LA DÉLIVRANCE DE OUVRAGES DE M. JACQUES BARDOUX Journal d'un témoin de la III. — Paris — Bordeaux — Vichy. (1 septembre 1939-15 juillet 1940) (Arthème Fayard). Les Origines de la guerre de Trente ans (1914-44). I. — La montée Prussienne : l'aide Anglo-Française (1863- 1875) (Hachette). II. — Quand Bismarck dominait l'Europe (1875-82) (Ha- chette). III. — La Défaite de Bismark. L'Empire colonial et l'alliance russe (1882-93) (Hachette). CROQUIS ET PORTRAITS John Ruskin. 3 édition, (Calmann Lévy). La Reine Victoria, d'après sa correspondance inédite, publiée en français, 3 vol. (Hachette). Silhouettes d'Outre-Manche (Hachette). Silhouettes royales d'Outre-Manche. 2 édition (Hachette). Croquis d'Outre-Manche (Hachette). J. Ramsay Macdonald. 3 édition (Plon Nourrit). Essai d'une psychologie de l'Angleterre contemporaine. I. — Les crises belliqueuses (Félix Alcan). II. — Les crises politiques : protectionnisme et travaillisme (Félix Alcan). III. — L'Angleterre Radicale (Félix Alcan). IV. — L'ouvrier Anglais d'aujourd'hui (Hachette). V. — Lloyd George et la France (Félix Alcan). VI. — L'expérience de 1924 : J. Ramsay Macdonald et Edouard Herriot (F. Didot). VII. — L'Ile et l'Europe : la politique Anglaise (1930-1932). (Delagrave). ETUDES POLITIQUES Hors du Marais : La route de France. 5 édition (Plon Nourrit et Cie). Le Drame Français : refaire l'Etat ou subir la Force (Edition des Portiques. Librairie Grund). La France de Demain : son gouvernement, ses assemblées, sa jus- tice (Sirey). Les Soviets contre la France : 100 mille (Flammarion). J'accuse 35 mille (Flammarion). Le Chaos espagnol : échapperons-nous à la contagion : 25 mille (Flammarion). Ni communisme, ni hitlérisme : La France de demain. 2 édition (Sirey). Les preuves du complot communiste : 25 mille (Flammarion). L'ordre nouveau : face au communisme et au racisme. 2 édition (Hachette). Paix, Ordre, Liberté : Treize années de mandat. G. de Bussac (1938-1951). Sous presse Le second royaume de Bourges : le royaume de Vichy. Journal d'un Légiste. JACQUES BARDOUX MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE LA DÉLIVRANCE DE PARIS SÉANCES SECRÈTES ET NÉGOCIATIONS CLANDESTINES Octobre 1943 - Octobre 1944 JOURNAL D'UN SÉNATEUR

LIBRAIRIE ARTHÈME FAYARD 18 RUE DU SAINT-GOTHARD PARIS XIV Il a été tiré de cet ouvrage : VINGT-CINQ EXEMPLAIRES SUR PAPIER ALFA NUMÉROTÉS DE 1 A 25 CINQ EXEMPLAIRES HORS COMMERCE SUR PAPIER ALFA NUMÉROTÉS HC 1 A HC 5

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ⓒ Librairie A rthème Fayard, 1958. A mon petit-fils Valéry Giscard d'Estaing, ancien élève de l'Ecole Polytech- nique, ancien engagé volontaire à l'Armée de Lattre, qui conti- nue après moi, dans notre Auvergne, l'action politique com- mencée par mon père, il y a cent ans.

PREFACE

Un fait historique d'une importance nationale reste inconnu. Il est temps, que les légendes soient démenties et que la vérité éclate en pleine lumière. La France libérée devait courir deux risques ; le risque des Assemblées Constituantes (1) et le risque des participa- tions communistes (2). Ces risques étaient écrasants. Une assemblée constituante est un non-sens. Un code constitutionnel, court et précis, logique et fécond, ne peut être dressé que par une équipe. Un gouvernement à participation communiste, au lende- main d'une guerre de cinq ans et en face d'une œuvre de reconstruction technique et de rééducation morale, était un péril mortel. Times,(1) leLa 19faillite juin 1957,du Régime dans unimprovisé tableau parsaisissant les Constituantes (janvier 1947-mars est résumée 1957). par Enle moyennecent vingt-cinq de six à mois,sept moistrois ; écroulementlégislatures des; dix-huitpartis fondateurs gouvernements M.R.P. ; (Dedurée 167 députés)à 72 élus) ; stabilitéet gaullistes des socialistes (de 120 à(105, 22) 107; oscillation et 100) et communistede la droite (189,(71, 90101, et 96).150 Surpendance, le plan mot impérial, pudique, perte du duNord-Afrique. Proche-Orient, expulsion d'Indochine et interdé- Ce sera, au regard de l'histoire, l'éternel honneur du dernier Sénat de la III République, d'avoir eu consciece de ce double risque et d'avoir tenté de l'écarter. Au cours de réunions secrètes, dont le compte rendu figure ici pour la première fois, des juristes du Luxembourg — Boivin-Champeaux,ce livre dressèrent lesRené textes Coty, nécessaires Maroger, Pernotet les firentet l'auteur ensuite de adopter par leurs collègues, réunis malgré l'interdiction de Ber- lin et de Vichy. Dûment mandaté, il m'appartint, grâce à deux agents de liaison — M. de la Noë et Mme Bonnet, née Klotz, « Jacque- line », dans la Résistance — une blonde, charmante et coura- geuse Alsacienne — de prendre contact avec le Général de Gaulle et de lui remettre les textes sénatoriaux. Son représen- tant à Paris, l'Inspecteur général Kaeppelin, les approuva chaudement. En témoignage de gratitude, le Sénat — dont les pouvoirs n'étaient pas expirés et qui avait le droit de siéger — fut expulsé du Luxembourg. L'Assemblée d'Alger, incompétente, médiocre et non élue, s'installa dans nos meubles. Saint-Saturnin, 11 octobre 1957. CHAPITRE PREMIER

ÉVASION ET RENTRÉE (28 septembre 1943-14 novembre 1943)

Mardi 28 septembre 1943 Notre voyage a été extrêmement pénible. Le train était comble, dès le départ de Clermont. A partir de Nevers, les wagons étaient pris d'assaut et les gens se hissaient par les fenêtres. Les couloirs étaient bloqués avec tous les inconvé- nients, que l'on devine, pour les voyageurs. L'atmosphère était irrespirable. Personne ne se plaignait. Chacun s'aidait. Une mère de trois enfants n'avait pas l'argent nécessaire pour payer le supplément de 1 Le compartiment voisin se cotisa. A l'arrivée, alerte. Il fallut ensuite, pour prendre le métro, aller jusqu'au quai de la Rapée. Deux témoins m'ont donné des détails sur les bombarde- ments de Nantes, transformée par les Allemands, à la place de St-Nazaire, en base navale. Les navires montent et redescen- dent avec la marée. Plusieurs étaient amarrés. Un croiseur ; un pétrolier ; un ou deux contre-torpilleurs ont été coulés. Comme toujours, les forteresses volantes restèrent groupées et lâchèrent en même temps leurs bombes, du haut de 6 à 7.000 mètres. Elles ont causé beaucoup moins de dégâts aux bateaux et beaucoup plus de pertes aux civils, que les avions anglais, qui piquent droit au but. De plus, les navires alle- mands, pour se mettre à l'abri, ont émis un nuage artificiel. Les avions ont tapé dans le nuage. Or le vent le déplaçait et le poussait vers la ville... Les pillages ont été nombreux et quelques-uns dignes du Grand-Guignol : doigts et mains coupés, pour emporter les bagues, etc. Un des conseillers de Hitler réside à Paris. Il a fait recon- naître par Berlin la neutralité de Monaco et prescrit d'éta- blir pour lui des pièces françaises d'identité. Une entreprise de déménagement a transporté à Monaco ses bagages personnels. Il y a 10 jours, un cheminot avait signalé, à la police, des tas de sable suspects sur la route de Vichy à Chateldon, que suit Laval, tous les soirs, pour rentrer chez lui. Un cordon détonateur sortait de ces tas. La police se rendit sur les lieux et constata la présence d'une bombe à la dynamite, qui aurait provoqué une formidable déflagration. Laval fit venir le chemi- not, lui remit 10.000 francs et deux paquets de tabac. Paris est froid et humide, triste et silencieux. Mon quartier est encore sous le coup de la récente bataille aérienne — on voyait de la rue Mérimée les avions tomber en flammes — et des dernières arrestations. Le fils aîné de ma voisine, la com- tesse O. de Lubersac, a été arrêté, il y a 48 heures, avec sa femme et ses enfants par la Gestapo. Dans la rue de Pomereu, un ancien officier aviateur, le comte X, un voisin lui aussi, a été arrêté avec sa femme. Mercredi 29 septembre 1943. Ce matin, ma marchande de journaux m'a annoncé l'assas- sinat de Ritter, l'adjoint pour la France du Haut Commissaire à la main-d'œuvre, le Gauleiter Sauckel. Il aurait été tué dans le 16

Notre séance sénatoriale à la Brasserie Philip était peu nombreuse : Des Rotours, Fr. de Wendel, Bachelet, Hamelin, René Coty, Jovelet (Somme). F. de Wendel nous a raconté que les Allemands, après l'évacuation par les Italiens, avaient organisé une cérémonie pour la restitution de Menton à la France et pour le rétablisse- ment du cordon douanier sur l'ancienne frontière. Les auto- rités préfectorales étaient mobilisées. De nombreux télégrammes avec Vichy auraient été échangés. Plusieurs collègues ne m'ont pas caché le malaise, que créaient, autour d'eux, les derniers événements. D'abord, les attentats terroristes contre les récoltes. Hamelin était très ému des incidents de l'Yonne et très irrité contre les ins- tructions données. Impossible de considérer tous ces épisodes comme des sanctions contre des collaborateurs ou des dénon- ciateurs. Jovelet nous a dit que, dans la Somme, des ouvriers se vengent, par l'incendie, des prix que réclament ou des refus qu'opposentvivres. les cultivateurs, à qui ils demandaient des Cette anarchie sert les intérêts de Vichy et des Allemands. Ils sont solidaires. Aussi, je ne serais pas surpris, si les Boches l'avaient encouragée par la distribution de tracts soi-disant communistes, sinon par des actes isolés, comme dans l'Allier. Aussi, mes collègues ont-ils toujours envié la paix, dont a bénéficié le Puy-de-Dôme, grâce à l'unanimité des paysans et aux instructions du capitaine Mercier, pour la période des battages. Les bombardements anglo-américains créent un malaise plus grand encore. Les trois bombardements de Nantes n'ont rien été, comparés au bombardement du faubourg sud de Bou- logne-sur-Mer, le Portel. Les Anglais avaient voulu donner l'illusion d'un débarquement et ouvrir une brèche de 17 kilo- mètres dans la défense allemande. Ils bombardèrent par avions et par canons, de plein fouet, sans préavis, avec une terrible intensité. Affolés, les Allemands firent sauter les maisons, dont la destruction était prévue, sans avertir les habitants. Les pertes ont été très élevées : 1.000 tués sur 7.000 habitants. Impossible de récupérer tous les cadavres et d'identifier tous les morts. Pendant le bombardement, une flotte importante croisait au large. La destruction des travaux mystérieux entrepris dans l'unique colline boisée, qui se dresse entre Saint-Omer et Calais (4.000 ouvriers civils), a causé des pertes dans la popu- lation. Mais elle a été efficace. Il s'agissait là, d'après des Rotours, de la fameuse arme secrète annoncée par Hitler : un canon, qui pourrait tirer à 250 kilomètres sur Londres. L'obus à une certaine distance émet une torpille, qui poursuit son chemin et accroît ainsi la portée de la pièce. Des Rotours, comme tous les témoins, constate que les tirs et, en particulier, ceux des Américains, sont très mal ajus- tés. Il a, dans sa commune, un terrain d'aviation, que les appareils et les « rampants » évacuent, par les airs et par camions, dès que le signal d'alerte est donné. L'efficacité du bombardement, s'il atteint son but, serait déjà nul. Mais par-dessus le marché les projectiles ne tombent pas sur le mètresterrain. ! La dernière fois, il y eut une erreur de 25 kilo- Siegler, que j'ai retrouvé au Conseil des Roches, déclare que les Anglo-Américains visent comme des « cochons ». Il se demande, s'il ne s'agit pas d'une malfaçon des appareils de visée, car lorsque les aviateurs reviennent, les bombes tom- bent aussi loin du but, mais tout près des premiers entonnoirs. Je suis convaincu, je l'ai toujours été, que si les Anglo- Américains, (bases de sous-marins et terrains d'aviation mis à part), avaient respecté les villes françaises et ménagé leur population crucifiée, ils eussent accru la force d'explosion des colères françaises contre l'envahisseur, pour le jour H, sans accroître sensiblement le matériel de guerre allemand. Chacun de ces bombardements inhumains et inintelli- gents des cités françaises prolonge, au lieu de l'abréger, la durée de la guerre. C'est en Allemagne, qu'il faut frapper dur et vite. Jeudi 30 septembre 1943 Mon ami Charles Reibel est venu me voir, ce matin. Le remué.long, affectueux et confiant entretien m'a profondément Reibel venait pour me conseiller une extrême prudence. Un des collaborateurs du Maréchal, qu'il a rencontré, dans un récent voyage, lui a dit, que M. Laval était au courant des conciliabules entre sénateurs et paraissait en être fort ému et contrarié. D'autre part, Reibel a constaté récem- ment, qu'il était surveillé. Il ne l'est plus. Mais il croit, qu'au jour J ou H, il sera prudent, pour moi, de ne point coucher rue Mérimée et d'avoir un second domicile. J'ai rapporté à Reibel les propos de Joseph Denais, sur sa participation au Cabinet de demain, comme ministre de l'intérieur et de Desanges sur la préparation d'un Gouver- nement, qui, au jour J, par un accord avec de Gaulle, assu- rerait la sécurité du Maréchal. Reibel m'a confirmé l'exac- lementtitude dedistincte ces sondages. de celle Il s'agitde Fonck-Brecard.là d'une opération Elle essentiel- a son origine dans l'entourage du Maréchal. Ménétrel n'était point au courant. Il a eu vent de l'affaire et se plaint d'avoir été tenu à l'écart. Reibel a reçu la visite de l'amiral Auphan et de Moysset, qui auraient sollicité son concours de la part de Pétain. On lui a montré une note du Maréchal : elle accréditait les interlocuteurs et insistait sur le prix, que le chef de l'Etat attachait à sa participation. Naturellement mon ami a répondu, par écrit, en décli- nant cette offre. Il paraît que mon nom fut prononcé. J'ai répondu que je n'avais reçu aucun émissaire ; que le doc- teur Ménétrel ne m'avait même pas accusé réception d'un dossier sur l'assassinat à Chambon d'un paysan et que J.-B. Georges-Picot ne m'avait soufflé mot de ces intrigues. J'ai affirmé que l'occasion, qui eût permis au Maréchal de refaire l'unité et de sauver la situation, était passée. « D'ailleurs aurait-il l'énergie nécessaire, pour tenter l'opération ; pour réaliser l'accord avec Alger ; pour convoquer l'Assemblée nationale ; pourhommes déchirer ? Je nela leplupart pense pas.de ses » «textes Il a deset pourabsences liquider », répondit la plupart mon de ami. ses Nous étions ainsi amenés à parler du gouvernement de demain. Reibel est très frappé de l'autorité croissante de de Gaulle. Les relations avec Londres et Washington s'étaient beaucoup tendues. A Washington. Alexis Léger, attaché à la bibliothèque du Sénat et qui déteste l'équipe de P. Reynaud, combattait de Gaulle auprès des Sénateurs américains et même auprès du Président Roosevelt. A Londres, Commert, qui faisait aussi partie de l'équipe Briand, a effectué le même travail. En jouant la carte russe, de Gaulle est parvenu à renforcer sa situation. Et mon ami de noter ses récents succès : pas d'intervention en Corse de l'administration anglo-américaine ; réalisation de l'accord du prêt-bail ; participation de la France au Comité méditerranéen. Plus que jamais, Reibel est convaincu, que de Gaulle sera le chef du gouvernement provisoire. « Mais avec qui ? Le Ministère nous arrivera-t-il tout fait d'Alger ? Un gouvernement d'émigrés ? Ce serait maladroit et injuste. — Je suis d'accord avec vous. J'ai eu des contacts avec le groupement des Résis- tants. Eux-mêmes sont hostiles à un gouvernement d'émigrés. — Mais alors qui ? — Alger devrait se contenter d'être représenté par Queuille, Philip et de Menthon. » J'ai naturellement dit à Reibel, qu'il était tout désigné pour le ministère de l'Intérieur. Il hésite. « Je ne voudrais pas avoir à effectuer certaines arrestations ; à mettre la main au collet de P. Laval, étant données nos relations d'autrefois. — Je vous comprends et vous approuve. Je suis dans le même état d'esprit que vous. Mais la situation sera réglée avant la constitution du Gouverne- ment. Et d'ailleurs la question des sanctions ne relève pas de l'Intérieur, mais de la Justice. — En tout cas il me paraît indispensable, que des anciens figurent dans ce gouvernement à côté des jeunes et je vous ver- rais très bien à l'Education Nationale. J'ai vu, ces jours-ci Pernot, l'ancien ministre. Nous avons longuement parlé de vous. Il a beaucoup admiré votre lettre sur le refus de Serment, que je me suis permis de lui montrer. » (1). (1) Saint-Saturnin, 28 août 1943. Mon Cher Monsieur, Vous m'avez convoqué pour le dimanche 29 août 1943, à l'effet de prêter neur.entre vos mains le nouveau serment imposé aux membres de la Légion d'hon- raisons.J'ai le regret de ne pouvoir répondre à votre convocation et ce, pour deux La circulaire, qui vous a été adressée, précise que les fonctionnaires décorés sont dispensés de prêter le nouveau serment : ils impliquent tous des engage- ments de même ordre. D'autre part, depuis plus de deux ans, je n'ai cessé de désapprouver, sinon de combattre, le Maréchal le sait, la politique intérieure et Nous avons décidé de nous revoir régulièrement et pris rendez-vous pour lundi. Vendredi 1 septembre 1943 Le discours qu'a prononcé hier P. Laval, sur la certi- tude d'une victoire allemande, la collaboration des polices allemande et française pour la chasse aux réfractaires et aux résistants : ces faits prouvent, que Nazis et Collaborateurs, dans l'espoir de sauver leur peau, tiendront jusqu'au bout et jusqu'à l'heure H, resserreront leur emprise sur la France. J'ai dejeuné avec Maroger. Il a parlé de l'Aveyron. Mon- servin a été éliminé du Conseil général, ainsi que Bastide, Niel et Maroger. Seul Coucouroux y figure. François Martin reste préfet, tout en se réassurant par des notes courageuses au ministère de l'Intérieur. Le bureau du Conseil départemental est uniquement composé de radicaux collaborationnistes. Mais la majeure partie des éléments de droite, cédant à l'attraction du Maré- chal, est restée vichyssoise. Aussi l'avenir politique est-il aussi sombre dans l'Aveyron, que dans le Puy-de-Dôme. La Gauche bénéficiera seule du redressement.

Madame Silhol a un ami, qui parle le russe et écoute la radio en russe. Il lui a dit qu'il suffisait de l'entendre, pour être rassuré sur l'éventualité d'un accord germano- russe. Moscou dénonce les destructions et les massacres opérés par les armées nazies et promet des représailles le jour où sera franchie la frontière. Ce jour luira-t-il bientôt ? extérieure de ses ministres. Je ne saurais me dégager aujourd'hui, en prêtant ce serment de fidélité gouvernementale. En outre, la formule que je suis invité à signer, implique « l'obliga- tion de ne faire partie d'aucune association interdite par la Loi. » Or, je fais partie d'une Assemblée, dont les réunions sont prohibées et dont le Bureau a été dissous ». J'entends continuer à représenter le département, qui me fit l'honneur de m'élire en septembre 1938, à la majorité absolue des suffrages. J'entends exercer mon mandat sénatorial et participer à des séances éventuelles. Je ne saurais donc, en conscience, prêter le serment, qui m'est demandé. Il est possible que le Gouvernement, après m'avoir interdit d'écrire et de parler, me retire la croix, que j'ai portée, de 1914 à 1918, sur ma capote de fan- tassin volontaire. Elle m'a été décernée et les grades successifs m'ont été conférés par trois ministres des Affaires étrangères pour « services rendus à la cause des alliances françaises ». Mes parrains ont été mon maître, le philosophe Henri Bergson ; mon chef, le Lorrain Raymond Poincaré ; mon ami, le général . S'il plaît au Gouvernement de me retirer aujourd'hui cette croix de Commandeur, je suis assuré qu'elle me sera bientôt rendue, avec ma plume d'écrivain et avec une charge de Sénateur, par la IV République. Samedi 2 octobre 1943 Séance peu nombreuse, mais très brillante à l'Académie des Sciences Morales et Politiques. Germain Martin, bien que très secoué par la fin tragique de son fils aîné, secrétaire général du Métro, nous a lu un nouveau chapitre de son livre sur les Reconstructions de la France, consacré à l'équipe de Colbert, une équipe de fils, oncles et cousins. Ils avaient tous reçu une culture classique approfondie, avant de se spécialiser. Beaucoup étaient remarquables : le marin de Seignelay, le diplomate de Torcy, le financier Des Marais. Un népotisme et une coterie, qui ont réussi et méritaient de réussir. Une fois n'est pas coutume. R. P.Le Dacambière R. P. Sertillanges, et de son àétonnante qui je mesortie suis sur plaint la déca- du dence irrémédiable et définitive de la France, qui avait indi- gné mes filles et leurs compagnes, nous a lu son rapport sur deux mémoires consacrés aux idées religieuses de Bergson. Tous les deux, le premier surtout, méritaient d'être récom- pensés. Le premier est l'œuvre d'une jeune Polonaise, Mimi Adolphe, qui vivait dans l'intimité de Bergson. Le second est l'œuvre de Mademoiselle Rose Bastide, une protestante, pro- fesseur au lycée de Montpellier. Un double succès féminin sans précédent. J'ai eu deux conversations brèves, mais intéressantes. Charles Roux m'a raconté, qu'il avait été appelé, il y a six jours, par le général Brécard ; il lui avait demandé d'accepter d'être ministre des Affaires étrangères dans un cabinet, dont Lemery serait le premier ministre et où je détiendrais le portefeuille de l'Education nationale. Et de contristétrois ! Charles Brécard. Roux aurait refusé avec une netteté, qui aurait Le baron Seillière considère, que ma Communication « sur l'isolement diplomatique de la France Napoléonienne en 1870 » constituerait un péril pour lui, si grave, qu'il ne saurait s'y exposer. Dimanche 3 octobre 1943 L'ambassadeur de Chambrun m'a confirmé, que des négo- ciations secrètes avaient eu lieu, cet été, d'une part entre Berlin et les Anglo-Américains, d'autre part, entre Berlin et les Russes. La publication des propositions de paix aux dépens des Russes, apportées par Rudolf Hess et l'arrêt, pendant quinze jours, des bombardements sur l'Allemagne sont là pour le prouver. De Chambrun croit, comme moi, que ces pourparlers ont échoué. Il n'exclut pas la possibilité d'une participation de la Turquie. Au dernier moment, son déclen- chement pourrait se produire, soit sous la forme d'un ulti- matum à la Bulgarie, soit sous la forme de l'ouverture des Détroits aux flottes russes. De Chambrun reste convaincu, qu'en Italie, le Roi l'emportera sur Mussolini, d'autant plus aisément, que le Duce lui-même était favorable à une paix séparée, mais aurait voulu la négocier lui-même. Lundi 4 octobre 1943. Second entretien avec Ch. Reibel. Après que je lui eusse rapporté les propos tenus par Charles Roux sur la liste ministérielle Brécard-Lémery-Bardoux, j'ai fait part à mon interlocuteur des changements, que je constatais, autour de moi, dans l'opinion parisienne. D'une part, les lourdes pertes infligées à la population civile par les derniers bombardements anglo-américains ; d'autre part, l'apparente collaboration de de Gaulle avec les communistes et la désignation de Thorez, pour faire partie du Conseil Consultatif, ont provoqué un revirement certain. Sur le premier point, Reibel est de mon avis. Il est d'ail- leurs sûr, que le Comité de la Libération a déjà, plusieurs fois, protesté auprès de Londres et de Washington. Pour ce qui est des communistes, Reibel n'a jamais entendu dire, que de Gaulle ait accueilli Thorez, le déserteur de 1939. Bien au contraire, il voit dans la composition du Conseil Consultatif, dans la part réduite faite aux parlementaires, un effort voulu pour diminuer le rôle des députés communistes, trop nombreux en Algérie par rapport aux autres élus. Evidemment, il serait avantageux d'avoir des contacts, pour éclairer les « émigrés », qui vivent dans une atmosphère artificielle. Mais Reibel est isolé. Et, d'autre part, on l'a averti, hier soir, qu'il était surveillé par la Gestapo. Je lui ai demandé sur qui se porterait le choix de de Gaulle, pour le portefeuille des Affaires étrangères. Reibel n'avait pas de doute, que ce soit Massigli, en raison de l'amitié étroite, qui l'unit à Anthony Eden et aux dirigeants du Foreign Office. Nous étions, l'un et l'autre, très au courant des qualités et des défauts, des services et des erreurs de Massigli : « Souvenez-vous de ce nom : c'est un Monsieur. » Nous sommes tombés d'accord pour reconnaître, que la réorganisation du Quai d'Orsay posait un problème dif- ambassadeursficile de personnel en dehors et qu'il de laserait carrière. nécessaire Mais lesde négociationstrouver des diplomatiques se présenteront dans des conditions favorables pour la France : rivalité anglo-américaine et rivalité anglo- russe ; prépondérance des problèmes orientaux et extrême- orientaux, dans lesquels la France n'est pas gravement inté- ressée. Nous avons été également d'accord pour reconnaître, que l'organisation de l'Europe et les garanties de sécurité devront être cherchées dans la création de groupements géo- graphiques : occidental, Scandinave, polono-tchèque et naturel- lement, confédération de l'Atlantique. « C'est la réorganisation politique, qui sera la plus dif- ficile », ai-je dit à Reibel. Tel était, d'ailleurs, son sentiment. Comme elle eût été plus aisée, si le Maréchal s'était libéré de l'emprise « des collaborateurs », en mars 1942. La dernière occasion se présenta, lors des journées de novembre 1942, quand Reibel crut avoir obtenu de Brécard, qu'il décidât le Maréchal, puisque l'Armistice était déchiré, sinon à gagner l'Afrique, du moins à se considérer comme prisonnier et à imiter le roi des Belges. Mardi 5 octobre 1943 Une belle anecdote vichyssoise. Un visiteur se prend de querelle au musée Carnavalet avec un gardien. Le visiteur écrit pour se plaindre au conservateur, le neveu de Lavedan. Celui-ci répond en se servant de son papier à en-tête « Répu- blique française ». Le visiteur dénonce ce scandale au préfet de la Seine et celui-ci a le front de demander des explications au conservateur. Ignore-t-il que la République a été abolie ? Et celui-ci de répondre, que son stock de papier à en-tête n'étant pas épuisé, il avait cru pouvoir continuer à s'en servir. Et voilà à quoi s'occupent les fonctionnaires de la Monarchie vichyssoise, pro-allemande et illégale, tandis que lestion Allemands de Julius Ritter.fusillent 50 otages, en représailles de l'exécu-

Voici le texte de la lettre, que m'adresse mon camarade de jeunesse, Lyon Caen, procureur à la Cour de cassation, 27 septembre 1943. 27 octobre 1943. Mon cher ami, Votre concierge m'ayant informé, que vous rentriez à la fin du mois, Je dépose cette lettre chez elle. Vous n'avez sans doute pas appris le nouveau malheur, qui nous accable. Il y a un mois, mon fils aîné, l'avocat motifau Conseil, — interné, que vous puis aviez déporté. rencontré Naturellement, chez moi, aaucune été repris nouvelle — sans; lieu aucun de lisation.résidence Quelinconnu destin ; silence tragique de laaprès tombe un : internementprocédés des endéfenseurs 1941-1942, de aprèsla civi- la père,mort cruellesur lequel de sails femmeavaient ! Etconcentré ses trois toute enfants, leur privésadoration maintenant ! Nous sommes,de leur croixma femme successives et moi, à accablésporter. et sentons nos forces faiblir sous le poids de ces sérénité,Mon ayantfils, dansexprimé une leadmirable désir, que lettre ses enfantsd'adieu nepleine rentrent de confiancepas à Paris et deet voilàque nous contraint nous paroccupions le souci d'eux, de l'intérêtforce nous de estnos d'allerpetits-enfants les retrouver. de quitter Et mece jefoyer, m'étais que j'avaispromis réusside ne à passauver abandonner jusqu'ici ! parmi des risques quotidiens et que demanderJe vous de vosrécrirai nouvelles. à l'occasion pour vous donner mon adresse et vous Les meilleurs souvenirs de notre ménage au vôtre. pourquoi.Inutile de parler à qui que ce soit de mon départ, vous comprendrez Mercredi 6 octobre 1943 J'ai reçu hier la visite académique du ministre Dard. Le général Serrigny lui avait dit, il y a cinq jours, que le cabinet P. Laval serait sous peu, remplacé par un cabinet Lémery. « Les Allemands seraient favorables à la constitution d'un cabinet national, qui tenterait de rallier la majorité de l'opinion autour du Maréchal. Ils faciliteraient sa tâche en réduisant leurs demandes de main-d'œuvre. Ils ne mettraient qu'une condition : le Gouvernement s'engagerait à ne pas créer aux occupants de difficultés le jour où ils évacueraient la France » (Sic). Proprement magnifique. Ce qui ne l'est pas, en revanche, c'est avec la reprise des exécutions d'otages, les bagarres entre gendarmes et réfrac- taires et l'exploitation des stupides et affreux bombardements anglo-américains. Jeudi 7 octobre 1943 Hier, je suis allé m'entretenir avec Boivin-Champeaux de l'usage que font de nos noms les fabricants de listes minis- térielles. Il n'avait point été, plus que moi, l'objet de démar- ches précises. Un journaliste l'avait informé, qu'il figurait, lui aussi, sur une liste qu'on colportait. Boivin-Champeaux pense comme moi, que ces rumeurs ne peuvent que nous nuire et nous diminuer aujourd'hui, — l'importance est mince —, vis-à-vis des gouvernants. Demain, les inconvénients seraient graves, quand sonnera l'heure de la reconstruction. Il a été convenu que je formulerais une protestation éner- gique auprès du général Brécard. Après que nous eussions envisagé la reprise de nos travaux législatifs et décidé d'ins- crire à leur ordre du jour le problème des partis politiques, j'ai demandé à mon collègue si, pendant l'été, il avait pu faire des observations intéressantes . « Oui, me répondit-il. Les Allemands avaient, dans l'Ouest, deux sortes de troupes, celles de l'occupation et celles de la réserve. Les parpremières des officiers se composent allemands. d'étrangers Ils n'aspirent : Croates, qu'à Polono-Tchèques,la paix. Ils ne se encadrésbattront dirigerpas ou mal.de l'Ouest, Les réserves vers l'Allemagne, ont disparu. 300 En trainsseptembre de troupes. 1942, la Leur S.N.C.F. nombre dut est tombé de juin à fin septembre 1943 à trente. Les réserves ont fondu en Russie. » termineraBoivin-Champeaux avec l'année. pense, comme moi, que la guerre se Tel n'est pas l'avis de la charmante femme d'Amaury de la Grange, à qui je suis allé demander des nouvelles de son mari. Il fait partie, au titre d'administrateur de la Compa- gnie française des Pétroles, des quarante-huit personnalités françaises expédiées en Allemagne, au bord d'un lac, par la Gestapo. Sa santé l'inquiète : il venait d'être opéré à la suite d'un mal, qui exigeait une surveillance attentive et une nou- velle opération. La comtesse Amaury de la Grange connaît ses compa- triotes. un an.« IlsL'aventure ne sont pasde laencore 1 armée, prêts. qui Ils faillitne rendront subir un leur désastre plein, àque Salerne, dans est là pour le prouver. Or, d'ici un an, n'y aura-t-il pas une reprise des pourparlers germano-russes, qui viennent d'échouer ? Les Allemands auraient demandé à conserver les Pays Baltes et la Pologne. Ils vou- draient garder leurs conquêtes russes et abandonneraient à Staline tousChine lesavec Balkans, le Japon y complétaitcompris les le Détroits,tableau. »les Indes. Un partage de la Je lui ai répondu, que je ne croyais pas à ce revirement. Les alliés peuvent assurer à Staline les Balkans, plus les Pays Baltes, plus la Mandchourie et en même temps lui donner la joie de se venger d'Hitler. Le pessimisme de cette Américaine dynamique m'a beau- coup frappé. En sortant de son intérieur luxueux et désert, je suis allé rejoindre mes collègues à la brasserie Lipp. Nous étions plus nombreux que d'habitude : Bachelet, René Coty, Hame- delin, WendelJovelet, et Honnorat, moi. Rio, Steeg et Gautherot, sans oublier Après que de Wendel nous eut raconté, que Marin lui avait écrit de Vichy pour lui annoncer la mort de Henriot, Gautherot nous a longuement parlé des affreux bombarde- ments de Nantes. Le nombre des morts dépasse 2.000. La ville détruite à moitié a perdu 125.000 habitants. Gautherot confirme les trois bombardements. Le premier fut meurtrier, parce que tout le monde était dans la rue et flânait au beau soleil d'un dimanche. Le second en piqué n'a point été meur- trier, mais fort efficace. Le troisième, à cause du nuage noir et de son déplacement, fut un désastre. Notre collègue Linyer a été très grièvement blessé. De Nantes, nous sommes passés à Lorient. Rio a précisé l'état actuel des installations portuaires. « L'abri des sous-marins, avec son plafond de 7 mètres en béton, est toujours intact. Les autres parties de l'Arsenal et notamment les chan- tiersà la merde montage2 à 3 sous-marins des sous-marins par jour. ne Sile Lorientsont pas. en lanceHier, 2Lorient à 3 par lançait mois, aujourd'hui, c'est un maximum. » Ces propos rassurants n'ont pu néanmoins effacer de nos esprits l'impression pénible et unanime, que nous a laissée l'aisance avec laquelle les Allemands ont pu évacuer la Corse, occuper la côte Dalmate, Corfou et plusieurs îles dans le Dodécanèse. Cette impression, chez moi, était d'autant plus vive, que je venais de quitter mon frère et d'apprendre par lui, que l'express Paris-Marseille, avant Mâcon, avait, mardi soir, culbuté sur les débris d'un train de marchandises alle- mandes et de prisonniers italiens et pris feu sur les wagons en flamme et par Robert Georges-Picaty qu'avant-hier mardi, les Allemands avaient eu, au restaurant Fayot, deux tués et trente-six blessés et pour se venger de cet attentat, ouvert le feu sur la foule innocente et désarmée. Il y eut des morts et des blessés. Jusqu'ici, aucune confirmation dans la Presse. Vendredi 8 octobre 1943 Journée presque émouvante. Decrais m'a dit que la situa- tion financière était tragique. Depuis que la Banque de France a décidé de n'accepter à l'escompte lesremboursements bons du Trésor ont qu'à beaucoup trois mois baissé. de leurLa situationéchéance, du les Trésor souscriptions est grave. et L'encaisse, le 29 septembre, n'était que de 50 milliards. Le conflit est aigu entre le ministère des Finances et la Banque de France. Celle-ci, par l'organe de M. Villars, ne veut pas aider de Boisanger, tre.prend La position part des contre impôts P. Lavalet la etpart déclare des avancesqu'il conduit de la leBanque, pays au dans désas- le budget ordinaire de l'Etat, viennent l'une de baisser, l'autre de croître tragiquement. Frédéric-Dupont, député de Paris, a déjeuné avec l'ambas- sadeur du Japon. Celui-ci s'est répandu en propos défaitistes. « Jamais nous n'avions prévu la défaite de l'Allemagne. Après le premier échec en Russie, nous avions cru à son redressement. Il ne s'est pas produit. Les échecs se sont encore multipliés. Pour nous, la Unis.situation » est tragique. Nous sommes pris entre la Russie et les Etats- Frédéric-Dupont a également appris que, peu de jours avant l'armistice, les Italiens sont venus trouver Guérrard et lui ont demandé, que la France leur versât, pour le mois en cours, une avance de un milliard pour l'entretien des troupes, trois au lieu de deux, qui serait compensé le mois suivant. Ainsi dit, ainsi fait. Quelques jours plus tard, la créance s'évanouissait avec le gouvernement italien. A-t-on touché une commission ? C'est probable. Frédéric-Dupont ajouta que ce n'était pas 50, mais 200 otages qui viennent d'être fusillés à Vincennes. La Gestapo a refusé au Gouvernement français de donner les noms. D'Aramon est allé à l'ambassade d'Italie, peu de jours avant et peu d'heures après l'armistice. Avant l'armistice, l'ambassadeur était déjà parti pour l'Italie et le chargé d'affaires déblatérait contre le Fascisme : Les «Ciano Le Régime et consorts dépasse ont en encaissé corruption des toutmilliards. ce que »vous Le pouvezchargé imaginer.d'affaires disparut. Après l'armistice, il ne restait plus qu'un vieux conseiller, qui nevenir. décolérait » pas. « Ils ne nous ont rien dit. Ils ont filé sans me pré-

Le général Brécard, il y a un mois, remit au Maréchal une note, dont il me donne lecture. Cette note précise, par quelques faits, que le sort de la guerre est désormais décidé et que l'Allemagne est bel et bien vaincue. Ceux, qui ont misé sur la victoire allemande, devraient donc être écartés, pour que le Maréchal puisse, au moment de la paix, jouer le rôle qui lui échoit. Il ne pourra pas le jouer, si Laval continue à l'entraîner dans un abîme d'impopularité. Il est « vomi » par la population. Brécard signale, entre autres faits, l'émotion produite à Paris, par la revue, sur les Champs-Elysées, d'une unité française en uniforme allemand destinée au front de l'Est. Le traître Bridoux lui remit un drapeau. L'unité défila ensuite, musique allemande en tête. Lorsque Brécard eut lu cette note, prudente et modérée au Maréchal, celui-ci lui répondit : « Je suis entièrement d'ac- cord avec vous. » Quelques jours plus tard, Brécard recevait une note de Albert Rivaud. Il me l'a lue. Elle soutenait la même thèse : « Le Maréchal, s'il ne veut point être emporté, doit renvoyer Laval et reprendre le commandement ». Le général Brécard fit copier cette note et, sans consulter Rivaud, l'envoya au Maréchal. « Voilà ce que pense un professeur illustre, qui fut un de vos premiers collabora- teurs. » La réaction du Maréchal fut immédiate. Il manda Brécard à Vichy, le jeudi 30 septembre. Il conféra avec lui, en présence de Jardet et de Ménétrel, qui reprirent, paraît-il, les arguments de Brécard contre . On n'est jamais trahi que par les siens. « Je suis lié par la lettre d'Hitler, qui me donne l'ordre de conserver P. Laval. Je ne puis le renvoyer, que si les Allemands me rendent la liberté de mon choix. — Il faut la leur demander. — Comment et par qui ? — Je veux bien effectuer la démarche en votre nom, à la condition que le secret soit gardé. Je suis sûr de votre discrétion comme de la mienne. Ce Messieurs prennent-ils le même engagement ? » Jardet et Ménétrel, dont la stupeur était patente, mar- quèrent leur assentiment. « Mais, reprit Brécard, comment ferez-vous pour vous débarrasser de P. Laval ? — Rien ne sera plus simple. Une fois que les Allemands m'auront rendu la liberté de choisir mes ministres, je dresserai ma liste et la leur soumettrai. Lorsque j'aurai leur accord, je ferai, le matin, préparer les décrets. Je convoquerai Laval à dix heures et lui lirai les textes. Les décrets paraîtront, sur l'heure, à l'Officiel. » J'ai alors demandé à Brécard, si la démarche avait été faite auprès des Allemands. « Oui, on est parti pour Berlin. — Voir qui ? Hitler ? — Non. Himmler et Gœring. — Ils sont donc d'accord. — Parfaitement. — Vous deavez cette leur semaine.réponse ?» — Pas encore. Mais j'irai la porter à Vichy, dès la fin Je n'ai pu m'empêcher d'indiquer à Brécard, que je ne croyais pas au succès de cette opération. « Je connais bien P. Laval. Il ne laissera pas faire, une seconde fois, l'opération du 13 décembre. Il a sous ses ordres : Police, Gendar- merie et Milice. Il joue sa vie, car sans sa garde officielle et multiple, il serait assassiné. Il est courageux. Il défendra sa peau. — Police et gendarmerie obéiront au Maréchal. — Mais, sur qui le Maréchal peut-il s'appuyer ? Les extrémistes ont un gouvernement prêt pour remplacer Laval et grâce à l'argent allemand, ils ont des journaux et des hommes. La masse gaulliste ne se ralliera pas. — Le Maréchal s'appuiera sur les anciens combattants. — La Légion ? Je la connais. Elle ne représente plus rien. Elle est sans influence aucune. Elle est très divisée. » Je n'ai naturellement pas interrogé le général Brécard, sur les candidats au futur gouvernement. Ma curiosité eût été mal interprétée. J'ai, bien au contraire, fait dévier la conversation et me suis acquitté de la mission Boivin-Cham- peaux. J'ai indiqué au Grand Chancelier les informations, que m'avaient successivement apportées Desanges, Noël, Serrigny, Charles-Roux. « Ni Boivin-Champeaux, ni moi n'avons jamais été l'objet ni d'une démarche, ni d'un sondage. Ménétrel ne m'a même pas accusé réception de ma lettre au Maréchal sur l'assassinat du montagnard du lac Chambon. Par conséquent, nous n'admettons pas qu'on dispose de nos noms. En les colportant, on nous fait du tort. On nous cause même un préjudice grave. Je viens vous demander de faire cesser, si vous le pouvez, toutes les rumeurs, qui nous touchent. » J'ai rappelé au général Brécard, que mon opinion n'avait jamais varié : la politique de l'armistice et la politique de la résistance, loin de s'opposer, auraient dû converger, pour se fondre en une seule au jour H. De plus, je lui ai précisé, que jamais, au cours de notre Histoire, on n'avait vu un gou- vernement français, légal et légitime, collaborer avec une armée étrangère, victorieuse et occupante, à l'oppression économique et industrielle, financière et psychologique, poli- cière et judiciaire du peuple français. J ai cité quelques épisodes a Brécard et lui ai affirmé, que la réaction serait grave et dure. J'ignore si j'ai pu lui faire comprendre, que l'occasion était passée et l'opération chimérique. Un exemple : Brécard reproche à Laval de n'avoir pas agi contre les « terro- ristes », notamment en Corrèze et de n'avoir pas déplacé les préfets insuffisamment énergiques. Alors ? Le cabinet national va « collaborer » avec les Allemands dans leur chasse aux réfractaires ? Je n'ai pas voulu insister. Le général Brécard n'a prononcé que deux noms, ceux de Lémery et de Noël. De Lémery, il m' a dit qu'il préconisait la réunion, auprès du Maréchal, « pour l'éclairer et le guider », d'une sorte de conseil : le Sénat. Pour Noël, il m'a demandé s'il était à Paris. Je lui ai répondu « que nontement et d'accordn'ai pas : manquéla main dansd'indiquer, la main. que Il Noëlserait etun moi admirable étions ministrecomplè- de l'Intérieur dans une France libre. » J'ai quitté Brécard après cet entretien, qui avait duré plus d'une heure. Cette entrevue n'aura pas de suite. Je ne reviendrai pas de longtemps frapper à la porte du Chan- celier. Je ne voudrais pas, que mes visites lui fissent croire que j'aspire à faire partie de ce gouvernement mort-né, patronné par Himmler et Gœring. D'ailleurs, l'opération sera- t-elle poursuivie jusqu'au bout ? Le Maréchal tiendra-t-il le coup ? Son entourage ne le trahira-t-il pas, unel fois de plus ? Von Gabold ne trouve plus de magistrats, pour juger les gaullistes. Pourquoi le Maréchal trouverait-il des ministres, disposés à tenter de barrer la route à la IV République ?

Mon gendre Edmond Giscard d'Estaing me donne l'in- formation suivante. Il en garantit l'authenticité. Le ministre de Turquie à Budapest a rendu compte à son gouvernement, qu'un ministre de Hitler était venu à Lisbonne, pour conférer avec les Anglo-Américains. Il leur a signalé, qu'Himmler prenait une autorité croissante, qui s'exerçait dans un sens extrémiste : les alliés avaient intérêt à conclure immédiatement la paix. Hitler était tout prêt. Il ne posait qu'une condition : liberté d'action à l'est. Les Amé- mustricains crush auraient these été devils. tentés. » Churchill aurait répondu : « We J'ai répondu à mon gendre, que cette information était intéressante et qu'elle réduisait à néant les rumeurs rela- tives à un accord germano-russe, répandues par une partie des agents allemands. J'ai ajouté, que ce renseignement sou- lignait le conflit entre Himmler et Hitler. Si Himmler est, comme on me l'a dit, d'accord avec Gœring, une crise reste possible — et serait prochaine. En tout cas, cette information, si elle est exacte, prouve, que nous approchons des événe- ments décisifs : l'Allemagne va craquer.

Aussi, les gens compromis commencent-ils à déguerpir. De Chateaubriant a acheté une propriété à Baden-Baden. Il retourne dans sa patrie d'origine, devenue sa patrie d'adoption. Samedi 9 octobre 1943 Il est certain que la tension croît de jour en jour. Hier au soir je rentrais de l'Académie des Sciences Coloniales, au coin de la rue Saint-Didier et de l'avenue R.-Poincaré, les passants s'arrêtaient. Des soldats avaient barré la rue et le boulevard avec des chevaux de frise. Ils paraissaient se livrer à des exercices, pour une bataille de rues éventuelle. Que dans cette atmosphère tendue et angoissée, dans cette ville où les fusillades succèdent aux bombardements, au milieu des circonstances actuelles, sous la botte de l'Occupant et sous la menace de l'Etranger, des Français organisent une exposition d'un goût aussi sûr, que le Salon des artistes décorateurs, dont le vernissage avait lieu hier, cet effort est proprement miraculeux. Une foule énorme. Le service d'ordre était débordé. Ce qui m'a frappé, c'est la variété dans la production et le goût dans la création. Je ne crois avoir découvert qu'une seule salle, où il y eut des intérieurs tarabis- cotés. Partout, au contraire, l'équilibre dans la couleur et dans les lignes. Impossible, et pour cause, d'exposer des mobiliers complets, dans des pièces grandeur nature. Des stands étaient remplacés par des maquettes, taille maison de poupée, éclai- rées à l'électricité, établies avec un soin patient. C'était char- mant. Sur le mur, des photographies de travaux effectués ou en cours. Dans les coins, quelques meubles. Çà et là, des étoffes, presque toujours magnifiques. Je ne puis citer tous les stands. Ceux de Barroux et de Jansen étaient particu- lièrement réussis. Quant aux étoffes, il faudrait énumérer tous les exposants. Dans la salle réservée aux jardins, j'ai vu renaître l'art d'autrefois. Je suis sûr que la France ne mourra pas. Mais comment un peuple si magnifiquement doué et une ville si magnifique- ment inventive, ont-ils pu, l'un être battu, l'autre être occupée par des conquérants de toute évidence inférieurs et abêtis ? La mécanisation du matériel, des pensées et des individus suffit-elle à tout expliquer ? Dimanche 10 octobre 1943 De plus en plus, il m'apparaît que le grand secret de Brécard est la fable de Paris. Une circulaire du 114 des Champs-Elysées, datée du 5 octobre, précise que la grande manifestation oratoire de Laval, à l'Hôtel de Ville, était une réassurance contre des intrigues antiministérielles. La lettre de Moysset-Romier est connue depuis longtemps, si j'en crois l'extrait d'un journal en date du 29 septembre. Celle de Brécard-Ménétrel-Jardet semble avoir été mieux masquée. Cependant, hier à l'Institut, Albert Buisson était au courant. Il m'a même appris, que le docteur Ménétrel avait fait la tournée des ambassadeurs, pour recueillir leur avis et trouver un ministre éventuel des Affaires étrangères : Noël, Charles Roux ne lui ont laissé aucune illusion et il est rentré terrifié à Vichy : « Le Maréchal n'a pas cinquante personnes pour lui. » Et Ménétrel peut mesurer la faute, qu'il a commise en s'opposant, le 10 novembre 1942, au départ du Maréchal pour l'Afrique. J'avais été, je l'avoue, impressionné par la récente mani- festation du parti nazi et par la réapparition d'. Aussi ai-je appris, avec plaisir, par mon voisin, que le général prince Ratibor, adjoint au maréchal von Rundstedt, aurait dit, il y a peu de jours à Mme Carvalho de la Bouillerie, que la guerre serait terminée pour le début de janvier. Il existait, à Vichy, un bureau chargé de faire obtenir les autorisations préfectorales à fin d'acquisitions immobi- lières. Il fait tenir aux préfets intéressés « l'enveloppe d'usage » et l'autorisation est donnée. La monarchie vichyssoise éclipse le front populaire. Il paraît, cependant, que le Maréchal commence à comprendre le danger de jouer au Roi. Brinon affirme, qu'il aurait répondu à Piétri, qui refusait de constituer un gouvernement : « Je suis républicain, Monsieur le Maréchal. — Mais, moi aussi. Com- ment pouvez-vous en douter ? Je l'ai toujours été. » L'heure est proche, où il affirmera avoir toujours été d'accord avec de Gaulle, mais ce sera trop tard. Dimanche 10 octobre 1943 Le glas de l'Allemagne sonne de plus en plus fort. Les Russes se rapprochent de la frontière polonaise et voici que les bombardiers américains, partis de Londres pour attaquer les usines de Poméranie, poussent jusqu'à 600 kilomètres des lignes russes. Mon beau-frère Robert Georges-Picot a pour client un industriel du Nord-Est. Il rencontra ces jours-ci son contrô- leur allemand, avec qui il a des relations cordiales : « N'attachez pas à ce que je vais vous dire une importance exagérée. NousMais avonsvoici lesl'habitude faits. Ilde y préparer a quelque des temps,plans, pouron m'a toutes demandé les hypothèses. un plan pour le repli de mes services, échelonné sur 3 semaines. Puis on m'a réclaméun plan unde repliprojet en de six repliement heures. » en huit jours. On vient de me demander Lundi 11 octobre 1943 La réponse à la démarche du Maréchal est celle, que j'avais prévue : refus d'intervenir contre Pierre Laval et maintien de la confiance au ministre, qui incarne la colla- boration. Mais je n'avais pas prévu, que cette réponse serait donnée publiquement, dans une note officielle.

J'ai dîné avec Fr. de Wendel, ce soir, en petit comité. Lui et sa fille étaient très fermes, bien que l'arrestation de Montalembert venait de lui être annoncée. Il a été livré aux Allemands par le préfet régional de Rouen, Parmentier, ex-député de la Fédération Marin. Fr. de Wendel a rencontré ces jours-ci un Allemand de bonne race, qu'il connaît de longue date, un ancien aviateur de 14-18, décoré de la croix de fer. Celui-ci l'a abordé, en lui disant : « Eh bien, la France est victorieuse » — « Je suis encore si peu habitué à cette épithète, que je suis resté coi. Je dois l'avouer » ; reprit F. de Wendel en souriant tristement. Mardi 12 octobre 1943 Albert Buisson a retrouvé, dans une cérémonie, le préfet Bussière, qui était très satisfait : il considérait Pierre Laval comme plus solide que jamais. La note allemande est là pour en témoigner. Pierre Laval aurait obtenu des Allemands, que les jeunes requis travaillassent en France et que les 30.000 hommes des Chantiers soient maintenus. Mais alors, comment se fait-il, qu'on demande aux Assurances et aux Banques 40 % de leur personnel ? Mercredi 13 octobre Déjeuner avec de Courtois, Buisson, Boivin-Champeaux, Portman, Honnorat, Henri Sellier. Conversation assez terne, parce qu'il y avait un couple à l'écoute et parce que les éclats de voix d'Henri Sellier, dont la surdité est totale, intimidaient. Henri Sellier nous a confirmé, que, pendant les comités secrets de l'autre guerre, celle qui n'était pas « drôle », le général Pétain était venu, à maintes reprises, à l'Humanité, apporter à Renaudel, membre de la commission de l'armée, des documents contre Joffre, Nivelle et Foch. Albert Buisson tient de Monzie, que Pierre Laval songe- rait à convoquer l'Assemblée nationale, pour lui demander d'approuver sa politique. Faudra-t-il ou non répondre à la convocation ? Faudra-t-il ou non faire de l'opposition ? Je me suis prononcé énergiquement pour l'affirmative. Seul, Boivin-Champeaux m'a soutenu. Bien que plus nom- intérêt.breuse, laJ'ai réunion fait une sénatoriale conférence. à laElle Brasserie sera la Lip,dernière. a été Bus-sans sière a fait avertir Hamelin, que nous étions surveillés par les Allemands. Je n'en crois rien, mais c'était le moyen d'être agréable à Laval, en assurant notre dispersion. Nous sénatorialnous réunirons ! à la Closerie des Lilas, un endroit bien peu Le jeudi 14 octobre 1943 Pierre Georges-Picot est venu déjeuner. Je constate chez lui, qui, comme ses frères, fait partie de groupes clandestins, la même réaction violente que chez Robert. Elle est déter- minée par l'emprise croissante des communistes. Ce sont les centres de Méru et de Creil, qui dirigent le mouvement ; organisent la destruction des récoltes et les vols de tickets d'alimentation ; abattent ceux qui résistent : cultivateurs, maires, passants. Un enfant de dix ans, qui n'aurait pas voulu livrer sa carte, aurait été abattu. Un cultivateur, qui condui- sait un ravitaillement sur sa charrette, a regagné sa ferme sous la menace de la voir incendier.

Charles Schimpf, l'ingénieur alsacien des aciéries de Longwy, est revenu me voir. Il m'a confirmé que pas un des Allemands, qu'il voit, ne doute plus de leur défaite. Ce serait le général Brauchitsch, le général sacqué par Hitler, pour son opposition aux conceptions stratégiques du Führer en Russie, qui aurait débarqué à Lisbonne, pour négocier au nom de la Reichswehr. Les pourparlers auraient échoué, à cause des exigences anglo-américaines, quant à l'occupation totale. (?) Schimpf m'a raconté en détail, d'après un témoin alle- mand, la destruction de Hambourg : cinq vagues successives de 100 bombardiers. La première jette des feuilles métallisées pour brouiller les radars. Les deuxième et troisième lancent des bombes explosives. La quatrième des capsules d'acide phosphorique, qui, dès qu'une goutte a touché un objet, dégagent une chaleur de plusieurs calories. La cinquième transporte des réservoirs d'essence au phosphore. Les robi- nets ouverts laissent tomber un liquide, qui s'éparpille en millions de gouttelettes. Elles prirent feu et formèrent au-dessus de la ville, un nuage de flammes, long de 15 kilomètres et large d'autant. Une vision infernale. Un quadrimoteur américain est tombé à Longwy. Un des parachutistes, qui, d'ailleurs, a préféré être livré aux Alle- mands, a raconté qu'il avait contracté, comme ses camarades, un engagement pour trente raids au-dessus de l'Allemagne. Au bout des trente, ils sont libérés et touchent une pension de 150.000 francs. S'ils sont tués avant, la veuve reçoit, comme les blessés et les prisonniers, une pension proportionnelle au nombre de raids effectués. « Je suis à quinze. J'ai mon compte.Si non » è vero... Schimpf est très préoccupé du péril communiste et venait m'en entretenir de la part des dirigeants de Longwy. Un son de cloche de plus. Vendredi 15 octobre 1943 Ce matin, M. Petit, le directeur de la maison Valtat (charbons, rue Saint-Ferdinand), m'a interrogé sur le péril communiste. Les gros salaires, — un garçon de restaurant touche de 600 à 750 francs par jour en pourboires et un gérant 5 à 6.000, plus un traitement, — ne suffisent pas pour enrayer le mouvement. Bien au contraire. J'ai répondu deque, cloche. depuis peu de jours, je recueillais partout le même son J'ai essayé, à l' Académie des Sciences d'Outre-Mer, d'aler- ter Pelliot, qui, je le sais, est dans le mouvement. J'ai été effaré de la sérénité, avec laquelle il m'a annoncé, que « pendant deux ou trois semaines, les masses populaires seront maî- tresses de Paris et procèderont aux épurations nécessaires. Il faut que Abel Bonnard soit tué sur le champ. » Comment un historien peut-il avoir confiance dans les exécutions de la justice populaire ? Ces propos, sur les lèvres d'un savant et d'un patriote sante.comme Pelliot, sont un signe bien grave de la tension crois- Le général Brémond m'a abordé en me disant : « Ainsi donc vous faites partie du cabinet Lémery. » J'ai aussitôt protesté, contre l'usage, qui était fait de mon nom. Le bruit courait au lunch du mariage du fils du général Bridoux, il y a deux ou trois jours, que la France signerait un traité de paix avec le Reich. Elle récupérerait ses prison- niers, mais évidemment devrait former une armée capable de résister au débarquement anglo-américain. Elle cesserait de verser les 500 millions de francs par jour, au titre d'in- Lorraine.demnité de guerre. L'informateur ne soufflait mot de l'Alsace- Faut-il rattacher ces rumeurs aux indications données et sur la convocation de l'Assemblée nationale et sur la négo- ciation de Lisbonne et sur la rencontre de Pierre Laval avec des autorités allemandes, notamment avec le maréchal Von Rundstedt ? Samedi 16 octobre 1943 Je me suis entretenu longuement d'abord à l'Institut, avec André Siegfried, puis, à Neuilly, avec Ernest Mercier, de l'im- pression, que creent les déviations du mouvement de Résis- tance, les actes de vengeance personnelle et de simple bandi- tisme et la participation aux travaux du Comité d'Alger d'hommes comme Marty et Thorez, deux déserteurs, pour ne point parler des autres. Il est aussi inquiet que moi. Mais comment alerter et redresser, d'autant qu'il y a une quin- zaine de jours, tous les papiers du coreprésentant à Paris de de Gaulle ont été saisis par la Gestapo. Les noms des corres- pondants étaient donnés. Le chiffre était facile à percer. André Siegfried est préoccupé de la légitimité du gou- vernement provisoire. Comment lui donner cette légitimité le plus rapidement possible ? Toutes les solutions : inter- vention du président Lebrun, de Jeanneney et du Sénat, réunion de l'Assemblée nationale, ont des inconvénients. Seules les deux dernières lui paraissent être réalisables et avoir valeur légale. Siegfried et Ernest Mercier sont d'accord, pour penser que de Gaulle a dû s'appuyer sur la Russie contre les Anglo- Saxons, contre les Américains surtout, qui sont travaillés, dans des sens différents, par Chautemps, Pierre Cot et Alexis Léger. Mireaux, croit que Staline n'a plus rien de commun avec les communistes français et serait le premier à les boucler. En tout cas, mes amis n'étaient pas ou courant de la situation en province et nos témoignages, ceux de Hamelin, de Jovelet, de Pierre et de Robert Georges-Picot, de moi, les ont beaucoup frappés. Mireaux et Siegfried se rendent parfaitement compte, mieux que Pelliot, qu'il faudra immé- diatement rétablir et maintenir l'ordre, punir tout sabotage et tout attentat, interdire tout règlement de comptes, dès le premier soir de la libération. Mais comment, par qui et avec qui ? J'ai échangé quelques propos académiques avec Charles Roux et Marcel Bouteron sur les candidatures et avec Maurice Reclus sur la situation « Bichelonne ». Il est rentré d'Allemagne « absolument effondré, avec la conviction qu'elle n'en avait plus que pour quelques semaines ». Ainsi donc un ministre français est effondré par la perspective d'un désastre allemand, qui assure à la France sa libération et l'intégritéd'un Maréchal de sonde Franceterritoire ! ! Et cet homme est ministre Dimanche 17 octobre 1943 J. Malézieux tient d'une source sûre, que des Croates cantonnés à Villefranche-de-Rouergue se sont mutinés et ont massacré huit des officiers, après avoir pris d'assaut leur mess. Le Commandement fit fusiller 150 des mutins et expédia la division en Italie. Elle aurait été remplacée par une division de Russes blancs. Ce matin, je suis allé au Salon d'Automne. C'est une épreuve de marche, car on parcourt des kilomètres, sans avoir envie de s'arrêter. L'immensité de cette production médiocre, sinon affreuse, est déjà un fait remarquable. Il y avait foule et une foule jeune et respectueuse, à la rétrospective de Braque. J'avoue n'être pas resté. Il n'en est pas moins stupéfiant, qu'une pareille produc- tion soit possible, dans les circonstances actuelles. Pour appré- cier sa valeur probante, il faudrait ajouter l'effort du théâtre, du cinéma et de la musique. La France rebondira. Le général Brécard raconte, qu'un attentat aurait eu lieu contre le Maréchal, après ceux tentés contre Pierre Laval, de Chambrun, Bousquet. Le Maréchal aurait été très attristé de cet incident, qui l'a brusquement éclairé sur sa popularité dans le pays. Lundi 18 octobre 1943 On m'a envoyé les derniers exemplaires de la Corres- pondance de Presse. Ils sont intéressants par leurs précisions sur les activités gouvernementales et notamment sur le rebon- dissement de Pierre Laval, après les efforts tentés par le Maréchal, sous le couvert de L. Romier-Moysset, puis de Brécard-Ménétrel, pour le torpiller. Il fallait ne connaître, ni la vitalité de Pierre Laval, qui joue sa peau, ni la passivité du Maréchal, pris dans un engrenage irrésistible, ni les réactions des Allemands, inquiets de la France et incertains de l'avenir pour ne pas prévoir cet échec. Hier soir, je suis allé présenter mes devoirs à la com- tesse Marthe de Fels. Elle et son amie, la fille du général Walch, m'ont donné des nouvelles impressionnantes sur les arrestations, bagarres et attentats de la région parisienne. Mme Walch a assisté à la bagarre, qui a suivi l'attentat contre le docteur Guérin, au cours duquel la police alle- mande fit usage de ses armes et aurait achevé un blessé, si une religieuse ne s'était placée entre lui et l'Allemand : « En France, nous n'achevons pas les blessés. » Marthe de Fels a reçu la visite d'une jeune fille, à qui des coups infligés parla mâchoire. un policier français, dont elle connaît le nom, a déplacé J'ai continué à respirer la même atmosphère aujourd'hui, au cours de mon entretien avec Siegler, Mme Farjon et l'ambassadeur François G.-P. Siegler était venu, lui aussi, comme si je pouvais quel- que chose, me dire ses inquiétudes devant le glissement des organismes de résistance. Il m'apportait un exemplaire du troisième fascicule de la collection dite Cadier. Cette pla- quette expose, sur le plan industriel et économique, des idées très avancées ; prétend dresser un programme « planiste » qui tend, à n'en pas douter, à éliminer l'actionnaire de la gestion des entreprises. Mme Farjon n'a pas voulu me dire, où étaient son mari et un de ses fils. Mais son émotion en disait long. Elle est accrochée à l'espoir, qu'il n'y en a plus que pour quelques semaines. C'est bien l'impression, que m'a laissée mon bref entre- tien avec François G.-P. Semler lui a fait dire de se trouver à Paris le 21, car ils « avaient à débattre longuement de graves questions ». François n'a pas de doute, qu'une paix interviendra bientôt. Dans les derniers entretiens de Lisbonne, l'accord avait été réalisé sur six des neuf conditions posées par les Britanniques. Ils sont résolus, auraient déclaré à François des Anglais importants de passage à Monaco, à arrêter les frais le plus tôt possible. D'une part, ils sont terrifiés à la pensée de donner une prépondérance excessive à leur enne- mie de 1886, 1878 et 1856 : la Russie. D'autre part, ils veulent limiter leurs pertes. C'est ce qui faisait dire à un des interlocuteurs alle- mands de François : « L'Angleterre est un petit pays, qui tient un immense empire. Il y a déjà chez eux trois femmes pour un homme. Ils ne peuvent pas perdre« L'Angleterre un million sera, d'hommes. avec nous, Or la ilsvictime ont déjàde cette 330.000 guerre. tués. » Si on ajoute l'Italie, la formule me paraît exacte. Mais François pourra-t-il voir le banquier Semler ? Notre neveu Jacques G. P. a été appelé rue de la Saussaye. On lui a demandé, où se trouvaient son oncle et ses frères. Mercredi 20 octobre 1943 Jean-Baptiste, qui est maintenant chef de secrétariat particulier du Maréchal et prend tous ses repas avec lui, est venu à Paris pour le représenter à la réunion des Procu- reurs généraux. Il est complètement écœuré de Abel Bonnard. Celui-ci vient de nommer directeur de l'enseignement primaire un ins- pecteur général, qui avait donné aux élèves, comme dernier devoir, le sujet suivant : « La Patrie est une Mère. Que penseriez-vous d'une mère, qui ferait tuer, tous les 25 ans, quinze cent mille de ses enfants » ? L'autre soir Bonnard dînait à la table du chef de l'Etat. Le spectacle, que donne la France, est magnifique. Il est aussi grand, que celui, que donnait l'Empires'émietta romain,et se dissocia, lorsque, maiscroulant ainsi soussauva le l'Empire,poids des en invasions,assurant lail civilisation progressive des Barbares. » Jean Baptiste continue à redouter le désastre britan- nique. « Le jour du débarquement, des centaines de divisions reflueront deenvahisseurs. l'Est, avec » un matériel formidable et jetteront à la mer les Robert a présidé dimanche, avec le maire de Colombes, une réunion de 1.200 ouvriers jardiniers. Ses allusions à la Liberté et à la Résistance ont été acclamées. Les bombar- dements anglais étaient oubliés. Jeudi 21 octobre 1943 J'ai enfin reçu des nouvelles de Clermont. L'atmosphère y est de plus en plus tendue. L'assassinat du docteur Marty de Pont-du-Château serait lié à l'enlèvement, par six camionnettes des dissidents, d'une partie des stocks des Chantiers (chaussures et vêtements) entreposés à Vertaizon. Tout ne put pas être enlevé, parce que les Allemands envoyèrent une garde. Le docteur Marty les aurait avertis. Des inconnus ont fait sauter la villa au- dessus de Royat de Marie Terrasse, coupable de recevoir des Allemands. Le magasin de Chartoire, l'éminence grise de Pierre Laval, a également sauté. Le préfet Guerrin a convoqué les représentants des Syn- dicats Chrétiens, C.G.T. et « Professionnels », pour leur demander de désigner dix délégués, qui se rendraient avec Prier en Allemagne, pour un voyage et une enquête. Chrétiens et C.G.T. ont refusé. Prier a dû se contenter d'emmener quelques « professionnels » et Doriotistes. Un wagon de vêtements destinés à la Wehrmacht a brûlé en gare de Clermont. Les quatre cheminots de service Allemands.la nuit ont été arrêtés et mis au secret absolu par les Enfin et ceci me touche profondément : mon ami Marcel Michelin et son fils ont été envoyés en Allemagne. Je pense à la femme et à la mère, notre amie fidèle.

Léon Noël est venu converser avec moi. Je lui ai lon- guement parlé de mes inquiétudes croissantes, devant l'em- prise des communistes sur les organisations de résistance. Elle aboutit à des vengeances personnelles et à des brigan- dages anarchiques. L. N. partage mon anxiété, plus que ne le fait François G.-P. Il ne peut rien de plus que moi. L'ac- cueil fait par Alger à Marty, son discours à la radio, lui apparaissent comme un intolérable scandale. Les grèves « noires » n'ont eu aucun caractère politique. Elles ont été provoquées uniquement par la question des salaires. Ce qui le prouve, c'est que les groupes commu- nistes n'ont pas bougé et ont même conseillé aux ouvriers de reprendre le travail. L. N. me remet les documents du Centre d'Etudes pour la France, sur la réforme de l'enseignement. A première vue, ils me paraissent intéressants, bien que confus et lourds. Présentés sous la forme de Décrets ou de Lois, ils eussent été plus précis et plus aérés.

Je le quitte pour rejoindre mes collègues F. de Wendel, Boivin-Champeaux, Maroger, Coty et Gautherot. Nous adoptons le texte définitif de la loi constitutionnelle, qui crée un gouvernement provisoire, organise le régime de transition, rétablit la République. Je fais adopter quelques amendements. Boivin-Champeaux, René Coty et moi sommes chargés par nos collègues d'apporter des textes, pour régler les questions, qui nous préoccupent : organisation de la Cour suprême, régime de la Presse quotidienne, statut des partis politiques. Nous décidons de nous adjoindre quatre collègues radicaux socialistes : Astier, Hamelin, Mourier et Rio. La première réunion aura lieu, chez moi, le 18 novembre à 17 heures. Nous nous sommes penchés sur la carte de la Russie. Il a été facile de constater, que l'offensive dans la boucle du Dniester peut être décisive, si elle coupe les communications abordsavec l'arrière de la Crimée.des troupes Le moral allemandes, allemand quirésisterait-il défendent à lesun troisième Stalingrad ? Nous ne le pensons pas. Comme nous envisagions ce que, dans cette éventualité, devrait faire le Sénat, et comme Maroger nous communi- quait sa note émouvante et concluante, qui a ma pleine approbation, sur une convocation immédiate et spontanée du Sénat, De Wendel nous fit part des bruits, qui couraient au sujet d'une convocation par Pierre Laval de l'Assemblée nationale. Steeg et lui étaient d'avis à première vue, qu'il ne convenait pas de répondre à cette convocation. Je me suis élevé très vivement contre cette thèse. Certes les risques sont évidents : nous ne pouvons pas nous rendre à la réunion uniquement pour entériner. Il faudra marquer notre opposition, sous le regard des Alle- mands. « Cette responsabilité, je la prendrai. — Et nous aussi », répliquent Boivin-Champeaux et René Coty. Il m'a semblé, malgré le silence des trois autres collègues, que j'avais gain de cause. Vendredi 22 octobre 1943 Je suis allé prendre des nouvelles de ma tendre et char- mante May, à la Clinique de la Santé. Elle était encore toute émue, parce que, dans la nuit et à l'aube, elle avait entendu deux camions sortir de la Santé : les prisonniers chantaient la Marseillaise à tue-tête en se rendant au poteau d'exécution.

à meAlibert voir. est venu prendre une tasse de thé. Il avait demandé Il m'a longuement parlé du livre, qu'il vient de terminer : « A mon tour, je requiers » et dans lequel il raconte ses efforts, depuis les Invalides, jusqu'à son débarquement, en janvier 1941. Lorsque le manuscrit sera recopié, il me commu- niquera un exemplaire. Alibert procède à un certain nombre d'exécutions. Il cite les articles, dans lesquels, quelques semaines avant la guerre, Déat dénonçait l'Allemagne hitlé- rienne et Bonnard saluait les souverains d'Angleterre. Rebattet n'est pas moins durement exécuté. Récemment il dînait dans un restaurant fort achalandé et le fils du propriétaire, que connaît Alibert, au cours d'une conversation sur la situation, indiqua que le gouvernement et son orientation pourraient bien changer. Déjà fort éméché, Rebattet répondit : « Oh ! maintenant, je m'en fous : j'ai du fric plein les poches. » C'est là en effet toute la question pour les seïdes de la monarchie vichyssoise. A. était très ému du sort fait à son dernier fils. Il ter- minait son stage aux Chantiers. Ses camarades ont été réunis. Ils ont défilé dans une première pièce, où après avoir régu- larisé leur situation, ils quittèrent leurs uniformes et reprirent leurs vêtements civils. Ils passèrent ensuite dans une seconde pièce, où les gardes mobiles les prenaient un par un, les faisaient monter dans des camions et les embarquaient direc- tement à la gare pour l'Allemagne, sans chemises ni vête- ments de rechange, sans argent ni vivres. Le pauvre garçon est manœuvre dans une usine Krupp, aux environs de Vienne. Il est rongé par la vermine. La nourriture est infâme. Il fallut trois mois de démarches à A., pour qu'il pût faire tenir mille francs à son fils. Alibert était ému aux larmes : « Voilà ce que le Maréchal laisse faire de nos fils. On voit bien commequ'il n'en celui-ci a pas. signalait L'autre l'irritation jour, il croissanterecevait sonprovoquée banquier, par Vérin,la trans- et plantation, le Maréchal s'exclama : « De quoi se plaignent les jeunes legens reverrai ! Ils sont», très bien traités. » C'est bien simple, jamais je ne conclut Alibert avec une impressionnante expression de haine douloureuse. Comment expliquer la psychologie du Maréchal ? Samedi 23 octobre 1943 Après une séance intéressante, au cours de laquelle Marcel Bouteron nous a lu d'émouvants extraits de Vox, sur l'Empereur, la dictée du courrier, ses méthodes de travail et une magnifique page de Balzac sur Napoléon, j'ai échangéAlbert quelques Buisson mots était avec au mes courant confrères. des derniers incidents du Puy-de-Dôme et leur attachait de l'importance. Il a pré- féré ne point assister à la prochaine session du conseil dépar- temental. La Bourse, en pleine euphorie, annonçait, que les Allemands demanderaient l'armistice demain matin. L'amiral Lacaze était presque optimiste. En sortant de l'Institut, je suis allé, fidèle à mes souvenirs, rendre visite à la maréchale Foch et à Mme Fournier-Foch. De vraies femmes d'officiers français : simples, vibrantes, courageuses. Elles trouvent naturel et normal, que gendres et fils se battent. C'est le contraire, qui leur semblerait éton- nant et anormal.

De là, je suis allé attendre Dominico Russo, l'agent secret du Saint-Siège, chez les de Pange. Nous avons échangé quelques vagues propos. Le professeur de leurs fils est attaché à l'Institut des études corporatives. Il avait dressé un plan de réforme de l'Université N° 1001 et avait été chargé de le remettre au Maréchal. Il se rend donc à Vichy. Il explique au chef (?) de l'Etat, que ce plan n'a aucune chance d'être mentréalisé : par Abel Bonnard. Le Maréchal répondit textuelle- « Oh ! je le sais, Abel Bonnard est un ministre de déséducation nationale. Il m'est imposé. Je ne puis le renvoyer. Je suis sous la américaine.domination »allemande. L'an prochain, je serai sous la domination Dominico Russo, l'œil souvent voilé, sous le lorgnon, parle avec une onction de prélat romain. Il est fin. Il est intelligent. Il est simple. Sa mémoire est étonnante et son français châtié. Il n'est pas sûr. Ce caractère doublement marqué, et comme Italien et comme « papabile », n'a rien d ex- ceptionnel. D. R. a commencé par nous parler de son pays. Il dément les informations, que donne la propagande allemande. Le 22 octobre, Mussolini voulait l'armistice. Il était appuyé par trois de ses ministres : Ciano, Grandi, Buti. Lorsque les Allemands, qui connaissaient leur attitude et leurs relations avec les partis antifascistes, ont sommé le Duce de les congé- dier, il les a remplacés par Citti, antifasciste notoire. Le Roi, qui voulait se débarrasser du Duce et voulait aussi le rapprochement avec les Anglo-Américains, connaissait les projets de Mussolini. Il lui tendit un piège et lui suggéra de se faire couvrir par la manifestation d'un corps élu. Le Duce tomba dans le panneau. Il donna l'ordre à son chef d'Etat-Major, préalablement désigné à cet effet, de dresser une note, pour démontrer à Hitler, qu'il était impossible à l'armée italienne de résister à un débarquement anglo-amé- ricain. Elle n'avait en Italie, que seize divisions médiocres, dont pas une seule n'était blindée. Le Führer répliqua, qu'il ne pouvait fournir de renforts et que le repli jusqu'à suite.l'Apennin, sinon jusqu'au Pô, serait inévitable. On sait la D. R. n'a pas de doutes, que Roi l'emportera. Tous les représentants à l'Etranger, y compris l'ambassadeur de Madrid, un ancien chef du cabinet du Duce qui s'est rallié à la monarchie, pensent que le gouvernement de Mus- solini est uniquement un gouvernement fantoche. Il s'est repliéRommel. jusqu'à Balzano, où il siège à côté du maréchal Sforza, qui n'était pas royaliste, a regagné l'Italie et s'est rallié au Roi. Nous avons naturellement évoqué les souvenirs de la négociation de juin 1943. Il est inexact que D. R., dans sa tournée des capitales ou plutôt des gouvernements, ait trouvé les Anglais plus que réticents. Bien au contraire. Ils étaient à la veille de leur débarquement en Sicile et ce débarque- ment les inquiétait, comme toujours, par les risques et par les pertes, qu'il impliquait. Evidemment la perspective d'une conférence des belligérants, présidée à Lisbonne par le Pape, avait quelque chose de chimérique, mais D. R. avait indiqué à son intermédiaire britannique Hopkinson, qu'une fois les hostilités suspendues, les Allemands ne pourraient jamais les reprendre et surtout décider leur peuple a les reprendre, si, comme c'était probable, l'accord ne pouvait se faire sur les conditions de paix. Cet argument avait frappé Hopkinson. Mais l'opinion du Conseiller d'ambassade ne fut pas retenue à Londres. La suggestion du Pape fut écartée. Cet échec l'a beaucoup découragé. Le Pape est prison- nier, pour partie au moins, au Vatican, bien que les valises diplomatiques n'aient pas été saisies par les Allemands. Ils n'ont même pas arrêté les représentants des alliés, près du Vatican. Ils y ont songé. Ils ont même songé à transporter le Pape en Allemagne et ils ont fait demander à un officier de haut rang à Paris, qui est un bénédictin défroqué, quelle serait l'abbaye, qui conviendrait et celui-ci avait désigné un couvent du sud de l'Allemagne. D'après D. R. il y aurait actuellement quatre négo- ciations engagées : la conférence tripartite de Moscou, sur laquelle D. R. ne sait rien de précis, sauf la note optimiste du correspondant diplomatique du Times ; — les entretiens enga- gés à Lisbonne avec les Anglo-Américains par von Papen, pour connaître leurs conditions de paix et à qui les Anglais attachent de l'importance, puisque le Foreign Office aurait délégué spécialement à Lisbonne, pour les suivre, un certain Lowe — les conversations nouées à Berne, avec la Russie, sur la demande des Allemands et en présence d'observateurs bulgares et japonais — enfin les sondages du roi de Suède. L'héritier du Bernadotte voudrait réussir là, où le Pape a échoué, par une intervention des neutres, à laquelle le Pape pourrait d'ailleurs s'associer. Mais cette opération ne peut être tentée, qu'à la demande d'un des belligérants. Le comte Nordling, consul général de Suède, accompagné de Dominico Russo, est allé demander à Pierre Laval de prendre cette initiative. Laval a répliqué, qu'il ne pouvait le faire qu'avec l'assentiment de l'Allemagne. Il est allé mettre au courant Schleier. Celui-ci a consulté Berlin. Berlin répondit, qu'il fal- lait attendre. On ne pouvait actuellement se prononcer. Je n'ai pas caché à D. R., que cette négociation me parais- sait la plus importante. D. R. m'a précisé que, chaque fois que les Anglais vont tenter un débarquement, ils négocient ou acceptent de négo- cier. Tel fut le cas avant le débarquement en Sicile. La confé- rence de Québec s'est prolongée, parce que Londres et Washington étaient inquiets des consultations germano-russes. Le changement des deux ambassadeurs était une indication voulue et significative. C'est Maiski, qui communique au F.O., des renseignements sur ces négociations. Les Allemands avaient accepté de rétrocéder à Staline la Russie blanche, la Volhynie et la Galicie ; de lui laisser les mains libres dans les Balkans, les Détroits et les Indes, mais ils voulaient garder les Pays Baltes. Aujourd'hui les Anglais sont acculés à la nécessité de débarquer dans l'Ouest avant le 15 novembre. Ils préfère- raient éviter ces risques et ces sacrifices, par une paix immé- diate, qui permettrait en même temps d'arrêter les Russes. D'ailleurs, affirme D. R., ils ont peur des trois armes secrètes : 1) le liquide mortel, dont une goutte suffit pour tuer et qui rend une limite infranchissable. Essayé dans les environs de Hambourg, il serait fabriqué en Allemagne dans une usine, qui vient d'être détruite, et en France ; 2) la petite bombe explosive et incendiaire, lancée sur la masse des gros bombardiers par des avions de chasse ; 3) l'obus LIBRAIRIE ARTHÈME FAYARD

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