Publié le 20 novembre 2017(Mise à jour le 20/11) Par Claire Bernole

Évangéliques et homosexualité, le débat à Protestants en Fête

À la veille de PEF 2017, le CNEF annonçait qu’il se retirait de la manifestation. Retour sur les causes et les répercussions de cette décision.

Ce fut une mauvaise surprise pour tout le monde. Le Conseil national des évangéliques de (CNEF) s’est retiré de Protestants en fête (PEF) 2017. À l’origine, la présence d’associations LGBT et un culte inclusif – terme tiré de l’anglais et signifiant que la célébration est pensée de façon à ne discriminer personne : homosexuels, handicapés, migrants… – organisé à la paroisse Saint- Guillaume de Strasbourg, prévu depuis longtemps au programme.

Sachant cela, rester partie prenante de l’organisation de PEF aurait été « une forme de compromission », estime Étienne Lhermenault, président du CNEF. Rappelons que pour cette instance, s’il est tout à fait possible d’accueillir des personnes LGBT, leur mode de vie ne constitue pas « une alternative absolument indiscutable ». « Pastoralement, nous n’étions pas prêts à donner le signal aux jeunes évangéliques présents à la manifestation que tout se vaut. » Nuances évangéliques

« Le CNEF a le droit d’avoir toute lecture biblique qu’il veut, comme chacun de nous, mais à partir de sa grille théologique, il considère qu’il peut exclure de la société certaines personnes », réplique Marina Zuccon, présidente du Carrefour des chrétiens inclusifs qui a tenu un stand au Village des fraternités. « Je me suis sentie accusée de faire du lobbying alors que notre activité se vit dans le cadre d’une commission de paroisse », pointe Joan Charras-Sancho, présidente de l’Antenne inclusive de la paroisse Saint-Guillaume. Cette partie du programme a été réfléchie, discutée, « pour ne pas créer un clivage supplémentaire », retrace-t- elle. « On peut dialoguer avant de se désengager. J’aurais aimé que le CNEF nous demande en quoi consistaient le culte inclusif et la table ronde qui étaient visés. »

Pour Jean-Marc Potenti, président de la Coordination évangélique de la FPF, se retirer de l’organisation de PEF est « négatif en terme de stratégie ». « Les conséquences de ce choix vont peser sur l’avenir. Cela provoque des coups, des blessures et des remous qui rendent le contenu même du dialogue et les relations entre le CNEF et la FPF plus délicats. » D’autant que plusieurs communautés appartiennent aux deux instances, CNEF et Coordination évangélique. « Cela rend la présence des Églises de la Coordination évangélique au sein du CNEF compliquée – même si, à ce jour, je n’ai pas entendu de perspectives de départ. » En effet, si sur le fond il partage les vues théologiques du CNEF, Jean-Marc Potenti préfère faire entendre sa voix de l’intérieur plutôt que de se désolidariser de la FPF « Nous sommes conscients qu’il y a de la diversité au sein de la FPF. Partant de là, c’est le principe fédératif même que de l’accepter. »

Étienne Lhermenault a un autre point de vue : « Ce serait plus simple si ce genre d’événement se voulait être une grande vitrine du protestantisme dans sa diversité et non pas une communion de tous. » Selon lui, si le directeur du CNEF, Clément Diedrichs, était présent à l’inauguration, c’était pour éviter de rompre brutalement tout dialogue.

Un dialogue à (re)construire

De même, le CNEF n’a pas appelé au retrait de son antenne locale ni à celui des différents stands tenus par des évangéliques. « Toutes nos associations impliquées dans l’événement n’allaient pas, à quelques jours de son lancement, se retirer et nous ne voulions pas jouer les censeurs, précise Étienne Lhermenault. On traite les évangéliques de radicaux manquant de nuances mais quand ils en font, on leur reproche de ne pas être cohérents… »

Le retrait du CNEF, que ce dernier espérait – un peu naïvement – discret, a été d’autant plus remarqué par les médias qu’il a eu lieu au dernier moment : il a été annoncé une semaine avant le début de PEF. Georges Michel, secrétaire général de la Fédération protestante de France (FPF), fait part de son étonnement : « J’ai personnellement prévenu en juillet dernier le directeur du CNEF et plusieurs responsables d’Églises, les informant du besoin de dialogue dans cette perspective. » Il précise également que « Protestants en Fête 2017 à Strasbourg n’a jamais été une promotion des groupes LGBT » et qu’aucune pression non plus n’a été exercée de leur part. Il regrette que ce retrait « plonge les évangéliques dans un corner qui fragilise l’unité de cette grande famille et impose une image publique qui ne correspond pas à la réalité ».

Marina Zuccon voit, elle, dans le déroulement des événements, une opération communication bien orchestrée : « Personne n’est dupe. Le CNEF souhaite être l’un des interlocuteurs des autorités politiques sur les questions religieuses. Pour cela, ils ont besoin de la FPF tout en restant en concurrence avec elle. » De tout cela le CNEF, par la voix d’Étienne Lhermenault, se défend : il n’a eu connaissance de la place du militantisme LGBT dans le programme que le 13 octobre et il a ensuite fallu prendre le temps d’une consultation interne.

Sur un sujet sur lequel les différentes parties peineront à se convaincre mutuellement, le dialogue est désormais à (re)construire. Non qu’il soit en lui- même une solution, mais au moins une issue vers un dissensus apaisé.

Publié le 2 novembre 2017(Mise à jour le 2/11) Par Nathalie Leenhardt Notre ancre, notre voile – l’édito de Nathalie Leenhardt

Après Protestants en fête 2017 à Strasbourg.

Même si les chiffres ne disent souvent rien de l’humain et de ce qu’il traverse, ils sont parfois bons à découvrir. Ainsi, aux côtés des 8 000 fidèles présents au Zénith de Strasbourg, 456 000 téléspectateurs ont regardé le culte XXL dimanche matin 29 octobre. Beaucoup d’autres l’auront visionné plus tard, en replay, sur leur ordinateur. C’est heureux. Heureux que cette façon toute protestante d’honorer Dieu et de lui rendre grâce ait été approchée par des femmes et des hommes qui peut-être ne l’avaient jamais expérimentée. Quant aux habitués, ils auront vécu avec nous qui étions sur place la joie d’être ensemble. Ainsi mes voisins venaient-ils spécialement de Belgique, pour vivre l’unité et faire des rencontres.

Se parler, échanger, donner envie de s’engager, réfléchir, prier, tous ces verbes et beaucoup d’autres qualifient ce qui s’est vécu à Protestants en fête, dans une grande joie. Nous avions intitulé notre dernier numéro « La fête » illustré par la photo d’une jeune femme. Celle-ci nous a écrit, étonnée de se retrouver en Une, y voyant un clin d’œil de l’Esprit, elle, épouse d’un réformé, issue d’une famille tout à la fois catholique et baptiste. Oui, la diversité peut être belle quand elle est vécue dans la curiosité de l’autre, considéréa priori de façon bienveillante et confiante.

Une diversité rendue visible par ces symboles indispensables quand on veut toucher au cœur et à l’esprit. Comment oublier les doigts de cet homme non- voyant effleurant le texte de l’Évangile de Jean, les mots de ces réfugiés syriens accueillis dans une famille protestante, le récit de Caïn et Abel lu depuis les gradins, parce que la Parole n’est jamais en surplomb de nos vies. Et les cantiques bien sûr, entonnés par les chorales, repris par la foule, comme celui qui dit l’infaillible amour de Dieu, ce Dieu qui est tout à la fois notre ancre et notre voile, qui affermit nos piquets et élargit nos espaces… Publié le 1 novembre 2017(Mise à jour le 2/11) Par Jean-Paul Willaime

Protestants en fête 2017 : merci Strasbourg !

Le sociologue Jean-Paul Willaime salue la réussite de Protestants en fête 2017 à Strasbourg.

Le 500e anniversaire de la Réforme aura été l’occasion, de la part des autorités civiles, d’une reconnaissance publique particulièrement appuyée du protestantisme, de ses apports à la France et à l’Europe. Rarement le protestantisme aura été à ce point à l’honneur. Ainsi, vendredi dernier à Strasbourg, en ouverture de Protestants en fête, ce sont les dimensions européennes de l’événement qui furent soulignées dans le cadre prestigieux de l’hémicycle du Conseil de l’Europe. Les remarquables allocutions deGérard Collomb, ministre de l’Intérieur chargé des cultes, et de Wolfgang Schäuble, récemment élu président du Bundestag, convergèrent pour saluer les contributions du protestantisme à l’avènement de l’Europe moderne.

Citant trois fois la Bible, Gérard Collomb expliqua que l’insistance protestante sur le sacerdoce universel des croyants contribua à définir « l’absolue égalité entre les êtres humains », que la Réforme instaura « un nouveau rapport à la raison » et contribua à la construction européenne. Et Gérard Collomb de citer Henri Lauga qui, dès 1945 dans les premiers numéros de Réforme, défendait l’idée d’une Europe fédérale (notamment avec René Courtin, membre fondateur de notre journal). Après l’affirmation du président Macron à l’Hôtel de Ville de – « Le sang du protestantisme coulait dans les veines de la France » –, selon Gérard Collomb, c’est « dans les veines de l’Europe » qu’il coule aussi. À l’heure où l’Europe est confrontée à des défis majeurs, l’éthique protestante peut, toujours selon lui, constituer « une fructueuse source d’inspiration ».

C’est bien, a-t-il ajouté, « une laïcité capable de reconnaître tout l’apport des différents courants spirituels à la construction de notre civilisation » qui fut la marque de ces reconnaissances publiques des apports du protestantisme. Wolfgang Schäuble ne pouvait que consonner en soulignant la contribution protestante au pluralisme et en saluant que, dès le XVIe siècle, un certain esprit œcuménique avait soufflé à Strasbourg. Cette métropole multiculturelle, où se vit toute la diversité protestante, fut incontestablement un lieu inspiré pour fêter les 500 ans du protestantisme sous le signe de la fraternité !

Publié le 25 octobre 2017(Mise à jour le 26/10) Par Nathalie Leenhardt

Attester d’un Autre – L’édito de Nathalie Leenhardt

Avant Protestants en fête qui se tiendra à Strasbourg les 27, 28 et 29 octobre.

L’anecdote fait sourire. Appelés à citer des noms de personnalités protestantes, les Français interrogés dans le sondage dont nous publions les résultats ont nommé Lionel Jospin, Angela Merkel et… Jean-Luc Mélenchon ! Je doute qu’ils aient confondu le nom de ce dernier avec celui de Philippe… Mélanchthon, compagnon de Luther ! Plus probablement ont-ils assimilé les protestations continues du leader de la gauche radicale à un trait de caractère… protestant. Alors que l’on sait que le terme ne signifie pas râler, se rebeller, manifester mais bien davantage attester. Attester de sa foi, de son histoire, de ses combats, de sa liberté, de sa responsabilité. Attester du Dieu de la Bible. Attester de Jésus-Christ.

C’est bien ce que feront les milliers de protestantes et de protestants qui vont se réunir ces 27, 28 et 29 octobre à Strasbourg, un rendez-vous préparé de longue date. Ce sera l’occasion d’interroger un héritage commun, d’honorer nos devanciers, d’ajouter des pierres à l’édifice, de se demander : « Qu’allons-nous faire demain ? ». Et de se réjouir, ensemble, tout simplement.

Au travers de nombreuses animations, le village des solidarités témoignera de l’engagement sans failles du protestantisme auprès des plus vulnérables, pour leur permettre de se relever mais aussi de s’interroger sur quantité de sujets de société, qu’il s’agisse de transmission, de défense d’une planète fragilisée, de modes de vie plus respectueux des équilibres environnementaux, d’accueil des réfugiés, d’attention donnée aux personnes porteuses de handicaps, aux détenus… La liste est longue de ces hommes et de ces femmes qui ont besoin du soutien de leurs frères et sœurs, de façon inconditionnelle.

Plusieurs concerts et spectacles deviendront temps de célébration dans la joie et le culte XXL permettra de prier ensemble, dans la grande diversité de la famille protestante. Un moment exceptionnel comme il en faut pour se rappeler d’où l’on vient et où l’on va ! Publié le 13 juillet 2016(Mise à jour le 25/10) Par Luc Perin

Inventez les paroles !

Composerez-vous le chant « officiel » et emblématique 2017 de « Protestants en fête » ?

C’est la question que pose la Fédération protestante de France à tous les auteurs et compositeurs tentés par le concours qu’elle organise.

Pour le texte, en français, les candidats s’inspireront librement du thème « Protestants 2017 – 500 ans de Réformes – Vivre la Fraternité » et du verset biblique : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (Gn 4,10). Une traduction anglaise et une traduction allemande seront les bienvenues. « C’est un peu un défi de composer un chant à destination du grand public, souligne Daniel Leiniger, responsable du service musique de l’UÉPAL, en charge du concours. D’autant plus que « Protestants en fête » est une action fédérative qui réunit des Églises et des sensibilités parfois éloignées. Mais c’est un défi très enrichissant pour ceux qui créent le chant comme pour ceux qui le vivent dans le public. »

Avant l’événement, pour le préparer, le chant retenu sera entonné dans les différentes paroisses et différents lieux d’église de France. Il sera ensuite au cœur de « Protestants en fête », à Strasbourg, les 27, 28 et 29 octobre 2017. Notamment au cours du culte célébré le samedi 29 octobre au Zénith et télédiffusé en direct. Les quelque 1 000 choristes attendus chanteront cette composition qui sera harmonisée pour eux, avec un accompagnement musical.

Le chant officiel figurera bien sûr dans le carnet de chants « Protestants en fête 2017 ». Tout comme les 2e et 3e prix qui pourront être décernés dans le cadre de ce concours. Notez que le premier prix sera doté de 1 000 euros, le deuxième de 500 euros et le troisième de 300 euros.

La date limite pour envoyer votre inscription et votre chant ? Lundi 31 octobre 2016.

Publié le 3 octobre 2013(Mise à jour le 23/02) Par Rédaction Réforme

Protestants en fête 2013 : le peuple protestant était au rendez- vous

Trente mille protestants ont pris d’assaut les rues de Paris, notamment Bercy, pour une fête de la diversité haute en couleur.

Ce fut le plus grand rassemblement de protestants dans la ville de Paris depuis… la Saint-Barthélemy. Mais l’issue en fut bien plus heureuse : ce « pari d’espérance » est un véritable succès, avec une estimation de 30 000 visiteurs sur les différents villages et 12 000 participants au culte le dimanche matin. Billy Graham en 1986 n’avait pas fait mieux, loin de là… Quelque 180 activités proposées en 55 lieux différents : il est impossible àRéforme de tout raconter. Alors voilà, comme un kaléidoscope, ce qui a pu se vivre.

Vendredi, 14 h

Sur le damier des jardins de Bercy, des tentes sont dressées. Institutions, associations, libraires, éditeurs et journaux, c’est tout un monde qui se côtoie et révèle un protestantisme où la diversité n’empêche pas l’unité. Sous un soleil qui réchauffe, les visiteurs se pressent. « Je suis italienne, et j’ai entendu parler de “Protestants en fête” au Raincy, l’Église à laquelle j’appartiens, confie Aline. C’est la première fois que je participe à une fête de ce genre. En Italie, les JMJ rencontrent un grand écho mais les protestants sont ultraminoritaires et donc très discrets. Le désir de savoir comment les protestants se comportent en France m’importe beaucoup et je suis ravie de voir qu’il y a du monde. » Patrick, de son côté, milite à La Cimade. Attiré par les actions associatives, il affirme : « Je suis venu pour voir les différentes formes que prend le protestantisme et je ne suis pas déçu. Mais je crains que la variété des pratiques et des orientations ne tourne à l’émiettement des sensibilités. »

Arlette, quant à elle, quatre-vingt ans, croix huguenote autour du cou, est venue de Compiègne, où elle fréquente l’Église protestante unie, et milite au sein de l’Entraide protestante et de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). « Je suis là pour retrouver les miens. Vivant dans une minorité, cela fait du bien de rejoindre une famille plus nombreuse et rassemblée. » Thomas et Élisabeth, septuagénaires, à la fois luthérien et réformée, sont venus de Colmar : « Nous sommes des fidèles des Kirchentag allemands. Nous nous réjouissons que cela commence à venir en France. Cet après-midi, nous étions au village des solidarités où nous avons particulièrement apprécié les groupes de personnes handicapées qui faisaient du théâtre. »

Vendredi, 19 h

La salle de l’Église américaine de Paris est petite, agrémentée sur son pourtour des panneaux de l’exposition « Femmes d’espérance », proposée par le Groupe Orsay, qui réunit des protestantes féministes. Ce qui place le débat de ce soir sous le « marrainage » impressionnant de ces ancêtres d’exception : Katharina von Bora, la femme de Martin Luther, Marie Durand, France Quéré ou encore Dorothée Casalis. Il a été aussi précédé par la formidable prestation de Leymah Gbowee, prix Nobel de la paix (lire son portrait en page 20).

Les invitées se sentent portées par ces femmes « qui avaient une stature hors du commun », comme le dira la pneumologue Irène Frachon, devenue malgré elle star des médias sur l’affaire du Mediator. À ses côtés, Bénédicte de Luze, venue parler du monde de l’entreprise, Christiane Nyangono, pasteure de l’EPUdF, et Valérie Duval-Poujol, théologienne. Toutes quatre ont ainsi énoncé ce qui les portait, la Bible, et cette volonté de faire, au jour le jour, au mieux, leur métier. Ce que Valérie Duval-Poujol traduira par les mots de Jérémie : « Travaillez à la paix de la cité où vous êtes. »

Les femmes portent-elles différemment l’espérance que leurs confrères ? Chacune tente d’éviter les caricatures et les stéréotypes, s’attachant à la complémentarité, et aux nouveaux chemins à inventer. Une ouverture qui plaît à l’assistance d’une centaine de personnes, à 90 %… féminine !

Samedi, 9 h

Après un vendredi soir riche en concerts (musique classique, jazz, gospel, chorales ethniques…), les plus matinaux peuvent participer à une célébration sous la tente des communautés, organisée par les Diaconesses, ou bien suivre des études bibliques dans différentes paroisses. Dans le même temps, sur la place du Palais-Royal, entre le et le Conseil d’État, le village des solidarités affiche la diversité des engagements protestants dans les secteurs sanitaires, sociaux et de la solidarité internationale.

Sur le podium au milieu du village, Murielle Mayette, directrice de la Comédie- Française, et Amin Maalouf, l’écrivain d’origine libanaise, interviennent, à l’invitation de La Cimade. Ils lisent des textes de l’auteur et membre de l’Académie française sur le thème de l’identité. Monique et Marie-Françoise écoutent. Monique est venue d’Angers, elle est hébergée avec son mari chez son amie Marie-Françoise qui vient de Maurepas, dans les Yvelines. Elles ont prévu d’assister à une conférence sur l’éducation, puis Monique se rendra à Bercy pour la soirée et le culte. Marie-Françoise qui n’a pas pris ses places, regardera le culte chez elle en famille, car il sera retransmis en direct à la télévision.

Un peu plus loin, deux acteurs se répondent sur les privations, le public comprend vite qu’ils jouent des détenus dans une cellule symbolisée par des rubans de chantier. Lydie est venue d’Agen en car avec une trentaine de paroissiens. « Ce matin, j’ai été à l’église de Belleville pour chanter et prier. À 14 h, je participerai à la promenade sur le Paris protestant. » Des enfants s’activent autour de pièces en bois pour reconstituer une carte de l’Afrique, une animation proposée par le Défap. La buvette tenue par le SEL offre des boissons et du chocolat équitables.

Samedi, 12 h

À midi, le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, visite le village des solidarités, attentif et souriant : « De culture catholique et non croyant, j’ai toujours trouvé les protestants aussi sévères avec eux-mêmes qu’ils étaient ouverts aux autres. A priori, “protestant” n’est pas synonyme de “fêtard”, mais le fait qu’ils fassent la fête ne me surprend pas et je pense que les protestants doivent encore plus montrer qui ils sont. » Plus tard dans le week-end, les deux « rivales », candidates à sa succession, Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet, viendront visiter « ce Paris protestant ».

Certains « pèlerins » ont préféré suivre des conférences plutôt que déambuler dans les différents villages. Le choix est large (trop ?). Le débat sur l’œcuménisme, organisé à l’Institut catholique de Paris, avec le théologien dominicain Michel Malèvre, les protestantes Valérie Duval-Poujol et Nicole Fabre et le président du Conseil national des évangéliques de France (CNEF) Étienne Lhermenault, fait salle comble avec plus d’une centaine de participants. Comme l’affirme une diaconesse lors de l’échange avec la salle : « Nous vivons dans un monde athée, il y a urgence à témoigner ensemble de Dieu et, pour cela, nous n’avons pas besoin d’être d’accord sur la moindre petite virgule d’une confession de foi. »

Dans le même temps, le « Forum Solos Francophone », réuni sous l’égide des associations La Cause et Des pas dans le Sable, fait le plein toute la journée. On y rencontre des divorcé(e)s (de plus en plus nombreux dans les Églises), des veufs et veuves, des célibataires de longue durée. Le célibat est rarement une vocation et, jusque dans les communautés ecclésiales, on ne sait pas quoi faire des gens seuls. « La solitude est souvent un véritable boulet, une souffrance ingérable », témoigne courageusement une célibataire. Un chrétien divorcé raconte qu’il a été contraint de changer d’Église. Mais au travers de ces souffrances, tous ont dit le secours surprenant du Christ dans leur vie.

Samedi, 15 h La paroisse de Pentemont-Luxembourg propose une conférence sur les violences du capitalisme. Le modérateur des débats rappelle l’importance des protestants dans la fondation du mouvement du Christianisme social à l’aube du XXe siècle. Les intervenants soulignent tous l’écart entre la société et le royaume de Dieu, se reconnaissant, par leur foi et leurs valeurs chrétiennes, dans les initiatives qui combattent l’idée selon laquelle l’humain serait devenu une variable d’ajustement : les luttes sociales, ou l’économie sociale et solidaire, entre autres. Pour eux, la violence du capitalisme est inacceptable, et l’action en faveur d’une société plus juste et fraternelle une urgence.

Exactement à la même heure, à l’, Martin Hirsch, le « père » du revenu de solidarité active (RSA), Irène Frachon et Franck Meyer, maire (MoDem) de Sotteville en Seine-Maritime, débattent de la lutte contre la corruption et la pauvreté, à l’initiative du Défi Michée. Michel Rocard est aux abonnés absents, mais le temple est archicomble. Partageant des anecdotes personnelles très touchantes, les orateurs se gardent de se positionner en donneurs de leçon, font montre d’humilité et de détermination contre le fléau des conflits d’intérêt. À la fin de la conférence, Martin Hirsch reçoit des mains du pasteur une copie de son certificat de baptême. Car celui qui se dit non croyant et à moitié juif a bel et bien été baptisé, « sans son consentement éclairé », précise- t-il, dans ce temple même.

Mais « Protestants en fête » ne propose pas que des engagements sociaux ou politiques. On trouve aussi une bonne dose de spiritualité, de louange et de méditation. À l’exemple de ce labyrinthe qui occupe tout l’espace du chœur de l’historique temple du Marais. Une création de David Brazzeal – aumônier de la scène artistique parisienne – qui invite à un voyage initiatique jusqu’au centre de la vie. Le tout au son d’une musique contemporaine minimaliste. « La traversée de mon labyrinthe, c’est la vie, confie l’artiste. On a souvent l’impression d’aller nulle part, de se perdre, revenir en arrière, et pourtant on continue, inexplicablement attiré vers le centre : ce lieu mystérieux qui donne la possibilité de retrouver la paix… une raison d’être…Dieu. Un lieu du recommencement et de la renaissance. »

Samedi, 18 h 30

Entre 8 000 et 9 000 billets ont été vendus pour la soirée festive au Palais omnisport de Paris-Bercy (POPB). Le défi de cette soirée est de contenter tous les goûts artistiques d’une foule très disparate culturellement. Et la diversité est bien au rendez-vous, quitte à déplaire à tout le monde, au moins à un moment… C’est la musique classique qui a l’honneur d’ouvrir le bal, suivie d’un spectacle de mime, peu convaincant. Puis deux comiques prennent la scène d’assaut, dont l’évangéliste d’origine marocaine Saïd Oujibou. Quand il propose que le prochain président de la FPF soit un Arabe, il est abondamment applaudi. Son plaidoyer antiraciste trouve un écho certain dans la salle. Vient alors le tour du groupe de jeunes de Poitiers, récompensé par Didier Sandre pour son très court métrage sur l’espérance. Le pasteur en profite pour lancer à Saïd Oujibou : « Tu viens à Poitiers quand tu veux ! » La première partie se termine avec un groupe de jazz manouche, entraînant et joyeux.

Après un très court entracte, un collectif de musiciens évangéliques propose un long moment de louange, pendant lequel des centaines de jeunes quittent -enfin- leurs sièges pour rejoindre le devant de la scène et danser à cœur joie, leurs foulards verts de « Protestants en fête » noués en turban autour de la tête. Vient ensuite la compagnie de théâtre Sketch Up avec son spectacle Sortie de crises, et une saynète remarquable sur les questions existentielles de deux jumeaux dans le ventre de leur mère. Ils se demandent si « la vie après la naissance » existe vraiment, ou si ce n’est qu’un mythe… Puis – enfin – le grand Manu Dibango, célèbre saxophoniste, et lui-même luthérien camerounais, fait son apparition.

Dimanche, 8 h 30

Il a fallu du courage pour se lever tôt après la soirée de la veille, mais dès 8 h 30, les fidèles sont déjà nombreux à l’entrée du POPB. Chacun cherche fébrilement son ticket imprimé. Beaucoup s’y perdent, ont confondu le billet de la veille et celui du matin, n’ont pas imprimé le bon, ont un billet barré qui signifie qu’ils sont en liste d’attente. Le système, il faut le dire, n’est pas simple. Un bénévole accueille, explique, patiemment, aimablement. À ses côtés, le personnel de Bercy est autrement plus direct…

Non loin, le pasteur Jean-Charles Tenreiro, ancien président de la région Ile-de- France de l’EPUdF, tente de trouver des solutions. Heureusement, il a récupéré une soixantaine de tickets et dépanne. La fraternité fonctionne, on « se refile » des tickets. Une fidèle évangélique y voit « la main de Dieu ». Le ciel est avec PEF, il ne pleut pas… À 10 h 30, les portes se ferment. Les derniers arrivés, quelque 200 personnes, sont réorientés vers la , où ils retrouveront plusieurs centaines d’autres personnes et un écran géant. Dommage que les consignes de sécurité de Bercy aient été si strictes, il restait des places à l’intérieur…

Le culte lui-même doit répondre aux mêmes défis que le spectacle de la veille : intégrer toute la diversité protestante, de la retenue luthéro-réformée à l’enthousiasme évangélique. Il dure 2 h 30 ! Une heure seulement sera retransmise à la télévision. On commence par trente minutes de louange. Quand les 12 000 fidèles entonnent à l’unisson Je louerai l’Éternel, l’émotion et la ferveur parcourt tout Bercy. Communion et solennité sont au rendez-vous. Des jeunes filles sont en larmes… Puis l’acteur Roland Giraud prête sa voix, tout à fait remarquable, aux lectures bibliques. Avant la prédication, une énorme bible passe de mains en mains sur la tête des fidèles assis dans la fosse, pour rejoindre la table de communion. On y trouve des fleurs, des bougies. Une énorme croix lumineuse, comme accrochée dans le ciel, veille au-dessus de l’estrade. Claude Baty prêche alors sur le royaume de Dieu, semblable à une graine que l’on sème. « La Parole de Dieu fait son œuvre dans les cœurs, elle est féconde, sans nous et parfois malgré nous. » La prédication est particulièrement courte, à peine quinze minutes. Elle est suivie par une longue prière d’intercession, où l’on prie pour Haïti et les otages du Sahel, les écharpes vertes du rassemblement tendues vers le ciel.

Vient le temps de la sainte cène, avec ses 400 bénévoles pour distribuer le pain et le jus de raisin aux 12 000 participants. Le tout est parfaitement huilé. Éclate alors un retentissant À toi la gloire. Le peuple protestant est bien là, nombreux, soudé malgré sa diversité, visible et fier de l’être. Dans la salle, certains ne peuvent s’empêcher d’élever des prières spontanées, qui n’étaient pas prévues au programme, ou de scander « Jésus, Jésus, Jésus » en frappant dans les mains. Claude Baty transmet alors le flambeau au nouveau président de la FPF, François Clavairoly, qui prononce un envoi remarqué. « L’espérance nous engage à protester, et à contester l’injustice faite au plus vulnérable. » Certains y entendent une défense des Roms destiné à Manuel Valls, présent au culte…

Dimanche, 14 h

Sur les stands des différents villages, tous encore ouverts jusqu’à 18 h, on discute de ce que l’on vient de vivre. Léandro, membre d’une Église franco-brésilienne, est aux anges : « Ce culte était une bénédiction. La Réforme a commencé au XVIe siècle, et on voit que ça continue. C’était incroyable de participer à cette fête. »

Serge, quant à lui, membre de l’Église protestante unie de Talence près de Bordeaux, avait « très envie de voir le peuple des protestants, car le protestantisme met beaucoup l’accent sur l’individu et aujourd’hui il me semble que notre foi doit être recentrée sur la communauté ».

Pendant le culte, « ce Dieu qu’on invoque, sans trop savoir qui il est, est venu un peu s’imprégner en nous ». Il attend désormais Lyon « parce que la France a besoin de ce genre de réveil ». Viviane, de l’Église protestante unie d’Annonay (Ardèche), acquiesce : un tel culte « permet de se ressourcer, de renaître à nouveau. On va aller semer nos graines pour que la prochaine fois en 2017, à Lyon, on vienne avec beaucoup de fruits ».

Publié le 26 septembre 2013(Mise à jour le 8/01) Par Marie Lefebvre-Billiez

John Featherstone : Une musique habitée

Cet Anglais atypique est directeur musical du culte de « Protestants en fête ». Sur la table en bois de son salon parisien tout blanc, un document vert pâle, épais de 160 pages au format A3. Est-ce un grimoire du XVIe siècle, recelant quelque recette secrète et miraculeuse ? De grosses lettres noires indiquent « Protestants en fête ». Vous avez sous les yeux le conducteur du chef d’orchestre regroupant les 363 partitions individuelles du culte du rassemblement qui réunira plusieurs milliers de protestants au Palais omnisport de Paris-Bercy (POPB) le dimanche 29 septembre. John Featherstone en est le directeur musical. C’est lui qui a écrit les arrangements des dix-sept cantiques, ainsi que des temps d’interludes instrumentaux. Il doit coordonner mille choristes, une fanfare de l’Armée du Salut et vingt-cinq autres musiciens. Il y en a pour soixante minutes non-stop de musique. Un projet tout à fait gigantesque pour cet artiste chrétien épris de démesure.

« Plume de pierre »

« Ce que je fais est risqué, mais j’aime aller jusqu’au bout de mon art. Je ne peux pas rester dans une petite boîte. » Ainsi, si vous ne retrouvez pas vos habitudes lors du traditionnel À toi la gloire après la sainte cène, c’est à cet artiste audacieux que vous le devrez… Il s’est même permis d’écrire des variantes sur des partitions de Bach et de Haendel.

De nationalité anglaise – son nom signifie « plume de pierre » –, John Featherstone est né à Calcutta en 1955. Son père était envoyé en Perse et en Inde par la Société biblique britannique. John ne reste en Orient qu’un an et découvre vite, avec ses trois frères, le climat anglais. La famille fréquente une Église baptiste. John commence le piano, puis la guitare. Sa mère est professeur de français. Il s’oriente vers la même carrière et devient enseignant de français, d’allemand et de musique. C’est en France, à l’âge de vingt et un ans, qu’il se fait baptiser par immersion, dans une église évangélique à Bordeaux. Son souvenir principal ? « L’eau était froide », dit-il, espiègle, sans aucun accent quand il parle notre langue.

Assez rapidement, John quitte l’enseignement pour se consacrer à la musique. Il met son art au service des Églises anglaises, à temps plein. Puis il sent un appel à servir les chrétiens en France, et il s’installe avec sa femme Mary à Orléans. Un lieu qu’il choisit pour la bonne entente qui règne entre les pasteurs réformé, libriste, baptiste et pentecôtistes. En 1990, travailler comme musicien à temps plein pour les Églises est un véritable pari. Mais vingt-trois ans et quinze CD plus tard, il ne regrette rien. Il vit de son art en harmonie avec sa foi, que demander de plus ? Il rend hommage à sa femme, qui lui sert d’agent, et qui lui épargne toutes les tâches administratives pour qu’il puisse se consacrer à sa créativité personnelle. Prenez son dernier CD, Resonance, sorti en octobre 2010. Il s’agit de musique instrumentale jouée sur une guitare atypique à sept cordes. John a demandé à son luthier de lui fabriquer exprès cet instrument unique en son genre. Il a rajouté un la grave : « Il faut aller jusqu’au bout et tout utiliser pour exprimer ce que l’on a découvert. Ma septième corde, c’est pour ne pas rester riquiqui. »

Et qu’a-t-il donc découvert de grandiose qu’il veut nous transmettre ? « J’ai la profonde conviction que Dieu est présent et qu’il mérite toute notre attention et notre adoration. Ma musique n’a pas vocation à attaquer les bastions de la non- foi, mais à glorifier Dieu. » Ainsi, son objectif pour « Protestants en fête » est de « susciter une beauté d’expression qui glorifie Dieu » et « d’amener dans la présence de Dieu pour y trouver toute sa splendeur ». Il se réjouit que l’on transforme le POPB en « maison de Dieu » pour un dimanche, alors que ce lieu a plutôt l’habitude d’être la « maison des artistes comme Mylène Farmer… ».

Pour John Featherstone, « la musique est un moyen de rapprochement entre celui qui crée et le Créateur, entre celui qui s’exprime et Celui qui entend. Je cherche à faire entrer les gens dans la présence de Dieu, puis à me retirer sur la pointe des pieds. Une sérénité et une sobriété s’imposent ». Un défi qu’il n’a cessé de relever dans maintes Églises où il a donné des concerts ou organisé des formations à la louange. Depuis son installation en France, il a beaucoup travaillé avec les catholiques et participé à de grands rassemblements de jeunes. Il a aussi chanté dans nombre de cathédrales comme Orléans, Nancy, Évry, Chartes et Notre- Dame.

Extérioriser ce qui interpelle

Tant qu’il habitait à Orléans, il fréquentait une Église évangélique, mais Mary et lui se sont installés à Paris voilà cinq ans, quand leurs trois enfants ont quitté le nid. Ils ont alors rejoint la paroisse réformée du Marais. Quand ils vont en Angleterre, ils se retrouvent souvent chez les anglicans. Dans leur salon à Paris, on trouve une icône orthodoxe que Mary a reçue de membres de sa famille d’origine grecque. Elle dépeint Jésus présenté par sa mère. Sur le mur d’en face, il y a un tableau plus classique, représentant les trois anges venus rendre visite à Abraham – un symbole de la Trinité. Et puis juste à côté, le très beau portait d’un homme indonésien.

Divers et passionné, John a aussi donné quelques concerts en prison, surtout en Angleterre, car « c’est moins compliqué côté paperasse » qu’en France. « J’ai été interpellé de me retrouver devant des gens qui voulaient entendre quelque chose de positif dans des vies qui ne tournaient pas rond. Un gars, notamment, qui venait d’être baptisé, se demandait pourquoi il avait dû attendre d’être en prison pour rencontrer Dieu. »

John a aussi joué dans des écoles. En France, elles étaient forcément privées catholiques, car les établissements publics laïcs s’ouvrent mal à son répertoire professant. Pourtant, il ne voit pas comment faire autrement que d’exprimer sa foi dans sa musique. « Je trouve triste que l’on puisse traiter la musique comme quelque chose que l’on fait la semaine, et puis le week-end, on fait autre chose : on va à l’Église. Pour moi, tout artiste exprime forcément ce qu’il a à l’intérieur. Il veut extérioriser et communiquer ce qui l’interpelle. » Rendez-vous dimanche au POPB pour en faire l’expérience. www.johnfeatherstone.com

Publié le 3 décembre 2009(Mise à jour le 24/10) Par Bernard Rodenstein

« De bons souvenirs, mais encore ? »

Près d’un mois après ce premier grand rassemblement, l’auteur en mesure les bienfaits et les limites. Le président de la Fédération protestante de France a eu raison, il fallait y être, à cette fête du protestantisme français, à Strasbourg, fin novembre.

Le président de la Fédération protestante de France a eu raison, il fallait y être, à cette fête du protestantisme français, à Strasbourg, fin novembre.

ƒJ’y ais mis un pied. Pour tenir un stand d’information sur la place Kléber. Quelle riche idée que ce grand village de la solidarité où les expressions les plus diverses du témoignage rendu au nom de l’Évangile du Christ Jésus ont trouvé la possibilité d’entrer en résonance avec de nombreux visiteurs et badauds. Je ne suis allé ni à Saint-Thomas, ni au Zénith. L’idée d’avoir à présenter un carton officiel ou un ticket d’entrée pour une manifestation cultuelle me répugne. J’en connais les raisons, bien sûr. Sécurité oblige. Mais si nos Églises invitent largement et que, pour une fois, cette invitation est honorée, il leur appartient de trouver les lieux adéquats, fût-ce sur une grande place. Il y a eu beaucoup de frustrations autour de ces cérémonies organisées à guichet fermé ! Je n’ai pas bien vécu non plus le tintamarre autour de la venue ou de l’absence du président de la République. Sommes-nous si peu sûrs de nous, de notre rôle et de notre place dans la société pour avoir besoin que le chef de l’État nous apporte l’onction de la légitimité républicaine ? Car enfin, je ne peux imaginer que c’est pour ses choix éthiques personnels qu’il a été convié ?

L’Esprit saint a soufflé

Lui aurions-nous dit crûment tous nos désaccords avec sa politique inégalitaire, encourageante pour les plus fortunés et désolante pour les « petites gens » ? Ce dont nous avions besoin, c’est de la présence de l’Esprit saint. Il a incontestablement soufflé ici et là. Cela devrait suffire à notre bonheur. Nos responsables des différentes institutions ecclésiales ont été très occupés. Les médias se les sont arrachés. Tant mieux. Notre visibilité à tous y aura gagné. Sans doute n’ont-ils pas eu le temps de saluer les personnes qui ont assuré l’ouverture sur le monde à travers les différents lieux d’exposition et d’animation répartis à travers la ville. C’était une occasion rare de manifester leur intérêt pour tout ce que l’engagement chrétien génère au sein et en périphérie des Églises, en matière de service et de témoignage. C’est un problème de forme plus que de fond. Souvenirs…

Sur le fond, précisément, que va-t-il nous rester ? Le souvenir d’une très belle rencontre, assurément. Que sommes nous allés voir ? Nous avons vérifié que le monde protestant est encore un corps réel. Qu’avons-nous entendu ? Chacune, chacun a pu capter un mot, une phrase qui l’accompagne depuis lors. Très bien. Que peut en retenir l’opinion publique, « le monde » auquel nous voulons offrir « la bonne nouvelle » ? Aucune parole forte n’a été prononcée pour être entendue et retenue au-delà de nos chapelles. Consensus mou nous y oblige. Pour faire croire à notre unité. Bernard Rodenstein est pasteur de l’UEPAL à Colmar.

Publié le 12 novembre 2009(Mise à jour le 25/10) Par Bernadette Sauvaget

Un faux pas de l’État ?

Pourquoi aucun ministre du gouvernement n’était-il présent lors du rassemblement de Strasbourg ?

Les protestants sont-ils en disgrâce politique ? Quel prix ont-ils aujourd’hui aux yeux des responsables politiques ? « Protestants en fête » a certes été gratifié de la présence remarquée et appréciée du président du Sénat, Gérard Larcher. Mais l’absence, elle aussi remarquée, du président de la République, Nicolas Sarkozy, mais surtout d’un représentant patenté du gouvernement, en la personne d’un ministre, suscite depuis une dizaine de jours, un certain nombre d’interrogations, voire des remous. Que s’est-il passé ? Mais d’abord qui donc avait été invité ? Outre le président de la République, la Fédération protestante de France (FPF) avait sollicité le Premier ministre François Fillon et le ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, Brice Hortefeux. Très tôt, François Fillon fut le premier à décliner l’invitation. Son agenda ne lui permettait pas de se rendre à Strasbourg. De l’Élysée et de la place Beauvau, les réponses furent plus tardives. Trois semaines avant la tenue de l’événément pour Nicolas Sarkozy. Il était en déplacement à Bruxelles à l’occasion du Sommet européen, au moment même où se tenait, le vendredi 30 octobre, la cérémonie d’ouverture de « Protestants en fête », à l’église Saint-Thomas. En septembre, la FPF misait encore sur une présence, à Strasbourg, du chef de l’État ; ce qui, assurément, aurait donné un lustre politico-religieux au rassemblement. En l’absence du président de la République et du Premier ministre, il revenait légitimement au ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, de représenter le gouvernement. Las ! Il n’était pas non plus disponible, car dans le Puy-de-Dôme ce jour-là dans le cadre de son tour de France de la sécurité. Brice Hortefeux a fait parvenir, le 20 octobre, une « lettre personnelle » à Claude Baty pour s’expliquer et s’excuser.

Manque d’insistance

Une solution de remplacement pouvait-elle être trouvée ? À qui le soin de la gérer ? De fait, l’affaire relevait alors de l’hôtel Matignon. Sollicité parRéforme, le cabinet de François Fillon n’a pas donné suite à notre demande. Un autre ministre du gouvernement, Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la Justice, avait bien été invité. Mais – en voisin et en alsacien – en qualité de… maire de Mulhouse. Le carton d’invitation lui avait été adressé directement par l’Union des Églises protestantes d’Alsace-Lorraine (UEPAL). En raison de son agenda, Jean- Marie Bockel a, lui aussi, décliné. « Le ministre a d’excellentes relations avec les protestants », souligne-t-on avec vigueur à son cabinet. « Le carton est arrivé à la mairie de Mulhouse sans lettre d’accompagnement. Il n’y pas eu d’insistance », poursuit-on. Le mot est lâché. Car au ministère de l’Intérieur, le cabinet de Brice Hortefeux argue aussi de cet argument, le peu d’insistance. Il a été signifié au président de la FPF, Claude Baty, reçu mardi dernier en fin d’après-midi par le ministre (le rendez-vous était fixé depuis longtemps).Les autorités protestantes ont-elle manqué d’empressement ? Quoi qu’il en soit, il y a bel et bien eu un loupé et un faux pas politiques. Ils s’expliquent par une très probable absence de coordination gouvernementale. Y a-t-il eu aussi une mauvaise anticipation sur l’impact que pouvait avoir ce premier rassemblement national des protestants ? C’est plus que vraisemblable. Avec ses 15 000 participants, la manifestation de Strasbourg constitue un incontestable succès, mettant un peu plus en évidence l’absence gouvernementale. Au-delà, l’affaire de la Cimade qui a crispé les relations entre le gouvernement et les autorités protestantes peut-elle être en cause ? Le président de la Cimade, Patrick Peugeot, pense fermement que non. « Le ministre ne s’occupe plus de cela depuis plus d’un an », réplique-t-on aussi au cabinet de Brice Hortefeux.

Effets d’annonce

Evitant de mettre de l’huile sur le feu, chacun s’évertue à calmer le jeu.« Cela n’affectera pas les relations régulières avec le ministère de l’Intérieur », avance la FPF. Le ministère de l’Intérieur insiste, lui, sur les liens entretenus par Brice Hortefeux avec les autorités protestantes dans ses différentes fonctions ministérielles. « Le ministre apprécie son dialogue franc et direct avec le président de la FPF », assure l’un des proches collaborateurs de Brice Hortefeux. « Le ministre a insisté, lors de notre entretien, sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un mauvais signe envoyé par le gouvernement », poursuit Claude Baty. « La situation est paradoxale », estime le politologue Claude Dargent, rappelant l’engagement de Nicolas Sarkozy qui, à plusieurs reprises, a plaidé pour une laïcité positive, à un renouvellement des relations entre pouvoirs publics et les religions. « Il y a beaucoup d’effets d’annonce, souligne pour sa part le sociologue Jean Baubérot. Mais peu suivis de résultats concrets. » Le spécialiste de la laïcité pointe là les nécessaires aménagements au droit des cultes, qu’avait avancés la commission Machelon. Publié le 5 novembre 2009(Mise à jour le 19/12) Par Laure Salamon

Communion musicale au Zénith

Rencontre avec trois des artistes présents lors de la grande soirée musicale du samedi 31 octobre au Zénith, à Strasbourg.

Chyc Polhit n’est pas que son nom de scène, c’est aussi son prénom. Chyc Polhit Mamfoumbi, d’origine gabonaise, a commencé sa carrière de conteur dans le milieu du handicap dans lequel il travaillait. « Je voulais apporter de la culture dans la vie des handicapés. Comme j’avais des facilités à raconter des histoires, à capter l’attention des gens, je voulais partager cette expérience et l’art m’est apparu comme la façon la moins coercitive de s’exprimer. » Et puis cette activité s’est avérée de plus en plus professionnelle. Aujourd’hui, Chyc Polhit vit de cette passion et travaille également pour l’association Jeunesse pour Christ. Protestant pratiquant, il met son expérience de la rencontre avec Dieu au service de son art. « Sans discours d’affirmation ou de croisade, c’est juste une rencontre artistique sinon spirituelle. » Même s’il se produit sur des scènes différentes partout en Alsace et en France, parfois en Belgique, Chyc Polhit continue d’intervenir dans les milieux séculiers. « Jésus racontait ses paraboles à des païens, des non-juifs et se nourrissait de ces rencontres riches. C’est pourquoi j’interviens dans des écoles, des cafés… » Il reconnaît ne pas forcément transformer complètement ses récits en fonction du public. « L’histoire n’est qu’un prétexte pour vivre un moment de communion, sans imposer une croyance. » Samedi soir, Chyc Polhit a raconté une histoire originale, au carrefour de ses convictions chrétiennes et de sa culture d’origine africaine. Un agréable moment de rire, de réflexion et de communion…

Le message du gospel

Theresa Thomason, chanteuse de gospel, est arrivée de New York, pour « Protestants en fête ». Elle a chanté avec la chorale Lift Up Your Voice, dirigée par Catherine Fender. À l’idée de chanter devant un public de protestants, Theresa confiait : « C’est très agréable, car je sais que je serai comprise du public. Les gens comprennent mes intentions. Nous partageons ce qui nous lie déjà, cette croyance. » Theresa Thomason a également chanté en duo avec Marcel Boungou, star du gospel en Europe et actuellement en tournée jusqu’en décembre en Afrique et en Guyane. Il s’est dit très honoré de partager la scène avec Theresa Thomason et également d’avoir été invité à se produire à « Protestants en fête ». « Je suis protestant moi-même, alors c’est très significatif de chanter à Strasbourg à cette fête du protestantisme. Lorsque je chante devant un public quel qu’il soit, celui-ci fait le choix de croire ou non. Là, nous savons qu’il reçoit sans doute plus clairement le message du gospel. Ce message de paix, de joie, de bonheur, de foi au Christ. Dieu parle au peuple à travers le gospel. » Peut-être l’avez-vous entendu ?