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ATELIER PROFESSIONNEL MASTER 2 ETUDE DU DÉVELOPPEMENT Université Paul Valéry Montpellier 3 Avec Laboratoire LITOPAD, Université Mohammed V, LMI MediTer, IRD

2018

RAPPORT FINAL DU VOYAGE D’ÉTUDE AU MAROC

Les interactions entre tourisme rural et produits de terroir dans le marocain ( de et Ouezzane)

Sommaire

Introduction. Présentation et thème de l’atelier professionnel du Master 2 EDEV……2

Chapitre 1. Cadrage et problématique de l’étude…………..…...…………...... 4

Cadrage général et contexte de l’étude Déroulement de l’atelier, démarche et méthodes Principaux questionnements et hypothèses

Chapitre 2. Etat de l’art, synthèses bibliographiques…….………….…….….21 Synthèse bibliographique : Monographie des provinces de Chefchaouen et Ouezzane dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hocéima Synthèse bibliographique : Processus de décentralisation et acteurs locaux au Maroc Synthèse bibliographique : L’agriculture dans les provinces de Chefchaouen et Ouezzane Synthèse bibliographique : Tourisme et Développement territorial dans les provinces de Chefchaouen et Ouezzane

Chapitre 3. Principaux résultats à l’issue du travail de terrain…..…....…...80 Chefchaouen et Ouezzane, deux Ç terroirs È aux dynamiques contrastées Les politiques publiques descendantes et initiatives locales : quels effets ? Tourisme rural, produits de terroir et projet de développement local : mythe ou réalité ?

Conclusions et perspectives……………………………..…………………………...... …143

Annexes…………………………………………………………...…………...…...... …146

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Introduction Présentation et thème de l’atelier professionnel du Master 2 EDEV

Le Master 2 pluridisciplinaire Ç Etude du développement (EDEV) È (géographie, économie, sociologie) porté par l’Université Paul Valéry de Montpellier 31 (https://www.master-edev- montpellier.fra pour objectif de former des spécialistes des questions de développement avec et pour les pays du Sud, aussi bien dans les domaines de la coopération que de la recherche. Le cursus de formation de 290 h comprend un stage individuel de plusieurs mois et, de manière innovante, un atelier professionnalisant de 80 h construit autour de la préparation, la réalisation et la restitution d’une étude de terrain dans un pays du Sud. Cet atelier vise à confronter les étudiants aux problématiques des populations locales ainsi qu’aux réalités du monde professionnel du développement et de la coopération. Outre la connaissance des différents métiers du développement (interventions de professionnels sous forme de séminaires), l’objectif de l’atelier est de transmettre aux étudiants un certain nombre de compétences pratiques, d’outils et de savoirs faire en les mettant en situation professionnelle autour d’un projet ou une opération concrète de développement dans un territoire donné. Largement fondé sur le travail de groupes, il vise une étude pratique, soulevant des enjeux à la fois théoriques et méthodologiques. L’atelier professionnel implique le suivi d’un protocole complet, depuis l’explicitation et la préparation de l’étude, jusqu’à sa réalisation, puis sa restitution. Trois temps forts structurent l’atelier, la recherche et la synthèse bibliographique, la réalisation d’un diagnostic territorial et enfin la rédaction d’un rapport final rassemblant et organisant l’ensemble des informations recueillies lors de ces différentes phases. Pour cette troisième année universitaire du Master 2 EDEV, le projet pédagogique s’est construit autour d’une étude et d’un travail de terrain dans le massif du Rif occidental au Maroc (provinces de Chefchaouen et Ouezanne), en lien avec des enjeux de développement local liés à la promotion des productions agricoles de terroir et leur valorisation au sein de l’activité touristique. Le montage pédagogique a associé l’Université Paul Valéry de Montpellier (UMR ART-Dév), l’IRD (UMR GRED), les Universités Mohammed V de Rabat et Cadi Ayyad de Marrakech ainsi que le Laboratoire Mixte International Ç Terroirs Méditerranéens È (LMI MediTer) dont font partie les trois dernières institutions citées. L’atelier multi-situé à Montpellier, à Rabat et dans les provinces de Chefchaouen et Ouezanne, s’est concrétisé par des cours théoriques et pratiques à Montpellier, complétés par des interventions de collègues de l’IRD en décembre et janvier 2017, puis un séminaire international à Rabat le 6 février 2018 (réunissant les étudiants du Master 2 EDEV, des étudiants du Master Ç Tourisme, gouvernance territoriale et développement local en zones rurales È de l’Université Mohamed V de Rabat et des doctorants de Rabat et de Marrakech), enfin une enquête de terrain d’une semaine dans le Rif (du 7 au 12 février 2017). Ce travail de terrain a mis chercheurs, enseignants-chercheurs et étudiants en situation concrète de conduite d’enquêtes. Il a été préparé par le travail personnel réalisé par les étudiants (lectures et rédaction de dossiers bibliographiques, ainsi que construction de grilles d’entretien), qui avait fait l’objet d’une première évaluation en janvier. Cet atelier et le voyage d’étude ont concerné la promotion des 8 étudiants du Master 2 EDEV, 2 étudiants du Master Ç Tourisme, gouvernance territoriale et développement local

1 Quatre Unités Mixtes de Recherche de Montpellier (ART-Dev, Tetis, Innovation, GRED) sont associées dans le Master.

2 en zones rurales È de Rabat, 4 doctorants de l’Université Mohammed V de Rabat et 2 doctorants de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech. Ils ont été encadrés par une équipe de chercheurs et enseignants-chercheurs issus des institutions partenaires : Stéphane Ghiotti (CNRS), Lucile Medina (UM3), Geneviève Michon (IRD), Mohammed Aderghal (Université Mohammed V), Mohamed Berriane (Université Mohammed V), Lahoucine Amzil (Université Mohammed V), Abdelmajid Sahnouni (Université Mohammed V). Du point de vue organisationnel, l’atelier a bénéficié de l’appui administratif de Sandrine Pinier et Myriam Rivoire de l’Université Paul Valéry de Montpellier, et de celui de Saida Loqmane à l’UMV de Rabat. Cet atelier professionnel a bénéficié du soutien financier de l’UM3 (budget du master, Conseil des Composantes et Faculté des Sciences Humaines et Sociales) et du LMI MediTer à travers notamment le budget de l’ANR Med-Inn-Local2.

Le thème de l’atelier, proposé par les collègues du LMI MediTer en concertation avec les encadrants du Master, a porté sur les relations entre développement du tourisme rural et valorisation des produits agricoles de terroir au Maroc. L’objectif de cette étude était de mieux comprendre les articulations entre le développement du tourisme rural dans le massif du Rif et la valorisation des produits agricoles régionaux. Plusieurs questions ont été formulées : Quelles peuvent être les articulations observables entre tourisme rural et système agraire dans le massif du Rif ? A l’origine des dynamiques de développement agricole et touristique, quelles sont les articulations entre initiatives ascendantes et politiques publiques descendantes ? Quel est le rôle des associations, coopératives et autres regroupements dans la modernisation de l’agriculture et les liens qui peuvent être faits avec le tourisme (réels ou fictifs) ? Comment se construisent et se mettent en cohérence les initiatives et politiques qui concernent la labellisation de produits agricoles régionaux et celles qui participent à la construction d’une destination touristique identifiée ? Enfin quelle est la place du cannabis et les impacts (notamment en termes touristiques) de cette culture illégale mais qui s’étend dans le massif mais de manière différenciée entre les deux provinces ? La question centrale s’intéresse aux relations entre le développement du tourisme rural d’arrière-pays dans la région et la valorisation des produits agricoles de la région, dont certains font l’objet aujourd’hui d’une labellisation (huile d’olive, fromage de chèvre, miel…). Il s’agit de saisir la place que tiennent ces produits de qualité dans la promotion touristique de la région, mais aussi l’impact du tourisme sur la valorisation de ces produits en tant que produits de terroir. L’objectif poursuivi est donc de produire une analyse- diagnostic des activités agricoles et touristiques dans la région et surtout d’interroger leur relation éventuelle de consolidation mutuelle dans le cadre de la promotion des produits de terroir.

2 Le financement de l’UM3 s’est réalisé à travers le budget du Master 2 EDEV et des fonds récoltés sur la taxe d’apprentissage, mais aussi un appui de l’université et de la faculté au titre des projets pédagogiques innovants et internationaux. Le financement du LMI MediTer s’est réalisé à travers des fonds du programme ANR Med- Inn-Local (Innovations autour de la valorisation des spécificités locales dans les arrière-pays méditerranéens) ainsi que d’une aide de l’UMR GRED et de l’IRD. Les étudiants ont contribué de façon modique au voyage à hauteur de 80 euros chacun. Les contributions financières ici indiquées ne tiennent pas compte de la masse salariale. A Montpellier, l’atelier a représenté une soixantaine d’heures en présentiel devant les étudiants (Lucile Medina, Stéphane Ghiotti, Sophie Nick), sans compter le temps du voyage d’étude et le temps d’investissement des collègues marocains et de l’IRD.

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Chapitre 1 Cadrage et problématique de l’étude

Cadrage général et contexte de l’étude

Le massif du Rif, et plus particulièrement les provinces de Chefchaouen et Ouezanne, ont été choisies comme terrain d’étude par les partenaires du LMI MediTer du fait des questions de développement territorial qu’y posent. D’une part au regard de l’existence d’un tourisme d’arrière-pays ancien, d’autre part le développement plus récent de produits de terroir labellisés qui peuvent contribuer à l’image de la région, et enfin l’articulation éventuelle entre les deux dynamiques.

Une région périphérique à l’échelle du Maroc

Une histoire marquée par les révoltes et les répressions du pouvoir central La position de marge du Rif dans le Maroc contemporain est davantage le fruit de l’héritage historique que de sa position géographique. Les populations rifaines, après s’être révoltées contre les protectorats français et espagnol qui se partageaient la région, se sont opposées de façon récurrente au gouvernement central du Maroc depuis l’indépendance et ont été violemment réprimées : insurrections de la fin des années 1950, révolte des Ç Awbachs È en 1984, et émeutes récentes du XXIe siècle, pour contester l’enclavement et l’exclusion de la région des nouvelles institutions politiques du Maroc.

Le massif du Rif, un espace marginal La région montagneuse du Rif, dont le point culminant, nommé Djebel Tidirhine, s’élève à 2 456 mètres, apparaît en effet comme un espace de marge, marqué par l’importance des espaces forestiers, à la population jeune et majoritairement rurale, au taux de pauvreté élevé, mais aux dynamiques locales et associatives importantes concernant notamment une volonté de développement touristique rural Ç alternatif È et articulée aux produits de terroirs de qualité. La mise en marge politique et économique de cet espace par le pouvoir central a eu pour conséquence de développer rapidement une prise en charge des multiples problématiques par les populations locales.

Des oppositions internes La forte opposition littoral / intérieur qui marque l’organisation spatiale du pays, se retrouve à l’échelle de la nouvelle région administrative Tanger-Tetouan-. Le 5e rang de la région en termes de poids démographique (sur les 12 nouvelles régions de 2015) masque en réalité une concentration de la population sur la plaine littorale, sur laquelle se localisent les villes de , Tanger, Tétouan et Al Hoceima, et se concentrent les infrastructures principales de communication et les activités économiques. Les villes de l’intérieur, Chefchaouen et Ouezzane, ne comptent respectivement que 42000 et 60000 habitants. Le partage historique de la région sous deux protectorats (Ouezanne faisait partie du protectorat français, qui a bénéficié de davantage d’investissements et d’équipements pour exploiter les ressources, et Chefchaouen du protectorat espagnol) a introduit une discontinuité durable au sein de la région, déterminant des ensembles sous-régionaux

4 différents. Aujourd’hui, les deux provinces se tournent le dos : le pays de Ouezzane est tourné vers le Gharb qui était le fleuron de la colonisation agricole française, tandis que le pays de Chefchaouen est polarisé par le littoral méditerranéen. Même au niveau des flux d’émigration actuels, on constate des champs préférentiels vers l’Espagne et vers la France.

L’ancienne région administrative Tanger-Tétouan (source : libe.ma)

Chefchaouen et Ouezzane : deux provinces du Rif Occidental aux dynamiques socio-économiques sensiblement différentes

Dans ce vaste ensemble que représente la montagne rifaine le long du littoral méditerranéen, les deux provinces se partagent la caractéristique de constituer les hautes terres amont du Bassin du Loukkos, d’être situées dans des étages bioclimatiques suffisamment humides avec un important manteau forestier, et enfin d’appartenir à un même fond de peuplement composé des tribus Jbala.

Les pays de Chefchaouen et de Ouezzane font cependant partie de deux entités géographiques différenciées. Le premier s’apparente plus au Rif nord-occidental marqué par la présence de la dorsale calcaire, la succession de chainons et de bassins façonnés dans les formations du primaire, et la présence du littoral. Alors que le second se présente sous forme de chainons schisteux, séparés par des bassins plus amples, et ouverts vers le Gharb. Les dynamiques socio-économiques des deux provinces sont également distinctes : la de Ouezzane semble davantage s’orienter vers le développement d’une agriculture moderne (arboriculture : figuiers et oliviers) alors que la province de Chefchaouen maintient une polyculture plus traditionnelle et typique, mais où se développe un tourisme rural plus important et emblématique car déjà ancien au sein du Maroc.

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Une agriculture traditionnelle qui montre des signes inégaux de renouvellement

Des systèmes agro-sylvo-pastoraux qui se transforment

Le système agraire traditionnel s’appuyait sur des pratiques associant céréaliculture, arboriculture (figuier, olivier) et élevage, et se structurait en finages villageois autour d’un habitat groupé perché sur les versants (dchar), proche des sommets voués aux parcours, et dominant à l’aval les terres de cultures et les vergers. Cette organisation traditionnelle a été transformée depuis par le développement des infrastructures routières (glissement vers les routes qui ont déclassé les lignes directrices de l’organisation de l’espace traditionnel) et par la mise en Ïuvre de plusieurs programmes de développement rural. On peut citer le projet DERRO (Développement économique et rural du Rif occidental) lancé en 1960 dans le double but de sauvegarder les sols de l’érosion et d’améliorer le niveau de vie des paysans, le grand projet de périmètre irrigué du Moyen Sébou à partir de 1995, ou encore le projet GEF-RIF ((Gestion participative des écosystèmes forestiers du Rif) développé dans les années 1990, suivi d’un projet européen MEDA pour Chefchaouen au début des années 2000.

Le plan Maroc Vert et son pilier 2 : un objectif de développement économique Le Maroc est particulièrement marqué par un net déséquilibre économique entre les zones de plaines et les arrière-pays notamment en termes de développement agricole. Si les premières sont le siège des cultures intensives à haute valeur ajoutée de type capitaliste, les seconds sont plutôt largement caractérisés par la forte présence de l’agriculture familiale. Le système de polyculture élevage domine et l’intégration au circuit économique est relativement faible. Inspiré du modèle de la politique agricole commune (PAC), le Plan Maroc Vert est une politique publique lancée à la fin des année 1990, qui vise à redynamiser et développer l’agriculture marocaine en réduisant les inégalités et en s’appuyant sur ces avantages comparatifs. Parmi ces avantages, la qualité est largement mise en avant comme élément central d’une politique désireuse de conquérir de nouveaux marchés et restructurer les exploitations agricoles dites traditionnelles en faisant de ces agriculteurs des entrepreneurs ruraux. Afin d’atteindre ces objectifs, le Plan Maroc Vert mise sur son pilier 2 qui doit favoriser une politique de développement de la labellisation des produits de terroir. Lutte contre la pauvreté, augmentation mais aussi diversification des revenus des agriculteurs sont certes les objectifs principaux mais ils ne sont pas les seuls. En favorisant un modèle de développement agricole alternatif, particulièrement porteur au niveau national et international, la mise en qualité des produits doit aussi favoriser et s’articuler à la mise en tourisme, et à la mise en patrimoine de ces terroirs / territoires.

Des orientations provinciales différentes Si le pays de Chefchaouen est davantage tourné vers une petite agriculture complémentaire de l’élevage et de la sylviculture, le pays de Ouezzane est, par contre, réputé pour être à vocation agricole et où l’olivier et le figuier constituent une richesse inestimable.

Actuellement la vie rurale dans la région d’Ouezzane connait un renouveau agricole et rural matérialisé par l’extension des plantations d’arbres (Plan Maroc Vert), oliviers et figuiers essentiellement, par l’importance de certaines expériences en agriculture alternative (biologique, écologique, permaculture), combinées à l’accueil touristique, l’émergence

6 d’unités coopératives, de stockage et transformation, de points de vente de produits sélectionnés et portant la nomination de terroir, multiplicité des huileries modernes, ainsi que des investissements, étrangers notamment et bénéficiant pour certains de l’irrigation.. Soit une dynamique qui transforme les paysages, suppose des innovations économiques, tant en termes d’organisation de la production que de commercialisation, qu’en termes de relations sociales au sein des communautés villageoises.

Articuler tourisme / patrimoine et qualité des produits agricoles Le Maroc ne manque pas de potentiel quant à la valorisation et la mise en label de ces produits de terroir. Amande, huile d’olive, datte, mandarine, miel...mais aussi les produits plus emblématiques comme l’huile d’argan ou le safran en témoignent. En obtenant leur labellisation, les produits de la diète méditerranéenne du Rif se retrouvent ainsi au sein d’un vaste marché économique associant agriculture, tourisme et patrimoine. La labellisation apparaît comme une stratégie intéressante mais est-elle suffisante pour affirmer la qualité du produit durablement au sein des circuits de commercialisation et avoir des effets d’entrainement et de diffusion de la richesse produite au sein du territoire ? Peut-elle notamment influer positivement sur l’activité touristique en affirmant un produit du terroir gage de qualité territoriale ?

Un tourisme d’arrière-pays pionnier

Un flux touristique ancien spontané La politique touristique développée ces dernières années au niveau national par le Royaume du Maroc vise le rééquilibrage d’une fréquentation touristique très concentrée sur les zones touristiques littorales et urbaines en direction des arrière-pays. Cette nouvelle orientation se développe dans un contexte où il s’agit pour le pays de faire face à la nouvelle donne du tourisme en Méditerranée (changement des destinations, nouvelle demande de produits touristiques...) qui se connecte à l’émergence d’une nouvelle logique de développement rural basée sur la qualité. Si cette stratégie de développement de produit touristiques Ç alternatifs È apparaît comme une nouvelle orientation des politiques publiques, elle ne saurait cacher un processus engagé dans le Rif depuis plus longtemps sur la base d’initiatives locales, de Ç petits È entrepreneurs privés et grâce aux nouveaux moyens de communication comme internet. Dans cette région qui profite de sa proximité de l’Espagne et des foyers urbains de la péninsule tingitane, la demande a en effet précédé l’offre organisée. Territoire géographique cohérent, doté d’une forte identité culturelle et de différentes potentialités propices à une offre diversifiée, la région a commencé à recevoir ses premiers touristes il y a plus de 30 ans.

Les programmes étatiques promoteurs du tourisme rural Au Maroc, la fièvre du tourisme rural date de la fin des années 1990. Le tourisme est souvent considéré comme la principale ressource pouvant générer des activités génératrices de revenus (AGR) dans les campagnes et devant être soutenu pour cette raison. Chronologiquement première destination du tourisme rural depuis que l’Etat a inscrit ce type de tourisme parmi ses choix stratégiques, Chefchaouen et son arrière-pays, se sont installés sur le marché Ç informel È de ce créneau, bien avant les initiatives de l’Etat dans ce domaine qui datent de la décennie 2000. Elle a été le point de départ d’un tourisme qui s’est emparé des campagnes marocaines où, un peu partout, des espaces touristiques s’organisent et se structurent en marge des stations balnéaires actuelles ou futures et des grandes villes touristiques.

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L’arrivée de l’Etat s’est concrétisée par la mise en Ïuvre d’outils de développement touristique tels les PAT (Pays d’Accueil Touristique) dont celui de Chaouen a été le premier validé au niveau national en 2003. Cette politique publique ne connaît pas le succès escompté (montage et gouvernance problématiques) mais les initiatives locales se sont multipliées, soutenues par des associations, des ONG et des agences de coopération étrangères (dont l’Espagne et la région de Catalogne qui sont fortement présentes). Le Rif n’apparaît pas dans les 8 territoires touristiques dessinés par le gouvernement marocain à travers le document Vision 2020, et on peut faire l’hypothèse que ce sont les formes alternatives du tourisme qui permettent de maintenir le flux.

Une identité forte liée à la culture et aux produits du terroir Le tourisme est polarisé par quelques lieux emblématiques. Il s’agit des villes de Chefchaouen (seule ville traditionnelle de montagne du Maroc, connue pour sa couleur bleue emblématique) et Ouezzane (pour un tourisme religieux national), des parcs national de Talassemtane et régional de Bouhachem essentiellement. Il faut souligner que la région possède l’unique sapinière d’Afrique. En outre, la vie rurale est marquée par de très fortes typicités culinaires notamment (fromage blanc, miel, figues, plantes aromatiques, olives, poterie, etc.) à travers l’écosystème socio-culturel des Jbala, que les dispositifs de valorisation moderne ont exploité en sélectionnant quelques produits dont le produit phare est le fromage de chèvre de Chefchaouen. Des activités sont proposées pour prolonger le séjour des touristes autour de ces produits : atelier d’artisanat, de cuisine… Et la labellisation par l’UNESCO du plat de purée de fèves (bissara), populaire et dévalorisé, sonne aujourd’hui comme une revanche. Et c’est pourquoi la problématique de ce stage pose la question des interactions possibles entre tourisme rural et systèmes agraires dans la région de Chefchaouen-Ouezzane.

L’interaction tourisme rural/systèmes agraires à Chefchaouen et à Ouezzane

Vers une complémentarité fonctionnelle entre les deux provinces ? L’Etat et les organismes internationaux ont initié des programmes de développement différenciés pour orienter les actions vers la promotion du tourisme dans le pays de Chefchaouen, et l’agriculture dans celui de Ouezzane. L’objectif du développement fut de promouvoir, au profit des populations, de nouvelles sources de revenus, comme moyen pour alléger la pression sur le milieu naturel. La déforestation, pour les mises en culture, notamment du cannabis, et la dégradation des terres, justifiant la multiplicité des programmes, leur succession dans le temps, et la diversité des actions entreprises.

Un nouvel élan est pris par ces dynamiques. Il va dans le sens d’une mise en réseau des exploitations familiales dans le pays d’Ouezzane, et des opérateurs de la restauration et de l’accueil touristique dans le pays de Chefchaouen. Cette tendance serait-elle l’indice d’une solidarité émergente entre deux territoires, comme un retour vers la construction d’un nouveau pays avec la marque Jbala ? Les dynamiques touristiques actuelles jouent-elles en faveur de la création d’un territoire réticulaire où seraient intégrés Chefchaouen et Ouezzane. Ouezzane apparaît mieux doté en terres agricoles, lieu d’une culture paysanne enracinée ; Chefchaouen est plus tourné vers l’élevage, avant que le cannabis ne se propage. Cela créait une complémentarité entre les deux pays. Aujourd’hui, une nouvelle forme de solidarité pourrait associer le développement tourisme de Chefchaouen, reposant sur certains produits agricoles, et la région de Ouezanne qui offre ces productions.

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Si on ajoute à tous ces éléments le taux de pauvreté assez élevé, mais aussi le dynamisme de la société civile locale, l’analyse des provinces de Chefchaouen et de Ouezzane permet de saisir l’articulation entre les initiatives ascendantes des individus et des groupes, d’un côté, et, de l’autre, les actions descendantes de l’Etat. Plus que l’effet des politiques publiques à travers la stratégie définie en 2002 pour le tourisme rural, c’est plutôt l’arrivée d’une demande imprévue et la mobilisation au niveau local du mouvement associatif de proximité qui expliquent le développement du tourisme articulé de plus en plus à la vie rurale. Le tissu associatif accompagne, voire suscite, les actions qui se mettent en place pour à la fois répondre à cette demande et attirer des touristes en leur offrant un minimum de services. L’implication de ces deux niveaux (étatique et local), pose la question de la gouvernance et des articulations entre les actions descendantes et ascendantes. De ce fait cette destination offre une étude de cas emblématique du processus de mise en tourisme du milieu rural marocain.

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Déroulement de l’atelier, démarche et méthodes

L’atelier, conçu et organisé en étroite collaboration avec l’équipe partenaire au Maroc, visait à mettre les étudiants en situation d’apprentissage pour élaborer une problématique, conduire des réflexions conceptuelles, acquérir des connaissances empiriques, des méthodes et savoir-faire et réaliser un diagnostic territorial, et ce à partir d’une étude de cas et d’un terrain d’étude. La conduite pédagogique de l’atelier s’est basée sur la réalisation de plusieurs séries de travaux, collectifs ou individuels, dont certains ont constitué le support de l’évaluation des étudiants3. Le déroulement de l’atelier, sur la période de novembre 2017 à avril 2018, s’est organisé en trois grandes étapes.

Chronogramme des activités

Novembre 2017 Décembre 2017 Janvier 2017 Février 2018 Mars 2018 Avril 2018

Etape 1. Elaboration de la problématique et du cadre d’analyse Recherche bibliographique Initiation cartographique appliquée Interventions des partenaires devant les étudiants Etape 2. Séjour de terrain au Maroc (5-14 fév) Etape 3. Analyse, rédaction et restitution orale Elaboration du diagnostic écrit

Etape 1. Contextualisation, problématisation et construction de méthodes (novembre-janvier)

¥ Contextualisation générale et premières pistes de la problématique Cette séquence a combiné un travail de familiarisation du contexte marocain avec l’intervention des encadrants en France et un travail d’appropriation et de reformulation des premières pistes de questionnements par les étudiants eux-mêmes, autour de la thématique du développement de la promotion de produits agricoles de terroir et du développement local par le tourisme notamment.

3 La première évaluation des étudiants (janvier) a consisté en la réalisation d’un dossier thématique bibliographique et webographique (rendu écrit et présentation orale). La deuxième évaluation (avril) s’est faite sur un dossier synthétisant les principaux résultats du travail de terrain au Maroc (restitution orale puis rendu écrit).

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¥ Lecture de la bibliographie sur le Maroc et la zone d’étude et élaboration de dossiers thématiques par groupes A partir d’une base documentaire de près d’une centaine de références bibliographiques classées par thème et partagées avec et par les étudiants sur une plate- forme de travail en ligne, un travail de synthèse écrit a été demandé aux étudiants répartis par groupes (voir chapitre 2). Ces dossiers thématiques ont été présentés et discutés à l’oral, et ont servi de base pour l’élaboration et l’affinement de la problématique appliquée à la zone d’étude.

¥ Approfondissement thématique : interventions des partenaires à Montpellier En décembre et janvier, les interventions de deux chercheurs de l’IRD spécialistes de ces questions ont permis d’accompagner les étudiants dans la construction de leur travail préalable au stage de terrain. Geneviève Michon est intervenue en décembre sur le processus de labellisation de produits agricoles de qualité et le lien au terroir au Maroc. Bernard Moizo (directeur de l’UMR GRED) est intervenu en janvier sur les caractéristiques du développement touristique dans la région du Rif. Ces interventions ont permis aux étudiants de mieux visualiser les enjeux locaux et de pouvoir déjà amorcer un débat sur les thèmes étudiés.

¥ Elaboration de la problématique et du cadre d’analyse : questionnements, objectifs et hypothèses Plusieurs séances successives ont permis de s’approprier de manière progressive et collective le cadre de questionnements et d’hypothèses autour de la thématique, dont les résultats figurent dans le chapitre 6.

¥ Elaboration du protocole méthodologique et des outils d’enquêtes La conception du protocole méthodologique global a précisé la succession des étapes de la méthode et des phases de travail sur le terrain, en réponse au cadre de questionnements et d’hypothèses. L’élaboration des outils d’enquête, ayant fait l’objet de plusieurs séances et de travaux collectifs, a concerné l’identification des catégories d’acteurs pertinents à interviewer et la réalisation de 12 guides d’entretiens par catégorie d’acteurs (voir l’ensemble des guides d’entretien en annexe 1).

¥ Atelier cartographique Un travail d’initiation cartographique a été assuré dans une autre unité d’enseignement méthodologique du Master4 par Stéphane Coursière (Ingénieur d’étude CNRS, UMR ART-Dév). Il a permis aux étudiants de se familiariser pour certains et d’approfondir pour d’autres la maitrise de la cartographie assistée par ordinateur et de réaliser des cartes en appui au travail de terrain.

Etape 2. Voyage d’étude et travail de terrain

¥ Séminaire d’échange entre chercheurs et étudiants (Université de Rabat) Le voyage d’étude a débuté par un séminaire organisé à l’Université Mohamed V de Rabat. Le séminaire a permis de réunir pour la première fois tous les encadrants et étudiants français et marocains, autour d’interventions de chercheurs et de doctorants. L’après-midi a été consacrée à la présentation de la recherche webgraphique sur l’offre

4 Ce cours a été assuré dans l’Unité d’enseignement Ç Connaissance, traitement et analyse de l’information dans les démarches de développement È.

11 touristique effectuée par les étudiants du Master 2 EDEV, puis l’organisation des groupes de travail associant étudiants de Montpellier et doctorants marocains pour les enquêtes de terrain des jours suivants, et au partage et amendement des guides d’entretiens pour en établir des versions finalisées.

¥ Travail d’enquête par entretien dans les provinces de Chefchaouen et de Ouezzane Au total, 36 entretiens semi-directifs ont été réalisés en petits groupes de 2 à 4 étudiants (étudiants EDEV, étudiants de master et doctorants marocains, et un ou deux encadrants) entre le 7 et le 12 février 2017 dans les provinces de Chefchaouen et de Ouezzane. Ces entretiens ont été menés auprès d’agriculteurs, d’institutions publiques, d’associations de développement local, de sociétés privées et de coopératives de production, et enfin d’hébergeurs. La mise en commun et la discussion des premiers résultats et synthèses ont fait l’objet de séances de fin de journées sur le terrain. La liste des entretiens réalisés est consignée à la fin de chaque thème dans le chapitre 3.

Etape 3. Synthèse et restitution finale

¥ Mise en commun des entretiens et traitement des entretiens par champ thématique et par groupes : Rabat et Montpellier La phase de traitement des entretiens a été réalisée à l’aide d’une grille de traitement des entretiens à double entrée, permettant de traiter les entretiens de façon d’abord horizontale (chaque entretien est décortiqué selon les thèmes abordés) puis transversale (chaque thème est analysé à travers les différents entretiens qui l’ont abordé). Le renseignement de ce tableau par les groupes d’étudiants a permis un traitement systématique des entretiens et un croisement des informations entre les groupes. Les groupes d’étudiants ont ensuite rédigé une synthèse thématique du travail effectué sur le terrain (chapitre 3).

¥ Débriefing au retour du terrain Au retour du stage de terrain, un premier débriefing a eu lieu à l’UMV de Rabat, qui a permis de clarifier les modalités de traitement des entretiens par grands champs de résultats, d’échanger sur les premiers résultats d’analyse et de rappeler le format du rendu final de diagnostic territorial. Ce travail s’est poursuivi à Montpellier à travers des séances d’accompagnement des étudiants dans la restitution des résultats. S’il importe de restituer une vision globale du territoire étudié et de ses dynamiques, le travail de synthèse nécessite aussi une sélection et une organisation des informations en fonction de la problématique choisie. Pour cela, on peut s’appuyer sur les quatre registres d’analyse sur lesquels repose la méthodologie de diagnostic du territoire. Les quatre registres de l’analyse sont :

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Source : Sylvie Lardon et Vincent Piveteau, Ç Méthodologie de diagnostic pour le projet de territoire : une approche par les modèles spatiaux È, Géocarrefour, vol. 80/2, pp. 75-90.

¥ Présentation orale des dossiers de synthèse et mise en débat Outre le rendu écrit, chaque groupe a présenté à l’oral son dossier de synthèse et d’analyse des entretiens, en présence des responsables et de plusieurs membres de l’équipe pédagogique du Master EDEV, ainsi que de collègues en visio-conférence depuis le Maroc. Ces présentations ont été l’occasion d’un retour sur les questionnements et le protocole méthodologique d’ensemble de l’atelier.

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Liste des participants au travail de terrain :

CAMARA Ansoumane Etudiant M2 EDEV Université Montpellier 3 DIOP Aliou Etudiant M2 EDEV Université Montpellier 3 DOUMBIA Ibrahima Etudiant M2 EDEV Université Montpellier 3 KANLI Cicéron Etudiant M2 EDEV Université Montpellier 3 MANGA Lucien Etudiant M2 EDEV Université Montpellier 3 PACHY Aurélie Etudiante M2 EDEV Université Montpellier 3 ROUQUIER Orlane Etudiante M2 EDEV Université Montpellier 3 RAMI Sarah Etudiante M1 Université M5 Rabat ELHAFIDI Achraf Sultan Etudiant M1 Université M5 Rabat AKDIM Tariq Doctorant Université M5 Rabat KARROUD Bouchra Doctorante Université M5 Rabat LOQMANE Saida Doctorante Université M5 Rabat MOUROU Majda Doctorante Université M5 Rabat AIT L’HOUSSAIN Abdullah Doctorant Université CA Marrakech GOMIH Sofia Doctorante Université CA Marrakech GHIOTTI Stéphane Chercheur UM3, UMR ART-DEV MEDINA Lucile Enseign-chercheur UM3, UMR ART-DEV MICHON Geneviève Chercheur IRD, LMI MEDITER ADERGHAL Mohamed Enseign-chercheur Université M5 Rabat BERRIANE Mohamed Enseign-chercheur Université M5 Rabat AMZIL Lahoucine Enseign-chercheur Université M5 Rabat SAHNOUNI Abdelmajid Enseign-chercheur Université M5 Rabat

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Principaux questionnements et hypothèses

Parallèlement aux lectures et à la réalisation des premiers dossiers bibliographiques par groupe, des séances successives entre novembre 2017 et janvier 2018 ont été consacrées à la présentation de la commande du LMI MediTer et à la décompostion/appropriation des questions posées par le commanditaire. Le travail de formulation de la problématique a été conduit également lors des interventions à Montpellier des chercheurs du LMI. Les objectifs de l’étude ont été ajustés en fonction des réalités et du temps sur le terrain.

Problématique :

• Le développement d’activités agricoles locales Ç de terroir È (et/ou de qualité) peut il dégager des ressources spécifiques qui sont vecteurs d’attractivité en matière de tourisme et plus généralement pour le développement territorial ? • Comment se réalise l’articulation entre politiques publiques descendantes et initiatives locales, dans une région où le tissu associatif est dynamique ? • Le développement du tourisme amène-t-il à une mise en réseau des deux provinces à travers une mise en réseau des opérateurs locaux ? • Quels sont les acteurs et les espaces concernés ?

Hypothèses de départ :

• Hypothèse 1 : Il existe une articulation entre action du gouvernement et initiatives locales bottom up qui est porteur pour le développement touristique mais c’est plutôt la demande et la mobilisation au niveau local du mouvement associatif de proximité qui explique le développement du tourisme. • Hypothèse 2 : Les fortes typicités des productions agricoles (fromage blanc, fromage de chèvre, miel, figues, plantes aromatiques) et la valorisation du patrimoine culturel et naturel (poterie, parc national) portent le développement du tourisme. • Hypothèse 3 : Les dynamiques de développement et création de richesse sont sélectives et inégalitaires ne concernent que certains types d’agriculteurs et filières d’agricultures et que certains segments du secteur touristique.

Axes de questionnements dégagés :

Pour chacun d’entre eux, il conviendra d’identifier les différences entre les provinces de Chefchaouen et de Ouezzane afin de dégager la spécificité de leur profil et les ressemblances/articulations.

Axe 1 : L’orientation / mutation des dynamiques agricoles

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Il s’agit de comprendre quelles sont les dynamiques agricoles à l’œuvre dans les deux provinces : les cultures et les associations culturales traditionnelles, les évolutions du système agraire, du foncier et des paysages.

Questions : • Quelles sont les différents types de cultures et d’élevage pratiqués dans chacune des deux provinces ? • Quelles sont les pratiques agricoles observées (intensive, raisonnée, biologique, permaculture…) ? • Quelles sont les méthodes de production ? Les structures foncières ? La taille des exploitations et les modes de faire-valoir ? • Des produits sont-ils labellisés ? quelle est la procédure ? • Comment les paysages agricoles évoluent-ils ? Avec quelles conséquences ? • Qu’en est-il de la gestion des ressources (eau, foncier, forêt, pâturage...) dans un contexte de difficultés climatiques croissantes ? • Quelles sont les organisations paysannes et coopératives présentes ? Quel est leur rôle ? • Quelles sont les politiques publiques mises en place par l’Etat marocain dans la région en matière agricole (Plan Maroc Vert) ? • Quelles sont les pratiques agricoles qui sont actuellement mises en valeur par le tourisme rural ? Ces pratiques ont-elles changé avec le temps ?

-> Acteurs à approcher : agriculteurs et agricultrices, organismes d’encadrement agricole, coopératives.

Axe 2 : La transformation et la commercialisation des produits agricoles

Il s’agit d’examiner l’organisation des filières de transformation et commercialisation des produits agricoles de la région (transformateurs, intermédiaires, destinations de la production..), de voir la part des produits transformés et vendus sur place, ainsi que la place éventuelle des femmes dans ces activités.

Questions : • Comment s’organise le processus de transformation et de vente des produits agricoles : qui transforme quoi, comment et qui commercialise ? = quel circuit ? • Où, quand et à qui les produits agricoles sont-ils vendus ? Vers quelle destination (écoulement local, vente sur le marché national ou étranger) ? • Comment les prix de vente sont-ils fixés et comment ? • Quel est l’impact de la labellisation des produits agricoles sur la commercialisation ? • Comment la labellisation est-elle perçue/ considérée ? • Quel est le rôle des femmes dans la production / transformation / commercialisation ? • Quel est le profil des coopératives ? Leur importance dans la région, leur organisation, les aides à l’investissement, l’organisation de l’écoulement des produits ? Vendent-elles sur place, à des boutiques ou via des intermédiaires ?... • Existe-t-il des subventions (aides autres que financières) des autorités ? Comment les agriculteurs ou transformateurs y ont-ils accès ?

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• Comment caractériser l’activité marchande autour des produits Ç de terroir È dans la région ? Sont-ils associés dans les points de vente à d’autres produits venant d’autres régions ? • Quelle est la place des marchés dans cette commercialisation ? • Qui sont les acheteurs ? • Comment s’organise l’économie illégale du cannabis ?

-> Acteurs à approcher : Organisme de certification, Propriétaires ou gérants de points de vente, Agriculteurs, Unités de transformation / Coopératives, Acheteurs / clients

Axe 3 : Le tourisme rural et son impact sur la valorisation des productions agricoles locales

Il s’agit d’estimer l’importance du tourisme dans la région, sa nature (circuits ou séjours prolongés) et ses impacts locaux notamment sur la valorisation des productions agricoles locales.

Questions :

Quel est le profil touristique de la région ? • D’où viennent les touristes ? Sont-ils nombreux ? Quelle est la saison où ils sont le plus nombreux ? (caractéristiques en termes de fréquentation chiffrée et de saisonnalité) • Quel est le type de tourisme observable dans la région ? Que font les touristes ? Que visitent-ils ? Quels sont les lieux touristiques sur lesquels repose l’attractivité touristique de la région, les éléments mis en avant ? • Comment se positionne la région en termes touristiques au Maroc ? • Quel est l’impact du tourisme sur l’économie régionale ?

Comment s’organise l’offre touristique ? • Les propriétaires des gîtes et hôtels sont-ils de la région ? • Quel est le nombre et la localisation des structures d’hébergement touristiques ? L’offre semble-t-elle suffisante ? • Quelle est la nature des établissements touristiques : taille en nombre de chambres, standing, nature de l’investissement (aides de l’Etat, capitaux étrangers…) • Sur quoi repose la stratégie de communication des établissements ? comment se font- ils connaître ? (sites internet, intégration dans des circuits…) • Quelles activités sont-elles proposées aux touristes dans la région ? Qui est impliqué ? (tour-opérators de Rabat, guides locaux ?..) • Comment se structurent les initiatives locales dans la région (associations, réseaux, acteurs privés / locaux…) ? • Quelle est la politique touristique de l’Etat dans la région ? • Les produits du terroir sont-ils des facteurs de développement touristique ? (visites, ventes, restauration…) ? La place des coopératives ? • La croissance de l’activité touristique a-t-elle un impact sur les produits de terroir : augmentation de la production, réorientation ou transformation différente des produits ? • La croissance de l’activité touristique est-elle porteuse de tensions ? (augmentation d’inégalités, tensions foncières ou relatives à l’eau et aux autres ressources... ?)

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• La culture du cannabis impacte-t-elle le tourisme (positivement ou négativement) ? La question de la sécurité impacte-t-elle le tourisme ? 1) Quelle relation existe-t-il entre religion et tourisme ? (à Ouezanne notamment) -> Acteurs à approcher : Associations touristiques, coopératives, agences de voyage et organisateurs de circuits, autorités locales, associations de développement local, touristes, prestataires de services (propriétaires d’hôtels ou gîtes, restaurateurs).

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Chapitre 2 Etat de l’art. Synthèses bibliographiques

Synthèse : Monographie des provinces de Chefchaouen et Ouezzane dans la région de Tanger- Tétouan-Al Hocéima Ibrahima Doumbia et Orlane Rouquier

Introduction I. Présentation des zones d’études, révélatrices d’un territoire fortement enclavé. A. Deux zones d’étude situées au cÏur de la montagne rifaine. B. L’affirmation d’un microclimat et d’un riche patrimoine hydrique. C. Une biodiversité méditerranéenne combinée à la présence d’activités agricoles anciennes. II. Un héritage historique cristallisé autour d’une volonté d’indépendance. A. L’affirmation ancienne d’une identité rifaine B. Les mouvements d’indépendance et les révoltes contemporaines III. Chefchaouen et Ouezzane, des territoires de marge similaires ? A. Des populations jeunes et rurales B. Education, pauvreté et emploi : une région vulnérable C. Le défi des infrastructures et des équipements Conclusion Bibliographie

Introduction

Le massif du Rif, malgré ses cultures, ses vergers et ses innombrables villages à la fin du XIXe siècle, compte aujourd’hui parmi les zones les plus déshéritées du Maroc. Les Jbala (jebli au singulier, c’est-à-dire Ç montagnard È), groupe peuplant le Rif, sont alors en proie à un appauvrissement important et doivent se réapproprier les initiatives créatrices dont ils ont fait preuve jusqu’alors afin de répondre aux enjeux de développement d’aujourd’hui. Il s’agira ici de parcourir ce territoire dit Ç en marge È, en nous concentrant sur les provinces rifaines de Ouezzane et de Chefchaouen.

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Fig. 1. Carte de la région de Tanger-Tétouan-Al Hocéima. Source : Direction Générale des Collectivités Locales (2015)

I. Présentation des zones d’études, révélatrices d’un territoire fortement enclavé.

A. Deux zones d’étude situées au cÏur de la montagne rifaine.

Fig. 2. Localisation des provinces d'étude.

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Les deux provinces au cÏur de notre sujet d’étude relèvent de la région de Tanger- Tétouan-Al Hoceima, située dans la montagne calcaire rifaine, qui s’étire le long de la Méditerranée et dont le point culminant, nommé Djebel Tidirhine, s’élève à 2 456 m. Cette chaîne montagneuse forme avec les cordillères bétiques d’Andalousie un même arc montagneux qui se prolonge au-delà du détroit de . La province de Chefchaouen, créée en 1975, regroupe 27 communes rurales et 1 urbaine et comptabilise 456 701 habitants en 2014 (Haut-Commissariat au Plan). Elle est située dans le du Rif occidental, limitée au nord par la Méditerranée sur une longueur de 120 km, au sud par les provinces de Taounate et Ouezzane, à l'est par la province d'Al Hoceima et à l'ouest par les provinces de Tétouan et Larache. La ville de Chefchaouen, chef-lieu de la province, est située au pied des monts Kelaa et Meggou. Fondée en 1471 par Moulay Ali Ben Rachid dans un contexte de risque d’invasion portugaise, elle compte près de 42 786 habitants en 2014 (Agence pour la promotion et le développement du Nord) et est située à 564 mètres d'altitude. La province d’Ouezzane, anciennement nommée Sidi Kacem, est établie en 2009 et comptabilise 298 751 habitants en 2014 (Haut-Commissariat au Plan). Subdivision à dominante également rurale (16 communes rurales et 1 urbaine), enclavée dans les terres du Rif occidental, la densité de sa population s’élève à 165 habitants par km2. En bordure de la région de Rabat-Salé-Kénitra au au sud-ouest et de la région de Fès-Meknès au sud-est, la province d’Ouezzane est contiguë à celle de Chefchaouen au nord-est. Son chef-lieu est la commune d’Ouezzane qui regroupe 59 606 habitants en 2014 (Agence pour la promotion et le développement du Nord).

B. L’affirmation d’un microclimat et d’un riche patrimoine hydrique.

La région bénéficie du plus fort taux de pluviométrie au Maroc. Les moyennes annuelles des précipitations sont supérieures à 700 mm/an. Les zones de montagne oscillent entre hivers pluvieux et froids en hiver et doux en été.

Fig. 3. Pluviométrie moyenne annuelle dans la région de Tanger.

Source : Direction Générale des Collectivités Locales (2015)

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Les eaux de surface, de par la combinaison entre fortes pentes, fortes précipitations et terre argileuse, constituent l’essentiel des ressources en eau de la région. Les cascades, gorges, gouffres, etc. sont également nombreuses dans la province de Chefchaouen. La présence d’une nappe phréatique importante au niveau de la province de Chefchaouen (cf. carte ci-dessous) permet l’approvisionnement en eau des zones urbaines via le réseau souterrain.

Fig. 4. Hydrographie de la région

Source : Direction Générale des Collectivités Locales, 2015 .

C. Une biodiversité méditerranéenne combinée à la présence d’activités agricoles anciennes.

De par sa végétation remarquable, le Rif s’impose comme un haut-lieu de biodiversité pour la région méditerranéenne ainsi qu’à l’échelle globale (Médail et Quézel, 1997). La surface forestière de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima est évaluée à 487 000 ha (Direction Générale des Collectivités Locales, 2011), soit 28,3 % de la surface totale régionale. Les principales espèces forestières répertoriées dans la région sont : le chêne liège, le chêne vert, le pin maritime, le chêne zen et tauzin, le pin, le cèdre et le sapin endémique Abies maroccana. Classées par l’Unesco dans la Ç Réserve de la biosphère intercontinentale de la Méditerranée È en 2006 (Berriane et Moizo, 2012), celles-ci bénéficient d’une protection. La province de Chefchaouen est particulièrement marquée par l'importance de ses espaces forestiers (211 040 ha, soit 43 % de l’ensemble forestier de la région), qui couvrent les trois quart du Parc naturel régional de Bouhachem, à cheval sur trois provinces (Larache, Chefchaouen et Tétouan). Contrairement à la rive nord de la Méditerranée qui a accusé des déforestations importantes depuis le Néolithique, les impacts de l’homme sur la végétation apparaissent tardivement dans le Rif, durant la période Saâdienne au XVIe siècle (Muller et al., 2015). Grâce aux efforts en reboisement menés depuis plus d’un demi-siècle par le Département

24 des Eaux et Forêts5 face à l’étalement urbain et à la pression foncière au profit des cultures de céréales, la région bénéficie aujourd’hui de plus de 100.507 ha de forêt reboisée. La présence d’activités agricoles traditionnelles dans le Rif remonte au Néolithique. Bénéficiant d’une culture agraire et alimentaire riche, les céréales (petit épeautre, amidonnier, blé dur), légumineuses (lentilles, petits pois, fèves), l’élevage d’animaux domestiques et la fabrication de poteries remontent à 5000 av. J.-C. (Morales et al., 2016). Divers travaux sur le figuier et l’olivier soulignent également l’importance de cette région dans les processus de domestication pour la région Ouest méditerranéenne (Khadari et al., 2008 ; Achtak, 2009 ; Aumeeruddy-Thomas et al., 2017), marquée par la présence de cultivateurs sédentaires (El Habbassi, 1997). Cependant, les savoirs paysans de la région demeurent souvent marginalisés au profit de la modernisation agricole, comme dans beaucoup de régions dans le monde aujourd’hui. Nous pouvons observer la présence d’activités oléicoles intensives au sud du Rif ainsi que la présence d’activités intensives céréalières en zone littorale (carte ci-dessous). Depuis peu, le concept de développement durable vient toutefois contrebalancer la tendance, en valorisant notamment les activités agricoles biologiques et respectueuses de l’environnement et des hommes (Auclair et al., 2006).

Fig. 5. Carte des activités liées au secteur primaire.

Source : Atlas de l'Afrique, 2015

5 Les principaux programmes de reboisement sont actés via le PNR (Plan National de Reboisement) en 1970 et le PDR (Plan Directeur de Reboisement) en 1994.

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II. Un héritage historique cristallisé autour d’une volonté d’indépendance.

A. L’affirmation ancienne d’une identité rifaine

Peuplé par les sociétés berbères, elles-mêmes influencées par les Phéniciens, Vandales, Romains et Arabes, le Rif a connu les premières migrations arabes au VIIe siècle. Ainsi, les parlers arabes Jbala représentent la première couche d’arabisation du Maghreb, ces derniers arrivant par les hauts plateaux et par le Nord du Sahara d’abord au XIe siècle, puis au XIVe siècle et au XVIe siècle. Les ruraux adoptent peu à peu la langue de la ville, l’arabe, sans pour autant délaisser le berbère amazighe. Les formes d’arabe les plus anciennement implantées au Maroc sont identifiées au XXe siècle par les dialectologues tels l’arabe Ç montagnard È et l’arabe Ç villageois È. De par la sédentarisation prolongée de la population, les contacts continus entre les différents parlers arabes et berbères de la région du Rif se perpétuent encore aujourd’hui. La langue étant un élément identitaire fort, les langues arabes et berbères du Rif façonnent des identités langagières rifaines au Maroc. Elles constituent également des frontières poreuses entre parlers Jbala et parlers citadins (Yildiz Aumeeruddy-Thomas et al., 2017). Comme le montre la carte ci-dessous, ce sont les parlers arabes montagnards qui sont largement répandus dans nos zones d’étude, à savoir les provinces de Chefchaouen et d’Ouezzane. Et si la langue française est largement répandue au Maroc (un peu moins de 50%), dans notre zone d’étude il y a davantage de personnes parlant l’arabe seul (plus de 50%) que l’arabe et le français (un peu moins de 40%).

Fig. 6 Carte des différents parlers du Rif.

Source : Vignet-Zunz, 2014.

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B. Les mouvements d’indépendance et les révoltes contemporaines

Mise en scène à travers le récit d’histoire et d’aventure de Fabien Bedouel et Merwan Chabane intitulé L’Or et le sang, la guerre du Rif (1921-1926) demeure pourtant largement oubliée (Saffroy, 2017). Contre les Français et les Espagnols qui avaient chacun établi un protectorat sur une partie du Rif, les populations rifaines ont mené de vifs combats en faveur d’une indépendance moderne, tant à l’égard du Sultan du Maroc que des puissances coloniales européennes. Cette guerre s’est notamment incarnée à travers un homme, Abdelkrim El Khattabi (1882-1963), qui deviendra le leader de la révolte dès 1921, année où commencent les insurrections contre l’occupation espagnole. C’est à travers la bataille d’Anoual, qui s’est déroulée le 21 juillet 1921, qu’est lancée la première grande offensive des indépendantistes. 3000 soldats rifains prennent d’assaut des troupes espagnoles, dont on a dénombré 16000 morts. Les indépendantistes ne tardent pas à proclamer l’indépendance de la République confédérée des Tribus du Rif, le 1er février 1922. Toutefois, le Maroc est toujours sous protectorat français et espagnol, et les deux puissances ne tardent pas à s’allier pour faire disparaître la république rebelle. L’armée espagnole d’Afrique n’hésite d’ailleurs pas à user des armes chimiques pour réprimer les rebelles du Rif. Du gaz moutarde aurait en effet été largué par avion en 1924, soit un an avant la signature du protocole de Genève Ç concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques È (Charqi, 2014). Le 27 mai 1926, le Rif est pris d’assaut par les troupes françaises et espagnoles. A. El Khattabi est arrêté par les troupes françaises et exilé à La Réunion. Il rejoindra le Caire en 1947, où il fondera le Comité de libération du Maghreb. D’autres insurrections éclatent à nouveau dans le Rif, notamment entre 1958 et 1959. Deux ans après la déclaration de l’indépendance, le Rif conteste son enclavement et son exclusion des nouvelles institutions politiques du Maroc. Le prince héritier Hassan II ne tarde pas à réprimer les insurgés, causant plus de 3000 morts.

Le 26 janvier 1984 a lieu la révolte des Ç Awbachs È. Des milliers d’étudiants rifains protestent dans les rues, essentiellement à Nador, et dénoncent la hausse des frais de scolarité et la situation économique catastrophique de la région. La répression de l’armée est massive. Hassan II qualifie les émeutiers d’« Awbachs È, soit de Ç sauvages È et exclut le Rif des projets de développement du Maroc.

Au tournant des années 2000 ont également lieu plusieurs épisodes de crises dans le Rif marocain, notamment suite au séisme meurtrier du 24 février 2004 dans la région d’Al Hocéima (600 morts, 926 blessés et 15 230 sans-abri). De nombreux rescapés organisent des manifestations contre la lenteur de l’intervention des secours. Le 20 février 2011 est marqué par la découverte de 5 corps calcinés dans une agence bancaire incendiée par des manifestants à Al Hoceima. Plusieurs ONG locales indiquent que les forces de l’ordre ont usé de la force de façon disproportionnée. Le 7 février 2012 éclatent plusieurs manifestations contre la cherté de la vie dans plusieurs villages de la province d’Al Hoceima. Encore plus récemment, la région est de nouveau à vif. Le 28 octobre 2016, un poissonnier meurt broyé dans une benne à ordure alors qu’il tentait de sauver de la destruction sa marchandise confisquée par les autorités. Des milliers de personnes sortent dans les rues d’Al Hoceima pour protester.

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III. Chefchaouen et Ouezzane, des territoires de marge similaires ?

A. Des populations jeunes et surtout rurales

En 2014 selon le Haut-commissariat du Plan (HCP) le Maroc comptait 33,6 millions d’habitants, dont 20,3 en milieu urbain, et 13,3 en milieu rural.

Fig. 7 : Poids démographique des 12 régions (en pourcentage)

Laayoun-Sakia El Hamra

Souss-Massa

Marrakech-Safi

Béni-Mellal Khenifra

Fès-Meknès

Tanger-Tetouan-Al Hoceima 0,00 5,00 10,00 15,00 20,00 25,00 % Source: HCP, 2014

Selon le dernier RGPH de 2014, la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima vient au 5e rang avec une population de 3,56 millions habitants, soit 10,5 % de la population totale du pays, contre 8,3 % en 2006. En effet, le taux d'accroissement annuel moyen de la région sur la période 2004-2014 (1,49 %) est légèrement supérieur à la moyenne nationale (1,3 %) (Direction Générale des collectivités locales). La population est jeune. La province de Chefchaouen a par exemple plus de la moitié de la population qui a moins de 30 ans, soit 65 %. La structure par âge de la population de la province d’Ouezzane enregistre une proportion inférieure de personnes de moins de 35 ans à celle de la province de Chefchaouen. En conclusion la population de Chefchaouen est plus jeune que celle de Ouezzane et la part des personnes qui ont 50 ans et plus est plus importante à Ouezzane qu’à Chefchaouen.

Fig. 8 : Pyramide des âges des provinces de Chefchaouen et de Ouezzane

70 à 74 60 à 64 50 à 54 Féminin Chefchaouen 40 à 44 30 à 34 Masculin Chefchaouen 20 à 24 Féminin Ouezzane 10 à 14 Moins de 5 Masculin Ouezzane 20 10 0 10 20 Proportion Source: HCP, RGPH 2014

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Il s’agit de deux provinces dont la population vit majoritairement en milieu rural : plus de 87 % à Chefchaouen et plus de 76 % à Ouezzane. Ces proportions dépassent largement celles du niveau régional et national qui sont respectivement de 59,9 % et 60,4 %. La proportion de personnes vivant en milieu urbain est toutefois deux fois plus importante dans la province d’Ouezzane qu’à Chefchaouen.

Fig. 9 : Pourcentages de populations urbaines et rurales

100 87,5 90 76,6 80 70 60,4 59,9 60 50 39,6 40,1 40

Pourcentage 30 23,4 20 12,5 10 0 Maroc Tanger- Ouezzane Chefchaouen Téouan Source: HCP Milieu de résidence Urbaine Rurale 2014 B. Education, pauvreté et emploi : une région vulnérable

Le Maroc a un taux de scolarisation s’élevant à 95,1 % chez les personnes âgées de 7 à 12 ans et un taux d’analphabétisme de 32,2 % pour l’ensemble de la population. Dans la province de Chefchaouen, 90 % des 7-12 ans sont scolarisés contre 96,6 % pour la province d’Ouezzane, mettant ainsi cette dernière devant la province de Chefchaouen en matière de taux de scolarisation. Le taux d’analphabétisme de la province de Chefchaouen est supérieur à la moyenne régionale et nationale.

Fig. 10 : Taux de scolarisation et d’analphabétisme du Maroc, de la région de Tanger- Tétouan et des provinces de Chefchaouen et Ouezzane (en %). Source : HCP, RGPH 2014

Maroc Tanger- Tétouan Chefchaouen Ouezzane

Taux de scolarisation 95,1 90,9 90 96,6

(7 à 12 ans)

Taux d’analphabétisme 32,2 31 40,2 39,2

Le taux d’activité net au Maroc est de 47,6 %, et celui du chômage de 16,2%. La région de Tanger-Tétouan a un taux d’activité légèrement supérieur (51,1%) et un taux de chômage s’élevant à 14,9 %. Le taux de chômage est là encore plus bas à Chefchaouen avec seulement 7,9 % de chômeurs, contre 13 % de chômeurs à Ouezzane.

La région du Rif a toujours été source de problèmes pour le pouvoir central en raison de son passé sécessionniste et des différentes révoltes qu’elle a connu. Le pays de la ‘’Siba’’ et de l’insoumission a subi les foudres des anciennes puissances coloniales espagnole et française ainsi que la répression de Hassan II. Même si le régime marocain s’est réconcilié

29 avec les habitants de cette région berbérophone, ceux-ci se sentent encore laissés pour compte (Jeune Afrique). La population en situation de pauvreté, selon la définition retenue du HCP (Haut commissariat au Plan) est la proportion des individus dont la dépense annuelle moyenne par personne se situe entre le seuil de pauvreté relative et 1,5 fois ce seuil. La région de Tanger-Tetouan-Al Hoceima, est l’une des régions avec le taux de pauvreté le plus bas (1,0% en milieu urbain contre 5,0% en milieu rural). Au niveau des provinces, la province de Chefchaouen enregistre un taux de pauvreté plus élevé que celui d’Ouezzane, avec respectivement 4,7 % contre 3,0 %.

Figure 11 : Répartition de la pauvreté monétaire par région ( 2014)

C. Le défi des infrastructures.

Les infrastructures routières. Les infrastructures routières occupent une place importante dans la politique de développement au Maroc : en effet elles ont un rôle capital à jouer dans le développement économique, social, touristique et permettent un aménagement équilibré du territoire et le désenclavement des territoires ruraux.

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Les infrastructures routières assurent ainsi le déplacement de 90% des personnes et 75% des marchandises (http://www.equipement.gov.ma). Sur l’ensemble du réseau routier revêtu national, les routes provinciales constituent plus de la moitié avec 55%, contre 22% pour les routes régionales et 23% pour les routes nationales.

Figure 12 : Carte des infrastructures routières.

Source : chaouen.info

La longueur totale du réseau routier de la région Tanger-Tétouan est d’environ 2156,7 km, toutefois un nouveau programme visant à améliorer l’état du réseau routier de cette région a été mis en place. Cette longueur est répartie comme suit :

Fig. 13 : Répartition du réseau routier par catégorie et par état de route.

Longueur du réseau Longueur du réseau non Catégories de routes revêtu (km) revêtu (km) Total (Km)

Routes nationales 670 0 670

Routes régionales 345,1 0 345,1 Routes provinciales 1090,7 50,9 1141,6 Réseau global régional 2105,8 50,9 2156,7 Source: Ministère de l’Equipement du Maroc

Fig. 14 : Répartition du réseau routier par province et par catégorie de routes

préfecture / Province Routes NationalesRoutes RégionalesRoutes ProvincialesTotal Réseau routier Tanger Assilah 80,7 24 136,1 240,8 FahsAnjra 58,9 0 94,4 153,3 M'diq- 50,7 0 6,8 57,5 Tétouan 131,3 23,8 153,8 308,9

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Larache 62,3 118 221,1 401,3 Chefchaouen 230 101,2 212,1 543,2 Ouezzane 56,2 78,2 317,3 451,7

Total 670 345,1 1141,6 2156,7 Source: Ministère des équipements du Maroc

Densité du réseau routier régional La densité du réseau, soit le rapport de la longueur du réseau revêtu sur le nombre total d’habitants, varie entre 0,25 à 1,93 dans les différentes provinces de la région Tanger- Tétouan (http://www.equipement.gov.ma). La province de Chefchaouen dispose de 543,2 km de routes pour 482 897 habitants soit 1,12 km/1000 Habitants. Quant à la province de Ouezzane, elle dispose de 451,7 km de routes pour 306 009 habitants soit 1,48 km/ 1000 Habitants, ce qui en fait la deuxième province possédant réseau routier le plus dense de la région, derrière la province de FahsAnjra.

Fig. 15 : Densité du réseau routier par province

Longueur Densité Province réseau Population (hab) Sociale km/1000 hab Tanger Assilah 240,8 956 040 0,25 FahsAnjra 153,3 79 608 1,93 M'diq- Fnideq 57,5 179 133 0,32 Tétouan 308,9 538 665 0,57 Larache 401,3 494 859 0,81 Chefchaouen 543,2 482 897 1,12 Ouezzane 451,7 306 009 1,48 Total 2 156,70 3 037 211 0,71 Source: Ministère des équipements du Maroc

Les infrastructures sanitaires à Chefchaouen et à Ouezzane. En 2011, selon les données du ministère de la santé, la province de Chefchaouen compte un hôpital public et 63 centres de santé, dont la majorité était des DR (Dispensaire Rural) (21) et des CSC (Centre de santé de santé Communale) (18). La province de Ouezzane compte 36 centres de santé publics selon la même source.

Les infrastructures scolaires.

* Etablissements primaires : Selon les données du ministère de l’éducation en 2014, la région de Tanger-Tetouan était dotée de 826 établissements primaires publics. La province de Chefchaouen accueille 15,9% de ces écoles primaires de la région, contre 10,5% dans la province de Ouezzane.

* Collèges : Selon les données du ministère de l’éducation en 2014, il y avait 168 collèges publics dans la région de Tanger-Tetouan, soit 1,4% des collèges du pays. La province de Chefchaouen dispose de 18 collèges publics, contre 14 collèges publics pour la province de Ouezzane, ce qui place ces deux provinces presqu’au même niveau en matière de dotation en collèges.

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Conclusion

Les deux provinces étudiées, bénéficiant de forêts denses et d’une forte pluviométrie (plus de 700mm/an), s’imposent comme des hauts lieux de biodiversité dont le patrimoine hydraulique (sources, rivières, cascades, etc.) s’est imposé au fil des siècles. Inscrites historiquement en rébellion avec le pouvoir central marocain, ces deux zones d’étude, imprégnées du Rif et de son histoire, sont marquées par de nombreuses cicatrices, dont les générations d’aujourd’hui ressentent encore les effets (cancers causés par les armes chimiques larguées par l’armée espagnole dans plusieurs villages durant l’année 1924, problèmes de Ç mal-développement È, etc.). Peuplées par les sociétés berbères auxquelles l’arabisation a été imposée dès le XXe siècle, celles-ci n’ont pas pour autant délaissé leurs dialectes et continuent de transmettre les parlers amazigh tout en prenant soin de délivrer aux générations futures les activités ancestrales telles que la culture d’oliveraies, de figuiers, l’élevage de chèvres, etc., toujours à contre-courant du gouvernement central dont le maître- mot semble se résumer à Ç intensification agricole È, comme bon nombre de pays d’Afrique aujourd’hui. La région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima se classe au 5e rang des régions marocaines avec une population de 3,6 millions d’habitants, soit 10,51% de la population totale du Maroc, et possède le taux de vulnérabilité et de pauvreté le moins élevé du pays. La population des provinces Chefchaouen et Ouezzane vit majoritairement en milieu rural et est relativement jeune.

Articles et ouvrages scientifiques :

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Podcasts : https://www.franceculture.fr/histoire/au-maroc-lempreinte-du-heros-anticolonial-abdelkrim-agite- toujours-le-rif https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/jusquou-peut-aller-la-colere-du-rif- marocain

Sites internet : Ministère de la Santé du Maroc : www.equipement.gov.ma Ministère de l’Education du Maroc : www.men.gov.ma Ministère de l’Equipement : www.equipement.gov.ma Les données ouvertes de l’administration au Maroc : data.gov.ma

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Synthèse : Processus de décentralisation et acteurs locaux au Maroc Cicéron Kanli et Ansoumane Camara

Introduction I. Le processus de décentralisation au Maroc A. Le système administratif B. Les découpages régionaux C. Le fonctionnement des circonscriptions centralisée et collectivités décentralisées D. Les limites de la décentralisation régionale II. Les acteurs locaux A. Les autorités locales en charge des questions agricoles B. Les coopératives, Historique et Activités III. Relations entre l’État et les organisations rurales A. Des frontières aux statuts juridiques flous B. La polarisation des organisations agricoles C. La Politique de désengagement de l’Etat D. Exemple de partenariat public-privé IV. Acteurs locaux à Chefchaouen et Ouezzane A. Groupements de production de produits labellisés B. Autres Coopératives Conclusion Bibliographie

Introduction

Le découpage et l’organisation territoriale du Maroc ont beaucoup évolué depuis l’indépendance. Entre 1959 et 2015, le Maroc a longuement construit et affiné son organisation territoriale. Au lendemain de l’indépendance en 1956, de nombreuses difficultés politiques ont émergé au Royaume chérifien. Des problèmes économiques ont entrainé par ailleurs des tensions sociales, notamment des émeutes : à Casablanca en 1965 et 1985, mais aussi à Fès en 1990, ainsi que dans des zones rurales (Forum Méditerranéen du service public, 2015). Ces différents évènements ont peu à peu posé la question des découpages administratifs. Au début des années 1980, les préoccupations économiques entrent en ligne de compte dans les questions d’aménagement du territoire. Ainsi, suite au discours royal du 24 octobre 1984, 4 objectifs de redécoupage ont été fixés : i) La mise en place d’unités plus réduites afin de Ç constituer des zones maitrisables de développement local È ; ii) La promotion de la démocratie par l’élargissement des Ç chances de participation des citoyens à la chose publique È ; iii) Tendre vers l’idéal d’une administration proche du citoyen ; iv) La maximisation de la Ç spatialisation de développement È par la multiplication des Ç agents administratifs et économique È (Boujrouf et Giraut, 2000 ; Forum Méditerranéen du service public, Données générales, 2015).

La concrétisation de ce projet aboutit dans le décret du 30 juin 1992. En 2002, la charte communale est modifiée, entraînant une fusion des communes appartenant à des communautés urbaines, dans une logique d’unité de la ville (Harsi, 2003). Enfin, depuis le redécoupage régional de 2015, il y a 12 régions et wilayas, rassemblant 75 préfectures ou provinces (13 préfectures et 62 provinces).

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I. Le processus de décentralisation au Maroc

A. Le système administratif

L’article 135 de la Constitution établit que les régions, les préfectures, les provinces et les communes sont des collectivités territoriales. Initiée dès les années qui ont suivi l’indépendance, la décentralisation au Maroc fait référence à 3 échelons définis par la loi n¡47-96 de 1997 : les régions ; les préfectures (zones plutôt urbaines) et les provinces (zones plutôt rurales) ; enfin les communes (urbaines ou rurales). Le Maroc se caractérise par deux organes déconcentrés : le gouverneur et le wali. Le gouverneur est désigné comme représentant de l’exécutif dans la province ou la préfecture. La constitution de 2011 établit que le gouverneur représente le pouvoir central dans la province et la préfecture au même titre que le wali dans la région. Le gouverneur veille à l’application des lois et des règlements, ainsi qu’à l’exécution des directives et décisions du gouvernement (Harsi, 2003). Le wali est un haut fonctionnaire qui représente le pouvoir central au niveau des régions. Aux walis et aux gouverneurs s’ajoutent les cercles gouvernés par un chef de cercle. Le cercle est un échelon intermédiaire entre la province et le caïdat, une circonscription administrative rurale sous l’autorité d’un caïd. Il existe aussi des circonscriptions administratives urbaines : les pachaliks, sous l’autorité d’un fonctionnaire nommé le pacha.

Fig. 1 : Le système administratif

Depuis juillet 2008, on dénombre plusieurs échelons administratifs avec, à la tête de chacun, des agents d'autorité dépendant du Ministère de l'Intérieur (Harsi, 2005) :

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1. - Le wali, haut fonctionnaire aux wilayas, qui correspondent aux régions. - Le gouverneur, haut fonctionnaire aux préfectures ou provinces. - Le pacha (haut fonctionnaire à la tête des pachaliks) ou le chef de cercle (haut fonctionnaire à la tête des cercles). Les pachaliks correspondent aux municipalités et les cercles constituent un échelon intermédiaire entre la préfecture ou province et le caïdat en milieu rural. - Le caïd, haut fonctionnaire à la tête des caïdats qui regroupent une ou plusieurs communes rurales.

Selon la synthèse du rapport sur les ressources humaines de la direction du budget du Ministère de l’économie (2015), avec le nouveau découpage régional, 60% du personnel civil de l’Etat se concentre au niveau de quatre régions avec près de 351.000 fonctionnaires : RabatÐSaléÐKénitra en tête, CasablancaÐSettat, FésÐMeknès et MarrakechÐSafi. Quant à la région de TangerÐTétouanÐHoceima, qui est appelée aujourd’hui à jouer le rôle de nouveau pôle économique, 9% seulement des effectifs civils sont affectés à cette région en pleine mutation. Cette disparité entre les régions en termes de répartition des ressources humaines pose la question de la capacité de ces effectifs d’assurer la gestion des services administratifs destinés à une population en pleine mutation économique et sociale.

B. Les découpages régionaux

Sur les principales étapes de l'histoire de la région au Maroc, voir Harsi, 2005 ; Vermeren, 2010 ; Lokrifa, et Moisseron, 2014 ; Forum Méditerranéen du service public, 2015.

1959, l'héritage du Protectorat Après son indépendance, en 1956, le Maroc hérite des territoires administratifs établis par le Protectorat6. En 1959, la loi N¡ 1-59-351 relative à la division territoriale du royaume découpe le territoire national en 16 provinces et 2 préfectures, avant d’être complétée par la loi de 1960 relative à l’organisation communale et portant création des communes urbaines et rurales. Malgré ces découpages opérés par les pouvoirs publics dans le but d'équilibrer une organisation spatiale héritée du Protectorat, la persistance des disparités régionales rendra impérative l'adoption d'un nouveau découpage en 1971.

1971, la régionalisation économique Le découpage de 1971 marque l'apparition de la notion de la région dans l’organisation territoriale du royaume. Le Maroc se dote d'un découpage qui crée 7 régions. La rupture du découpage de 1971 avec les découpages coloniaux s'y manifeste autant dans la volonté de minorer le poids de la géographie physique (qui était le principal référent des premiers découpages coloniaux), que dans la doctrine de développement autocentré qu'il souhaitait servir. Mais l'expérience de 1971 se solde par un échec du, en partie, aux profondes dysharmonies du découpage, qui ont contribué à creuser le fossé entre régions

6 Le protectorat français au Maroc est le régime de tutelle qui fut exercé par la France dans l'Empire chérifien. Mis en place par le traité franco-marocain conclu à Fès, le 30 mars 1912, entre la Troisième République française et Moulay Abd El Hafid, éphémère sultan marocain, il était officiellement nommé Protectorat français dans l'Empire chérifien dans le traité de Fès, publié quelques mois après dans le premier bulletin officiel du pays, qui avait pour en-tête : Ç Empire chérifien : Protectorat de la République française au Maroc È.

38 riches et régions pauvres. La tentative des décideurs de structurer l'espace régional autour de grands pôles et d'agglomérations, parfois au-delà de la zone de rayonnement desdits pôles, afin de corriger les déséquilibres en matière de développement ; le souci tous azimuts d'ouvrir les régions sur la mer (6 régions sur 7 avaient un accès maritime), en créant de larges couloirs ; autant de choix qui ont contribué à l'échec de l'expérience de 1971.

1997, la région reconnue comme collectivité territoriale En 1997, un nouveau découpage créant 16 régions est adopté. La région n'est plus un simple cadre spatial neutre destiné au déploiement de plans économiques, mais est reconnue comme collectivité territoriale. Elle est certes dotée de pouvoirs, d'attributions et de compétences, mais ces derniers demeurent limités en raison de la tutelle pesante et complexe de l'administration centrale via les Walis (Le wali est un haut fonctionnaire dans les wilayas, qui correspondent au niveau régional). La toponymie accompagnant le découpage de 1997 a cherché à mettre en valeur les identités collectives, en attribuant à certaines régions les noms des ensembles tribaux qui y ont vécu (la région de Doukkala-Abda et celle de Gharb- Chrarda-Beni Hassen notamment), dans le but de faire de la région un cadre auquel la totalité des habitants s'identifient.

Fig. 2 : Le projet de Découpage territorial en 1997

Source : Direction de la Statistique, Rabat 1997.

2015, un découpage pour une régionalisation avancée En dépit de quelques avancées positives, la régionalisation entreprise dans les années 1990 n'a pas su apporter une réponse aux changements qui touchent le Maroc : urbanisation galopante accompagnée d'une croissance inégale des régions ; exode rural difficile à contenir ; émergence d'ONG et de réseaux associatifs locaux dont l'action remédie parfois à l'inaction de l'Etat ; mondialisation qui nécessitera l'affirmation de régions compétitives ;

39 injonction des organismes internationaux, qui encouragent l'Etat à réduire ses domaines d'intervention. La tutelle pesante de l'Etat sur les régions, le peu de moyens financiers qui leur ont été alloués et la timide décentralisation ont nécessité une nouvelle réforme. Le gouvernement adopte une position encore très centralisatrice, et les réels pouvoirs des régions sont limités (Abibi, 2011, p. 154). Le nouveau découpage a réduit le nombre de région de 16 à 12. On constate que les principales modifications ont eu lieu dans les régions proches du littoral atlantique. Il y a eu la volonté de la part du gouvernement de faire des régions plus grandes, en dehors des métropoles attractives sur le plan économique et touristique, telles que Rabat et Casablanca. Le nouveau découpage consiste donc en un regroupement de régions littorales de petite taille, afin d’équilibrer davantage le territoire marocain. Un autre critère principal sur lequel s'est fondé le découpage est Ç la notion de proximité È qui renvoie à une distance relationnelle, la région devant être un lieu d’identification et un cadre d’implication des acteurs locaux où les citoyens partagent un minimum de repères communs et perçoivent, globalement, un tel espace régional comme pertinent. Aussi, ce changement dans l’architecture territoriale s’est accompagné d’une redéfinition des compétences des structures décentralisées au niveau local.

Fig. 2 : Le projet de découpage territorial en 2015

Source : Ç Découpage territorial, La nouvelle carte du Maroc dévoilée È, REDA, ZAIREG, 2015

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C. Le fonctionnement des circonscriptions centralisées et des collectivités décentralisées

Le fonctionnement des régions La région occupe une place importante dans le système décentralisé marocain, elle constitue à la fois un cadre de représentation et un cadre de développement économique et social. Sa fonction de développement économique et social est intimement liée à sa compétence en matière de planification. Le Conseil régional décide également Ç de toutes mesures liées à la protection de l’environnement, à la formation professionnelle, à la promotion des investissements privés, à la promotion de l’emploi, du sport, des activités socioculturelles et de toute action de solidarité sociale. Il peut enfin faire des propositions et émettre des avis. Les régions disposent de l’autonomie financière, et leurs conseils sont élus au suffrage universel direct pour 6 ans. Le wali assure l’exécution des décisions du Conseil régional.

Le fonctionnement des provinces et préfectures La province et la préfecture constituent des échelons de déconcentration, composés des différents services extérieurs de l’Etat. Le gouverneur qui se situe à leur tête est en charge de l’exécution des lois et règlements ainsi que du maintien de l’ordre public. Ce sont néanmoins aussi des collectivités locales, qui se caractérisent par des assemblées délibérantes Ð l’assemblée provinciale ou préfectorale Ð élues au suffrage indirect. Bien que disposant de réelles attributions telles que le règlement de questions d’ordre administratif ou économique, les compétences sont limitées par le fait que les communes exercent Ç l’essentiel des activités d’intérêt local È (Harsi, 2003).

Le fonctionnement des communes On recense deux types de communes : les communes urbaines et les communes rurales. Le conseil communal, présent dans les deux types de communes, dispose de compétences propres qui concernent 7 domaines : le développement économique et social ; les finances, la fiscalité et les biens communaux ; les services publics locaux et les équipements collectifs ; l’urbanisme et l’aménagement du territoire ; la coopération et le partenariat ; les équipements et l’action socioculturels ; l’hygiène, la salubrité et l’environnement. Le conseil communal examine et vote le budget et les comptes administratifs. Il fixe le taux des taxes, les tarifs des redevances et des droits divers. Enfin, au même titre que le Conseil régional, le Conseil communal dispose de compétences consultatives en matière de politique de développement économique et social notamment.

D. Les limites de la décentralisation régionale.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la région en 1997, les missions de la région n’ont pu être valablement accomplies du fait de l’absence de textes d’application ou d’accompagnement. La remarque est valable pour des attributions aussi importantes que la formation professionnelle (qui demeure encore une affaire nationale), ou la promotion de l’emploi. Pour cette dernière compétence, à titre d’exemple, la région ne peut pas encore, juridiquement, entreprendre des actions pratiquées dans d’autres pays, comme l’aide aux entreprises en difficulté, l’octroi de prêts ou de primes d’encouragement à la création d’emplois. Sans ce genre de mesures, les compétences de la région risquent de demeurer théoriques, et la décentralisation régionale sans aucun contenu réel. En ce qui concerne la province ou la préfecture, bien que la loi dispose que l’assemblée élue peut régler toute

41 question d’ordre administratif ou économique intéressant la collectivité, les attributions exercées sont très réduites dans la réalité. La portée limitée des interventions de la préfecture ou la province s’explique par le fait que ce sont les communes qui exercent l’essentiel des activités d’intérêt local qui leur reviennent soit de droit, soit de fait en raison du monopole qu’elles ont sur le territoire, qui appartient en principe aux communes.

v Régions riches et régions pauvres Notre zone d’étude s‘inscrit dans la région de Tanger-Tetouan-Al Hoceima. Le découpage du Royaume en 12 régions fait ressortir le fait que la richesse nationale se concentre principalement sur quelques régions. Ainsi, Casablanca-Settat et Rabat-Salé- Kénitra représentent à elles deux près de 48 % du PIB national, soit respectivement 32,2 % et 15,8 %. Derrière ces deux régions, suivent Marrakech-Safi (9,5 % du PIB national), Fès- Meknès (9,1 %) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (8,9 %). La région Ed Dakhla-Oued Ed Dahab ne pèse, quant à elle, que 1 % du PIB national. L’examen de la structure du PIB permet de distinguer trois groupes de région selon leur profil. Le premier, qui se compose des régions Casablanca/Settat, Rabat-Salé- Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima, se caractérise par une prépondérance des activités industrielles et des services. Le 2e groupe (Souss-Massa, Béni Mellal-Khénifra, Drâa-Tafilalet, Guelmim-Oued Noun, Laâyoune- Saguia Al Hamra et Ed Dakhla-Oued Ed Dahab) est dominé par des activités primaires, notamment les industries extractives et minières. Enfin, le 3e groupe (Fès- Meknès, Marrakech-Safi et L’Oriental) correspond à des régions dont les activités restent hétérogènes.

Fig. 3 : Répartition du PIB par région

Source : Chiffres du Haut-Commissariat au Plan, Site d'information de La Chambre Française de Commerce Et d’Industrie Du Maroc (CFCIM), régionalisation avancée pour un développement intégré, date de publication : 8 juillet 2016 [en ligne], Url : http://www.cfcim.org/magazine/27242 (consulte le 22-01-2018)

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II. Les acteurs locaux

A. Les autorités locales en charge des questions agricoles

La première autorité en charge des questions agricoles au niveau local est le gouverneur. Il est élu par un représentant des quatre chambres professionnelles : agriculture ; commerce, industrie et services ; artisanat ; pêche. Le Wali ou le Gouverneur de la préfecture ou de la province examine et vote le plan de développement économique et social de la préfecture ou la province, conformément aux orientations et objectifs du plan national ; Engage les actions nécessaires à la promotion des investissements notamment la réalisation ou la participation à l’aménagement, l’équipement ou la promotion de zones d’activités économiques ; Engage à titre propre, ou en partenariat avec l’Etat, avec la région ou avec une ou plusieurs communes rurales, toutes actions de nature à promouvoir le développement rural et à soutenir les programmes d’équipement du monde rural ; Veille à la protection de l’environnement. D’après toutes ces compétences attribuées au conseil de la préfecture ou de la province, il apparaît le rôle primordial que joue ou que devra jouer la préfecture ou la province pour assurer le développement économique, social et culturel de cette collectivité territoriale.

B. Les coopératives, historique et activités

Selon l’Office du développement de la coopération, les coopératives ont été implantées parmi les producteurs marocains à partir de 1937 par les autorités du protectorat pour des raisons politiques. Au départ 62 coopératives ont été fonctionnelles à la veille de l’Indépendance. La majorité était des coopératives agricoles et artisanales, des coopératives céréalières et oléicoles, parmi lesquelles certaines existent encore de nos jours. Après l’Indépendance, des mesures ont été prises par l’Etat pour encourager le développement des coopératives dont la promulgation de plusieurs textes juridiques autorisant la constitution de coopératives minières, de coopératives d’habitations, de coopératives agricoles de réformes agraires, etc.

La création de l’ODCo (Office du Développement et de la Coopération) est intervenue en 1962 pour appuyer les coopératives en termes de formation ou pour l’octroi de subventions aux coopératives. Avec ces réformes, le nombre de coopératives a connu un accroissement rapide. En cinq années (2005-2009) l’évolution de l’effectif des coopératives a été de 38,3 %. Cette évolution traduit le rôle déterminant du tissu coopératif dans le développement économique et social au Maroc grâce à une volonté politique réelle.

On observe dans le secteur coopératif du Maroc la prépondérance structurelle de trois secteurs : l’agriculture, l’artisanat et l’habitat avec respectivement 67%, 16% et 7% de l’ensemble des organismes coopératifs. Ces coopératives emploient 24.719 personnes et détiennent des capitaux de 6,4 milliards de dirhams (données relatives à 1 163 coopératives déclarantes en 2008). Force est de constater que le taux de croissance des coopératives en 2005 par rapport à 2004 a été de 3,3 % alors qu’à partir de 2007 il a dépassé 9 %. Il s’agit donc une augmentation importante qui est certainement un impact positif sur les citoyens.

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Fig. 4 : L’évolution des coopératives au Maroc de 2005 à 2009

Source : Ahrouch, S. (2011). Ç Les coopératives au Maroc : enjeux et évolutions È. Revue Internationale de l'Economie Sociale, 90 (322), 23.

Fig. 5 : La répartition sectorielle des coopératives (données de 2008)

Source : Ahrouch, S. (2011). Ç Les coopératives au Maroc : enjeux et évolutions È. Revue Internationale de l'Economie Sociale, 90 (322), 23.

Fig. 6 : Evolution de l’effectif des coopératives au Maroc de 2005 à 2015

Source : réalisation personnelle à partir des données issues des statistiques de l’Office du Développement et de la Coopération.

Sur son site Internet, l’ODCo note que 2021 coopératives sont féminines et rassemblent 34 877 adhérentes, ce qui représente 14,5 % du total fin 2014. On peut donc facilement calculer que la moyenne du nombre de femmes engagées est entre 17 et 18 femmes par coopérative, en augmentation depuis 2013 (11 et 12 femmes en moyenne dans une coopérative). Cette moyenne donne une idée de l’ampleur des initiatives, sachant qu’en général, la production et la productivité d’une coopérative, tout au moins au départ, sont faibles, de même que son capital (moins de 800€ en moyenne par coopérative féminine).

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Fig. 7 : Répartition des femmes dans les coopératives par secteurs

Source : Office du Développement et de la Coopération, Url : www.ODCO.gov.ma (mis en ligne le 17 février 2015 et consulté le 11 décembre 2017)

III. Relations entre l’État et les organisations rurales

A. Des frontières aux statuts juridiques flous

La réorganisation des institutions dans le sens de la décentralisation reste un processus inachevé. Au plan juridique, les statuts placent souvent les organisations agricoles et rurales sous la tutelle et/ou l’autorité des administrations locales, limitant ainsi leur autonomie et leurs capacités d’intervention (Bessaoud, 2008). En général, les organisations professionnelles sont souvent amenées au niveau de leurs activités à exécuter des mesures définies par la puissance publique. Les Chambres d’agriculture sont placées sous la tutelle du Ministre de l’Agriculture, qui approuve les budgets, le règlement intérieur, et le statut du personnel et propose le directeur général. Les statuts, de même que les pratiques administratives observées, maintiennent ces organisations sous l’emprise et l’autorité des pouvoirs locaux (Abaab et al, 2004). Le rôle de ces organisations reste majoritairement consultatif et il n’existe pas d’expériences fortes faisant une place réelle aux acteurs locaux en matière d’information, de concertation et de participation.

Par ailleurs, on note toujours, dans les pays du Maghreb, que les échanges se font essentiellement de façon verticale car, au niveau horizontal ou local, les relations et les formes de coordination avec les autres acteurs sont encore embryonnaires. Dans de rares cas où elles sont formalisées, ces relations connaissent certaines difficultés de fonctionnement et d’efficacité. Les Chambres d’agriculture et les ONG sont ainsi tentées de privilégier les relations avec l’administration en raison de leur dépendance (en termes de patrimoine et de ressources financières) à son égard. La plupart des organisations sont encore fragiles du fait de leur création récente et de pratiques issues du dirigisme administratif Les organisations rurales ont parfois servi de relais d’intérêts extérieurs à leur objet ou à leur public, et les tentatives réelles déployées par certains organismes publics d’instrumentaliser les associations (notamment des associations à vocation sociale) ont ainsi fortement limité

45 leur autonomie de fonctionnement et de décision. Elles sont parfois victimes de détournement financier au profit de leurs dirigeants et/ou de certains groupes sociaux, de constitution d’un réseau de clientèle politique ou de corruption. Elles s’avèrent dès lors peu représentatives de l’ensemble du monde agricole, en particulier des agriculteurs et des ruraux pauvres.

B. La polarisation des organisations agricoles

Très souvent, les institutions et les organisations agricoles sont le reflet de structures dualistes qui caractérisent encore les campagnes maghrébines. Il faut signaler la polarisation d’institutions et d’organisations agricoles et rurales de toute nature et/ou leur concentration dans les zones les plus favorisées du point de vue de leur potentiel naturel de production, de leurs capacités humaines et de leur capital économique. Les petits paysans, agriculteurs pauvres, sont absents des structures et des organes de représentation professionnelle.

Il faut souligner que les politiques libérales ont très nettement favorisé le monopole de la représentation dans les associations des entrepreneurs ruraux et agricoles, ou de groupes de capitalistes agraires largement insérés dans les marchés locaux et/ou internationaux. Les Ç petites È organisations et associations paysannes ne disposent pas toujours de moyens d’action efficaces, ou tout au moins ne sont pas à même d’être mieux représentées dans le paysage institutionnel et organisationnel local, compte-tenu du rapport de forces qui leur est ainsi imposé.

C. La Politique de désengagement de l’Etat

L’orientation de l’Etat à partir de 1983 vers le désengagement de certains secteurs s’est répercutée sur les coopératives : suppressions de certains avantages préférentiels octroyés aux coopératives, politique de désengagement des coopératives…Cette politique constitue une ébauche vers la création de coopératives autonomes qui comptent sur elles- mêmes. Pour renforcer cette orientation, un cadre juridique unique pour les coopératives abrogeant les textes antérieurs a été adopté en 1983, entré en application dans sa totalité en 1993. Ce cadre juridique, la loi n¡ 24.83, portant statut général des coopératives et missions de l’ODCo, prône en faveur de l’autonomie des coopératives, de la formation de l’élément humain des coopératives et de la création des unions de coopératives. Le nombre de coopératives a atteint 15 735 en 2015. Chaque mois, 120 coopératives en moyennes depuis 2010 sont constituées contribuant à la valorisation des produits de terroir et à la création d’emplois etc... Cette forte augmentation pose par conséquent en parallèle et avec acuité le problème de l’accompagnement de ces institutions.

D. L’augmentation des partenariats public-privé dans le domaine agricole

Les partenariats public-privé (PPP) sont un phénomène relativement récent dans le secteur de l’irrigation par exemple. Le projet El Guerdane, dans la région de Souss-Massa, est ainsi le premier du genre. Inauguré en 2008, le projet alimente en eau 10 000 ha de plantations d’agrumes (Houdret et Bonnet 2016). Les banques internationales de

46 développement7 le présentent comme un succès, mais l’impact sur le développement local est jugé mitigé par les chercheurs. Alors que certains agriculteurs ont bénéficié de cette initiative, d’autres ont été marginalisés, en termes d’accès à l’eau, aux terres fertiles et au développement. Fondé sur des recherches de terrain extensives conduites entre 2005 et 2013, Houdret et Bonnet révèlent trois problèmes cruciaux du projet PPP : des effets souvent négatifs sur les revenus des acteurs et sur le développement ; un partage inégal des coûts, des bénéfices et des risques entre les secteurs public et privé ; un impact environnemental incertain. Sur la base de ces résultats, l’étude situe le projet dans le contexte plus large de l’évolution des rapports de force politico-économiques au Maroc.

IV. Les acteurs locaux à Chefchaouen et Ouezzane

A. Groupements de production de produits labellisés

La source de cette liste est le Rapport du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, 2015.

Association Nationale Ovine et Caprine (ANOC) Indication géographique protégée Ç fromage de chèvre Chefchaouen È

Objectifs de l’IGP : Amélioration du niveau de vie de la population locale ; Valorisation du savoir-faire traditionnel. FILIéRE DE L'IGP : Le lait est issu de chèvres de l’élevage extensif valorisant les ressources naturelles ; La contribution des ressources pastorales dans la couverture des besoins alimentaires des animaux varie de 49 % à 78 % ; Les parcours de la région sont riches en essences végétales sauvages et aromatiques. Délimitation géographique : Province de Chefchaouen avec 28 communes et province de Ouezzane avec 6 communes. Réputation historique : Savoir-faire de la population locale en matière de fabrication du fromage ≪ Jben ≫ ; Habitude de consommation de Jben ancrée chez la population de Chefchaouen. Usages : Très apprécié comme plat local. Contact : A. Boukallouch, directeur général de l’ANOC, tél : 037670281, email ; [email protected], site web : www.anoc.ma

Groupement d’Intérêt Economique (GIE) Ç Femmes du Rif È. Indication géographique protégée Ç huile d’olive vierge extra Ouezzane È

Objectifs de l’IGP : Préserver un savoir-faire local ; Améliorer la qualité de la production oléicole dans la région d’Ouezzane ; Assurer un développement durable dans la région de production de l’huile d’olive vierge bénéficiant de l’IGP. FILIéRE DE L'IGP : Superficie : 34,500 ha/an, ce qui représente près de 5 % de la superficie oléicole a l’échelle nationale ; Dominance de la variété ≪ Picholine Marocaine ≫ qui représente près de 93 % des plantations ; Production totale en olives : 45.000 tonnes/an (90 % à la trituration et 10 % à la conserverie). Délimitation géographique : 16 communes rurales de la Province d’Ouezzane.

7(http://siteresources.worldbank.org/INTMNAREGTOPWATRES/Resources/MADRPM_El_Guerdane.pdf)

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Réputation historique : La fondation de la ville d’Ouezzane, selon des recherches historiques, remonte à l’empire Romain qui l’a incluse dans l’axe routier ≪ Tangis Ð Volubili≫ et y a introduit la culture de l'olivier. Principales caractéristiques : ¥ Variété: Picholine marocaine. ¥ Couleur: vert doré. Elle présente un gout piquant qui varie entre 2 et 4 sur l’échelle organoleptique du COI. Acidité libre (exprimée en acide oléique) : ≤ 0,8 % d’huile d’olive ; Teneur en polyphénols totaux : ≥ 200 ppm. Usages : Consommée nature ou associée à d’autres plats culinaires locaux. Contact : par le biais du Salon International de l’agriculture du Maroc (SIAM) : Ecole d'Horticulture - Jnan Ben Halima 50 000 MEKNES Ð MAROC, Téléphone : 00 212 5 35 46 03 00 / 01 Fax : 00 212 5 35 46 03 04 Email : [email protected]

2. Autres Coopératives Source : Agence pour le développement agricole [En ligne], Url : http://www.ada.gov.ma/groupementproduit/ (consulté le 20-01-2017)

Coopérative Agricole BELLOTA (CAB) La Coopérative Agricole BELLOTA Ð CAB a été constituée le 24/11/2004. Son siège social est à Douar Bellota (Chefchaouen). Le nombre des adhérents est de 7. C’est une association à reconnaissance légale (3-05-45, 13 Avril 2005). Les objectifs de la coopérative sont les suivantes : § La production animale et végétale (miel, plante aromatique et médicinale, produits cosmétiques) § L’offre de matière première aux adhérents et la commercialisation de ces produits. § L’utilisation commune des matériels agricoles Produits de la coopérative : Miel (Arbousier, Thym, Multi fleur, Orange, Eucalyptus, lavande, caroubier…) ; Produits cosmétiques à base de miel, cire d’abeille huile essentielle et huile d’olive… Contact : Adresse : Ë proximité de la route nationale N¡13 qui relie Ouezzane et Chefchaouen au Douar Bellota. Route de Chefchaouen, 20 km après , Téléphone : 212(0) 667835135/ 212(0) 673 13 39 87 ; Mail : [email protected]

Coopérative Agricole Chefchaouen Pour La Production Des Champignons La Coopérative Agricole Chefchaouen Pour La Production des Champignons est une association légale crée le 03/06/2012. Elle compte 12 d'adhérents dont 9 salariés. Les objectifs de la coopérative sont les suivantes : § Production et commercialisation des champignons ; § Augmentation de la production actuelle pour atteindre 200 tonnes / an ; § Amélioration des capacités locales en matière de cette agriculture. Contact : Adresse : C.T. Agricole de Chefchaouen Amlaye, C.R. Dardara, Caïdat de Tanakoub, Cercle de , Province de Chefchaouen. Tel : 0212 649 74 22 51, Mail : [email protected]

Coopérative Apia de Ouezzane Crée en 1998, elle compte à ce jour entre 20 et 50 adhérents avec un chiffre d'affaires 5/10 Mdh Activités : Produits du terroir du Maroc, alimentaires et cosmétiques. Contact : Adresse : 8 km. Route de Tanger - 14000 Kénitra, Tel : 0537 321 943 - 0659 797 906 / 0537 321 950 Dirigeant : M. Abdelilah Daoudi. Autres adresses : Magasin : 63, Bd d'Anfa - Casablanca - Tél. : 0522 205 492 ; Magasin : 44 rue de l'Oukaimeden - Rabat - Tél. : 0537 673 738

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GIE Rif-PAM Production des plantes séchées ; Les huiles essentielles et eaux florales ; Des produits cosmétiques naturels ; Le miel pur ; La fabrication du couscous aromatise. Contact : Souad Ilbaghouri ; Centre de Tlat Bni Idder, commune rurale de Tlat Bni Idder, province de Tétouan ; Tel : 06 68 57 03 53, E-mail : [email protected] (http://www.rifpam.org/?action=Projet)

Articles et ouvrages :

ABAAB A., ELLOUMI M., SELMI S., 2004, Ç Les institutions et les organisations du développement rural en Tunisie. Contribution à l’étude Réseau agricultures familiales comparées È, RAFAC-CIHEAM-IAM-Montpellier, 47 p. ABIBI J., 2015, Les collectivités territoriales au Maroc à la lumière de la constitution de 2011. Paris (France), L'Harmattan, 182 p AHROUCH S., 2011, Ç Les coopératives au Maroc: enjeux et évolutions È. Revue Internationale de l'Economie Sociale, 90(322), 23. BESSAOUD O., 2008, Ç Les organisations rurales au Maghreb. Leur rôle dans le développement : un essai d’évaluation È. Économie rurale. Agricultures, alimentations, territoires, (303-304-305), pp. 8-21. BOUJROUF S. ET GIRAUT F., 2000, Ç Des territoires qui s’ignorent ? Dichotomie entre territoires administratifs et espaces de mobilisation au Maroc È, Montagnes méditerranéennes, 12, pp. 61-70. BOUJROUF S. ET HASSANI E., 2008, Ç Toponymie et recomposition territoriale au Maroc: Figures, sens et logiques È, L’Espace Politique. Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique (5). HARSI A., 2003, Ç Présentation de la nouvelle charte communale È in La gouvernance locale au Maroc, dir. HARAKAT H., Actes du 2ème colloque national organisé par le GREURE et la REMALD, faculté de droit Rabat Souissi. HARSI A., 2005, Ç Décentralisation et déconcentration administrative : Instruments de la proximité administrative È, colloque maghrébin sur L’administration de proximité : concept et implications, organisé par la R.E.M.A.L.D. et l’Ecole Nationale de l’Administration, 24-25 novembre 2005, E.N.A., Rabat. HOUDRET A. & BONNET S., 2016, Ç Le Premier Partenariat Public-Privé Pour L’Irrigation au Maroc: Durable Pour Tous? È, Cahiers d’Agriculture n¡25, 7 p. LOKRIFA A. & MOISSERON J.Y., 2014, Ç La politique de régionalisation avancée au Maroc: enjeux et état des lieux È, Maghreb-Machrek, (3), pp. 111-126. MOULAY ABD EL HAFID, REGNAULT E., 1912, Ç Traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'Organisation du Protectorat Français dans l'Empire Chérifien È, Bulletin officiel de l'Empire chérifien : Protectorat de la République française au Maroc, Rabat, vol. 1, no 1, 1er novembre 1912, p. 1-2. REDA Z., 2015, Ç Découpage territorial : La nouvelle carte du Maroc dévoilée È, [En ligne] Url : https://www.medias24.com/NATION/POLITIQUE/152101-Decoupage-territorial-La-nouvelle- carte-du-Maroc-devoilee.html (consulté le 18-12-2017) VERMEREN P., 2010, Histoire du Maroc depuis l'indépendance, Paris, La Découverte.

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Rapports et données en ligne : Forum Méditerranéen du service public, Données générales Ð Maroc [En ligne] Url: http://www.forumedsp.org/xwiki/wiki/mediterranee/view/Ressources/Marocdemo, mise en ligne le le 06/03/2015 (consulté le 10-12-2018) Office du développement de la coopération [En ligne], Url : http://www.odco.gov.ma/fr/content/l%E2%80%99historique-des-coop%C3%A9ratives-au-maroc (Consulté le 11-12-2017) Rapport du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime (2015), [En ligne], Url : https://www.fellah-trade.com/ressources/pdf/produits-labellises-au-Maroc_fr-2015.pdf (consulté le 20-11-2017) Rapport sur les ressources humaines de la direction du budget du ministère de l’économie (2015), [En ligne], Url : https://www.finances.gov.ma/Docs/DB/2017/synthese_rapport_RH2017vf.pdf; (Consulté le 12-12-2017) Site d'information de La Chambre Française de Commerce Et d’Industrie Du Maroc (CFCIM), régionalisation avancée pour un développement intégré, date de publication : 8 juillet 2016 [en ligne], Url : http://www.cfcim.org/magazine/27242 (consulte le 22-01-2018)

Annexe : Carnet d’adresse

* Services des Impôts Délégation Provinciale de la Santé Association des Ateliers Marocains pour les JeunesAssociation des Eleveurs d’Ovins Fondation Banque Populaire pour le Micro-Crédit PROVINCE DE CHEFCHAOUEN Délégation d’Itissalat Al Maghrib (IAM) Av. de Fès Tel : 039 98 61 70 Siège : Municipalité de Chefchaouen Siège : La Maison des Jeunes App. 125 rue Bentaher Siège de la Province de ChefchaouenAv. Hassan II, Tel : 039 98 62 19 Fax : 039 98 62 80 Tel : 039 98 62 34 Route de Tétouan Kharrazine Tel : 039-98-63-10 / 039-98-62-41Tel : 039 98 81 81 Fax : 039 98 62 19 Fax : 039 98 66 42 Tel : 039 98 60 31 Tel : 039 98 97 00 Fax : 039-98-60-75 Fax : 039 98 82 22 Chambre d’Agriculture de Chefchaouen Fax : 039 98 97 25 * Service d’Enregistrement et du Timbre Quartier Administratif, Association du Nord pour l’Energie RenouvelableCaisse Régionale de Crédit Agricole Municipalité de Chefchaouen Délégation Provinciale de l’Education NationaleAv. de Fès Route de Tétouan Siège : La Maison des Jeunes Place Outa Av. Mohammed V Lycée Moulay Rachid Tel : 039 98 62 19 Tel : 039 98 63 77 Route de Tétouan Tél : 039 98 82 67 / 67 74 Tél : 039 98 62 34 Tel : 039 98 63 92 Fax : 039 98 62 19 Tel : 039 98 60 31 Fax : 039 98 66 69 Fax : 039 98 66 42 Fax : 039 98 62 85 Stimulation d’Entreprise à but Educatif (SEFED) Office National d’Eau Potable (ONEP) Av. My Driss Union Nationale Marocaine des Femmes à Chefchaouen Direction provinciale de l’EquipementDélégation de l’Artisanat Av. Sidi Abd El Hamid, Quartier Administratif, Imm ZitaneTel : 039 98 90 50/51 Siège : Municipalité de Chefchaouen Banque Populaire Place Mohammed V Tél : 039 98 61 86 Tel : 039 98 89 32 Tel : 039 98 62 34 #NAME? Tel : 039 98 60 29 Fax : 039 98 61 86 Fax : 039 98 91 55 Association de Développement Local de Chefchaouen (ADL)Fax : 039 98 66 42 Tél : 039 98 61 25 / 72 71 Fax : 039 98 69 78 BP 122 Chefchaouen Fax : 039 98 64 80 * Trésorerie provinciale Office National d’Electricité (ONE) Tel : 039 98 86 60 Association des Jeunes Promoteurs #NAME? Direction Provinciale de l’Agriculture Av. Moulay Driss Route de Tétouan Fax : 039 98 86 60 Siège : La Maison des Jeunes Av. Mohammed V Centre Cité administrative Tel : 039 98 60 51 Tel : 039 98 69 84 Route de Tétouan Tel : 039 89 26 93 Tel : 039 98 63 08 Fax : 039 98 69 84 Association de Soutien des Services de Base en milieu ruralTel : 039 98 60 31 Fax : 039 89 21 52 Fax : 039 98 63 72 * Circonscription Domaniale Siège : la Chambre d’Agriculture de Chefchaouen Tel : 039 98 81 97 Tribunal de 1ère Instance Quartier administratif Association des Eleveurs de Bovins Banque Marocaine du Commerce Extérieur (BMCE) Arrondissement des Eaux et ForêtsFax : 039 98 81 98 Tel : 039 98 60 61 Tel : 039 98 63 77 Siège : la Chambre d’Agriculture de ChefchaouenBd Mohammed V Cité administrative, BP 76 Fax : 039 98 60 61 Quartier administratif Tél : 039 98 75 17 Tel : 039 98 91 78 Tel : 039 98 63 77 Fax : 039 98 75 17 Fax : 039 98 91 78

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Synthèse : L’agriculture dans les provinces de Chefchaouen et Ouezzane Aliou Diop et Lucien Manga

Introduction I. Etat des lieux de l’agriculture A. Dans le Maghreb B. Au Maroc II. Les grandes caractéristiques du secteur agricole des deux provinces A. Différents statuts juridiques B. Profil des différentes activités agricoles dans les deux provinces Conclusion Bibliographie

Introduction de cultures avant de terminer par un cas précis qui est celle de la culture du Cette étude s’insère dans le cadre d’une cannabis. synthèse bibliographique sur les provinces de Chefchaouen et Ouezzane caractérisées par les mêmes conditions climatiques montagneuses mais différenciées par leur niveau de développement et d’activités économiques. Ces dernières multiples et variées touchent presque tous les domaines dont nous pouvons citer, entre autres, le tourisme et l’agriculture. Ce dernier objet de la synthèse bibliographique semblerait être d’une importance capitale dans les deux provinces de par son importance comme activité de subsistance mais aussi d’identité territoriale. L’objectif de notre travail est de réaliser une recherche sur la thématique de l’agriculture dans les deux provinces. Un travail que nous avons structuré de la manière suivante. Dans un premier temps, nous allons faire un état des lieux de l’agriculture de manière générale où il sera question de l’agriculture dans le Maghreb, au Maroc et dans les deux provinces. Ensuite, la deuxième partie traitera des grandes caractéristiques de l’agriculture dans les deux provinces. Un moment pour nous de faire le point sur l’accès aux fonciers, les différents types

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I. Etat des lieux de l’agriculture

L’agriculture, une des premières activités de l’homme, est un levier de développement économique et d’émancipation sociale. Elle est un domaine pourvoyeur d’emploi et d’existence de l’homme sur terre. Elle occupe une place importante dans la politique nationale au Maroc, objet de notre étude.

A. Dans le Maghreb

L’agriculture occupe une place de choix dans les pays du Maghreb, avec une population rurale avoisinant 40% des 75 millions d’habitants que compte l’Afrique du Nord. Mais la place de l’agriculture diminue constamment dans ces trois pays ; les activités agricoles n’occupent que 25% des emplois en Algérie, 16% en Tunisie et 37% au Maroc.

Les questions d’agriculture et d’eau sont de plus en plus liées. Le Maroc est en avance sur ses voisins en ce qui concerne l’irrigation avec une superficie de 1,3 millions d’hectares employant environ 1,6 million de personnes dont 25 000 permanents, et participe pour 45% au PIB agricole. Cette agriculture irriguée est concurrencée par le besoin croissant en eau de la population.

La culture céréalière domine dans le Maghreb et s'étend sur des superficies qui représentent jusqu'à 60 % des terres cultivables au Maroc, 30 % en Algérie et en Tunisie. Ces taux peuvent augmenter sensiblement si l’on tient compte des variations climatiques et des jachères qui font partie intégrante du système céréalier. La culture céréalière est dominée par le blé dur, le blé tendre et l'orge qui accaparent la majorité des superficies et des productions céréalières. La majorité des céréales sont cultivées sans recours à l'irrigation, dans des zones où la pluviométrie est faible et irrégulière. Les cultures céréalières du Maghreb sont en gros deux fois moins productives par hectare que celles d’Europe et deux fois plus que celles d’Afrique sub-saharienne. Les budgets consacrés à l’agriculture dans le Maghreb sont faibles comme dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, comparés aux autres secteurs économiques (Courade et Deveze, 2004). Les agriculteurs bénéficient parfois de sources de financement venant des migrants.

L’élevage est une activité d’une importance capitale dans le Maghreb, qui apporte des revenus complémentaires pour les petits exploitants et les paysans sans terre (Chebbi et Lachaal, 2004). Une grande partie de l'élevage pratiqué dans les pays maghrébins est de type extensif. Ainsi les éleveurs nomades avec leur troupeau se déplacent sur de vastes territoires pastoraux exploités en commun. Ce système de grande transhumance perdure en partie et de façon inégale : il résiste au Maroc, régresse en Algérie, tend à disparaître en Tunisie. La petite transhumance est en revanche encore très présente (Courade et Deveze, 2006). Le Maroc et l’Algérie totalisent 65 % au moins du cheptel total maghrébin. Même si le cheptel dans les pays du Maghreb a connu peu de transformations concernant sa structure, le nombre total de têtes a augmenté constamment pendant ces dix dernières années. L’élevage ovin reste la spéculation dominante et le cheptel ovin représente 79 % du nombre total d'unités en Algerie, 69 % au Maroc et 75 % en Tunisie. Les races locales détenues par les petites exploitations ont encore un poids important dans la constitution du cheptel au Maghreb, mais celles issues des croisements améliorateurs et de la sélection génétique demeurent

52 essentiellement du sort des moyennes et grandes exploitations, mais leur généralisation à l'ensemble des exploitations ne cesse de progresser.

B. Au Maroc

L’agriculture joue les premiers rôles dans le royaume chérifien ; elle représente entre 13 et 15 % du PIB et absorbe 40 % de la population active. Au niveau national, l’agriculture est le secteur qui crée le plus d’emplois, avec environ 43 % des emplois (plus de 4 millions d’actifs agricoles), devançant de loin les autres secteurs tels que les services, l’industrie et le BTP. En zone rurale, elle emploie presque 80 % de la population. Au Maroc, les exploitations familiales dominent largement avec environ 80 % des superficies (total SAU : 8,7 millions d’hectares, soit 13% de la superficie du pays) qui sont inférieures à 5 ha. L’importance de l’agriculture dans l’économie du Maroc, fait que plusieurs politiques agricoles (Plan Maroc Vert) ont été mis en place pour sa modernisation et lutter contre la pauvreté.

L’agriculture marocaine est dominée par la culture céréalière (52 % de la SAU), elle est pratiquée le plus souvent sous pluie, ce qui rend l’agriculture faiblement diversifiée mais aussi très vulnérable au changement climatique avec diverses conséquences sur la production et la croissance du secteur. La céréaliculture a une production moyenne d’environ 35 000 tonnes par an. Elle participe finalement à la production agricole du pays (18 %) par rapport à sa grande superficie et participe entre 10 et 20 % du PIB agricole du Maroc. La culture maraîchère a toujours occupé une place de choix dans l’agriculture marocaine. Pour la saison 2014-2015, la production est estimée à environ 7,64 millions de tonnes, sur une superficie de 280 000 ha. Le maraichage occupe 3 % de la SAU, et malgré sa faible superficie, elle participe pour 21% à la production agricole. Viennent ensuite les cultures fourragères, les cultures de légumineuses, et les agrumes qui sont parmi les produits les plus importants de l’agriculture du royaume (source : stat. Ministère de l’agriculture 2015/2016). Grâce aux efforts conjugués des professionnels et de l’Etat, la filière agrumicole a connu ces dernières années un développement important. En effet, cette filière enregistre une croissance nuancée d’une année à l’autre, passant de 2,23 millions de tonnes pendant la campagne 2013-2014 à 1,91 millions de tonnes durant la campagne précédente. Les exportations ont atteint une moyenne de 500 000 tonnes par an sur les trois dernières campagnes avec un chiffre d’affaire avoisinant 3 milliards de dirhams (DH) par an. Au Maroc l’élevage joue un rôle très important dans le secteur agricole, avec un chiffre d’affaire qui tourne autour de 35 milliards de DH par an. Elle crée près de 2,5 millions d’emplois. Cette activité est dominée par la production de viande bovine, ovine et caprine. Le développement du secteur de l’élevage est favorisé par les conditions climatiques favorables, avec un couvert végétal très important mais aussi une exonération des droits et taxes à l’importation.

Le Plan Maroc Vert Le développement de l’agriculture est facilité par les politiques mises place par l’Etat. Le Plan Maroc Vert a été mis sur pied par le gouvernement du Maroc en 2008 pour lutter contre pauvreté rurale et valoriser une agriculture moderne. Il s’appuie sur deux principaux piliers :

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* Le pilier I, destiné aux grandes exploitations, s’occupe du développement d’une agriculture moderne, compétitive, à haute valeur ajoutée et adaptée aux règles du marché. Il repose sur l’investissement privé dans le cadre de projets d’agrégation et concerne toute la chaine de production en amont et en aval. * Le pilier II, s’intéresse à la petite agriculture ou exploitation familiale pour lutter contre la pauvreté rurale par le développement des produits de terroir. Il repose sur la modernisation solidaire de la petite agriculture afin de lutter contre la pauvreté (Ministère de l’agriculture). Le plan Maroc Vert pour a objectif de développer et moderniser l’agriculture marocaine autour de trois grands axes majeurs : - Une modernisation et une mécanisation générale des cultures ; - Une reconversion vers les filières à forte valeur ajoutée ; - Une mutualisation des efforts via l’agrégation des petites exploitations.

Ce plan s’appuie sur des politiques d’incitation par la finance et la subvention des initiatives agricoles pour encourager l’investissement privé pour les grandes et pour les petites exploitations, il met l’accent sur l’amélioration de la productivité et de la valorisation à travers des actions d’encadrement (formation / vulgarisation) et de développement rural ; l’appui à la reconversion vers des secteurs porteurs ; mise en gestion déléguée des fonctions d’animation/encadrement des petits exploitants et développement d’outils d’agrégation sociale ( Ministère de l’Agriculture et de la Pêche). Dans la région de Tanger-Tétouan-al Hoceima qui abrite notre recherche, plusieurs projets (115 projets) ont été envisagés dans le cadre du Plan Maroc Vert selon la Direction Régionale de l’agriculture. Dans la province de Chefchaouen, un projet d'aménagement hydro-agricole a été mis en Ïuvre dans le périmètre Dar Akoubaa en aval du barrage Moulay Boucheta, d'une enveloppe financière d'environ 60 millions de dirhams (MDH), afin de produire 3 millions m3 par an pour l'irrigation de 500 ha de terres agricoles détenues ou gérées par 1.000 agriculteurs. La même source fait savoir qu'un projet d'aménagement hydro-agricole du périmètre Asjen, situé dans la province Ouazzane, est en cours de réalisation, ayant nécessité une enveloppe d'environ 560 millions DH, ce qui va produire 15 millions de m3 d'eau par an destinés à l'irrigation de 2.500 ha de terres agricoles de 6.700 agriculteurs, notamment des petits agriculteurs de même que 8 unités de transformations de produits agricoles.

La labellisation La labellisation des produits agricoles joue aussi un rôle très important dans l’agriculture marocaine. Elle a été retenue dans le cadre du Plan Maroc Vert. Les principaux objectifs de la labellisation sont: • La valorisation de la grande diversité et la promotion des produits du terroir et du savoir-faire de la population locale. • Le développement des zones rurales et l’amélioration du revenu des agriculteurs. • La promotion d’une agriculture en zone rurale capable de préserver la biodiversité et les ressources naturelles. • La préservation du patrimoine gastronomique, artisanal et culturel. • Développer les opportunités pour les produits du terroir de pénétrer les marchés nationaux et internationaux. • Le renforcement des liens entre les communautés rurales et leur environnement pour un développement agricole durable, notamment dans les zones où l’environnement naturel est difficile.

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• Le renforcement de l’information des consommateurs.

Cette labellisation des produits est guidée par la loi n¡ 25-06, relative aux signes distinctifs d’origine et de qualité (SDOQ) des denrées alimentaires et des produits agricoles et halieutiques, promulguée par le dahir n0 1-08-56 du 23 mai 2008 (Ministère de l’Agriculture, de la pêche, du développement rural et des eaux et forêts).

C’est ainsi qu’on assiste à la labellisation de 37 produits dont 30 Indications Géographiques, 5 Appellations et 2 labels agricoles. Cette reconnaissance est la résultante d’une identité territoriale comme ce fut le cas de Chefchaouen et Ouezzane que nous allons vous présenter dans la suite de notre travail.

II. Les grandes caractéristiques du secteur agricole des deux provinces

Nous allons ici envisager les statuts fonciers dans les deux provinces, ainsi que les grands types de cultures et élevage pratiqués dans la région.

A. Différents statuts juridiques

L’activité économique nécessite un fondement qui réside dans le foncier. Ce dernier est structuré en fonction des croyances idéologiques et politiques d’un pays, dans l’optique de répondre aux exigences du système économique et aux besoins de sa société. Cela est à l’origine du droit de propriété qui est régi par des textes juridiques dont celui qui concerne la terre est le statut foncier. Ce dernier est très particulier dans les pays du Maghreb dont le Maroc. Le système marocain, comme l’ensemble des pays du Maghreb, a une particularité caractérisée par sa Ç pluralité È alternant tradition et modernisme. Le régime juridique de la terre au Maroc présente une diversité extraordinaire de statuts. Il comprend à la fois la propriété Melk, les terres collectives, les terres habous, la propriété Guich, et enfin le domaine de l’Etat. Cette diversité de statuts, qui ne facilite guère la compréhension des questions foncières, tient, pour partie, à la diversité d’approche des observateurs et également au manque de rigueur des critères définissant les régimes fonciers (Bauderbala N., 1999).

Le régime des terres melks Il s’agit d’une propriété régie par le droit musulman de rite malékite. Le régime des terres melk correspond à une propriété, opposée à la propriété de l’Etat ou des tribus, privée de droit romain (Bauderbala N., 1999). Ce type de propriété se base sur le principe de la religion musulmane et des réalités familiales. Le statut melk est le plus important dans le royaume de même que dans les deux provinces pour plus de 98 % à Chefchaouen (soit 105 398 ha) et 90 % à Ouezzane (123 606). Selon Bauderbala (1999), le statut melk qui était très peu important en surperficie avant 1912, regroupe aujourd’hui 74,2 % de la superficie agricole et 88,5 % des exploitants. Il apparaît bien comme le principal bénéficiaire de l’évolution foncière sous le protectorat et depuis l’indépendance.

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Le régime des terres collectives Ce statut est la propriété des collectivités dotées d’une personnalité morale pour l’intérêt de tous. Il a été régi par le dahir du 27 avril 1919. Ce dahir détermine les modes de gestion et d’occupation confiés à l’assemblée locale connue sur le nom de Ç Jmaâ È. Ces terres collectives constituent le plus souvent une ressource à partager, ce qui explique parfois des tensions sur ces terres et des dimensions très réduites. Ces terres correspondent à 0,19 % des superficies agricoles à Chefchaouen (201 ha) et 4 % à Ouezzane (5493 ha). Cette forme de statut a été modifiée plusieurs fois par des textes législatifs dont le plus récent est celui du 25 juillet 1969 (Bauderbala N., 1999).

Le régime des terres guich Ce statut fut l’un des plus confus du royaume car n’étant régi par aucun texte. Il s’agit d’une récompense en contrepartie des services militaires rendus. Ces terres sont de la propriété exclusive de l’Etat. Dans les deux provinces, leur présence est presque inexistante contrairement au reste du royaume où selon Bauderbala (1999), au début du protectorat, la superficie guich recensée représentait environ 768 000 ha.

Le domaine privé de l’Etat Ce statut regroupe l’ensemble des terres qui sont sous l’autorité de l’Etat récupérées par expropriation, confiscation, etc., et utilisées comme instrument de politique agricole. Selon Daoudi (2011), les terres domaniales sont inaliénables sauf exceptions prévues par des textes particuliers, notamment le dahir portant loi n¡1-72-277 du 29 décembre 1972 relatif à l’attribution à des agriculteurs de terres agricoles ou à vocation agricole faisant partie du domaine privé de l’Etat, le décret royal n¡30-66 du 21 avril 1967 portant règlement général de comptabilité publique, tel qu’il a été modifié et complété par décret n¡202-185 du 5 Mars 2002 et le décret n¡2-04-683 du 29 décembre 2004 relatif à la commission régionale chargée de certaines opérations foncières.

Les biens habous Le habous est une institution de droit musulman qui se présente sous la forme d'un bien soustrait du commerce par le constituant pour servir une Ïuvre religieuse. En principe les terres habous sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles (Daoudi A., 2011). Selon Luccioni J. cité par Bauderbala N. (1999), ÇLe habous est un acte juridique par lequel une personne, en vue d’être agréable à Dieu, se dépouille d’un ou plusieurs de ses biens, généralement immeubles, et les met hors du commerce, en les affectant à perpétuité à une Ïuvre pieuse, charitable ou sociale soit d’une manière absolue exclusive de toute restriction (habous public), soit en réservant la jouissance de ces biens à une ou plusieurs personnes déterminées (habous de famille) ; à l’extinction des bénéficiaires, le habous de famille devient habous public.È Leur superficie est estimée à 748 ha à Chefchaouen et occupe la deuxième place après les melks dans la province. Quant à Ouezzane, le foncier habous est estimé à 4120 ha et occupe la troisième place.

B. Profil des différentes activités agricoles dans les deux provinces

L’agriculture, une des premières activités de l’homme, est un des leviers de développement et d’émancipation sociale. Vu sous cet angle, le Royaume marocain a voulu faire de l’agriculture un moteur de croissance économique et un outil efficace de lutte contre

56 la pauvreté dans sa nouvelle stratégie Plan Maroc Vert. C’est de cette branche d’activité économique qui selon le ministère de l’agriculture est catastrophique sur la production céréalière et bonne pour les autres filières, qu’il s’agit dans cette partie axée sur les deux provinces à savoir Chefchaouen et Ouezzane. Un travail qui consiste dans un premier temps de parler de l’agriculture dans sa diversité ensuite de l’apiculture qui est aussi d’une importance capitale dans la zone et enfin du secteur de l’élevage dans sa diversité.

L’agriculture

L’agriculture de manière générale joue un rôle important dans la production agricole. A travers le graphique, nous pouvons constater que les cultures de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima se portent bien sur presque l’ensemble des cultures du pays. Pour une population de 3,55 millions habitants, la région totalise 786 013 ha de SAU. Dans un premier temps nous allons voir l’agriculture dans chaque province ensuite faire une étude comparative entre les provinces avec la région comme référentiel.

Etude comparative pays/région

50,00% 45,00% 40,00% 35,00% 30,00% 25,00% 20,00% 15,00% 10,00% Somme de Production 5,00% Maroc(en t) 0,00% Somme de Production Régionale (en t) Vignes Oliviers Cultures Céréales Agrumes Rosacées Amandiers Marraichages Légumineuses Palmiers-Dattiers Cultures Sucrières Cultures Fourragères Cultures Industrielles Réalisation : Diop & Manga 2017, source : stat. Ministère de l’agriculture 2015/2016

L’agriculture à Chefchaouen La province de Chefchaouen, qui s’étend sur une superficie de 3 339 km², a une population de 457 432 habitants et une densité de 137 habitants/km² (HCP/DR : RGPH 2014). La population est à majorité rurale (86%). Ce constat montre l’importance des activités agricoles dans la zone. Située dans une zone montagneuse humide, l’altitude varie entre 100 et 1700 mètres et une superficie agricole utile de 118 674 hectares. La province fait partie des zones les plus arrosées du pays (900 mm selon la FAO) d’où l’importance forestière. Avec une population majoritairement rurale, la province compte selon le rapport de la FAO 34 500 exploitants agricoles dont 90 % ont des dimensions moyennes de 1,8 hectare. Dans la province où la majeure partie de l’agriculture est familiale, ces petits exploitants ont de petites unités fortement morcelées (9 parcelles par exploitant). Ce caractère de culture familiale explique semble-t-il la dominance de la culture céréalière.

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C’est ainsi que nous avons la culture céréalière comme culture dominante de la province, qui occupe 33% des superficies. Ce pourcentage s’explique par les cultures de blé tendre et d’orge qui sont très importantes dans la zone. La culture d’oliviers occupe quant à elle 30 % des surfaces, avec une production de 44 tonnes. Ce produit d’olive constitue aussi un des produits labellisés de la zone. Nous remarquons aussi que la province de Chefchaouan est la seule province qui développe la culture industrielle de la région.

Production agricole à Chefchaouen(%) 1% 14% 33% Céréales Cultures Fourragères Cultures Industrielles Légumineuses Marraichages 30% Oliviers 9% Rosacées 2% 10% 1% Réalisation : Diop & Manga 2017, source : stat. Ministère de l’agriculture 2015/2016

En ce qui concerne le cheptel, son importance est due à l’abondance de la végétation et au caractère accidenté de la zone qui fait que certaines terres ne sont pas cultivables. On dénombre presque toutes les espèces, mais il y a peu de moutons, car le caractère accidenté ne leur convient pas. Ce dernier aspect est à l’origine de la prédominance de la chèvre.

Produit de terroir et /ou identité territoriale ? L’élevage de chèvres est important dans la province, développé par l’Association Nationale Ovine et Caprine (ANOC). La labellisation du fromage de chèvre a eu pour objectif d’améliorer le niveau de vie de la population locale et de valoriser le savoir-faire traditionnel selon le gouvernement marocain. Elle se fait dans le respect de certaines normes bien établies dans le cahier des charges et avec des produits du terroir. Elle permet son exportation vers d’autres marchés car étant reconnu comme produit de qualité.

L’agriculture à Ouezzane La province de Ouezzane compte une population de 300 637 pour 151 habitants/km². L’agriculture est l’activité principale de la province avec une population majoritaire rurale. Avec une superficie agricole utile de 144 850 ha, la province est dominée par une agriculture intensive et la culture céréalière vient en tête avec 64 % des superficies. Cette classification se justifie par l’importance de la culture de deux types de blé à savoir le blé dur et le blé tendre pour respectivement 42 et 73 tonnes de production. La culture d’olives occupe aussi une place importante dans l’activité agricole de la province avec 23 %, une production plus importante que celle de Chefchaouen (480 contre 437 tonnes). Ce produit est un produit du terroir labellisé et porté par le GIE Ç Femmes du RifÈ.

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Production agricole à Ouezzane(%) 3% 23% 3% Céréales Cultures Fourragères 2% Légumineuses 5% Marraichages 64%

Réalisation : Diop & Manga 2017, source : stat. Ministère de l’agriculture 2015/2016

Etude comparative entre les deux provinces Les deux provinces ont fourni presque la totalité de la production d’olives de la région, avec Chefchaouen qui arrive en tête devant Ouezzane. La culture céréalière est plus importante dans la province de Ouezzane qu’au niveau régional et que dans la province de Chefchaouen. Les cultures fourragères, industrielles et des rosacées sont plus importantes dans la région de Chefchaouen qu’à Ouezzane. A travers les données que nous avons pu collecter, nous pouvons conclure que l’agriculture est plus développée et diversifiée dans la province de Chefchaouen qu’à Ouezzane. Malgré une certaine rivalité avec la province de Larache qui occupe une place importante dans l’agriculture de la région, Chefchaouen est aussi d’un apport majeur dans la production de l’activité agricole.

Comparaison des deux provinces

80,00% 60,00% Somme de 40,00% Production 20,00% Chefchaouen(en t) 0,00% Somme de Production Ouezzane(en t)

Réalisation : Diop & Manga 2017, source : stat. Ministère de l’agriculture 2015/2016

Quant à la production fruitière de la province de Chefchaouen, elle est diversifiée entre la culture du figuier, oliviers, amandiers et autres. Ce qui n’est pas le cas à Ouezzane qui est spécialisé dans la production d’oliviers. Cependant, malgré le caractère important de l’olivier aucun effort de plantation n’a été fait à Ouezzane contrairement à Chefchaouen où les plantations de nouveaux pieds bas sont pleines par la plantation de 1950 oliviers, 400 figuiers et 470 autres espèces (annuaire stat. Régionale 2016).

Focus sur la culture illicite du cannabis Le cannabis communément appelé dans le Rif kif est une culture illégale. Cette culture qui existe depuis le XVIe siècle dans la région de Kétama (rif du Nord) a été introduite par les

59 arabes au VIIème siècle. L’histoire de cette culture est marquée par d’importantes dates dont nous avons jugé nécessaire de mentionner les plus importantes : • entre 1910 et 1953 : la construction institutionnelle d’un marché du kif • 12 novembre 1932 : dahir interdisant la culture du cannabis dans le protectorat français et non la vente ; • 1940 : perte de privilèges du monopole, autorisation de la culture dans la zone espagnole qui devient une source importante de revenu ; • 1960 : le dahir est étendu dans le reste du pays • 1980 : développement des productions provoquant l’arrivée de délinquants.

Le quart de la surface agricole utile de la région est désormais consacré à la culture du cannabis en expansion. Les deux tiers de la population rurale de cette région dépendent de la culture du cannabis car cette culture est 12 à 46 fois plus rentable que les cultures céréalières. Vue la position stratégique de la zone de production, le cannabis est commercialisé vers le continent européen qui constitue le principal marché pour un chiffre d’affaire annuel de 10 milliard d’euros. Outre le kif, le Maroc est la principale source également de son dérivé, à savoir la résine du cannabis, à partir du rif. Dans cette zone, la province de Chefchaouen est la principale zone de culture (50 %). Cette culture a des impacts socio-économiques et environnementaux. Les circuit du cannabis : le cannabis qui est principalement vendu en Europe chemine par bateau, véhicule et autres moyens. Les principaux trafiquants sont de nationalité espagnole, marocaine, française, britannique, hollandaise et italienne.

L’apiculture

L’apiculture occupe une place importante dans les deux provinces. Contrairement à Ouezzane où nous n’avons pas le nombre exact d’apiculteurs, à Chefchaouen sont recensés 420 apiculteurs. Ils produisent respectivement 24 000 kg et 46 732 kg de miel. Deux types d’apiculteurs se distinguent : • Les apiculteurs avec des ruches modernes au nombre de 7500 à Chefchaouen contre 6170 à Ouezzane. • Les apiculteurs avec des ruches traditionnelles : 5000 à Chefchaouen et 12560 à Ouezzane.

L’élevage

L’élevage dans les deux provinces est aussi important. L’élevage est plus développé à Chefchaouen qu’à Ouezzane. La province de Chefchaouen dispose de deux centres de collecte pour la production laitière, alors qu’il n’y en a pas dans l’autre province. L’aviculture est aussi présente dans la province de Chefchaouen.

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Cheptel et animaux de trait dans les deux provinces

180000 160000 140000 120000 100000 80000 60000 Chefchaouen 40000 ouezzane 20000 0

Réalisation : Diop & Manga 2017, source : stat. Ministère de l’agriculture 2015/2016

Conclusion

L’agriculture est d’une importance capitale dans les pays du Maghreb, malgré les conditions climatiques défavorables elle participe fortement au développement de la région. Ainsi, au Maroc, nous avons vu que l’agriculture joue les premiers rôles sur le développement socio-économique du pays. La diversité des produits agricoles, la compétitivité et le dynamisme du secteur agricole font que le Maroc concurrence les pays du Nord dans ce domaine. Le plan Maroc Vert est la stratégie qui est à l’origine du succès de l’agriculture marocaine avec ses multiples apports sur le plan financier et technique. Dans les deux provinces qui abritent notre étude, nous avons une forte ressemblance presque sur tous les plans notamment les caractéristiques physiques du milieu. L’agriculture constitue la principale activité du milieu rural. Somme toute, cette zone demeure très attractive, du fait de la diversité de ces produits de terroirs tels que l’huile d’olive de Ouezzane et le fromage de chèvre de Chefchaouen.

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Synthèse : Tourisme et Développement territorial dans les provinces de Chefchaouen et Ouezzane Awa Diouf et Aurélie Pachy

Introduction I. Le tourisme au Maroc : Les axes majeurs des politiques de développement touristiques A. La Vision 2020 le levier du tourisme au Maroc B. Emergence d’une diversification des produits touristiques C. Orientations de la politique ou développement touristique dans le Rif II. Du tourisme au développement local : le cas de Chefchaouen A. Une ville atypique dans un écrin montagneux B. Les acteurs phares du tourisme : Producteurs, coopératives, populations, autorités publiques, ong III. Du tourisme au développement territorial : le cas de Ouezzane A. Ouezzane, une ville culturelle et religieuse B. Les initiatives de développement local : Production, labellisation et certification Conclusion Bibliographie

Introduction

Le Maroc est une destination touristique de plus en plus prisée du fait de sa position géographique sur le littoral atlantique/méditerranéen et non loin de l’Europe, proche des côtes espagnoles. Selon les données communiquées par la Direction Générale de la Sûreté Nationale, le nombre d’arrivées des touristes aux postes frontières marocains durant le mois de janvier 2017 a augmenté de +10 % par rapport au mois de janvier 2016. De plus, les principaux touristes européens proviennent majoritairement de l’Espagne, de l'Allemagne, de la Hollande, de la France et de la Belgique. Par ailleurs, il faut noter des arrivées de pays tels que la Chine, les Etats-Unis, la Corée du Sud, la Russie, diversifiant la provenance des touristes.8 Agadir, Casablanca et Marrakech, qui cumulent 72% des nuitées totales, sont les trois premières destinations du royaume, suivies des villes de Fès et Tanger., favorisant des recettes tournant autour de 4 milliards de dirhams 9 . Mais dans les zones périphériques ou montagneuses, le secteur touristique est également important, car principalement lié au développement local. De là de nombreuses politiques territoriales sont mises en place pour favoriser cette interaction entre tourisme et développement local, afin d’améliorer les conditions de vie des populations concernées et de faire valoir les produits, sites et activités du terroir. C’est ainsi que notre étude s’articulera autour du tourisme et du développement local dans les provinces de Chefchaouen-Ouezzane, situées au Nord du Royaume. Il est nécessaire de partir d’un contexte historique et touristique général du Maroc avant de présenter les offres, activités touristiques en corrélation avec le développement local établie dans les deux provinces étudiées.

8 Information tirée de : STATISTIQUES SUR LE TOURISME AU MAROC POUR LE MOIS DE JANVIER 2017, Ministère du Tourisme (en ligne) 9 Source : Office des Changes *Chiffre provisoire

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I. Le tourisme au Maroc : Les axes majeurs des politiques de développement touristiques

Le tourisme est un secteur stratégique pour le développement économique et social du Maroc. Plus de 10 millions de touristes visitent le Royaume du Maroc chaque année. Ce chiffre est en constante évolution et le secteur d’importance, au vu des investissements et des engagements de l’Etat en faveur de ce secteur, qui voudrait doubler le nombre de touristes d’ici 2020. En effet, il est souvent considéré que le secteur contribue à la diminution de la pauvreté et du chômage. En 2016 c’est près de 515 000 emplois directs qui ont été générés.

Figure 3: Evolution des arrivées touristiques entre 2010 et 2014

A. La Vision 2020, le levier du tourisme au Maroc

Le gouvernement marocain a pris pour engagement de « continuer à faire du tourisme l’un des moteurs du développement économique, social et culturel du Maroc È10. La stratégie pour le tourisme au Maroc dans le cadre de la Vision 2020 reflète ce choix à travers une démarche à la fois de mise en valeur du patrimoine naturel et culturel mais également de protection de l’environnement. Un des leviers phare de la Vision 2020 est de développer un tourisme durable avec comme stratégie l’amélioration de la compétitivité et la diversité dans les services et les produits touristiques (cf. schéma sur les orientations de la vision 2020).

10 Source : http://www.tourisme.gov.ma/fr/vision-2020/presentation/engagement-objectifs

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Figure 4: Schéma des orientations de la Vision 2020

B. Emergence d’une diversification des produits touristiques

Pour attirer les touristes, le Maroc a longtemps misé sur ses stations balnéaires mais également sur son potentiel culturel à travers le développement d’un tourisme de niche. La nouvelle stratégie pour le tourisme dans la vision 2020 vise à étendre ses champs d’action en se basant sur 3 axes majeurs : • La diversité (culturelle et naturelle) • La culture et l’authenticité • La durabilité

Pour cela le gouvernement compte investir dans la formation, le développement des infrastructures et également ajuster les règlementations pour faciliter les placements touristiques. En effet l’objectif est multiple : • Doubler la quantité d’hébergement, avec la construction de 200.000 nouveaux lits • Doubler le nombre de touristes, en attirant 1 million de touristes issus des marchés émergents. • Tripler le nombre de voyages domestiques, dans le but de développer le tourisme national • Créer 470 000 nouveaux emplois directs sur l’ensemble du territoire national • Augmenter la part du PIB touristique dans le PIB national afin de passer de 60 milliards de dirhams à 150 milliards de dirhams

La vision 2020 s’inscrit dans une approche de développement territorial régional. L’objectif étant de développer le tourisme dans les territoires enclavés afin d’y apporter davantage de richesses. Pour appuyer sa nouvelle stratégie, l’Etat marocain a mis en place des programmes permettant la diversification des offres touristiques avec notamment la valorisation du :

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• Tourisme vert axé sur la mise en valeur et la protection des écosystèmes • Patrimoine matériel et immatériel • Littoral Atlantique et Méditerranéen (avec le projet Azur)

Les six programmes et politiques de développement touristique : Six programmes structurants ont été définis autour de la culture du balnéaire et de la nature. Ces programmes privilégient le tourisme durable et sont axés sur les niches à forte valeur ajoutée. ¥ Azur 2020 axé sur l'offre balnéaire ; ¥ Eco/Développement durable, visant à valoriser les ressources naturelles et rurales tout en les préservant ; ¥ Patrimoine & Héritage dont l'objectif est de valoriser l'identité culturelle du Maroc ; ¥ Animation, Sports & loisirs qui vise à créer une offre d'animation variée qui vient compléter les infrastructures touristiques de base ; ¥ Niches à forte valeur ajoutée en relation avec le tourisme d'affaires, le bien-être et la santé ; ¥ Tourisme interne Ç Biladi È qui va permettre de répondre aux attentes des Marocains en leur offrant un produit adapté.

La Vision 2020 prévoit en outre un Programme National pour l'Innovation et la Compétitivité Touristique articulé autour de trois principaux axes : ¥ le soutien spécifique aux petites et moyennes entreprises touristiques ; ¥ l'appui aux réseaux de référence sur toute la chaîne de valeur touristique ; ¥ l'amélioration de l'encadrement de l'activité touristique à travers une réforme réglementaire.

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C. Orientations de la politique de développement touristique dans le Rif

Il s’agit ici de présenter les principales perspectives qui ressortent de l'ensemble de l'Ç industrie touristique È marocaine dans le Rif. La question générale du tourisme comme moyen de développement permet de voir un bon nombre de politiques territoriales mises en place à travers des programmes que nous avons pu citer précédemment. En effet, selon Stafford et al. (1996), Ç l'offre touristique du Maroc est présentée d'une manière un peu trop exclusive à travers les moyens d'hébergement tandis que la demande (évolution des flux de fréquentation, saisonnalité, mouvements cycliques...) ne concerne que la clientèle internationale È. Et pourtant, depuis la thèse de Mohamed Berriane (Ç Tourisme national et migrations de loisirs au MarocÈ, Université de Rabat, 1992) nous pouvons dire que Ç le tourisme des nationaux est loin d'être négligeable È. Le royaume du Maroc a mis des moyens à sa disposition pour favoriser le Ç décollage È de cette activité, qui est devenue prioritaire dans plusieurs plans de développement successifs. Le Rif marocain est une région où la nature est préservée, constituée d’une chaine de montagnes bordée d’une végétation variée, verdoyante et luxuriante. Le pin maghrébin y pousse en abondance et uniquement en ces lieux. De nombreuses activités comprenant des promenades à cheval, des randonnées, etc., y sont proposées malgré la présence massive des plants de cannabis qui font partie du paysage. Cependant certains auteurs, dans leur critique mettent l’accent sur les carences de cette politique touristique, à l’image de Georges Cazes (1992).

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II. Du tourisme au développement local : le cas de Chefchaouen

A. Une ville atypique dans un écrin montagneux

Chefchaouen est une petite ville d’environ 40 000 habitants située dans le nord-est du Maroc, non loin de la mer Méditerranée. C’est une ville authentique avec architecture atypique, d’une population de 40 000 habitants, bâtie à 600 m d'altitude est située entre deux montagnes du Rif : Kelaa et Meggou. La ville a été fondée en 1471 et est placée sur Ç la route marchande È de Tétouan afin de limiter l’entrée et l’influence des Portugais (à l’époque) de . Au cours du 15e et du 17e siècle, la ville a prospéré et a grandi considérablement avec l’arrivée des Morisques et des Juifs qui ont été expulsés de l’Espagne. En 1920, les Espagnols s’emparèrent de Chefchaouen pour l’intégrer dans le protectorat espagnol. L’Espagne restitua la ville après l’indépendance du Maroc en 1956.11

Source image : dimoxod

La ville a été peinte en bleu par les réfugiés juifs en référence au ciel (couleur) et au paradis. Le beau paysage montagnard est renforcé par le contraste des couleurs vives de la médina (la vieille ville) rendant sa cité authentique de par le maintien des us et coutumes traditionnels reflétant son caractère paisible et où aucune voiture ne circule. Cela se remarque à la tenue vestimentaire des habitants qui pour les hommes portent généralement une djellaba en laine et les femmes, un grand chapeau de paille orné de pompons noirs accompagné d’une

11 Source : site internet Ç generationvoyage.fr È

69 jupe rouge rayée de bleu et de blanc. On voit par-là certains aspects de la culture andalouse due à l’ancienne occupation espagnole. La situation de la ville relie étroitement le tourisme de la région à la vente ou la consommation de cannabis qui y est présent et récolté dans de nombreuses plantations, phénomène uniquement toléré dans cette région marocaine.

Champs de cannabis à Chefchaouen, Source HuffpostMaghreb

B. Les acteurs phares du tourisme : producteurs, coopératives, populations, autorités publiques, ONG.

Dans cette région, il existe une dynamique autour de l’économie touristique. En effet, autour de la promotion de la région et ses produits, on observe de nombreuses initiatives, promoteurs, hôtes, commerçants et producteurs... Il existe des coopératives, dont les plus importantes sont : L’ASSOCIATION RAS EL MAE COOPERATION S.C et le CAB COOP AGRICOLE (BELLOTA) qui s’occupe des associations et des organisations professionnelles, et LA COOPERATIVE DES BABOUCHES axée plutôt vers l’artisanat pour la production et la vente de babouches12.

On observe un équilibre entre touristes étrangers et Marocains selon les périodes de l’année et des activités proposées qui sont plutôt en relation avec le secteur tertiaire. Un des problèmes majeurs de ces acteurs phares est le manque d’assurance mis à disposition des touristes. Un point sensible est par exemple la présence de beaucoup de

12 Listes complètes et coordonnées des coopératives à Chefchaouen : http://www.pj.ma/CHEFCHAOUEN/cooperatives

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Ç faux È guides, qui par faute de moyens n’ont pas accès aux formations spécifiques proposées ailleurs pour être accrédité, et ne sont donc pas assurés.

Chefchaouen est très prisée des touristes, d’où la variété d’hébergements sur place : hôtels, auberges, maisons ou fermes d’hôte, situés dans le centre-ville ou alors dans les villages avoisinants. En plus des tarifs abordables variant entre 18 euros et 136 euros la nuitée, selon l’hébergement, de nombreux retours positifs sont signalés sur les sites de promotion et de recherche d’hébergements dans la province. La plupart des touristes font un retour très positif de leur séjour, activités et visites à Chefchaouen. Ainsi, durant l’été, environ 200 hôtels répondent à l’afflux de touristes. Il y a aussi quelques hébergements classés dans l’éco- tourisme, qui optent pour une organisation, des activités et la restauration dans le respect des normes environnementales et climatiques, à l’image de La Ferme d’hôte Aicha à Bellouta, en tourisme rural éco responsable, agréée en 2014.

En termes d’activités, la région dispose de potentialités touristiques importantes et diversifiées tels que des monuments historiques, de nombreuses plages de sable et de vastes forêts et parc avec une faune et une flore très variées. On y trouve des activités tels que des randonnées à pied et à dos des mulets selon la demande, la dégustation des produits du terroir et de la gastronomie locale, des excursions en forêt, des visites des coopératives d’apiculture, du sel, du couscous, des figues…, des visites de marchés hebdomadaires, des excursions au barrage Oued El Makhazin (6h à pieds/ 20 km en voiture). Les touristes se voient aussi proposer de faire des stages en agro écologie-permaculture, ou des cours-ateliers de cuisine locale (préparation du pain, de crêpe locales, du couscous et de la bissara…), du yoga et coaching ou encore de la méditation à la nature. Chefchaouen est aussi une destination prisée car on peut y acheter de l’artisanat que l’on ne trouve nulle part ailleurs au Maroc, ainsi que le fromage de chèvre originaire de la région. Ainsi, selon le HuffpostMaghreb, voici les 10 raisons d’aller à Chefchaouen : • 50 nuances de bleu avec ces nuances de bleu sur tous les murs: azurin, électrique, dragée... • Le cannabis de par sa qualité du hash légendaire. Pour se fournir un peu de Ç Kif ou marijuana, sebsi ou joint, Chefchaouen est peut-être bleue, mais elle a la main verte. È • Les tissus en laine de mouton colorés affichés sur les murs ou vendus dans les marchés pour décorer ou sous forme de vêtement. • • Le panorama sur le bleu étendu de la ville et les montagnes du Rif. • L’architecture légendaire, ancienne et atypique qui fait étroitement penser à une série internationale et en vogue, Game of Throne. • La nourriture saine qui y est servi, tajine, beurre, galettes et autres plats faits maison et préparés à base de produits frais du terroir, fraichement cultivés dans des conditions environnementales et climatiques saines.

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• Le nombre d’hébergements présents à bas prix • Les nombreux sentiers qui ont permis la mise en place de programmes de randonnées dans les forêts, parc et aux bords des fleuves et cascades à vous faire rêver. • L’Architecture divine du Pont de Dieu, sur la route vers Akchour, baptisé ainsi car il fut construit naturellement par... Dieu (ou la nature). Ce chef d'Ïuvre attirant la curiosité des visiteurs et des locaux a inspiré plusieurs légendes et mythes qui restent à confirmer.

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• Les cascades situées près du petit village d'Akchour, qui se situent vers la route de , à 30 kilomètres de Chaouen.

La province de Chefchaouen reçoit 10.000 touristes par an. A cet effet, un plan de développement rural initié par le département du Tourisme a été mis en place en 2006 et est intitulé “Pays d'accueil touristique de Chefchaouen” (PATC). Il a pour but d'organiser et développer l'activité du tourisme rural dans la région. Le PATC comprend la construction d’une Maison du pays, en charge du ministère du Tourisme comme centre d'information et d'orientation des visiteurs. Il comprend aussi un volet hébergement avec la mise en place de sept gîtes dans le périmètre englobé par le PATC. L'animation est assurée à travers des ONG partenaires qui prennent en charge diverses actions comme la mise en place d'un atelier de poterie ou de tissage. Les Eaux et Forêts prévoient de créer un écomusée à Sidi Abdelhamid, en pleine forêt rifaine. Pour faciliter la commercialisation des circuits de randonnée, c'est tout un plan de balisage qui a été prévu. Le programme du PATC a été doté d'un budget de 5,43 millions de DH13.

Le développement touristique date d’il y a plus de quarante ans. A l’époque, la région ne comptait presque que des paysans et pas assez de main-d’œuvre touristique. Peu à peu des Espagnols, Français et d’autres acteurs d’origine marocaine se sont mobilisés et installés dans la ville pour y développer une activité touristique.

13 Source : site internet www.leconomiste.com

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III. Du tourisme au développement territorial : le cas de Ouezzane

A. Ouezzane, une ville culturelle et religieuse

La ville de Ouezzane est une ville culturelle et spirituelle doublement sainte pour la religion musulmane et juive. En effet la ville est considérée comme le berceau du soufisme et elle a également accueilli Rabbi Amrane Diourane, un rabbin juif du XVIIIe siècle connu pour ses miracles. Durant cette même période, le quartier de la zaouïa abritait une riche bibliothèque dotée d’ouvrages traitant des sciences humaines, d’astronomie, de spiritualité, de soufisme ou la philosophie. Au cours des XVIIIe et XIXe siècle la Zaouira devint un centre politique important. Le quartier est reconnaissable grâce à sa fameuse mosquée octogonale. Chaque année, la ville continue à attirer des pèlerins juifs et musulmans (principalement des nationaux). Aujourd’hui on peut visiter les hauts lieux de la civilisation arabo- musulmane comme la Zaouira et la mosquée Moulay Abdallah ainsi que le tombeau du rabbin Amrane.

Figure 5: La mosquée octogonale

Les principales activités commerciales se trouvent au cÏur de la médina, elles sont organisées en coopératives artisanales en fonction des métiers. Parmi les produits du terroir, on peut citer la Djellaba Ouazzania (un habit traditionnel en laine reconnu pour sa haute qualité de fabrication issue d’un savoir-faire artisanal ancestral), les décorations en bois finement travaillées, des articles de peaux traités dans les tanneries de la ville, ainsi que l’huile d’olive issus des oliveraies qui entourent la ville.

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Figure 6: travail artisanal de tannerie

Confection de tissu de djellaba avec de la laine

Travail artisanal de bois

Comme toutes les villes du Maghreb, Ouezzane est doté d’une médina. Sa particularité est qu’elle n’est pas cernée de rempart.

Figure 7: Entrée du mausolée

Moulay Abdallah

Le site Ç Info Tourisme Maroc È propose aux visiteurs une balade dans la vieille ville afin de visiter les Ç rares portes de la Médina È richement décorées ainsi que des passages couverts. Les spécialités gastronomiques de la région sont la bissara (plat à base de fèves), le poulet farci aux herbes, le tagine de caprin aux navets et aux raisins secs, ainsi que le couscous d’Ouazzane, à base de citrouille, de piment rouge et d’herbes spécifiques de la région.

Consternant les hébergements, il existe très peu d’information sur les activités touristiques et les hébergements dans la ville d’Ouezzane. La majorité des informations disponibles sur la ville se trouvent sur les blogs personnels de particuliers en vacances qui partagent leurs expériences.

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B. Les initiatives de développement local : Production, labellisation et certification

• Le projet Arboriculture fruitière est mis en place par le ministre de l’Agriculture, en partenariat avec le gouverneur de la province d’Ouezzane. Ce projet encourage l'approche du genre au travers de la création de coopératives féminines bénéficiant de formations, avec pour but l'amélioration des revenus, la création d'emplois, la production et la production d'huile d'olive de qualité. • Le programme MCA Maroc est financé par les Etats Unis, via la Millennium Challenge Corporation. Il a pour but de promouvoir une meilleure intégration des genres dans les projets de développement, l'égalité entre femmes et hommes dans tous les projets de développement. • Le festival national de l’olivier de Ouezzane est une initiative du Plan Maroc Vert pour la promotion et le développement de la filière oléicole qui constitue un pilier de développement de l’agriculture dans la région. • Le festival Rabie Ouezzane est un festival des arts authentiques mis en place entre avril et mai dans le cadre programme 'Printemps de Ouezzane' par l’Association Dar Ouezzane pour le développement et la culture. Ce festival s'inscrit dans la perspective d'un développement durable qui vise à impulser la vie socio-économique et artistique de cette cité dans de nombreux domaines. Les organisateurs secondaires de ce festival sont : les autorités locales, les élus de la ville et de sa région, et la société civile.

Conclusion

Les touristes internationaux sont de plus en plus sensibles au tourisme durable et rural, ce qui favorise la présence des labels et des initiatives dans le domaine. A travers le développement touristique, le Maroc renferme de nombreux potentiels pour mettre en place un modèle marocain de tourisme durable et rural dont il pourra tirer de nombreux avantages tels que l’exportation de ses produits labellisés. Cela tend à renforcer l’économie et le développement rural avec la création d’emploi, le tout en corrélation avec les différents volets du projet Vision 2020. Cependant, l’impact du cannabis sur le tourisme devient de plus en plus un frein pour les activités notamment car il détourne de la main d’œuvre et donne de la région une image d’insécurité. Cette synthèse montre déjà le rôle important de la Ç fonction touristique È dans le processus de développement rural des provinces de Chefchaouen et Ouezzane, qui pourtant n’offrent pas les mêmes produits et activités. Ouezzane se présente plutôt comme une zone touristique qui attire les touristes nationaux pour la visite des lieux cultes et les pèlerinages. Cette différence ne pourrait-elle pas favoriser un jumelage ou une articulation des deux provinces dans le domaine du tourisme et aussi du développement local ?

Bibliographie

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Chapitre 3 Principaux résultats à l’issue du travail de terrain

Ce chapitre est constitué des apports de chaque groupe d’étudiants qui, à l’issue de la conduite des entretiens sur le terrain au Maroc, ont réalisé une synthèse reprenant les grands champs de questionnement présentés dans le chapitre 2.

1) Chefchaouen et Ouezzane, deux Ç terroirs È aux dynamiques contrastées 2) Politiques publiques descendantes et initiatives locales : quels effets ? 3) Tourisme rural, produits de terroir et projet de développement local : mythe ou réalité ?

Localisation de la zone d’étude

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Chefchaouen et Ouezzane, deux Ç terroirs È aux dynamiques contrastées Aliou Diop, Achraf Sultan Elhafidi, Saida Loqmane, Lucien Manga, Majda Mourou, Orlane Rouquier

I : Organisation de l’espace en finage : A. Les produits de terroir comme facteur structurant de l’espace villageois. B. Du terroir villageois au domaine de la coopérative II. Une agriculture contrastée : Entre intensification et autoconsommation A.Caractéristiques agricoles B.Un espace agricole en mutation : la diversification des productions. (Culture maraichère et arboriculture : une reconversion des terroirs vers l’irrigation) C.Trajectoires d’agriculteurs III. De l’appropriation du terroir par les acteurs locaux à la construction d’un tourisme rural porté par des initiatives locales et internationales A. L’émergence d’un tourisme rural via l’appropriation du terroir par des acteurs clés : les hébergeurs, les restaurateurs et l’association Chaouen Rural. B. Des initiatives locales soutenues par les organismes nationaux et internationaux à travers la dynamique touristique initiée par les Ç Plans d’accueil touristique È (PAT).

I. Une Organisation de l’espace en finages

L'espace rural dans le pays d’Ouazzane était autrefois ordonné à partir des villages, noyaux d'habitat fortement groupé, situés dans la partie supérieure des versants, essentiellement autour des sources. Les villages étaient essentiellement constitués de maison basses dissimulées sous de grands arbres. Chaque maison avait un petit jardin ou un verger consacré à des cultures intensives.

Source : Gérard Fay, 1979, L’évolution d’une paysannerie montagnarde : Les Jbalas sud-Rifain

Ces jardins qui formaient comme une ceinture autour des maisons prenaient davantage d'extension si les ressources en eau permettaient une petite irrigation estivale (Fay, 1979). Actuellement, le Rif et en particulier le pays d’Ouazzane, connait une forme de renouveau rural, accompagné de projets et d’actions publiques sur lesquels sont venues se greffer des initiatives privées dans le domaine de l’agro-alimentaire. On le constate à la reconfiguration des lieux de production, avec l’extension des plantations arboricoles ( oliviers et figuiers

81 essentiellement), dans le cadre de projet de développement, et à l’émergence d’unités coopératives (de stockage et de transformation), de points de vente de produits sélectionnés et désignés comme Ç produits de terroir È, la multiplication des huileries modernes, etc. Ces dynamiques récentes transforment les paysages et les pratiques et notamment la structuration de l’espace rural.

A. Les produits de terroir comme un facteur structurant de l’espace villageois.

Parmi les quatre communes étudiées (avec Asjen, et Ouezzane) le territoire d’Ain beida se caractérise en particulier par une agriculture basée sur de petites exploitations familiales utilisant des terres relativement pauvres en culture bour (sans irrigation) et essentiellement en arboriculture. Comme, nous l’avons pu constater, les habitants d’Ain Beida pratiquent un système de culture ancien qui avait tiré suffisamment de ressources pour leur permettre d’améliorer leur production. Cette zone se caractérise par un terroir villageois essentiellement basé sur une arboriculture associée à l’oléiculture. Le figuier représente le produit de terroir par excellence de la zone, y trouvant des conditions favorables pour se développer. Ainsi, le finage villageois est essentiellement articulé atour du figuier, faisant la caractéristique de la zone. Le développement du figuier dans la zone a donné lieu à de vastes programmes de développement pour la valorisation de la figue en tant que produit de terroir de la région, par la création d’une unité de séchage pour le déploiement de nouvelles techniques d’exploitation et de production de la figue. On assiste à un passage d’une production au niveau du terroir villageois à une organisation autour du domaine de la coopérative. Ainsi, la commune d’Ain beida a bénéficié du projet de la création d’une unité de trituration et de conditionnement des figues Jnan Rif. Aujourd’hui, le contexte économique oblige les industries agro-alimentaires et notamment les produits séchés à augmenter et diversifier leur production, pour livrer au consommateur des produits de meilleure qualité. C’est ce qu’a entrepris l’unité de Jnan rif afin de s’ouvrir sur de nouvelles variétés et des nouvelles techniques de production, en allant de la production du figuier en pâte à la confiture de figue. Les dynamiques récentes qu’a connu le pays d’Ouazzane, donnant lieu à des formes d’innovation dans la production et la commercialisation, ont également donné lieu à une transformation des paysages et des pratiques agraires. Le figuier occupait, il y a quelques années encore, de vastes superficies et constituait une spécialité à part entière de la région ; il était utilisé dans les opérations de troc contre les céréales et autres produits en provenance du Gharb. Mais la situation a considérablement changé, en particulier depuis l’introduction et le développement des cultures de rente, notamment du cannabis. L’analyse des structures des vergers actuels montre toutefois la présence d’au moins une vingtaine de variétés de figues de couleurs et de goût totalement distincts. Certaines variétés conviennent mieux à la consommation directe comme fruit frais, alors que d’autres sont aptes au séchage et constituent de ce fait une provision inestimable pour l’hiver.

B. Du terroir villageois au domaine de la coopérative

Nous nous sommes essentiellement arrêtés sur les coopératives qui ont vu le jour dans le cadre de campagnes d’extension des périmètres de replantation oléicole. En effet, il s’est

82 avéré que dans le cadre du plan Maroc Vert, des périmètres de reboisement ont été mis en place, sur lesquels sont venues se greffer des associations porteuses de projets comme dans le cadre de la replantation du périmètre d’Ait Merra au niveau de la commune d’Asjen, l’Association du premières Taguert au niveau du douar Zaidoun, Brikcha, l’association Dar abdelhaq pour le reboisement du périmètre au niveau du douar El Ansar, Asjen, et l’association de reboisement du périmètre chamcham, au niveau du douar star Asjen. Comme nous avons pu le relever, ces associations jouaient le rôle d’intermédiaire entre la population occupant le périmètre de reboisement et la direction provinciale de l’agriculture. Elles représentaient en quelque sorte la population concernée lors des réunions annuelles, pour faire part de leurs droits et de leur avis sur les projets du reboisement. C’est dans ce sens que des coopératives ont été créées en extension à ces périmètres de reboisement, telle que la coopérative El Azhar que nous allons traiter par la suite.

Ainsi, l’organisation en finage a été reconfigurée par la replantation de grandes surfaces. Dans le cadre du Plan Maroc vert, ces campagnes de replantation ont été accompagnées de la création d’associations. Selon un technicien agricole du Centre de Conseil Agricole d’Asjen : Ç En 2010, la zone d’Asjen a bénéficié d’un programme de réhabilitation des périmètres oléicoles, une réhabilitation qui a permis une reconversion des surfaces agricoles en périmètres oléicoles, sur lesquels sont venues se greffer des coopératives ayant pour objectif la gestion de ces périmètres È (extrait d’entretien, ENTTA1). D’après notre enquête de terrain, ces coopératives sont essentiellement gérées par la Jemaa, l’assemblée communautaire du douar. En effet, suite à notre enquête de terrain auprès du Moqdem du douar d’Asjen, la Jemaa serait toujours fonctionnelle, dont seuls les natifs d’Asjen par descendance font partie, les foyers sont obligés de porter à la mosquée du douar à tour de rôle la Ç Awla È. La Jemaa possède des biens propres, comme les périmètres plantés dans le cadre du Plan Maroc Vert, qui sont exploités communément par la population d’Asjen. On assiste à une transformation de l’organisation du finage du douar d’Asjen où la Jemaa passe d’une organisation traditionnelle à une organisation plus formelle relevant de l’association, autour de l’exploitation de périmètres oléicoles, avec des associations qui vont par la suite être reconverties en coopératives.

II. Une agriculture contrastée : entre intensification et autoconsommation

A. Caractéristiques agricoles

Situé dans une zone montagneuse, le Rif est caractérisé par des conditions climatiques très variables. Ces caractéristiques physiques influent fortement sur l’activité des agriculteurs. Aux conditions climatiques et au relief s’ajoute l’impact du statut foncier, support des cultures. L’activité agricole des provinces de Ouezzane et Chefchaouen doit composer avec un milieu physique difficile et des moyens matériels très limités. Comme c’est le cas dans tout le pays Jbala, la population développe un système d’exploitation, ne faisant pas appel à des moyens techniques modernes, et une utilisation des terres qui s’organise en combinant différentes cultures. Malgré l’ouverture du pays d’Ouezzane sur l’agro-industrie, la majeure partie de la population peine à s’articuler aux dynamiques et écolutions agricoles en cours.

83

L’agriculture comme dans la plupart des pays en développement occupe une place importante au Maroc. Elle a une forte influence sur les autres secteurs de l’économie car le taux de croissance du pays est lié à celui de la production agricole. Elle assure environ 14% du PIB.

L’agriculture demeure la principale activité de la population à majorité rurale dans les provinces de Chefchaouen et Ouezzane, où elle est le moteur de l’économie dans ces zones. Le relief très accidenté et persiste une forte problématique d’érosion qui entraine l’appauvrissement des sols. Contrairement à Chefchaouen, la province de Ouezzane est une région collinaire avec davantage de terres cultivables que sa voisine qui est une zone montagneuse et très caillouteuse. Ces deux provinces ont des caractéristiques agricoles assez proches, de même que les types de cultures mais connaissent des trajectoires différentes.

Ouezzane Chefchaouen Photos Master EDEV, février 2018

L’occupation de la terre repose sur un système foncier très complexe (cf. synthèse bibliographique : L’agriculture dans les provinces de Chefchaouen et Ouezzane). Dans les deux provinces la plupart des agriculteurs ont hérité de leurs terres, ce qui explique leur fort morcellement; il est très rare de voir des agriculteurs avec de grandes surfaces. En plus de ce morcellement lié à l’héritage, se pose le problème de l’expropriation des terres par le service des eaux et forêts qui influe sur les surfaces cultivables et les espaces pastoraux. Dans ces deux provinces comme dans la plupart des zones rurales, on observe une prédominance du mode de faire-valoir direct, même si certains mettent leur terre en location pour avoir en retour les 2/3 de la production ; Selon l’agriculteur AA1 : Ç J’achète des terres et j’en loue une partie pour recevoir les 2/3 de la récolte È

Différents types d’activités agricoles

Il ressort des enquêtes de terrain que l’agriculture familiale domine dans la région, avec de petites exploitations sous l’autorité effective du chef de famille et des tâches réparties entre les membres de la famille. A côté de cette agriculture, on trouve aussi une agriculture intensive qui est pratiquée par certains agriculteurs, consistant à optimiser la production par rapport à la surface cultivée par l’usage d’intrants. Dans cette zone, l’agriculture est moins mécanisée qu’au niveau national. La tractation animale domine, surtout à Chefchaouen en raison de la forte dénivellation et du caractère caillouteux du sol qui rend l’utilisation des tracteurs quasi impossible. A cela s’ajoute le faible revenu des agriculteurs qui n’ont pas les

84 moyens d’acheter ni louer des tracteurs, par opposition à une minorité qui peut se le permettre au moment du labour.

Traction animale dans la province de Chafchaouen- Photo master EDEV-2018

Une diversification des cultures est présente dans les deux provinces. On distingue notamment la céréaliculture, l’arboriculture, les légumineuses, la culture fourragère et le maraichage. La céréaliculture occupe une place très importante dans les deux provinces, du fait de l’importance de la pluviométrie avec notamment une grosse quantité destinée à l’alimentation. L’arboriculture est aussi importante avec principalement l’olivier, le figuier, l’amandier, etc. L’oléiculture domine dans la province de Ouezzane où elle occupe une place prépondérante dans les exploitations paysannes. La culture de l’olive connait un spectaculaire développement à Ouezzane grâce à l’apport du Plan Maroc Vert qui compte beaucoup sur cette localité pour atteindre son objectif en matière de production d’huile d’olive de qualité à l’horizon 2020. La totalité des agriculteurs enquêtés possèdent des parcelles d’olivier. Ils produisent une quantité importante d’olive, dont une grande partie est vendue, soit directement soit transformée en huile de manière traditionnelle ou moderne pour la vente, et le reste est destiné à l’autoconsommation.

La culture des oliviers à Ouezzane jouit d’une notoriété régionale. Ahmad Assane, un paysan de Chefchaouen l’exprime ainsi : Ç Je vends mes olives et mon huile d’olive dans les souks de Ouezzane car elle est le marché d’olive par excellence dans la région È. C’est ainsi qu’a été créée la foire nationale de l’olivier à Ouezzane pour la valorisation de l’olive, initiée par la Délégation Régionale de l’Agriculture. La province compte aujourd’hui 11 unités industrielles de trituration des olives, dont l’unité de trituration d’olives du GIE Jnane Ouezzane de Bni Quolla qui est l’une des plus importantes. Ce Groupement d’Intérêt

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Economique est composé de huit coopératives avec 250 adhérents et profite à 2 500 agriculteurs des communes de Bni Quolla, Ain Beida et de Sidi Redouane. En contribuant à la valorisation de l’olivier sur une superficie de 4 000 ha, il produit 60 tonnes par jour (Ministère de la culture et de la communication du Maroc).

Plantation d’oliviers- photo master EDEV, février 2018

Outre l’oléiculture, la culture de figuier, peu développée auparavant, commence à prendre de l’importance par des initiatives de reboisement et du développement de pépinière de figues. Ce développement est à l’origine d’une organisation en coopérative et des opportunités potentielles qu’offre l’accès à des marchés tant au niveau national qu’international selon les propos du gérant de la coopérative jnane Rif, spécialisée dans la transformation de figues sèches (cf. coopératives). La culture fourragère n’est pas très développée, et il en est de même pour la culture maraichère du fait des problèmes d’eau récurrent surtout à Chefchaouen.

Dans la province de Chefchaouen, les caractéristiques des sols, le morcellement des terres et la non rentabilité de la culture céréalière, poussent les agriculteurs à recourir à la culture du cannabis qui a profondément modifié la structure socio-économique de la région. Cette dernière a été longtemps marginalisée par les autorités centrales sur le plan politique et économique par rapport aux autres régions du pays. Cet aspect fait partie des éléments facilitateurs de l’introduction de cette culture illicite. En effet, face à la rentabilité de cette culture, les populations ont tendance à laisser les cultures traditionnelles au profit de celle du cannabis. Une petite parcelle de cannabis rapporte davantage qu’un hectare de céréale, ce qui encourage surtout les jeunes dans cette activité.

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Aujourd’hui, la culture du cannabis14 a fait du Rif une des régions les plus réputées dans le monde en raison de la qualité de son cannabis. En France, 80 à 90 % du cannabis consommé (Stambouli, El Bouri, Bellimam, & El Karni, 2005), principalement sous forme de résine, proviendraient de la région du Rif (Maroc). Il semble que ce territoire est étroitement lié à son histoire politique et culturelle qui facilite l’exportation de ce produit.

Carte : Zone de la culture de cannabis dans la province de Chefchaouen

Source : United nations Office on Drugs and Crime (UNODC) : enquête sur le cannabis 2004. Carte extraite du rapport, modifiée et complétée (Pierre-Arnaud Chouvy, 2006).

Une étude menée par l'organisme des Nations Unies contre le crime et la drogue (UNODC), rendue publique en 2003, indique que le cannabis couvrait alors 4 131 hectares dans le Rif. Les surfaces ont très certainement beaucoup augmenté depuis. Il est vrai qu'aucune culture licite ne peut être concurrente à celle de cannabis.

A Chefchaouen, certains agriculteurs interrogés confirment que la culture de cannabis génère des revenus importants. Ils estiment qu’un hectare de cannabis peut rapporter annuellement de 2050 à 4050 euros. En comparaison, le blé (7quintaux à l'hectare) rapporte

14 Le cannabis est l’appellation scientifique du chanvre. Il s’agit d’une plante à fleurs (phanérogame angiosperme) appartenant à la famille des Cannabaceae. A partir du XIIe siècle, le cannabis a été utilisé, à des fins médicinales, comme sédatif contre les grandes douleurs et anesthésique par les chirurgiens avant les opérations (amputations, extractions de projectiles etc.) (Hijazi, 1984, Bellakhdar, 1997). Dans l’ouvrage le canon d’Avicenne datant du XIIe siècle, ouvrage qui occupait une place clé dans l’enseignement de la médecine jusqu’au XVIe siècle, le chanvre fait partie des plantes couramment utilisées comme anesthésique (Hijazi, 1984).

87 seulement 600 euros et le maïs (10 quintaux à l'hectare) 700 euros. Ë Chefchaouen encore, lorsqu’il s’agit de la culture de cannabis, on remarque que les autorités marocaines composent avec cette zone Rif, longtemps oubliée du pouvoir central. Vraisemblablement, les autorités locales préfèrent fermer les yeux. L’accroissement des quantités produites et la recherche de marchés à la fois intérieurs et extérieurs apparaissent comme le résultat de deux facteurs principaux. Le premier est la forte demande du marché européen de cannabis, et le second, les contraintes socio-économiques liées parfois à l’échec des politiques publiques locales. D’un autre côté, il semble que cette culture du cannabis enferme une grande surface des terres dans une situation dangereuse de monoculture. Par exemple, les terres possédées par nombre de familles dans les régions de Ghomaras et d’Akhmas, auparavant consacrées à de nombreuses variétés de cultures, sont aujourd’hui essentiellement utilisées pour la culture du cannabis.

Durant notre court séjour dans la ville de Chefchaouen, il est très difficile de faire quelques pas sans être sollicité par un vendeur de cannabis. Selon beaucoup d’observateurs, cette activité attire de nombreux touristes, en particulier les jeunes européens, dans cette localité. Mais la culture du cannabis est à l’origine de nombreux problèmes au niveau local comme national. L’introduction de nouvelles variétés de semences gourmandes en eau et en engrais entraine des conflits entre les agriculteurs pour l’usage de l’eau et l’accès au foncier et du fait de l’utilisation d’intrants concourt à la dégradation continue de l’environnement par la pollution. De surcroit, pendant la saison du cannabis, les autres agriculteurs de la région ont des difficultés pour recruter de la main-d’œuvre car les salariés agricoles sont mieux payés dans les exploitations de cannabis.

Système de canalisation gravitaire dans la province de Chefchaouen. Photo master EDEV, février 2018

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Il existe dans la région des structures administratives (Centre de Conseil Agricole, Association Nationale Ovine et Caprine) et des associations de développement qui interviennent dans la formation, l’encadrement et l’accompagnement des agriculteurs. Ces structures apportent plus aux grands agriculteurs qui font partie des coopératives et associations qu’aux petits exploitants qui n’adhérent parfois à aucune organisation. Il en est de même pour le financement, les petits exploitants rencontrent d’énormes difficultés pour survivre ou développer leur agriculture ; parfois, certains diversifient leurs activités pour avoir des revenus supplémentaires. Un agriculteur d’Ain Beida relate : Ç Je travaille comme maçon et employé agricole pour avoir des revenus supplémentaires, car je ne bénéficie pas de financement È.

En dehors des problèmes liés à la formation et au financement, le problème de l’eau pour l’irrigation est récurrent, avec les conflits d’usage du fait des modalités d’accès et de la répartition, organisée à partir de tours d’eau.

B. Un espace agricole en mutation : la diversification des productions, une reconversion des terroirs vers l’irrigation

Comme c’est le cas dans les autres secteurs du pays Jbala, la population des deux provinces étudiées reste organisée dans un système agraire qui peine à suivre les évolutions impulsées. Toutefois ces dernières années, le pays d’Ouezzane, et plus précisément le secteur d’Asjen, a connu un bouleversement essentiellement dû à une ouverture sur une agriculture moderne intensive. A l’inverse d’autres secteurs où les parcelles sont beaucoup plus morcelées, on note que la proximité de l’Oued Zaz fait du secteur d’Asjen un espace très fertile, avec une forte présence de parcelles irriguées favorables au développement des cultures maraichères. Ainsi, l’exploitation de la terre se fait manuellement, avec un système d’irrigation, essentiellement basé sur des canaux d’irrigation à ciel ouvert, appelés Saqia. La plaine de l’Oued Zaz se caractérise par la présence d’un grand nombre de Saqias ce qui a permis à la population locale et en particulier celle du douar d’Asjen de maintenir leur système d’irrigation traditionnelle. Le territoire d’Asjen, se caractérise par des exploitations de tailles importantes, qui varient entre 10 et 15 hectares, que les Marocains se sont procurés à des prix très bas après l’indépendance. Ç Après le départ des colons français, mon père avait acheté des exploitations de chez un Français chez qui il travaillait, à un prix symbolique. Ce fut le cas pour un grand nombre d’agriculteurs, qui se sont procurés les terres des Français, dans la plupart des cas, il s’agissait d’une donation sans aucune contrepartie È (Extrait d’entretien EAA1). Asjen est la seule région où les colons sont venus s’installer, ce qui a profondément modifié la dynamique mise en place auparavant. Malgré le morcellement par héritage, on retrouve des parcelles de tailles supérieures aux autres secteurs.

L’oued Zaz sur cette zone a permis une meilleure irrigation des terres et le développement des cultures maraichères, en particulier au niveau du centre la commune d’Asjen. La proximité du marché d’Ouezzane a également joué un rôle important dans le développement des cultures maraîchères, permettant l’écoulement de la production, selon un agriculteur : Ç Notre proximité du souk hebdomadaire d’Ouezzane, le mercredi, et celui du centre d’Asjen, le jeudi, facilite pour nous l’écoulement de notre production, nous vendons essentiellement des fruits et des légumes, tomates, carottes, poivrons, des melons. L’existence

89 des Saqiat au niveau des plaines permet le développement de grandes zones maraichères È (Extrait d’entretien : EAA1).

Suite aux entretiens menés, nous avons pu constater que malgré la présence d’un grand nombre d’huileries modernes, longeant la route nationale entre la ville d’Ouezzane et Brikcha, la population enquêtée maintient son système de production. Nous l’avons constaté par la présence de plus de quatre moulins à l’huile traditionnel. Comme le montre la photo prise ci- dessous, les moulins sont de grandes pierres taillées maintenues à la verticale, tournées sur une autre mise à plat. Selon un agriculteur du douar d’Ezzyatouna, dans la commune de Brikcha : Ç Nous utilisons les moulins à l’huile car l’huile produite est de meilleure qualité, Certes Ouezzane est touchée par l’émergence de grandes unités de trituration, mais nous préférons conserver nos traditions qui font la particularité de l’huile d’olive d’Ouezzane. Les coopératives et les unités de trituration utilisent de nouveaux procédés de trituration et de production de l’huile d’olive, ce qui fait perdre toute l’authenticité de l’huile. Nous préférons consommer une huile vierge bio. J’ai 70 ans et jamais de toute ma vie, je me suis dirigé vers une huilerie moderne. Néanmoins, un grand nombre de familles préfèrent moudre leur huile dans des huileries modernes, car la femme paysanne d’aujourd’hui n’est plus active comme celle d’autrefois, elle a envie de se moderniser, de faire moins d’effort, elle passe ses journées à regarder la télévision et a recours aux huileries modernes pour gagner du temps È (Extrait d’entretien ENTB2). Nous notons également que, selon nos entretiens auprès de la population locale, la présence des huileries modernes dans la zone de Brickha susciterait des tensions avec les habitants des douars, puisque la plupart des propriétaires des huileries modernes ne sont pas originaires de la région. Ainsi, l’attachement à d’autres modes de production de la part des populations pourrait également être interprété comme une forme de refus de la population locale de l’existence de ces unités de production allogènes à leur territoire et une volonté, par la maîtrise des techniques agricoles, de garder une relative indépendance.

Néanmoins, l’attachement aux techniques jusqu’alors usitée est le fruit d’un savoir faire ancien, transmis de générations en générations, ce qui a permis à la population locale de garder un système de production mais également des techniques de récolte, que nous allons voir par la suite.

Le passage d’un système d’irrigation par canaux (Saqia) à l’utilisation du goutte à goutte (Projet Qatari d’irrigation d’Asjen) Nous avons également pu remarquer, au centre de la commune d’Asjen, l’installation de grands canaux d’irrigation sur de grandes parcelles maraichères. La commune d’Asjen a bénéficié d’un projet de réhabilitation des périmètres d’irrigation dans le cadre d’une étroite collaboration entre le gouvernement marocain et celui de Qatar. Ce dernier a investi dans l’exploitation de grandes superficies, pour le développement des cultures maraichères. Le projet n’est pas encore fonctionnel, mais les canaux d’irrigation sont déjà installés, et un grand nombre d’agriculteurs se sont inscrits pour bénéficier de la réhabilitation des périmètres irrigués. Le choix des agriculteurs allant bénéficier du projet de réhabilitation s’est porté sur ceux qui sont propriétaires de grandes surfaces irrigables, ce qui renforce des formes d’inégalité sociale, les petits agriculteurs n’étant pas intégrés à ces initiatives. Le cas d’un pépiniériste enquêté illustre parfaitement cette situation : il a bénéficié du projet, ce qui lui a permis de développer sa propriété et étendre son exploitation. En plus de la préparation des boutures d’olivier, notamment la variété de la picholine marocaine, El Menara et El

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Haouzia, il s’ouvre désormais sur la préparation des boutures de lavande pour alimenter deux grands producteurs de la région d’Oulmes et d’Azrou.

Vers une intensification de l’élevage caprin : l’action de l’ANOC

Types de bétail à Chefchaouen et Ouezzane. Master EDEV, février 2018

Nous avons pu constater que l’on assiste à une réduction de l’élevage caprin. Cela serait essentiellement dû aux grandes vagues de migrations des jeunes qui préfèrent soit travailler dans le cannabis en raison de sa rentabilité, soit préfèrent travailler dans les villes. Nous avons pu constater une faible présence de l’élevage caprin dans la commune de Brikcha. Sachant que nous nous trouvons dans une zone qui se caractérise par de grands parcours de matorral15, cela a suscité notre intérêt. En effet, la thèse de Gerard Fay (1974) sur les pays des Jbalas, décrit la région ainsi : Ç la zone se caractérisait par un élevage extensif, les caprins sont conduits par des bergers, et pâturent dans les forêts, les ovins à leur tour, pâturent sur les terres en friche courte et sur les pâturages. Les bovins quant à eux sont bien moins nombreux. Les habitants appartenant au même douar s’organisent ensemble pour regrouper leurs animaux et les garder à tour de rôle. En été, à la fin de la récolte, ils pâturent les chaumes en vaine pâture È. Suite à un entretien auprès d’un éleveur du douar de Bellouta (commune de Brikcha), ces pratiques auraient totalement disparues de la zone. « La réduction de la pratique de l’élevage est essentiellement due au manque de bergers, la plupart des jeunes sont aujourd’hui scolarisés ou préfèrent immigrer à la ville que de garder les troupeaux. È (Extrait d’entretien EAB1). La réduction de l’élevage caprin dans la zone de Brikcha a donné lieu à plusieurs initiatives de développement pour l’appui des éleveurs caprins de la zone. C’est le cas de l’association nationale des ovins et caprins (ANOC) qui a pris l’initiative de doter chacun des éleveurs de quelques chèvres alpines.

15 Matorral : formation buissonnante à petits arbres rabougris et espacés (lentisques, caroubiers), qui est une forme dégradée de forêt de chêne vert (Dictionnaire Larousse).

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Cette initiative n’a cependant pas abouti. L’échec des initiatives d’appui aux éleveurs est essentiellement dû à une préférence pour un système d’élevage n’obligeant pas à remplacer les cultures vivrières par la luzerne que mange en abondance cette variété de chèvres. L’initiative de l’ANOC qui a doté les éleveurs d’une race de chèvres alpines nécessite un élevage moderne, le choix des lieux de parcours, la construction d’une écurie et un fourrage abondant. Cela demande beaucoup d’efforts et d’investissements de la part de l’éleveur. Or, selon un entretien avec un éleveur du douar de Bellouta, la paie d’un berger n’excède pas 2000 DH par an, tandis que le salaire d’un ouvrier dans l’exploitation du cannabis peut atteindre 100 DH par jour. Ces écarts mènent la population à se tourner vers la culture du cannabis, et conduisent à la fin du travail du berger dans la zone de Brikcha. L’initiative de l’ANOC n’aurait pas abouti suite à plusieurs facteurs analysés à travers le témoignage des éleveurs enquêtés. En 2010, l’ANOC a mis en place un projet en faisant bénéficier des éleveurs de Brikcha de chèvres alpines, en échange de fournir l’association en lait de chèvre, pour être transformé en produits laitiers. Mais les chèvres alpines demandent des techniques d’élevage assez particulières, en allant de l’assistance et du suivi du troupeau jusqu’à la sélection des lieux de parcours. C’est aussi une race qui est très productive en lait (de 15 à 20 litres de lait par jour), soit beaucoup plus que les races de chèvres locales. Ainsi, les agriculteurs fournissent à l’association du lait de chèvres alpines pour la transformation du lait en produits laitiers, fromage de chèvres, yaourt. Les éleveurs sont rémunérés à la fin de chaque mois en fonction de la quantité de lait qu’ils ont fourni. L’association aide également des éleveurs en leur fournissant du fourrage. Au début du projet, le nombre des éleveurs adhérents était de plus de 23 producteurs. Mais après quelques mois, plusieurs bénéficiaires ont vendu le bétail au souk face à l’effort trop important que cela leur demandait. Après une année, l’ANOC est venu faire le suivi du projet auprès du centre local, et quand les techniciens se sont rendus compte que les bénéficiaires du projet avaient vendu tout leur bétail, ils n’ont pas renouvelé le contrat. Aujourd’hui, il ne reste que deux éleveurs qui coopèrent dans ce projet avec l’association. D’après un éleveur du douar de Bellouta, Ç les producteurs et les éleveurs de la région, notamment ceux de Brikcha, ne sont pas conscients de l’importance de l’association, et de ce que cette dernière peut rapporter à leur production. Aujourd’hui, l’association se développe par de nouvelles techniques d’élevage moderne, ce qui nous permet d’améliorer le rendement de notre production en lait È (extrait d’entretien EANB1)

C. Trajectoires d’agriculteurs

Dans la zone d’étude, de manière générale l’ensemble des acteurs enquêtés ont un niveau d’instruction moyen, c’est-à-dire ils savent lire écrire et s’exprimer correctement en arabe, moyennement en français, et certains en anglais et espagnol. Nous avons rencontrés certains enquêtés avec des niveaux d’études supérieurs de niveau licence ou master (exemples de Salahedine, propriétaire du gîte Aicha, et de Mohamed, propriétaire du gîte El homar). Dans cette partie, nous avons décidé de faire le profil d’un gîteur et d’un agriculteur. Il s’agit de Mohamed Akkar, gestionnaire du gite El Houmar, et de l’agriculteur El Ghomeri (encodage AA1) à Asjen.

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Pluriactivité des enquêtés : Entre volonté et réalité Mohamed Akkar est gestionnaire du gîte El Houmar16 à Bouhachem. Il a un niveau d’étude bac + 1 en physique-chimie. Fils d’un agriculteur du douar Oulad El Houmar, il a décidé de revenir au village pour aider pontuellement ces parents tout en participant aux activités du village. Il a été président de Chaouen rural, une association de professionnels locaux qui facilite l'organisation et réservation d'activités dans la province de Chefchaouen. Il est devenu peu à peu une des personnes les plus dynamiques du douar dans le domaine touristique. D’après ces propres dires, il a été très difficile de convaincre ces parents pour la mise en place de la structure touristique qu’il a créée en 2005. Au début, il s’agissait d’une maison familiale de quatre chambres qu’il a rénovées avant de commencer à recevoir les touristes. Les premiers sont venus au mois d’avril 2006. Un an après, il a suivi une formation à l’école du tourisme à Tanger et a effectué plusieurs stages auprès d’hôteliers et gîteurs à Chefchaouen. L’objectif de ces formations était pour lui d’acquérir le maximum de connaissances dans le domaine touristique et de respecter les normes qui s’imposent à cette activité. Marié et père d’un enfant, Mohamed est aidé dans son activité par les membres de sa famille et même des voisins pendant la haute saison (printemps) ou lorsque la demande est forte. En 2016, la capacité d’accueil de son gite est passée de 4 à 7 chambres pour 15 lits de deux en moyenne.

Pour assurer au gîte une visibilité large au niveau national et international, le gestionnaire utilise les moyens de communication moderne (site internet, réseaux sociaux), l’intermédiaire d’agences de voyages, la transmission de bouche à oreille par les anciens clients et l’association Chaouen rural. C’est l’association qui fixe le prix de la nuitée entre 250 à 350 Dh par personne et reçoit une commission de 20 % si les touristes passent par cette structure. Pour compléter l’offre, Mohamed organise des randonnées (en mulet ou pédestre) en montagne, dans les champs des agriculteurs, autour du lac et dans la forêt de Bouhachem, qui joue un rôle essentiel sur le tourisme rural. De surcroît, il donne des cours de cuisine pour les touristes et organise des festivités au village afin que tout le monde en bénéficie. L’essentiel de sa clientèle est d’origine espagnole, française, américaine et marocaine. Après notre séjour, les prochains touristes hébergés par le gîteur allaient être un groupe d’Espagnols venant des Iles Canaries.

Gite El Houmar, page internet consultée en février 2018

16 Page facebook : https://www.facebook.com/MaisonRuraleElHoumar/

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Mohamed utilise les produits du terroir (huile d’olive, miel, lait, fromage) pour réaliser les repas ; la moitié est produite par lui-même et le reste vient de ces voisins ou est acheté dans les souks. En dehors de l’activité du gîte, il travaille dans l’apiculture, l’agriculture, et possède une unité de recharges de batterie. Dans l’optique de faire connaitre sa structure, il a fait reconnaître celle-ci par la délégation régionale du tourisme, qui l’a classée dans la deuxième catégorie. Il est actuellement en train de faire des démarches pour sa labellisation dont la première tentative est rejetée.

Le deuxième cas développé ici est celui d’un agriculteur âgé de 65 ans, marié à l’âge de 16 ans et père de 7 enfants dont certains sont fonctionnaires à Rabat. Il est membre du Centre de Conseil Agricole (CCA) dans la localité de Asjen du nom de El Ghomeri (encodage AA1). Issu d’une famille agricole du douar, notre agriculteur a très tôt remplacé son père dans l’exploitation familiale, ce qui explique son mariage précoce. Il a un niveau d’instruction faible et est propriétaire terrien. Il a hérité de ces parents entre 8 et 10 hectares, et a acheté une autre partie de ses terres (1/3 de sa surface actuelle). Comme membre du CCA, il a suivi plusieurs formations sur les techniques culturales et a participé à des salons agricoles, ce qui lui a donné une expérience dans le domaine de l’agriculture. Ainsi il a évolué d’une agriculture traditionnelle à une agriculture plus moderne caractérisée par l’usage des entrants chimiques et d’une mécanisation pendant la période du labour. Cette mécanisation qui augmente la production explique le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture plus commerciale. Il fait plusieurs types de cultures : maraichage, céréaliculture, légumineuses, culture fourragère et oléiculture. Ces types de cultures sont répartis sur 12 parcelles différentes et parfois éloignées. La culture de l’olivier est la plus importante (6 à 10 tonnes). Une partie est vendue directement, entre 5 et 7 Dh le kilogramme, et le reste est transformé en huile et vendu à 50 Dh le litre. Dans le cadre de l’exploitation familiale, la main d’œuvre est essentiellement composée des membres de la famille, excepté pendant la période de la récolte où il fait appel à une main d’œuvre salariale payée entre 80 à 100 Dh par journée. Il bénéficie d’un financement dans le cadre du Plan Maroc Vert et du crédit agricole. En plus des cultures, il pratique aussi un peu d’élevage et est très actif dans des associations (ancien président des parents d’élèves).

Contraintes et difficultés Dans le cadre de leurs activités, le gîteur comme l’agriculteur rencontrent des difficultés tel que l’accès au foncier. Le propriétaire du gite a le projet d’agrandir sa structure et l’agriculteur ses terres cultivables. Les deux acteurs sont également confrontés au problème d’accès d’eau pour l’irrigation. Le gîteur est plus spécifiquement confronté au problème d’accès aux infrastructures et à l’électricité qui relève des autorités publiques. Quant à l’agriculteur, face à l’amputation des terres par le service des eaux et forêt, qui impacte les surfaces des terres cultivables, il est plus difficile d’agrandir sa propriété.

III. De l’appropriation du terroir par les acteurs locaux à la construction d’un tourisme rural porté par des initiatives locales et internationales.

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Mots clés: terroir, tourisme rural, tourisme vert, bottom up, top down, gouvernance, mise en réseau, acteurs, formation, communication, patrimoine, savoir-faire.

Dans le contexte d’une tertiarisation de ses activités, le Maroc s’insère dès les années 1960 sur le marché touristique international et opte rapidement pour un modèle de tourisme standard, le tourisme balnéaire, au détriment d’un tourisme davantage culturel. Déguster un cocktail sous un parasol, les pieds dans le sable, au bord de la Méditerranée est davantage un gage de réussite économique pour le pays, qui s’intéresse alors peu aux nombreuses ressources spécifiques dont il dispose au sein même de ses terres. Pourtant, la population locale ne tarde pas à s’organiser afin de faire face à ce tourisme standardisé au profit d’un tourisme localisé qui met en scène le terroir, les savoirs et savoir-faire locaux, en plus du patrimoine naturel et culturel abondant. C’est ce que certains auteurs ont appelé la Ç fièvre du tourisme rural È (Berriane et al., 2012), apparue dans les années 1990 à l’issue de nombreuses initiatives des acteurs locaux (circuits touristiques, gîtes, restauration, etc.) qui organisent le mouvement associatif local afin de développer cette activité génératrice de revenus (AGR) à petite échelle. Leur viennent parfois en aide des soutiens internationaux (ONG et agences bilatérales en particulier) et les structures étatiques afin de pallier les besoins financiers par exemple. Toutefois, l’offre, précédée par la demande venue d’ailleurs (Maroc et international), se déploie de façon quasi-systématiquement informelle, de façon souvent non organisée, avec l’aide non négligeable d’internet plus récemment. Les enjeux de gouvernance sont alors de taille : comment concilier tous les acteurs pour organiser efficacement et durablement le déploiement de ce tourisme reculé ?

Il s’agit, à travers cette partie, d’aborder la diversité des acteurs du tourisme rural présents dans les deux zones d’étude, Chefchaouen et Ouezzane, afin de comprendre leur(s) rôle(s). Nos deux territoires s’apparentant à des zones de montagne, accusent plusieurs difficultés liées au milieu naturel difficile (climat rude l’hiver, enclavement, fortes pentes, sol caillouteux, etc.). Il est dès lors intéressant de comprendre en quoi le tourisme rural, véritable plaidoyer du Ç qualitatif È, peut être pertinent. Nous aborderons par la suite les différents soutiens envers ces initiatives locales qui s’articulent sur le territoire tant en Ç bottom up È que Ç top down È17 (ONG, structures étatiques, bailleurs de fonds, etc.). Loin de nous contenter d’un commentaire purement descriptif, nous nous appliquerons à apporter quelques mises en lumière sur ce tourisme particulier aux nombreux synonymes tels qu’écotourisme, tourisme vert, tourisme doux, agro-tourisme, tourisme de montagne, tourisme durable, etc. (Marcotte, Bourdeau et Doyon, 2006) qui s’apparente à un tourisme Ç à la mode È ces dernières années.

A. L’émergence d’un tourisme rural via l’appropriation du terroir par des acteurs clés : les hébergeurs, les restaurateurs et l’association Chaouen Rural.

17 La démarche bottom up est une démarche ascendante (du bas vers le haut), inverse d’une démarche top down descendante (qui vient du haut). Cela implique une différence en termes de gouvernance et de mode d’action. Généralement, nous parlons de démarche top down pour qualifier le mode d’intervention des politiques publiques et de bottom up pour qualifier les initiatives locales.

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Les acteurs de développement local que nous avons enquêtés durant notre étude de terrain se veulent avant tout engagés dans une démarche de valorisation Ç douce È et qualitative du territoire, c’est-à-dire non traumatisante pour les populations locales que l’on nomme les jbala18, l’environnement et la biodiversité. A travers une approche bottom-up, très bien illustrée à travers l’association de développement local Chaouen Rural19 qui Ïuvre notamment à la mise en réseau des gîtes, ceux-ci prennent justement soin d’élaborer un tourisme plus humble, le tourisme rural, où l’invité se sent bien, intégré, proche de la terre et des hommes qui la peuplent. Il s’agit là d’une véritable prise de conscience du côté de l’Ç offre È et de la Ç demande È, où l’on appréhende un territoire autrement, en échappant notamment aux logiques de consommation brutales. L’idée est que la nature n’est pas à vendre, et qu’au contraire, nous apprenons à l’observer et à la préserver en articulant humains et non humains, ceux-ci étant intimement liés (Descola, 2014), tout en dégustant ses douceurs qui sont le fruit de savoir-faire spécifiques. Toutefois, comment s’organisent exactement ces initiatives au goût d’agroécologie, de Ç loger chez l’habitant È, de circuits, de découverte du terroir, etc. ? Et comment se caractérisent les acteurs ? Viennent-ils de Ç nulle part È ou bien suivent-ils des trajectoires de vie bien réfléchies ? Dans un premier temps, nous caractériserons ces acteurs, avant de nous consacrer davantage à leur(s) rôle(s) sur le territoire, aux initiatives qu’ils portent et aux limites auxquelles ceux-ci sont confrontés.

Les hébergeurs et restaurateurs du pays jbala : des personnes aux trajectoires de vie singulières ? Nous basant sur un échantillon de 6 personnes enquêtées : 1 association de gîtes, 2 restaurants, 4 gîtes (cf. tableau ci-dessous), nous n’avons pas la prétention de rendre une analyse exhaustive des acteurs du tourisme rural dans les provinces de Chefchaouen et Ouezzane. Toutefois, nous pouvons dresser un profil assez précis de ces personnes, toutes de nationalité marocaine et qui sont ici essentiellement des hommes. Comme nous le savons, le poids de la tradition dans la société marocaine permet de façon très limitée aux femmes d’occuper des emplois visibles, et cette situation est encore plus marquée en zone rurale. Celles-ci sont bien souvent confinées dans des postes cachés comme les travaux des champs ou la cuisine par exemple, ce qui explique le faible nombre de femmes enquêtées pour les activités relatives au tourisme (1 sur 6 enquêtés au total).

Carte 1. Localisation des structures étudiées.

18 Les jbala (jbli au singulier) constituent la population montagnarde autochtone d’une partie de la chaîne rifaine. 19 Basée à Chefchaouen, l’association Chaouen Rural Ïuvre depuis 2002 pour le Développement du Tourisme Rural dans la province de Chefchaouen, avec l’appui financier de l'Agence Espagnole de Coopération Internationale, de l'Agence Catalane de Coopération au Développement, et l'appui du Ministère du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Economie Sociale du Maroc.

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Tableau récapitulatif des entretiens mobilisés pour ce commentaire (réalisation Orlane Rouquier, M2 EDEV, 2017-2018)

Structure Localisation Création Personne Nationalité Sexe Qualification enquêtée professionnelle Association Chefchaouen 2002 Khadija marocaine F Chargée de Chaouen Akiour produit et de Rural qualité Restaurant Chefchaouen Ismail marocaine M Propriétaire Paloma Manssouri Restaurant/ Chefchaouen 2006 Chafik marocaine M Propriétaire gîte Casa Hassan Gîte El Douar 2006 Mohammed marocaine M Propriétaire Houmar Elhoumar Akkar Ferme Bellota 2003 Salaheddine marocaine M Propriétaire d’hôtes (commune El Azzouzi Aicha de Brikcha)

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Gîte Ouelad Ouelad Ben 2006 Benali marocaine M Propriétaire Ben Blal Blal Mohammed

Il faut tout d’abord souligner que l’essentiel des personnes enquêtées se trouvent dans la province de Chefchaouen (5 sur 6). Seul M. Salaheddine El Azzouzi, qui fut notre hôte durant notre séjour dans la province d’Ouezzane, a pu nous apporter quelques mises en lumière sur la thématique touristique dans le pays d’Ouezzane. Cela s’explique en grande partie par le phénomène d’attraction qu’exerce la province de Chefchaouen, qui se veut nettement plus touristique de par ses attributs naturels (montagne, sources, cascades, rivières, etc.) et patrimoniaux (Chefchaouen comme ville emblématique d’inspiration andalouse, seule ville traditionnelle de montagne du Maroc, etc.). En effet, Ouezzane, caractérisée comme une zone de vallées, aurait davantage tendance à se tourner vers des activités largement agricoles, la terre y étant plus propice qu’à Chefchaouen20.

Ces éléments étant posés, nous pouvons désormais tenter de comprendre qui sont ces acteurs qui travaillent dans un cadre familial21, et ce qui les a motivés à faire du tourisme rural. D’une part, toutes les personnes interrogées et dont nous avons pu recueillir les informations ont fait des études élémentaires (100 %). Les moins instruits, tel M. Mohammed Ben Ali du gîte d’Ouelad Ben Blal, ont suivi l’école coranique durant leur enfance. Ç Lorsque j’étais enfant, il n’y avait pas d’école dans le douar donc mes parents m’ont mis à l’école coranique car les écoles publiques étaient trop éloignées È, explique-t-il. Pour nous rendre à son douar, nous avons dû emprunter un chemin en véhicule 4x4 durant une trentaine de minutes. La piste est très dégradée, rendant l’accès difficile et maintenant les villageois dans une situation quasi-autarcique, et ce particulièrement en hiver où les Illustration 1 aperçu du douar Ouelad Ben Blal, le 11 conditions météorologiques sont très dures février 2018 (crédit photo : Master 2 EDEV) (neige, froid, humidité, pluie, peu de soleil, brouillard). Les déplacements des habitants sont de ce fait très limités. Ç Nous descendons en moyenne une fois par semaine, pour aller au souk È, nous dit-il. Tout de même, Ç désormais il y a une école dans le douar È relate Mohammed Ben Ali, ce qui permet aux enfants du village de suivre désormais le cursus officiel.

20 Le terrain de Chefchaouen est caractérisé par son sol caillouteux et pentu, ce qui représente un facteur limitant pour l’expansion de l’agriculture. 21 Les enquêtés ont comme habitude de travailler en famille, c’est pourquoi bien souvent la femme du mari s’occupe de la cuisine, le frère de la communication, les parents du potager, etc.

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Illustration 2. Piste menant au gîte du douar Oulad Ben Blal (photo : Master 2 EDEV)

Concernant les études supérieures, la majorité des interrogés ont suivi une formation à l’université. En effet, 4 interrogés sur 6 ont poursuivi leurs études après le baccalauréat dans différents domaines tels la géographie, le tourisme, la littérature et les sciences, dont certains jusqu’en Master 2.

Concernant les langues pratiquées, élément essentiel au tourisme, le français est loin d’être répandu dans l’ensemble de la population, et ce particulièrement dans les zones rurales. Nos entretiens, qui se sont déroulés en arabe pour la plupart, en témoignent. Le français est ici la deuxième langue la plus parlée (50%), derrière l’arabe (100%). L’anglais et l’espagnol ne sont presque pas parlés (l’équivalent de 2 personnes sur 6 pour l’espagnol et d’1 personne sur 6 pour l’anglais), bien que la présence relativement importante de touristes espagnols et de quelques touristes anglais soit mentionnée dans les entretiens.

Anglais Espagnol Français Arabe

Non Oui Non Oui

Non Non Oui Oui

Non Oui Non Oui

NR NR Oui Oui

Oui Oui Oui Oui

Non Renseigné (NR) = absence d’information pour certains enquêtés.

D’autre part, la pluriactivité s’avère être un élément particulièrement important dans la caractérisation des personnes responsables des gîtes, qui cumulent, en plus de l’hébergement touristique, des activités agricoles (maraîchage, élevage, apiculture), artisanales, de randonnée, etc.

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Personne enquêtée Activités Gîte, animateur et professionnel en agro- M. Salaheddine El Azzouzi écotourisme Ð permaculture, responsable du projet Green Services et Terroirs22. Gîte, ateliers de cuisine locale, apiculture, Mohammed Ben Ali agriculture, élevage, artisanat de liège, randonnées, ramassage de champignons. Gîte, ateliers de cuisine locale, stages, Chafik agriculture. Gîte, ateliers de cuisine locale, location de Mohammed Akkar Randonnées, agriculture, élevage, apiculture

Le cas de M. Salaheddine El Azzouzi est particulièrement frappant. Au sein du gîte familial Aïcha, qui offre, en complément des services d’hébergement une cuisine familiale et locale, celui-ci pratique et enseigne le maraîchage agro-écologique, la fabrication du pain et des plats traditionnels. Originaire de la région, il est aussi un élément très actif dans le développement du tourisme rural de la zone. Il s’investit dans de nombreuses associations et cotoie des personnes reconnues internationalement tel Pierre Rabhi dans le domaine de l’agro- écologie. Il est notamment l’initiateur et le responsable du projet Green Services et Terroirs qui propose des services de formation en agro-écologie et travaille sur la mise en valeur des produits des coopératives, GIE et des agriculteurs à travers l’amélioration de l’étiquetage, des emballages et finalement de la commercialisation.

M. Mohammed Ben Ali, enquêté dans la région de Chefchaouen, livre un discours également très enrichissant sur ce point autour d’une délicieuse bissara23 qu’il fait lui-même avec ses propres légumineuses. Originaire du douar où il propose ses services d’hébergement, il cumule d’autres activités en parallèle telles que la visite de sites naturels (présence de singes emblématiques sur les hauteurs), l’artisanat de liège24, l’agriculture, l’apiculture, l’élevage, la cuisine, etc. Ç Je fus intégré un temps dans un réseau à Bellota (chez M. El Azzouzi) afin d’apprendre les techniques de compost agro-écologiques È nous raconte-t-il, ce qui valide par ailleurs la Ç double casquette È de M. El Azzouzi, qui essaime les techniques agro- écologiques dans la région. M. Ben Ali a su également mêler son activité d’artisanat de liège avec l’apiculture. Ç Je fabrique des ruches en liège afin de produire mon miel È. Très attaché à partager ses différentes activités et un tourisme Ç inclusif È, celui-ci explique, après avoir détaillé ses différentes activités agricoles (céréaliculture, ramassage de champignons25, etc.) que Ç tout ce que je fais, les touristes doivent le faire aussi È. Très motivé à développer ce tourisme rural, celui-ci nous avoue qu’il regrette de n’avoir pu faire davantage d’études.

22 Green Services et Terroirs est un projet consistant à valoriser les produits bio et du terroir issus des jardins de petits producteurs locaux. est une soupe ,(بصارة) La bissara (en darija) ou abissar (en berbère), ou thamarakt ou tamarakt 23 emblématique du patrimoine gastronomique marocain à base de fèves sèches ou de pois cultivé. Autrefois dénigrée pour sa réputation d’être Ç la soupe des pauvres È, celle-ci est aujourd’hui classée au patrimoine de l’UNESCO. 24 La région étant peuplée de chênes lièges, est réputée pour son traditionnel artisanat de liège. Bien qu’il existe une règlementation très stricte organisée par les Eaux et Forêts, notre enquêté nous confie qu’il n’a pas d’autorisation officielle pour récolter le liège mais que les autorités ne lui disent rien. Au contraire, celles-ci Ç passent de temps en temps car il y a une forêt royale à côté et m’achètent de l’artisanat È nous raconte-t-il. 25 Le ramassage de champignons est une activité Ç qui se transmet de père en fils È nous explique-t-il.

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Ç J’aimerais être plus instruit pour faire ma propre publicité, tenir un site internet. Actuellement, c’est mon frère de 24 ans qui fait ses études à Tanger qui me fait de la pub sur le réseau social Facebook È.

Illustration 3. Travail du liège dans le douar Ouelad Ben Blal (Photo : Master 2 EDEV)

Ce qu’il faut retenir :

- Les acteurs que nous venons d’étudier sont tous alphabétisés et bénéficient pour la plupart d’une qualification dans l’enseignement supérieur (niveau licence ou master). - Ils sont originaires de la région où ils exercent actuellement leurs activités (gîtes, restaurants, etc.). Tous sont bilingues ou multilingues : ils maîtrisent bien souvent en plus de l’arabe le français, puis pour certains l’espagnol et l’anglais. • Les activités sont exercées dans un cadre essentiellement familial : les parents, la nièce, le frère, la sÏur, font partie intégrante de la main d’œuvre, avec parfois un renfort de salariés venant de l’extérieur de la famille (24 salariés extérieurs pour la Casa Hasan à Chefchaouen). • Une large partie des savoir-faire se transmet d’ailleurs via le cercle familial, tel la collecte de champignons. • Le phénomène de pluriactivité est fortement présent, et ce particulièrement pour les hébergeurs qui exercent en plus de leurs activités d’hébergement des activités agricoles, d’artisanat, d’agro-écologie, etc. Nous retrouvons ainsi un large Ç panier de compétences È à travers chacun de ces acteurs. • Les gîtes sont le résultat de l’impulsion lancée par l’association Chaouen Rural en 2002.

Les acteurs jbala et leur rôle dans le tourisme rural : un démarrage rapide et spontané. Comme nous avons pu le comprendre à travers la partie précédente, le tourisme rural ne peut se déployer sans la mobilisation des acteurs locaux qui bénéficient d’une solide connaissance de leur territoire. Toutefois, sans une bonne articulation de ceux-ci entre eux et le bon ciblage des attentes en matière touristique, la fructification des activités touristiques peut s’avérer périlleuse. Une bonne gouvernance est en effet essentielle, et ce particulièrement lorsque les acteurs sont nombreux, dispersés et enclavés géographiquement. Cela veut donc

101 dire que de réels efforts en matière de coordination doivent être fait, et ce particulièrement lorsqu’il s’agit d’une démarche horizontale, où les processus de décisions sont accessibles à tous.

Rassemblés en association, les membres de Chaouen Rural luttent pour la reconnaissance et la réussite du tourisme qualitatif dans la région de Chefchaouen depuis 2002. Il s’agira de comprendre, à travers les entretiens réalisés et les observations faites, la chronologie du déploiement rapide de ce tourisme rural dans nos zones. Pour cela, nous nous appuierons sur la frise chronologique ci-dessous, qui traduit la construction d’un tourisme rural par Chaouen Rural via le développement de maisons d’hôtes et d’autres activités touristiques par la suite, telle l’organisation de randonnées.

L’observation du déploiement rapide du tourisme rural pourrait laisser penser que le tourisme rural est la solution aux problèmes d’enclavement et de pauvreté de la zone. En effet, aucun des acteurs n’a omis de nous conter les circuits pédestres qu’il organise avec les touristes en plus de l’initiation aux travaux agricoles. Toutefois, quelle est la régularité des visites ? Y a-t-il réellement une mise en réseau des gîtes ? Certains entretiens laissent à penser que ces activités ne sortent pas nécessairement les acteurs d’une situation de survie. La situation de la Casa Hasan, située au cÏur de Chefchaouen et s’imposant comme la première maison d’hôtes de la ville, n’est pas la même que celle du gîte d’Ouelad Ben Blal perché au cÏur de la montagne rifaine. En partenariat avec 150 agences de voyages, cette maison d’hôte chaounie jouit d’une reconnaissance approuvée à l’international, en plus d’un accès rendu confortable via le réseau routier, à l’inverse du gîte de M. Ben Ali qui peine à faire venir les touristes. Lorsque nous lui rendons visite le dimanche 11 février dans son gîte, où l’on séjourne pour 250 dh/ jour en pension complète26, celui-ci affirme qu’il ne reçoit des touristes qu’environ tous les 4-5 mois depuis 2010. Ç En 2009, des stagiaires sont venus quelques mois pour étudier l’environnement È nous dit-il afin de justifier son engouement pour les séjours de longue durée. Depuis, les touristes s’imposent comme une ressource rare. Une année florissante pour lui correspond à 6000dh (soit 530€). Il nous explique également que son gîte n’est sur aucune route et aucun circuit, ce qui fait de son gîte un lieu presque inconnu. Ç Certains gîtes enclavés marchent bien, les gîtes religieux par exemple. Des pèlerins y viennent régulièrement. Il y a aussi des gîtes situés en plein cÏur de la forêt de Bouhachem tel le gîte de Mansoura qui tourne bien de par les nombreux passages de randonneurs È. En plus de cela, notre enquêté nous fait part du climat tendu avec les autres villageois. Ç Ils sont jaloux et disent que ce projet n’apporte rien à la communauté È. Une mauvaise gestion de l’espace et des services publics est également observée. Pas de poubelle visible, des déchets qui s’accumulent en conséquence au bord du ruisseau qui traverse le village et aux alentours. Ç Les gens se fichent de l’entretien des lieux È nous dit-il.

26 La personne interrogée nous explique que le prix est fixé en accord avec l’association Chaouen Rural.

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Figure 8. Frise chronologique relative à l'expansion des maisons d'hôtes dans l’arrière-pays jbala via le réseau Chaouen Rural (réalisation: Orlane Rouquier, M2 EDEV, 2017-2018)

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Dès lors, nous sommes encore bien loin d’une mise en réseau des gîtes. Des acteurs sont formés et lancés sur le marché des gîtes et dans ce même temps, des préoccupations bien plus urgentes n’ont toujours pas été prises en compte. Ceux-ci se retrouvent alors paralysés dans une activité qui ne décolle pas et restent enlisés dans une situation de survie. De quoi questionner le rôle des organisations locales, nationales et internationales.

Illustration 4. Panneau présentant le gîte de M. Ben Ali (photo : Master 2 EDEV)

B. Des initiatives locales soutenues par les organismes nationaux et internationaux à travers la dynamique touristique initiée par les Ç Pays d’accueil touristique È (PAT).

Les initiatives locales que nous avons pu relever lors de notre partie précédente révèlent la tentative de construction d’un PAT (Pays d’Accueil Touristique) par le ministère du Tourisme marocain, l’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme) et le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) dès les années 2000, afin de planifier le tourisme rural dans les territoires marocains. Durant cette période, on a cherché à mutualiser le potentiel et les compétences tout en invitant les acteurs locaux à s’approprier la structuration et la définition du produit, sa promotion, sa commercialisation et son fonctionnement (Berriane et al., 2016). Véritable stratégie afin de réduire le décalage entre la demande et l’offre potentielle non organisée, les PAT ont comme mission principale de structurer et valoriser l’offre touristique rurale susceptible d’être mise sur le marché. Pour cela, cette stratégie de développement local va s’attacher à promouvoir auprès de tous les acteurs du secteur touristique les destinations touristiques d’arrière-pays tel Chefchaouen, tout en bénéficiant d’un soutien institutionnel afin de répondre à un tourisme normé et règlementaire. C’est ainsi qu’une définition du PAT est proposée en 2016 par M. Berriane et al., comme Ç une stratégie devant répondre à une identité propre et être délimitée sur la base d’éléments la distinguant de ses voisins : une unité physique et culturelle, mais aussi une diversification du produit. Le PAT doit se situer à proximité d’une zone d’émission et être doté d’un label. Il émane surtout d’une forte volonté des acteurs locaux de valoriser leur espace par le tourisme È. Toutefois, valoriser le petit patrimoine rural des arrière-pays nécessite aussi des équipements et des aménagements touristiques adaptés (Maison rurale, structures d’hébergement et de restauration touristiques rurales, etc.), qui ne sont rendus possibles sans une volonté forte des acteurs locaux à la base.

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Dès lors, il s’agira de voir ici comment sont soutenues ces initiatives initiées par le PAT tant au niveau national qu’international car comme nous le savons, la création d’un PAT nécessite de l’investissement non seulement humain, mais aussi matériel et financier.

Ce qu’il faut retenir :

• L’association Chaouen Rural est à l’initiative de la création d’un réseau de maisons rurales/ gîtes dans le territoire de Chefchaouen dans l’optique de développer un tourisme rural ascendant. • Les acteurs des gîtes ont fait preuve d’une grande réactivité, ont mis leurs structures au niveau des normes demandées (installation de douches, réhabilitation des chambres, etc.) et valorisé leurs différentes activités (agro-écologie, randonnées, artisanat de liège, etc.) au profit de ce tourisme rural. • Le manque de coordination entre les différents acteurs (associations, hébergeurs, agences de voyage, etc.) et les inégalités liées au milieu (fort enclavement pour certains et zone non desservie) font que pour certains, l’activité touristique n’arrive pas à décoller dans leur zone. • Actuellement, les propriétaires des gîtes sont davantage isolés que constitués en réseau. Il n’y a pas de cadre de concertation clairement établi et l’accompagnement de ceux-ci demeure largement insuffisant.

Illustration 5. Vues de Chefchaouen, du Parc de Bouhachem et de Talassemtane (photo : Master 2 EDEV)

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L’empreinte d’un soutien national top down à travers la construction d’un PAT dans le territoire de Chefchaouen.

Sollicitée comme destination pilote, Chefchaouen fit l’objet d’une mission d’étude spécifique coordonnée par le ministère du Tourisme, l’OMT et le PNUD en 2003. La zone centrale du PAT s’établit alors d’abord aux portes de la ville emblématique, tournée vers le Parc National de Talassemtane, riche en activités de nature et culturelles et déjà repéré par nombreux porteurs de projets. Trois autres extensions furent réfléchies, avec soit une ouverture sur le littoral, soit en direction du parc naturel régional de Bouhachem, soit en direction de Jebha et de la province d’Al Hoceima. Afin de gérer ce PAT et dans le cadre du projet initié par les trois acteurs que nous avons mis en lumière précédemment, une Maison de Pays fut introduite dans la ville de Chefchaouen pour informer, promouvoir, gérer les réservations et accompagner les propriétaires de gîtes. Toutefois, en raison d’un manque de coordination et des divergences avec les Eaux et Forêts, ces derniers créèrent également Ç leur È maison à Chefchaouen afin de promouvoir le Parc. Ce disfonctionnement s’affiche alors comme une première limite du PAT de Chefchaouen, qui n’arrive pas à concilier tous les acteurs et créer une destination touristique forte et unanime.

Dès lors, l’intervention de l’Etat ne semble pas apporter un nouveau souffle au tourisme rural de Chefchaouen, bien qu’il tente de trouver Ç la È solution. La succession de programmes en partenariat avec de grands organismes internationaux illustre bien cela. En effet, plusieurs appels d’offres furent lancés tel celui de 2009, avec l’appui de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement) pour une assistance technique à la mise en Ïuvre des PAT, qui a donné peu de résultats. Enfin, un projet d’appui au développement du secteur touristique, lancé par la Banque Mondiale en 2016 et appelée Qariati, Ïuvre à développer et diversifier le tourisme dans les zones rurales. Une convention liant 6 ministères et la SIT (Société d’Ingénierie Touristique) précise notamment à travers le programme de Ç développement intégré du tourisme rural et de la nature au Maroc È les objectifs. Tandis que le terme de PAT semble être grandement délaissé aujourd’hui, il est désormais question de parler davantage de Ç territoires de tourisme rural et de centres d’accueil touristique È. Pendant ce temps, les acteurs locaux continuent de s’organiser.

Ce qu’il faut retenir :

• L’intervention de l’Etat en matière de tourisme rural s’illustre dans notre zone d’étude à travers la création de Plans d’Accueil Touristique (PAT). • Un manque de coordination entre les structures étatiques (cf. ministère du Tourisme et Eaux et Forêts), des divergences et le poids de la bureaucratie font que le tourisme rural à Chefchaouen s’organise de façon éparpillée (cf. Maison de Pays et Maison du Parc dans la ville de Chefchaouen), donnant lieu à la création de plusieurs destinations touristiques au sein d’un même territoire. • Les appels à projet pour un Ç développement intégré du tourisme rural È lancés récemment par l’Etat et la Banque Mondiale, n’ont pas donné de résultats convaincants.

L’ADL : une association de développement local non gouvernementale qui illustre une coopération espagnole bien ancrée dans le nord du Maroc.

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L’Association de Développement Local (ADL) est une association non gouvernementale basée à Chefchaouen et qui exerce depuis 1997 dans le développement local des provinces du Nord du Maroc.

Illustration 6. Association ADL, photo Master 2 EDEV.

Les objectifs principaux actés par les membres de l’association ont été déclinés en quatre volets : impliquer la population au processus de développement ; dynamiser les initiatives locales de développement socio-économique ; mobiliser des ressources nécessaires pour la concrétisation des actions et projets ; accompagner et organiser un suivi technique et évaluer les projets. Etant le résultat de motivations spontanées, elle regroupe actuellement une cinquantaine de jeunes membres d’horizons très diversifiés (ingénieurs, éleveurs, éducateurs, médecins, techniciens, etc.), dont dix salariés temporaires (coordonnateurs de projets) et bon nombre de bénévoles, régis sur la base d’une cotisation annuelle d’un montant libre. L’unique condition pour candidater au poste de coordonnateur de projet est de savoir parler espagnol.

L’entretien réalisé avec un architecte marocain, membre du bureau exécutif de l’association, nous a permis de comprendre le mode d’action et le fonctionnement de l’ADL sur le territoire. Ç L’ADL fonctionne sur la base de partenariats de projets à l’échelle européenne à 99% È. Ç A la base, nous nous concentrions sur des petits projets tels que l’agriculture, la construction d’infrastructures, les revenus stables par le biais de la valorisation des coopératives, l’insertion professionnelle des femmes, la formation de guides, la lutte contre l’analphabétisme, etc. pour l’autonomie des populations rurales È. Pour mener à bien ces projets, l’Etat marocain est intervenu via l’INDH (Initiative Nationale du Développement Humain) ainsi que des actions du Ministère de la Santé et de l’Education. Toutefois le soutien étatique reste insuffisant dans cette région, aussi l’ADL s’appuie sur les financements de bailleurs de fonds internationaux, notamment des ONG, à 75% espagnols, telles que PRODIVERSA, une ONG de Malaga. En effet, il n’existe pas de délégation touristique du gouvernement marocain dans le territoire de Chefchaouen. C’est ce qui explique selon l’association que Ç la valorisation du tourisme de montagne est prise en main par les acteurs associatifs nationaux et internationauxÈ.

Illustration 7. Exemple de projet touristique de l'ADL, photo : Master 2 EDEV

L’association participe également à la valorisation de savoir-faire locaux et innovants tel la myciculture : Ç nous avons aidé au lancement d’une coopérative féminine de

107 myciculture il y a quelques années et bien que cette culture ne soit pas ancrée au Maroc, la coopérative vend aujourd’hui sa production aux restaurants et aux locaux È nous informe-t- il. Une coopérative féminine de fabrication de bijoux est également soutenue par l’ADL et vend sa production aux foires, marchés, etc. Concernant les freins aux projets relatifs à l’émancipation féminine par le travail, Ç le véritable problème concernait l’éloignement des femmes de l’unité de production. Lorsque celles-ci habitaient loin et devaient venir à pied, la famille était réticente. Pour cela, nous avons dû convaincre et mettre en place des solutions adéquates È. Depuis peu, l’association Ïuvre à concilier ses projets avec les objectifs du développement durable (ODD, voir photo). Avec 20 grands projets et 100 petits projets (qui durent généralement entre 3 et 4 ans) aboutis aujourd’hui, l’association dit vouloir étendre ses actions à l’ensemble du Maghreb. Ç Nous sommes ouverts à tout type de projet pouvant développer le territoire È. Toutefois, le responsable d’ADL qui nous a reçu reste sceptique vis-à-vis du rôle potentiel des autorités publiques, avec lesquelles l’association a énormément de mal à travailler du fait de différends en matière de gouvernance, de cohérence et de mode d’action.

Ce qu’il faut retenir :

• L’ADL s’apparente à une association non gouvernementale solidement ancrée dans le territoire de Chefchaouen et qui Ïuvre quotidiennement au développement rural de la zone. • Elle bénéficie d’un appui international de taille (bailleurs de fonds, ONG), majoritairement espagnol. • Beaucoup de ses projets Ïuvrent à la valorisation de la main d’œuvre féminine. • Depuis peu, elle s’est emparée des objectifs du développement durable et travaille à l’expansion de ses projets à l’échelle du Maghreb.

Conclusion

A travers cette partie, nous aurons pu voir comment se structure le tourisme rural dans les deux territoires d’étude, Chefchaouen et Ouezzane, en analysant les différents acteurs. La deuxième zone, majoritairement tournée vers l’agriculture du fait d’un milieu plus favorable qu’à Chefchaouen, n’a toujours pas réussi à faire décoller un tourisme rural efficient sur son sol, malgré les efforts menés. La zone de Chefchaouen, quant à elle, semble mieux tirer son épingle du jeu. Elle pâtit toutefois aujourd’hui d’un grand manque de coordination entre les acteurs, qui ne travaillent ni sur les mêmes dimensions, ni sur les mêmes approches, ni dans la même direction. De son côté, l’Etat semble toujours engagé dans une démarche très top down, à travers des appels à projets lancés sans concertation

108 avec les acteurs locaux, tandis que, d’un autre côté, les ONG Ïuvrent souvent Ç en solitaires È, sans connaître les actions déjà entreprises par d’autres structures. Les grands perdants restent les populations locales, surtout celles qui se sont investies dans des projets (cf. les PAT), comme la catégorie des hébergeurs, et qui, faute de soutien et d’infrastructures, ne voient pas toujours arriver les fruits du tourisme rural qu’on leur promet.

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Politiques publiques descendantes et initiatives locales : quels effets sur le développement ? Abdullah Ait L’Houssain, Awa Diouf, Bouchra Karroud, Saida Loqmane, Aurélie Pachy

I. Les politiques publiques marocaines relatives à l’agriculture et au tourisme : de la théorie à la pratique A. Difficultés de la territorialisation des politiques publiques agricoles : le cas de Chefchaouen : B.Le tourisme rural comme levier de développement local C. Perspectives de synergie entre tourisme et agriculture II. L’émergence des coopératives et associations A. Coopératives et associations : nouvelles formes d’organisation des producteurs B. Les différents types de coopératives C. Le développement des coopératives : Vers un avenir incertain ?

Introduction

Comment s’organisent la territorialisation 27 des politiques publiques et son articulation avec les stratégies d’autres acteurs ? Comment décrire, analyser et expliquer ces articulations, quels en sont les ressorts et quels sont les moteurs de la dynamique des acteurs qui la portent, et quels effets pourrait-elle avoir sur l’agriculture et le tourisme en particulier ? L’implication de ces deux niveaux (étatique et local) pose la question de la gouvernance et des articulations à établir entre les deux (Berriane et al., 2012 ; Berriane et Moizo, 2014). Notre propos s’articule autour de deux points principaux, 1) les enjeux des politiques publiques de développement économique articulant tourisme rural et agriculture, 2) les acteurs qui tentent d’accompagner ces initiatives locales, et enfin (3) face à cet échec relatif, des acteurs locaux qui essaient de développer leurs projets, mais ne réussissent pas à enclencher une mise en tourisme vertueuse. Au Maroc, l'agriculture représente le premier secteur économique qui contribue au développement du PIB national. L’État entend agir comme Ç locomotive È par le choix des axes de développement et l’appui aux autres acteurs28 sur le territoire national, et à côté, d’autres acteurs de développement local territorialisent les politiques et accompagnent les investissements.

A. Les difficultés de la territorialisation des politiques publiques agricoles

27 Selon Sabine Planel, 2009, Ç La territorialisation des politiques, est le fait de redimensionner une politique publique, de la macro échelle vers un autre plus minime (micro-échelle), dite sous-territoire et donc un passage d’une politique standardisée et généralisée, a un autre plus spécifique et appropriée aux spécificités d’un territoire donné (politique territorialisée) È. 28 Une définition qui relève du champ géographique indiqué que les acteurs sont derrière la conception des territoires : Ç ces acteurs sont concrets, repérables, ils font les territoires au travers des relations qu’ils entretiennent et ils constituent autant de pouvoirs et de contre-pouvoirs respectifs qui s’équilibrent È (Moine, 2006)

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Le secteur de l’agriculture au Maroc, est géré par le Ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime (MAPM) qui est subdivisé en deux départements, celui de la pêche maritime, et le département de l’agriculture, ce dernier a pour vocation, la mise en Ïuvre des stratégies du gouvernement dans le secteur de l’agriculture, l’établissement des mesures d’encouragement de la production agricole, de l’investissement dans le secteur, la conception des textes réglementaires organisant les filières agricoles, et des attributions permettant d’assurer la sécurité sanitaire . D’autres institutions publiques travaillent sous la tutelle du Ministère. D‘une part, les Agences de développement agricole (ADA), les Agences nationales pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier (l’ANDZOA) et les Agences nationales de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC). D’autre part, les Offices régionaux de la mise en valeur agricole (ORMVA), les Offices nationaux des conseils agricoles (l’ONCA), les Offices nationaux de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), les Offices nationaux interprofessionnels des céréales et légumineuses (ONICL), ainsi que d’autres établissements publics et semi-publics. L’existence d’un cadre institutionnel lourd et la multiplication des acteurs territoriaux ne sont pas suffisantes pour l’efficacité des politiques publiques sectorielles. Cela exige l’adoption de la bonne gouvernance comme outil de synergie, de coordination et d’implication de tous les acteurs dans le développement.

Le Ç Plan Maroc Vert È comme stratégie sectorielle de valorisation des terroirs au Maroc Avec le Plan Maroc Vert (PMV), promulgué en 2009 dans un contexte marqué par les défis sociaux et environnementaux mondiaux, le Maroc a revu une partie de sa stratégie agricole. Sa nouvelle philosophie vise le développement d’une Ç agriculture plurielle, ouverte sur les marchés extérieurs, territorialement diversifiée et durable È (CGDA, 2009). Ce programme de développement agricole repose sur deux piliers, le premier vise le développement d’une agriculture moderne à haute productivité et haute valeur ajoutée, et la seconde prévoit dans le pilier II l’accompagnement solidaire de la petite agriculture dans les régions difficiles et la lutte contre la pauvreté. Les enjeux du Plan Maroc Vert et les résultats chiffrés ont été fixés à l’horizon des 15 ans suivant le lancement du PMV. Ils visent l’augmentation du PIB agricole de 14 % en amont des filières et 5 % en aval de ces dernières, soit 70 à 100 milliards de dirhams, augmenter la valeur des exportations à 44 Milliards de dirhams et la création de 5 millions d’emplois (Ministère de l'Agriculture et de la Pêche Maritime, 2015). Cette réorientation des politiques agricoles arrive à point nommé pour soutenir des territoires proches de la rupture (démographique, économique, environnementale). Mais les modalités et les enjeux de la prise en compte concrète des terroirs comme outil de développement au niveau local semblent parfois complexes, comme nous le verrons plus loin.

De nombreux contrats, programmes, et des mesures d'accompagnement ont ainsi été adoptées pour améliorer la bonne gouvernance de la politique agricole. Le Fonds de Développement Agricole a aussi été réformé afin de couvrir l'amont et l'aval des filières de production végétales et animales, l'irrigation localisée et les projets d'agrégation. En parallèle, des projets ont été lancés pour mieux informer les professionnels : le système d'information Ç ASSAAR È (monitoring des prix agricoles), le géo-portail d'informations géographiques agricoles et une hotline pour les agriculteurs.

Le cas de Chefchaouen

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La valorisation des terroirs au Maroc repose essentiellement sur la mise en marché d’éléments autrefois soustraits à l’ordre marchand. Même si la question de la viabilité économique reste essentielle, le recours au terroir devrait permettre, comme cela a pu se passer en Europe, de mobiliser ou de reconstruire des identités territorialisées : celle des exploitations et des systèmes d’exploitation, celle des Ç pays È, agraires ou agritouristiques, construits sur ces systèmes. Incontestablement, les objectifs du Plan Maroc Vert comptent sur l’investissement, l’organisation professionnelle et l’agriculture contractuelle pour le développement d’une agriculture à haute productivité et haute valeur ajoutée. Le pilier 1 du PMV se distingue par un concept central, l’agrégation, celle-ci étant entendue comme une forme d’organisation permettant d’agréger autour d’un agriculteur Ç leader È un certain nombre de petits et moyens agriculteurs sur un territoire et selon des Ç modèles È déterminés, dans une dynamique de modernisation générale (MAPM, 2010). Dans le cas de Chefchaouen, penser à l’agrégation29 et à l’agriculture contractuelle ne peut se faire sans l’engagement réel des acteurs territoriaux30 dans le développement des filières agricoles. La coordination et la coopération des acteurs institutionnels dans le développement agricole est loin d’être acquise pour des raisons politiques évidentes, et les conflits latents autour des terres collectives sont souvent inextricables. Cette faible volonté économique laisse peu espérer de la labellisation des produits agricoles. Certes, si cette qualification est mise en Ïuvre, certainement, il peut enclencher une vraie dynamique de développement des produits à forte typicité (huile d’olive et le figuier par exemple). Le Ç renouveau de terroir È correspond à une véritable affirmation du Ç local È, structurée et développée depuis la mise en marginalité de cette zone du Rif pour le pouvoir central. L’apparition d’une grande variété d’acteurs dynamiques qui s’investissent dans le développement est fortement remarquable à Chefchaouen. Issues du tourisme ou bien des associations et coopératives locales (pour la commercialisation des huiles d’olive, plantes aromatiques et médicinales, figuier, et de la gastronomie locale), ces associations ont été initiées par des jeunes, et financées à titre individuel, soutenues soit par l’État (INDH) soit par des ONG ou des organismes internationaux.

En vue de former les agriculteurs aux techniques modernes et/ou durables, le Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts (MAPMDREF) a mis en place une stratégie relative à la création de Centres de Conseil Agricole (CCA). Ce projet de vulgarisation agricole et de conseil auprès des coopératives s’inscrit dans le cadre du Plan Maroc Vert (PMV). A Asjen (province d’Ouezzane), le CCA local encadre les agriculteurs et les coopératives pour un changement dans leurs systèmes de production et une meilleure organisation des filières. Un des conseillers agricoles interrogés indique que leur objectif actuel est d’encourager les agriculteurs à la diversification des cultures, et à l’arboriculture. Le centre Ç appui et accompagne notamment les coopératives de production d’olives, de céréales et d’herbes aromatiques È. A travers ce programme, le CCA fait un travail de sensibilisation à l’environnement et à la lutte contre la culture de cannabis. Le conseiller déplore cependant Ç le manque d’adhésion de tous les agriculteurs et le non-respect des fiches de cultures È. La coopérative Al Azhar créée en 2003, spécialisée la cuniculture, et la récolte des olives, des plantes aromatiques et médicinales, a bénéficié en 2014 d’un financement à hauteur de 10

29 L’expérience de l’ANOC dans l’élevage ovin et caprin est considérée avoir réussi parce qu’elle a adopté une Ç équation de succès È qui aurait fait ses preuves partout, et se résume en deux mots Ð clés : Investissement et Organisation professionnelle. Le PMV se propose donc d’intensifier l’effort d’investissement et d’organiser les agriculteurs autour de Ç modèles d’agrégation È. 30 Entretien semi-directif auprès des responsables de Conseils Agricoles (CR Asjane).

112 millions de dirhams et d’un distillateur de 40Kg de l’INDH. Cette aide liée à la transformation des olives et des plantes aromatique démontre la volonté de l’IDNH d’encourager cette coopérative à se tourner vers cette culture qui est facilement stockable et commercialisable. La promotion de la culture de plantes médicinales dans les provinces de Chefchaouen et Ouezzane contribue à la volonté de l’Etat de développer une offre touristique basée sur des produits locaux liés au bien-être.

Les entretiens 31 menés permettent de distinguer trois profils d’agriculteurs à Chefchaouen : ⎯ Agriculteurs pauvres ayant peu d’actifs et pratiquant une agriculture de substitution l’accompagnement et le soutien de leurs activités. ⎯ Agriculteurs et coopérateurs sans terres qui commercialisent des huiles d’olive de la région. Ces catégories avancent qu’ils ont bénéficié de matériels de production subventionnés dans le cadre du Plan Maroc Vert, cependant, certaines difficultés financières limitent la commercialisation de leurs produits. ⎯ Agriculteurs ayant des grandes parcelles et pratiquant la culture de cannabis comme source première de revenu.

Aujourd’hui, les acteurs territoriaux responsables de la déclinaison des politiques publiques sont loin de stimuler la croissance économique, ce qui à son tour limite les possibilités d’emplois productifs et de revenus pour les populations de Chaouen. Vraisemblablement, la faiblesse de l’action publique locale et ses influences sur la situation économique des agriculteurs laissent observer le changement des cultures de substitution par celle du cannabis.

B. Le tourisme rural comme levier de développement local

Favoriser le tourisme dans les régions rurales est une des stratégies initiées par les politiques publiques. L’objectif étant de faire bénéficier ces territoires de la manne financière qu’engendre le tourisme, et créer par ce biais un développement économique et social local. Cependant, dans un contexte actuel de développement durable, il n’est plus question de mener les mêmes politiques touristiques que dans les zones balnéaires et les grandes villes attractives du pays (Casablanca, Marrakech, Essaouira…). Au contraire, il est question ici de diversifier l’offre touristique et proposer une alternative au tourisme de masse, et éviter ainsi les répercussions négatives qu’il engendre sur la population et sur l’environnement.

L’engouement actuel pour un tourisme soucieux des ressources naturelles et du bien- être social local a été impulsé par les touristes internationaux et nationaux. Davantage attirés par ce genre de pratiques, cette nouvelle génération de touristes a contribué à influencer l’offre touristique et les orientations des programmes politiques liées au tourisme. Cette tendance s’allie parfaitement avec la volonté de l’Etat de mettre en valeur les espaces ruraux et rééquilibrer le développement et l’attractivité au sein du territoire national. En effet, il existe de fortes inégalités de développement au Maroc entre les espaces ruraux et urbain et entre les zones littorales et de montagnes. Dans ce cadre, ont été initiés à partir des années 1980 des programmes de développement des régions de montagnes avec le PDTM

31 Entretiens semi-directifs auprès des agriculteurs (CR Ain Baida, CR Asjen, CR hamra).

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(Programme de Développement du Tourisme de Montagne) et la création du CFAMM (Centre de Formation Aux Métiers de la Montagne).

Première destination du tourisme rural depuis que l’Etat a inscrit ce type de tourisme parmi ses choix stratégiques, Chefchaouen et son arrière-pays se sont installés sur le marché Ç informel È de ce créneau, bien avant les initiatives de l’Etat dans ce domaine à partir de la décennie 2000. (Berriane et Moizo, 2014). A Chefchaouen, nous avons identifié deux types d’organisations associatives qui s’impliquent dans l’encadrement et le développement du tourisme : celles qui peuvent être qualifiées de généralistes, Ïuvrant pour le développement local, et d’autres spécialisées, qui regroupent uniquement des professionnels du tourisme rural.

Figure 1 : Plage touristique, Sousse Figure 2 : Sentier de randonnée, Chefchaouen

Tableau 1 : Processus de structuration du tourisme rural à Chefchaouen :

Années clés Pays d’accueil touristique : entre concept et réalité

Reconnaissance de l’existence d’un potentiel considérable pour l’élaboration et la commercialisation de produits liés au tourisme rural 1998

Stratégie nationale du tourisme rural visait à mobiliser une demande internationale supposée déjà présente au Maroc, la clientèle des premières destinations devant venir de stations balnéaires ou de villes touristiques qui redistribuent une partie de leur clientèle vers les intérieurs. D’où la nécessité 2000 que le premier Pays d’accueil touristique soit à proximité de ces zones d’émission potentielles.

Le Ministère du Tourisme marocain lance avec l’aide de l’OMT et du PNUD la Ç stratégie du tourisme rural È (Ministère du Tourisme-OMT-Pnud, 2002).

L’objectif est de réduire le décalage entre la demande, forte, et l’offre 2002 potentielle, extrêmement riche mais inorganisée.

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Mise en Ïuvre de concept de Ç Pays d’accueil touristique È à Chefchaouen32. L’objectif est la définition du produit, sa promotion et sa commercialisation. 2003

Lancement d’un appel d’offre et appui de l’Usaid pour une Ç assistance technique à la mise en Ïuvre des Pays d’accueil touristiques È qui a donné 2009 peu de résultats.

A Chefchaouen, cette construction collective et adaptative, issue des acteurs locaux, a été totalement évacuée du processus, implicitement, pour les responsables du tourisme, le PAT de Chefchaouen correspond à la province dont cette ville est le chef-lieu et s’applique donc à une unité administrative aux limites figées. Cette absence de construction collective, qui se traduit par un manque d’appropriation par les acteurs locaux, associée à une forte bureaucratisation, va avoir d’importantes conséquences sur la concrétisation du projet. Un autre problème est la multiplicité des acteurs en présence, une des principales caractéristiques du tourisme rural, qui entraine parfois des 10 ans incohérences, voire des conflits d’intérêts entre tous les intervenants, plus tard annihilant les efforts de synergie entrepris et limitant les effets positifs de la cohérence souhaitée (Simmoneaux, 1999, Forger, 2010). En fin de compte, l’intervention de l’État ne semble pas dynamiser les processus en cours et les retombées des actions publiques restent minimes. Face à ces échecs, les acteurs locaux n’ont pas abandonné et ont réactivé les associations de proximité.

Source : Analyse documentaire, Geneviève Michon et Mohamed Berriane, 2016

C. Perspectives de synergie entre tourisme et agriculture

La politique agricole du Maroc n’a cessé d’évoluer ces trente dernières années, elle est passée du modèle de l’autosuffisance au modèle actuel d’ouverture au commerce international. Cette démarche de libéralisation s’inscrit dans le contexte d’une agriculture locale en évolution et des modes de consommation internationaux en mutations.

L’organisation du Salon International d’Agriculture du Maroc (SIAM) à Meknes, de l’Artisanat et du Festival National de l’Olivier à Ouezzane permet aux coopératives agricoles et artisanales d’exposer leurs savoir-faire. Absent pendant 20 ans, le Maroc expose de nouveau depuis 2016 au Salon International de l’Agriculture de Paris les produits du terroir national sous l’enseigne Ç Terroirs du Maroc, trésors du monde È. Parmi les produits phares figurent : ⎯ Les huiles d’olive d’Ouezzane ⎯ L’huile d’argan de Souss ⎯ Le safran de Taliouine ⎯ L’eau de rose du Sud

32 Ce Ç Pays È a des limites territoriales, mais il n’est ni une région ou d’une province ; il est avant tout un territoire de projet construit selon une dynamique ascendante (Aderghal et al., 2013).

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⎯ Les câpres de Safi ⎯ L’IGP Henné d’Ait Ouabelli ⎯ Les Dattes Majhoul de Tafilalet.

La présence de ces produits régionaux dans les salons internationaux offre aux territoires une vitrine afin d’exposer la spécificité de leurs terroirs, ce qui permet une ouverture au marché mondiale. La labellisation et la certification sont également des outils de valorisation des produits de qualité à l’international. Ces étiquettes, gage de qualité et d’authenticité territoriales, pourraient contribuer à créer des richesses et augmenter le potentiel touristique à Chefchaouen et Ouezzane.

Figure 3 : Affiches relatives aux Salons Internationaux de l'Agriculture, une vitrine pour les terroirs marocains

Ces éléments amènent à penser qu’il faut renforcer la coordination des acteurs de l’agriculture et du tourisme, pour créer un environnement institutionnel favorable conduisant au développement de l’investissement agricole et soutenant le renforcement des capacités. Cependant, il importe de ne pas idéaliser le rôle de ces institutions publiques, en raison essentiellement des facteurs suivants : - l’absence de bonne gouvernance locale : corruption des fonctionnaires locaux, captation des fonds publics par les élites locales, répartition inéquitable des ressources, etc. ; - la faible capacité technique locale, due à la complexité multisectorielle des problèmes des modes et moyens d’existence locaux ; - les faiblesses institutionnelles (le transfert des responsabilités dans le cadre de la décentralisation n’étant pas toujours accompagné par les ressources financières

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correspondantes adéquates, l’existence de lois et de règlements qui ne précisent pas les compétences locales et qui affectent le bien-être de la population.

Ë Chefchaouen encore, les acteurs et professionnelles de tourisme doivent promouvoir le tourisme vert, qui recouvre l’agrotourisme, l’écotourisme, le tourisme rural, en réponse à l’évolution de la demande touristique internationale, mais aussi en Ç découvrant È le potentiel d’attractivité des arrière-pays : avec la diversité de leurs atouts paysagers, naturels et culturels, ils peuvent placer la ville de Chefchaouen sur le marché du tourisme alternatif avec de forts avantages concurrentiels. De plus coupler une offre de tourisme de terroir et culturel peut participer à la relance de ce dernier, en le rendant plus compétitif. Le tourisme, surtout en milieu rural, s’appuie sur le patrimoine pour construire une destination originale et attractive, le patrimoine Ç validé È par le tourisme renforce son ancrage dans la société locale et aide à l’identification de celle-ci (Babelon et Chastel, 1994). Enfin, la synergie tourisme/agriculture fondée sur le concept de terroir peut permettre à la fois d’attirer des visiteurs et de mieux valoriser les produits locaux. Pour certains décideurs, cette articulation entre tourisme et terroirs apparaît aujourd’hui essentielle pour la construction d’une destination touristique Ç pays de Chefchaouen È. D’une manière générale, les projets ne peuvent fonctionner efficacement dans un monde complexe marqué par la concurrence sans l’existence d’acteurs actifs, conscients de leurs missions, cherchant l’intérêt général et Ïuvrant pour le bien-être collectif. Le changement comportemental vers une forme institutionnelle partenariale est nécessaire pour le développement local.

II. L’émergence des coopératives et associations

Dans le cadre de notre étude dans les provinces de Chefchaoun et Ouezzane, nous avons pu nous entretenir avec 9 Coopératives et 5 associations, réparties entre les communes d’Asjen, Brikcha, Ain Beida ainsi que dans la ville de Chefchaouen.

Carte de la répartition des organismes enquêtés dans les deux provinces.

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A partir de ces enquêtes sur le terrain, plusieurs types d’acteurs se dégagent :

ü Les producteurs : Ils mènent une activité axée principalement sur des variétés de plantes aromatiques ainsi que sur l’apiculture et sont majoritairement propriétaires des terres exploitées.

ü Les exploitants des ressources naturelles : il s’agit des femmes de douars de ces provinces qui s’organisent en petits groupes pour aller à la cueillette de plantes naturelles qui poussent dans les forêts ou dans des espaces abandonnés ou appartenant à la Couronne. Elles transforment ensuite ces produits de la cueillette pour les vendre. C’est le cas par exemple de la coopérative des Femmes productrices et transformatrices de Plantes Aromatiques et Médicinales (PAM) tels que le géranium, l’huile de myrthe, la camomille ou encore l’origan.

ü Les ayant-droit : l’organisation du douar se fait autour de la Jemaa, dont seuls les natifs du douar par descendance font partie. Les foyers sont obligés de porter à la mosquée la Awla à tour de rôle. Cela permet la limitation des biens collectifs aux originaires du douar33. Ainsi les terres exploitées sont communément réparties selon les familles et chaque foyer obtient une part de charge agricole. Sur ces terres est aussi bâti le local des coopératives, qui relève également du domaine de la Jemaa, expliquant la présence de la Jemaa dans la gestion de la coopérative. On retrouve ce système dans l’organisation des femmes de la coopérative productrice de couscous, Misdakia.

33 Source Séminaire du 06 Février, Présentation de Saïda Loqmane, d’après son mémoire de master, innovation agrciole, nouvelle structuration du territoire dans le pays d’ouazzane.

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A. Coopératives et associations : nouvelles formes d’organisation des producteurs

Les coopératives ont franchi plusieurs étapes dans leur évolution historique34 :

¥ Etape d’implantation des coopératives par les autorités du protectorat pour des raisons économiques. Les coopératives ont été implantées au Maroc à partir de 1937 par les autorités du protectorat pour des raisons politiques. 62 coopératives étaient fonctionnelles à la veille de l’Indépendance, dont la majorité était des coopératives agricoles et artisanales, des coopératives céréalières et oléicoles, dont certaines existent encore de nos jours.

¥ Etape d’intervention de l’Etat dans la gestion des coopératives : 1956-1983 Après l’Indépendance, l’Etat a mis en place un certain des mesures, pour encourager le développement des coopératives, telles que : - La promulgation de plusieurs textes juridiques, tels que le texte autorisant la constitution de coopératives minières, de coopératives d’habitations, de coopératives agricoles de réformes agraires, etc… - La création de l’Office du Développement de la Coopérative (ODCO) en 1962 pour appuyer les coopératives en termes de formation, d’information et de coordination - L’octroi de subventions aux coopératives - La mise à disposition des coopératives d’agents d’encadrement technique

Cela a favorisé l’accroissement du nombre de coopératives, qui sont passé de 62 à environ 2000 en 1983. Cependant, les subventions de l’Etat ont créé une situation de dépendance de nombreuses coopératives et une mauvaise gestion de ces subventions a réduit la création de projets chez les coopérateurs.

¥ Etape du désengagement de l’Etat des coopératives et unicité de la législation coopérative En supprimant certains avantages aux coopératives, la réorientation de l’Etat en 1983 à travers le désengagement dans certains secteurs, a impacté l’organisation et la mise en place de certaines coopératives A cet effet, une politique de désengagement des coopératives s’est mise en place. Elle s’oriente vers la création de coopératives autonomes mais qui nécessitent toujours des efforts colossaux au niveau de la valorisation de l’élément humain par la formation et la sensibilisation. Pour renforcer cette orientation, un cadre juridique unique pour les coopératives, abrogeant les textes antérieurs, a été adopté en 1983, mais n’est entré en application dans sa totalité qu’en 1993. Il s’agit de la loi n¡24.83 portant statut général des coopératives et missions de l’ODCO. Elle plaide en faveur de l’autonomie des coopératives, de la formation de l’élément humain des coopératives et de la création des unions de coopératives. Cette loi, mise à l’épreuve, s’est avérée en décalage avec son environnement, avec des lacunes et des défauts, d’où la nécessité d’une réforme qui a poussé les ministres de tutelle de l’ODCO à proposer des amendements, dont le dernier a été approuvé par le Conseil du Gouvernement du 7 Septembre 2011.

¥ Etape d’utilisation des coopératives comme instrument de création de l’emploi, intégration de la femme dans la vie active et organisation du secteur informel.

34 L’historique des Coopératives au Maroc : http://www.odco.gov.ma/fr/content/l%E2%80%99historique-des- coop%C3%A9ratives-au-maroc 119

A partir de l’an 2000, un plus grand intérêt est porté aux coopératives par plusieurs bailleurs de fonds internationaux et des programmes tels que l’INDH, Maroc Vert, Ibhar, M.C., habitat classe moyenne, etc. Ces appuis financiers et les formations dispensées au profit des coopératives dans des programmes de plusieurs instances concernées par le développement des Activités Génératrices de Revenus (AGR) organisées dans des coopératives, sont venus s’ajouter aux efforts déployés par l’ODCO dans la vulgarisation de la formule coopérative. Le nombre de coopératives a atteint 15.735 coopératives en fin 2015. Cependant, la démarche fondamentale qui découle des stratégies de développement agricole et rural durable définie ces dernières années dans les pays du Maghreb, s’appuie sur le principe d’une gouvernance locale assurée par la présence Ç d’organisations rurales fortes, représentatives des populations agricoles et rurales et s’impliquant effectivement dans les projets de développement rural local È (Stratégie développement rural 2020). Ainsi, Ç à travers leurs valeurs de démocratie, de solidarité, de partage et d’entraide, les coopératives jouent un rôle de plus en plus important dans le développement économique et social du Maroc. Leur attractivité croît surtout depuis 2005, année du lancement de l’Initiative nationale du développement humain (INDH) encourageant la création et la pérennisation des structures de l’économie sociale et solidaire. È (Ahrouch, 2011).

En matière fiscale, les coopératives bénéficient, au Maroc, d’exonérations importantes. Il s’agit principalement d’exonération de l’impôt des patentes, de la taxe urbaine, de l’impôt sur les bénéfices professionnels (article 87 de la loi 24-83) et de la taxe sur la vente de produits et sur les opérations et services effectués pour le compte des adhérents (article 88 de la loi 24-83). Toutefois, si les coopératives étaient historiquement exonérées sans limitation en vertu de leurs statuts, ce n’est plus le cas actuellement. Depuis 2005, en effet, les pouvoirs publics ont soumis à l’impôt sur les sociétés (IS) et à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les coopératives réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1 million de dirhams par an (environ 90 000 euros). Selon le gouvernement marocain, cette imposition visait à rétablir une concurrence loyale dans plusieurs branches d’activité. Certaines coopératives agricoles, et notamment laitières, ont pu en effet développer des structures capitalistes assez éloignées des petits éleveurs. De leur côté, les représentants des coopératives accusent le gouvernement d’avoir cédé aux pressions exercées par des opérateurs privés organisés en sociétés commerciales, qui n’ont cessé de critiquer les situations de concurrence déloyale. Depuis, pour défendre leurs intérêts, les coopératives ont décidé de réagir en commun par la création de la Fédération nationale des coopératives. Leur objectif est de convaincre le gouvernement d’abroger les dispositions au terme desquelles elles sont imposées. Cette imposition, selon le président de l’Union des coopératives agricoles marocaines (Uncam) allait induire le licenciement d’au moins la moitié des effectifs employés par les coopératives. Toutefois, ces licenciements n’ont jusqu’à présent pas eu lieu, au moins à la Copag, la plus grande coopérative concernée par ces mesures.

Concernant l’évolution des coopératives au Maroc sur la période récente, il est difficile de trouver des statistiques fiables en raison du manque de données quantitatives et qualitatives. Cependant, le lancement de l’INDH en 2005 a donné un coup de pouce à la création des coopératives, notamment en le milieu rural, qui souffrait de l’exclusion et de la pauvreté. Ainsi, de 2005-2009 leur nombre a crû de 38,3 %. Cette évolution traduit le rôle déterminant du tissu coopératif dans le développement économique et social au Maroc, grâce à une volonté politique réelle. L’agriculture est le secteur le plus important comprenant des coopérants et occupe le premier rang (62 %). Il faut préciser que ces coopératives sont à 95 % féminines. L’entrepreneuriat féminin en coopératives constitue un

120 tournant important dans la société marocaine, permettant aux femmes d’accéder à une autonomie financière et à plus de pouvoir dans la prise de décision. Le secteur coopératif enregistre ainsi chaque mois la création de nouvelles coopératives dans différents secteurs d’activité. A titre d’exemple, au cours du mois de novembre 2010, 106 coopératives se sont créées, regroupant 2 167 900 dirhams (194 000 euros) de capital, 1 451 adhérents et 1 290 emplois. Il est particulièrement important de relever que, parmi ces 106 nouvelles entités, 14 sont des coopératives de femmes (136 coopératrices). Le poids du secteur coopératif s’accroît : 347 684 adhérents en 2006 (Attaaoun n¡ 91, automne 2009) pour 365 255 adhérents en 2010.

Au Maroc l’enjeu est de taille, étant donné l’immensité des domaines de coopération et les objectifs de développement économique, social et humain. L’initiative nationale de développement humain, dans son axe d’activités génératrices de revenus, encourage et soutient le modèle coopératif, surtout celui des femmes en milieu rural. En plus de l’INDH, le Plan Maroc Vert constitue une plateforme importante de développement des coopératives agricoles.

Source : Saida Loqmane, Séminaire du 6 février 2018, Université Mohamed V, Rabat.

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Pour approfondir notre analyse, nous pouvons dire que les associations et coopératives ont plusieurs points communs qui tiennent à la structuration des filières et à l’encadrement des producteurs à travers des formations. Le plus important est le fait que ces deux entités sont des moyens de développement à travers les activités génératrices de revenus qu’elles mettent en place grâce aux ventes des produits finis dans les souks35, foires, villes et parfois même à l’international.

Il faut noter que dans les objectifs des coopératives et associations, l’impulsion du rôle et travail des femmes est mis en avant et devient même un moyen pour le marketing et la mise en place des produits sur le marché (cf photo ci-contre, Master EDEV, février 2018).

La photographie suivante représente la carte de visite du GIE des Femmes du Rif : FARIDA, qui produit de l’huile d’olive biologique, comme le cachet de gauche le souligne. Le cachet à droite, Ç 100% Femmes È, met l’accent sur le fait que ces produits sont cueillis, traités et transformés uniquement par des femmes. Cela peut influencer les acheteurs et consommateurs dans la mesure où ils peuvent être sensibles à la question de la place de la femme, et que cela peut les pousser à acheter ou consommer le produit dans le but d’aider les femmes.

Notre enquête de terrain nous conduit à penser que la place de la femme dans le développement rural des deux provinces est très importante. En effet, de nombreuses initiatives sont mises en place par les femmes et trouvent souvent plus facilement des bailleurs dont l’objectif est de promouvoir l’autonomisation des femmes. On note une évolution dans la situation de la femme marocaine qui passe d’un espace domestique (foyer, enfants et époux à charge) à un espace extra-domestique (exploitation de terres, production, fabrication et vente de produits), changeant le rôle de la femme au sein de cette société marocaine. En même temps se développe le cliché de l’homme marocain sans activité et passant ses journées à boire du thé et à fumer sur les terrasses des cafés ou maison pendant que son épouse travaille aux champs ou dans une coopérative en plus des activités domestiques pour augmenter ou apporter un revenu.

35 Marchés hebdomadaires organisés dans les douars, provinces et ou communes

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Certains époux condamnent le fait que leur femme exerce une activité professionnelle et justifient que leur place se trouve uniquement à la maison. Ils interdisent à leur épouse d’exercer toute activité extérieure à but lucratif et gèrent eux même les revenus pour leur foyer. Les femmes de la Coopérative de Couscous Misdakia ont mentionné que cinq femmes ont dû renoncer à cause de l’opposition de leur mari et du coût d'adhésion élevé. A l’inverse, certains époux soutiennent ces activités car elles sont un moyen d’augmenter les revenus mensuels du ménage et d’offrir de meilleures conditions d’éducation à leurs enfants. C’est le cas de Madame Rabia, la présidente de la coopérative des PAM qui, pour aider son époux meunier qui perçoit un salaire de 10 Dh par jour, s’est lancée dans la cueillette et la production de plantes médicinales et aromatiques. Elle allie cette activité aux travaux domestiques malgré les difficultés (réveil à 4h du matin, journées chargées, manque de sommeil) mais en est fière car c’est grâce à cela que ses enfants, actuellement médecin et ingénieur, ont eu l’opportunité d’aller dans de bonnes écoles et de réussir.

B. Les différents types de coopératives

Les associations converties en coopératives dans le cadre de projets de plantations de périmètres oléicoles. Dans le cadre du plan Maroc Vert, des périmètres de replantation ont vu le jour, sur lesquels sont venues se greffer des associations représentent les populations locales : associations locales porteuses de projets dans le cadre de replantation du périmètre d’Ait Merra au niveau de la commune d’Asjen ; Association du Taguert dans le douar Zaidoun, Brikcha ; Association Dar Abdelhaq dans le douar El Ansar, Asjen, et Association de replantation du périmètre chamcham dans le douar star Asjen. Ces associations jouaient le rôle d’intermédiaire entre la population occupant le périmètre de reboisement et la direction provinciale d’agriculture, elles représentaient en quelque sorte la population concernée lors des réunions annuelles, pour faire part de leur droit et leur avis sur le projet du reboisement.

Comme nous l’avons mentionné auparavant, la commune d’Asjen a connu de vastes programmes de développement ayant pour objectif la lutte contre la dégradation des terres et la pauvreté. Mais malgré l’émergence de ces projets, aucun impact positif sur la pauvreté n’a été observé et les cultures de cannabis se sont développées comme ressource majeure des populations. Tous ces éléments ont poussé l’Etat à mettre en place des programmes de développement, tel que le Plan Maroc Vert, dans son pilier 2, qui oriente la reconversion des terres agricoles en périmètres oléicoles, afin d’appuyer la production de l’olivier en tant qu’activité génératrice de revenus. Dans ce cadre, des associations porteuses de projets ont vu le jour au niveau de chaque périmètre reconverti. Parmi ces périmètres, on retrouve celui de Ain Merra au niveau de la commune d’Asjen que nous allons analyser. D’après notre enquête auprès de la direction provinciale d’agriculture d’Ouazzane, en 2010, de grandes surfaces labourables ont été reconverties en périmètres oléicoles au niveau d’Ain Merra, relevant du centre de la commune d’Asjen. Le but du projet est de renforcer la production oléicole de la région et comme l’association est à but non lucratif, la direction provinciale d’agriculture a incité la population locale occupant le périmètre à créer une coopérative pour que les bénéfices soient généralisés à tout le douar. Parmi ces coopératives, se trouve la coopérative Errabie dont nous allons retracer la trajectoire pour mieux comprendre cette conversion de l’association en coopérative.

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Exemple de la coopérative Errabie, une association convertie en coopérative Nous avons réalisé un entretien avec le président de la coopérative Errabie. L’origine de la coopérative remonte à la création d’une association locale de jeunes du douar d’Asjen, pendant le programme de reconversion des terres labourables en surfaces oléicoles. Dans le cadre du Plan Maroc Vert, la direction provinciale d’agriculture a incité la population locale concernée par les périmètres de plantation à créer une association, représentant les agriculteurs concernés par ces périmètres. Le rôle de l’association était de sélectionner les terres sur lesquelles allaient se greffer ces périmètres oléicoles, après avoir eu l’accord des agriculteurs concernés. Son rôle a été également de sensibiliser les agriculteurs pour une meilleure production et une valorisation du produit de terroir. D’après un entretien auprès d’un ancien membre de l’association, « en 2011, un représentant de la Direction provinciale d’agriculture d’Ouezzane a débarqué au douar d’Asjen et a proposé aux habitants la création d’une association pour que les agriculteurs du douar profitent des périmètres de plantations oléicoles, dans le cadre du projet Plan Maroc Vert. Les jeunes du douar se sont regroupés lors d’une assemblée générale et se sont portés volontaires pour adhérer à l’association, nous avons donc voté, pour élire le président, le vice-président, le secrétaire général et les représentants. L’association représentait les agriculteurs à condition que les membres bénéficient de ces périmètres de plantations È (Extrait entretien, AA2). En 2012, et dans le cadre de la deuxième phase du Plan Maroc Vert, qui consiste à la réhabilitation des périmètres oléicoles, et en extension avec le projet des périmètres cités auparavant, la Direction provinciale d’agriculture a doté le douar d’Asjen d’une unité de trituration, pour appuyer la production de ces périmètres, ce qui a suscité la création d’une coopérative. Ainsi les membres de l’association du périmètre Ain Merra se sont portés volontaires pour créer une coopérative, et c’est ainsi que l’association a été en quelque sorte reconvertie en coopérative en extension du projet de plantations de ces périmètres. La coopérative a également bénéficié de l’appui de la direction régionale d’agriculture de Tanger-Tétouan, concernant la construction de l’unité en plus d’avoir également bénéficié de l’appui du programme Millenium challenge, qui a équipé la coopérative en matériel.

Des coopératives exploitant des sources naturelles nécessitant le passage d’un système d’organisation traditionnel à un système moderne : exemple de la coopérative El Wifak Zerradoun d’exploitation des bassins de sel Le cas de la coopérative El Wifak a suscité notre intérêt en raison de la mutation dans les modes de production et du passage d’une exploitation des bassins traditionnels aux bassins de sel modernes mis en place dans le cadre la coopérative.

Photos du bassin de sel de la coopérative El wifak, Douar Zerradoun, Commune de Brikcha, province de Ouazzane. Cliché Saida Loqmane, février 2018.

Les femmes du douar de Zerradoun extraient du sel d’une source d’eau saline dans

124 des bassins qui auraient plus de 200 ans, avec des parois essentiellement constituées de murets en pierre. Ces derniers sont alimentés d’une source naturelle, sous la surveillance d’un Moqadem d’eau, qui joue le rôle de superviseur qui répartit l’eau à tour de rôle sur tous les bassins. Une fois que les bassins sont remplis d’eau, les femmes attendent son évaporation, pour ensuite recueillir du sel en deux phases. Une première phase consiste en l’extraction d’une première couche, il s’agit de la première qualité du sel de table (d’où est extraite la fleur de sel), puis une seconde phase consiste en l’extraction d’une seconde couche, qui est de qualité moindre que la première et qui va servir au gros sel réservé à la conservation de l’olive. Le sel recueilli est mis à dos de mulets, et sera ensuite moulu ou laissé en grain.

Initiative de l’association catalane MZC au niveau de la coopérative El Wifak Après la création de la coopérative, les adhérents de la coopérative ont été dotés du matériel d’extraction du sel. Les exploitants sont donc passées d’une exploitation traditionnelle à une exploitation moderne du sel par l’utilisation de pompes à eau, et de bassins de pierres à des bassins de plastique. Une association espagnole, MZC (Mujeres en Zonas de Conflictos) a doté la coopérative d’un gros réservoir pour y mettre l’eau saline, qui a remplacé aujourd’hui le khezzan d’eau, car les adhérentes de la coopérative étaient tout le temps en conflit avec les particuliers à cause de la répartition de l’eau. Aujourd’hui, la coopérative est libre de se procurer de l’eau sans avoir à la partager avec les particuliers (entretien ECZ1). Les femmes de la coopérative travaillent à tour de rôle dans l’extraction du sel. Ainsi, une équipe de 10 femmes s’occupe de l’extraction du sel, tandis qu’une autre s’occupe de la vente du sel au souk et de son conditionnement sur le lieu de la coopérative. En ce qui concerne le conditionnement et la transformation du sel, le broyage du sel joue un rôle important dans la rentabilité de l’activité de la coopérative, car le sel recueilli en période froide est rugueux, selon une adhérente de la coopérative d’El Wifak. Ç On produit essentiellement du gros sel qui est invendable dans le souk hebdomadaire, c’est pourquoi l’association MZC a doté la coopérative d’un appareil de broyage, permettant de moudre le gros sel en sel plus fin, et permettant également une addition automatique d’iode, dans chaque proportion de sel, ce qui a permis l’augmentation de vente de la coopérative. L’extraction de la fleur de sel a également augmenté la rentabilité de notre production. Avant nous ignorions l’importance de la fleur de sel. Après la récolte, on mélangeait la première couche du sel avec toute la récolte È (Extrait ECZ1)

Comme nous l’avons mentionné antérieurement, l’extraction du sel est une activité très ancienne, faisant la particularité du douar de Zerradoun depuis plus de 200 ans. Ce savoir-faire a été transmis de génération en génération, avec des techniques d’extraction bien particulières faisant l’authenticité et la particularité du sel de Zerradoun. Suite à notre enquête de terrain, nous avons pu constater que l’organisation du douar se fait essentiellement autour de l’exploitation du sel, ce qui explique le faible revenu des habitants du Douar de Zerradoun. Nous souhaitons également souligner que l’enclavement du douar a donné lieu à une extension de la culture du cannabis, sous forme de petites parcelles à l’intérieur du douar. L’initiative de l’association espagnole MZC a fait du projet de la coopérative une activité pour l’appui à la production du sel mais également en tant qu’activité alternative au cannabis. Nous assistons donc à une transformation du territoire villageois, s’articulant auparavant autour d’une pratique ancienne essentiellement articulée autour d’un savoir-faire qui est l’extraction et la production du sel à une organisation autour de la coopérative donnant lieu à une nouvelle forme d’organisation et d’exploitation du sel.

Coopérative El Wifak : le sel comme produit Sentinelle

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Sel de la coopérative El Wifak, cliché S.Loqmane, mars 2018.

Ainsi, les femmes de la coopérative El Wifak récoltent plusieurs types de sel, qui peuvent être moulus ou laissés en grains pour diverses utilisations. La coopérative El Wifak a été choisie dans le cadre d’un partenariat avec l’organisme Slow food comme produit sentinelle au niveau du convivium d’Ouazzane, en collaboration avec celui de Valence. D’après la présidente de la coopérative, il existerait un village au sud de Valence connu par l’exploitation du sel, et l’idée serait une collaboration entre les deux conviviums pour une valorisation de la production du sel en tant qu’activité ancestrale. Ç Le convivium est un mot latin qui signifie festin ou réception. L’organisme Slow Food a emprunté ce terme pour designer des groupes locaux, il en existe presque 1000 dans le monde. En ce qui concerne celui d’Ouazzane, auquel adhère la coopérative El Wifak, les adhérents se rencontrent et établissent des relations avec des producteurs, afin de protéger et de valoriser les produits alimentaires traditionnels. Dans ce sens, les acteurs appartenant à ce convivium participent à des événements internationaux. Par son appartenance au convivium d’Ouazzane, le sel de Zerradoun a été élu comme produit sentinelle È (Extrait d’entretien ENTS1). Une Ç sentinelle È est un projet à petite échelle qui porte la valorisation des terroirs et qui soutient des producteurs artisanaux pour préserver et faire perdurer leurs méthode de travail traditionnelle et leur produits.

Aujourd’hui la coopérative se retrouve entre deux formes d’appuis, une par les associations insérées dans des programme de développement qui leur proposent de nouvelles techniques de production qui font perdre au sel son authenticité par l’utilisation de matériaux en plastique, ou encore de nouveaux khezzan, qui remplacent aujourd’hui les méthodes ancestrales de l’extraction du sel à Zerradoun ; et l’appui de l’organisme Slow Food, qui a pour objectif d’améliorer la productivité de la coopérative tout en gardant l’authenticité du sel en tant que produit sentinelle.

Les coopératives fédératrices de petits agriculteurs : l’exemple des apiculteurs Comme nous l’avons mentionné antérieurement, le territoire de Brikcha se caractérise par une forte activité apicole essentiellement due à la présence d’une variété importante de plantes aromatiques et d’arbres favorables à la production du miel. Nous nous sommes penchés sur le cas de la coopérative de Bellouta qui compte parmi les coopératives fédératrices dans le pays d’Ouezzane, et nous avons réalisé un entretien avec le président de la coopérative. Nous avons pu constater une forme de mutation dans l’organisation des agriculteurs : le passage d’une forme d’exploitation à petite échelle à des exploitations à grande échelle, qui a donné lieu à une nouvelle forme d’organisation pour une meilleure gestion de leur production.

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Dans le cadre de la création de la coopérative, les adhérents ont suivi des formations leur permettant de s’ouvrir sur de nouvelles variétés de miel, ce qui a amené les producteurs à transhumer en fonction des saisons, chaque saison étant spécifique à un type de floraison dans une région donnée, à savoir le caroubier, l’oranger et l’eucalyptus. Les apiculteurs sont donc amenés à faire transhumer les ruches dans différentes régions selon la floraison de chaque type de plantes. Ce qui a amené les producteurs à une nouvelle forme d’organisation. Chaque année lors de l’assemblée générale, les adhérents de la coopérative se mettent d’accord sur la répartition des tâches entre eux. Deux personnes se chargent de la transhumance, trois autres de la gestion des ruches, deux autres de la gestion de la coopérative, et une personne se charge du point de vente. D’après un apiculteur adhérent à la coopérative de Bellouta, Ç Le Territoire de Brikcha se caractérise par une importante activité apicole, dû à la présence d‘un important couvert végétal comprenant une grande variété de plantes aromatiques et d’arbres qui font la particularité du miel de la région, Il s’agit essentiellement de l’eucalyptus et du caroubier È. Ç Nous avons suivi des formations théoriques en apiculture moderne et des formations pratiques, concernant les différentes étapes de l’élevage, la visite des ruches, la transhumance, la récolte, mais aussi la commercialisation et la gestion financière de la coopérative. Aujourd’hui nous pouvons transmettre ces nouvelles techniques d’élevage aux nouveaux apiculteurs. (Extrait d’entretien ECB1).

C. Le développement des coopératives et des associations : Vers un avenir incertain ?

Le développement des coopératives et associations est conditionné essentiellement par les conditions et modalités d’accès aux financements. Ainsi, à l’issu de nos entretiens, nous remarquons que la plupart des entités sont financées, en plus de l’Etat, par des bailleurs de fonds en liens avec des problématiques de coopération dont les Ambassades, l’INDH, l’USAID, le Millénium Challenge Account, et de nombreuses ONG et l’Agence de coopération espagnole. Prodiversa finance aussi 99% des projets de l’Association de Développement de Chefchaouen (ADL), parfois en nature (matériel, formation, échange), car outre le financement, les bailleurs apportent leur aide à la mise en Ïuvre des projets, favorisant ainsi l’évolution des coopératives et associations.

Pour favoriser le développement de ces structures, une bonne coordination est également nécessaire. Dans ce sens, nous pouvons noter que la structuration en Groupe d’Intérêt Economique (GIE) a favorisé l’essor de nombreuses coopératives et associations. On peut citer l’exemple du GIE Femmes du RIF qui selon Mme Rahma Bouchtaoui, membre et préalablement également adhérente à l’association NOUR, a amélioré ses gains et bénéfices depuis sa création, en respectant les normes contractuelles et grâce à la certification et la labellisation des produits. On constate ainsi l’avènement d’une

127 forme hybride entre coopérative et association, donnant naissance à des collectifs tels que les GIE, ou à la transformation d’associations en coopératives.

Néanmoins de nombreuses difficultés ont été pointées durant cette enquête sur le terrain. Celles-ci pourraient être confrontées à avenir incertain auquel font face les coopératives et associations de ces deux provinces. En effet, les problèmes de localisation ont été soulignés dans la plupart des entretiens. Certaines entités sont situées trop loin des routes ou des zones touristiques ou n’ont pas une bonne diffusion publicitaire des produits. Cela engendre dès lors des problèmes de commercialisation et d’écoulement des stocks. A cela s’ajoute le problème de la conservation de certains produits frais, faute de moyens et de matériels adéquats, défectueux ou inexistants pour le stockage. Des nombreux produits sont alors perdus. Ce problème concerne particulière les associations productrices de produits dérivés du lait de chèvre, telle que l’association Ajbane de Chefchaouen.

Produits de l’association Ajbane de Chefchaouen. Cliché : EDEV, février 2018

De plus certains circuits sont mal maîtrisés, ce qui remet en cause la traçabilité des produits qui disposent d’une labellisation. Certaines coopératives, telles que ADL Chaoun, peinent à étendre leurs activités car elles sont éloigner des centres administratifs qui délivrent les autorisations et les conventionnements. n’ont pas accès aux zones de convention et se voient restreindre voire même stopper leurs activités. Il existe ainsi des problèmes de convention territoriale engendrant des difficultés à travailler avec les autorités publiques. Cela est dû à un manque de coordination et/ou de communication entre les acteurs locaux et les autorités qui devraient travailler ensemble pour le développement des deux provinces.

Néanmoins, l’évolution des projets semble susciter un désenclavement de la région. Ainsi il y aurait davantage de projets de développement et un élargissement des réseaux et des filières. Certaines coopératives et associations ont même quelques perspectives d’ouverture dans d’autres secteurs tels que la savonnerie ou le transport scolaire des filles avec l’ADL, qui précise que les filles sont plus motivées à aller à l’école que les garçons.

Conclusion

Avec l’émergence des projets de coopératives et d’associations dans les provinces de Chefchaoun et Ouezzane, nous assistions à une transformation des modes, méthodes, processus et systèmes préétablit pour répondre aux nouvelles attentes et aux objectifs à atteindre. Cela donne naissance à de nouvelles structurations et organisation des terroirs.

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Tourisme rural, produit de terroir et projet de développement local : mythe ou réalité ? Tarik Akdim, Ansoumane Camara, Ibrahima Doumbia, Ciceron Kanli, Sarah Rami

I. L’impact des politiques publiques sur les territoires A. Ouezzane, Chefchaouen : deux provinces inégalement intégrées aux politiques publiques B. Des politiques inadaptées aux réalités du terrain II. Pour un tourisme rural adapté aux réalités locales A. Attentes et revendications des acteurs locaux. B. Perspectives pour un développement durable.

I. L’impact des politiques publiques sur les territoires

Dans cette partie, nous aborderons l’impact des politiques publiques, à travers le PMV et le Plan Azur sur notre zone d’étude. Une première étape sera consacrée à l’effet d’exclusion de certains acteurs notamment les acteurs non organisés en coopérative qui sont restés en marge de ces politiques. Puis dans un second temps, nous discuterons de l’inadaptation de ces politiques aux réalités du terrain. Le développement qui intègre la dimension locale est celui qui prend en considération les actions pensées à une échelle globale. L’une des images qui peuvent porter cette dimension est le tourisme dit rural, appelé à développer le territoire comme une réalité construite par les acteurs locaux. Le tourisme rural est le tourisme qui se veut intégré, solidaire et adapté aux besoins et spécificités locales, c'est-à-dire qu’il contribue au développement local. Dans ce sens, le tourisme rural n’est pas un concept qui aurait aujourd’hui accédé à son indépendance disciplinaire. Bien au contraire, elle relève de travaux d’origines scientifiques variées. Ce qui rend difficile la mise au point d’une définition idoine pour tous ceux qui s’en approchent. L’une des questions qui anime notre réflexion est de positionner le territoire non pas comme une ressource pour le développement36, mais comme un produit du développement. C’est dans ce sens que le tourisme qui se développe comme une alternative par rapport au tourisme classique peut contribuer au développement local. A l’image de ce positionnement par rapport au territoire de notre étude, l’approche est d’associer les constats du présent aux enjeux du futur en se focalisant sur la dimension territoriale. A travers cette réflexion, le territoire que nous voulons approcher se définit comme un espace construit par une dynamique des acteurs. Cette dynamique est la logique d’expression des politiques publiques accompagnée des actions des acteurs locaux. C’est une relation de cause à effet qui explique que le développement rural dans les arrière-pays nécessite une véritable volonté de toutes les composantes concernées par la réalisation des actions qui doivent être inscrites dans la durée. Tout projet qui se veut territorial doit intégrer la dimension temps et espace telle qu’elle est pour réussir les projets de territoire. A cet effet, pour s’orienter vers une action d’envergure territoriale visant à cultiver un esprit de territorialisation des actions, c'est-à-dire à créer un environnement susceptible

36 Voir Claude LACOUR, Ç Les territoires, nouvelles ressources du développement È dans INRA, Recherches pour et sur le développement territorial, Symposium de Montpellier, 11-12 janvier 2000.

129 d’engendrer une éventuelle coordination entre tous les acteurs qui travaillent dans le domaine en s’inscrivant dans une logique de développement adapté au territoire, il est important de mettre en place un système d’attractivité locale de façon à permettre aux investisseurs d’entreprendre en milieu rural, à mobiliser les ressources disponibles et partager une culture du tourisme rural et à développer un tourisme rural intégré à la localité.

A. Ouezzane, Chefchaouen : deux provinces inégalement intégrées aux politiques publiques

Dans la construction spatiale, les pays d’Ouazzane et Chefchaouen semblent avoir deux trajectoires distinctes. Les constats relèvent que Ouazzane par sa vocation agricole, tournée vers le Gharb semble moins ouvert sur les acteurs externes, en l’occurrence les ONG internationales en matière de tourisme rural, mais aussi n’as pas le même développement concernant le tissu associatif par rapport aux pays de Chefchaouen ouvert sur les dynamiques insufflés par son ouverture touristique. Ces constats trouvent leur argumentation par le niveau d’insertion des politiques publiques dans ces deux régions sensées créer une complémentarité d’espaces et d’activités. Mais ces politiques semblent reprises de manière différenciée par les acteurs locaux. A partir des entretiens et observations effectuées, l’impulsion de ces politiques publiques prend la forme de création des coopératives dans le domaine agricole. Ces mesures de création de certaines coopératives, comme le cas de la Coopérative AlAzhar dans la commune Asjen37, qui est à la base une association, ne semble pas avoir accès aux mêmes financements que les coopératives créées dans le cadre des projets MEDA par l’Association de Développement Local de Chefchaouen. Le mode d’accès et de gestion des financements des politiques publiques diffèrent. L’exemple le plus marquant, est celui de l’INDH où les dispositifs de mise en place de ces dernières a permis à la population locale de la commune d’Asjen de s’engager dans des actions permettant la progression des activités agricoles. Ceci est aussi le cas pour les deux autres communes avec des différences d’intégration dans des réseaux d’association et de coopératives. Le plan Maroc Vert - comme plan sectoriel de développement de l’agriculture- par son pilier II reste limité dans ses actions et dépend de la stratégie des acteurs. Ainsi, il est facile de voir que le pays de Chefchaouen draine rapidement des investissements et des acteurs non gouvernementaux à venir financer et collaborer dans les projets de développement, ce qui n’est pas le cas à Ouazzane. Quelques éléments de l’histoire peuvent également expliquer pourquoi ces deux provinces qui pourraient faire partie d’un seul territoire, semblent avoir suivi des trajectoires différentes. L’implantation de certains projets entre les douars (le cas de la Maison Aicha à Bellouta) où le gérant a montré son attachement à Chefchaouen, alors qu’ils font partie administrativement de Ouazzane.

Mise en marge des acteurs non organisés Avec quatre millions d’emplois, le secteur agricole est ainsi l’un des principaux secteurs d’activité au niveau national. La population rurale est d’ailleurs estimée à 18 millions de personnes, ce qui représente 49 % de l’ensemble des ménages au niveau national selon le Ministère de l’agriculture. Le secteur est ainsi le deuxième pourvoyeur d’emploi dans le pays après le secteur des services soit 38 % de la population active en 2016. Sa part dans

37 La spécificité de la commune d’Asjen est son ouverture sur de nouveaux types d’agricultures expliquant la recherche de nouveaux modes de gestion de l’espace rural.

130 l’économie nationale est estimée à 74 milliards de dirhams, ce qui correspond à 14% du Produit intérieur brut (PIB). Mais dans un contexte mondial, l’agriculture fait face à des difficultés telles que le changement climatique, la sécurité alimentaire, la hausse des prix des produits agricoles, la lutte contre la pauvreté, c’est pourquoi le Maroc pour y faire face a mis en place en avril 2008 le PMV. Ce plan a pour but de faire de l’agriculture le poumon de la croissance de l’économie nationale pour les prochaines décennies. Il ciblait le développement économique, social durable pour les populations rurales à travers le maintien des activités économiques dans les zones rurales défavorisées. Dans le cadre de la mise en Ïuvre du PMV, il était prévu une prise en compte du secteur dans toutes ses composantes sociologiques, territoriales et intégrant les objectifs de développement humain comme exigence majeure ainsi qu’une meilleure valorisation et une gestion durable des ressources naturelles. Mais force est de constater qu’il y a un grand écart entre ce qui est dit et la réalité sur le terrain.

La sélection des bénéficiaires La nouvelle stratégie de développement agricole peut être perçue comme un élément perturbateur au sein des territoires ruraux et des organisations d’acteurs. On observe sur le terrain un certain nombre de disparités et d’inégalités qui s’expliquent entre autre par la complexité croissante des procédures administratives et de contrôle liée à l’application du programme. L’objectif de ce programme concernant l’agriculture moderne est de développer une agriculture performante, adaptée aux règles du marché, grâce à une nouvelle vague d’investissements privés organisés autour de nouveaux modèles d’agrégation équitables. Cependant, les petits agriculteurs ont une difficulté à s’organiser en coopérative pour bénéficier de ces financements. A cette difficulté il faut également associer la complexification du processus de création de coopératives à Chefchaouen et Ouezzane. Les agriculteurs rencontrés à Ouezzane nous ont signalés que le processus est long et demande un sacrifice horaire très couteux. L’agriculteur se retrouve parfois obligé de délaisser ses activités pour effectuer les démarches administratives. Avec un taux d’analphabétisme proche de 40 % (Statistique du Ministère de l’agriculture, 2017), elles constituent une étape très difficiles à surmonter. Un giteur rencontré à Ouezzane nous a confié que : Ç Bien que je sois à Ouezzane, je dois aller à Chefchaouen, parfois à l’intérieur du pays pour faire mes démarches administratives È. Preuve que le processus de redécoupage territorial de 2015 n’est pas toujours été accompagné par la déconcentration des services de l’Etat.

Le manque d’information et d’action Durant les entretiens avec les paysans sur le terrain, l’Etat est souvent incriminé et critiqué dans sa gestion de l’information et de ces actions. Au niveau régional, le projet de protection de la zone forestière est perçu par les agriculteurs comme une appropriation de leur terre. Un producteur rencontré à Tanakoub nous a confié : Ç Ils sont venus (les agents des eaux et forêts), ils ont planté des arbres dans notre champs. Après ils nous ont interdit d’y entrer. Les oliviers qui sont après les arbres là-bas c’est pour eux. È. Ceci est notamment dû au manque de communication entre les structures des eaux et forêts et les agriculteurs. Une campagne d’information et de vulgarisation aurait permis de diffuser une vision plus globale du programme forestier. Les cultivateurs se sentent laissés à leur propre sort. Ainsi, un exploitant dans la région de Tanakoub nous dis : Ç Je ne sais rien de ce qui se passe au CCA È. Un autre rencontré non loin nous accueille en ces termes :

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Ç Bonjour, vous êtes venu pour les enquêtes ? C’est la même chose tout le temps, les gens viennent chaque fois avec de grosses voitures pour nous faire des entretiens et après ils repartent et rien ne change depuis des années ici. Aucun changement È

Le manque de financement par le PMV et ses conséquences Toujours sur le plan agricole, les acteurs non organisés en coopérative n’ont pas accès au financement. Les sources de financement sont souvent propres ou proviennent d’aides des parents et amis. Sur cette problématique de l’accès au financement, un viticulteur rencontré à Asjen en témoigne : Ç Je travaille seul depuis 20 ans, il se pose un sérieux problème de financement ici. J’avais reçu le crédit agricole et les pieds de vignes par le biais du PMV puis plus rien du tout È. Alors que ces agriculteurs font souvent appel à la main d’œuvre extérieure pour les labours et la récolte. Contrairement aux petits producteurs qui sont exclus du circuit des aides et crédits agricoles par les politiques, les coopératives elles bénéficient d’accompagnement de l’Etat, des organismes nationaux et internationaux. C’est le cas par exemple de la coopérative de couscous d’Asjen : Ç On a reçu deux mois de formation d'alphabétisation au CCA, nous avons reçu un appui de Maroc Télécom È. Toujours sur cette problématique de favoriser les coopératives au détriment des producteurs individuels, une autre coopérative de transformation des huiles d'olives rencontrée plus loin nous a dit : Ç Nous sommes en partenariat avec la MZC (agence Espagnol) une ONG française Alterico Délégation régionale de l'agriculture, nous recevons des financements de l’ONUDI et de l'Etat, ainsi que des appuis techniques dans le cadre du plan Maroc Vert È.

En résumé, notre constat sur le terrain montre que les politiques publiques dans le domaine agricole tendent à valoriser la création des coopératives et visent aussi à regrouper les producteurs indépendants en coopérative. Ceux qui restent en marge de cette dynamique ne pourront plus produire faute d’accompagnement technique, de suivi et de financement. Les petits producteurs ne sont pas impliqués, on assiste donc à un développement du produit du terroir sans les paysans.

Insuffisance de l’encadrement et du suivi Sur le terrain, le responsable du Centre de Conseil Agricole (CCA) rencontré à Asjen nous a confié : Ç Notre problème majeur ici c’est la maladie des plantes et les producteurs qui ne mettent pas en pratique les conseils reçus. Nous gérons même d’autres problèmes sociaux autre que la production agricoles È. Pour comprendre pourquoi les conseils agricoles ne sont pas souvent mis en pratique, un agriculteur interrogé dans la même commune explique: Ç Je produis mes olives moi-même, je n’ai reçu aucun encadrement. Les gens du CCA, ils m’avaient seulement apporté des engrais qui m’ont permis d’augmenter ma production. Après ils sont revenus pour me dire de laisser et d’utiliser le composte et que l’engrais détruit l’environnement È. Cette déclaration du cultivateur montre bien que sur un plan technique, les acteurs non organisés en coopératives bénéficient très peu de formations et d’encadrement. Et les rares qui bénéficient de ces formations sur les techniques de production, les remettent en cause. Tout porte à croire que la présence du conseiller agricole ne représente rien pour les petits producteurs. Le paysan a développé des expériences et applique uniquement les conseils qui lui sont utiles, ce qui justifie la non mise en pratique de certains conseils agricoles.

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B. Des politiques inadaptées aux réalités du terrain

Les politiques publiques ont un rôle important car elles peuvent intervenir de manière directe sur ses comportements à travers leurs instruments, mais également à travers l'influence qu'elles exercent sur les contextes sociaux. Dans la présente étude, plusieurs limites qui compromettent le développement local ont été relevées. Il s’agit entre autres des limites de la régionalisation et du recoupage territorial, l’inadaptation des politiques aux réalités des acteurs locaux.

Les limites du Plan Agricole Régional L’une des stratégies du PMV est la régionalisation de l’agriculture appelée Plan Agricole Régional (PAR). Cette régionalisation de l’agriculture ne tient pas compte de la réalité spatiale différente et du caractère particulier des douars qui composent la province et / ou des provinces qui composent la région. On constate cette différence notamment dans la province de Chefchaouen et de Ouezzane. Il est donc difficile voire impossible d’adopter la même politique de développement agricole dans les provinces. Dans les deux provinces de Chefchaouen et Ouezzane, l’agriculture est une production de subsistance donc une agriculture peu productive et source de pauvreté (cercle vicieux : sous-investissement, faible productivité, faible valorisation) avec cependant des situations contrastées. Cette situation est renforcée par la structure des terres à Chefchaouen. A Ouezzane, nous avons en revanche des terres moins dépendantes du relief, avec des agriculteurs qui ont des superficies plus grandes (un hectare au minimum) et une agriculture mécanisée à vocation semi-industrielle (photo 1). Dans l’autre province de Chefchaouen, l’agriculture est très faiblement mécanisée pour partie en lien avec des sols caillouteux et en pente (photo 2).

Photo 1 : Paysage à Ouezzane Photo 2 : Paysage à Chefchaouen (Clichés : Master EDEV-Doctorants Mohamed V, février 2018)

L’impact du redécoupage administratif de 2015 sur les acteurs locaux Dans le cadre de sa politique de réorganisation de son térritoire, le Maroc a procédé à un redécoupage administratrif en 2015, passant ainsi de seize (16) régions à douze (12). Ce découpage administratif n’est pas sans conséquence sur les acteurs locaux, ayant entrainé une complexification dans les démarches administratives, les habitants ne sachant plus vers quelle administration se tourner. C’est le cas du propriétaire de la ferme d’hôte Aicha située dans le douar Bellouta au sein de la commune rurale de Brikcha. Initialement située à Chefchaouen, elle se retrouve désormais dans la province de Ouezzane avec le nouveau

133 découpage administratif. Ce propietaire de gîte, animateur et professionnel en agro- écotourisme, en permaculture, et responsable du projet Green Services et Terroirs, est l’un des premiers acteurs dans le domaine du tourisme rural dans cette localité. Il nous a confié avoir été très affecté par ce découpage administratif, et ce pour deux raisons : d’une part l’appartenance à la province de Chefchaouen constituait un atout pour son activité, puisque le développement du tourisme rural était l’une des priorités des politiques de cette localité ; ce qui est moins le cas dans la province de Ouezzane. D’autre part le découpage administratif a entrainé un ballotage administratif, puisque ne sachant plus à quelle administration (Chefchaouen ou Ouezzane) s’adresser.

Le manque d’infrastructures Chefchaouen, de par son positionnement privilégié à proximité de l’Espagne est par excellence l’une des toutes premières destinations du tourisme rural au Maroc. Elle dispose donc d’un bon potentiel et mérite d’être dotée d’infrastructure routière, hotelières, et en restaurants. Cependant, force est de constater que les zones rurales de Chefchaouen et Ouezzane souffrent d’un déficit flagrant en matière d’infrastructures aussi bien routières qu’hôtelières. En effet c’est une zone qui est très peu dotée en matière de routes et l’accès aux structures d’hébergement (gîtes, maisons d’hôtes) et touristiques reste très difficile : lors de notre enquête de terrain, nous avons pu constater de facto ce problème majeur puisque notre équipe d’étude, bien qu’étant bien équipée pour son déplacement (voiture tout terrain), n’a pas pu accéder à l’un des gîtes prévus dans l’étude. Il est dès lors clair que ces difficultés sont de nature à décourager les touristes désireux de séjourner dans ces gites, ce qui constitue ainsi un frein à l’activité de certains giteurs et le developpement touristique dans des secteurs éloignés.

Une piste d’accès à un gîte Exemple d’un gîte de montagne (Clichés : Master EDEV-Doctorants Mohamed V, février 2018)

A cela s’ajoutent les difficultés financières ne permettant pas un équipement électrique complet, puisque les chambres des gîtes ne sont pas dotées de chauffage et ce malgré le froid présent dans ces zones. Les gîteurs ne sont les seuls à souffrir de ce manque d’infrastructures, par exemple, à Agda, la coopérative El Amal n’arrive pas à commercialiser ses produits, faute de route : ÇNous sommes toutes des filles, nous n’avons pas les moyens suffisants pour louer une voiture, et même si nous possédions un permis de conduire, l’absence de route nous empêche d’écouler nos produits È.

Le developpement local des zones concernées passe également par la commercialisation et la valorisation des produits du terroir. Toutefois les marchés traditionnels communément appelés ‘’souk’’ restent les principaux lieux d’écoulement des

134 produits pour les acteurs locaux, et sont une fois de plus en nombre très réduits dans les zones concernées, ce qui freine les producteurs locaux dans leur volonté d’écouler leurs produits. En plus d’être un lieu de transactions commerciales, le souk est aussi un espace d’échange et de rencontre. Aux souks s’ajoute l’existence de quelques canaux de distribution tels que les revendeurs occasionnels ou touristes de passage. L’existence ou la mise en place de points de vente ou marchés autres que ces souks serait de nature à dynamiser la production de ces localités puisque plus les producteurs ont la possibilité d’écouler rapidement et sereinement leurs produits, plus ils produisent. L’absence de marché a pu entrainer une limitation de la production. C’est le cas notamment pour la coopérative de couscous. Elle produisait en quantité en raison de la possibilité qui lui était offerte d’écouler ses produits sur les marchés de Casablanca, Rabat et Marrakech et autres. Aujourd’hui, elle n’arrive plus à le faire, faute de moyen de transport. Il faut donc souligner que l’existence de marchés locaux aurait permis d’éviter une telle baisse dans leur activité. On rencontre ce même problème avec la coopérative de sel dans la commune de Brichka, douar de Zeradoun, qui ayant perdu son principal canal de distribution (une revendeuse), a aujourd’hui du mal à écouler ses produits : Ç Avant il y avait une femme qui venait acheter notre production et qui la revendait aux marocaines mariées à des diplomates, mais nous ignorions si elle mélangeait nos produits ou si elle mettait une autre étiquette pour revendre les produits, puisque nous n’avons pas de moyen de suivi. De plus cette dame ne vient plus, et nous nous retrouvons avec une grande quantité de productions sous la main È

Selon un agriculteur de la même localité : Ç Le souk est essentiel, or nous n’en trouvons ni ici ni à côté, ce qui nous oblige à aller vendre nos productions en ville, et faire appel aux intermédiaires même s’ils baissent le prix de nos produitsÈ.

Une autre agricultrice du douar Ouelad Ben Blal nous a confié que Ç pour faire face aux besoins financiers, ils vendent du bétail, toutefois ils sont obligés d’aller jusqu’au souk de la ville qui est hebdomadaire (chaque jeudi), la principale difficulté étant que le coût de déplacement prend une part importante du prix de la vente È.

La localisation est également déterminante dans l’écoulement des produits, ainsi, les coopératives qui ont un local au bord de la route vendent mieux leurs productions, tel est le cas de la coopérative de miel qui affirme que Ç les clients de passage voient notre local et s’arrêtent pour acheter nos produits È.

Politiques publiques : Repenser l’action publique dans les territoires Si le tourisme constitue l’une des principales activités créatrices d’emplois et de revenus dans la province de Chefchaouen, il faut souligner que cette activité touristique ne profite majoritairement qu’à la seule ville de Chefchaouen. La plupart des agricultueurs interviewvés nous ont confié ne pas avoir de lien direct avec les touristes et ne bénéficient de ce fait d’aucun avantage direct du tourisme. En effet, seules les coopératives ou autres structures produisant les produits du terroir et ayant un lien avec une structure d’hébergement beneficient du tourisme puisque leurs produits sont parfois achetés par ces touristes.

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Des aides souvent inadaptées aux besoins des bénéficiaires Même si les politiques publiques ont démontré leur volonté d’aider et d’accompagner les acteurs locaux dans le développement de leurs activités, il n’en demeure pas moins que ces besoins ont été mal étudiés ou n’ont pas été suffisament analysés par ces dernières. En effet, nous avons pu constater, lors de notre enquête sur le terrain, que certains acteurs ayant reçu une aide ou un accompagnement des politiques publiques ne sont pas satisfaits de ces aides et ont relevé des insuffisances. Ces insuffisances sont notamment dues au manque de coordination entre les acteurs. Le groupement des femmes qui sont dans le douar Ouelad Ben Blal et qui tissent ont également reçu une aide, mais qui n’était pas adaptée à leur besoin, puisqu’on leur a apporté des machines à coudre électriques alors qu’elles n’ont pas accès à l’électricité dans ces zones. De même, les machines offertes à la coopérative de sel se sont avérées inadaptées à leurs besoins et sont restées inutilisées, en raison d’un manque de consultation préalable (machine en fer offerte par le Ministère de la santé en lieu et place d’une machine en inox qui corespondait plus aux besoins de ces femmes).

L’ambition productiviste des politiques publiques qui consiste à augmenter la production dans les zones concernées a également contribué à dénaturer certains produits du terroir pourtant réputés tels que le fromage de Chefchaouen. Initialement produit par les chèvres de Chefchaouen, ces dernières sont aujourd’hui remplacées par une race alpine importée de France. Ces dernières donnent certes plus de lait et de fromage mais la race n’est pas résistante pour aller dans la montage manger des herbes pour partie médecinales, qui donnent toute sa saveur au fromage traditionnel de Chefchaouen.

Photo 1 : Chèvres importées Photo 2 : Machine électrique à coudre (Clichés : Master EDEV-Doctorants UMV, février 2018)

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• Synthèse

POLITIQUE PUBLIQUE

ACTEURS TERRITOIRES RURAUX RURAUX

- Une nouvelle définition des territoires ruraux qui

permet de les appréhender différemment

- Agit comme un élément perturbateur au sein des territoires ruraux

- Modifie les fonctions des territoires concernés par le

développement de nouvelles orientations rurales

II. Pour un tourisme rural adapté aux réalités locales

Les aspirations des populations de Ouezzane et Chefchaouen s’intègrent dans la dynamique de la région du Rif. Les populations ont une revendication sociale légitime qui est la réduction de leur niveau de pauvreté. Comme il a été signalé plus haut la mise à l’écart de la région par l’ancien monarque du pays a laissé des traces. Contrairement aux améliorations notables des villes comme Rabat ou Casablanca, la région souffre d’un manque d’infrastructures, facteur qui limite fortement la réussite de politiques publiques de développement et particulièrement celles liées au tourisme rural.

La volonté institutionnelle de réduire la pauvreté par le tourisme rural s’est construite en octobre 2001 par le lancement de l’étude de la stratégie de développement du Tourisme rural au Maroc. L’objectif affiché par le Maroc et ces partenaires est clair dès 2002 Ç Développer le tourisme dans les villages et les petites villes marocaines laisse présager des revenus plus élevés, des emplois plus nombreux et une plus grande diversification de

137 l’économie rurale, qui est largement basée sur l’agriculture. L’Agence américaine pour le développement international (USAID) a lancé en 2002 un programme de trois ans pour aider le pays à saisir ces opportunités È (USAID, 2006) Il s’agira pour nous de voir si ces objectifs ambitieux ont été atteint à la lumière de notre constat sur le terrain, détaché de toutes statistiques. Autrement dit, de comprendre à travers le regard des populations si, 16 ans après, ils sont plus ou moins atteints.

Photo 1 : douar Ouelad Ben Blal, cliché : M2 EDEV, février 2018

A. Attentes et revendications des acteurs locaux

Des revenus plus élevés

Ne pouvant attendre les effets des politiques publiques sur leur niveau de vie, les populations prennent l’initiative. Cette initiative se retrouve par exemple à travers la création de coopératives qui sont un vecteur de création de nouveaux revenus et d’innovation. Ces deux réalités se retrouvent dans le parcours de Fatima, veuve de 57 ans, cofondatrice et vice présidente de la coopérative de couscous Misdakia (sa fille est la présidente). Elle était agricultrice ainsi que son mari. Elle explique que les conditions financières l’ont poussée à créer avec d’autres femmes la coopérative. A la question de savoir ce que la coopérative lui a apporté, elle a répondu qu’elle lui avait permis de relever son niveau de vie, faire face aux frais de scolarité des enfants et à d’autres dépenses. L’exemple de Fatima est emblématique des deux espaces (Chefchaouen et Ouezzane). Les femmes sont la pierre angulaire de l’économie locale à travers la création de coopératives (5 coopératives visitées sont tenues par des femmes, contre 3 tenues par des hommes). Les femmes ont la particularité d’intégrer les enfants dans leurs calculs (dans des familles qui sont souvent nombreuses et où les hommes sont souvent âgés), ce qui les amènent à penser à long terme et chercher des revenus complémentaires pour assurer l’avenir des enfants. Pour mettre en lumière le rôle des femmes, un autre exemple est celui de Mehdi Fatima, mariée et mère de 2 fils. Dans ses attentes, elle espère un meilleur niveau de vie pour ses enfants et souhaite qu’ils quittent la campagne pour aller vivre en ville. Cette lutte contre la pauvreté quotidienne afin d’assurer un meilleur avenir aux enfants se constate en termes de territoires et de métiers pour les femmes. A Chefchaouen, une agricultrice, épouse d’un retraité de l’armée, que l’on appellera ici Madame Y, a ses enfants à l’Université et souhaite faire de la culture de cannabis pour subvenir à leurs besoins.

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Cliché Master EDEV, février 2018

Dans leurs propos par rapport à leurs attentes les mots revenu, niveau de vie, prix rémunérateur, reviennent souvent (voir tableau ci-dessus). On retrouve cette volonté d’avoir une activité génératrice de revenus. Idriss, âgé de 51 ans, non scolarisé, pour arrondir les mois aussi compte créer une coopérative de coupe avec d’autres agriculteurs. Tous ces exemples montrent une dynamique des populations de recherche de revenus supplémentaires portées par l’espoir d’une amélioration des conditions de vie.

Acteurs coopératifs Problèmes et attentes Coopérative de Couscous Misdakia - Asjen 5 femmes l’ont quittée à cause de leur mari et des coûts d'adhésion élevés Coopérative Al Azhar - tirer davantage de revenus pour les femmes (émancipation) - circuit des Plantes Aromatiques et Médicinales non maîtrisé: les intermédiaires n'achètent pas à des prix rémunérateurs Coopérative GIE Faciliter la vente des produits de l'olivier, permettre aux coopératives féminines de bénéficier de revenus Coopérative Ajbane Chaouen - Conservation de yaourts - Stockage - Perte de quantité - labellisation bloquée par la traçabilité du lait chez les éleveurs Coopérative Alwifak de sel - autofinancement - Vente dans les grandes surfaces - Certification et labellisation - Achat des machines en inox - Transport pour la livraison

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Tableau réalisé à partir d’extraits d’entretiens avec des coopérateurs/trices.

Des emplois plus nombreux et une plus grande diversification de l’économie rurale L’un des autres objectifs des politiques de tourisme vert était de créer de nouveaux emplois et de diversifier l’économie rurale. En analysant les entretiens des agriculteurs qui sont souvent des pères de famille ayant atteint une quarantaine ou une cinquantaine d’années, on constate que les attentes sont portées vers la subsistance de leur famille respective (le tableau ci-dessous montre que c’est souvent le mot auto-consommation qui prime dans les propos des enquêtés)

Agriculteurs AA1 18 q autoconsommation / le reste pour la vente 215 DH /q Aziz : 58 ans, - la vente de figues et de céréales est destinée à marié, 7 enfants l'autoconsommation - 5 litres de lait par jour (pour l'auto-consommation) Nofel : 39 ans, - La commercialisation se fait dans les souks marié, 2 filles - produits maraichers pour autoconsommation - 50 moutons pour vendre à la tabaski Marié, 40 ans, 5 - Autoconsommation enfants - Vente au souk (la production est stockée à domicile avant la vente) Idriss : 51 ans, marié, un fils de 26 ans Mehdi Fatima, Volonté que les enfants aient un meilleur niveau de vie mariée, 2 fils et qu'ils puissent partir en ville, stratégie d'épargne pour les mois creux Tableau : extrait des entretiens d’agriculteurs

Apparemment, mis à part l’émergence des coopératives, les deux territoires restent essentiellement des espaces dominés par une agriculture de subsistance. Parmi les agriculteurs enquêtés, l’exemple d’Aziz, rencontré à Belota, est particulier. Il est agriculteur, âgé de 58 ans, marié et père de 7 enfants. Il cumule avec l’agriculture une activité d’agent de sécurité dans un collège près de chez lui (sa femme y travaille comme cuisinière aussi). Il y travaille 13 heures par jour (de 18h à 7h, il s’occupe de l’internat ) et il n’a que 21 jours de vacances dans l’année. La superficie de son exploitation est de 1,5 hectare. Il n’a pas voulu préciser son salaire d’agent de sécurité. A travers Aziz nous comprenons que l’objectif des autorités et des partenaires de l’Etat de créer des emplois et de diversifier l’économie rurale est compliqué à atteindre. Si les emplois qui doivent être créés par le tourisme rural ne sont pas rémunérateurs à concurrence de ce que l’agriculture apporte aux ménages (sécurité alimentaire), ces régions ont de fortes chances de rester essentiellement agricoles. L’un des vecteurs puissants de la valorisation des produits du terroir par le tourisme pourrait être la restauration. Des deux espaces (Chefchouen et Ouezzane) l’activité touristique est plus intense à Chefchaouen et particulièrement au centre ville. il est donc logique que nous y ayons observé une forte concentration de restaurants. Pour analyser les attentes des restaurateurs, le cas d’Ismael Manssouri nous semble pertinent. Il est président de l’association des restaurateurs de la place, son restaurant, selon notre observation et ses propos, est très fréquenté et il est une référence pour les autres restaurants. Aussi, il nous a dit faire partie de la communauté de la diète méditerranéenne à

140 l’instar de Chefchaouen. Vu sa position, nous avons constaté un paradoxe frappant en observant sa pancarte de menu.

Photo 3 : Carte d’un restaurant, centre de Chefchaouen, Cliché Master EDEV, février 2018

Le premier plat sur ce menu est de la Ç salade russe È, spécialité espagnole. Donc, au-delà de la volonté de valoriser les produits du terroir, on constate que la réalité prend le dessus. La recherche du profit en visant plus les habitudes des clients étrangers et ensuite la présentation des mets locaux. En définitive, quels que soient les acteurs,ils recherchent avant tout les opportunités leur permettant d’avoir une meilleure existence, peu importe le produit vendu et à qui.

B. Perspectives pour un développement durable

Constats d’échec Les politiques de l’État central marocain en faveur du tourisme rural ont été rappelées le long des chapitres précédents. Nous partirons donc de ces mots pour conclure notre analyse : Ç Nous partons donc du constat que si le potentiel est grand et si la volonté des responsables et des acteurs au niveau central et local est forte pour faire du tourisme une activité pouvant aider les populations de ces zones, le succès tarde à venir. È (Amzil, 2009 ; Berriane et Nakhli, 2011 ; Berriane et Aderghal, 2012). Près de 7 ans après, nos observations nous montrent que le constat est toujours le même, et même pire car excepté les réseaux entretenus (avec certaines coopératives) par les gîteurs, nous avons constaté un faible engouement des acteurs locaux ( agriculteurs, coopératives,…) dans la prise en compte des touristes dans leurs calculs économiques. La présidente de l’Association Chaouen rural (et seule employée de l’association en ce moment) nous a aussi expliqué que l’affluence des touristes a commencé à se restreindre à partir de la crise économique mondiale de 2008. L’enjeu est encore plus important que dans d’autres régions du Maroc. Car le défi du tourisme rural serait ici d’avoir un avantage comparatif plus élevé que les cultures illicites. Jusqu’à présent nous n’avons pas senti une appropriation par les populations de la question touristique. Nous supposons que le revenu touristique est trop aléatoire pour que les populations pauvres s’approprient la question.

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Perspectives Nous pensons que la nécessité la plus urgente serait d’avoir un ensemble de politiques coordonnées (et pas seulement touristiques) qui accompagneraient les initiatives locales et favoriseraient la multiplication des débouchés des produit locaux. L’objectif n’est pas une marche forcée vers le tourisme rural mais plutôt une amélioration du niveau de vie des populations. Le tourisme rural est un des débouchés des produits locaux, mais il est une source de revenu trop aléatoire pour que les familles qui sont en quête de revenu stable se l’approprient. Les politiques gagneraient à davantage se concentrer sur l’amélioration des techniques de transformation et de commercialisation des coopératives. Elles doivent permettre le développement d’un savoir faire local dans la transformation. Les coopératives par leurs initiatives deviennent des centres d’innovation. Les pouvoirs publics doivent avoir une démarche inverse et amener les produits du terroir aux potentiels touristes. Pour l’instant, il semble que les touristes viennent plutôt pour les montagnes du Rif.

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Conclusion et perspectives

La finalité de ce stage s’est attachée à saisir et identifier les nouveaux rapports société-ressources naturelles et les différents types de liens et de relations qui se tissent entre acteurs et entre acteurs et territoires dans un contexte engagé depuis des décennies dans des dynamiques de transformations agraires dont les moteurs sont à a fois les politiques publiques et les initiatives communautaires et individuelles. La particularité de ces dynamiques c’est d’avoir entrainé d’importants changements dans la structuration socio territoriale d’une vielle paysannerie, l’ouvrant à la modernité, diversifiant son profil social, et multipliant les formes d’utilisation du territoire à des à des fins sylvo agropastorales et touristique. L’un des intérêts majeurs de cette étude est d’avoir pu analyser comparativement ces dynamiques, dans de deux territoires du pays Jbala, situés à la jonction des provinces de Chefchaouen et Ouezzane, dans le massif du Rif occidental marocain, Les deux provinces étant placées dans deux trajectoires de développement opposées avec présence de niches où se déploient la recherche d’une relative complémentarité. La première poursuit un développement touristique qui bénéficie de la renommée de la ville de Chefchaouen, et de son arrière pays articulé entre montagne et littoral, dont l’attractivité implique l’émergence de nouveaux acteurs du territoire et la diffusion, en milieu paysan, de nouvelles pratiques en lien avec la demande des touristes (hébergement, restauration, rapport à la nature, etc.). L’autre s’inscrivant plutôt dans une logique d’un développement agricole où la valorisation des productions locales de qualité côtoie également des logiques plus productives de modernisation de l’agriculture. La combinaison de l’ensemble de ces éléments produit des effets contrastés. Le premier constat est la grande diversité des acteurs présents sur les deux territoires à laquelle se rajoute celle de leur statut, de leur rôle et leurs objectifs. ONG locales, internationales, associations, coopératives, individus, services de l’État....autant d’acteurs qui posent, entre autres, les questions de coordination, de vision commune qu’ils nourrissent autour du développement de leur territoire, des rôles supposés des pouvoirs publics, en matière d’encadrement et de gouvernance. Cette pluralité des acteurs du territoire révélerait aussi une richesse sociale manifestée à travers la panoplie des initiatives innovantes en termes d’organisation et de pratiques de production, mais qui souffrirait d’un handicap en termes d’émergence d’un leaderschip ayant un rôle de chef d’orchestre, capable de coordonner une action collective concertée. Le second constat qui s’opère relève le fait que développement territorial, tourisme rural et valorisation des produits de terroir sont autant de thématiques encadrées et financées par des politiques publiques où la transversalité et la participation n’en sont encore qu’à l’heure des balbutiements. Ces politiques mettent en jeux des champs institutionnels et politiques différents, parfois en concurrence dans leurs objectifs. Plusieurs fois durant le stage, les études de cas ont aussi montré des hiatus entre les orientations de la politique publique et les attentes des populations ciblées, un décalage entre les projets soutenus et les besoins identifiés localement, voire des modalités de mise en Ïuvre et d’accès aux ressources de ces politiques. Ces dernières, au lieu de réduire les inégalités les exacerbent. Il est difficile de faire coïncider politiques publiques, stratégies individuelles et collectives. Parmi les résultats obtenus, ce stage a bien mis en lumière que contrairement à une idée largement répandue dans l’analyse des politiques publiques, les populations locales ne

143 sont pas passives face aux diverses sollicitations et que les territoires qu’elles occupent ne sont pas de simples réceptacles. Des réseaux (par exemple des gîteurs) se créent, d’autres groupes se structurent pour capter les ressources (financières, politiques, culturelles...) bénéficiant d’un meilleur capital social, économique ou intellectuel. Les résultats produits sont parfois surprenants, avec des gîtes qui prospèrent en dehors de toute organisation officielle, tandis que d’autres éprouvent de grosses difficultés et ne bénéficient pas des infrastructures de base (routes, électricité ou encore l’eau et l’assainissement) pour développer leurs activités. En termes de produits du terroir, le fromage de Chefchouen bénéficie d’une forte image de marque, reconnue et valorisée mais dont le lait, nécessaire à sa fabrication, provient désormais d’une race de chèvre importée et dont les éleveurs éprouvent des difficultés à répondre aux exigences de la fromagerie en termes de qualité de lait produit. Pour d’autres produits, les coûts liés à la labellisation et/ou la commercialisation sont prohibitifs. Cette richesse des initiatives locales et la profusion de projets ont aussi leur revers de médaille. De ce courant relativement important n’émergent que peu de réussites et les résultats montrent qu’elles ne bénéficient qu’à une minorité d’acteurs bien introduits, et ne contribuent pas à la réduction des inégalités sociales et territoriales. Il y a peu ou pas d’effet d’entrainement et la valorisation des produits de qualité peine à s’articuler aux dynamiques de développement touristique et plus largement à celle de développement local. Le Plan Maroc Vert et ses objectifs, visant à transformer les exploitations familiales en petites entreprises agricoles intégrées au marché, semble ainsi beaucoup plus présent sur la province de Ouezzane qu’à Chefchaouen, ce qui se traduit aussi par plus d’encadrement de la part des autorités. Les agriculteurs qui, soit par refus soit par impossibilité, ne remplissent pas les critères de sélection, sont laissés à côté des projets de Ç modernisation È. L’accès aux ressources, quelques soient leurs formes et leurs natures, semble être un élément déterminant de beaucoup de cas de réussites de projets. La possibilité d’intervenir jusqu’à l’aval de la filière pour la production de produits de qualité et ne pas rester que sur la valorisation de la matière première l’est aussi. Ces deux points se retrouvent cette année et font écho au stage de l’année dernière où ils avaient déjà été identifiés. Si le développement d’un tourisme rural d’arrière-pays s’appuyant sur les différentes ressources des territoires, notamment agricoles avec les produits de terroir, peut être initié, l’exemple des provinces de Chefchaouen et de Ouezzane montre qu’il ne peut ni être imposé ni se décréter. La vitalité et les initiatives sociales sont bien présentes mais une relative standardisation des modèles de politiques publiques, sorte de prêt à porter institutionnel et politique transféré, est parfois en décalage avec les priorités et les problématiques locales. Une forme de normativité empêche de les prendre en compte complètement, reproduisant voire accentuant les inégalités tant sociales, économiques que territoriales. Les produits de terroir n’expriment pas seulement une augmentation de leur valeur qualitative, ils illustrent aussi la maitrise par les agriculteurs des processus de production et des ressources (eau, foncier, technique...) le permettant. Si les objectifs des politiques publiques visant leur promotion et leur valorisation sont louables, il est nécessaire de prendre en considération qu’à l’heure actuelle, leurs effets et notamment la volonté de les intégrer au marché, débouchent sur des formes de marginalisation, de déstructuration voire de déstabilisation. Le développement important de la culture du cannabis, au delà de l’aspect sécuritaire et répressif, peut aussi être considérée comme une des conséquences des changements introduits.

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Promu depuis le début des années 2000, le tourisme rural au Maroc fêtera bientôt ses vingt ans. Il est indéniable que d’énormes progrès ont été réalisés. Cette forme de tourisme essentiellement culturel et patrimonial a notamment permis le maintien des flux touristiques après la période d’instabilité de 2010. Largement issu d’initiatives locales, le tourisme rural fait aujourd’hui l’objet, de la part de l’État, de diverses tentatives d’encadrement et de coordinations avec d’autres politiques, notamment agricoles via les produits de terroir. Les insuffisances, voire les défaillances de l’État laissent de multiples acteurs, aux stratégies multiples, face à de nombreuses difficultés liées à l’organisation d’une activité économique. La méthode permettant de tirer profit de ce dynamisme semble cependant encore absente. Il reste à espérer qu’il ne s’agisse que d’une question de temps.

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Annexe 1. Liste des entretiens réalisés

Liste des entretiens réalisés du 07/02/2018 au 11/02/2018 GROUPE Date d’enquête Lieu d’enquête Enquêté Structure Remarques

Entretien commun 07/02/2018 Beloutta Animateur régional + (Association nationale technicien ovin et caprin) Entretien commun 07/02/2018 Bellouta Propriétaire Gite Aicha

Entretien commun 08/02/2018 Asjen Technicien agricole Centre de conseil agricole Karroud Bouchra 08/02/2018 Asjen Présidente Coopérative Azhar des Akdim Tarik PAM Achref Sultan Elhafidi Aurélie Pachy Orlane Rouquier Ansoumane Camra 08/02/2018 Asjen Fatima (la vice- Coopérative de Ibrhima s Doumbia présidente), fondatrice couscous Misdakia Loqmane Saida Cisseron 08/02/2018 Asjen Agriculteur Petit agriculteur avec Bouchra Karroud activité annexe (agent de sécurité) 08/02/208 Asjen Agriculteur Petit agriculteur avec double activité (ouvrier agricole)

08/02/2018 Asjen Agriculteur Grand agriculteur

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Sarah Rami 08/02/2018 Asjen Agriculteur Grand agriculteur Mourou Majda Abdelah Ait 08/02/2018 Asjen Président de la Coopérative d’huilerie l’houssain coopérative et Errabii Lucien manga trésorier Aliou Diop 08/02/2018 Asjen Gérant (Moustafa) Pépinière

Aurélie Pachy 08/02/2018 Asjen Agriculteur viticulteur Non adhérent à une Orlane Rouquier coopérative ou Akdim Tarik association Mourou Majda 09/02/2018 Zerradoune (Brikcha) La trésorière Coopérative de sel El Sarah Rami Wifak Ansoumane Camra 09/02/2018 Agda La présidente Coopérative de Ibrhima s Doumbia confiture (de coing et de Cisseron figuier) Loqmane Saida 09/02/2018 Zitawa Agriculteur Petit agriculteur 09/02/2018 Agriculteur Petit agriculteur avec revenu de transfert (fils militaire) Abdelah Ait 09/02/2018 Ain Beida Trésorier de Coopérative de figuier l’houssain l’association et Jnane rif Lucien manga technicien Aliou Diop d’arboriculture Bouchera karroud 09/02/2018 Ain Beida Agriculteur Agriculteur et éleveur Mari de la femme (emprunt auprès de la enquêtée en banque) même temps par l’autre groupe

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Sofia Gomih » 09/02/2108 Ain Beida Agricultrice Petite agricultrice Femme du mari Bouchra Karroud voir au-dessus Aurélie Pachy Orlane Rouquier Tarik Akdim 09/02/2018 Ain Beida ( Douar Adhérente à Association Nour Abdellah Ait kalaat beni Rotine) l’association et féminine d’huile d’olive l’houcaine associée au GIE Aurélie Pachy femmes du Rif ( Orlane Rouquier Rahma Bachtaoui) Tarik Akdim 09/02/2018 Ain Beida Technicien ( Louioui GIE femmes de Rif Sofia Gomih Mohamed) Aurélie Pachy Orlane Rouquier Achraf Sultan Elhafidi Karroud Bouchra 10/02/2018 Bellouta Président Coopérative agricole Mourou Majda Bellouta Aurélie Pachy 10/02/2018 Responsable de Coopérative de Orlane Rouquier gestion et de qualité frommage Ajbane Sarah Rami Echaouen Sarah Rami 10/02/2018 Chefchaouen Chargée de produit et Association Chaouen Karroud Bouchra de qualité (Khadija Rural Loqmane Saida Akiour) Achraf Sultan Elhafidi Ibrhima s Doumbia Ansoumane Camra Tarik Akdim 10/02/2018 Chefchaouen Trésorier de Agence de Abdelah Ait l’association développement local L’Houssain Maghreb Aurélie Pachy Orlane Rouquier

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Tarik Akdim 10/02/2018 Chefchaouen Propriétaire (Ismail Restaurant Paloma Ibrhima s Doumbia Manssouri) Ansoumane Camra Loqmane Saida Lucien manga Mourou Majda 10/02/2018 Chefchaouen Propriétaire (Chafik ) Restaurant Casa Hassan Cisseron Aliou Diop Ibrhima s Doumbia 11/02/2018 Douar Elhoumar Agricultrice Petite Agricultrice non Ansoumane Camra originaire du village Mourou Majda Ne cultive pas le cannabis Mourou Majda 11/02/2018 Douar Elhoumar Agricultrice Petite agricultrice qui se Son mari n’exerce Ibrhima s Doumbia lance dans l’élevage jamais les travaux Ansoumane Camra caprin agricoles (il était Sara Rami militaire en Abdelah Ait Sahara) L’houssein Elle veut planter Lucien Manga une parcelle de Cannabis pour financer les études universitaires de ses enfants

11/02/2018 Douar Elhoumar Agriculteur Ne cultive pas le cannabis 11/02/2018 Douar Elhoumar Agriculteur Cultive le cannabis Etudiant en droit privé (3éme année) 11/02/2018 Douar Elhoumar Adhérente Association féminine

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Alamal de développement local (Tissage) Karroud Bouchra 11/02/2018 Douar Elhoumar Agriculteur Père de propriétaire de Akdim Tarik Gite El Houmar AKKAR) Achraf Sultan Elhafidi Il cultivait le cannabis Alioui Diop 11/02/2018 Douar Elhoumar Giteur de l’auberge Acteur associatif Ciceron Kanli (Akkar Mohammed) 11/02/2018 Douar Elhoumar Agriculteur Ne cultive le cannabis Aurélie Pachy 11/02/2018 Oulad Benblal Giteur ( Benali Orlane Rouquier Mohammed) Loqmane Saida

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Annexe 2. Grilles d’entretien

Note : Sont reproduits ici les guides d’entretien réalisés par les étudiants du M2 EDEV et les doctorants et étudiants de M2 des Universités de Rabat et de Marrakech. Lors des entretiens, certaines questions ont été ajoutées ou reformulées.

QUESTIONNAIRE CHEFS D’EXPLOITATION (CHEF DE MENAGE)

Nous sommes des étudiants des Universités Paul Valéry Montpellier 3 en France, Mohamed V à Rabat et Cadi Ayyad à Marrakech. Nous sommes accompagnés par nos professeurs afin de faire une étude de terrain. Nous cherchons à comprendre le rôle du tourisme dans le développement rural de ce territoire sur les plans économique, social, paysager ou environnemental. Nous nous intéressons plus particulièrement au rôle des produits de terroir dans le développement touristique.

Ainsi, nous cherchons à rencontrer les populations locales, et en particulier les agriculteurs. Acceptez-vous de contribuer à ce travail en nous consacrant un peu de temps pour un entretien ? Nous tenons à préciser que toutes les informations que nous recueillons seront anonymes (demander si enregistrement possible au cas échéant).

Date … lieu …… Douar…………………Commune…………Province

I-Identification de l’agriculteur et des membres du ménage

• Numéro d’enquêté : • Age : • Lieu de naissance : • Situation familiale : Marié Célibataire Divorcé voeuf

Personne Sexe Age Niveau Activité Activités hors Origine Lieu de Lieu de d’instruction principale exploitation géographique naissance résidence (Province/ (province/com actuelle Commune/Dou mune/ Douar) ar)

Epouse 1

Epouse 2

Epouse 3

Epoux

Enfant 1

Enfant 2

Enfant 3

Enfant 4

Frére

151

Soeur

Beau- frère Belle- soeur

5- Taches des membres de ménages

Membre sexe Age Relation avec le Tache activité agricole Tache activité hors du chef de ménage exploitation ménage

• Quel est votre lieu de résidence actuel ? • Quel est votre dernier lieu de résidence avant l’actuelle • Depuis quand avez-vous quitté le lieu ?

2- Niveau d’instruction

• Savez-vous lire ? -Oui -Non • Savez-vous écrire ? -Oui - Non • Niveau scolaire Mssid Primaire Collège Lycée Université Sans Formation professionnelle (Technicien / Technicien spécialisé / BTS ect

3- Trajectoire de l’agriculteur :

• Depuis quand avez-vous commencé l’activité agricole ? • De quel type d’activités agricoles s’agit Ðil ? • Avez-vous déjà bénéficié d’une formation dans votre domaine d’activité ? • Si oui dans quel cadre ? • Si non pourquoi ? • Que vous a apporté cette formation ? • Il y t il eu un changement dans votre système de production, de commercialisation et d’organisation depuis que vous avez suivi cette formation ? • 4- Agricultrice femme

• Depuis quand avez-vous commencé l’activité agricole ? • Quelle est votre principale activité agricole ? • Avez-vous votre propre exploitation ? ou participez- vous avec votre mari dans le travail de l’exploitation • Avez-vous déjà suivi une formation liée à une activité agricole? • Qu’est ce qui a changé dans votre quotidien depuis que vous travaillez dans l’exploitation ? • Comment vous organisez vous entre les tâches ménagères et le travail dans l’exploitation ? • Comment commercialisez-vous votre production ? • Adhérez-vous à une coopérative ?

3-Activités professionnelles

• Quelle est votre activité principale ? • Quelles sont vos activités secondaires ? • Si oui , Est ce qu’il s’agit d ‘activité en relation avec l’exploitation ou hors l’exploitation • Quel est le lieu de ces activités ?

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• Où exercez-vous ces activités ? • Avez-vous participé à des sessions de formations ? • Si oui, quel est l’organisme responsable de cette formation ? • Quel est le lieu/l’année ? • Quel est l’objectif de cette formation ?

4- Habitat et confort

• Type d’habitat : Traditionnel Moderne • Quel est le nombre de pièces dont vous disposez ? • Disposez-vous de l’eau et de l’électricité ? • Disposez-vous des équipements ? (Frigidaire/Télévision/Internet/ etc.) • Quelle est la distance de votre habitat par rapport à l’exploitation ? • Quelle est la distance de votre habitat par rapport à la route ? • Quelle est la distance de votre habitat par rapport à la foret ? • Quelle est la distance de votre habitat par rapport au centre le plus proche ?

II-Système de production

1- Caractéristique de l’exploitation

• Comment vous identifiez-vous ? Agriculteur Eleveur les deux • Quelle est la superficie de votre exploitation ? • Quel est le statut de la propriété des terres que vous exploitez ? Melk Collectif Habous Domanial • Quel est la part de chaque statut dans votre exploitation ? • Quel est votre mode d’exploitation (Direct / indirect) • Quelle est la date d’acquisition de votre exploitation ? • Que produisez-vous ? Quelles sont les principales cultures et depuis quand ? • Quelles sont les superficies de chaque culture, comment sont reparties vos cultures sur les différentes parcelles ? Pourquoi ? Quelle évolution ? • Quelle quantité de production produisez-vous pour chaque campagne agricole ? • Qui travaille sur vos terres (membres de la famille, ouvrier saisonniers, salariés, entraide) • Il y a-t-il une différenciation du type de main-d’Ïuvre selon les cultures ? • Si oui, spécifiez ces différenciations. • Sous quelle forme vendez- vous votre production ? (transformé ou non) Où et à qui le vendez-vous ?

2- Parcellaire

Numéro de la Statut Superficie en Mode Mode Type Conduite parcelle foncier ha d’exploitation d’appropriation d’occupation moderne / direct / indirect conduite traditionnelle 2017-2018 2017-2016 2016-2015

3- Pratiques et techniques

• Quelles sont les étapes précises de production ? (calendrier cultural). Jan fev Mars Avril Mai Juin Juillet Aout Sep oct nove Dec Céréaliculture Mais et maraichage

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Arboriculture Cannabis

• Quels équipements utilisez-vous pour la culture ? -Tracteur -Moissonneuse batteuse -Motopompe - Jouja • Depuis quand avez-vous commencé à utiliser des moyens de production mécanisée ? • Dans quel cadre ? • Avez-vous suivi une formation pour l’utilisation de ces nouveaux moyens de production ? • Il ya t-il une amélioration dans le rendement de votre production depuis que vous utilisez les moyens de production modernes ? • SI oui ? Comment évaluez-vous cette amélioration ? • Utilisez-vous des engrais ? Oui Non • Depuis quand utilisez-vous les engrais? • Il y a-t-il une amélioration dans le rendement de votre récolte depuis que vous utilisez les engrais ? • Si oui ? Comment évaluez-vous cette amélioration ?

4- Arboriculture

• Quelle type d’arboriculture exercez-vous ? • Quelle est la superficie de votre exploitation en arboriculture?

Espèce Variété Année de Sup (H) Nombre de pied Destination plantation olivier

Figuier

Caroubier

Autres espèces • Techniques de récolte

• Quelle est la période de récolte? Combien de temps dure t-elle ? Quelles sont les étapes de la récolte ? ● Comment s’organise votre travail en période de récolte ? ● Qu’est ce que vous utilisez comme matériel? Comment le sélectionnez-vous? Que faut-il faire pour ne pas abimer les fruits ? Avez-vous des consignes particulières ? Est-ce que tout le monde récolte de cette façon ? ● Comment avez vous appris à faire la cueillette ? Y a-t-il des formations ? Est ce que ça a changé quelque chose pour votre travail? ● Qui ? [homme/femme] Main-d’oeuvre supplémentaire et mode de rémunération ? ● Que faites-vous avec les résidus de la récolte ? Qui le fait [ homme/femme] ? ● Est ce que tout le monde dans la zone a les mêmes pratiques de culture que vous ? Comment ça se passe pour les autres agriculteurs/producteurs (terre, main-d’oeuvre, revenus) ? ●? Est-ce que vous êtes labélisés? Pourquoi? Depuis quand ? Qui l’est? ● Est-ce que la labellisation a changé quelque chose dans la manière de produire/ récolte? Avantages ? Exigences et difficultés ? ● Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans la récolte?

• Techniques de la taille

• Est-ce que vous procédez à la taille de vos arbres ?

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• Si oui, pendant quelle période de l’année pratiquez-vous cela ? • Qui s’occupe de la taille des arbres ? • Comment procédez-vous ? • Faites-vous appel à une main d’Ïuvre particulière pour la taille ? • Est-ce que vos voisins taillent de la même manière que vous ? • Avez-vous suivi des formations autour des techniques de la taille ? • Si oui qu’est ce cette formation vous a apporté ?

5- Elevage

• Quels types d’espèces élevez-vous ? Bovins Ovins Caprins • Etes- vous propriétaire ou associé ? quel est le profil de vos associés ? • Quel est le nombre de têtes que vous possédez ? • Est-ce qu’il s’agit d’une race locale ou d’une race importée ? • Quelle est la date d’acquisition de votre bétail ? • Quel est l’âge de votre bétail ( plus grand/plus petit) ? • Quelle est la production de lait de chacune des races ? • Quelle est la production de viande de chacune des races ? • Comment valorisez-vous le lait ? • Comment valorisez-vous la viande ?

Espèces Races Nombre de Production de Lieu de locales/races tètes lait commercialisation importées (L)/production (lait, bétail/ de viande boucherie) Bovins Ovins Caprins

• Techniques d’élevage

• Quel genre de parcours utilisez-vous ? Parcours naturel foret bergerie Autre. • Qui s’occupe du gardiennage ? (fille/ garçon/ femme/ berger salarié) • Quel mode de conduite utilisez-vous ? (traditionnelle/moderne) • Comment pratiquez-vous les mises à bas (traditionnel ou assisté ?) • Commercialisez-vous votre lait ? • Si oui ? sous quelle formes (état brut/ dérivé) • A qui le vendez-vous ? • Vendez-vous le lait à une coopérative /particulier ou autre ? • Comment effectuez-vous la vente ? • Commercialisez-vous votre viande ? • A qui vendez-vous votre viande ? • Par quel circuit commercial ? • Pratiquez-vous de l’engraissement ? • Comment procédez-vous à l’engraissement ? • Avez-vous des associés pour l’engraissement ? • Si oui qui sont-t-ils et qui sont leurs profils ?

6- Revenus de l’exploitation

• Quelle est la part de l’agriculture dans votre revenu ? • Quelle est la part de l’élevage dans votre revenu ?

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• Quelle est la part de l’activité agricole hors l’exploitation ? • Avez-vous d’autres revenus (migration/ retraite/autre) • Quelle est la part de chacun de ces revenus

III-Organisation des producteurs

● Comment se fait la répartition des tâches entre les différents exploitants dans la même exploitation ? ● Comment se fait la répartition des tâches entre les hommes et les femmes à l’intérieur de l’exploitation ? ● Y a-t-il une organisation commune entre producteurs autour de la production et de la récolte (coopérative, associations, syndicats, etc.) ? Depuis quand ? Avantages ? Problèmes ? ● Quels sont vos liens avec les autres producteurs (aide, concurrence, complémentarité) ? • Adhérez-vous à une coopérative/ organisation professionnelles ou autres ? • Si oui, laquelle ? • Si non, pourquoi ? • Depuis quand ? • -Pourquoi y avez-vous adhéré ? • Avez-vous contracté un crédit pour votre exploitation ? • Si oui, Auprès de quel organisme ? • S’agit Ð t-il d’une personne/ Système de tontine/ Depuis quand ? • Quel est l’objectif attendu ? • Avez-vous réalisé vos objectifs attendus avec ce crédit ? • Si Non / pourquoi ?

IV- Gestion des ressources forestières

• Possédez-vous des parcelles dans la forêt ? • Si non, pourquoi ? Si oui quel est le nombre de parcelles ? • Disposez-vous des droits d’usage sur les terres forestières ? • Si oui, existe-t-il une instance qui organise l’accès à la forêt (jamaa) ou bien chacun faiil à sa manière ? • Si oui, durant quelle période de l’année ? • Si non ? avez-vous des problèmes d’accès à la forêt ? • Quel type d’agriculture pratiquez-vous dans la forêt ? • Quel est le statut de propriété de ces parcelles ? • Comment utilisez- vous ces parcelles ? • Quel type d’agriculture pratiquez-vous dans les terres forestières ? • Durant quelle période de l’année ? • A quelle période de l’année faites-vous paitre le bétail ? • Combien de fois faites-vous paitre le bétail dans les terres forestières ? • Combien de fois par semaine ?

IV- Mise en parc

• Avez-vous accès à la forêt après la mise en clôture ? • Que représente pour- vous la mise en clôture de la forêt ? • Depuis quand la mise en clôture à été faite ? • Est-ce que cette délimitation vous a heurté ? • Si oui, en quoi ? • Comment avez-vous réagi face à cette mise en clôture ? • Avez-vous réclamé ? Auprès de quelqu’un ? • Qu’est ce qui a changé pour vous depuis la mise en clôture de la forêt ? • Avez-vous une connaissance sur l’existence du parc régional de Bouhachem dans votre territoire, • Est-ce que la mise en parc de bouhachem a affecté la façon dont vous utilisez les ressources naturelles ? • Si oui, comment se caractérisent ces changements ? • Que signifie le terme Ç Mahmia È ? • Avez-vous déjà entendu parler de la réserve de biosphère intercontinentale dans votre douar ? • Si oui par quel moyen ?

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• Avez-vous constaté un changement depuis la création de la biosphère Si oui quel type de changement ? Si non, pourquoi à votre avis ?

V- Pratique du cannabis

• Possédez-vous des parcelles de cannabis ? • Si oui / quel est leur nombre et où se situent-elles ? • Durant les dernières années, l’activité du cannabis s’est-elle développée ou a-t-elle diminué ? • Si elle s’est développée, pourquoi à votre avis ?

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GUIDE D’ENTRETIEN EXPLOITANT OU GERANT D’EXPLOITATION AGRICOLE

N¡ entretien : Interviewé : Intervieweur : Date : Lieu : Observation :

Identification de l’individu et de la famille, et son activité économique ● Origine de l’agriculteur ? ● Ethnie (arabe, berbère, etc.) ? ● Lieu d’habitation ? Avec qui ? nombre d’enfants et occupation de chaque membre de la maison ? ● Source principale et secondaire de revenu ? ● Activités en termes d’emploi ou activités rémunératrices ? ● Depuis quand et où faites- vous ces activités ? ● Le calendrier de travail de l’agriculteur sur l’année ? les activités ? ● Principale et secondaire source de revenus ? ● Nombre d’agriculteurs dans la zone ? les concurrents ? ● Relation entre vous et les autres agriculteurs ? échange d’outils de production ? entraide ? etc.

Caractéristiques de l’exploitation et du système de production ● Taille de l’exploitation ? Evolution ? ● Propriétaire du domaine d’exploitation ? Propriété familiale ? Héritage ? Collective ? Prêt ou location de terres ? fermage ? Evolution ? ● Votre production ? Principales cultures ? Depuis quand ? ● Les superficies de chaque culture ? Répartition de vos cultures sur les différentes parcelles ? Pourquoi ? Quelle évolution ? ● Volum e de production ? Production pour chaque campagne agricole ? Rendements obtenus? ● Personnes travaillant sur l’exploitation ? Famille ? Embauches de saisonniers ? Salariés ? entraide ? Autres ? ● Différenciation du type de main-d’Ïuvre selon les cultures ? Spécifique pour le produit du terroir ? ● Calendrier cultural de l’exploitation pour les différentes cultures ? ● Equipements utilisés pour l’agriculture ? Liste de l’outillage agricole ? Equipements propres ? ● Investissements faits au cours des 5 dernières années ? Pourquoi ? Autres projets d’investissement ? ● Existe-il un label pour votre produit ? ● Forme de commercialisation des productions ? Transformés ou non ? Où et à qui ? Pourquoi? Qui le vend, vous? Les prix d’achat son-ils stables ? Pourquoi?

Concernant les produits du terroir cultivés par l’exploitant :

Localisation et statut des terres cultivées ● Pourquoi cultiver ce produit et pas d’autres ? Depuis quand ? Quelle évolution (croissance/baisse ?) ● Localisation des parcelles ? Pourquoi là et pas ailleurs ? Qualité des sols ? Eau ? Exposition ? Conditions climatiques ? etc.

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● Statut des parcelles ? Propriété personnelle ? location ? Prêt ? ● [Si non propriétaires] Liens avec le(s) propriétaire(s) des parcelles ? Localisation des propriétaires ? Problèmes avec les propriétaires ?

Main-d’Ïuvre et pratiques culturales des produits du terroir ● Organisation du travail des terres sur l’année selon les différentes étapes du calendrier : ● Compétences et savoirs faire spécifique ? Evolution ? ● Mode d’apprentissage des techniques culturales : héritage familial ? Formation spécifique ? ● Les étapes précises de production des différents produits du terroir ? (Calendrier cultural). ● Les tâches les plus difficiles/délicates ? Pourquoi ?

1) Préparation des terres et entretien des cultures (pour chaque produit) ● Préparation de la terre : quelles étapes ? Quelles périodes ? Qui (hommes/femmes, famille/ouvriers) ? Temps de travail ? ● Entretien des cultures : période ? Qui (hommes/femmes, famille/ouvriers)? Comment ? ● Utilisation de pesticides [dwa]? Lequel ? Quantité ? Mode d’utilisation ? Qui Qui (hommes/femmes, famille/ouvriers) ? 2) Récolte (pour chaque produit) ● Date de récolte ? Nombre de jour de récolte ? ● Qui (hommes/femmes, famille/ouvriers) ? Main-d’Ïuvre supplémentaire et mode de rémunération ? ● Matériel de récolte ?

Tendances globales de la production de terroir

● Les autres agriculteurs ont les mêmes pratiques de culture que vous ? Méthode des autres agriculteurs/producteurs (terre, main-d’Ïuvre, revenus) ? ● Votre production est-elle labellisée ? Quel label ? Par quel organisme ? Depuis quand ? ● [Si labellisé] La labellisation a t-elle changé la manière de produire/ récolter ? Avantages ? Exigences et difficultés ? ● Pourcentage (ou part) des revenus du produit du terroir dans vos revenus total ? Evolution des revenus stable ? Variable ? Raisons ? ● Evolution des coûts de production ? ● Vendez vous ou transformez vous certains de vos produits sur l’exploitation ? Lesquels ? Depuis quand ? Avantages ? Qui s’en occupe ? ● Difficultés rencontrées dans la production et la gestion de l’exploitation ? ● Quels changements au cours des dernières années ? Pourquoi ? ● Quels projets d’amélioration ?

Relations et organisations sociales autour de la production

● Existe-t-il une organisation commune entre producteurs ? Quels types d’organisation (coopérative, associations, syndicats, etc.) Depuis quand ? ● En faites-vous partie ? Quelle organisation ? Depuis quand ? Combien de membres ? Quelles activités en commun ? Avantages ? Problèmes ? ● Comment percevez-vous vos liens avec les autres producteurs (aide, concurrence, complémentarité) ? ● Liens avec les unités de transformation (distillerie) ou de commercialisation (intermédiaires, etc.) ? Lieu de localisation de ces unités ou ces acteurs ? ● Y a t-il des politiques locales ou régionales qui appuient la production agricole de terroir ? Lesquelles ? En bénéficiez-vous ? ● Avez-vous des liens avec les structures de développement ou d’encadrement agricole ? Lesquelles (ONG, municipalité, syndicats, ORMVA, etc.) ? Quel appui ? ● Lien ou contacts avec les touristes (visite de l’exploitation, vente directe, etc.) ?

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● Votre appréciation de la fréquentation touristique dans la zone ? Impacts positifs ? Négatifs (gêne) sur vos activités ?

Place culturelle des produits de terroir ● Quels sont les différents usages de la production agricole locale ? Evolution au cours du temps ? Ces changements sont spécifiques à cette région ? Pourquoi ? ● Réservez vous une partie de votre production à vos propres usages ? Lesquels ? ● Il y a des événements culturels ou touristiques qui valorisent les produits du terroir dans votre localité/province ? Qu’en pensez vous ?

GUIDE D’ENTRETIEN ORGANISMES D’ENCADREMENT AGRICOLE

N¡ entretien : Interviewé : fonction et missions : Intervieweur : Date : Lieu : Observation :

Présentation et caractéristique de la structure Nous voudrions avoir une idée tout d’abord de l’organisation de votre structure et de son ancrage dans le territoire

L’acteur interviewé • Originaire de la région ? de la localité ? • Depuis quand travaillez-vous dans cet organisme ? Travail antérieur ? • Votre formation ? • Fonction précise au sein de la structure (rôle, mission, etc.) ?

Nature de la structure • Date de création ? statut juridique ? • Principales activités de la structure (objectifs et principales missions) ? Evolution des activités ? • Personnel : nombre d’employés ? principales fonctions ? • Zones géographiques d’intervention de la structure? Evolution ?

Mode d’intervention de la structure • Stratégies d’accompagnement des agriculteurs ? Quelles actions concrètes (techniques, organisationnelle, formation, financière, etc.) ? Evolution de ces actions ? Quelles perspectives de changement ? • Ressources de la structure pour ces actions : Moyens financiers ? Ressources humaines suffisantes ? Moyens logistiques (équipements pour le terrain) ? Provenance des ressources financières/logistiques/humaines (Etat, bailleurs, ONG, etc..) ? Problèmes de moyens ? • Problèmes pratiques au quotidien ? (Accès aux exploitations, difficulté de rencontrer les agriculteurs, mode de vulgarisation adéquat? Lutte contre la contrebande ? etc.) • Vos interlocuteurs sur le terrain : Qui ? Les hommes ? Les femmes ? pourquoi? Quelles avantages/difficultés ? • Relations avec les autres acteurs du monde rural ? (coopératives, autres instances d’encadrement, ONG, Municipalité, etc.)

La production agricole et le produit du terroir dans la région

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Nous aimerions avoir votre vision sur l’agriculture de la région, et plus précisément sur l’économie du produit du terroir.

Caractéristiques agricoles générales de la région/province

• Les principales cultures de la région (céréales, oléagineux, palmier dattier, roses, etc.). Par ordre d’importance (en termes de superficie, de volume production, de revenus pour les populations, etc.). Evolution au cours des dernières années ? • Répartition globale de ces cultures (selon les bassins de production, les communes). Evolution de cette répartition ? • Les potentialités agricoles de la région (fertilité du sol, infrastructure de conservation post récolte, main d’œuvre agricole disponible, etc.) ? • Les filières de production spécifiques à certains groupes sociaux ou ethniques (femmes, berbères, etc.) ? Lesquelles ? • Les interactions entre les différentes filières ? Certaines activités agricoles sont portées par différentes tribus ? Lesquelles ? • Structuration du foncier dans la province (dominance des terres melks ? Proportion importante de terre en location? Morcellement important des surfaces ? etc.) • Principales difficultés (conflits fonciers, accaparement des terres, etc.)

Les produits du terroir

Système productif

• Quels sont les différents Ç produits du terroir È dans la zone ? Comment définissez-vous un produit du terroir ? • Données sur la production de terroir : superficies, volumes production, etc. (statistiques disponibles ? zones de production/commune ? carte si possible) ? Evolution au cours des dernières années ? • La structure agraire et la question foncière sont spécifiques à la production du produit du terroir ? Les particularismes ? Qui détient le foncier ? Quels problèmes ? (expliquer) • Profil des producteurs (originaires de la région, taille exploitation, etc.) ? • Organisation de la production (coopérative et associations de producteurs ?) • Les opérations culturales (itinéraire technique recommandé, les opérations culturales critiques, la charge de travail) • Principales difficultés de la production de terroir : âge des plantations, variétés, problème phytosanitaire, faible technicité, formation des agriculteurs, absence d’outillage moderne de production, structuration du marché, faible rentabilité, concurrence, etc. • Votre intervention sur le terrain au niveau des systèmes productifs du produit du terroir ? Sur quel volet spécifique ? Comment ? Avec quels moyens ? Quels résultats ? • Système productif de l’AOP : quelle singularité ? contraintes ? avantages ?

Transformation et commercialisation • Méthode de commercialisation du produit du terroir (producteurs eux-mêmes ? intermédiaires ? etc.) ? Problème ? • Prix stable (évolution) ? Ç juste È ? • Nombre et nature des unités, Usines, transformateurs… ? (chiffres si possible). Méthode d’organisation des coopératives ? • Problèmes liés à la transformation et commercialisation des produits du terroir ? • Concurrence du marché de la contrebande [falsification, à prendre avec du recul] ? • Les liens entre les différents acteurs de la filière ?

Le rôle des politiques publiques Nous souhaitons comprendre votre perception et vos liens avec les politiques publiques.

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Le plan Maroc vert et sa déclinaison dans la région • Projets dans la zone financés par le PMV ? (chiffre des investissements, liste des projets financés, impacts visibles) ? • Projets de votre structure concernés par le PMV ? Lesquels ? Depuis quand ? etc. • Autres acteurs intervenant au niveau local dans le cadre du PMV (ONG, organismes de développement, etc.). Dans quels secteurs ils interviennent ? • Dans ces projets, actions et enveloppe financière consacrées à l’appui des produits du terroir (production, commercialisation, promotion, labellisation) ? Priorités d’action et d’investissement dans ce domaine ?

Autres politiques publiques nationales et régionales d’appui à l’agriculture et le produit du terroir • La place de l’agriculture dans les politiques de développement rural menées au niveau national ? Régional ? Les impacts dans la vallée ? • Les politiques nationales ou régionales de valorisation et de promotion de l’agriculture en lien avec l’activité touristique ? Lesquelles ? Les impacts dans la vallée ? • Les relations entre les différentes institutions présentes localement ? Avec les associations? ONG internationales, et autres institutions internationales de développement ? Et le secteur privé ? • Les conflits, des concurrences, des contradictions ou des complémentarités entre les différents acteurs qui interviennent sur le territoire de la vallée ? Qui a le plus d’impact sur le développement local selon vous? [insister sur les questions de renforcement des capacités d’action des agriculteurs]

Le développement global de la région Pour terminer, on aimerait avoir votre vision sur les enjeux et les perspectives du développement territorial et local dans la région, et plus particulièrement de la vallée

Retombées du produit du terroir sur le développement local et perspectives • Nombre d’emplois directs et indirects (les emplois concernent toute la filière depuis la production jusqu’à la commercialisation dans la région) ? • Place des femmes dans l’économie du produit du terroir ? • Poids économique des produits du terroir pour la région, en comparaison notamment avec d’autres filières comme l’olivier ou le palmier dattier (revenus générés pour les ménages, devises engendrées par le territoire) ? • Impacts négatifs/positifs de ces productions ? Lesquels ? • Principaux enjeux de la production du produit du terroir et perspectives à venir ?

Autres activités, autres enjeux • A part l’agriculture, les autres secteurs économiques de la région qui vous semblent importants pour le développement local (le tourisme, les services, l’industrie, etc.) ? Et à renforcer ? • Relations des activités agricoles avec d’autres activités de la vallée (tourisme, circuits courts, double activité) ? Relations à renforcer ? Pourquoi ? • Changements au niveau du climat ? (perception des grands changements, sécheresse et précipitation, désertification, pression sur les ressources naturelles, pression sur les ressources hydriques, gelée, etc.) • Stratégies d’adaptation ?

Questions complémentaires • Des informations complémentaires que vous voulez ajouter ? • Est-ce que vous voulez nous poser des questions ?

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GUIDE D’ENTRETIEN COOPERATIVES.

N d’entretien :

Interviewé :

Intervieweur

Fonction et missions :

Date

Lieu

Observation

I) Caractéristiques générales

L’acteur interrogé • Etes-vous originaire de la région? • Depuis quand travaillez-vous dans la zone ? pourquoi? • Quelle est votre formation ? • Où avez-vous travaillé avant ? • Quelle est votre fonction précise au sein de la structure ?

Nature de la structure • Quelles sont les principales activités de la structure ? (domaine d’intervention, objectifs et principales missions) ? Production ? Transformation et conditionnement ? Vente ? • Quand la coopérative a-t-elle été créée ? Quel est son statut juridique ? • Quelle a été l’évolution à travers le temps ? (grandes phases, etc.) • Comment est organisée la coopérative ? Présidence (qui ? combien de présidents ?), organigramme ? conseil d’administration ? etc. • Est- ce une coopérative strictement locale ? régionale ? nationale ? en réseau ? • Quel est son budget? • Comment fonctionne l’adhésion à la coopérative ? Quelles sont les conditions pour être coopérateur ? • Quels sont vos équipements ? Prêtez-vous des équipements aux agriculteurs/ éleveurs ou ont-ils déjà leur matériel ? Les deux ? • Quelles sont les caractéristiques des producteurs membres de la coopérative ? (nombre, formation d’origine, moyenne d’âge, nombre de femmes (sex ratio). Comment se répartissent les membres selon leur activité (producteurs, commerçants, éleveurs, etc.) ? • Quel le volume annuel d’activité de la coopérative ? (volume de production collectée, transformée, vendue, etc.) ? Chiffre d’affaire annuel ? Evolution ?

Mode d’intervention de la structure • Comment travaillez-vous avec les agriculteurs et éleveurs ? Quelles sont vos actions concrètes (accompagnement et suivis techniques, renforcement de capacités, conseils organisationnels, aides financières, formation, ) ? • De quelles ressources dispose la structure pour ses actions? Aspect financier/logistique: moyens d’accompagnement, équipements, etc. • Percevez-vous des aides de l’Etat ? Un soutien quelconque ? De quel organisme ?

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• Au quotidien quels sont les problèmes pratiques auxquels vous faites face ? (Accès aux exploitations, difficulté à rencontrer les agriculteurs/ éleveurs, difficulté à coordonner les agriculteurs/ éleveurs entre eux ? etc.) • Vos interlocuteurs : avec qui interagissez-vous au quotidien ? Quelle est la place des femmes? pourquoi?

Lien entre la structure et les différents acteurs de développement du territoire • Quelles sont vos relations avec les autres acteurs (de développement) du monde rural (développement territorial)? Avec les autres coopératives ? Avec les associations ? Les ONG ? Les services d’encadrement agricole ? • Bénéficiez-vous d’un appui institutionnel (municipalité, région, Etat, ONG..) ? Quel type d’appui (investissements, formation, aide financière) ? Depuis quand ? Quels sont les secteurs priorisés par ces organismes? (parité, développement durable, commerce équitable..) • Avez-vous connaissance des politiques nationales, régionales ou locales de développement rural ? De valorisation et de promotion de l’agriculture ? de produits de terroir en lien avec l’activité touristique? Lesquelles ? Quels impacts dans la région ? • Pensez-vous que les autorités locales et/ou gouvernementales sont assez impliquées dans le développement de la région? Lesquelles? Pourquoi? • Est ce qu’il y a des conflits, des concurrences, des contradictions ou des complémentarités entre les différents acteurs qui interviennent sur le territoire de la région ? Qui a le plus d’impact sur le développement local selon vous?

La production agricole dans la région

Caractéristiques agricoles générales de la région/province • Quelles sont les principales cultures de la région (olives, fruits, figues, apiculture.. ) ? Par ordre d’importance (en termes de superficie, de volume de production, de revenus pour les populations, etc.). Evolution au cours des dernières années ? • Quelle est la répartition globale de ces cultures (selon les bassins de production, les communes). Evolution de cette répartition ? • Les potentialités agricoles de la région (fertilité du sol, infrastructure de conservation post récolte, main-d’Ïuvre agricole disponible, etc.) ? • Est ce que certaines filières de production sont plus spécifiques à certains groupes sociaux ou ethniques (femmes, berbères, etc.) ? Lesquelles ? • Quelles sont les interactions entre les différentes filières ? Est-ce que certaines activités agricoles sont portées par différentes tribus? • Comment est structuré le foncier dans la province (dominance des terres melks? proportion importante de terres en location? Morcellement important des surfaces, etc.) • Principales difficultés (conflits fonciers, accaparement des terres, etc.) • Quelle est la place de la certification dans la région ? (AOP, IGP, AB, etc.) Contraintes? Avantages ? • Y at-il une pratique des techniques de l’agriculture biologique ou de l’agro-écologie dans la région?

Transformation et commercialisation • Comment se commercialisent les produits (producteurs eux-mêmes ? intermédiaires ? etc.) ? Avantages ? Inconvénients ? • Les prix sont-ils stables ou non? (évolution) ? Pensez-vous qu’ils soient Ç justes È (=rémunérateur pour les producteurs) ? • Combien existe-t-il d’usines de transformation de produits bruts? (ex. fromage de chèvre, huile d’olive) ? (chiffres si possible). Comment sont-ils organisés (coopératives?) ? • Quels sont les problèmes liés à la transformation et commercialisation des produits de terroir ?

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Le développement de la région Pour terminer, nous aimerions avoir votre vision sur les enjeux et les perspectives du développement territorial et local dans la région, et plus particulièrement de la vallée.

Retombées des produits de terroir sur le développement local et perspectives • Nombre d’emplois directs et indirects (les emplois concernent toute la filière depuis la production jusqu’à la commercialisation dans la région) ? • Quelle est la place des femmes dans l’économie des produits locaux ? • Poids économique des produits locaux pour la région, en comparaison notamment avec d’autres filières comme la céréaliculture/ oleiculture intensive ? • Principaux enjeux de la production de produits de terroir et perspectives à venir ?

Autres activités, autres enjeux • A part l’agriculture, quels sont les autres secteurs économiques de la région qui vous semblent importants pour le développement local (le tourisme, les services, l’industrie, etc.) ? Et à renforcer ? • Pensez-vous que la culture de cannabis a un rôle important dans le développement de la région? (revenus supplémentaires, plus de touristes, etc.) • Percevez-vous de la concurrence avec ce marché ? (cannabis) • Voyez-vous des avantages/ inconvénients à cette culture ? • Quelles sont les relations des activités agricoles avec d’autres activités de la région (tourisme, circuits courts, double activité)? Quelles relations faudrait-il renforcer ? • Au cours des dernières années, avez-vous constaté des changements au niveau du climat? (perception des grands changements, sécheresse et précipitation, désertification, pression sur les ressources naturelles, pression sur les ressources hydriques, gelée, etc.) • Participez-vous à construire de stratégies d’adaptation ? Si oui, comment ?

GUIDE D’ENTRETIEN ASSOCIATIONS DE DEVELOPPEMENT LOCAL

N d’entretien :

Interviewé :

Intervieweur

Fonction et missions :

Date

Lieu

Observation

Présentation et caractéristique de la structure Nous voudrions avoir une idée tout d’abord de l’organisation de votre structure et de son ancrage dans le territoire

Nature de la structure et implantation • Origine de la structure (Date de création ? Statut ? Objectifs ? Mode d’adhésion ? Moyens ?) • Taille de la structure : nombre d'employés et adhérents ? • Pourquoi ce lieu d'implantation (accès au foncier et aux locaux, normes, autorisation

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environnement, formalité administrative, proximité de la population) ? • Quelles sont les activités principales de la structure (Projet ? Plaidoyer ? Conseil ? Sensibilisation ? Étude ? etc.). Evolution ? • Ce type de structure est-elle la seule dans la zone ? Avez-vous une idée du nombre d’ADL dans la province (Chefchaouen/Ouezzane) ? • Quelles zones couvre la structure (aire d’intervention) ? Evolution ?

• Profil des personnes travaillant dans la structure et des adhérents • Depuis quand travaillez-vous dans cette structure (Chefchaouen/Ouezzane) ? • Votre formation ? • Votre fonction précise au sein de la structure ? Etes-vous salarié ? Bénévole ? Activité principale ? • Quel est le profil des autres personnes travaillant dans la structure (genre, tranche d'âge, qualification et fonction associées, autres) ? • Leur statut (salariat/bénévolat ? Journalier, saisonnier, à plein temps ? etc.) • Leur origine (locaux, étrangers, autres régions) ? • Ont-ils d'autres activités en dehors de l’ADL? • Quel est le profil des adhérents ? (genre, âge, origine, activités) Quelle évolution ?

Mode d’intervention de la structure et liens avec les autres acteurs du développement On souhaite comprendre la manière dont se concrétise votre déploiement sur le terrain et quels sont les modes d’intervention

• Mode d’intervention de la structure • Quelles actions concrètes de l’association (techniques, organisationnelle, formation, financière, etc.) ? Evolution de ces actions ? Quelles perspectives de changement ? • Menez-vous des actions concrètes en lien avec la valorisation des produits du terroir ? Le tourisme ? Quelles actions ? Depuis quand ? • Y a t-il des périodes de plus fortes activités pour votre structure ? (pic annuel, période creuse..)? • Ressources de la structure pour ces actions : moyens financiers ? Ressources humaines suffisantes ? Moyens logistiques (équipements pour le terrain) ? Provenance des ressources financières/logistiques/humaines (Etat, bailleurs, ONG, etc..) ? Problèmes de moyens ?

• Liens avec la population et les autres acteurs du développement local/territorial • Problèmes pratiques au quotidien ? (accès aux exploitations, difficulté de rencontrer les populations, mode de vulgarisation adéquat ? Lutte contre la contrebande ? etc.) • Quelle est votre relation avec la population locale (dont les agriculteurs) ? Vos interlocuteurs sur le terrain : Qui ? Les hommes ? Les femmes ? Pourquoi ? Quelles avantages/difficultés ? • Relations avec les autres acteurs du monde rural (coopératives, autres associations, ONG, Municipalité, acteurs privés, syndicats, bailleurs de fond, etc.) ? Avez-vous des partenariats avec ces autres acteurs ? Lesquels et depuis quand ? Quelles perspectives à venir ? • Connaissez-vous les politiques publiques et les programmes de développement dans votre localité/province? Lesquelles? Quels projets ? Menés par qui? Pensez-vous qu’elles soient efficaces ? • Avez-vous un appui des politiques publiques (locales, régionales, nationales) ? A quel niveau ? Souhaiteriez-vous plus d'appui ? De quelle nature ? • Existe-t-il des conflits, des concurrences, des contradictions ou des complémentarités entre les différents acteurs qui interviennent sur le territoire de la vallée ? Causes ? • Comment évaluez-vous votre impact sur le développement local ? Votre dynamisme (reconnaissance, niveau d’écoute, sollicitation, réseau, poids) ? Qui a le plus d’impact sur le développement local selon vous ?

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• Quelle votre stratégie de communication ? Comment communiquez-vous avec vos partenaires et collaborateurs ? Quelle image de l’association mettez-vous en avant ? Comment faites-vous la publicité de votre association ? Par site internet, agences de voyage, guides papier, brochures ? • Quelles sont vos perspectives futures ? Quelles autres activités pensez-vous intéressantes à développer ? Vos projets à court ou moyen termes ? Vos besoins ? Vos contraintes/problèmes ?

Perception du développement du territoire local (Chefchaouen/Ouezzane) Pour terminer, nous aimerions avoir votre vision sur les enjeux et les perspectives du développement territorial et local dans la localité, et plus largement de la province (Chefchaouen/Ouezzane)

• Retombées des produits du terroir sur le développement local et perspectives • Quelle est la place des femmes dans l’économie locale, et plus particulièrement dans le développement local lié aux produits du terroir ? • Poids économique des produits du terroir dans la localité/province, en comparaison notamment avec d’autres produits (revenus générés pour les ménages, devises engendrées par le territoire) ? • Impacts négatifs/positifs de cette production de terroir ? Lesquels ? • Principaux enjeux de la production des produits du terroir et perspectives à venir ?

• Autres activités, autres enjeux • Quelles sont les relations entre les activités agricoles et d’autres activités développées dans le territoire (tourisme, circuits courts, double activité) ? Quelles relations faudrait-il renforcer ? • A part l’agriculture et le tourisme, quels sont les autres secteurs économiques de la province (Chefchaouen/Ouezzane) qui vous semblent importants pour le développement local (les services, l’industrie, etc.) ? Et à renforcer ? • Comme évaluez-vous les infrastructures locales et les activités liés au tourisme (hébergement, restauration, événements culturels, etc.? Quels sont les manques et éventuellement vos propositions pour améliorer ce secteur ? • Comment percevez-vous les étrangers installés ici ? • Est-ce que les étrangers ou opérateurs économiques ont une relation particulière avec la population locale ? Quelles relations entre touristes et populations locales ? • Est-ce que vous pensez qu’il y a des situations de conflits, voire d'insécurité/instabilité lié au tourisme ou à d’autres activités dans la localité/province ? Lesquelles ? Depuis quand ? Comment les résoudre ? • Recommanderiez-vous la localité/province (chefchaouen/Ouezzane) comme destination de voyage ? Pourquoi ? • Quelles sont les principales évolutions du développement local au cours des dernières années ?

GUIDE D’ENTRETIEN GITEURS ET HEBERGEURS

Date : Numéro de l’entretien:

Nom de l’établissement

Nom et fonction de l’enquêté

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Nom de(s) l’enquêteur(s)

Durée de l’entretien : Lieu :

Observation :

Caractéristiques de la structure d’hébergement

○ Type de structure • Type de structure physique (, bâtiment neuf, nomade…) • Superficie ? Evolution du bâti ? • Services offerts et proposés (restauration ? visites guidées ? Location transport ? boutiques ?) • catégorie touristique (tourisme rural, écotourisme, tourisme vert, tourisme durable, tourisme religieux) ○ Types d’hébergements de la structure • chambres, lits, emplacements (combien? types?) • gamme de prix • évolution de l’offre ○ Performances • nombre de nuitées par an ? • Evolution ?

SI CAMPING: ○ Type d’hébergements de la structure • Nombre d’emplacements (et notamment pour les campings car) • Evolution des emplacements (notamment pour les campings caristes) • Nombre de locations d’emplacement par an

Fonctionnement de la structure

○ Historique de l’établissement • Quand a été créé l’établissement ? • Dans quel contexte a-t-il été créé ? ○ Emploi et travail dans l’établissement • Qui travaille dans l’établissement ? Membres famille ? Salariés permanent/saisonniers ? A quels postes ? Originaires de la localité/province ? • Quelles sont les conditions de travail ? (horaires et salaires)

La clientèle

○ Profil de la clientèle de l’établissement • Quelle saisonnalité de la clientèle ? (période creuse, pleine) • Durée moyenne d’un séjour ? Pourquoi cette durée selon vous ? • De quelles nationalités sont les clients ? Si étrangers, de quels pays ? Si Marocains, lieux de provenance ? • Existe-t-il un profil type (familial, couple, étudiant, randonneur)? Evolution de ce profil ? ○ Attendus et activités de la clientèle de l’établissement • Avantages et inconvénients de l’établissement (services et prestations à améliorer dans l’établissement) • Avez-vous une clientèle fidèle ? Dans quelle proportion ? • Qu’est ce qui attire les clients de votre structure à Chefchaouen/ Ouezzane? • Quelles sont les activités qu’ils préfèrent ?

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• Demandent-ils des renseignements touristiques sur la zone ? Des renseignements sur les produits du terroir ? • Selon vous, existe-t-il un profil particulier du touriste dans la zone ? (profil, activités, comportements, origine sociale)

La relation de la structure avec l’extérieur

○ Stratégies de communication • Comment communiquez-vous avec vos clients ? • Comment faites-vous la publicité de votre établissement ? Par site internet, agences de voyage, guides papier, brochures ? • Travaillez-vous en partenariat avec d’autres structures ? associations, agence de voyage, syndicats du tourisme, tours opérators...Evolution de ces partenariats ? • Quelles images de la région mettez-vous en avant dans votre communication ? ○ Relation avec les partenaires commerciaux • Où vous fournissez-vous en produits alimentaires ? • Privilégiez-vous les produits locaux ? • Autres partenaires commerciaux ? ○ Relation avec les hébergeurs concurrents ? • Sentez-vous de la concurrence avec les autres hébergeurs ? • De l’entraide ? Sous quelles formes ? ○ Relation avec les riverains/ la population locale • Quelle est la nature de vos relations avec la population locale ? • Travaillez-vous avec eux ? Pour quelle activité ? A quel rythme ? • Comment percevez-vous les étrangers installés ici ? • Comment la population locale perçoit-elle les touristes ? ○ Avenir de votre structure • Quelles sont les principales difficultés et contraintes de votre établissement ? • Quelles sont vos principales satisfactions et motivations par rapport à votre établissement ? • Quels sont vos projets futurs pour l’établissement ?

Perception du territoire / produits du terroir/tourisme

○ Perception du tourisme à Chefchaouen/Ouezzane • Connaissez-vous les politiques publiques et les programmes de développement du tourisme dans votre région? Lesquels ? Menés par qui ? Pensez-vous qu’ils soient efficaces ? • Est-ce que vous pensez qu’il y a un contexte d'insécurité/instabilité dans les métiers du tourisme au Maroc ? Si oui, est-ce que vous pensez qu’il touche Chefchaouen/ Ouezzane? • Quelles sont les principales évolutions du tourisme dans votre territoire au cours des dernières années ? Manques ? Problèmes ? Que faut-il changer ? Plus développer ? • Pensez-vous que les étrangers/non originaires (touristes ou résidents) aient eu un impact positif sur le développement du territoire Chefchaouen/ Ouezzane? De quelle manière ? • Qu’est ce qui attire le plus les touristes selon vous (paysages ? culture locale ? produits du terroir ? cannabis ?)

○ Conflits liés au tourisme ? • Lesquels ? Autour de quels enjeux ? Entre quels acteurs ? • Raisons ? Depuis quand ? • Solutions ?

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