Liza Lim Olga Neuwirth Serge Prokofiev Orchestre Symphonique Du Swr Baden-Baden & Freiburg Kazushi Ono William Barton, Gunhild Ott, Håkan Hardenberger
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LIZA LIM OLGA NEUWIRTH SERGE PROKOFIEV ORCHESTRE SYMPHONIQUE DU SWR BADEN-BADEN & FREIBURG KAZUSHI ONO WILLIAM BARTON, GUNHILD OTT, HÅKAN HARDENBERGER THÉÂTRE DU CHÂTELET O NOVEMBRE NMMP © David Young Liza Lim Souffles Olga Neuwirth Texte de Laurent Feneyrou Serge Prokofiev Ces œuvres nous racontent toutes trois une histoire, autour du souffle, de la trompe,desonembouchure,deslèvresquil’animentetdesimages,poétiques ou triomphantes, qu’elle évoque. Un égal souci de narration les traverse, em- Liza Lim pruntant à la tradition épique du symphonisme russe, ou au kalyuyuru du The Compass, désert australien – ce mot par lequel les aborigènes désignent le miroitement pour didgeridoo, flûte et orchestre de l’eau qui tombe sur des lits asséchés et la fluidité des chants entendus en rêve –, ou encore à un quotidien équivoque, hybride, menaçant, rendu à son Olga Neuwirth absurdité, tout en césures, proliférations et décalages impromptus. ...miramondo multiplo..., Endebrèvesscènesmusicales,suscitantbiendesimagesàl’écoute,...miramon- pour trompette et orchestre do multiplo... saisit toute l’hétérogénéité des résonances de la trompette, un instrument qu’Olga Neuwirth étudia dès sept ans. De la grandiloquence par- entracte foisvantardedesontimbreàl’orphéonauxéchosfelliniens,entrefiguresbaro- ques et autres lignes suaves, sorties de musiques de film, le vampirisme des ci- Serge Prokofiev tationsetleurmontagen’yexcluentnilatorsion,nilasalissureduson,nil’ironie, Sixième Symphonie, en mi bémol, ni même, en deçà, la douceur révolue des années d’enfance, ou ses catastro- opus 111 phes. Nulle linéarité, nulle continuité, car comme le note Stephan Drees, « les sons titubent d’un épisode à l’autre, s’agglutinent en divers états d’agrégation William Barton, didgeridoo pour en réchapper aussitôt ; de nombreux événements infimes s’additionnent Gunhild Ott, flûte pour former des complexes sonores en mouvement et des tissus aux cha- Håkan Hardenberger, trompette toiementsnerveuxdontladensitéfluctueenpermanence».Unenchevêtrement en résulte, qui modifie les conventions, en déçoit les traditionnelles attentes Orchestre symphonique du SWR comme les résolutions convenues, et nous invite à écouter autrement. Baden-Baden & Freiburg The Compass de Liza Lim entonne le dialogue entre un orchestre et deux Kazushi Ono, direction solistes, une flûte et un didgeridoo, introduisant, par ce dernier, un singulier écart vis-à-vis de l’univers symphonique, et perpétuant un goût pour les in- En collaboration avec le strumentsd’Orientetd’Australieouleurreconstructiondanslestimbresd’Oc- Südwestrundfunk cident, dont témoignent nombre d’œuvres de Liza Lim. « Le multi-cultura- Coréalisation Théâtre du Châtelet ; lismeestunidéalquinemènepasloin,saufsil’onreconnaîttouslesterritoires Festival d’Automne à Paris qui coexistent dans une culture, et par extension, en soi-même. De plus en plus, je considère le multi-culturalisme comme une manière d’être dans le monde en tant qu’artiste – une manière de travailler qui ne porte pas seule- ment sur le franchissement des frontières entre les cultures, mais aussi sur les différences au sein même d’une culture. » Cette frontière n’est plus une Avec le concours de la Sacem limite, un obstacle, mais un seuil, et interroge : d’où s’exprimera la musique ? Auxrituelsdeschamansguérisseursrépondentlestraitsphysiquesetlessym- boles d’une raucité qu’il s’agit de situer en regard l’effectif occidental ou de maintenir dans l’entre-deux. Là s’illustrent les thèmes du feu, de la terre, du Manifestation présentée souffle et du chant, chers à Liza Lim, musicienne du timbre et de la texture, dans le cadre de la Saison culturelle du nouement ou du tissage, mais aussi, dans cette œuvre, de la dissimulation européenne en France et de la révélation, et des forces de la nature. er (1 juillet – 31 décembre 2008) Enfin, aux lendemains d’un conflit mondial dont les événements marquèrent l’Union soviétique, et juste avant que Jdanov n’impose aux compositeurs, comme il l’avait déjà fait aux écrivains, l’idéologie délétère du réalisme socia- France Musique et Mezzo sont partenaires liste, Prokofiev compose uneSixième Symphonied’un austère et âpre lyrisme. du Festival d’Automne à Paris « A présent, nous nous réjouissons de notre grande victoire, mais chacun de nous porte des blessures incurables. L’un pleure ceux qui lui étaient chers, un autre a perdu sa santé. Nous ne devons pas oublier cela. » Le style héroïque, quiprésidaitauxdéveloppementsdelaCinquièmeSymphonie,écriteentemps de guerre et soucieuse de lever les forces de la résistance à l’hitlérisme, a lais- Diffusion de ce concert sur sé place à de larges mélodies, comme à une fanfare en creux, et à un climat France Musique le 20 novembre à 14h30 d’abord sombre, empreint d’humanisme. 2 Liza Lim mering) dans la culture aborigène– visuel est très souvent une perspec- The Compass cette aura vacillante qui révèle la tive d’ensemble, où l’on perçoit tout pour didgeridoo, flûte et orchestre présenced’énergiescachées.Demême, en même temps – combinant vue aé- Composition : 2005 pour aborder The Compass, j’ai tra- rienne et vue du sol, considérant la Commande de l’Orchestre symphonique vaillésurlesdécalagesdedifférentes Terre d’au-dessus. C’est une vue à 360 de Sydney et de l’Orchestre de la Radio surfaces et idées, ainsi que sur les degrés, englobante. Je souhaitais bavaroise. Création à Sydney en 2006 notionsdedissimulationetderévéla- recréerl’effetdecomplèteimmersion Editeur : Ricordi Londres tion. et de traque dans le temps, ayant les Durée : 22’ solistescommedespointsderepères The Compass est composé pour deux plus narratifs – le chant, ou la chan- Entretien avec Liza Lim instruments solistes : une flûte et un son,estàcetégardimportant–,adres- Propos recueillis par David Sanson didgeridoo. Quel rôle jouent les fol- sant des “distances” différentes, kloresetlesmusiquestraditionnelles métaphoriques et réelles en même Le thème du voyage semble occuper dans votre musique ? temps. uneplacetrèsimportantedansvotre Ledidgeridooestuninstrumentréelle- Le didgeridoo est un instrument qui œuvre–vousvenezd’acheverunopéra ment problématique si vous êtes un peutrésonneràdegrandesdistances intituléTheNavigator:votremusique Australiennonindigène–d’unpointde – sa vibration basse, ses lentes ondes est-elle un voyage ? vuepolitique.C’estuneicôneculturelle- sonorespeuventêtreentenduesàdes Liza Lim : Le type de voyage qui m’a ment contestée. Mon contact kilomètresàlaronde.J’aimecetteidée toujoursintéressée,c’estceluiquifran- aveccetinstruments’estfaitàtravers quelesnotesgraves puissentexcéder chit un seuil – un déplacement per- un interprète particulier – William l’espace de la salle de concert – les ceptif, plutôt que géographique ou Barton – ; c’est un instrument comme sons d’insectes comme le didgeridoo temporel.Jesuisabsolumentconvain- les autres, comme tous ceux avec lui-mêmesontdesgestesquisesituent cue que toutes les expériences nous lesquels j’ai travaillé, qu’il s’agisse du au-delà du cadre de la composition sontpotentiellementaccessibles,mais violon,dukotooudukwengkari(gong et de l’espace d’écoute immédiate. qu’une sorte de voile nous empêche coréen). Ma connaissance de l’instru- d’accéder à une vision plus large du ment, je la dois au musicien – ce qui Quelle importance revêt la mytholo- monde. On retrouve dans nombre de implique un ensemble d’éléments gie aborigène dans votre travail ? traditionsdel’extase–l’éveilsoudain, physiques,culturels,historiques,esthé- Ce qui m’intéresse, c’est le “langage le sens de la transcendance – cette tiques, émotionnels et gestuels, type”quisous-tendl’histoiredetoutes idéed’un“extraordinaire”quisetrouve contenusdanslarelationavecl’instru- les cultures, plutôt que nécessaire- juste sous la surface de ce qui est dit ment.Ici,ilnes’agitpasvraimentd’un ment les “affects” superficiels d’un “ordinaire”.Jesuiségalementfascinée duelentreledidgeridooetl’orchestre; objetculturel.APatternLanguage,l’ou- par les manières d’atteindre cet état je considère l’orchestre en lui-même vragedephilosophiedel’architecture d’écoute,deprésencesupérieure–des commeuninstrumentcomplexe,dans dirigéparChristopherAlexanderajoué modes le plus souvent non logiques, lequel de nombreuses lignes d’im- un rôle-clé dans le développement non causales, telles que le koan zen, pulsion historiques et esthétiques se de cette pensée. la divination, la transe, la possession, croisent, et avec elles autant de choix les états de rêve, tous ces rituels qui, quant à la manière de les déployer. Je Quelleestlapartdemagiedansvotre en empêchant l’hémisphère gauche veux dire par là que l’orchestre pos- composition ? de fonctionner, favorisent d’autres sède son propre folklore ! Je crois beaucoup en la “magie ordi- façons de connaître et de penser. naire” – lorsque pendant un mo- L’opéra The Navigator montre com- Cette pièce possède une dimension ment, un sentiment de présence, de mentdesmomentsderisque,dedésir à la fois élémentaire (lorsqu’à la fin, conscience de l’instant, illumine tout ou de perte catastrophique peuvent les musiciens reproduisent des autour de vous. J’aimerais croire que nous propulser dans des états limites bruissementsd’insectes)etcosmique la composition est un moyen de où un autre horizon s’ouvre à nous. (le chant qui ouvre la pièce). Et, de concentration. La culture aborigène est imprégnée manièregénérale,votremusiquepeut- de ces chemins de la connaissance. elle être considérée comme un jeu Tous les derniers projets que j’ai réa- avec la perception ? lisés pour le Festival d’Automne – En écrivant la pièce, l’une des idées