LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018

ISSN-2258-7284

N°99

Chroniques du Val de Bièvre Histoire, Patrimoine, Mémoire Été 2018

LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018

Sommaire du N° 99 destes pendant ces vingt-cinq années de publication. Couverture : La Bièvre à Gentilly 1865, par Deroy, En mars dernier, lors de notre repas des Isidore-Laurent, Musée du Domaine départemen- vingt-cinq ans des Ateliers du Val de tal de Sceaux, ©Photographie de B. Chain Bièvre, en présence de notre président P 2 Sommaire, éditorial par Marcel BREILLOT d’honneur Patrick SIMON, ici près de P 3 Le prix de vertu par Mireille HEBRARD Madame RAJCHMAN, maire-adjointe P 5 Jean Baptiste de Montyon d’Arcueil, j’ai remis, aux élus d’Arcueil et par Marie VALLETTA de Cachan présents le centième numéro p 7 Monthyon, en pays Meldois de notre revue par Mireille HEBRARD p 10 L’inconnue d’une famille illustre par Marcel BREILLOT p 14 L’incident de l’école des dominicains d’Arcueil par Annie THAURONT p 17 La Dame Blanche par Alain BRUNOT p 21 Louise Michel par Marcel FREMONT p. 24 Ours, Publicités Chaque article, (textes et images), est pu- blié sous la seule responsabilité de son au- teur.

Éditorial Vingt-cinq ans déjà, les Ateliers du Val de Bièvre ont-ils atteint l’âge de raison ? Dans ce numéro, nos chroniqueuses Mi- reille et Marie ont décidé de nous parler de vertu plutôt que de raison. Ce prix de vertu était décerné par

l’Académie française. Notre revue et notre association n’ont Parmi les élus présents, nous reconnais- peut–être pas une maturité qui permette sons ici Claire MARTI et Robert ORUS- de prétendre à la raison mais encore CO, nous avons eu aussi l’honneur de moins à un tel prix, d’ailleurs tombé en recevoir Hélène de COMARMOND, au- désuétude. jourd’hui maire de Cachan. Aujourd’hui le prix de vertu de Monsieur Ceux, parmi nos adhérents, que nous Montyon, décerné par l’Académie, est n’avons pas rencontrés lors de ce repas destiné « aux auteurs français d’ouvrages ou lors des conférences qui l’ont suivi les plus utiles aux mœurs, et recomman- entre avril et juin 2018, recevront en dables par un caractère d’élévation et septembre ce n° 100 par courrier postal. d’utilité morales ». Les objectifs de notre revue ont été autres et surtout beaucoup plus mo- Marcel BREILLOT Président des Ateliers du Val de Bièvre LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018

niers traits de bienfaisance consacrés par Histoire nationale son testament.

Pourquoi, me direz-vous, traiter de ce LE PRIX DE VERTU prix de vertu ? Tout simplement, pour rendre hommage e 4 avril 1782, le célèbre Jean Le à l’une de mes ancêtres maternelles, Jo- L Rond d’Alembert (1717-1783), ma- séphine Briatte, qui a reçu ce prix. thématicien et académicien, transmet au Née en 1811 à Poix-du-Nord (village na- roi Louis XVI la requête d’un anonyme tal de mon grand-père), elle épousa le 22 (dont le nom sera révélé en 1821), dési- février 1832 à Poix-du-Nord, Fleurebel reux de voir la célèbre institution créer BATAILLE et elle mit au monde sept un « prix de vertu ». D’Alembert écrit au enfants. roi : « Tous les gens de talent obtiennent C’est sous son nom d’épouse qu’elle reçut des récompenses, la vertu seule n’en a le prix de vertu. pas ». Pénétré de cette vérité, un citoyen supplie l’Académie française d’agréer la Les demandes d’admission au concours fondation d’un prix dont l’objet et les des prix de vertu sont longues et diffi- conditions vont être expliqués. ciles à établir. -1° Tous les ans, l’Académie fera en Suivons-en le déroulement. séance publique, la lecture d’un discours -1° Établissement d’un mémoire très dé- qui fera l’éloge d’un acte de vertu. taillé de l’action vertueuse.

-2° Demande établie par la commune (ici -2° Il est à désirer que l’auteur de l’action celle de Poix-du-Nord). célébrée, homme ou femme, Pour toute cette vie consacrée aux soit choisi dans les derniers rangs de la autres, sa ville natale a établi une de- société. mande d’admission au concours des prix -3° Le fait qui donnera matière à l’éloge de vertu. Un mémoire a été établi et si- se sera passé dans l’étendue de la ville et gné par les voisins ou notables du pays et de la banlieue de et dans l’espace soumis au chef municipal qui a certifié des deux années précédentes. À l’éloge les signatures et les faits qui y sont seront jointes des attestations de la véri- énoncés. Ensuite le maire a adressé ces té des faits. On choisit Paris, parce que documents au sous-préfet ou au préfet l’Académie y est établie et il est plus fa- qui en atteste la vérité. Ces documents cile d’y vérifier les faits. sont alors envoyés au secrétaire perpé- tuel de l’Académie française. -4° Le discours sera en prose… -3° Relevé des actions du récipiendaire Le roi approuva les conclusions de cette (ici Mme Bataille). lettre. De 1782 à 1790, le prix fut attri- bué dix fois. Après sa mort en 1820, le -4° Discours de Victorien Sardou (1831- nom du généreux anonyme fut dévoilé : 1908), devant l’Académie le 5 août 1880. Monsieur Jean-Baptiste de Montyon, né « La veuve Bataille habite la commune en 1733. En 1821, Charles de Lacretelle de Poix dans le département du Nord. (1766-1855), historien élu membre de Avant l’attribution de son prix de vertu, l’Académie en 1811, a lu une notice sur le nom de Joséphine Bataille était très Monsieur de Montyon dans laquelle il peu connu des habitants de sa commune louait sa générosité et révéla officielle- et même par sa descendance. La vie de ment son nom et il fit connaître les der- cette femme mérite d’être signalée comme un modèle de dévouement, de charité,

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d’abnégation, dont elle n’a cessé, un seul Monsieur de Montyon, amateur de rhéto- jour, de donner des preuves pendant tout le rique, réclama que la remise solennelle du cours de sa longue vie. Toute son existence, pécule au candidat fût accompagnée d’un cette femme pauvre, s’est dévouée pour sa discours contenant l’éloge de son acte. famille et les enfants des hospices qu’elle Lors de son discours du 5 août 1880, le direc- élevait chez elle. Lors des grandes épidémies teur de l’Académie française Victorien Sar- qui ont sévi dans son petit village, les soins dou (1831-1908), rendit hommage à Madame aux malades ne la rebutaient pas : la petite Joséphine Bataille et lui remit sa médaille à vérole, la fièvre typhoïde. Le choléra dont l’effigie de Jean-Baptiste Antoine Auget de une centaine d’habitants de Poix du Nord Montyon qui porte l’inscription : ont perdu la vie en 1848. Pendant de longues Académie française Actions vertueuses années, la commune n’avait pas de sage- Prix Dame Veuve Bataille – 1880 femme, c’est elle qui en faisait les fonctions. Elle se chargeait aussi d’élever les nou- veaux-nés au biberon. Elle est pauvre ; elle a soixante-dix ans, et l’on peut dire que pas un jour de cette longue vie n’a été perdu pour la charité.

Mme Bataille a ceci de particulier, Mes- sieurs, qu’elle n’a pas de spécialité : tout lui est bon. Aujourd’hui encore, courbée sous le poids de l’âge et marchant avec peine, ne croyez pas que son dévouement se ralentisse... On la voit se traîner péniblement par les rues de ce village, dont elle est depuis un demi-siècle la Le discours sur la vertu, prononcé lors de la fée bienfaisante et solliciter des secours séance solennelle de l’Académie, destiné qu’elle porte ensuite aux pauvres gens. En dans l’esprit de son fondateur à célébrer la lui accordant un prix de deux mille francs, vertu au sens vieilli du mot, dans le sens l’Académie sait la joie qu’elle apporte à cette d’honnêteté, pudeur, sagesse, a pris désor- sainte femme. C’est deux mille francs pour mais le sens moderne d’énergie morale et de ses pauvres ». courage.

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L’Académie entend ainsi tenir compte de çaise à des personnes méritantes, qui fut l’évolution de la société et des mœurs tout en attribué pour la première fois en 1782. respectant l’esprit de chaque fondation et en Il émigre au début de la Révolution et ne lui conservant sa spécificité. revient en qu'en 1814 sous la Res- tauration. Lorsqu'il mourut, il laissa par Remarques : Victorien Sardou n’a aucun lien de testament à l'Institut de France, les revenus parenté avec cette autre famille Sardou : Valen- d'un capital important destinés à récompen- tin (1868-1933), Fernand (1910-1976), Jacky (1919-1998), Michel et ses fils Romain et Davy. ser des œuvres ou des actions édifiantes : le prix de vertu, un prix littéraire et un prix Sources1 scientifique, tous trois furent appelés prix Mireille HEBRARD Montyon. Il est l'auteur de mémoires et études sur la Histoire nationale société européenne et sur Michel de L'Hos- pital. Son nom est donné au palais de jus- tice de Marseille car il avait été intendant Jean-Baptiste de MONTYON de Provence et avait participé sur ses propres deniers au financement de la place ntoine-Jean-Baptiste-Robert Auget, Montyon sur laquelle a été édifié ledit pa- A baron de Montyon, est un philanthrope lais de justice. et économiste français, né le 23 décembre Un pavillon de l'ancien hôpital Broussais à 1733 à Paris et mort le 29 décembre 1820 Paris portait son nom. dans la même ville. Colossalement riche, à sa mort en 1820, il Conseiller d'État, homme politique, écri- laissa une fortune immense de près de sept vain, membre de la Royal Society, Académie millions de francs à diverses académies et royale suédoise des lettres d’histoire et aux hôpitaux de Paris. Avant la Révolution, d’antiquité. il a possédé des domaines considérables près de Meaux (Seine & Marne), il con- tinua d'acheter sous la Révolu- tion, avant d’émigrer en février 1793. Il plaça de grandes quanti- tés d'argent en Suisse, dans les banques étran- Après avoir été avocat au Châtelet en 1755, gères. Sous la il devient maître des requêtes au Conseil Restauration, d'État, puis intendant de diverses provinces sa fortune en telles que Auvergne et Provence. France était de Rappelé à Paris en 1775 pour devenir con- 3.185.102 Frs, seiller d'État, il fut nommé ensuite chance- mais ses actifs étrangers étaient encore plus lier de Monsieur, frère du roi, en 1780. considérables, témoignant de sa judicieuse Le baron de Montyon est très fortuné, il gestion de fonds pendant son exil, londo- crée à cette époque différents prix distribués nien, en particulier. par des sociétés savantes, notamment le prix de vertu décerné par l'Académie fran- Auget de Montyon gérait sa fortune avec grand soin, personnellement économe jus-

1 Sites Internet qu'à l'avarice, et industrieux dans la sur- Documentation familiale veillance de ses intérêts. Il était célibataire Revue Association généalogique Flandre Hainaut et ne laissa pas d'héritier pour sa fortune, ce Mars 2014 n°121

5 LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018 qui fut tout à l'avantage des pauvres et des malades de Paris. 1 Histoire nationale Le prix de vertu est encore décerné aujour- MONTHYON, en pays MELDOIS d'hui mais les sommes attribuées sont de- venues extrêmement minimes, cependant, ’origine du nom une des clauses du testament du fondateur L Située à dix kilomètres de Meaux, Mon- exige que tous les ans, il soit fait « lecture thyon est une petite commune de Seine-et- d'un discours qui contiendra l'éloge d'un Marne qui a joué un rôle important dans acte de vertu ». Ainsi depuis 1819, un notre histoire. membre de l'Académie française se livre annuellement au délicat exercice consistant Comme vous avez pu lire récemment, elle à faire l'éloge des lauréats vertueux et des doit son nom à M. Antoine Auget de Mon- vertus en général, prétexte pour réfléchir tyon (ou Monthion) qui a créé le prix de ver- aux mœurs de son temps. C'est donc un ta- tu. Quelle est l’origine du patronyme Mon- bleau particulièrement original de l'histoire thion ? Ce nom vient du latin « mons » qui des mœurs que l'on peut découvrir à travers signifie « mont » et du prénom « Yonis » les discours prononcés par François Guizot, (Jean). Son orthographe a changé, en 1265 Alexis de Tocqueville, Thierry Maulnier, Jean Guitton, François Mauriac ou Erik on trouve « Montion » et en 1276 « Mon- Orsenna. Sans oublier Paul Valéry. thyon ». Le village est situé sur un monticule isolé Un philanthrope. Le baron de Montyon a qui domine les plaines fertiles du départe- résumé sa conception de l'usage à faire des ment. richesses dans un document conservé aux archives de l'Assistance publique à Paris.

Donner est l'usage le plus noble de la ri- chesse et l'acte par lequel l'homme a sur l'homme la plus grande supériorité; mais qu'il est peu de véritables dons ! Le pro- digue ne donne pas, il perd et dissipe ; le fastueux ne donne pas, il satisfait sa vani- té ; un testateur ne donne point, il ôte à ses héritiers ; quiconque donne à celui de qui il a reçu ou duquel il espère un service, paie une dette ou place un fond ; celui qui donne sans espoir de retour, sans intention d'être connu, par principe de bienfaisance, de gé- nérosité, celui-là seul a le mérite du don ; malheur à qui n'en sent pas le plaisir, mal- heur à qui n'a pas versé des larmes de joie Le château en faisant cesser la misère. Ces cœurs durs Construit sur les ruines d’un château fort du et insensibles ne connaissent pas la volupté XIIe siècle, cette construction date des XVII- la plus douce, la plus pure, que puisse goû- XVIIIe siècles. ter l'humanité.

Sources 2 En 1914, ce monument présente un certain aspect défensif, les tours d’angle ne sont pas Marie VALLETTA encore rehaussées de tourelles, elles le fu- rent par la suite.

1 Statue de Jean-Baptiste de Montyon à l'Institut de France Un des derniers propriétaires fut l’acteur 2 Wikipedia Gallica Fernand Labour. M. de Montyon, d’après les documents inédits, Jean Claude Brialy. Paris, 1888.

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Au cours de la nuit, ceux-ci vont transporter des renforts qui viendront soutenir le len- demain matin, l’aile gauche française en danger de débordement.

Avant de poursuivre cet article, je vous pro- pose cet extrait du journal parisien « Le Ma- tin » du 14 décembre 1918, propos recueillis dans un entretien donné au journaliste sué- dois, M. Christianson : « … mais que des hommes ayant reculé pen- dant dix jours, que des hommes couchés par terre, à demi-morts de fatigue, puissent re- prendre le fusil et attaquer au son du clai- Jean Claude BRIALY devant son château ron, c’est là une possibilité dont il n’a jamais été question dans nos écoles de guerre ». La bataille de la Marne Alexander Von Kluck (1846-1934), comman- De ce remarquable observatoire, le samedi 5 dant de la 1re Armée allemande septembre 1914, un poste de commandement La seconde guerre mondiale allemand est établi et surveille l’avance des Avant la libération de la Seine-et-Marne par troupes françaises. le général américain George Patton (1885- Ce même jour, entre 6 h et 7 h, à l’Est de 1945) le 23 août 1944, ce département n’a Paris, partant de la plaine du Pays de cessé de voir un grand nombre de résistants France, la 6e armée française se met en fusillés et notamment au château de Mon- mouvement, direction les monts de Goële, thyon. avec comme objectif la vallée de l’Ourcq par les crêtes au Nord de Meaux. Un village d’artistes Ce même jour, à 12 h 30, de la butte de la Saulorette à Monthyon, les deux premiers Eugène Boch (1855-1941), peintre belge, canons ennemis de 77 mm sont positionnés. s'installe dans la villa « La grimpette », en Sous le commandement du lieutenant 1894. C'est un ami des impressionnistes et Weisse, les artilleurs allemands tirent les notamment de Van Gogh et de - premiers coups de canon : c’est le début de la Lautrec qui séjournent plusieurs fois dans la bataille de la Marne. commune. M. Boch y poursuivit ses séjours Cette traversée de la Marne par les Alle- jusqu'à sa mort, le 4 janvier 1941. Il est in- mands est une surprise pour l’état-major humé dans le cimetière du village aux côtés français. Les 6 et 7 septembre 1914, sur de son épouse. ordre du général Gallieni (1849-1916), envi- ron mille cent taxis parisiens sont réquisi- Julio González1 (1876-1942), en 1925, le tionnés pour servir de moyen de transport sculpteur et peintre espagnol a acheté une aux fantassins de la 7e division d'infanterie maison de campagne dans le village qu'il (103e et 104e RI). occupa jusqu'en 1940. Il y effectua plusieurs sculptures figuratives sur la pierre de Mon- Le 7 septembre 1914, thyon entre 1933-1936, inspirées de la sta- Gallieni rejoint la ville tuaire des cathédrales (voir l’adresse du site de Gagny pour se rendre Internet en sources de fin d’article). compte des mesures qu’il a prises, concer- nant les taxis 1 parisiens ré- Peintre Arcueillais Vous retrouverez ce peintre dans l’article très intéressant rédigé par Simone Lacassagne dans notre revue n° 45 quisitionnés. d’hiver 2004

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Jacques Chazot (1928-1993) danseur, écri- l’achète sans le visiter. Brialy y recevra vain et mondain parisien passa les dernières beaucoup de ses amis : Isabelle Adjani, la années de sa vie à Monthyon où il est mort. chanteuse Barbara qui viendra y répéter son Il est inhumé au cimetière communal du répertoire en s’accompagnant sur son piano village. toujours resté au château, en 1981, Romy Schneider se réfugie dans cette demeure Jean-Claude Brialy (1933-2007) en 1959, se après la mort tragique de son fils. casse deux vertèbres sur le tournage du "Beau Serge", de Claude Chabrol. Pour sa De son vivant, en 2006, Brialy souhaite lé- convalescence, il cherche une maison à la guer sa propriété à la ville de Meaux afin campagne. Il a une confiance aveugle en son qu'elle soit transformée (après la disparition amie, la comédienne Marie-José Nat qui dé- de son compagnon), en une résidence pour niche le château de Monthyon. L’acteur artistes.

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Les jardins du château Auraient-ils pu avoir des engagements aussi Les visiteurs ont été nombreux à venir dé- forts sans la présence à leurs côtés de leurs couvrir les allées et les fleurs du château de épouses ou de leur sœur ? Monthyon, à l’occasion des « Rendez-vous La vie de Marie aux jardins » et des « Journées du Patri- Apolline Raspail moine » initiés par le ministère de la Culture nous paraît signifi- et de la communication. cative de ce point Le 12 septembre 1976 a vu l’inauguration de vue. d’une stèle commémorative pour rappeler le Née en 18362, troi- début de la bataille de la Marne : sième enfant d’une fratrie de cinq, à la suite de sa mère Adélaïde décédée en 1853, elle consa- crera sa vie au ser- vice de son père François-Vincent.

« Les papiers Raspail » ayant été déposés aux archives du Val-de- Marne, il est possible de « De cet endroit, le 5 septembre 1914, à consulter les courriers et 12h30 a été tiré par une pièce allemande de documents du « Fonds Ben- 77 le premier obus qui a marqué le début de jamin Raspail » dans lequel la bataille de la Marne ». se trouvent des courriers3 1 Sources qu’il avait reçus de sa sœur Mireille HEBRARD Marie, en particulier lorsque qu’elle accompagnait son Histoire locale père François-Vincent en exil ou en prison. L’inconnue d’une famille illustre Ces courriers de Marie à son frère Benjamin Arcueil-Cachan, chacun a entendu le font part le plus souvent des soucis qu’elle a nom de la famille Raspail. À pour la santé de son père, de ses frères ou Benjamin, Émile, Camille, Xavier et surtout leur illustre père, François-Vincent sont plus d’elle-même. ou moins connus. En 1874, lorsque François-Vincent est con- Tous ont été condamnés pour leurs idées, ont damné à deux ans de prison, à l’âge de été « hommes politiques ». quatre-vingts ans, pour apologie de faits Ils ont été députés, maire, conseiller général, criminels, (il a soutenu le communard Deles- ils ont laissé différentes traces dans cluze lors de son procès), il se présente à la l’histoire de nos communes. prison de Versailles ; il est aussitôt transféré à la « Maison de soins de Bellevue », près de Meudon. Il y purgera sa peine réduite à une année par la cour de cassation.

1 Guide pittoresque du voyageur en France – Vol 1 2 Voir par Annie Thauront la généalogie Raspail sur : ge- « Une chronologie de la bataille de la Marne », Mr Pezant (Association neanet.org/thauront?iz=3230&lang=fr&n=raspail&p=francois+vincent Histoire et Collection) &type=tree Musée de la Grande Guerre de Meaux http://genearc.blogspot.fr/2015/05/genealogie-arcueillaise-la- Photos Mireille Hébrard famille.html http://www.monthyon.fr/index.php/Patrimoine?idpage=34 3 Archives du Val- de- Marne, Fonds Raspail, 69J579/ 69J 274

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Marie s’installe avec lui comme elle le fait étaient loin d’être gaies tant j’ai souffert depuis vingt ans. pendant huit jours d’une douleur muscu- Elle avait promis à sa mère Adélaïde, de ne laire; fort heureusement, elle semble vou- jamais quitter son père. loir me quitter aujourd’hui, enfin Elle tint parole. j’espère que le beau temps ai- Son père lui rendit hommage dans dant je pourrais bientôt m’acheminer vers Cachan,(sic) son testament rédigé dès 1867: "Ma car, à notre grand contentement fille Marie-Apolline Raspail est le temps avance pour nous, attachée à son père avec un dé- mais, il y a des réparations de vouement si désintéressé et si su- première nécessité au point de blime, depuis son enfance, qu'on vue de l’hygiène et de la salubri- aurait de la peine à trouver un té à faire dans notre demeure de exemple pareil dans notre histoire. Pendant sorte que si ces petits travaux devaient ses études, elle a souffert plutôt que d'abju- t’occasionner un surcroît d’occupation rer les convictions de son père. Après la mort (….) pourrait s’en occuper avant qu’il ne de sa mère, elle m'a suivi partout où le vent le soit pour lui. de la persécution m'a jeté, en prison, en exil, Comme j’aimerais que notre excellent dans ma solitude, et elle a été en ces posi- Père trouvât les parterres encore frais à tions diverses ma plus douce et ma plus pure notre retour, tu serais bien aimable de recommander à M. Chevalier d’aller le consolation, toujours occupée des intérêts de plus tôt possible retenir ce qu’il lui faudra ses frères, et jamais de ses propres intérêts. de paille pour garnir les dits parterres; Elle pouvait briller par tous ses talents, elle car, une fois le mois de mai, on ne peut 1 a sacrifié tous ses intérêts à la piété filiale." que difficilement s’en procurer. Rosalie m’a dit qu’à la carrière où tra- Dans ses missives à son frère Benjamin, elle vaille son mari on le vend plus frais pris gère les problèmes du quotidien, les soins à au trou (….) ; puis qu’il fume surtout avec son « excellent père », les vêtements et linges du fumier de cheval avant de planter les à faire venir de la maison de Cachan. Mais fleurs d’été; qu’il fasse en sorte de ne pas aussi, les fruits à lui apporter, les travaux à nous mettre cette année rien qu’en géra- faire faire dans la maison cachanaise qui a nium rouge; qu’il varie comme ancienne- été saccagée lors du siège de 1870. ment; le fer à cheval en géraniums roses était si beau. Dès avril 1875, alors que son père allait être Un parterre brûlant pourrait être en can- libéré trois mois plus tard, en juillet, elle nisses au besoin pour mettre les deux en- donnait des consignes à Benjamin pour que coignures en géraniums rouges, n’ayant 2 les parterres du parc de la maison de Ca- peut-être pas de coloris et qu’il réserve le chan correspondent à ce que François- devant des rosiers pour des balsamines et Vincent aimait : primes-marguerites, ou quant aux par- Bellevue, le 16 avril 1875 terres des billards, il le réussit toujours Cher frère assez bien; pour les parterres de roses de Je ne crois pas qu’il y ait indifférence ou noël, au lieu de disperser quelques négligence de ma part si j’ai tant tardé à maigres géraniums, qu’il divise les gros venir t’exprimer combien nous avons été pieds pour compléter et faire de beaux enchantés de ton nouveau succès. Cette massifs en automne; au besoin, pour ga- magnifique réussite est venue bien à pro- rantir cette plante qui aime peu les rayons pos jeter un peu de contentement au mi- ardents du soleil, qu’il y plante des pétu- lieu de notre petite retraite ; elle se res- nias qui donnent de l’ombrage et sentait en nombre forcément restreint de mange(sic) peu de terre. nos bonnes visites et de nos idées qui Excuse-moi cher frère si je me suis laissée entraîner à te distraire si longuement de 1 http://catalogue.gazette-drouot.com/ref/lot-ventes-aux- ton temps administratif mais si tu savais encheres.jsp?id=3424945 2 Aujourd’hui le parc Raspail de Cachan combien notre bon père désire son beau

10 LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018 jardin qu’il faut qu’il le retrouve réelle- de la morte à laquelle tout un peuple rend ment tel. les derniers hommages, fille en tout digne de En attendant ta bonne visite Père et moi, son père. nous t’envoyons nos cordiales félicitations Dans les premières années de l'empire, nous et t’embrassons avec affection. avons assisté à l'enterrement de Mme Ras- Ta dévouée sœur. pail qui venait de mourir, tandis que son Marie Raspail mari était en exil. » Le retour à Cachan eut lieu le 8 juillet 1875. 2 Marie est malade, c’est à Bellevue qu’elle a contracté l’affection pulmonaire qui allait lui être fatale. On l’a envoyée à Monaco pour y être soignée ; Elle y sera emportée par une phtisie à l’âge de quarante ans, en décembre 1876. « Les obsèques de Mlle Marie-Apolline Ras- pail ont donné lieu, hier, à la plus imposante des manifestations. On eût dit que tout Paris voulait témoigner au vieux lutteur de la démocratie, ami cruel- lement éprouvé, sa douloureuse sympathie. Le caveau Raspail au cimetière du Père Lachaise Dès une heure, l'avenue d'Orléans et le rond- Malgré la rigueur du temps, la manifesta- point de la place Denfert étaient occupés par tion fut grande et belle; celle d'aujourd'hui des milliers de personnes portant à la bou- montre encore plus clairement que le peuple tonnière le symbolique bouquet d'immor- n'oublie jamais ceux qui l'ont toujours fidè- telles. lement servi. » À Arcueil, une scène touchante a eu lieu. François-Vincent décédera en Janvier 1878. Tout le pays assistait à la lugubre cérémo- Dix ans plus tard, lors des obsèques de son nie, et quand le père et les frères de la morte fils Émile, maire d’Arcueil-Cachan, Martin sont venus baiser le linceul, les sanglots ont Nadaud évoquait encore la mémoire de Ma- éclaté dans toute l'assistance. rie Apolline : Le char funèbre, orné de panaches blancs, « Il y a une dizaine d’années, nous accompa- était entièrement couvert de couronnes et de gnions ici dans le même caveau les restes fleurs. M. Camille Raspail, entouré des mortels de Marie Raspail. membres de sa famille, conduisait le deuil. Notre célèbre père qui me connaissait de À quelques pas plus loin, venait la voiture où vieille date, me demanda de prononcer se tenaient Raspail père et Benjamin Ras- quelques paroles d’adieu sur la tombe de sa pail. Cependant, au rond-point, la foule con- fille aimée et chérie…En 1874, à l’âge de 81 sidérablement accrue n'a pu retenir l'explo- ans on permit seulement à sa fille de parta- sion de ses sentiments et elle s'est écriée à ger sa prison afin de continuer à lui donner plusieurs reprises « Vive Raspail vive la Ré- 3 publique. » des soins. » Aux alentours du cimetière, la circulation Marie s’est dévouée à la cause de son père et devenait impossible, et, dans le Père- de ses frères, en cela son « destin » fut iden- Lachaise, l'allée principale et les avenues du côté droit étaient pleines de spectateurs qui l'instruction. Martin apprit les rudiments du savoir en fréquentant se massaient jusque sur les hauteurs. plusieurs maîtres des environs de son village. Un silence respectueux s'est établi, quand M. En 1830, à l'âge de 14 ans, Martin part à Paris avec son père, comme maçon de la Creuse. Il découvre alors les conditions de travail de ses Forest a prononcé sur cette tombe l'adieu semblables. Il échappe lui-même à plusieurs accidents. solennel. À 19 ans, il est chef d'atelier. Il intègre la Société des Droits de Martin Nadaud, 1 dans une émouvante im- l'Homme. Soucieux de parfaire son instruction, il fréquente les cours du soir. Il fréquente les réunions socialistes, découvre avec intérêt les provisation, a rappelé à son tour « les vertus doctrines de Cabet et adopte les idées communistes. Il est élu le 13 mai 1849 député de la Creuse. 1 Martin Nadaud était le fils de deux modestes cultivateurs illettrés. 2Photos© Marcel Frémont Bien que pauvre, Léonard Nadaud voulut que son fils acquiert de 3 Archives du Val- de Marne, Fonds Raspail, 69J579/ 69J 274

11 LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018 tique à celui de la plupart des femmes de son époque. Il semble que le « grand républicain » comme ses fils, très en avance sur de nombreuses questions de société (la place du prolétariat, le suffrage universel, l’instruction laïque, la liberté de la presse, l’anticléricalisme etc…) soit passé à côté de la question de la place des femmes dans leur société. Ils étaient des « hommes de leur temps » face aux revendications posées par les fémi- Le dominicain Henri Didon (°Le Touvet, nistes de cette époque, notamment à propos 17/03/1840 - † Toulouse, 13/03/1900) était un du droit de vote et de l’éligibilité. brillant prédicateur qui avait beaucoup de La révolution de 1848 relança la question du succès. Il avait été surnommé « Coquelin droit des femmes à la citoyenneté. Elles re- d’église » et les comédiens des « Didon de vendiquaient l’obtention de droits politiques théâtre ». Il dirigeait depuis mars 1890 le égaux à ceux des hommes, leurs arguments collège religieux Albert-le-Grand et Laplace, ne trouvèrent guère d’écho chez les républi- un internat préparant aux concours des cains. Grandes Écoles, où trois cent jeunes gens « Certains journaux désignant les femmes, recevaient une éducation mondaine, réac- telle que Jeanne Deroin,1 avec un mauvais tionnaire et cléricale » selon les mots de jeu de mot : les « saucialistes » 2. l’avocat et député Maurice Allard3. Des fils d’artistes fréquentaient l’école : de la mezzo- Marcel BREILLOT soprano Meyrianne Héglon, du ténor Léon Escalais, du comédien Lucien Guitry, de la

Histoire locale sculptrice arcueillaise Thérèse Caillaux aux côtés de fils de militaires : de l’amiral Bes- L’incident de l’école nard, du général Jamont. Didon ouvrit les des dominicains d’Arcueil portes de son collège et s’attacha à organiser égulièrement, à l’occasion des jeux des compétitions sportives R olympiques et encore tout dernièrement avec les élèves de avec la nomination de Paris comme ville des l’enseignement public. Les J.O en 2024, il est rappelé qu’est née à Ar- élèves d’Arcueil couraient cueil la devise olympique « Citius, Altius, avec ceux de Louis le Fortius » (Plus vite, plus haut, plus fort) et Grand. Ils luttaient à la que son auteur n’est pas corde avec ceux d’Henri mais son ami, le dominicain Henri Didon, IV. alors directeur du collège Albert-le-Grand Le père Didon disait : d’Arcueil. En effet à l’occasion de jeux inter- « Voyez-vous, le temps des écoles organisés le 7 mars 1891, le père Di- rêveries mélancoliques est don avait utilisé cette formule pour encoura- passé. Il nous faut des ger ses élèves. La formule plut à Coubertin hommes, des hommes qui en fit la devise olympique. d’énergie, des hommes Elle fut utilisée à Paris, en 1924, lors des 8e d’action. Ces gamins qui jeux olympiques modernes organisés par le sont là sont tous appelés Comité International Olympique présidé par indistinctement à défendre Coubertin. la patrie. Je veux qu’ils mettent à son service des muscles solides, 1 Candidate aux élections législatives de mai 1849 2 Perrot Michelle, « Qui a peur des femmes », revue L’Histoire n°444, février 2018 3 La Lanterne du 22 juillet 1898

12 LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018 depuis longtemps aguerris ; je veux qu’ils Le père Didon disait aux élèves : « Si soient en état de supporter les fatigues, de quelques-uns de vous sont antisémites, qu’ils surmonter les dangers et qu’ils apportent au ne s’illusionnent pas, c’est parce qu’en réali- régiment, dès le premier jour, des âmes de té, ils convoitent l’or des juifs et avec cet or, soldats déjà formées et trempées. Or, on ne toutes les jouissances qu’il peut donner. Eh fait bien que ce qu’on fait avec goût. Voilà bien, si vous voulez de l’or pour jouir, travail- pourquoi j’ai remplacé la gymnastique, lez comme ont travaillé les juifs. Et si vous l’éternelle et odieuse gymnastique que les considérez que ceux-ci sont devenus riches enfants subissaient comme une corvée par par des moyens malhonnêtes, vous, soyez ces jeux devenus britanniques mais si fran- riches et puissants par des moyens honnêtes çais d’origine : la paume, la course, le saut, et ne convoitez pas le bien d’autrui. » la lutte qui remplissent le même but et qui Dans son discours de distribution des prix de ont l’estimable avantage d’être agréables et 1897, Didon faisait une critique virulente de divertissants. ». (On appréciera les discours l’éducation dispensée dans les lycées et col- du père Didon en pensant à l’abominable lèges publics qui, selon lui, avaient réussi à boucherie que fut la guerre de 1914–1918 où former des hommes passifs, mous, sans ini- tant de « jeunes et beaux soldats aux tiatives. L’éducation présente était selon lui muscles aguerris » dont certains anciens de marquée par le déclin de l’éducation mili- son école perdirent la vie... ) . taire et la prédominance de l’éducation litté- Chaque année, à la distribution des prix du raire et libérale. Le résultat de cette éduca- collège Albert-le-Grand, le R.P Didon prenait tion était « à côté d’un militarisme sans em- comme thème de ses discours les sujets le ploi, un fonctionnarisme qui s’est développé plus à la mode. Il faisait ainsi sa publicité et et a tout envahi. celle de l’école devant un public nombreux Le remède ? d’élèves et de parents d’élèves. Ainsi en 1893 Il faut modifier l’orientation de la jeunesse prit-il pour thème « L’avenir de la jeunesse dirigeante ; il faut que les carrières écono- et l’idéal qu’elle doit se proposer », en 1894 miques, toutes pratiques, de colon, « Le choix de la carrière », en 1895 d’agriculteur, d’ingénieur, d’industriel, de « l’Homme d’action », en 1896 « L’Éducation commerçant, de financier, voient enfin se nationale », en 1897 « L’Éducation pré- multiplier le nombre de jeunes gens actifs sente » en 1898, « De l’esprit militaire dans qui les poursuivent » une nation » et en 1899 « Le sentiment dans Et il terminait en disant « Pendant trois l’éducation ». quart de siècle, cette éducation a produit une Le père Didon était-il antisémite ? génération de vaincus. Oui, assez de fonc- Qu’on en juge. tionnaires et de politiques, assez de profes- Dans son discours de fin d’année de 1894, seurs, de lettrés, d’avocats et de médecins, sur le choix d’une carrière, il disait aux de déclassés et de surmenés, de myopes de élèves : « J’entends crier contre le Juif. Il est corps et d’esprit, incapables de l’effort vigou- rudement intelligent le Juif. Ils sont 5 ou 6 reux et de l’action décisive, assez du proléta- millions dans l’univers et nous sommes 36 riat des bacheliers, candidats à la faim. » millions dans notre France. N’est-il pas hu- miliant dans de telles conditions de deman- Dès le 13 juillet 1898, les invitations pour la der la victoire à d’autres moyens qu’aux cérémonie de distribution des prix sous la moyens pacifiques, aux armes loyales ? présidence du général Édouard Jamont, Agir autrement n’est ni intelligent ni brave. étaient lancées et le sujet du discours était De la fortune bien acquise que vos parents annoncé : « De l’esprit militaire dans une ont su vous garder, faites-vous un levier, nation». allez par elle servir la science, la patrie et même la religion ! »

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Après les quelques paroles L’art suprême du gouvernement est de sa- du généralissime Jamont en voir l’heure exacte où la tolérance devient de grande tenue, vice-président la complicité. Malheur à ceux qui masquent du Conseil supérieur de leur faiblesse criminelle derrière une insuffi- guerre, commandant en chef sante légalité, à ceux dont la bonté tourne à des forces armées en temps la débonnaireté. Pas de sentimentalisme... de guerre, le plus haut re- Il comparaît alors les moines aux soldats, présentant des forces ar- tous deux sacrifiés, les uns à Dieu et les mées après le ministre de la autres à leur pays. Il terminait par ces guerre, et dont l’arrivée mots : Messieurs, la France conserve et avait été saluée par la Mar- soigne son armée comme un trésor sacré ; seillaise, le directeur du elle en a le culte et sa colère serait terrible, Collège tenait un discours que les chroni- ses représailles sanglantes contre les sacri- queurs de l’époque ont vu comme un véri- lèges qui oseraient l’attaquer. table appel à la guerre civile. Malgré l’intellectualisme qui fait profession Le R.P Didon préconisait le rôle sauveur de de dédaigner la force, malgré les excès d’une l’armée dans les sociétés en péril : « L’heure liberté folle qui s’impatiente et se révolte de traiter un tel problème ne fut jamais plus contre la force, malgré les prétentions du opportune. Certains esprits ont parlé avec « civilisme » si j’ose employer ce mot barbare, bruit de la démocratie comme du plus puis- qui veut se subordonner le militaire, malgré sant dissolvant de l’organisation des armées, le cosmopolitisme, méconnaissant les lois de et des écrivains sans scrupule, sans égard l’humanité que la providence et la nature pour la sécurité de la patrie, se couvrant des même des choses a voulu grouper en nations grands noms de vérité, de justice et distinctes, malgré tous les sophismes, les d’humanité, n’ont point craint de jeter à la aberrations d’esprit mal équilibrés, malgré face des chefs de l’armée nationale les accu- les sacrifices que toute armée nationale im- sations les plus outrageantes pour des pose, la France veut son armée, elle la veut hommes de probité et d’honneur qui font forte, invincible et met en elle ses plus profession de défendre la patrie dans une chères, ses plus hautes espérances. abnégation poussée jusqu’à la mort. Pour nous messieurs, nous considérons Or, messieurs, en ma qualité d’éducateur comme un grave devoir de notre fonction français, j’estime comme un impérieux de- d’éducateur d’entretenir dans l’âme de la voir de démontrer à cette jeunesse confiée à jeunesse française l’esprit militaire, le culte notre garde que l’esprit militaire est un élé- de l’armée nationale et de sa sainte force – ment nécessaire à la nation, de défendre j’appelle sainte la force que le droit consacre aussi devant elle la cause de la force armée, et qui fait prévaloir le droit. »1. qui est celle même du pays, de maintenir Au même moment, le ministre de la guerre intactes en son âme généreuse et dans sa Cavaignac envisageait de faire arrêter et ferme conscience les idées saines et fortes traduire en justice tous les chefs dreyfu- qui constituent le patrimoine intellectuel de sards. Il n’avait pas encore été contraint de tout bon citoyen et de tout croyant fidèle ... démissionner à la suite de la découverte par Lorsque la persuasion a échoué, lorsque ses services du « faux Henry ». l'amour a été impuissant, il faut s'armer de Émile Zola, après la publication de la force coercitive, brandir le glaive, terrori- « J’accuse » dans l’Aurore du 13 janvier 1898, ser, couper les têtes, sévir et frapper, impo- venait d’être condamné par les assises de ser la justice. L’emploi de la force, en cette conjoncture, n'est pas seulement licite et 1 Sources : Extraits du discours du R.P Didon dans Le Gaulois du 20 juillet, la Lanterne du 22 et du 24 juillet, la Libre Parole du 20 juillet, la légitime, il est obligatoire ; et la force ainsi Cocarde du 22 juillet, la Petite République du 22, du 23 et du 26 juillet, employée n’est pas une puissance brutale ; l’Aurore du 21 juillet, la dépêche de Toulouse du 23 juillet, le Temps elle devient énergie bienfaisante et sainte… du 24 juillet, l’Intransigeant du 25 juillet, la République française du 27 juillet, la Croix du 24 juillet.

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Versailles à la peine maximale, un an de leurs péchés », le radical Henri Brisson, alors prison et trois mille francs d’amende pour président de la Chambre, s’était indigné. diffamation envers l’Armée, le 18 juillet, la Après la distribution des prix à Arcueil, la veille de la distribution des prix au collège seule prise de position fut celle de Cavaignac Albert-le-Grand. Zola était contraint à l’exil qui avait autorisé le général à présider la à Londres. cérémonie d’Albert-le-Grand. Le ministre de Le commandant Picquart ayant découvert la guerre rappelait aux commandants des l’espion en la personne d’Esterhazy, acquitté corps d’armées la circulaire du 22 juillet1881 le 11 janvier 1898 par le Conseil de Guerre, qui définissait les conditions auxquelles sont ayant refusé de se taire, avait été mis à la soumis les chefs militaires pour accepter des réforme le 26 février 1898, et enfin arrêté le présidences de distribution des prix et autres 13 juillet 1898 pour avoir divulgué des se- cérémonies dans les établissements privés crets militaires. Il sera incarcéré à la Santé ne relevant pas de l’Université, ils ne pou- puis à la prison du Cherche-Midi jusqu'au 9 vaient accepter qu’avec l’approbation du mi- juin 1899. nistre ; dans les établissements publics, les Picquart sera réhabilité en même temps que officiers pouvaient accepter mais avec Dreyfus en 1906. l’autorisation du gouverneur militaire ou Toute la presse monarchiste, antisémite et commandant de corps d’armée. du clergé catholique soutenait les positions Par la presse, on apprenait que le ministre du ministre de la guerre et de l’État-Major. de la guerre n’avait pu s’entretenir avec le général Jamont (dont le fils avait été collé- Après le scandale du discours d’Arcueil, le gien à Albert-le-Grand), qui avait quitté Pa- socialiste Eugène Fournière (°Paris, ris peu après la distribution des prix. 31/05/1857 - † Arcueil, 04/01/1914) récem- ment élu député, qui habita 10 avenue La- Eugène Fournière, le 25 octobre 1898, dépo- place à Arcueil à partir de sait en urgence une proposi- 1906 et fut l’ami de Léon tion de loi abrogeant les dis- Louis Veyssière et de Frédé- positions législatives qui en- ric Givort et qui fut conseil- levaient les droits politiques ler municipal dans la muni- aux militaires en exercice. cipalité Trubert de 1912 Fournière interrogeait sur la jusqu’à sa mort en 1914, présence du général Jamont interpellait Henri Brisson, à Arcueil et poursuivait son président du conseil, sur la argumentation : « Quand des présence du général Jamont manifestations d’un esprit au collège Albert-le-Grand différent se sont produites, aux côtés du père Didon le elles ont été réprimées par 19 juillet 1898. des chefs de corps. Ainsi, Fournière écrivait qu’il dans le Vaucluse, des offi- avait espéré un acte de M. ciers ont été frappés pour Brisson et de son gouver- avoir assisté à un repas ma- nement. çonnique strictement privé. » En effet lorsqu’un autre La proposition de loi déposée dominicain, le père Ollivier, par Fournière était rejetée à une écrasante à Notre-Dame, lors des obsèques des vic- majorité. times de l’incendie du Bazar de la Charité, Ce projet de loi déposé par Fournière visant avait déclaré devant les représentants du à rétablir les droits politiques et électoraux gouvernement Méline et les familles que des militaires en exercice, vint de nouveau « Dieu avait volontairement incendié le ba- en discussion à la Chambre le 20 décembre zar de la Charité pour punir les hommes de 1898.

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Pour appuyer sa proposition de modification et dont les députés socialistes Eugène Four- de la loi, Fournière signalait qu’aucun des nière et Paschal Grousset se firent l’écho. ministres de la Guerre, qui s’étaient succédé Dès 1899, Didon tenta d’atténuer ses propos depuis le début de l’Affaire Dreyfus, n’avait en affirmant que s’il était bien partisan de la réprimé les manifestations publiques des force, il n’en était pas moins démocrate et officiers en exercice et qu’encore récemment, républicain. Devant le tollé soulevé dans la de nombreux officiers figuraient sur la liste presse républicaine par ce discours, Didon le de souscription lancée par la Libre Parole1, faisait éditer dans une brochure mais dans pour aider la veuve de Henry à réhabiliter le une version raccourcie où la phrase sur les faussaire. L’urgence demandée par Four- prétentions du « civilisme » avait disparu. nière était encore une fois refusée. Il craignait probablement une désaffection

de son école. Le 5 novembre 1898, le député socialiste

Paschal Grousset écrivait au ministre de La mairie d’Arcueil a donné le nom d’Henri l’Instruction publique pour démissionner de Didon, auteur de la devise olympique, à une la commission extra parlementaire de place de la cité de l’église en 1995. l’éducation physique de la jeunesse dont il Une plaque a été posée dans la rue Berthol- était membre. La commission supérieure de let à l’entrée de la Caisse des dépôts et con- l’éducation physique de la jeunesse était signations pour rappeler que c’était là le col- composée de 40 à 45 membres pris parmi les lège Albert-le-Grand où Didon fut directeur. inspecteurs généraux et d’Académie, des En 2000, la Poste éditait l’effigie de Didon proviseurs de lycée, des représentants de sur un timbre pour les J.O. de Sydney. l’enseignement primaire, des chefs d’établissement de l’enseignement libre, des Suite à cela, trois historiens, Éric Cahm, conseillers municipaux, des personnalités Michel Drouin et Philippe Oriol, membres de comme le R.P Didon et le baron de Couber- la Société d’Histoire de l’Affaire Dreyfus, tin. protestaient contre la « béatification postale Paschal Grousset écrivait qu’il ne pouvait » de ce dominicain « militariste et antirépu- siéger aux côtés d’Henri Didon qui avait ap- blicain ». pelé à la guerre civile alors que dans le Si Arcueil honore Zola, Jaurès, Fournière même temps Paul Stapfer, doyen de la Fa- ainsi que Victor Basch, assassiné à 80 ans culté des Lettres de , était suspen- avec sa femme par la Milice, le 10 janvier du de ses fonctions pour six mois pour avoir 1944, qui fut professeur d’allemand et de fait un appel à la justice, à la tolérance et à philosophie et qui avait été à Rennes en l’humanité sur la tombe du recteur Auguste 1899 le créateur de la section rennaise de la Couat. Ligue des droits de l’homme et l’organisateur Sous couvert de glorification de l’esprit de la présence des dreyfusards au procès de olympique, auquel Didon a contribué par Rennes, je déplore qu’une place de notre ville l’invention de sa devise, le discours milita- porte le nom de Henri Didon. riste et antidreyfusard du dominicain lors de la distribution des prix du 19 juillet 1898 a Je regrette surtout que le nom du capitaine été oublié. Dreyfus n’ait pas été donné à une rue, un Plus de cent ans après, l’auteur d’un ouvrage établissement public d’Arcueil sur l’olympisme conteste le procès fait à

Henri Didon. Les journaux de juillet 1898 Faisant une recherche sur l’Affaire Dreyfus prouvent la réalité du discours de ce « Moine et Eugène Fournière qui fut député de 1898 de coup d’État » comme Clémenceau avait à 1902 et porte-parole des députés socialistes appelé Didon dans un article de la Dépêche à la place de Jaurès qui n’avait pas été réélu,

1 Journal antisémite de Drumont

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j’ai découvert le discours du père Didon du XIIIe siècle, une population de grands sei- 19 juillet 1898 à Arcueil, discours que je n’ai gneurs. Ainsi, Marguerite de Provence, pas analysé selon les critères moraux du veuve de Saint-Louis, qui fonde le couvent XXIe siècle mais avec le regard de ses con- des Cordelières (que l’on appelle aujourd’hui temporains. Clarisses), en 1289, et qui se fait construire Annie THAURONT une maison royale à proximité, dans laquelle résidera sa fille Blanche de France, veuve de Histoire locale Ferdinand Infant de Castille, appelée hostel de la Reyne Blanche au XIVe siècle du fait REINE BLANCHE que la reine Marguerite était veuve. Ce ma- DAME BLANCHE noir sera détruit en 1404, par Charles VI ’histoire de la Dame Blanche est une lé- qui, d'après certains, aurait failli y périr brû- L gende bien connue et fait partie inté- lé en 1393; mais ce lieu conservera son nom grante du folklore traditionnel des cam- d’Hôtel de la Reine Blanche. pagnes françaises. Il existe d’ailleurs un cer- tain nombre de variantes, en France et ail- leurs dans le monde. À côté des différents mythes, une ancienne tradition voulait que les reines de France portent le deuil de leur royal époux, dans des vêtements blancs, ce qui leur valait le sur- nom de reines blanches ou de dames Aujourd’hui, l'îlot dit de la Reine blanche1se blanches. Cet usage perdura jusqu’au XVIe siècle, au moins dans leur appellation. Faubourg-Saint-Marcel La construction de la collégiale Saint-Marcel au XIe siècle et l’érection d’une paroisse au bourg Saint-Médard (attestée avant 1163), sur la rive gauche de la Bièvre, va donner un nouveau visage à ce faubourg jusque-là fu- néraire. Le quartier, situé hors des enceintes de Paris va attirer, à partir de la fin du 1 Site Internet « Paris autrement »

17 LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018 situe dans le XIIIe arrondissement de Paris, était cantonnée à ses angles de quatre pavil- derrière la manufacture des Gobelins, dans lons, d'où son nom de maison des quatre pa- le périmètre des rues des Gobelins, Berbier villons. Maison de plaisance aristocratique du Mets, qui correspond à l'ancien lit de la avant la Révolution, elle était déjà présente rivière la Bièvre, et de la rue Gustave Gef- sur le terrier de 1754, et pourrait avoir été froy. Il subsiste un ensemble de bâtiments remaniée au XVIIe siècle. Arrivée sans am- dont l'un datant de 1535, est de style médié- putation jusqu'à la dernière guerre, elle est val, en pierre de taille, à trois étages avec détruite vers 1950 tour ronde à toiture, appelé "Château de la pour édifier l'en- Reine Blanche"1. Ce manoir comporte une semble de H.L.M. cour intérieure avec un puits et des arcades dit Raspail. Au- de belle facture .Un ensemble de bâtiments jourd’hui un espace bas à vocation artisanale, est disséminé au- vert et un passage tour, avec, entre autre, une ancienne tanne- de la Cité, portent rie et une teinturerie datant des XVIIIe et le nom de la Reine XIXe siècles. Blanche perpétuant le souvenir du châ- Gentilly teau disparu. Dans une carte de 1773, dite "Carte des chasses", on peut constater que la commu- Bois de Verrières nauté de Gentilly avait une surface environ La Boursidière (ou Boucillière) est un lieu- quatre fois plus importante que la commune dit situé à la limite des communes de Châte- actuelle. nay-Malabry et du Plessis-Robinson à L’ancienne paroisse de Gentilly fut amputée l’extrémité nord du bois de Verrières et à e des deux tiers de sa surface à la fin du XIX proximité immédiate de l’A86. Du côté du er siècle; le 1 janvier 1860, le Petit Gentilly Plessis-Robinson, dans l’enclave prise sur la (hameau de la Glacière), les quartiers Mai- forêt au-delà de l’autoroute, s’est développée son-Blanche, Bel-Air et la Butte aux Cailles une zone d’activité appelée Centre d’Affaires furent annexés à Paris2; puis en 1867, ce qui de la Bousidière (56000m2 de bureaux), qui restait, fut divisé entre la commune de Gen- abrite notamment des entreprises de haute tilly actuelle et celle du Kremlin-Bicêtre, technologie (informatique, électronique, télé- constituant ainsi deux entités distinctes. communications); c’est le plus ancien centre d’affaires en France. A quelques dizaines de mètres de là, dans la forêt, on peut encore voir quelques vestiges de l’ancien donjon de la Boursidière. Ce site et ses environs ont été occupés depuis très longtemps. On a retrouvé des vestiges néolithiques ainsi qu’un atelier de céramique gallo-romain au lieu-dit voisin des Cents Blanche de Castille (1188-1252), reine con- Arpents. Au XXe siècle, une importante bri- sort puis régente du royaume de France, est queterie avait pris le relais en raison de la réputée avoir possédé un château situé sur qualité de la terre argileuse du plateau4. le territoire de Gentilly actuelle; les histo- riens le situe à l’intersection des rues du pré- sident Allende et de la Division Leclerc3. Cette maison, située entre cour et jardin,

1 Site Internet « le Renard parisien et n°42 des Ateliers du Val de Bièvre 2 Conférence de Mme Virginie Capizzi 3 Site Internet base Mérimée 4 Étude sur Châtenay-Malabry de Philippe Chambault 1978

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Les circonstances de l’édification et de la été trouvés dans la forêt, dont au moins deux destruction du château-fort de la Boursi- datant de la guerre de Cent ans. Le donjon dière sont très mal connues. Le donjon, dont est mentionné sur la carte des Chasses on peut voir aujourd’hui les fondations, comme étant une substructure d’une tour e semble avoir été construit au Xe ou au XI rectangulaire; un talus et des fossés à demi siècle, en se subsistant à une tour en bois comblés l’entourent. La seigneurie survit par le Chapitre de Notre-Dame, propriétaire jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. de Châtenay; ce devait être un élément d’une Aujourd’hui, la présence de l’autoroute A86, ligne de surveillance courant de Buc à Fon- a isolé l’enclave de la Boursidière des villes tainebleau, et pouvait servir de rendez-vous de Plessis et de Châtenay2. Dans les années de chasse ou de prison!1 1950, les fossés du donjon étaient encore Selon une légende, les serfs de Châtenay et visibles; ils ont été quasiment comblés lors leurs familles, furent emprisonnés dans le de l’installation du bassin de retenue voisin. donjon par les chanoines, pour avoir refusé Les vestiges de la construction sont très mo- de payer la taille. La reine Blanche de Cas- destes, malgré une timide mise en valeur tille serait venue sur les lieux et aurait frap- effectuée il y a quelques années. Les ruines sont mentionnées par le Service Régional de pé de son bâton royal la porte du donjon; à ce l’Inventaire Île-de-France. signal, ses hommes d’armes auraient brisé la porte et libéré les serfs survivants, plusieurs Cachan ayant péri en raison des conditions de déten- Mille ans. Par sa longévité, comme par son tion. Outrée par les protestations des cha- étendue, le domaine cachanais des moines de noines, la Reine aurait fait saisir leurs reve- Saint-Germain dépasse la plupart des sei- nus temporels et détruire le donjon. gneuries bordant la Bièvre; il occupe jusqu’à la Révolution le fond de la vallée, dans cette vaste zone inondable que l’on appelle alors la Prairie. Son influence sur les deux villages de Cachan et d’Arcueil est considérable: par les nombreuses terres qu’il y possède, tel le Coteau couvert de vignes qui lui procure d’importants revenus, mais aussi par la puissance des dirigeants de l’abbaye appar- tenant aux plus hautes lignées princières. On ignore la date précise de sa création, mais les premières mentions du domaine remontent au début du IXe siècle; on y men- tionne déjà la présence des vignes ainsi que celle d’une source sur le coteau que Louis le Pieux donne aux moines en 839. Les moines de Saint-Germain deviennent bénédictins et adoptent la règle de Cluny en 1024. Ils ad- En réalité, la forteresse fut détruite en 1358 ministrent leur patrimoine avec rigueur, par les Anglais qui occupaient la place forte voire avec ambition; ce sont des entrepre- d’Amblainvilliers, et l’intervention de neurs infatigables. «On leur donnait souvent, Blanche de Castille s’est déroulée dans Pa- ils achetaient parfois et ne vendaient que ris. Depuis cette époque, une dame blanche très rarement», écrit Léon Louis Veyssière. viendrait rôder autour des ruines, proté- Le domaine possède un manoir, une grande geant un trésor; plusieurs trésors auraient ferme, une chapelle…, situés près des rues

1 Notice n° LA00077094 base de Mérimée 2 Base Mérimée : les châteaux-forts

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Hénouille et Cousté d’aujourd’hui. Seuls les tout à coup, une énorme carpe sauta; l’enfant vers d’Eustache Deschamps permettent de surpris perdit l’équilibre; son compagnon se faire une idée des aménagements du do- n’eut pas le temps de le secourir, et le jeune maine. Plusieurs jardins s’étendant imprudent disparut dans les eaux. Le jeune jusqu’aux rives de la Bièvre, bénéficiaient homme remarqua des milliers d’étincelles d’un système d’irrigation favorisant la cul- brillant sur l’étang; il sentit alors des bras ture; le cours d’eau avait été soigneusement glacés d’une dame blanche au visage blême aménagé pour la pêche avec plusieurs réser- empreint d’une infinie tristesse, qui cher- voirs à poissons. Sur le territoire d’Arcueil chait à l’enlacer; il n’eut que le temps de se proprement dit, un autre ordre religieux, jeter en arrière pour s’enfuir. celui de Saint-Denis, détenait la paroisse et On ne retrouva jamais le corps du disparu. l’autorité spirituelle sur les deux villages. Pendant que le domaine de Saint-Germain Alain BRUNOT connaissait un essor économique remar- Histoire nationale quable, celui de Saint-Denis est si peu ren- table que ses bâtiments délabrés sont cédés à des laïcs au début du VIIe siècle; plus tard, LOUISE MICHEL il deviendra la propriété des Guise. Au début 1830 / 1905 XIXe siècle, les vieux habitants contaient aux oici quelques décennies, la municipalité enfants une ancienne légende du pays. V d’Arcueil a décidé d’attribuer le nom de Louise Michel à une école maternelle située avenue de la Convention. On ne peut que se féliciter de cet hommage à cette dame du XIXe siècle. Louise Michel reste encore dans la mé- moire du peuple, des syndicats, du monde libertaire, une per- En des temps lointains, dit-on, une jeune sonnalité mémorable femme se jeta dans l’étang par lassitude de des révolutionnaires la vie, croyant ainsi mettre fin à ses mal- e heurs. Par la suite, à chaque changement de du XIX siècle. lune, sa silhouette toute blanche, errait au- Qui était cette grande tour du lieu de son suicide, au moment des dame, laquelle a une douze coups de minuit qui tombaient de la station de métro qui1 tourelle du couvent. On la disait malfaisante porte son nom ? C’est la seule station du ré- et habile à entraîner à leur perdition les seau R.A.T.P qui porte le nom d’une femme, hommes qui se seraient aventurés dans le située à Levallois-Perret. voisinage de l’étang à cette heure tardive. La parité sur les transports reste à faire. Par charité pour leur prochain et peut-être Le 29 mai 1830, à Vroncourt en Haute- aussi pour préserver leur réserve de pois- Marne, Louise Michel pousse ses premiers sons, les moines défendirent, sous peine de cris, lesquels ne sont pas encore ceux de la châtiment sévère, de pêcher dans les eaux révolte. Sa mère, Marianne, fille d’une fra- après le coucher de soleil. Bravant trie de six enfants, est recueillie par de pe- l’interdiction, deux jeunes garçons d’Arcueil tits châtelains, les Demahis. Très ouverts décidèrent d’aller manger des carpes de aux philosophes des Lumières, leur biblio- l’Abbaye. Une nuit, ils franchirent le mur de clôture du couvent et allèrent vers l’étang. thèque se compose des ouvrages de Montes- Le plus jeune descendit au bord de l’eau et 1 Ligne n°3 – Pont de Levallois / Gallieni.

20 LES CHRONIQUES DU VAL DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018 quieu, Voltaire, Rousseau, Diderot… Dans Le recteur, assez ouvert, lui demande de cette propriété, Marianne est employée partir pour la capitale. comme femme de chambre. A vingt-deux Elle enseigne d’abord à proximité de la fu- ans, elle tombe enceinte. Le père, Laurent le ture place de la République, puis à Mont- fils des Demahis, très courageux, prend la martre. fuite. Les Demahis, plus dignes, prennent la Le maire, mais également médecin, un cer- décision de s’occuper de cette enfant tain Georges Clémenceau, dé- qui est leur petite-fille. Dans ce siècle couvre cette institutrice atypique. bien hypocrite, où les servantes en- Il apprécie son travail d’éducatrice ceintes dénommées filles-mères étaient et lui apporte son aide. Cet anticlé- chassées par leurs sinistres em- rical viscéral ne peut déplaire à ployeurs…mais pas chez les Demahis. une femme comme Louise Michel. Dans cette famille, Louise Michel ap- Dans ses fonctions de praticien, il prend la musique, le piano et puis sur- soigne les enfants dans le dispen- tout dévore les nombreux livres de la saire, et fait livrer des « mar- bibliothèque. Toute sa vie, même en mites », la soupe pour les enfants captivité, elle a aimé les livres, la poésie, pauvres. Louise Michel le sollicite souvent surtout celle de Victor Hugo. pour les loyers impayés des indigents dans Plus tard, elle lui enverra ses propres les logements abandonnés. Une étrange ami- poèmes. tié commence à naître entre ces deux per- Adolescente, elle regardait la pauvreté avec sonnages au caractère bien trempé, mais au tristesse, mais dans l’action. statut social bien dissemblable. Parfois ses grands-parents désiraient la ma- Elle fait la connaissance de Théophile Ferré rier. Aucun des prétendants ne lui conve- chez George Sand, laquelle souhaite nait. Ces aspirants maris voulaient une l’engager comme préceptrice pour sa fille. femme obéissante…alors très peu pour Louise Michel admire cette écrivaine, mo- Louise Michel. A la mort des Demahis, le derne pour son siècle, mais elle ne souhaite domaine est vendu. pas avoir qu’une seule élève. Un oncle l’encourage à devenir institutrice ; Louise Michel est une femme hors norme il n’a pas eu à la convaincre bien longtemps. pour son époque où tous les pouvoirs sont A Paris, elle rencontre Victor Hugo. Ont-ils détenus par les hommes. Déjà à Paris, les eu des relations intimes ? Pas simple à sa- services de la police dressent un portrait voir. Notre poète national, séducteur et sé- administratif peu élogieux ; « 1m64, cheveux duisant, en 1850, était partagé entre trois bruns, nez gros, bouche moyenne, menton femmes ; d’abord la sienne, puis Juliette rond, visage ovale, teint ordinaire ». Drouet sa maîtresse favorite, enfin une Elle se trouve moche, un laideron, mais en amante très éprise de lui…alors malgré sa regardant les photos, cette vision négative fougue érotique de notoriété publique, il est accentuée par elle-même. Louise Michel était un homme très occupé. Avec Louise ne veut pas séduire par la beauté d’une star, Michel, ce sera surtout une amitié, voire de mais conquérir par d’autres qualités comme l’admiration réciproque. le courage et l’énergie. Elle n’a jamais sou- Après avoir obtenu son diplôme, elle exerce haité se marier, afin de ne pas devenir, selon en Haute-Marne. ses convictions, l’esclave d’un homme. Ses méthodes d’enseignement où elle évoque A Paris elle découvre le socialisme. La vie la République et fait chanter aux enfants la des ouvriers, à cette époque, est terrifiante. Marseillaise, choquent le pouvoir impérial de Il n’existe pas de caisse de chômage, ni de Napoléon III. retraite, ni de protection contre la maladie.

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L’espérance de vie est de trente-huit ans. exorbitants, dans les cuisines des restau- Après son travail d’enseignante, Louise Mi- rants réservés aux riches bourgeois. chel, passionnée de savoir, suit des cours De toutes les batailles menées en banlieue et d’instruction populaire. malgré le courage des défenseurs de Paris, La femme, mineure, ne peut accéder à l’armée prussienne bien mieux équipée et l’enseignement secondaire, encore moins surtout mieux commandée, reste sur ses po- supérieur. Cette misère féminine conduit, sitions. Le 26 janvier 1871 c’est la capitula- très souvent, à la prostitution. Pourtant tion. Le ministre des Affaires étrangères, Louise Michel se refuse à s’engager dans les Jules Favre, se dit prêt à négocier avec Bis- mouvements féministes. marck, comme bien plus tard le gouverne- L’amélioration de l’existence pour les ment Philippe Pétain agira en juin 1940 avec femmes et les hommes c’est le même combat. le IIIème Reich. Elle n’admet pas que la femme du prolétaire Aux élections législatives du 8 février, les soit sous-payée par rapport aux hommes. monarchistes vainqueurs désignent Adolphe C’est une injustice sociale à ses yeux. Thiers Chef de l’exécutif. Le traité de paix est coûteux ; indemnité de cinq milliards de Après les obsèques du journaliste Victor Noir francs, abandon de l’Alsace moins Belfort, un tué par le prince Bonaparte (janvier 1870), tiers de la Lorraine au désespoir des députés Louise Michel s’habille en noir, le deuil de la alsaciens lorrains. A cette époque il n’y eut justice. pas la volonté et le charisme d’un De Gaulle Elle exprime avec force le refus de toute pour dire non et continuer le combat contre guerre, laquelle représente une affaire entre l’envahisseur. riches. Et cette guerre franco-prussienne a Le gouvernement est très inquiet des armes lieu le 19 juillet 1870. Dès le début du con- abandonnées à Paris, notamment les canons flit, Jules Vallès dénonce l’incapacité des payés par des dons patriotiques. Le 18 mars militaires d’opérette face aux Prussiens sans 1871, l’armée est chargée de les reprendre. oublier l’incapacité physique à diriger de Des canons sont parqués sur la colline Napoléon III, due à une maladie rénale. Au Montmartre. lendemain de la défaite de Sedan, le 4 sep- Alertés, des Parisiens du Comité de vigilance tembre, la République est proclamée. du XVIIIe arrondissement, dont Louise Mi- Louise Michel en ressent une grande émo- chel, fraternisent avec des soldats, lesquels tion. Un jour nouveau, une lumière nouvelle la crosse en l’air, refusent d’obéir à leurs éclatent à Paris. Jules Vallès tempère son officiers. enthousiasme en lui déclarant : « nous avons Les deux généraux, Leconte et Thomas, la république, mais quelle république ! La commandant cette troupe, sont fusillés. Affo- république de la concorde, de la paix qu’ils lé, Adolphe Thiers transfère le pouvoir exé- disent mais dès que j’évoque la république cutif au château de Versailles. Paris aban- sociale, on me fait taire. » donné par le gouvernement, le Comité de Pendant le siège de Paris, Louise vigilance proclame la Commune. Michel s’enrôle dans la garde na- Cet état de fait allait durer tionale. Elle se scandalise de voir soixante-douze jours. des hommes abandonner leur poste Karl Marx écrira plus tard : « c’était et fréquenter les cabarets et boire la première révolution dans la- au-delà du raisonnable. Le marché quelle la classe ouvrière était ou- noir se pratique dans les quartiers vertement reconnue comme la seule luxueux. Les animaux du Jardin qui fut encore capable d’initiatives des plantes ont fini à des prix sociales ».

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Par cette révolution du peuple par le peuple, 130 000 prisonniers libérés sur ordre de les petites gens ressentaient de la reconnais- Bismarck. sance. Chaque arrondissement avait son La dernière semaine du mois de mai, l’armée comité de vigilance ; Louise Michel apparte- envahit Paris ; on la dénommera la semaine nait à celui du XVIIIe. Dans ces comités, de sanglante. Les ultimes combats se déroulent nombreuses initiatives individuelles ont été à Belleville et au cimetière du Père- prises, mais hélas, sans coordination. Lachaise ; les pierres tombales servent de remparts. La Commune ne nationalise pas les établis- sements bancaires et choisit d’emprunter à La Seine devient un fleuve ensanglanté. Le la banque Rothschild. Des réformes sociales palais des Tuileries, l’Hôtel de ville, le minis- sont adoptées ; tère des finances sont la proie des flammes. -.liberté de la presse Ces incendies sont le fait des obus et aussi -.abandon des conseils de guerre d’agents bonapartistes et non des femmes -.organisation du crédit appelées plus tard avec mépris « les pétro- -.assurer au travailleur la valeur intégrale leuses ». de son labeur, c’est-à-dire la disparition du Lors de ces combats, les femmes ne restent profit capitaliste avec application de l’égalité pas contemplatives. Louise Michel se trouve des salaires femmes/hommes sur les barricades avec le fusil, sans jamais -.instruction gratuite pour garçons et filles ; être blessée. Louise Michel propose une méthode d’enseignement où elle accorde une grande Au mois de juin, apprenant que sa mère a importance à la formation morale des en- été arrêtée, elle se rend aux autorités ver- fants. saillaises. -.liberté d’association Sans informer quiconque, Louise Michel se À son procès, le rapporteur demandant la dissimule en femme bourgeoise et se rend à peine de mort, elle lui répond : « ce que je Versailles avec le désir de tuer Adolphe réclame de vous, qui vous affirmez conseil de Thiers. Bonne comédienne, elle ne se fait pas guerre, qui vous donnez comme mes juges remarquer. Le Chef de l’exécutif est très bien (…) de vous qui êtes des militaires et qui gardé, elle renonce à son projet et s’en re- jugez à la face de tous, c’est le camp de Sato- tourne à Paris. ry, où sont tombés nos frères. Il faut me re- trancher de la société. (…) Puisqu’il semble Ceux qu’on appellera plus tard les Commu- que tout cœur qui bat pour la liberté n’a nards, se composaient de personnalités ; le droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma peintre Gustave Courbet, Gustave Flourens, part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne Eugène Varlin, Benoît Malon, le géographe cesserai de crier vengeance et je dénoncerai Élisée Reclus, Jean-Baptiste Clément (com- à la vengeance de mes frères les assassins de positeur de la chanson « le temps des ce- la commission des grâces. rises »), Eugène Potier (auteur de « l’Internationale »). Depuis, à Paris, des Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi » 1. rues ou des boulevards portent le nom de ces acteurs de la Commune. À suivre Par le refus de la guerre civile, trop peu Marcel FREMONT d’interventions sont organisées. Les Com- munards disposaient de 40 000 combattants face à 63 000 soldats « Versaillais », plus de 1 Alain Decaux raconte-4, page 123.

23 Chroniques LES CHRONIQUESdu Val de Bièvre DU VA L DE BIÈVRE N°99 ETÉ 2018

3 €uros Bulletin trimestriel d’histoire locale Directeur de la publication & maquette : Marcel Breillot, Correc- trice : Annette Le Bonhomme, Ont participé à ce numéro Annie Thauront, Marie Valletta, Mireille Hébrard, Marcel Breillot, Alain Brunot, Marcel Frémont Impression : Imprimerie Européenne, 48 avenue du 11 Novembre, 17300, Rochefort

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Les Ateliers du Val de Bièvre vous pro- posent des numéros spéciaux autres que ceux prévus par votre adhésion : - Les années 1914-18 à Arcueil-Cachan - Un fusillé pour l’exemple : L. Ernst - Arcueil-Cachan, Le, les monuments aux morts de la Grande Guerre : une histoire singulière & l’histoire de la chanson de Craonne CARREFOUR - Express Mais aussi pour les Editions Litavis : 7jours / 7jours Réflexions et anecdotes sur Erik Satie. Alimentation, Épicerie, Produits d’entretien, Arcueil et Cachan de L .L. Veyssière. 22, Rue Raspail 94110 ARCUEIL Pour tous renseignements, nous contac-  : 01 45 47 50 51 ter : lesateliersduvalde- bievre@laposte net 24