Évangéliques Et Homosexualité, Le Débat À Protestants
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Publié le 20 novembre 2017(Mise à jour le 20/11) Par Claire Bernole Évangéliques et homosexualité, le débat à Protestants en Fête À la veille de PEF 2017, le CNEF annonçait qu’il se retirait de la manifestation. Retour sur les causes et les répercussions de cette décision. Ce fut une mauvaise surprise pour tout le monde. Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) s’est retiré de Protestants en fête (PEF) 2017. À l’origine, la présence d’associations LGBT et un culte inclusif – terme tiré de l’anglais et signifiant que la célébration est pensée de façon à ne discriminer personne : homosexuels, handicapés, migrants… – organisé à la paroisse Saint- Guillaume de Strasbourg, prévu depuis longtemps au programme. Sachant cela, rester partie prenante de l’organisation de PEF aurait été « une forme de compromission », estime Étienne Lhermenault, président du CNEF. Rappelons que pour cette instance, s’il est tout à fait possible d’accueillir des personnes LGBT, leur mode de vie ne constitue pas « une alternative absolument indiscutable ». « Pastoralement, nous n’étions pas prêts à donner le signal aux jeunes évangéliques présents à la manifestation que tout se vaut. » Nuances évangéliques « Le CNEF a le droit d’avoir toute lecture biblique qu’il veut, comme chacun de nous, mais à partir de sa grille théologique, il considère qu’il peut exclure de la société certaines personnes », réplique Marina Zuccon, présidente du Carrefour des chrétiens inclusifs qui a tenu un stand au Village des fraternités. « Je me suis sentie accusée de faire du lobbying alors que notre activité se vit dans le cadre d’une commission de paroisse », pointe Joan Charras-Sancho, présidente de l’Antenne inclusive de la paroisse Saint-Guillaume. Cette partie du programme a été réfléchie, discutée, « pour ne pas créer un clivage supplémentaire », retrace-t- elle. « On peut dialoguer avant de se désengager. J’aurais aimé que le CNEF nous demande en quoi consistaient le culte inclusif et la table ronde qui étaient visés. » Pour Jean-Marc Potenti, président de la Coordination évangélique de la FPF, se retirer de l’organisation de PEF est « négatif en terme de stratégie ». « Les conséquences de ce choix vont peser sur l’avenir. Cela provoque des coups, des blessures et des remous qui rendent le contenu même du dialogue et les relations entre le CNEF et la FPF plus délicats. » D’autant que plusieurs communautés appartiennent aux deux instances, CNEF et Coordination évangélique. « Cela rend la présence des Églises de la Coordination évangélique au sein du CNEF compliquée – même si, à ce jour, je n’ai pas entendu de perspectives de départ. » En effet, si sur le fond il partage les vues théologiques du CNEF, Jean-Marc Potenti préfère faire entendre sa voix de l’intérieur plutôt que de se désolidariser de la FPF « Nous sommes conscients qu’il y a de la diversité au sein de la FPF. Partant de là, c’est le principe fédératif même que de l’accepter. » Étienne Lhermenault a un autre point de vue : « Ce serait plus simple si ce genre d’événement se voulait être une grande vitrine du protestantisme dans sa diversité et non pas une communion de tous. » Selon lui, si le directeur du CNEF, Clément Diedrichs, était présent à l’inauguration, c’était pour éviter de rompre brutalement tout dialogue. Un dialogue à (re)construire De même, le CNEF n’a pas appelé au retrait de son antenne locale ni à celui des différents stands tenus par des évangéliques. « Toutes nos associations impliquées dans l’événement n’allaient pas, à quelques jours de son lancement, se retirer et nous ne voulions pas jouer les censeurs, précise Étienne Lhermenault. On traite les évangéliques de radicaux manquant de nuances mais quand ils en font, on leur reproche de ne pas être cohérents… » Le retrait du CNEF, que ce dernier espérait – un peu naïvement – discret, a été d’autant plus remarqué par les médias qu’il a eu lieu au dernier moment : il a été annoncé une semaine avant le début de PEF. Georges Michel, secrétaire général de la Fédération protestante de France (FPF), fait part de son étonnement : « J’ai personnellement prévenu en juillet dernier le directeur du CNEF et plusieurs responsables d’Églises, les informant du besoin de dialogue dans cette perspective. » Il précise également que « Protestants en Fête 2017 à Strasbourg n’a jamais été une promotion des groupes LGBT » et qu’aucune pression non plus n’a été exercée de leur part. Il regrette que ce retrait « plonge les évangéliques dans un corner qui fragilise l’unité de cette grande famille et impose une image publique qui ne correspond pas à la réalité ». Marina Zuccon voit, elle, dans le déroulement des événements, une opération communication bien orchestrée : « Personne n’est dupe. Le CNEF souhaite être l’un des interlocuteurs des autorités politiques sur les questions religieuses. Pour cela, ils ont besoin de la FPF tout en restant en concurrence avec elle. » De tout cela le CNEF, par la voix d’Étienne Lhermenault, se défend : il n’a eu connaissance de la place du militantisme LGBT dans le programme que le 13 octobre et il a ensuite fallu prendre le temps d’une consultation interne. Sur un sujet sur lequel les différentes parties peineront à se convaincre mutuellement, le dialogue est désormais à (re)construire. Non qu’il soit en lui- même une solution, mais au moins une issue vers un dissensus apaisé. Publié le 2 novembre 2017(Mise à jour le 2/11) Par Nathalie Leenhardt Notre ancre, notre voile – l’édito de Nathalie Leenhardt Après Protestants en fête 2017 à Strasbourg. Même si les chiffres ne disent souvent rien de l’humain et de ce qu’il traverse, ils sont parfois bons à découvrir. Ainsi, aux côtés des 8 000 fidèles présents au Zénith de Strasbourg, 456 000 téléspectateurs ont regardé le culte XXL dimanche matin 29 octobre. Beaucoup d’autres l’auront visionné plus tard, en replay, sur leur ordinateur. C’est heureux. Heureux que cette façon toute protestante d’honorer Dieu et de lui rendre grâce ait été approchée par des femmes et des hommes qui peut-être ne l’avaient jamais expérimentée. Quant aux habitués, ils auront vécu avec nous qui étions sur place la joie d’être ensemble. Ainsi mes voisins venaient-ils spécialement de Belgique, pour vivre l’unité et faire des rencontres. Se parler, échanger, donner envie de s’engager, réfléchir, prier, tous ces verbes et beaucoup d’autres qualifient ce qui s’est vécu à Protestants en fête, dans une grande joie. Nous avions intitulé notre dernier numéro « La fête » illustré par la photo d’une jeune femme. Celle-ci nous a écrit, étonnée de se retrouver en Une, y voyant un clin d’œil de l’Esprit, elle, épouse d’un réformé, issue d’une famille tout à la fois catholique et baptiste. Oui, la diversité peut être belle quand elle est vécue dans la curiosité de l’autre, considéréa priori de façon bienveillante et confiante. Une diversité rendue visible par ces symboles indispensables quand on veut toucher au cœur et à l’esprit. Comment oublier les doigts de cet homme non- voyant effleurant le texte de l’Évangile de Jean, les mots de ces réfugiés syriens accueillis dans une famille protestante, le récit de Caïn et Abel lu depuis les gradins, parce que la Parole n’est jamais en surplomb de nos vies. Et les cantiques bien sûr, entonnés par les chorales, repris par la foule, comme celui qui dit l’infaillible amour de Dieu, ce Dieu qui est tout à la fois notre ancre et notre voile, qui affermit nos piquets et élargit nos espaces… Publié le 1 novembre 2017(Mise à jour le 2/11) Par Jean-Paul Willaime Protestants en fête 2017 : merci Strasbourg ! Le sociologue Jean-Paul Willaime salue la réussite de Protestants en fête 2017 à Strasbourg. Le 500e anniversaire de la Réforme aura été l’occasion, de la part des autorités civiles, d’une reconnaissance publique particulièrement appuyée du protestantisme, de ses apports à la France et à l’Europe. Rarement le protestantisme aura été à ce point à l’honneur. Ainsi, vendredi dernier à Strasbourg, en ouverture de Protestants en fête, ce sont les dimensions européennes de l’événement qui furent soulignées dans le cadre prestigieux de l’hémicycle du Conseil de l’Europe. Les remarquables allocutions deGérard Collomb, ministre de l’Intérieur chargé des cultes, et de Wolfgang Schäuble, récemment élu président du Bundestag, convergèrent pour saluer les contributions du protestantisme à l’avènement de l’Europe moderne. Citant trois fois la Bible, Gérard Collomb expliqua que l’insistance protestante sur le sacerdoce universel des croyants contribua à définir « l’absolue égalité entre les êtres humains », que la Réforme instaura « un nouveau rapport à la raison » et contribua à la construction européenne. Et Gérard Collomb de citer Henri Lauga qui, dès 1945 dans les premiers numéros de Réforme, défendait l’idée d’une Europe fédérale (notamment avec René Courtin, membre fondateur de notre journal). Après l’affirmation du président Macron à l’Hôtel de Ville de Paris – « Le sang du protestantisme coulait dans les veines de la France » –, selon Gérard Collomb, c’est « dans les veines de l’Europe » qu’il coule aussi. À l’heure où l’Europe est confrontée à des défis majeurs, l’éthique protestante peut, toujours selon lui, constituer « une fructueuse source d’inspiration ». C’est bien, a-t-il ajouté, « une laïcité capable de reconnaître tout l’apport des différents courants spirituels à la construction de notre civilisation » qui fut la marque de ces reconnaissances publiques des apports du protestantisme.