ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE SHP Mercredi ______29 avril 2015 Printemps 2015 – Vol. 10, no 1 – www.histoireplateau.org (voir p. 2) Femmes du Plateau

Robertine Barry 1863-1910 Gaëtane de Montreuil 1867-1951 Marie Lacoste Gérin-Lajoie 1867-1945 Éva Circé-Côté 1871-1949

Idola St-Jean 1880-1945 Madame Jean-Louis Audet 1889-1970 Marie Gérin-Lajoie 1890-1971 Thérèse Casgrain 1896-1981

Dolorès Riopel 1923-2015 Ludmilla Chiriaeff 1924-1996 Annette Nolin 1924-1993 Maureen Forrester 1930-2010 ÉVÉNEMENTS / PROJETS de la Société d’histoire du Plateau-Mont-RoyaL

MERCI DOLORÈS RIOPEL CONGRÈS HISTOIRE QUÉBEC (1923-2015) 2015

e Chère sœur Dolorès, Le congrès du 50 anniversaire de la Fédération Histoire Québec aura lieu Aujourd’hui, 2 février 2015, les les 15, 16 et 17 mai 2015 à Rivière- membres de la Société d’histoire du-Loup. Le président de la Société du Plateau-Mont-Royal ont le d’histoire du Plateau-Mont-Royal, cœur lourd suite à votre départ. M. Richard Ouellet, récipiendaire Votre présence parmi nous au 2014 du Prix Honorius-Provost conseil d’administration de la pour le bénévolat, aura le privilège société pendant les premières de participer au jury de sélection de années de son existence nous l’édition 2015. a largement inspirés. Nous avions une passion commune pour l’histoire et la cueillette de témoignages. Mais surtout, nous DU SANG NEUF À LA étions fiers de côtoyer une femme de SOCIÉTÉ D’HISTOIRE : l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil vouée à l’action sociale. LOUIS SENÉCAL, CONSEILLER Marie Gérin-Lajoie avait raison quand elle EN INFORMATIQUE vous a dit lors de votre entrée en communauté en 1951 : « Vous en ferez des choses ». Le 15 décembre 2013, en Louis Senécal, expert en pleine tempête, j’ai eu l’immense privilège de présenter informatique et membre de la votre biographie à votre communauté et vos amis. Société d’histoire depuis deux ans, aura pour mission de consolider Ce privilège, c’est d’avoir pu vous écouter me raconter la gestion des informations de votre vie, vous qui avez fondé ou été impliquée dans tant la Société. Il deviendra ainsi le d’œuvres sociales, dont Tel-Aide et Famille Nouvelle. partenaire de notre webmestre, Votre engagement auprès des femmes vous a déjà valu Ange Pasquini, et le conseiller le titre de Femme de l’année en 1992, décerné par le technique du Centre de documentation. Salon de la Femme. Votre passage parmi nous est gravé dans nos mémoires. Reposez en paix, chère Dolorès. HUGUETTE LEGAULT, ARCHIVISTE

Richard Ouellet Huguette Legaut, diplômée en science de l’information et forma­ Président de la Société d’histoire trice en informatique, partagera son du Plateau-Mont-Royal enthousiasme pour le traitement des archives au centre de documentation­ ASSEMBLÉE ANNUELLE DE LA de la Société d’histoire. Beaucoup SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DU PLATEAU : de défis l’attendent, notamment les LE MERCREDI 29 AVRIL 2015 fonds d’archives de famille.

L’assemblée annuelle et l’élection des membres du CA LINDA VALLÉE, RESPONSABLE DES de la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal aura CONFÉRENCES lieu le mercredi 29 avril 2015 à 19 h à la Salle Hilda- Linda Vallée, nouvelle bénévole Ramacière du Centre des services communautaires du au centre de documentation, sera Monastère, 4450, rue Saint-Hubert. Tous les membres responsable du secteur animation et en règle sont cordialement invités. Info : 514 524-7201. conférence. Formée en sociologie, Elle sera suivie d’une conférence, présentée par Gaétan elle a oeuvré dans divers secteurs Sauriol, sur l’histoire de l’église de l’Immaculée- communautaires, auprès des CLSC Conception ― située au cœur du Plateau à l’angle et de la CEDEC. des rues Rachel et Papineau ― dont la paroisse a été Nous souhaitons la plus cordiale des fondée en 1887. Monsieur Sauriol est l’auteur du cahier bienvenues aux nouveaux collaborateurs. souvenir de l’église. page 2 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 Sommaire ÉVÉNEMENTS / PROJETS ����������������� 2 LES TROIS PIONNIÈRES DU DROIT DE VOTE DES FEMMES AU QUÉBEC ������ 4 Marie-Josée Hudon ÉDITORIAL ���������������������������������������� 5 Richard Ouellet, Myriam Wojcik Bulletin de la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal LA MARCHE DES FEMMES VERS LE DROIT DE SUFFRAGE �������� 6 P r i n t e m p s 2015 • V o l . 10, N o 1 Nicolle Forget Rédacteur en chef : Richard Ouellet Adjointe à la rédaction : Myriam Wojcik ROBERTINE BARRY, Infographie : Jean-Luc Trudel PREMIÈRE FEMME JOURNALISTE Révision : Kevin Cohalan, Nicole Lépine, Myriam QUÉBÉCOISE ������������������������������������ 8 Wojcik Sergine Desjardins Collaborateurs : Kevin Cohalan, Gabriel Deschambault, Sergine Desjardins, Nicolle Forget, MME AUDET ET L’ÉCOLE DU BON Claude Gagnon, Nicole Lépine, Andrée Lévesque, PARLER ������������������������������������������ 10 Huguette Loubert, Richard Ouellet, Gaétan Sauriol, Myriam Wojcik. Gabriel Deschambault

Le bulletin est publié quatre fois par année, les 21 mars, 21 LUDMILLA CHIRIAEFF, juin, 21 septembre et 21 décembre. FONDATRICE DES GRANDS BALLETS Imprimeur : Allô Copie, Montréal CANADIENS ������������������������������������ 11 Nicole Lépine Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et Bibliothèque nationale du GAËTANE DE MONTREUIL, Nos coordonnées FEMME DE LETTRES ���������������������� 12 Claude Gagnon Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal MAUREEN FORRESTER, FILLE DE LA RUE FABRE ���������������� 13 Centre de services communautaires du Monastère Kevin Cohalan 4450, rue Saint-Hubert, local 323 Montréal H2J 2W9 ÉVA CIRCÉ-CÔTÉ : 514 563-0623 • 514 524-7201 • www.histoireplateau.org JOURNALISTE, BIBLIOTHÉCAIRE �� 14 [email protected] Andrée Lévesque Conseil d’administration : Richard Ouellet, président; ANNETTE, NOTRE HÉROÏNE Huguette Loubert, vice-présidente; Robert Thériault, secrétaire; Robert Ascah, trésorier; Kevin Cohalan, « ORDINAIRE » �������������������������������� 15 Gabriel Deschambault, Marie-Josée Hudon, Ange Gaétan Sauriol Pasquini et Marielle Signori, administrateurs. CHRONIQUE / Webmestre : Ange Pasquini CENTRE DE DOCUMENTATION ������ 16 Chargée de communications : Huguette Loubert Myriam Wojcik La SHP a été fondée le 8 janvier 2006 et CHRONIQUE / LES RUES DU PLATEAU est membre de la Fédération des sociétés d’histoire du Québec. Elle est un organisme de FABRE, FRONTENAC, FULLUM ������ 18 bienfaisance, numéro 85497 1561 RR0001. Claude Gagnon

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 - page 3 Merci aux pionnières du droit de vote!

Marie Lacoste Gérin-Lajoie Idola Saint-Jean Thérèse Casgrain 1867-1945 1880-1945 1896-1981

l’occasion du 75e anniversaire du droit de vote des femmes au Québec, obtenu par législation le 25 avril 1940, la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal et le ÀMusée des Grands Québécois s’associent afin de rendre hommage à trois pionnières, mesdames Marie Lacoste Gérin-Lajoie, Idola Saint-Jean et Thérèse Casgrain, qui ont longtemps œuvré dans le Plateau-Mont-Royal.

Les toiles sont une gracieuseté de Marie-Josée Hudon, artiste-peintre du Musée des Grands Québécois.

page 4 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 ÉDITORIAL SCANDALE : FEMME À BICYCLETTE

Richard Ouellet qui a malheureusement été poussé vers l’asile. Elle président SHP s’appelle Robertine Barry. Myriam Wojcik, chargée de communications Vous êtes prévenus, chers lecteurs, que ce bulletin présentant des portraits de femmes, regorge de utres temps, autres mœurs. Elle se déplace à « scandales ». Ainsi, lors de la campagne électorale de bicyclette dans les rues du Plateau : un scandale 1921, Thérèse Casgrain prend la parole en public pour à l’époque. Pire ! Elle écrit des textes douteux remplacer son mari malade, candidat aux élections, un Adans les journaux sur le travail des enfants et le droit de geste critiqué à l’époque. Même constat chez Éva Circé- vote des femmes, et revendique leur accès à l’université. Côté. Il était inapproprié à la vie en bonne société qu’une Comble de la décadence, elle fréquente un poète, un femme soit journaliste, poète, et même bibliothécaire à certain Émile Nelligan, un peu névrosé pour son époque, la Ville de Montréal.

Monument en hommage aux femmes en politique sur la colline parlementaire : Thérèse Casgrain, Marie Lacoste Gérin-Lajoie et Idola St-Jean, trois suffragettes ayant longtemps œuvré dans le Plateau-Mont- Royal et revendiqué le droit de vote des femmes jusqu’à leur victoire le 25 avril 1940, ainsi que Marie-Claire Kirkland, première femme élue au Parlement du Québec. Photo : Commission de la Capitale nationale

Thérèse Casgrain 75e anniversaire du droit de vote 1896-1981 des femmes québécoises Le 25 avril 2015, on soulignera les 75 ans du droit Comment se fait-il que ces grandes femmes aient de vote des femmes au Québec. Trois suffragettes été biffées de notre histoire si longtemps, que des retiennent l’attention. Elles s’appellent Idola St- femmes comme Robertine Barry, première journaliste Jean, Marie Lacoste Gérin-Lajoie et Thérèse québécoise, n’ait même pas de plaque historique à sa Casgrain, et ont longtemps œuvré dans le Plateau- mémoire ? Et l’avenir ne s’annonce guère prometteur Mont-Royal, notamment à la Fédération nationale quand on apprend que le « Prix du bénévolat Thérèse Saint-Jean Baptiste. Nicolle Forget nous raconte cette Casgrain » a été supprimé pour faire place au « Prix grande marche des femmes vers le droit de suffrage, du premier ministre pour le bénévolat » ou que notre et cite Henri Bourassa, directeur du Devoir, farouche ex-ministre de l’Éducation, M. Yves Bolduc, a mis le adversaire du droit de vote des femmes, qui parlait couperet dans une partie du programme « Chapeau de purin électoral. Ayoye ! Sergine Desjardins nous les Filles » visant à encourager les femmes dans des raconte, elle, la vie de Robertine Barry, première métiers non traditionnels. femme journaliste québécoise, et Claude Gagnon Ce bulletin est dédié à toutes ces pionnières de celle de Gaëtane de Montreuil, une autre journaliste l’histoire du Québec. Merci à vous d’avoir tracé la malheureusement sombrée dans l’oubli. voie à toutes les générations de femmes qui ont suivi.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 - page 5 LA MARCHE DES FEMMES VERS LE DROIT DE SUFFRAGE

Nicolle Forget, de « purin électoral ». Alors, une Biographe de femme là, ça ne se faisait pas. Thérèse Casgrain Mais pour Lady Drummond (Julia Parkers) et Marie Lacoste-Gérin- Lajoie, Mme Pierre Casgrain (Marie- arie-Thérèse Forget naît Thérèse Forget) apparaît une recrue à l’étage d’une imposante intéressante pour l’organisation maison de pierres grises, bilingue qu’elles sont à mettre sur Mdonnant sur Sherbrooke, coin nord- pied. S’y ajouteront Carrie Mathilde est de Berri, le 10 juillet 1896, alors Derrick, Grace Ritchie-England, que Montréal étouffe sous la canicule Mme Walter Lyman (Ann Scriver), et que tout un chacun cherche un peu Mme John Scott et Idola St-Jean. Ce de fraîcheur à l’heure de la brunante. groupe sera connu sous le nom de Cette maison, aujourd’hui disparue, Comité provincial pour le suffrage abrita un temps le Club universitaire féminin (CPSF) /Provincial que certains d’entre vous ont peut- Franchise Committee. être déjà fréquenté. Dans son À la fondation, le 16 janvier 1922, enfance, Thérèse a fait du bénévolat il est décidé que la présidence sera avec sa mère, Blanche MacDonald, assumée conjointement par Marie à l’Institut des Sourdes-muettes, Lacoste Gérin-Lajoie et Ann Scriver- aujourd’hui l’Agence de la santé et Lyman; Thérèse sera vice-présidente. des services sociaux de Montréal, En 1929, elle convertira ce qui reste coin nord-est de Saint-Denis et de ce groupe en Ligue des droits de Cherrier. la femme, Ligue qu’elle présidera Thérèse aurait voulu aller à jusqu’en 1941. Thérèse veut le l’Université mais son père, le courtier droit de vote et d’éligibilité lors et banquier d’affaires Rodolphe Thérèse Casgrain, le 8 avril 1939, d’élections provinciales pas juste Forget, n’en voyait pas l’utilité. Une devant l’objectif du célèbre photographe pour en avoir le droit mais, comme femme de son rang devait plutôt Yousuf Karsh Fonds Thérèse-Casgrain, elle le dit, parce qu’« une classe non apprendre à gérer la maison, i.e., Bibliothèque et Archives Canada, PA- représentée devient forcément une tenir les comptes, embaucher et 178193 classe négligée, pour ne pas dire diriger les domestiques, apprendre méprisée ». Elle veut ces droits pour à recevoir, épauler son mari et rendre la société meilleure. Mais il À 19 ans, Thérèse épouse l’avocat s’occuper d’œuvres pies tout en faudra du temps. Pierre-François Casgrain qui ayant des enfants. se présente, l’année suivante, Le matin du 9 février 1922, malgré Ce père, Thérèse lui ressemble : dans le comté de Charlevoix- le froid mordant, soixante-quinze volontaire, prenant des risques, ne Saguenay-Côte-Nord laissé femmes attendent à la gare Windsor doutant jamais de rien, politicienne vacant par Sir Rodolphe Forget. le train spécial qui les mènera à au franc-parler, elle n’accepte pas Elle l’accompagnera durant les Québec où elles rejoindront quelque facilement qu’on la conteste. On campagnes électorales qui se trois cents autres femmes venues d’un ne lui fera jamais dire ce qu’elle succèdent jusqu’au tout début de la peu partout dans la province. Toutes ne veut pas dire. On ne la fera décennie 1940. Et c’est lors d’une ces femmes se rendent au Parlement jamais taire, non plus. C’est un être de ces campagnes qu’elle intervient pour la première présentation d’un fondamentalement libre et c’est en lieu et place de son mari malade. « Bill » sur le suffrage féminin. peut-être ce qui a le plus dérangé. Scandale! En 1921, les femmes ne Au fil des ans, on parlera du Bill Parce qu’elle a dérangé et ses prenaient pas la parole en public. des femmes. Les journalistes qui contemporains ont longtemps été Encore moins sur les « hustings », racontent l’événement, le lendemain, fermés à ses idées, dont le droit de ce lieu de toutes les souillures. Henri s’attardent à la description des suffrage pour les femmes. Bourassa, dans le Devoir, parlait dirigeantes du CPSF : leur allure

page 6 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal -Printemps 2015 Thérèse Casgrain (au centre de la première rangée) en compagnie des membres du conseil de la Ligue pour les droits de la femme lors d’une réunion tenue en 1941 qui soulignait le premier anniversaire du droit de vote accordé aux femmes du Québec. Photo de La Presse générale, leurs vêtements, les à se retirer de toutes démarches effluves qui se répandent sur leur concernant le droit de suffrage passage dans les corridors. Ainsi un des femmes. Ce même épiscopat, journaliste traite du chapeau avec toutefois, exhortait les femmes à profusion de plumes noires de Lady user du droit de vote au fédéral Drummond, de Mme Gérin-Lajoie avec la réserve qui sied à la femme habillée de sombre, des lunettes de chrétienne! Il a fallu beaucoup de Mlle Derrick, de Mlle St-Jean qui courage et de persévérance à ces parle d’une voix posée mais sans Thérèse avec son mari et le PM femmes pour pratiquement chaque pose, et un autre écrit de Thérèse Mackenzie King, vers 1925 année, à partir de 1922, organiser qu’elle est svelte, élancée et qu’elle un « pèlerinage » à Québec, faire du met une note de gaieté au milieu de Écosse le pourront chez elles. Au lobby auprès des députés et certains cette assemblée où les cheveux gris Québec, il faudra attendre 1940. curés et évêques, et amener des dominent. journalistes à faire la promotion de Il faut se rappeler qu’à l’époque leur cause. Le Premier ministre Taschereau l’épiscopat québécois était contre recevra ces dames au Café du cette mesure au provincial, ce qui Ces femmes sont des pionnières à qui Parlement. Il les écoutera poliment amènera Marie Lacoste Gérin- nous devons le droit de vote, certes, mais, durant tout son règne, Lajoie à laisser la coprésidence et mais aussi l’accès à l’exercice des refusera d’accorder le droit de vote professions. À Thérèse, nous devons et d’éligibilité aux femmes d’ici. en outre ― et entre autres ― le droit Pourtant, dès 1896, les femmes de la pour les femmes mariées de garder Nouvelle-Zélande votaient. En 1916, leur salaire, la capacité juridique le Manitoba et la Saskatchewan et le versement des allocations accordent ce droit à leurs citoyennes. familiales fédérales aux mères de En 1917, la Colombie-Britannique famille. fait de même. Et cette même année, le gouvernement fédéral l’accorde Nicolle Forget a fait du journalisme, de l’enseignement aux épouses, veuves, mères, sœurs, et pratiqué le droit, en plus d’être l’auteure de deux filles de ceux qui ont fait ou font biographies consacrées à Ludmilla Chiriaeff et à Thérèse partie de la force expéditionnaire Casgrain. Elle est aussi membre fondateur de la Fédération (le Canada est en guerre!). L’année des femmes du Québec. suivante, toutes les Canadiennes Photo de la page couverture du livre © George Nakash, pourront voter au fédéral de même 1936. Fonds Thérèse-Casgrain, Bibliothèque et Archives que les citoyennes de la Nouvelle- Canada, PA-123482.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 - page 7 ON L’APPELAIT MONSIEUR ROBERTINE BARRY : PREMIÈRE FEMME JOURNALISTE QUÉBÉCOISE

Sergine Desjardins Biographe de Robertine Barry

u cimetière Côte-des- Neiges où Robertine Barry aimait tant aller marcher ou Apique-niquer, sa tombe non marquée est recouverte par les herbes. Aucune stèle où serait gravé son nom, aucune dalle, aucun monument ne perpétuant son souvenir, pas même une petite croix. Rien ! Rien n’indique que sous nos pieds git la dépouille d’une femme exceptionnelle qui a ouvert la voie à d’autres femmes et défendu leurs droits bec et ongles. Ce vide reflète l’oubli où elle a sombré. Très peu de gens savent tout ce qu’elle a accompli et défendu.

Robertine est née le 26 février 1863 à l’Isle-Verte. Dès la fin de ses études chez les Ursulines de Québec, Robertine caresse le rêve de gagner sa vie en exerçant le métier de journaliste. Mais pénétrer cette chasse gardée masculine semblait irréalisable. Au Canada français, aucune femme ne gagnait sa vie de cette façon et, ailleurs dans le monde, les femmes journalistes étaient souvent jugées de mœurs légères. Sans compter qu’une bourgeoise qui travaillait était mal perçue : elle se rabaissait et déshonorait sa famille. Qu’importe ! C’est ce que veut faire Robertine.

Seul un homme à l’esprit libre pouvait vouloir d’une femme dans son équipe de journalistes. Elle le rencontre en 1891 : c’est Honoré Beaugrand, directeur de La Patrie. Non seulement il engage Robertine, mais, loin de la confiner Robertine Barry aux pages féminines comme le Fonds Robertine Barry, Société historique de la Côte-Nord

page 8 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal -Printemps 2015 seront pendant plusieurs années les convaincu qu’elle subit la mauvaise ne s’y sent pas à l’aise, ses idées femmes journalistes, il lui donne la influence des personnes avec qui étant bien en avance sur celles des responsabilité d’effectuer les mêmes elle travaille. Beaugrand entre autres membres. Le malaise est tâches que ses collègues mâles. En autres, un franc-maçon qui, croit- tel entre Robertine et les dames plus d’écrire des articles, elle traduit on, tient des réunions sataniques, le patronnesses que Marie Gérin- des dépêches, rédige des faits divers soir, dans les locaux de La Patrie. Lajoie lui reproche de nuire à cette et une chronique hebdomadaire On reproche d’ailleurs souvent à jeune fédération. En 1909, après le qu’elle signe du pseudonyme Robertine de fréquenter des gens deuxième symposium, l’archevêque Françoise. peu recommandables. Salonnière, de Montréal et Marie Gérin-Lajoie elle reçoit tous les jeudis les esprits décident de ne pas publier le texte Dans ses « Chroniques du lundi » libres et bohèmes. Parmi eux, les de la conférence de Robertine dans publiées en première page, membres de l’École littéraire. les actes du Congrès. Ils ne sont pas elle revendique ce qu’aucune les seuls à vouloir la museler. Sa vie Canadienne française n’a réclamé La vie libre qu’elle mène scandalise. et ses écrits dérangent tant d’esprits publiquement jusque-là. Elle Elle affirme haut et fort les joies chagrins qu’elle reçoit des lettres demande à cor et à cri le droit pour du célibat. À une époque où l’on remplies de hargne. Pour se moquer, les femmes d’étudier à l’université peut lire dans le grand dictionnaire certains la qualifient de bas-bleu ou et d’exercer les mêmes professions universel que le célibat librement l’appellent Monsieur. que les hommes, telles avocates choisi est un symptôme du ou médecins. Outre les droits des dérangement du cerveau, elle écrit Elle meurt en 1910. Elle n’a que 46 femmes qu’elle défend souvent, plusieurs articles afin de briser les ans, mais sa vie a été fort remplie. elle revendique l’ouverture d’une préjugés envers les « vieilles filles ». Outre son travail de journaliste et bibliothèque publique à Montréal, Qu’elle vante les joies du célibat ne ses multiples voyages, elle s’est une éducation laïque accessible à signifie évidemment pas qu’elle haït impliquée dans différentes causes tous, plus de justice sociale, une loi les hommes. À la fin du 19e siècle, qui lui tenaient à cœur. réglementant le travail des enfants la rumeur court que Nelligan s’est et le droit de vote pour les femmes. amouraché d’elle, bien qu’elle soit Elle pose un geste patriotique en de seize ans son aînée. Robertine ramenant à Montréal la cloche de accueille souvent chez elle le beau Louisbourg1 qu’elle a trouvée chez poète, rue Saint-Denis où elle un antiquaire d’Halifax. Frondeuse, habite avec sa famille. Elle lui elle ose contester la toute-puissance prête magazines et livres français. du clergé. À lire certaines de ses Ils discutent de musique et poésie. chroniques, on a le sentiment de Devant elle, Nelligan déclame ses l’accompagner tantôt à pied, tantôt poèmes. Elle l’écoute et le conseille. en tramway ou, ô scandale, à Dans des poèmes qu’il lui dédie, il bicyclette dans les rues de Montréal. semble lui crier tantôt son amour, Toutes les rues, pas seulement celles tantôt sa colère d’avoir été éconduit. du Plateau qu’elle habitait et aimait, Elle juge sans doute ces poèmes mais aussi celles où s’entassent les compromettants puisqu’elle les miséreux dont la vue lui crève le cache longtemps dans ses tiroirs cœur. Pour le plaisir autant que pour avant de les publier dans Le Journal son métier, elle transgresse d’autres de Françoise, un magazine qu’elle interdits et voyage seule, ce qui à fonde et dirige de 1900 à 1909. l’époque était jugé scandaleux pour En 1907, Robertine est membre une femme. C’est ainsi que ses du conseil d’administration de la nombreux lecteurs peuvent lire le première association féministe récit de sa descente dans une mine canadienne française, la Fédération du Cap Breton. nationale Saint-Jean-Baptiste. Elle

En 1895, lorsqu’elle publie Fleurs champêtres, on la compare à Sand Sergine Desjardins, écrivaine et essayiste, est l’auteure en 2010 de la biographie en et à Balzac. Une voix discordante deux tomes Robertine Barry. La femme nouvelle et Robertine Barry. On l’appelait se fait entendre : l’ultramontain Monsieur, toujours disponible en librairie. Elle est lauréate du prix Jovette Bernier Tardivel, éditeur de La Vérité, et du Prix littéraire international indépendant Marguerite Yourcenar 2013. lui reproche de ne pas avoir parlé Note : 1 Cette cloche est exposée au château Ramezay. de religion dans son livre. Il est

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 - page 9 L’ÉCOLE DU « BON PARLER » DE MADAME AUDET

le cours classique et lorsque son entreprend des démarches afin Gabriel père lui refuse la même éducation, d’ouvrir une école privée, un rêve Deschambault, elle se rebelle. Déterminée, elle qu’elle caresse depuis qu’elle a Membre du CA de la apprend le latin toute seule, et aidera étudié en langue à l’Université de SHP ses frères dans leurs difficultés Montréal. Ce n’est pas évident pour d’apprentissage. Son père l’appuie cette femme de « faire école » hors maintenant dans ses efforts de des sentiers religieux ou officiels. st-ce que « l’école de formation en chant et en langue. Madame Audet » ça vous dit Rue Saint-Hubert En 1912, elle se marie avec Jean- quelque chose? Cette école a C’est au 3959 Saint-Hubert Evu défiler des centaines d’étudiants Louis Audet, qui installe son petit qu’Yvonne trouve finalement qui envahiront plus tard le monde de laboratoire de dentisterie dans la cuisine du logement familial. Sans l’endroit parfait pour loger sa famille la radio, de la télévision naissante et et son projet d’école. Parmi les de la scène québécoise. cuisine, ils se retrouvent chaque soir Chez Lelarge, un restaurateur centaines d’élèves qui y sont passés, citons Olivette Thibault, Marjolaine Mais la consécration de cette voisin, où ils côtoient plusieurs femme est à un autre niveau. C’est artistes montréalais et français. Hébert, , Yvette l’amour fou de la langue française Pendant ce temps, Yvonne s’occupe Brind’Amour, Monique Miller, et du « bon parler » qui sera incarné de la formation des enfants au petit Dominique Michel, Pierre Nadeau, dans la démarche de cette femme Conservatoire d’art dramatique le Frère Untel, Raymond Lévesque, d’exception et qui aura une incidence fondé par Eugène Lassalle, un acteur Denise Bombardier, Geneviève véritable sur notre patrimoine français émigré au Québec. Bujold, Robert Charlebois, André culturel collectif. Brassard. En 1932, lorsque la famille est Yvonne Duckett expulsée de son logement, Yvonne En 1937, en compagnie de ses deux fils, elle organise des spectacles au Née en 1889, Yvonne Duckett vit Madame Audet Gésu ou au Monument National sa vie adulte comme Madame Jean- participait pour mettre en vedette les Louis Audet, le nom de son mari. activement, sou­ enfants de son école. Ses Enfant, elle s’intéresse au théâtre vent avec ses objectifs? Améliorer le é­lè­ves, à la radio en organisant des spectacles avec montréalaise français oral au Québec, les enfants du voisinage. Dans sa Photo de communiquer aux famille, les garçons fréquentent 1942, BAnQ jeunes d’ici confiance et fierté, et leur inculquer le goût de l’action et de la création. C’est l’âge d’or de l’école.

Sa façon de faire ne vise pas à faire parler pointu. Elle demande à ses élèves de parler et de jouer « naturel ». Elle les aide à poser la voix, à trouver un rythme, un phrasé, une couleur qui leur soient propres.

Elle s’éteint en 1970, après une dernière année difficile, non sans avoir tenté de garder le cap jusqu’à la fin. Notre fierté à protéger notre langue au Québec lui est grandement redevable. Les enfants à l’école de Mme Audet, 1946 Collection BAnQ

page 10 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal -Printemps 2015 FONDATRICE DES GRANDS BALLETS CANADIENS (1924-1996) LUDMILLA CHIRIAEFF, CETTE FEMME QUI ME FIT RÊVER!

Nicole Lépine Membre de la SHP

écemment, je me baladais avec ma nièce Laurence âgée de 10 ans dans les rues du RPlateau. Devant l’École des Grands Ballets Canadiens, rue Rivard, elle s’est exclamée : « C’est eux qui Madame Chiriaeff avec les ballerines font Casse-Noisette! » Cette simple Photo : Ian Westbury phrase m’a fait plonger dans mes souvenirs et réanimer le rêve que je caressais, déjà enfant, de devenir danseuse…

Étant la seule fille d’une famille de six, ce rêve fut vite oublié, mes parents ne pouvant m’offrir une telle activité, mais j’imaginais la vie de cette grande dame… L’histoire de Ludmilla Chiriaeff, d’origine russe, Ludmilla Chiriaeff dans Pierrot née à en 1924, a fait l’objet Fonds Tembeck, archives École Devant les Grands Ballets Canadiens, 1972 de biographies qui amènent, pour supérieure de ballet du Québec certaines, un éclairage différent sur Photo : Pierre Gaudard tout son parcours, comme on peut le lire dans celle de Nicolle Forget1. début des années 70, elle contribue c’est le souffle qui me tient en vie. » à l’implantation de programmes Ce souffle, elle a su le transmettre Madame Chiriaeff a bénéficié de danse de niveau collégial et à plusieurs générations de danseurs d’une formation de ballet russe et de primaire2. dont Annick Bissonnette, directrice danse moderne. Alors qu’elle vivait artistique de l’École supérieure Récipiendaire de plusieurs en Allemagne, elle joint la troupe de la danse, laquelle a notamment distinctions tout au long de sa de l’Opéra de Berlin et à partir de été première danseuse des Grands carrière, Ludmilla Chiriaeff a dû se 1946 s’installe en Suisse romande Ballets Canadiens. Madame battre pour valoriser son art. Cette et danse comme artiste soliste dans Chiriaeff ne fut jamais première mère de famille, qui osait montrer ses les théâtres de Genève et Lausanne. danseuse en raison de sa grande jambes, geste jugé immoral à cette En 1952, afin d’offrir à sa famille de taille, mais elle demeure pour nous époque, a surmonté les critiques et meilleures conditions de vie et de une grande dame, celle qui me fit les préjugés religieux. développer sa carrière, elle émigre rêver. au Canada et Montréal devient sa Celle qu’on appelait Madame ville d’adoption. confie à Nicolle Forget : « J’ai Notes La mise en valeur de la danse compris qu’il faut continuer, qu’il par la Société Radio-Canada, au faut se battre, que la vie est en avant, 1 Nicolle Forget, Ludmilla Chiriaeff : début des années 50, permet à que la vie ne s’arrête jamais. Et je danser pour ne pas mourir, Montréal, madame Chiriaeff, de présenter des me suis juré que j’allais danser à Éditions Québec Amérique, 2006 2 Archives de Radio-Canada, Ludmilla chorégraphies du Ballet Chiriaeff, nouveau et pour le reste de mes Chiriaeff, mère de la danse au Québec, compagnie fondée pour répondre au jours. Parce que la danse, c’est le 8 février 1973 besoin de la télévision. De plus, au mouvement et que le mouvement

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 - page 11 GAËTANE DE MONTREUIL : FEMME DE LETTRES ET FÉMINISTE AVANT LA LETTRE

a rédigé sa thèse de doctorat sur Claude Gagnon notre écrivaine, note : « Gaétane Membre de la SHP de Montreuil répondait aux lettres reçues des abonnés du journal [La Presse], moyennant un petit cachet pour obtenir sa réponse. (…) Cette activité supplémentaire lui procurait aétane de ontreuil chaque année un millier de dollars à M , 4 conseillère, bibliothé­ ajouter à son traitement » . Ce rôle cai­re, professeure, cri­ti­ de « conseillère littéraire » montre «G un ascendant culturel peu ordinaire que, éditrice, publicitaire », comme la présente Chantal Savoie, qui pour une femme dans la société de a étudié sa vie et son œuvre1, fut l’époque. aussi journaliste et auteure de la On qualifie souvent Gaëtane de chronique « Pour vous Mesdames » Montreuil de « féministe de la à La Presse de 1899 à 1903. En première heure ». À ce titre, Chantal 1913 elle lancera sous ce même titre Savoie en formule ses principales son propre périodique. Femme de finalités : « On note, certes, un parti culture et femme d’action, avec sa pris clairement énoncé collègue Éva Circé-Coté, elle fonde en faveur de l’accès des en 1908 le premier établissement femmes à la culture, d’enseignement supérieur laïc pour à la lecture et même à jeune filles. l’écriture chez Gaétane 5 Née Géorgina Bélanger en 1867, Chantal Savoie de Montreuil » . Femme Gaëtane de Montreuil utilise, souligne que « son de lettres exceptionnelle, comme c’est la tendance chez nos activité de critique intervenante féministe dans écrivains de l’époque, plusieurs littéraire constitue son milieu socio-culturel, pseudonymes. En 1902, elle épouse (…) un cas unique, Gaëtane de Montreuil, le peintre et poète franc-maçon notamment parce décédée en 1951, est (Loge Émancipation) et buveur qu’elle est l’une aujourd’hui bien tristement d’absinthe, Charles Gill. Ils habitent des rares femmes tombée dans l’oubli presque quelques temps sur la rue Chambord. de lettres de son époque à total et son roman n’a connu Ensemble, ils auront deux fils, puis revendiquer assez ouvertement ses aucune réédition depuis 1924… se séparent onze ans plus tard. ambitions littéraires (alors que les Heureusement, notre technologie autres adoptent plus volontiers des actuelle nous permet de le lire 6 En 1912, l’écrivaine de la rue positions modestes et jouent les intégralement en ligne . Chambord publie son roman apprenties ou les amatrices) »2. historique Fleur des ondes qui Notes connait un véritable succès. Dès le Dans ses chroniques liminaire intitulé « Considérations intitulées « Petite correspondance », 1 Chantal Savoie, « Gaëtane de Générales sur la Politique de « On lui demande des suggestions Montreuil » dans Analyses, vol. 3, no 2, Champlain », on entre en contact de livres « recommandables »; on printemps-été 2008 avec l’horizon proprement politique veut savoir si certains ouvrages ou 2 Idem certains auteurs sont à l’Index; on 3 Idem du récit fictif qui suit; l’horizon 4 Hamel, Réginald, Gaëtane de Montreuil, historique de son travail d’écriture s’enquiert de l’endroit où se procurer sa vie, son œuvre, thèse de doctorat, y est omniprésent. Elle écrira une divers imprimés; on sollicite son Études françaises, U. de Montréal, 1971 3 adaptation théâtrale l’année suivante opinion sur la qualité d’une œuvre » . 5 Chantal Savoie, op. cit. en 1913. À ce sujet Réginald Hamel, qui 6 https://archive.org/details/cihm_990949

page 12 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal -Printemps 2015 TRAJET DE JEUNESSE D’UNE ARTISTE DE RENOMMÉE MONDIALE MAUREEN FORRESTER, FILLE DE LA RUE FABRE

Kevin Cohalan Membre du CA de la SHP

ne plaque modeste identifie le 5½ du rez- Ude-chaussée au 5334, rue Fabre, entre Laurier et Saint-Grégoire, où l’une des plus grandes contraltos de l’histoire, Maureen Forrester (1930-2010) ― dernière de quatre enfants ―, passe les vingt-et-une premières années de sa vie. Il n’y avait, dit-elle, en tout et pour tout, qu’une demi-douzaine de familles anglophones dans le pâté de Christophe-Colomb reconnus par ses maîtres et par maisons… tous se côtoyaient ― aussi (angle sud-est du les critiques. À l’âge de vingt- bien francophones et anglophones que boulevard Saint- et-un ans elle quitte la maison catholiques et protestants… Enfants, Joseph), était à huit familiale pour un appartement nous parlions le français de la rue, coins de rue de chez rue Stanley, et fait bientôt un et quand on me demande aujourd’hui elle. Construit en récital comme soliste au YWCA, au Conseil des Arts de prononcer un 1910 comme école rue Dorchester (aujourd’hui discours dans les deux langues, je protestante, l’édifice passe en 1951 à René-Lévesque). Le philanthrope J.W. dis toujours que le vocabulaire qu’on la Commission des écoles catholiques McConnell, fondateur et propriétaire me met dans la bouche n’a rien en pour devenir l’école secondaire du Star, conseillé par son commun avec celui que j’ai appris rue anglophone Cardinal Newman. Il critique de musique Eric McLean, Fabre. abrite aujourd’hui le programme devient pendant trois ans son mécène Formation Experts de la secret. Enfin, une autre institution, La famille fréquente Commission scolaire de aujourd’hui du Plateau, les Jeunesses l’église Fairmount-Taylor Montréal. musicales du Canada ― à l’époque Presbyterian, angle logées dans la salle du Gesù, rue Maureen Forrester a Masson et Cartier, …où Bleury, et depuis 1984 sur l’avenue quinze ans quand sa voix [ma mère] a passé tant Mont-Royal, angle Henri-Julien commence à devenir plus d’heures de sa vie et dont ― joue un rôle décisif dans sa grave. Elle suit des cours elle m’a forcé de rallier carrière. Après mes débuts en récital de chant et participe le chœur dès que je pus au YWCA, un autre mentor aux chœurs des ouvrir la bouche. L’église construite vint à ma rescousse : Gilles églises protestantes en 1922 est toujours là, devenue la Lefebvre, créateur des Jeunesses du centre-ville. Sa cathédrale orthodoxe roumaine de musicales du Canada… Dans la voix et ses talents Saint-Jean-Baptiste. (L’œuvre de vie, il s’était donné pour mission extraordinaires ― un Fairmount-Taylor est perpétuée de de lancer des carrières… Gilles don du ciel, elle dit nos jours par l’église anglophone a fait de moi une professionnelle. Maisonneuve Presbyterian, angle ― sont rapidement Letourneux et Adam, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.) Citations du récit autobiographique Au-delà du personnage par Maureen Forrester, Éditions J’ai laissé l’école à treize ans et Libre Expression, 1989. Remerciements à Danièle LeBlanc et Judith Pelletier des Jeunesses pourtant je chante en vingt-six musicales du Canada et au révérend Richard Bonetto de l’Église Presbytérienne St-Luc pour langues et j’en parle quatre. L’école leur aimable collaboration, et à mon épouse Suzanne Perron pour le repérage des sites. William Dawson, 4835, avenue Photos de l’auteur.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 - page 13 ÉVA CIRCÉ-CÔTÉ : CITOYENNE DU PLATEAU

Andrée Lévesque, historienne Biographe d’Éva Circé-Côté

ntre 1910 et 1912, presque tous les jours on peut voir une jeune femme se rendre à son travail de Echez elle au Carré Saint-Louis, descendre la rue Saint-Denis, tourner à l’ouest sur la rue Sherbrooke, marcher vers le sud sur la rue Saint-Laurent pour descendre jusqu’au Monument national où se trouvait son bureau à la bibliothèque technique, la première bibliothèque publique de la Ville de Montréal.

En ces années d’avant la Guerre de 1914, Éva Circé est une personnalité connue dans le milieu des lettres de Montréal, celle qu’on salue sur la rue en lui disant « Bonjour Colombine », car c’est sous ce pseudonyme qu’elle signe ses poèmes, ses pièces de théâtre et ses chroniques dans les journaux. En 1903, la Ville de Montréal l’a nommée première bibliothécaire de sa nouvelle bibliothèque et depuis elle poursuit son travail d’écrivaine et celui de bibliothécaire. La même année, elle publie un recueil de poèmes et de textes Bleu, Blanc, Rouge, et fait jouer sa pièce Hindelang et Delorimier.

Éva Circé n’est toutefois pas née sur le Plateau mais plutôt dans la paroisse Notre- dont les idées sociales s’accordent avec Dame, où son père était tailleur et marchand celles du couple. Quand Pierre-Salomon d’habits, pour ensuite passer sa jeunesse dans décède de tuberculose en 1909, Éva Circé- la paroisse Sainte-Cunégonde. Elle habite Côté et sa petite fille quittent leur rési­den­ toujours chez ses parents quand ceux-ci emménagent au ce de la rue Saint-Denis pour le Carré Saint-Louis. 235 rue Sherbrooke Est entre les rues Saint-Timothée et Il est malheureux que ce soit une des seules maisons Saint-André. Il s’agit d’un quartier bourgeois et leurs du Square qui n’a pas subsisté jusqu’au XXIe siècle. voisins sont des architectes, des avocats et monsieur Éva Circé-Côté bougera beaucoup dans son quartier : Granger qui a fondé la librairie Granger et Frères. En du Carré Saint-Louis à la rue Hôtel-de-Ville, à la rue 1902, les Circé déménagent au 462 Rachel, près de la Sherbrooke jusqu’à la rue Plessis, elle n’est jamais loin rue De Bullion. de son travail. En 1905, le curé Magloire Auclair, de la paroisse Éva Circé-Côté poursuivra une longue carrière Saint-Jean-Baptiste, bénit le mariage d’Éva et de dans le journalisme; c’est une des femmes de lettres Pierre-Salomon Côté, médecin, spécialiste en maladies exceptionnelles de Montréal. nerveuses et qu’on appellera le médecin des pauvres. Le couple s’installe sur la rue Laval où il tient son cabinet Andrée Lévesque, enseignante universitaire et historienne de « spécialiste en maladies nerveuses » jusqu’à ce qu’il spécialiste du Québec au 20e siècle, de l’histoire de la gauche se déplace sur la rue Saint-Denis. et des femmes, est l’auteure de la biographie Éva Circé-Côté, Pierre-Salomon et Éva fréquentent des gens aux idées libre penseuse, 1871-1949 (Éditions du remue-ménage, 2010). avancées, libres penseurs et même francs-maçons, sans La biographie d’Éva Circé-Côté s’inscrit dans sa recherche de qu’en souffre leur amitié avec le curé Auclair, un homme la résistance à l’ordre établi. page 14 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 ANNETTE NOLIN, NOTRE HÉROÏNE « ORDINAIRE »

Gaétan Sauriol, Membre de la SHP l’usine qui deviendra plus tard Canadair et ensuite Bombardier. Un trajet de plus d’une heure, souvent debout, car cette ligne a vu ses wagons modifiés en y n 1942, nous sommes au cœur retirant plusieurs sièges, afin de de la guerre. Les hommes sont déplacer le plus de travailleurs partis en Europe rejoindre le possible. Efront; mais un autre front se déroule ici et cette fois, ce sont les femmes Annette « gagne sa guerre » en du pays qui sont mises à profit pour répétant inlassablement ce trajet l’effort de guerre. Elles font rouler et aussi en faisant soigneusement les diverses usines d’armement ou les soudures des instruments du d’équipement militaire. Le travail est tableau de bord des appareils harassant et les conditions difficiles. Noorduyn Norseman, un avion servant à l’entraînement et au Annette Nolin (1924-1993), notre Annette Nolin Archives familiales ravitaillement. héroïne « ordinaire », comme plu­ sieurs autres femmes du quartier, Après la guerre, Annette quit­te chaque jour le logis familial s’occupe maintenant de sa de la rue Gauthier afin de prendre le jeune famille. Ses enfants tramway­­ sur l’avenue du Mont- fréquentant les terrains de jeux Royal pour se rendre à l’avenue du parc La Fontaine, ils se du Parc. Le reste du trajet tient retrouvent donc associés aux de l’épopée. On chemine par Côte- Le Noorduyn Norseman Musée de l’aviation, efforts des Jésuites et du père Sainte-Catherine, Queen Mary Ottawa Marcel de La Sablonnière, qui jusqu’à Décarie, ensuite par Grenet tentent d’instaurer des sports jusqu’à Henri-Bourassa, à la gare Val-Royal de d’équipe au parc. Comme elle est bonne couturière, on Cartierville. De là, un autobus de la compagnie lui demande de confectionner des costumes pour les Noorduyn Aircraft Limited amène les ouvrières jusqu’à équipes de baseball du Centre Immaculée-Conception. Elle s’exécute à l’aide de poches de sucre qui sont blanchies et qui ont la qualité d’être assez résistantes.

La collaboration d’Annette avec le père Marcel de La Sablonnière a duré plusieurs années, tant et si bien que je l’appelais familièrement mon oncle Marcel. Comme nous étions parmi les premiers à avoir un téléviseur sur notre rue, il venait les samedis partager un repas et écouter la soirée du hockey en famille.

Voilà comment, dans les années 1940, 1950, et même 1960, les femmes jouaient un rôle très actif dans la vie du quartier. Effort de guerre, bénévolat, vie de famille heureuse, Annette a tout fait cela. Comme bien d’autres femmes et mères de cette époque, elle était à sa façon une vraie héroïne. Elle était une bonne personne, avec beaucoup de mérite, et c’était ma mère. Je suis bien content de vous en avoir parlé. Elle s’est éteinte à l’âge de 68 ans. Elle a vécu sans tambour ni trompette, mais Le père Marcel de La Sablonnière et une des équipes de baseball elle a, à sa manière, contribué à forger l’âme du Plateau. du parc La Fontaine

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 - page 15 CHRONIQUE DU CENTRE DE DOCUMENTATION ELLES AUSSI ONT ARPENTÉ LES RUES DU PLATEAU...

Huguette Sherbrooke, et l’académie Saint- Loubert Urbain, tout comme Jeannine Sutto. Vice-présidente du Elle fera ses premiers pas au théâtre CA et directrice avec son frère à l’école Notre- du Centre de Dame du Saint-Sacrement, l’ancien documentation pensionnat Saint-Basile, devenu depuis la Maison de la culture.

u fil de la lecture de Une autre grande comédienne, ce bulletin, nous avons Jeannine Sutto (1921- ) a vécu vu défiler des femmes sur le Plateau jusqu’à son mariage. Aadmirables reliées à l’histoire du La fillette arrivée de France avec Plateau. De nombreuses autres ses parents a habité au Carré Saint- auraient pu être citées, car elles Louis, aux rues Christophe-Colomb, sont bien présentes dans plusieurs de La Roche et Rachel ainsi que sur ouvrages que l’on trouve au Centre. l’avenue du Parc-La Fontaine. Elle a fréquenté les écoles du quartier ainsi que la bibliothèque. Sa famille est amie avec la famille Riddez qui compte neuf enfants, et habite rue Saint-Denis près de l’avenue des École du Doux Parler, qui occupe Pins. Mia Riddez (1914-1995), le rez-de-chaussée de sa maison au comédienne et scénariste dont Carré Saint-Louis. Au programme on se souvient particulièrement elle ajoute diction, chant, danse et pour l’écriture du feuilleton Rue piano de 1932 à 1967. Elle est à la des Pignons, y collabore d’abord tête d’une dynastie de comédiennes avec son mari, mais l’assume dont font partie Monique Lepage et seule ensuite pendant près d’une Anne Létourneau. décennie; sa sœur Sita Riddez Pendant plusieurs décennies, (1916-2002), comédienne, a connu Yvette Brind’Amour (1918-1992) une longue carrière de professeur sera bien présente sur le Plateau au Conservatoire d’art dramatique. avec Mercédès Palomino (1913- Une autre amie, Marjolaine Hébert 2006), elles qui ont fondé en 1948 (1926-2014), rencontrée à l’école le Théâtre du Rideau Vert, l’ancien Cherrier, est aussi une comédienne Stella de la rue Saint-Denis, près de bien connue, qu’elle fréquentera Gilford. toute sa vie... La grande syndicaliste Madeleine D’autres sont plus discrètes comme Parent (1918-2012) est née en Dans le domaine artistique, on se Cora Élie-Lepage (1895-1999), face du Parc La Fontaine, d’où souviendra de la grande comédienne fille des fondateurs du Collège elle marchait jusqu’à l’Université Denise Pelletier (1923-1976), sœur Commercial Élie. Diplômée du McGill alors qu’elle était étudiante. de Gilles. Quand elle a sept ans, Conservatoire Lasalle et de la faculté Les politiciennes Solange Chaput- ses parents s’installent au 3683, rue des arts de l’Université Montréal, Rolland (1919-2001) et Thérèse Saint-Hubert. Elle fréquente ensuite elle a développé des méthodes Forget-Casgrain (1896-1981) l’école Cherrier, le pensionnat novatrices d’enseignement au ont grandi respectivement au 3512 Saint-Louis de Gonzague, rue primaire pendant des décennies à son Durocher et au 329, rue Sherbrooke, page 16 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal -Printemps 2015 Denis. Elle n’hésita pas à aller étudier aux États-Unis et en Europe les techniques d’enseignement aux malentendants. Trois de ses propres sœurs lui ont succédé comme supérieures de l’institution. On trouve aussi de grandes innovatrices comme Marie- Anastasie (1909-1989), religieuse de Sainte-Croix, qui a fait sa marque comme peintre multidisciplinaire et enseignante. Son atelier se trouvait rue Saint-Denis. Et Marielle Fleury (1929- ) en haute-couture, dont la première boutique-atelier était située aussi rue Saint-Denis, en face du Carré Saint-Louis. Elle a créé ses modèles à partir de tissus et d’accessoires confectionnés par des artisans d’ici au début des années coin Berri; sans oublier Idola Saint- 60. Institut de la Providence, 1940 / Denise Jean (1880-1945), qui a tant lutté L’éventail des femmes illustres du Robillard, Émilie Tavernier-Gamelin, pour le vote des femmes et qui a Plateau est bien plus grand, mais Éditions du Méridien, 1988 / Gérard vécu rue Saint-Hubert. Elle était il faudrait plusieurs pages pour les Baril, Dicomode. Dictionnaire de la mode au Québec de 1900 à nos jours, amie de Nelligan, qu’elle avait saluer toutes... connu pendant les vacances d’été à Fides, 2004 / Jean-François Lépine, Jeannine Sutto. Vivre avec le destin, Cacouna. Bibliographie : Collectif, Ces femmes Libre Expression, 2010 / Micheline La Saluons les communautés de qui ont fait Montréal, Éditions du France, Denise Pelletier ou la folie du religieuses enseignantes ou remue-ménage, 1994 / Collectif, théâtre, Éditions Scriptomedia, 1979 soignantes qui, sous des noms d’emprunt, ont tant œuvré à l’enseignement, aux soins DEVENEZ MEMBRE hospitaliers et auprès des démunis : POUR L’ANNÉE 2015 les Sœurs Hospitalières, les Sœurs du Bon-Pasteur, les Sœurs des Saints- Devenez membre de la SHP pour 15 $ pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. Vous recevrez notre bulletin gratuitement, en plus d’avoir la chance d’assister à Noms de Jésus et Marie, les Dames nos activités et conférences. Remplissez le formulaire ci-dessous et faites-le parvenir de la Congrégation, la Communauté avec votre paiement à l’adresse suivante : des Sœurs de Sainte-Croix, l’Institut du Bon-Conseil qui ont travaillé Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal sans répit pendant des décennies sur 4450, rue Saint-Hubert, local 323, Montréal H2J 2W9 le Plateau quand l’État mettait entre leurs mains l’enseignement et les Nom : services sociaux. Adresse : Parmi elles, on peut nommer l’admirable Émilie Tavernier- Gamelin (1800-1851), fondatrice des Sœurs de la Providence, née Ville : sur le territoire du Plateau sur une Code postal : ferme louée aux Hospitalières près de l’avenue du Mont-Royal et de Téléphone : l’avenue du Parc, et Sœur Albine Courriel : Gadbois (1830-1874), fondatrice et première supérieure de l’Institution Date : des Sourdes-Muettes, rue Saint-

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 - page 17 Chronique LES RUES DU PLATEAU ÉVOQUÉES PAR LES ROMANCIERS ET LES POÈTES MONTRÉALAIS Claude Gagnon, Membre de la SHP La présente chronique utilise les index des ouvrages de Monique Larue ― Promenades littéraires dans Montréal, Québec-Amérique, 1989 ― et de Claude Beausoleil ― Montréal est une ville de poèmes, vous savez, L’Hexagone, 1991 ― ainsi que le tableau toponymique des rues du Plateau offert sur le site www. histoireplateau.org.

F - Rue Fabre (2) :

Mis à part Michel Tremblay (cf. numéro précédent), la rue Fabre est aussi le centre d’un autre univers, celui de Jean- Claude Germain qui publie Robert Élie en 2007 son recueil de récits Rue Fullum (1) : consacré à « sa rue » Rue Fabre, centre de l’univers qui En 1950, le romancier Robert Élie décrit, dans lui sert de vecteur pour visiter, Jean-Claude Germain La Fin des songes (p. 110), une rue Fullum à en compagnie de son père l’image de la pauvreté d’alors : « Il dut conduire « vendeur de friandises et de cigarettes », les différents avec prudence jusqu’à la rue Fullum, (…) dans ce quartiers de Montréal dans toutes les directions. quartier où l’on voit se succéder des maisons, des manufactures, une église, de sordides garages de tôle, des terrains vagues… » Rue Fabre (3) :

Dans un poème de 1988 consacré aux « Ciels du Plateau », la poétesse et romancière Élise Turcotte considère elle aussi la dite rue comme un centre géodésique : « Tout près de Élise Turcotte la rue Fabre, il y a tout ce qu’on aime (…) les façades. Maisons de briques rouges, tulipes dans les parterres… ». Louise Desjardins Rue Fullum (2) : Rue Frontenac : Pour sa part, l’écrivaine Louise Desjardins raconte dans un court texte en prose publié en 1985, Pour Le poème bien connu La l’amour de Dieu, comment elle se fait assaillir, un chienne de l’hôtel Tropicana matin d’hiver, au coin des rues Rachel et Fullum (1977) de Josée Yvon parle par une femme hystérique qui la « supplie d’aimer d’une « Ginette de la rue Dieu »! Frontenac (qui) léchait les miroirs ». Josée Yvon

page 18 - La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal - Printemps 2015 AVIS À NOS ANNONCEURS SI VOTRE ENTREPRISE souhaite publier une carte ou un texte publicitaire dans une de nos prochaines éditions, veuillez contacter Myriam Wojcik, chargée de communications, par courriel à : [email protected]

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