aigu (parfois appelé « voix de tête ») obtenu en empêchant la contraction normale des cordes vocales. Le terme est surtout appliqué aux chanteurs masculins, ceci afin de bien distinguer ce type d’émission de voix de la technique opposée, plus habituelle, utilisant la « voix de poitrine », souvent considérée comme culturellement plus naturelle. - Forte, Fortissimo : Nuance musicale signifiant « fort », « très fort » et notée ƒ ou ƒƒ sur une parition. - Fugue : Forme musicale contrapuntique riche et complexe, issue du canon et fondée sur le principe de l’imitation. - Glissando : Procédé d’exécution vocal ou instrumental consistant à faire entendre avec rapidité tous les sons compris entre deux notes. - Harmonie : Science de la formation et de l’enchaînement des accords. Correspond à une lecture verticale de la musique écrite, par opposition au contrepoint. - Mélismes : Technique consistant à charger sur de nombreuses notes une syllabe d'un texte, lorsque celui-ci est chanté. Cette musique est opposée à la syllabique, dans laquelle chaque syllabe du texte est fondue dans une seule note. Lorsqu’il s’agit de musique instrumentale, cela correspond à un groupe de notes en ornement de la mélodie. - Ménestrel : Musicien du Moyen-âge, ancêtre du troubadour. - Mezzo-soprano : Voix féminine de tessiture intermédiaire entre le soprano et le contralto. - Moderato, de l’italien « modéré » : Indication de mouvement modérément vif, entre Andante et Allegretto, dans lequel une pièce musicale doit être jouée ou chantée (101- 110bpm). - Mouvement : Chaque partie d’une œuvre musicale. - Musique imitative : Procédé musical de composition, consistant à faire reproduire un motif mélodique aux différentes voix. - Piano, pianissimo : Nuance musicale signifiant « faible », « très faible » et notée p ou pp sur une partition.

99 - Phylactère : Moyen graphique semblable à une petite banderole. - Point d’orgue : Signe en forme de point surmonté d’un demi-cercle, dont la fonction est de prolonger la figure de note ou de silence. - Quatuor : Ensemble musical composé de quatre personnes. - Quinte : Intervalle de cinq degrés dans la gamme diatonique. - Sixte (mineure ou majeure) : Intervalle de six degrés dans la gamme diatonique, qui peut être majeure ou mineure selon la gamme concernée. - sforzando : Annotation musicale signifiant qu’une note doit être jouée de façon détachée et plus forte que le reste. - Soprano : Désigne la plus aiguë des voix féminines. - Staccato, staccatissimo : Terme musical qui signifie « détaché, très détaché », à propos de l’interprétation de notes dans un morceau. - Syncopé : Désigne un rythme aux effets de contretemps par prolongation d’un temps faible sur un temps fort. - Tonique : Première note de la gamme majeure ou mineure du système tonal. - Trémolo, de l’italien « tremblant » : Effet qui consiste à répéter très rapidement le même son. - Tutti : Passage où tous les instruments de l’orchestre sont sollicités et jouent ensemble. - Vivace : Indication de mouvement vif et rapide, plus rapide qu’Allegro dans lequel une pièce musicale doit être jouée ou chantée (environ 140bpm).

100 Références bibliographiques

1) D’ALHEIM P., KOUCHELEVA-DUCHEMIN N. (1983) : Moussorgsky. Editions d’Aujourd’hui, Plan de la Tour, 322p.

2) ANDERS G.E. (1841) : Curiosités musicales : l’orgue des chats. Revue et Gazette musicale de Paris, volume 8, 465-466

3) AULNOY M.-C. (Madame d’), JASMIN N. (2004) : Contes des fées : suivis des Contes nouveaux, ou, les Fées à la mode. La Chatte Blanche. Champion, Paris, 1220p.

4) BAUDELAIRE C. (2008) : Les Fleurs du Mal. Spleen et Idéal. Le Chat. The Echo Library, Teddington (Royaume-Uni), 92p.

5) BAYLAC P. (1983) : Les animaux dans la musique occidentale aux XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles. Thèse de doctorat vétérinaire, Faculté de Médecine, Créteil, 83p.

6) BERIO L., LEVINE R. (1970) : Opus Number Zoo : children's play for wind quintet. 4 - Tom Cats [partition]. Universal Editions, Londres (Royaume-Uni), 16p.

7) BERLIOZ H., GUICHARD L. (1971) : A travers chants. Mœurs musicales de la Chine. Gründ, Paris, 336p.

8) BÖRNE L. (1964) : Sämtliche Schriften. Volume 2. Melzer, Düsseldorf (Allemagne), 1239p.

9) BOUCOURECHLIEV A. (1989) : Igor Stravinsky. Fayard, Paris, 427p.

10) BOULEZ P. (1980) : Livret accompagnant l’enregistrement audio de « Boulez conducts Stravinsky, Songs and Lieder ». Ensemble Intercontemporain, dir. Pierre Boulez. Deutsche Grammophon, Hanovre (Allemagne), 42p.

11) BOURNIQUEL C. (1994) : Chopin. Editions du Seuil, Paris, 223p.

12) BRIL F.-Y. (1967) : Henri Sauguet : l’homme et son œuvre. Seghers, Paris, 192p.

101 13) CADARS P. (1990) : Le chant des chats. L’Avant-Scène Opéra, 127, 63-67

14) CESSAC C. (2004) : Marc-Antoine Charpentier. Edition revue et augmentée, Fayard, Paris, 627p.

15) CHAMBERLAIN, B.-H. (1931) : Mœurs et coutumes du Japon : Traduction française de la cinquième édition de “Things Japanese”, revue et augmentée par l’auteur. Payot, Paris, 465p.

16) CHAMPFLEURY (HUSSON J-F-F. dit) (1870) : Les chats. Histoire – mœurs – observations – anecdotes. 4ème édition augmentée. Rothschild J., Paris, 332 p.

17) CHARPENTIER M.-A., Molière (POQUELIN J.-B. dit), POWELL J.-S. (1990) : Music for Molière’s Comedies [partition]. A-R Editions, Middleton (Wisconsin, Etats-Unis), 93p.

18) CHARTON E. et al (1833) : Musique. Habitudes de quelques compositeurs. Le Magasin Pittoresque. Volume 1, 363

19) CHORON S., CHORON H., MOORE A. (2007) : Planet Cat : a CAT-alog. Houghton Mifflin Harcourt, Boston (Etats-Unis), 424p.

20) COLLAER P., WANGERMEE R. (1996) : Correspondance avec des amis musiciens. Mardaga, Wavre (Belgique), 479p.

21) COLETTE (Sidonie-Gabrielle COLETTE dite) (1928) : La Naissance du jour. Flammarion, Paris, 245p.

22) COLETTE (Sidonie-Gabrielle COLETTE dite) (1949) : Le Fanal bleu. Ferenczi, Paris, 241p.

23) COLETTE (Sidonie-Gabrielle COLETTE dite) (1950) : Journal à rebours (in Œuvres complètes). Le Fleuron, Paris, 215p.

102 24) DALE-GREEN P. (1963) : Cult of the Cat. Weathervane Books, New York (Etats-Unis), 189p.

25) DE CHAMBURE A. (1987) : Catalogue analytique de l’œuvre pour clavier de Domenico Scarlatti. Costallat, Paris, 203p.

26) DORIGNE M. (1994) : Serge Prokofiev. Fayard, Paris, 807p.

27) FORZANO G. (1980) : Livret accompagnant l’enregistrement audio de « Il Tabbaro » de Giacomo Puccini (London Symphony Orchestra et New Philarmonia Orchestra, dir. L. MAAZEL), Londres (Royaume-Uni), 264p.

28) FURETIERE A. (1727) : Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts. Husson, La Haye (Pays-Bas).

29) GAUTIER T. (1869) : Ménagerie intime. A. Lemerre, Paris, 114p.

30) GAVOTY B., HAUERT G. (1956) : Wanda Landowska. R. Kister, Genève (Suisse), 30p.

31) GOUBAULT C. (1991) : Igor Stravinsky. Champion, Paris, 424p.

32) HOFFMANN E.T.A. (1943) : Le Chat Murr (trad. Béguin). Gallimard, Paris, 202-203

33) HOFMANN M.-R. (1964) : La vie de Moussorgsky. Editions du Sud et Albin Michel, Paris, 305p.

34) KASTNER G. (1866) : Musique enragée – musique de chiens et de chats – musique de chats. Parémiologie musicale de la langue française ou explications des proverbes, locutions proverbiales, mots figurés, qui tirent leur Origine de la musique. Brandus et Dufour, Paris, 22-24

35) KIRCHER A. (1650): Musurgia universalis, sive Ars magna consoni et dissoni. Tome I. Ex typographia haeredum F. Corbelletti, Rome (Italie), 727p.

103 36) LAJOINIE V. (1985) : Erik Satie. L’âge d’homme, Lausanne (Suisse), 443p.

37) LEBENSZTEJN J.-C. (2002) : Miaulique, fantaisie chromatique. Le Passage, Paris, 94p.

38) LISCHKE A. (1993) : Piotr Ilyitch Tchaïkovski. Fayard, Paris, 1132p.

39) LOVY J. (1858) : La semaine théâtrale. Le Ménestrel, numéro 647, 273-288

40) MALKANI F. (2006) : Les cantates profanes de Bach, entre cantique luthérien et singspiel mozartien. Cantates profanes de Bach, petite chronique. Livret publié par l’Opéra National du Rhin, Strasbourg, 30-34

41) MARNAT M. (1962) : Moussorgsky. Editions du Seuil, Paris, 185p.

42) MARNAT M. (1986) : Maurice Ravel. Fayard, Paris, 828p.

43) MARNAT M. (2005) : Giacomo Puccini. Fayard, Paris, 736p.

44) MASSIN B. (1997) : La petite encyclopédie de la musique. Editions du Regard, Paris, 288p.

45) MENESTRIER C.-F. (1681) : Des représentations en musique anciennes et modernes. Guignard, Paris, 333p.

46) MERCIER L.-S. (1786) : Du chat. Mon bonnet de nuit, volume 4. Editeur de l’Imprimerie de la Société Typographique, Neuchâtel (Suisse), 94-95

47) MERY F. (1966) : Le Chat, sa vie, son histoire, sa magie. Pont Royal, Paris, 235p.

48) MILLANT M., MILLANT R. (2000) : Manuel pratique de lutherie, chapitre XXXII. Les Amis de la Musique, Bruxelles (Belgique), 282p.

49) MOISSON-FRANCKHAUSER S. (1974) : Serge Prokofiev et les courants esthétiques de son temps. Publications orientalistes de , Paris, 371p.

104 50) MONTILLET E. (1988) : Le chat en Europe du bas moyen-âge au XVIIème siècle. Thèse de doctorat vétérinaire, Université Paul Sabatier, Toulouse, 77p.

51) MORIN P. (1987) : La représentation animale dans l’Opéra. Thèse de doctorat vétérinaire, Faculté de Médecine, Créteil, 99p.

52) MOUTOU F. (2004) : Pourquoi le chat ronronne-t-il ? Le Pommier, Paris, 59p.

53) NICHOLS R., MILHAUD M. (1996) : Conversations with Madeleine Milhaud. Faber and Faber, Londres (Royaume-Uni), 111p.

54) OLIVIER A.-P. (2000) : La redécouverte de « Der Stein der Weisen ». L’Avant-Scène Opéra, 196, 119-121

55) ORLEDGE R. (1990) : Satie the Composer. Cambridge University Press, Cambridge (Royaume-Uni), 394p.

56) PARADIS DE MONCRIF F.-A. (1727) : Les Chats. Quillau, Paris, 156p.

57) RIMSKY-KORSAKOV N. (1914) : Ma vie musicale. Laffite & Cie, Paris, 263p.

58) ROCHEFORT-PARISY H. (2000) : Henri Sauguet (1901-1989) : un académicien autodidacte. Séguier, Paris, 198p.

59) ROSSINI G. (2004) : Mémoires des chats. Equinoxe, Saint-Rémy-de-Provence, 167p.

60) SACRE G. (1998) : La musique de piano. Dictionnaire des compositeurs et des œuvres. Robert Laffont S.A., Paris, 2997p.

61) SACRE G. (2003) : Livret accompagnant l’enregistrement audio de « Mélodies» de Henri Sauguet (J.F. Gardeil [baryton], Billy Eidi [piano]). Timpani, Luxembourg.

62) SATIE E., VOLTA O. (2000) : Correspondance presque complète. Fayard, Paris, 1234p.

63) SATIE E., VOLTA O. (1981) : Ecrits. Champ Libre, Paris, 391p.

105

64) SAUGUET H. (1990) : La musique, ma vie. Séguier, Paris, 428p.

65) SCHIAU-BOTEA D. (2010) : Le texte et le lieu du spectacle de La Plume au Mur ; Stéphane Mallarmé parmi les avant-gardes. Thèse de doctorat (PhD in French) sous la direction de Mary Shaw et Catherine Naugrette, The State University of New Jersey, New Brunswick (Etats-Unis), 805p.

66) SCHNEIDER M. (1959) : Henri Sauguet. Ventadour, Paris, 45p.

67) SCHOTT B. (2005) : Les Miscellanées de Mr Schott. Allia, Paris, 158p.

68) SCHOTT C. (1674) : Magiae universalis naturae et artis. Pars II : Acustica. Schönwetter, Bamberg (Allemagne), 432p.

69) STAROBINSKI J. (1960) : Histoire du traitement de la mélancolie des origines à 1900. J. R. Geigy, Bâle (Suisse), 101p.

70) STENDHAL (Marie-Henry BEYLE dit) (1854) : Vie de Rossini. Michel Lévy Frères, Paris, 375p.

71) STRAVINSKY I. (1922) : Renard : histoire burlesque chantée et jouée [partition]. Chester Music, Londres (Royaume-Uni), 148p.

72) TEMPLIER P.-D. (1975) : Erik Satie. Editions d’Aujourd’hui, Paris, 107p.

73) TRANCHEFORT F.-R., PLACE A. (1987) : Guide de la musique de piano et de clavecin. Fayard, Paris, 869p.

74) VALMONT DE BOMARE J.-C. (1764) : Article « Chat ». Dictionnaire raisonné universel d'histoire naturelle : contenant l'histoire des animaux, des végétaux et des minéraux, et celle des corps célestes, des météores, & des autres principaux phénomènes de la Nature, volume 1. Didot, Paris, 544- 549

106 75) VAN VECHTEN C. (1924) : Chapter eight : The cat in music. The tiger in the house. A.A. Knopf, New York (Etats-Unis), 187-210

76) VITOUX F. (2008) : Dictionnaire amoureux des chats. Plon, Paris, 721p.

77) VOLTA O. (1997) : Erik Satie. Hazan, Paris, 197p.

78) WALTER V. (2001) : Contribution à l’étude de l’évolution historique du chat : ses relations avec l’Homme de l’Antiquité à nos jours. Thèse de doctorat vétérinaire, Université Paul Sabatier, Toulouse, 137p.

79) WECKERLIN J.-B. (1877) : Musiciana, extraits d’ouvrages rares ou bizarres. Garnier Frères, Paris, 356p.

80) WHITING S. (1999) : Satie the Bohemian : from Cabaret to Concert Hall. Oxford University Press, Oxford (Royaume-Uni), 596p.

81) WITTE A. (1997) : Le chat à l’époque des Pharaons. Thèse de doctorat vétérinaire, Université Claude Bernard, Lyon, 85p.

82) KERN P. (2011, 2 novembre) Kontaktformular von http://www.galerie-g.de : copyright [courrier électronique à Marion C.], [en ligne] Adressé par courrier électronique : [email protected]

107 Références discographiques a) BACH J.S. : Die Katze lässt das Mausen nicht, chœur final de « Schweigt Stille, Plaudert Nicht (« Kaffeekantate ») » BWV 211, in Weltliche Kantaten. Edith Matis, Peter Schreier, Theo Adam ; Kammerorchester Berlin, dir. Peter Schreier. Berlin Classics, 1996 b) BANCHIERI A. : Festino nella sera del Giovedi Grasso avanti Cena, op. 18 : XII – Contrappunto bestiale alla mente in Il Zabaione Musicale. Choir of Radio Svizerra (Lugano), Sonatori de la Gioiosa Marca (Treviso), dir. Diego Fasolis. Naxos, 1997 c) BANCHIERI A. : Festino nella sera del Giovedi Grasso avanti Cena, op. 18 : XII – Contrappunto bestiale alla mente in Festino. Concerto Italiano, dir. Rinaldo Alessandrini. Opus 111, 1999 d) BERIO L. : Opus Number Zoo in 20th Century Wind Quintets. The Galliard Ensemble. Deux-Elles, 2003 e) BIBER H.I. : Sonata Representativa : VII – Die Katze in Violin Sonatas. Ensemble Romanesca : Andrew Manze, Nigel North et John Toll. Harmonia Mundi, 1994 f) CHARPENTIER M.-A. : Trio des grotesques in Le Mariage Forcé. New Chamber Opera Ensemble, dir. Gary Cooper. Asv, 1998 g) CHOPIN F. : Valse brillante op. 34 n°3 in 19 valses. Georges Cziffra. EMI Classics, 2002 h) CONFREY Z. : Kitten on the Keys. EteriAndjaparidze (piano). Marco Polo, 2011 i) FARINA C. : Il gatto in Capriccio stravagante. Europa Galante, dir. et violon Fabio Biondi. Opus 111, 2003 j) HENZE H. W. : . Richard Berkeley-Steele, Mark Coles, Louisa Kennedy ; Parnassus Orchestra London, dir. . Wergo, 1991 k) MILHAUD D. : Chat. Hommage à Jean Cocteau, J.F. Gardeil (baryton), Billy Eidi (piano). ADDA, 1990

108 l) MOUSSORGSKY M. : The Nursery : The Cat Sailor in Enfantines. Orchestre de la Radiodiffusion française, dir. . EMI, 1989 m) MOZART W. A. : Nun liebes Weibchen K.592 in Der heitere Mozart. Erika Köth, Walter Berry ; Convivium Musicum München, dir. Erich Keller. EMI, 1988 n) OFFENBACH J. : La Chatte métamorphosée en femme. Mady Mesple, Sonia Nigogossian, Albert Voli ; Orchestre de la Radiodiffusion française, dir. Catherine Comet. Paris, 1975. o) PROKOFIEV S. : Pierre et le Loup. The Chamber Orchestra of Europe, dir. Claudio Abbado. Narration : Charles Aznavour. Deutsche Grammophon, 1990 p) PUCCINI G. : Il Tabarro, in Il Trittico. Renata Scotto, Placido Domingo, Ingvar Wixelle ; Ambrosian Opera Chorus, New Philarmonia Orchestra, dir. Lorin Maazel. CBS Records, 1980 q) RAVEL M. : L’Enfant et les Sortilèges. Flore Wend, Marie-Lise de Montmollin, Geneviève Touraine ; Le Motet de Genève, dir. Jacques Horneffer ; Orchestre de la Suisse Romande, dir. Ernest Ansermet. DECCA, 1997 r) ROSSINI G. : Duetto Buffo di Due Gatti in Mélodies. Rockwell Blake, Antonio Pappano et Gérard Lesne. EMI Classics, 1996 s) SACRE G. : 6 poèmes de vocabulaire, Chat in Hommage à Jean Cocteau. J.F. Gardeil (baryton), Billy Eidi (piano). ADDA, 1990 t) SATIE E. : Ludions - Chanson du chat in Mélodies. Mady Mesplé (soprano), Aldo Ciccolini (piano). EMI digital, 1987 u) SAUGUET H. : Six mélodies sur des poèmes symbolistes : Le Chat I & et Le Chat II in Mélodies. J.F. Gardeil (baryton), Billy Eidi (piano). Timpani, 2003 v) SAUGUET H. : La Chatte. Orchestre National de l’Opéra de Monte-Carlo, dir. Igor Markevitch. Guilde Disque, 1976 [33 tours]

109 w) SCARLATTI D. : Fugue K30 : Katzen Fugue in Complete Keyboard Works. Scott Ross. Erato, 1992 x) STRAVINSKY I. : Four Cat’s Cradle Songs in Songs, Ensemble Intercontemporain dir. Pierre Boulez. Polydor International, 1993 y) STRAVINSKY I. : Renard, a burlesque in one act in Stravinsky the Composer vol. V. The Orchestra of St. Luke’s, dir. Robert Craft. Music masters Jazz, 1993 z) TCHAÏKOVSKY P.I. : Pas de caractère in La belle au bois dormant : ballet en 3 actes et un prologue, op. 66. The State Symphony Orchestra, dir. Evgeny Svetlanov. Melodiya, 1980 aa) WILSON M. Funeral of a Calico Cat in From my Youth Op.5. The Rawlins Piano Trio. Albany Records, 2004

110

MARION CLAIRE

LE CHAT DANS LA MUSIQUE CLASSIQUE

Thèse d’Etat de Doctorat Vétérinaire : Lyon, le 15 décembre 2011

RESUME: Le chat est aujourd’hui un animal très représenté au sein des foyers, et souvent très affectionné par la population. Mais les relations entre les peuples et le chat ont été des plus différentes au cours des siècles, et source d’évolutions multiples. Les nombreux liens entre le chat et la musique classique l’attestent, et mettent en lumière un chat tour à tour vénéré, protégé, ou persécuté par les hommes. Dans les milieux musicaux, le chat a pris une importance toute particulière, où sa douceur et son charme ont trouvé un reflet dans la grâce et la complexité de ce monde raffiné. Il a d’ailleurs parfois joué un grand rôle dans les esprits créateurs, et les œuvres musicales classiques sont nombreuses à porter une empreinte féline. Le symbolisme de cette présence est diverse, et exprime tous les ressentis de l’homme pour le chat, à l’aide d’une palette de choix artistiques très variée. De façon encore plus complexe, l’utilisation du chat dans les œuvres musicales est aussi un moyen métaphorique et stylistique d’expression sur les sentiments, la politique, et la vie humaine en général.

MOTS CLES : - chat domestique - musique - symbolisme des animaux

JURY : Président : Monsieur le Professeur Mohamed SAOUD 1er Assesseur : Monsieur le Professeur Philippe BERNY 2ème Assesseur : Madame le Professeur Marie-Laure DELIGNETTE-MULLER

DATE DE SOUTENANCE : 15 décembre 2011

ADRESSE DE L’AUTEUR :

19 Rue de l’écureuil 26100 ROMANS SUR ISÈRE

111