État,

Marine et Société

Hommage à Jean Meyer (0 Presses de l'Université deParéjp€||fo^ne, Paris, décembre 1995 État, Textes réunis et publiés par

Marine Martine Acerra, Jean-Pierre Poussou, et Société Michel Vergé-Franceschi, André Zysberg.

Publiés avec le concours du

LABORATOIRE D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE MARITIME À L'ÉPOQUE MODERNE (LHAMEM) DU CNRS URA 1989, MUSÉE DE LA MARNE UNIVERSITÉ DE PARIS IV-SORBONNE

et L'INSITUT DE RECHERCHES SUR LES CIVILISATIONS DE L'OCCIDENT MODERNE (IRCOM) DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS IV-SORBONNE Des Mélanges Meyer s'imposent. Meyer est un des esprits les plus créateurs de l'Université de France. Je ne serai pas à la réunion préa- lable parce que je ne suis plus guère bon qu'aux fonctions honorifiques. Mais si vous décidez de me mettre dans le Comité d'Honneur je me considérerai comme fort honoré.

Roland MOUSNIER * de l'Institut

* Lettre de Roland Mousnier adressée , q^^M^^s^vant sa mort à M. le Recteur Jean-Pierre Poussou.

Hommage à Jean Meyer

Jean Meyer fait partie de ces êtres, dont on sait qu'ils sont peu nombreux, qui sortent réellement de l'ordinaire. Sa vie et sa carrière déjà le montrent. Voici donc un Alsacien, né le 11 novembre 1924, à Strasbourg, dont le père était instituteur, qui aura fait carrière en Bretagne puis en Sorbonne, et qui aura atteint le sommet des honneurs et de la carrière uni- versitaires sans avoir jamais passé le baccalauréat. Il est vrai qu'il avait fait de bonnes et solides études primaires et secondaires en Alsace puis à Metz mais il fut incorporé de force, de 1942 à 1945, parmi les « malgré nous ». Et voici que ce cher- cheur, à la vie calme comme celle de tous les chercheurs - on ne peut ni ne doit faire de bruit dans les dépôts d'archives ou les bibliothèques ! -, a connu, tout jeune, entre sa dix-huitième et sa vingt et unième année, de manière buissonnière, aurait dit Antoine Blondin, toute l'Europe centrale et orientale, et pratiquement toutes les armées de l'époque. C'est là, n'en doutons pas, que son caractère a achevé de se tremper et que cette force vitale qui a rejailli sur toute son oeuvre et qui l'anime encore, a achevé de se forger. Voici donc pourquoi il fut dispensé du baccalauréat, fit néanmoins de belles études universitaires et devint en 1952 agrégé d'histoire, avec aussitôt une nomina- tion au lycée Clémenceau de Nantes. Pendant un quart de siècle, le voici donc Breton, très vite passionnément attaché à cette province où il finit par installer ses propres pénates, à Bécherel comme le savent tous ses amis. Mais n'allons pas trop vite et, pour une fois, ralentissons avec lui le rythme : il reste en effet huit années au Lycée Clémenceau, avant d'entrer au CNRS en 1960 pour y passer deux ans. A la sortie, il devient chargé d'enseignement à l'Université de Rennes car il prépare sous la direction d'Henri Fréville une thèse de doctorat ès-lettres consacrée à La noblesse bretonne au xvuf siècle (SEVPEN, 1966), thèse qu'il soutient cum maxima laude en 1966. Il succède aussitôt au professeur Pocquet de Haut-Jussé, et le voici pendant douze ans titulaire de la chaire d'Histoire de la Bretagne, et, à partir de 1969, directeur du Centre de recherches historiques armoricain. C'est à ce titre qu'il participe de manière très neuve, chez Privat, à L'Histoire de la Bretagne (1969), aux Documents d'histoire de la Bretagne (1970) et à Y Histoire de Rennes (1972). En collaboration avec Jean Bérenger, il publie égale- ment La Bretagne à la fin du xvif siècle, d'après le rapport de Béchameil de Nointel (Institut de recherches historiques armoricain, 1976); il écrit enfin une histoire de Bécherel (Bécherel et son pays, Ouest-France, 1983), et plus d'une vingtaine d'ar- ticles dans lesquels la Bretagne est présente. Une partie de ces articles est consacrée aux activités maritimes. Mais il faut dire à cet endroit qu'à cette époque on préparait aussi une thèse complémentaire et que celle de Jean Meyer a été consacrée à L'armement nantais dans la seconde moitié du xviii' siècle (SEVPEN, 1969). Certes, la noblesse allait encore le retenir, à travers de nombreux articles, et surtout à travers cette synthèse qui reste la plus achevée et la plus magistrale dans ce domaine : Noblesse et pouvoirs dans l'Europe d'Ancien Régime (Hachette, 1973), et bien sûr dans toute une série d'articles et de contribu- tions, dont l'ensemble fait encore aujourd'hui l'oeuvre la plus novatrice en matière d'histoire de la noblesse du milieu du xvii, siècle à la Révolution, le tout concrétisé dans son « Que-sais-je? » de 1991 : La noblesse française à l'époque moderne. Néanmoins, après une incursion américaine (Pionniers et colons en Amérique du Nord, A. Colin, 1974, auquel il collabore) et un autre maître livre qui reste la réfé- rence : Les Européens et les Autres, de Cortès à Washington (A. Colin, 1974), sa car- rière connaît un tournant qui est aussi un éclatement. Il arrive en effet en 1978 à l'Université de Paris-Sorbonne où il exerce jusqu'à sa retraite en 1992. Désormais, il y a d'un côté l'historien de la mer et des activités liées à la mer, et d'un autre côté une oeuvre si foisonnante qu'on ne peut l'enfermer dans aucun cadre ni aucune limite, même si elle est d'abord consacrée à la France des xviie-xvme siècles. On me pardonnera de passer assez vite sur le premier aspect : ses élèves le font de manière détaillée dans l'hommage qu'ils lui rendent. Je dois cependant rappeler brièvement sa place en ce domaine. Elle est tout simplement considérable. Jean Meyer a relancé, ou plutôt lancé les études d'histoire maritime de l'époque moderne en France. Devenu dès son arrivée à la Sorbonne en 1978 directeur du Laboratoire d'histoire maritime du CNRS, il a impulsé un nombre prodigieux de recherches, notamment plusieurs dizaines de mémoires et de thèses, dont le noyau central a été constitué par la recherche sur les grands arsenaux. Appuyé sur un séminaire extrê- mement actif, lieu de rencontre avec les marins qu'il a su associer dès le début à cette activité très soutenue, il a permis que se multiplient articles et ouvrages. Lui-même n'a cessé de participer à l'oeuvre commune, abordant aussi bien les batailles et les biographies de marins (voir ses articles dans le Dictionnaire d'Art et d'histoire mili- taire et son Béveziers, paru en 1993 chez Economica) que les histoires de nos grands ports (Histoire de Nantes, 1978; Histoire du Havre, 1984), les travaux généraux sur les relations entre la France et la mer (Voir sa contribution à l' Histoire militaire de la France, et dans l'ouvrage La France et la mer au siècle des grandes découvertes, Taillandier, 1993). Témoignage de l'activité même du Laboratoire, nous avons toute une série d'ouvrages en collaboration, essentiellement avec Martine Acerra (notam- ment Les marines de guerre européennes XVIIe-XVIII' siècles, 1985 ; La grande époque de la marine à voile, 1987 ; Marines et Révolution, 1988 ; et pour finir cette Histoire de la Marine française, parue chez Ouest-France en 1994). A cela s'ajoute bien sûr un grand nombre d'articles ou de contributions qu'il n'est pas possible de citer ici. Je ferai simplement une exception pour Marine de guerre : science et technologie (1750-1850), paru dans la Bretagne des savants et des ingénieurs (Ouest-France, 1991) car il témoigne d'une des grandes idées de Jean Meyer : le rôle fondamental de la marine dans les progrès scientifiques et technologiques du royaume de France. J'allais écrire que Jean Meyer s'est spécialement intéressé à l'évolution et aux progrès des sciences et de la technologie, ce qui au demeurant est tout à fait exact. Mais en même temps très réducteur : il s'est en fait intéressé à toutes sortes de sujets et n'a cessé de faire preuve d'une activité étonnante, correspondant à un labeur sans failles et à la mise en oeuvre, à partir des années 1980 esentiellement, de la docu- mentation qu'il n'avait cessé d'accumuler et d'assimiler. Cet infatigable lecteur, pas- sionné par tout, est devenu à partir de son arrivée en Sorbonne, un écrivain d'une fécondité littéralement hors du commun, dont chaque livre a compté et comptera longtemps. Pour que le lecteur ne soit pas perdu, il faut bien regrouper, au risque de présen- ter un tableau réducteur et de ne pas correspondre à ce qu'a été sa production histo- riographique. On ne verra aucun ordre de préférence dans ce regroupement. Il me semble que celui-ci doit commencer par les problèmes liés à l'Etat et à l'économie en général. Fondamental est à cet égard Le poids de l'Etat (P.U.F., 1983), peut-être le livre le plus neuf qu'il ait écrit dans un domaine pourtant tellement labouré. On lui ajoutera La France Moderne (Fayard, 1985), Les Capitalismes (P.U.F., 1980), Le despotisme éclairé (Que sais-je, 1991), et ses contributions à Guerre et paix en Europe au XVIIe siècle (SEDES, 1991). On en rapprochera la somme que constitue La Révolution française (P.U.F., 1992), toute une série d'articles d'Encyclopédies ou de Dictionnaires, notamment dans l'Encyclopedia Universalis ou dans le Dictionnaire du Grand siècle, mais aussi ses incursions sur le problème vendéen (cf. « Même les pierres le hurleraient » dans Vendée, livre de la mémoire, 1993). Un deuxième grand aspect, qui rejoint largement le premier, ce sont les talents de Jean Meyer pour les biographies : Colbert (1981), Le Régent (1985), Bossuet (1993), La Chalotais (1995), sans compter de nombreux articles d'encyclopédies ou de dictionnaires, sans oublier tel ou tel article sur des acteurs moins connus de l'his- toire comme Le Bouvier des Mortiers (Revue du Bas-Poitou, 1963) ou Joachim Descazaux du Hallay (dans La France d'Ancien Régime). On en rapprochera bien évidemment La naissance de Louis XIV (Complexe, 1989). En troisième lieu, et nous rejoignons largement ici l'histoire maritime, voici l'histoire coloniale de la France. Bien entendu, c'est à sa participation au tome 1 de Y Histoire de la France coloniale (A. Colin, 1991) qu'il faut d'abord songer. Mais ce livre est loin d'être seul puisqu'il y a eu aussi Esclaves et négriers (Gallimard, 1985), Histoire du sucre (Desjonquères, 1989), et toute une série d'articles ou contributions dont le dernier est particulièrement décapant : L'esclavage et la traite des Noirs dans le premier empire colonial français (Internationale Schulbuchforschung, 1995, 2). Tout cela suffisait déjà à faire une oeuvre à la fois immense et diverse. Or Jean Meyer ne s'en est pas tenu là. Il a également publié une Vie quotidienne en France sous la Régence (1979), une très grande synthèse sur L'Europe des Lumières (Horvath, 1989), et le meilleur livre d'histoire urbaine de la France (Etudes sur les villes en Europe occidentale : la France, SEDES, 1983, rééd. 1995). Nous attendons l'Histoire des postes européennes (xV-milieu xixe s.) et l'Education des princes : essai de comparaison France-Saint-Empire. Il est évidemment impossible de parler également de ses autres articles ou contri- butions. On doit redire néanmoins que l'ensemble est considérable et a nécessité, à côté de cette curiosité inlassable déjà soulignée, une discipline de fer pour se docu- menter et plus encore pour écrire. Jean Meyer écrit fort bien ; il écrit aussi, n'en dou- tons pas, facilement. Mais il me semble que tout cela n'aurait pas abouti à de tels résultats s'il n'y avait derrière deux autres explications. L'une a déjà été avancée : nous avons affaire à une somme prodigieuse de lectures bien marquées par une foule de compte-rendus, telle qu'il est impossible de les dénombrer, mais qui se montent à plusieurs centaines, appuyées sur des recensions bibliographiques dont cette Bibliographie de l'histoire anglaise moderne, parue en 1976 dans la Revue Historique. L'autre tient à la troisième grande activité de Jean Meyer : chercheur, écrivain et enseignant. Jean Meyer a en effet été un professeur de premier plan, abso- lument passionnant, qui a abordé à l'occasion de ses enseignements nombre des thèmes qu'il a ensuite exploités dans ses ouvrages. Une solide préparation de cours est en effet souvent la meilleure préparation qui soit pour un ouvrage. Comme il me l'a souligné lui-même, il faut y ajouter l'apport irremplaçable de sa participation à des dizaines de jurys de thèse, le tout représentant plusieurs dizaines de milliers de pages de lectures ! Au total, voici une prodigieuse activité dont on ne peut que se réjouir qu'elle ait été à plusieurs reprises consacrée. A son élection en 1978 à la Sorbonne, il faut en effet ajouter ses participations à la Commission Nationale des Universités de 1978 à 1988, et à celle du CNRS auparavant (1974 à 1978). Officier des Palmes Académiques, Jean Meyer s'est vu décerner en 1966 la médaille de bronze du CNRS pour ses thèses et en 1994 le grand prix Gobert de l'Académie française pour son Bossuet. Chevalier de l'ordre du Mérite en 1976, il en est devenu officier en 1991. On ajoutera qu'il a siégé au jury de l'Agrégation d'Histoire de 1968 à 1982 et qu'il a obtenu le prix A.C.O.R.A.M. de la Marine. Et que nos voisins allemands ont tout particulièrement su reconnaître son oeuvre, ce dont il est à juste titre particulièrement fier : prix Alexandre Humboldt en 1987, il a également été fait chevalier du Mérite allemand en 1994. On me permettra, pour terminer, de donner à mon texte un tour à la fois plus per- sonnalisé et plus personnel. Plus personnalisé, car je sais combien Jean-Laurent Meyer - car en réalité il a reçu ce double prénom - est attaché aux siens. Qu'à cet hommage soient donc associés ses parents Charles Meyer et Marie Neff, dont le sou- venir lui est si proche, son épouse Marie-Jeanne qui lui a permis de réaliser cette oeuvre, ses enfants également pour lesquels il a voulu que sa vie soit pleinement réussie, et Dieu sait qu'elle l'aura été ! Plus personnel enfin car voici près de vingt-cinq ans que je le connais et que je l'admire, près de douze années que je l'ai côtoyé en admirative et toujours chaleu- reuse collaboration. Avec , André Corvisier et François Crouzet, Jean Meyer a souhaité en 1984 que je les rejoigne en Sorbonne. Déjà auparavant, mais depuis plus encore, ses conseils et son amitié ne m'ont jamais manqué un seul ins- tant. Avoir été à ses côtés aura été pour moi un moment unique car toute cette oeuvre a été largement élaborée au même moment. Je ne saurais trop l'en remercier. C'est pourquoi au nom de toute l'Université de Paris-Sorbonne, plus particuliè- rement au nom des membres du Centre de recherches sur la Civilisation de l'Occident moderne et en mon nom personnel, je tiens à lui exprimer l'immense joie et le grand honneur que représente pour nous la publication de ces Mélanges. Leur ampleur : 31 textes, leur diversité, même si les problèmes maritimes en représentent le tiers, me paraissent parfaitement correspondre à celles de son oeuvre. On en remer- ciera tout spécialement Martine Acerra et Michel Vergé-Franceschi. Je suis, pour ma part, très fier et très ému d'avoir pu participer à leur mise en route et à leur publica- tion, Philippe Haudrère et André Zysberg devant être eux aussi associés à celle-ci.

Recteur J.-P. Poussou, Président de l'Université de Paris-Sorbonne.

Bibliographie du Professeur Jean MEYER

OUVRAGES

La Noblesse bretonne au XVIIIe siècle, Paris, SEVPEN, 2 volumes, 1966. L'Armement nantais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Paris, SEVPEN, 1969. La Noblesse bretonne au xviir siècle, édition de poche, Paris, Flammarion, collection Sciences. Noblesse et pouvoirs dans l'Europe d'Ancien Régime, Paris, Hachette, 1973. Les Européens et les Autres, de Cortès à Washington, Paris, Armand Colin, 1974. La Vie quotidienne en France sous la Régence, Paris, Hachette, 1979. Les Capitalismes, Paris, PUF, 1980. Colbert, Paris, Hachette, 1981. Etudes sur les villes en Europe occidentale : la France (milieu du XVIIe siècle à la veille de la Révolution française), Paris, SEDES, 1983. Le Poids de l'Etat, Paris, PUF, 1983. Bécherel et son pays, Rennes, Ouest-France, 1983. Esclaves et négriers, Paris, Gallimard, 1985. La France moderne, 1515-1789, Paris, Fayard, 1985. Le Régent, Paris, Ramsay, 1985. Histoire du sucre, Paris, Desjonquères, 1989. La Naissance de Louis XIV, Paris-Bruxelles, Complexe, La mémoire des siècles, 1989. L'Europe des Lumières, Roanne, Horwarth, 1989. — Deuxième édition de La Noblesse européenne au XVIIIe siècle, 2 volumes, Université des Sciences sociales, 1989, Paris. — Sklaven und Sklavenhandel, édition allemande d'Esclaves et Négriers, Ravensburg, 1990. — Edition espagnole d'Esclaves et Négriers, Madrid, 1989. — Frankreich im Zeitalter des Absolutismus (édition allemande de La France moderne, Munich, DVA, 1990. — Réédition des Européens et les Autres sous le titre de La Conquête du monde, Paris, Armand Colin, 1991. Le Despotisme éclairé, Paris, PUF, Que sais-je?, 1991. La Noblesse française à l'époque moderne, Paris, PUF, Que sais-je?, 1991. Francia y America, Madrid, Mapfre, 1992. Béveziers, Paris, Economica, 1993. Bossuet, Paris, Plon, 1993, Grand Prix de l'Académie française (Prix Gobert). La Chalotais : Affaires de femmes et affaires d'Etat sous l'Ancien Régime, Paris, Perrin, 1995. — Réédition de La France moderne, Grand Livre du mois, Paris, 1995, (2 volumes). — Réédition Les Villes françaises aux XVIIe et XVll/e siècles (en coll. avec J.P. Poussou), Paris, SEDES, 1995.

DIRECTION ET PARTICIPATION (sous la direction de Jean Meyer)

Histoire de Rennes, Toulouse, Privat, 1972. La Bretagne de la fin du xvii, siècle d'après le rapport de Béchameil de Nointel, Rennes, Institut de recherches historiques armoricain, 1976 (en collaboration avec J. Bérenger). Coédition avec Martine Acerra et José Merino : Les marines de guerre européennes, xviil-xviii, siècles, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 1985. La Révolution française (direction et participation) : Paris, PUF, 2 volumes, collec- tion « Peuples et Civilisations », en collaboration avec Jean-Pierre Poussou et André Corvisier.

En collaboration avec Martine Acerra

La grande époque de la marine à voiles, Rennes, Ouest-France, 1987. Marines et Révolution, Rennes, Ouest-France, 1988. L'Europa dei Mari. Splendori e tramonto dei grandi veglieri, Venise, Arsenale, 1989. Segelschiffeim Pulverdampf, Bielefeld, 1989. L'Empire des Mers, Paris, Nathan, 1990 (version originale). Histoire de la marine française, Rennes, Ouest-France, 1994.

Participation à des dictionnaires historiques

Encyclopaedia universalis, Paris, Encyclopaedia universalis, 1968 et sq. Ancien Régime, tome I, pp. 1010-1022; Bretagne, tome II, pp. 583-588; Corsaires, tome IV, p. 1053; Fermiers Généraux, tome V, pp. 1036-1038; Henri IV, tome VIII, pp. 339-341; Intendants, tome VIII, pp. 1084-1085; Noblesse, tome II, pp. 831-834; Renaissance, tome XIV, pp. 53-61.

Grand atlas de l'histoire mondiale, Paris, Encyclopaedia universalis et Albin Michel, 1978 ; participation aux cartes et commentaires pp. 154-155, 156-157, 160-161, 178-179, 180-181, 192-193, 194-195, 198-199. A. Corvisier : Dictionnaire d'art et d'histoire militaire, Paris, PUF, 1988, articles : Administration de la marine, pp. 1-7; Agosta, p. 15; Jean-Bart, p. 113; Béveziers, pp. 120-121; Blocus, pp. 125-126; Bataille des îles Cardinaux, pp. 140-141; Jean-Baptiste Colbert, pp. 187-188; Course, pp. 207-210; Drake, p. 244 ; Duquesne, pp. 255-256 ; De Grasse, p. 389 ; Guerre Navale, pp. 412-418 ; La Hougue, pp. 507-508; Marins, pp. 545-559; Rodney, pp. 738-739; Ruyter, p. 760; Suffren, pp. 804-805 ; Surcouf, pp. 809-810; Tourville, p. 827 ; Trafalgar, pp. 827-828.

F. Bluche : Dictionnaire du Grand siècle, Paris, Fayard, 1990. Articles : Bonrepaus, pp. 212-213; Brest, pp. 236-237; Bretagne, pp. 237-238; Construction navale, pp. 395-397; Ducasse, pp. 500-501 ; Duquesne, pp. 511-512; Madame Palatine, pp. 930-931; Marines de guerres étrangères, pp. 979-981; Mercantilisme, pp. 1015-1016; Nantes, p. 1078; Philippe, duc d'Orléans, pp. 1132-1133; Ports et arsenaux, pp. 1234-1236; Royal Navy, pp. 1362-1364; Saint-Malo, pp. 1393- 1394; Seignelay, pp. 1434-1435; Tourville, pp. 1525-1527.

En collaboration :

Documents d'histoire de la Bretagne, Toulouse, Privat, 1970. Histoire de la Bretagne, Toulouse, Privat, 1969, 1970, 1971 et éditions ultérieures. Pionniers et colons en Amérique du Nord, Paris, Armand Colin, Collection U2, avec Jean Bérenger et Yves Durand, 1974. Médecins, climats et épidémies en France à la fin du xvnf siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1974 - édition allemande sous la direction de J. Irnheff, Berlin, 1978. Etudes sur la noblesse, Acta Poloniae Historica, Varsovie, 1977. Histoire de Nantes, Toulouse, Privat, 1978. Ni Juif, ni Grec, entretiens sur le racisme, Paris, Mouton, 1978. Deux siècles d'histoire franco-anglaise, de Guillaume le Conquérant au marché commun, Paris, Albin Michel, 1979. Histoire religieuse de la Bretagne, Chambray, CDL, 1979. Britain and France, Ten Centuries, Chatham, Dawson, 1980. Bastardy and its Comparative History, Londres, Arnold, 1980. Noblesse française, noblesse hongroise : XVIe-XVIIIe siècles, Paris-Budapest, CNRS et Académie hongroise des sciences, 1981. Histoire du Havre et de l'estuaire de la Seine, Toulouse, Privat, 1984 et éditions suc- cessives. Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, Paris-Genève Champion Slatkine, 3 tomes, 1987. L'Europe à la fin du xviii, siècle, (vers 1780-1802), Paris, SEDES, 1988. Histoire militaire de la France, toiles 1 et II, Paris, PUF, 1990-1991. Bretagne, Paris, Bonneton, 1991. Guerre et paix en Europe au xvif siècle, 2 tomes, Paris, SEDES, 1991. Histoire de la France coloniale, tome I, des Origines à 1914, Paris, Armand Colin, 1991. La Bretagne des savants et des ingénieurs, 1750-1825, Rennes, Ouest-France, 1991. La Vendée, le livre de la mémoire, 1793-1993, Valmonde édition, Clichy , 1992. Le XVIIe siècle, Paris, Berger-Levrault, 1992. La France dans le monde au xviii' siècle, Paris, SEDES, 1993. La France et la mer au siècle des grandes découvertes, Paris, Taillandier, 1993. Histoire des fonctionnaires, Paris, Nouvelle Librairie de France, tome II, Paris 1004. Irlande et Bretagne, vingt siècles d'histoire, Rennes, Terre de Brume, édition, 1994. Humanismus und höfisch-städtische Eliten im 16. Jahrhundert, Bonn, Bouvier Verlag, edition princeps 1989; deuxieme edition, 1994. Regionen in der frühen Neuzeit. Reichskreise im deutschen Raum, Provizen in Frankreich, Regionen unter polnischer Oberhoheit : Eir Vergleich ihrer Strukturen, Funktionen und ihrer Bedeutung, Beiheft 17 der Zeitschrift Historische Forschung, Berlin, Duncker et Humblot, 1994.

Participation à des mélanges (cf. articles ci-dessous)

Mélanges offerts au Professeur Jacques Viers. Mélanges offerts au Professeur . Mélanges offerts au Professeur Pierre Chaunu. Mélanges offerts au Professeur Bernard Grosperrin.

ARTICLES :

« Le complexe énergétique de l'Europe occidentale (état de 1955) », Information géographique, novembre-décembre 1957, n° 5, pp. 205-207. « Méthodes de colonisation comparées des zones chaudes », conférences prononcées à l'Ecole de Commerce de Nantes, fascicule, 13 pages, 1957. « Le complexe énergétique de l'Europe orientale », Information Géographique, jan- vier-février 1958, n° 1, pp. 36-37, « Le complexe énergétique de l'Amérique du Nord- mer des Caraibes », Information géographique, septembre-octobre 1958, n° 4, pp. 154-157. « Les folies nantaises », Les Annales de Nantes, n° 114, 2e trimestre 1959. « Le commerce négrier nantais (1774-1792) », Annales, E.S.C., pp. 120-129. « La famille Grou », Lussaud, Fontenay-le-Comte, 1962, pp. 1-25, tiré à part de la Revue du Bas-Poitou. « Le Bouvier des Mortiers (1739-1827), le premier historien de Charette », Revue du Bas-Poitou, Fontenay-le-Comte, 1963. « Une contribution à la littérature de voyage du xviii, siècle (Bouguar) » Annales, E.S.C., septembre-octobre 1965, n° 5, pp. 1055-1057. « Une enquête de l'Académie de médecine sur les épidémies (1774-1794) », Annales, E.S.C., 1966, tome XXI, 4, juillet- août, pp. 729-745. « Une révélation : l'évolution démographique du pays nantais au xvie siècle ». Revue du Bas-Poitou et des Provinces de l'Ouest, 1966, pp. 192-195. « Du nouveau sur le commerce négrier nantais du xviii, siècle », Annales de Bretagne, tome LXXIII, 1966, pp. 229-239. « La noblesse bretonne au xviii, siècle », Nantes-Réalités de Loire et Océan, 2e tri- mestre 1966, n° 10, p. 71. « Vivres pour vivre au cours du temps », Nantes Réalités, n° 19, pp. 27-75. « Chateaubriand et la noblesse », Annales de Bretagne, Colloque Chateaubriand de l'Université de Rennes, 1968, n° 3, septembre 1968, tome LXXV, pp. 468-478. « L'enquête de l'Académie de Médecine sur les épidémies, 1774-1794 », Etudes Rurales, 1969, n° 34, avril-juin 1969, pp. 7-69. Cet article a été repris et

transformé dans : Médecins, climats et épidémies en France à la fin du XVll/e siècle, cité supra, Paris-La Haye, Mouton, 1974 et la traduction en allemand, Berlin, 1978.Une thèse récente sous notre direction de Monsieur Beaurepaire appuyée sur des tests comparatifs de l'O.N.M, a profondément modifié l'ap- préciation des mesures thermiques de l'Académie de Médecine du xviii, siècle. « L'armement nantais au XVIIIe siècle d'après les registres des classes la période 1735-1748. Comparaison avec la deuxième moitié du siècle », Actes du 91' Congrès des sociétés savantes, Rennes, 1966 ; tome I, Histoire maritime et colo- niale, Paris, B.N., 1969, pp. 143-153. « L'histoire des provinces françaises et la rénovation des études régionales », Revue historique, n° 499, juillet-septembre 1971, pp. 39-58. « La course : Romantisme, Exutoire social, réalité économique, essai de méthodolo- gie », Annales de Bretagne, tome LLXXVIII, n° 2, juin 1971 pp. 307-344. « L'Histoire de Tinténiac », Annales de la Sociéte d'Histoire et d'Archéologie de l'ar- rondissement de Saint-Malo ; année 1973, La Roche-sur-Yon, 1973, pp. 158-163. « Les éléments de longue durée dans la France du xvii, siècle », xvn" siècle, n° 106- 107, pp. 23-57 (1973). « La recherche historique en Bretagne, bilan des années 1964-1968 en histoire moderne et contemporaine », Annales de Bretagne, tome LXXV, juin 1968, n° 2, pp. 373-382. « A propos de La Chalotais : faut-il revoir l'affaire de Bretagne? », Mélanges offerts à Monsieur le Professeur Viers, Paris-Rennes, 1972, pp. 57-670. « L'évolution des idées sur le bocage en Bretagne », Mélanges offerts à Monsieur le Professeur A. Meynier : La pensée géographique contemporaine, Rennes, P.U.B., pp. 457-467. « Alphabétisation., lecture et écriture. Essai sur l'Instruction populaire en Bretagne, du xvie au xviii, siècle », Actes du 95e Congrès des sociétés savantes, Reims, 1970. Histoire de l'enseignement de 1610 à nos jours, Histoire moderne et contemporaine, tome I, Paris, 1974, pp. 333-353. « Bibliographie de l'histoire anglaise (Histoire moderne) », Revue historique, tome CCLV/I, 1976, pp. 109-157. H. HINRICHS et co-édit. : « La démographie des parlementaires Bretons et l'ori- gine de la Révolution en Bretagne, » Actes du Colloque franco-allemand sur la Révolution française, Max Planck Institut für Geschicht et Mission Historique française en Allemagne, Gottingen, 1976. « Problèmes de la noblesse francaiçe, Etudes sur la noblesse », Acta Poloniae Historica, Varsovie, Colloque franco-polonais d'études comparées des noblesses polonaises et françaises, Varsovie, 1977. « Noblesse et racisme, R. 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Acerra, J. Meyer et José Merino édit., Les marines de guerre européennes, XVIIe- XVll/e, Actes du Colloque d'Histoire maritime à la Sorbonne Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, 1985, pp. 123-145. « Les marines scandinaves ; Rochefort et la Mer », Les marines occidentales du XIVe au xixe siècle, Université francophone d'été, Rochefort, 1986, pp. 71-820. « L'histoire vue de l'Angleterre : histoire anglaise », Revue Historique, tome CCLXXIV/2, 1986, n° 4. « Les problèmes de personnel de la marine de guerre française aux xvne et xvin' siècles », Revue du Nord, numéro spécial hors série, 1986. Actes du Colloque Les hommes et la mer dans l'Europe du Nord-Ouest. (A. Lottin, J.C. Hosquart et St. Lebecq édit., pp. 107-123. « Les décideurs : comment fonctionne l'Ancien Régime », Proceeding of the an Meeting of the Western Society for French History, volume 14, William Rosser édt.), Flagstaff, 1987, pp. 81-97. « La grande route Nord-Sud de la Chine d'après la mission Van Braam (1794- 1795) », Routes d'Asie, Marchands et voyageurs xV-XVll/e siècles, Actes du col- loque organisé par la Bibliothèque Interuniversitaire des Langues orientales, Paris, 11-12 décembre 1986 (Marion Debout, Denise Eechaute-Bardery et Vincent Fourniau édit.), Paris-Istambul, 1986, pp. 115-139. « La question financière à l'époque moderne », Le miracle Capétien (direction Stéphane Rials), Paris, Perrin, 1987, pp. 254-265. « De la guerre au xvii, siècle », XVIIe siècle, 1988, pp. 267-290. « Le Bouvier des Mortiers, un Vendéen parmi d'autres », Historia, mars 1988, n° 495, pp. 56-71. « Médailles et Marine sous Louis XIV », Métal hurlant, Revue de la Médaille d'Art, 1988 A, pp. 20-25. « L'apogée de la marine à voiles : marines et économies, 1783-1860 », Marine et Technique au XIXe siècle, Actes du Colloque international, Paris, Ecole Militaire, 10, 11 et 12 juin 1987, Vincennes, Service Historique de la Marine, 1988, pp. 23-54. « Technique, stratégie et de quelques illusions », pp. 31-45, tiré à part. « Les ministres de la Marine sous la Révolution », Cols bleus du 9.12.1989, pp. 10- 12. « L'impact américain sur les économies européennes à l'époque moderne », Colloque de l'Institut de recherches sur les civilisations de l'Occident moderne (direction F. Crouzet), n° 16 (l'Extrême-Occident), 1989, pp. 29-60. « Marine de guerre : science et technologie (1750-1850) », Indret, La Bretagne des savants et des ingénieurs, 1750-1825 (direction Jean Dhombres), Rennes, Ouest- France, pp. 126-142 (1991). « Bürgertum oder Bürgertümer? Die französische Entwicklung von Ende des Ancien Regime zum frühen 19. Jahrhuyndert », Sondelforschungsbereich Sozialgeschichte des neuzeitlichen Bürgertums Deutschlands im internationalen Vergleich, Universite de Bielefeld, pp. 1-55 (1991). Français et Anglais en Méditerranée, de la Révolution française à l'indépendance de la Grèce (1789-1830), Colloque franco-anglais des 14, 15 et 16 novembre 1990, Vincennes, Service historique de la marine 1991 : « le face à face des systèmes logistiques français et anglais en Méditerranée pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire », pp. 181-202. « Sklaverei und Sklavenhandel », Alexander von Humboldt Mitteilungen, n° 57, juillet 1991, pp. 3-14. Compte rendu de Handbuch politisch-sozialer Grundbegriffe in Frankreich 1680- 1820, cahier 8 : barbarie, vandalisme, économie politique, 1988, cahier 9 : Bastille, Citoyen-sujet, civisme, 1988, cahier 10, Deutsche in Frankreich, Franzosen in Deutschland, 1715-1789 : contacts institutionnels, groupes sociaux, lieux d'échange, Sigmaringe, Jan Thorbecke, 1992. « Situation religieuse et sociale de l'Europe et spécialement de l'Espagne au temps de Christophe Colomb », Colloque de l'Université catholique de Lyon : Conquête et évangélisation en Amérique latine, Lyon, 1992, pp. 169-186. « Les élites portuaires à l'époque moderne », Mélanges offerts au Professeur Pierre Chaunu (La vie, la mort, la foi), Paris, 1993, pp. 187-214. « L'identité américaine vue de la France (xvne-xvnr siècles) », L'idée américaine au xv/// siècle, et la Révolution industrielle en Grande-Bretagne (1760-1830), Jean Robert Rougé édit., Paris, P.U. Sorbonne, pp. 181-1998. « Mêmes les pierres le hurleraient », Vendée, le livre de la mémoire, 1793-1993 (Jean Tulard et Patrick Buisson éd.), Valmonde édition, Clichy, 1993, pp. 95-104. « Nantes au xvr siècle, Tentative de mise en situation », Ph. Masson et Vergé- Franceschi, La France et la mer au siècle des découvertes, Paris, Tallandier, 1993, pp. 91-126. « Le concept des plans-reliefs sous Louis XIV », Actes du colloque international sur les plans-reliefs (A. Corvisier édit.), Paris, SEDES, 1993, pp. 11-13. « Un destin de grand négociant : Joachim Descazaux du Hallay », Mélanges offerts à Monsieur le Professeur Pierre Goubert : la France d'Ancien Régime, Toulouse, Privat, 1993, pp. 463-470. « Les conditions de propagation de quelques plantes alimentaires : vitesses d'adap- tation différentielles », 1492 : La Dulce a la Conquista de Europa. Actos del Quarto Seminario International, Grenade, 1994, pp. 103-140. « Les femmes étrangères à la Cour de Versailles au temps de la princesse palatine », Pathos Klatsch und Ehrlichkeit, Liselotte von der Pfalz am Hofe des Sonnenkönigs (K.J. Mattheier et B. Valentin, edit.), Stauffenberg Verlag, Tübingen, 1992, pp. 55-81. « Die Bretagne. Von der Provinz zur Moderne, vom Pays d'Etat sur Region econo- mique, » Beiheft 17 der Zeitschrift für historische Forschung, colloque de Mayence (P. Hartmann edit.) ä, 1994, pp. 229-247. « La France et l'Irlande pendant le règne de Louis XIV », Colloque de Rennes Irlande-Bretagne : vingt siècles d'histoire (29-31 mars 1993), Rennes, Terre de Brume éditeur, 1994, pp. 139-152. « Problèmes d'éducation. Essai de comparaison entre la France et l'Allemagne la question de l'éducation des princes », Mélanges offerts à Monsieur le Professeur Grosperrin (recueillis par M. Vergé-Franceschi) et Ch. Sorel, Université de Savoie et documents de la société savoisienne d'Histoire, tome XCVI, 1994, pp. 99-118. « Marines de guerre et guerres mondiales : essai de comparaison », Mélanges offerts à Guy Pedrocini, Des étoiles et des croix, Paris, Economica, 1995, pp. 259-269. « Les fonctionnaires au xviii, siècle », Colloque de Nancy du 23 septembre 1994. Une fonction publique est-elle encore utile à l'aube du XXe siècle ? Ministère de la Fonction Publique, Paris, 1995, pp. 103-125. « Compte rendu de l'ouvrage de Peter Claus Hartmann : Der Jesuiten-staat in Sud- Amerika : eine christliche Alternative zu Kolonialismus und Marxismus », Revue Historique tome CCXC/I, pp. 155-164, 1995.

A paraître

1 ) Colloque Histoire et Défense, Montpellier, 1994 : — « La rivalité franco-anglo-hollandaise dans la deuxième moitié du xvii, siècle ». — « Conclusion du colloque ».

2) « L'Esclavage et la traite des Noirs dans le premier empire colonial français », in Internationale Schulbuchfersdung. Teitschuft des Georg Echerts Institutes, 1995, Brunswick, pp. 153-178.

3) « Essai sur la guerre de course au xxe siècle : un essai sur la guerre industrielle, ses prémisses, ses modalités », in Economies-sociétés-civilisations. — Compte-rendus (5) dans Francia 1995/96.

4) L'éducation des princes : essai de comparaison France/St. Empire, xvr-xviii, siècles.

5) Les postes européennes (xve-1850/1880).

Jean Meyer, et le renouveau de l'Histoire maritime

Pendant trois mandats, soit douze années consécutives, Jean Meyer a assumé la Direction du Laboratoire d'Histoire maritime, unité de recherches du CNRS associée à l'Université de Paris IV-Sorbonne où il a enseigné l'Histoire moderne à partir de 1978. Créé en 1973 par le Professeur Michel Mollat du Jourdin, de l'Institut, le LHM (URA 211) fut régulièrement renouvelé par le CNRS et la direction de Jean Meyer se signale par un développement important et permanent de cette unité de recherches : qu'il s'agisse de ses centres d'intérêt - de plus en plus larges du nombre de ses membres, universitaires et chercheurs, régulièrement accru ; de la dif- fusion nationale et internationale de ses travaux (séminaires, colloques français ou étrangers); des contrats obtenus (et remplis) passés avec d'autres partenaires ou de ses liens scientifiques tissés puis développés avec d'autres institutions maritimes françaises ou étrangères, notamment le Musée de la Marine, au Palais de Chaillot. Au 1er janvier 1981, l'URA 211 comprenait lors de la prise de fonction de Jean Meyer... deux chercheurs et deux documentalistes, dont un à mi-temps. Douze ans plus tard, le Laboratoire était riche de six chercheurs statutaires et de quatre ingé- nieurs, tous membres à part entière du CNRS. Par ailleurs, dans un esprit d'ouverture qui le caractérise Jean Meyer a accueilli au sein du Laboratoire d'autres membres issus de l'Université : enseignants-chercheurs ou jeunes diplômés, mais aussi cadres de la société civile tels qu'industriels ou ergonomes spécialistes du monde maritime et notamment de ses techniques industrielles. En 1992, le Laboratoire voyait ainsi son potentiel actif formé d'une vingtaine de personnes d'horizons et de compétences différents mais toutes complémentaires et animées du même goût pour l'histoire maritime. Jean Meyer a réellement joué en ce domaine un rôle fédérateur. En outre, le foi- sonnement de sa pensée a naturellement entraîné le développement des axes de recherches du Laboratoire en un faisceau cohérent d'investigations nouvelles. En 1981, l'élaboration du Nouveau Glossaire Nautique d'Augustin Jal, l'enquête sur les ex-votos marins, les recherches en archéologie navale et subaquatique for- maient les raisons d'exister du Laboratoire initial. Mais au fur et à mesure des années, d'autres domaines se sont imposés en liaison intime avec les précédents. Langage, technique, manifestation artistique ont débouché sur l'objet naval lui-même : le navire de guerre et sa présence en Europe; les infrastructures qu'il suppose; les personnels que nécessitent sa conduite et son utilisation à la mer ; la marine au commerce dont il permet l'essor et assure la sécurité; la puissance des Etats utilisateurs, etc. Se sont ainsi formées des équipes autour de thèmes nouveaux embrassant dans la longue durée le Moyen Age et l'époque moderne dans sa conception élargie jus- qu'en 1815. Mais il ne suffisait pas à Jean Meyer de soutenir ces nouvelles recherches. Encore fallait-il les diffuser et les confronter, pousser la réflexion par des échanges et des publications. Dès 1984, sous son impulsion, le Laboratoire organisait le premier colloque international sur Les Marines de guerre européennes, publié avec le soutien du CNRS, de l'Université de Paris IV-Sorbonne, et du Musée de la Marine (Paris). Quelques années plus tard, étaient mises sur pied les Journées d'Histoire et d'Archéologie maritime. Colloques annuels ayant pour principe l'association avec d'autres partenaires, ces Journées se tinrent à Rochefort (1991), à Tatihou (1992), à Marseille (1993) et se sont continuées à Lorient (1994), à Paris (1995), sur des thèmes différents chaque année, permettant autant la publication de recherches récentes aue l'exposé de celles en cours. D'autres tribunes furent également offertes aux scientifiques, universitaires, étu- diants et chercheurs de tous horizons par la tenue hebdomadaire, non pas d'un mais de trois séminaires de recherches : en Sorbonne, Jean Meyer tint la barre d'un sémi- naire sur Les Sciences, techniques et sociétés maritimes du xvie au XIXe siècle, réunis- sant de trente à cinquante auditeurs chaque vendredi matin. Michel Mollat du Jourdin - qui s'occupait - depuis l'origine du Laboratoire - de la discussion des notices du Nouveau Glossaire Nautique de Jal- continua sur sa lancée ses travaux publiés par le CNRS. Enfin, Jean Boudriot - grand spécialiste d'archéologie navale -, fut accueilli - ainsi que son séminaire - au sein du Laboratoire et réunit chaque lundi un public nombreux et averti au Musée de la Marine grâce à l'aimable et efficace concours de son Directeur : l'amiral François Bellec. Mais les chercheurs ne progressent que s'ils obtiennent les moyens de poursuivre leurs travaux. Grâce à son dynamisme sans faille, Jean Meyer obtint à plusieurs reprises des financements exceptionnels qui permirent l'avancée des recherches. Par l'intermédiaire des Actions Thématiques Programmées (ATP), le CNRS répondit favorablement à deux demandes de crédits. Ce fut en 1983 et 1984 le projet sur La proto-industrialisation étatique et l'initiative privée dans l'économie maritime, mili- taire et commerciale européenne qui s'insérait dans l'ATP Science, Technologie, Société. Les deux années suivantes, le projet sur Les industries publiques de la marine militaire (1680-1800) reçut à son tour l'aval du CNRS grâce à son pro- gramme sur L'industrialisation de la France. L'obtention de ces deux contrats spécifiques, outre de faciliter financièrement les recherches, permit également au Laboratoire de se doter de matériel informatique. Soulignons ici l'originalité du fait pour l'époque. Le micro-ordinateur entrait par la grande porte dans le domaine de l'histoire maritime. Régulièrement renouvelé, cet outil - en constante amélioration - donna naissance aux bases de données informati- sées dont Jean Meyer peut légitimement revendiquer la paternelle initiative : Fichiers des marines de guerre, enquêtes au commerce, personnels des flottes. Enfin, conscient de l'indispensable association à des partenaires de qualité, Jean Meyer signa dès 1983 une convention scientifique avec le Musée de la Marine et son directeur afin de renforcer les liens existant déjà entre les deux institutions, liens qui perdurent aujourd'hui. En résumé, du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1992, l'esprit d'initiative, le dynamisme, la curiosité intellectuelle de Jean Meyer, directeur du Laboratoire d'Histoire maritime, ne furent jamais pris en défaut. Au contraire, ils participèrent à la connaissance de l'histoire maritime en France et groupèrent autour de lui, celles et ceux qui continueront son œuvre en s'efforçant de faire preuve des mêmes talents que les siens. Mais la tâche sera rude car Jean Meyer est un pionnier. Pionnier tout d'abord dans le domaine de l'étude du grand commerce maritime et colonial. Ses premières grandes publications remontent à l'époque de L'armement nan- tais dans la seconde moitié du xvuf siècle (1969). Puis ces études maritimes, commer- ciales et coloniales continuèrent à rythmer son oeuvre : Pionniers et colons en Amérique du Nord (1973) ; Les Européens et les autres, de Cortes à Washington (1974) ; Esclaves et négriers (1985) ; Histoire du sucre (1989). Et il faut encore y ajouter quantité de cha- pitres consacrés à cette question dans la plupart de ses autres ouvrages. La connaissance de l'histoire des techniques constitue l'une des originalités de cette œuvre. On a vu par ailleurs et par la suite l'intérêt marqué de Jean Meyer pour l'étude des techniques de la construction navale et de la navigation, mais aussi pour les techniques agricoles et de transformation des produits bruts : ainsi le sucre de canne, et surtout pour les techniques financières et comptables. Jean Meyer est le premier, parmi les historiens de sa génération, à avoir établi une distinction claire entre les sociétés d'armement, établissant une hiérarchie entre les sociétés familiales, les sociétés en commandite et les sociétés internationales ; il est le premier encore à avoir éclairci le fonctionnement des assurances maritimes ; à avoir précisé le mécanisme du prêt à la grosse aventure, dont il a montré la place importante dans le commerce au long cours; et surtout à s'être intéressé à la tenue des livres comptables en partie double. Les pages consacrées à cette question dans L'armement nantais -assorties d'exemples bien choisis - ont servi de guide pour bien des chercheurs. Une autre originalité de l'œuvre de Jean Meyer est l'attention constante portée au chiffre. L'analyse démographique lui est familière comme elle l'est à plusieurs de ses contemporains. Mais il a étendu ses investigations à bien d'autres domaines. En histoire maritime et coloniale, il conduit l'étude des mouvements portuaires, des mouvements des armements au long cours, des profits commerciaux, selon la méthode à laquelle il a été formé par , mais il applique celle-ci à des sources nouvelles, comme les registres du contrôle des classes de la Marine, les états de perception de la taxe du Domaine d'Occident, les relevés de dépense de mise- hors, les comptes d'armement et de désarmement, et plus généralement toutes les pièces comptables conservées dans les papiers privés des maisons d'armement. Il arrive ainsi à des résultats originaux dont il tire des vues nouvelles. Pionnier ensuite dans le domaine de l'histoire sociale puisque ses premières grandes publications remontent aussi à sa grande thèse consacrée à La Noblesse bre- tonne. En effet, pour les historiens et pour le grand public cultivé en général, l'inté- rêt de l'œuvre de Jean Meyer dans l'étude du grand commerce maritime et colonial est de dépasser l'histoire purement économique pour parvenir à l'histoire sociale. Dans sa célèbre Noblesse bretonne - devenue un usuel -, Jean Meyer analyse en effet l'attitude de la noblesse face au grand commerce maritime à partir des comptes d'ar- mement et de désarmement et montre comment la haute noblesse de Cour - comme les Choiseul ou les Talleyrand-Périgord -, collabore - comme la noblesse d'offices et de mérite, ou encore la noblesse étrangère ou noblesse débarquée puisqu'elle est sur- tout d'origine irlandaise, étroitement, avec les bourgeoisies portuaires roturières dans les grandes activités commerciales et la recherche du profit. Au contraire, petite et moyenne noblesse traditionnelles se tiennent à l'écart de ces activités. Historien de la noblesse et des élites, des armateurs et des négociants, Jean Meyer sut aussi se faire biographe à différents moments de sa carrière, depuis Colbert, jusqu'à La Chalotais, en passant par Le Régent et sans oublier Bossuet, véri- table succès de Librairie, couronné par l'Académie française. Mais à travers ces pages c'est encore la mer qui a attiré le Maître : que l'on songe à ces pages du Colbert dans lesquelles Jean Meyer décrit par exemple la vie quotidienne des gens de mer à partir des papiers des classes de la Marine. Au cœur de la réflexion de Jean Meyer sur l'histoire maritime et coloniale se trouve l'Etat conçu comme organisation supérieure de la société. Il insiste tout parti- culièrement sur la forte volonté montrée par les Etats monarchiques d'Europe occi- dentale aux xvii, et xviii, siècles, de développer le grand commerce maritime. Il pro- pose alors une explication globale. Les besoins financiers des Etats modernes ne cessent d'augmenter or les impôts directs, prélevés essentiellement sur les activités des cultivateurs de la terre, représentent une charge fiscale telle qu'elle ne peut être accrue, sauf à désorganiser l'économie et la société. L'unique solution pour trouver de nouvelles ressources est d'augmenter les droits de douane et les taxes indirectes sur les produits de consommation de luxe. Il faut donc prendre les mesures néces- saires pour accroître les échanges commerciaux et le trafic qui permettent d'obtenir ces produits. Du choix fiscal découle donc l'essor d'une activité commerciale et le développement de nouveaux modes de consommation. Et ceux-ci entraînent des modifications sociales. En ce sens, les travaux d'histoire maritime et coloniale de Jean Meyer proposent une analyse générale de l'évolution des sociétés d'Europe occidentale aux XVIIe et xviii, siècles. Pionnier enfin, Jean Meyer le fut encore dans le domaine de l'histoire quantita- tive. Toujours, Jean Meyer a employé les méthodes d'analyse statistique pour nour- rir son éternel besoin de synthèse. Mais les chiffres -disons-le familièrement - ne lui servent jamais à couper les cheveux en quatre. Jean Meyer aime surtout à surprendre, voire à déconcerter son auditoire ou ses lecteurs au fil d'une démonstration rigou- reuse qui balaye évidences et idées reçues. Pas un de ses rapports de thèse - il en a dirigé plus de cent - où il ne mette en valeur (ou il ne déplore) la présence (ou l'ab- sence) des aspects novateurs du travail présenté. Il y a en effet une méthode Jean Meyer, parfois très proche de la compréhension marxienne des phénomènes histo- riques, jouant à plein sur les ressorts dialectiques de notre discipline. Cette méthode non explicite, nous voudrions en dégager les principaux traits au travers d'une œuvre foisonnante, en prenant trois cibles suffisamment représentatives que sont les études sur la noblesse bretonne au siècle des Lumières, sur l'armement nantais dans la seconde moitié du xvm' siècle et enfin sur la marine royale au siècle de Louis XIV. L'historien de la Noblesse bretonne nous apparaît comme le carnassier - il en pos- sède le sourire qui inquiétait tant les candidats à l'agrégation -, l'ogre cher à , qui cherche et trouve ces sources de chair capables de nourrir la reconstitution d'un groupe social disparu. Le recours aux méthodes quantitatives pose d'abord le problème d'une documentation statistique à créer ou mettre en œuvre pour ce qui concerne la période moderne. Il ne suffit pas à l'historien de savoir lire et écrire. Il lui faut imaginer, projeter sur des archives dormantes ses désirs de connaissances inas- souvies et pour cela, compter et recompter : sous l'historien de la noblesse bretonne perce déjà l'historien de la mer : combien de marins, combien de capitaines ? Au fil de ses curiosités, l'historien doit être un sourcier, un inventeur de sources. La thèse sur la Noblesse bretonne est pleine de ces inventions, de ces filons décou- verts par les pionniers des années 1960, que nous exploitons toujours aujourd'hui. C'est ainsi que le dépouillement du Contrôle des Actes et du Centième denier permet d'étudier - entre autres - le mouvement des baux fonciers, que les rôles de capitation livrent les structures sociales à grandes mailles, que les lettres de cachet nous disent les désordres des élites plus que la rigueur de l'absolutisme, et que les inventaires des bibliothèques donnent une approche des lectures et des goûts intellectuels. Le géologue Jean Meyer prélève ses carottes sur le terrain, puis calcule l'épais- seur et l'ancienneté des strates chronologiques : de la noblesse d'extraction chevale- resque (qui croit venir de la nuit des temps, mais ne remonte guère avant le xvc siècle), aux anoblis des Lumières (beaucoup moins nombreux qu'on le croyait). Ces sources sont étudiées avec des outils robustes et presque classiques : confec- tion de tableaux statistiques et de séries chronologiques avec leur représentation gra- phique sous la forme de courbes et de cartes. On ne dira jamais assez l'apport de la cartographie historique (pour l'essentiel les deux centres pilotes furent l'équipe de Jacques Bertin à l'EPHE et le CRHQ de Caen) à toute l'histoire. Prenons un exemple précis : la projection spatiale du rôle de la capitation de 1710 nous montre une noblesse plutôt urbaine (alors que l'image traditionnelle est celle d'une noblesse rurale), très concentrée dans les petites villes et ports du Léon, du Vannetais et de la côte nord de la Bretagne, dont le centre de gravité se situait autour de la baie de Saint- Brieuc. L'historien ne trouve que ce qu'il met tant de passion et de patience à recher- cher. Jean Meyer leur trouve un substitut avec une copie familiale des papiers de La Bourdonnaye. Cette source combinée à d'autres éléments documentaires livre la pesée globale de la grande épuration de la noblesse bretonne au début du règne du Roi-Soleil. Une guillotine sèche, puisqu'une famille fut rejetée dans la roture pour trois maintenues... La thèse sur la Noblesse bretonne contient aussi des éléments novateurs au sujet de la noblesse d'affaires. Plus et mieux qu'une bourgeoisie assez timorée et effacée, l'élite de la noblesse bretonne multiplia les entreprises et les investissements dans tous les secteurs, sauf paradoxalement celui de l'agriculture. Cette élite regardait notamment vers la mer. Paru en 1969 au SEVPEN, dans la fameuse collection Ports-Routes-Trafics, L'armement nantais dans la seconde moitié du XVll/e siècle reste le livre fondateur en matière de méthode quantitative appliquée à l'histoire maritime. Toutes les pistes y sont tracées selon une stratégie d'ouvreur qui déborde largement - qui s'en plain- drait?- le sujet annoncé. Flux de navires en entrée et sortie de port, place de la flotte nantaise au sein de ce mouvement brownien et composition de cette flotte sont décor- tiqués en faisant appel aux dossiers d'intendance, aux papiers de la Chambre de com- merce, aux matricules des classes, aux registres de désarmement et au fonds marine des Archives nationales, sans oublier les enquêtes de 1664 et 1686, dont l'existence est révélée pour la première fois au détour d'une note infra-paginale. En quelques pages remarquables - souvent imitées, sinon pillées -, Jean Meyer démontre le dou- blement en nombre et en tonnage de l'armement nantais entre le milieu du xviii, siècle et la Révolution, alors que le stock de marins reste presque le même. En effet, pour les navires en droiture, on passe de 7-8 tonneaux par homme d'équipage à 12- 13 vers la fin du xviii, siècle. L'évolution de ce rapport homme-tonnage traduit l'ex- ploitation accrue des matelots, mais aussi un certain nombre de perfectionnements techniques. Cette expansion est due au grand commerce océanique, mais aussi au cabotage, dont Jean Meyer souligne le rôle d'activité de refuge et de volant de sécu- rité en temps de guerre. De la structure de la flotte, on passe à la structure des armements. On sait que les gens d'affaires excellent à brouiller les cartes, à camoufler leurs profits en exagérant leurs pertes. La solution consiste à créer une base de données prosopographiques, dont les sources sont systématiquement croisées et recoupées. Il ne lui manquait que l'ordinateur serait-on tenté d'écrire, puisque le modèle était déjà construit à l'échelle raisonnable de 200 familles de négociants. Là où l'historiographie traditionnelle voyait surtout le rôle moteur de la bourgeoi- sie, Jean Meyer dévoile le poids de la noblesse : une vingtaine de familles nobles, soit 10% des armateurs nantais, ont contribué à 27 % des 1725 armements recensés. Au car- refour œcuménique de l'approche quantitative et de l'histoire des mentalités, il explore les arcanes du métier d'armateur, décrypte les comptes de mise-hors, analyse ce va-et- vient incessant d'hommes, de femmes et d'argent. L'analyse serrée des comptabilités révèle que les voyages circuiteux sont moins avantageux que les trafics en droiture, et que les bénéfices sont lents à rentrer. L'enrichissement est un phénomène cumulatif dû au réinvestissement incessant des capitaux. Ce maître livre se clôt par le trésor des pièces justificatives qui montre toute la richesse de la panoplie documentaire : états des fortunes du négoce nantais en 1726, tableaux d'armements, comptes de mise-hors, actes de société, contrats d'assurance et d'affrètement et comptes de liquidation de campagne. L'armement privé nous conduit à l'armement d'Etat. Parmi toutes les questions qui ont suscité son intérêt, Jean Meyer attache une importance cruciale au développement des marines de guerre, en tant que vecteurs de la puissance maritime. Cette passion a trouvé son expression dans un article de la Revue XVIIe siècle, qui fait paraître en 1979 un numéro thématique consacré au thème Louis XIV et l'Europe. Cet article en dit presque trop et trop tôt, puisque son auteur, au fait des recherches anglaises, néerlandaises et scandinaves, pose les jalons d'un programme de recherches en cours, que ses élèves et collaborateurs s'efforceront de réaliser au cours de la décennie suivante... A contre-courant d'un mouvement histo- riographique hostile à Louis XIV - et sans pour autant se poser en thuriféraire du Grand Roi -, Jean Meyer pose les premiers jalons d'une pesée globale de la flotte fran- çaise. C'est à sa manière, sans guère théoriser, qu'il nous a montré que l'histoire mari- time faisait bon ménage avec les méthodes quantitatives. C'est avec ses encourage- ments que les premiers micro-ordinateurs ont été introduits à la Sorbonne pour permettre l'initiation des étudiants d'histoire à l'informatique. Pionnier vous le fûtes et vous l'êtes, Monsieur le Professeur, Cher Maître et Cher Ami, et c'est la raison pour laquelle nous avons voulu vous rendre - collectivement - hommage à travers ces lignes afin de vous témoigner aujourd'hui - après le Président J.-P. Poussou -, l'estime, le respect et l'affection que les Quatre Gardes de la marine que vous avez formés porteront toujours à celui qui fut naguère à l'IRCOM, avec Pierre Chaunu, André Corvisier et François Crouzet l'un des Quatre mousquetaires.

Martine ACERRA Philippe HAUDRÈRE Michel VERGÉ-FRANCESCHI André ZYSBERG.

MARTINE ACERRA Université d'Angers

Les projets d'arsenaux de Pierre Puget 1671 et 1676

Pierre Puget, peintre, sculpteur, architecte, dessinateur participe à l'histoire de la marine militaire française grâce à plusieurs de ses nombreuses activités. Il donne des dessins de sculptures de vaisseaux; il propose des projets d'agrandissements de l'ar- senal de Toulon ; il dessine plus de soixante-dix marines, vues de ports et allégories maritimes. Il est possible d'ajouter à cette production la position délicate de l'artiste vis-à-vis de Jean Baptiste Colbert qui a contribué à détruire la puissance de son ancien protecteur Nicolas Fouquet. Pierre Puget participe à la vie navale française parce que le contexte maritime s'y prête. Depuis 1661, date à laquelle Louis XIV décide de gouverner par Conseil et sans principal ministre, sous l'impulsion du jeune roi et celle de Colbert, la flotte de guerre a quadruplé ses effectifs. Elle passe de 30 à 120 vaisseaux de force en l'es- pace d'une décennie. Deux faits demeurent remarquables à ce propos. En premier lieu, non seulement la flotte augmente en quantité mais y figurent en nombre crois- sant des vaisseaux de guerre de plus en plus puissants, jusqu'aux trois-ponts sur- chargés d'artillerie et de décor sculpté. En second lieu, la construction de toutes ces unités militaires s'effectue sans infrastructures terrestres adaptées. Il n'est point d'ar- senal digne de ce nom à cette époque en France. En effet, si Brest sort lentement, grâce à quelques aménagements ponctuels, de ce que Richelieu appelait sa gueuse- rie, Rochefort, arsenal de création étatique, en est à ses balbutiements après cinq ans de travaux et Toulon vit encore avec son unique darse et son chantier de construction archaïque. Pourtant, la production militaire appartient à une politique maritime totale, menée par Colbert avec l'accord plus ou moins marqué du jeune monarque. Dès 1661, mais surtout à compter de 1664, des enquêtes de tous ordres sont ordonnées par Colbert pour évaluer la réalité et les capacités maritimes de la France. Sorte d'au- dit avant la lettre, ces enquêtes portent aussi bien sur le commerce que sur les hommes ou les havres et ports de France. Bases de connaissance indispensables à la réflexion, elles permettent un début de mise en place d'une véritable machine mari- time ayant pour but la prospérité commerciale et coloniale de la France sous la pro- tection d'une marine de guerre efficace. En 1671, date des quatre projets de Puget pour l'arsenal de Toulon, cette ambi- tion colbertienne de domination commerciale est prête à déboucher sur la guerre de Hollande. Le conflit va servir de campagne d'essais en grandeur nature à la première marine de Louis XIV. Dans ce contexte de tension internationale où la Méditerranée va offrir un des théâtres d'opérations militaires, se soucier de l'aménagement de Toulon découle d'une nécessité logique. Outre cette ambiance générale, il appert aussi que les propositions de Puget voient le jour dans un contexte expérimental en matière de concept d'arsenal. Depuis 1666, et après une longue recherche de plusieurs années, Charles Colbert de Terron, cousin du futur secrétaire d'Etat, a choisi le site de Rochefort pour commencer l'édi- fication d'un arsenal. Souhaité à l'origine comme une simple base de relâche, le nou- veau port se développe sans véritable plan conducteur ni responsable unique des tra- vaux. Il en résulte une prolifération incontrôlée de bâtiments répartis inégalement sur 2,5 km de rivage charentais. Les dépenses engagées et l'absence de fonctionnalité provoquent la colère froide de Colbert en visite d'inspection dans un arsenal en cours d'édification. Arsenal qu'il n'a pas voulu à l'origine et dont il est obligé d'endosser la paternité vis-à-vis de Louis XIV auquel de mauvaises langues ont rapporté qu'as- surément Rochefort était pavé d'or tant il coûtait à la couronne. L'expérience malheureuse va rendre le ministre prudent dans l'aménagement des autres arsenaux. Dès 1670, les difficultés d'organisation interne de la base charen- taise provoquent la réflexion sur les fonctions théoriques d'un arsenal complet et ce qu'elles supposent d'infrastructures nécessaires. A la même époque Colbert se ren- seigne sur ce qui se pratique en ce domaine à l'étranger. Sous prétexte de formation, il y envoie de jeunes hommes aux talents prometteurs : entre autres Etienne Hubac, fils du prolixe constructeur de vaisseaux brestois, et bien sûr, son propre fils le mar- quis de Seignelay, futur secrétaire d'Etat à la marine. Parcourant la Hollande, l'Angleterre, l'Italie, ces envoyés spéciaux observent, rendent compte des pratiques de chaque pays et décrivent les infrastructures dont ceux-ci disposent pour construire, entretenir et conserver leur marine de guerre. De l'ensemble de ces observations et de l'expérience rochefortaise en cours, naît sous la plume de Colbert en octobre 1670 un Mémoire sur tout ce qui doit s'obser- ver pour former les magasins des arsenaux de marine du roy. Des copies de ce mémoire sont envoyées à chacun des intendants des trois ports de guerre. Louis Matharel intendant de Toulon reçoit la sienne. Il est fort probable qu'il en commu- nique le contenu à Pierre Puget dont il soutient les projets. Nous verrons que les pro- positions successives de l'artiste tendent à tenir compte des recommandations conte- nues dans le mémoire de 1670. Ces instructions se résument à quelques points essentiels. L'importance d'un arsenal est fonction du nombre de vaisseaux qu'il doit contenir. La prévision pour Toulon est de 40 vaisseaux. L'arsenal doit posséder une grande étendue de quais pour y placer tous les ateliers nécessaires à la construction et tous les magasins particuliers à chaque vaisseau. Il faut prévoir une vaste place pour le stockage des bois de construction et de radoub ; une corderie et son étuve ; un ou deux magasins généraux contenant tous les rechanges indispensables aux vaisseaux. Enfin et par précaution, les ateliers dangereux, telles que les fonderies ou les poudrières, doivent être éloignés des centres névralgiques de l'arsenal. En bref, les zones de construction, de fabrica- tion, de stockage doivent être organisées entre elles pour la commodité du service et sa promptitude. En fonction ou non de ces critères Pierre Puget propose en 1671 quatre projets lettrés par lui-même A, C, D, E. Il s'agit de plans que n'accompagne aucune éléva- tion de bâtiments. Il en existe cependant une émanant du crayon de Puget mais datée de 1669 et qui se rattache à une première série de plans de la même année envoyés à la cour, avec ceux du chevalier de Clerville, mais dont les Archives ne conservent aucune trace. Les projets de 1671 sont accompagnés d'un plan côté B qui forme la base de projection des quatre propositions, la représentation de l'état réel de la ville et du port de Toulon servant à les visualiser. Cette base est reproduite et reconnais- sable sur chacun des projets. Nous n'évoquerons pas le cheminement de ces plans jusqu'au bureau de Colbert ni les raisons de leur rejet final. Il suffit de les replacer dans la production maritime de Pierre Puget pour expliquer leur existence. En 1667, l'artiste qu'est Pierre Puget n'hésite pas à exiger des conditions d'em- plois par la marine royale qui sont restées célèbres par leur arrogance dans un siècle où l'on est avant tout l'humble artisan au service de Sa Majesté1. Exigeant d'être traité comme officier à 4500 1. d'appointements annuels, Pierre Puget veut donner des sculptures d'un vaisseau le dessin à sa façon et sans opposition. Il n'obtiendra pas satisfaction mais fournira entre 1666 et 1670 les dessins des sculptures de onze vaisseaux de la flotte royale, dont les Archives conservent le témoignage2. Ses exi- gences du 18 janvier 1667, communiquées à Colbert par d'Infreville, intendant de Toulon, contiennent un dernier article révélateur des ambitions architecturales de Puget : que si on bâtit fabriques de pierres dans l'arsenal ou hors de l'arsenal dépen- dant de la marine, f en veux être l'architecte et en donner les dessins. Louis XIV et Colbert ne tiennent pas compte de ses prétentions mais lui confient la première étuve à goudronner les cordages de Toulon construite en 1669 et ravagée par un incendie dix ans plus tard. Trois attestations du projet et de l'existence de cet édifice sont

1. B. N. Mélanges Colbert 143 f 87. Toulon 18 janvier 1667. Copie des conditions que le Sr Puget sculpteur désire qu'on lui accorde avant que d'entrer au service du Roi dans son arsenal de Toulon qu'il a envoyé à Mr d'Infreville, intendant. Savoir 1. Je voudrais que l'ordre en vint du Roi, ce qui vous serait facile, écrivant en cour, comme nécessaire pour la gloire de notre nation. 2. Je veux être considéré non point comme ouvrier mais comme principal officier. 3. Je veux donner le dessein de l'architecture du navire, j'entends tout ce qui est hors de l'eau ou œuvre morte et que mes desseins fussent suivis de point en point, après avoir été examinés de vos principaux maîtres comme Rodolphe, Pommet et Coulom. 4. Qu'il me sera permis d'enrichir de mes ornements à ma façon sans qu'on me contredise, soit maître de hache ou autres officiers. 5. Qu'il me sera donné un habile homme pour me soulager à ma volonté, auquel on paiera un écu par jour. 6. Qu'il ne sera envoyé aucun dessein, soit à Mgr l'Amiral ou au Roi au tableau, qui ne soit porté par Puget. 7. Que je ne veux travailler de mes mains qu'aux modèles ou desseins du travail. 8. Que les officiers n'auront rien à dire, si je fais travailler à mon atelier de marbre ou de bronze. 9. Qu'on me paiera mes gages à 4500 1. par année par avance. 10. Que je ne m'oblige dans le travail que pour deux ans. 11. Que si on bâtit fabriques de pierre dans l'arsenal ou hors de l'arsenal dépendant de la marine, j'en veux être l'architecte et en donner les desseins. 2. Liste par ordre chronologique des vaisseaux dont Puget a donné tout ou partie des sculptures. La Reine, 3' rang, lancé en 1649 à Brest, Le Monarque, 1er rang, lancé en 1668 à Toulon, Le Soleil Royal, 1er rang, lancé en 1668 à Brest, Le Paris, Il' rang, lancé en 1669 à Toulon, L'Ile de France, 1er rang, lancé en 1669 à Toulon, La Royale Thérèse, 2e rang, lancé en 1670 à Toulon, Le Sceptre, 1er rang, lancé en 1670 à Toulon, Le Rubis, 2' rang, lancé en 1671 à Toulon, La Bouffonne, 5' rang, lancé en 1671 à Toulon, La Trompeuse, Frégate, lancé en 1671 à Toulon, La Madame, 2' rang, lancé en 1671 à Toulon. encore conservées de nos jours. La Bibliothèque nationale en possède l'élévation dessinée par Puget. L'Album de Colbert datable de 1670 environ en donne la figure à l'arrière-plan de sa première planche. L'élévation de la ville de Toulon en 1676 des- sinée encore par Puget la représente aussi. Les projets d'arsenaux de Pierre Puget forment deux groupes à deux dates diffé- rentes. Le premier groupe est formé des quatre propositions déjà évoquées et datées de 1671 \ Ces projets présentent la constance d'une extension à l'ouest de la ville et du port existants. Le deuxième groupe comprend un plan et une élévation de la ville et de son site montrant un possible agrandissement à l'est. Ce deuxième ensemble est daté de 16764. Nous l'étudierons ultérieurement. Quelques remarques générales s'imposent d'emblée à propos des quatre projets de 1671. Nous avons signalé qu'ils s'appuyaient sur le plan B, sorte de fond de carte illustrant la réalité de 1671, où l'on constate la présence de l'étuve de 1669. Le plan A propose, en surface, un agrandissement plus important que les trois autres. Seul le plan C envisage un double agrandissement symétrique à l'ouest et à l'est de la ville. Deux plans (C et E) s'appuient sur l'axe des quais existants, qu'ils prolongent, sup- posant des extensions terrestre et maritime approximativement égales en surface. Les plans A et D proposent des ensembles nouveaux formant un angle avec les infra- structures existantes. Enfin, les quatre projets reposent sur un même principe : un ensemble de bâtiments entourant un bassin, le tout enceint de fortifications et ouvrant sur la darse existante. Autrement dit, un ensemble isolé par terre et par mer, sans sor- tie indépendante. Outre ces réflexions d'ordre général, l'analyse comparée des quatre projets sug- gère d'autres remarques à mettre en parallèle avec les recommandations de Colbert dans son mémoire de 1670. Tous illustrent une évidente recherche de la symétrie, thème récurrent et com- mun à nombre de projets d'arsenaux y compris jusqu'à la fin du xviii, siècle. Le plan A propose deux axes de symétrie, l'un passant par la zone de logements des officiers, l'autre par la place des constructions en avant de laquelle trône le symbolique vais- seau amiral du port. Sur le plan C, l'axe de symétrie passe par la zone de construc- tion et s'aligne sur le quai de l'ancienne darse. Le plan D contient un axe de symé- trie nord-sud passant par le logement des officiers et la communication entre les bassins. Seul le plan E ne semble pas se soucier de cette recherche de la symétrie si l'on excepte l'ovale des bâtiments administratifs. Tous les projets suggèrent le même emplacement pour la corderie et, d'une façon générale, pour tout ce qui concerne la préparation, la fabrication et le stockage des cordages. Elle est toujours orientée selon un axe nord-sud, le plus loin possible de l'entrée du bassin. Même si dans le cas du plan C, son emplacement présente l'in- convénient d'isoler une partie des bâtiments du reste de l'arsenal. Il est d'ailleurs intéressant de constater que ce thème de la concentration des bâtiments par pôle de service va croissant du plan A au plan E. Sur le premier, ne sont

3. Bibliothèque nationale, Cartes et Plans, SH portefeuille 76 pièces 12. 4. Bibliothèque nationale, Cartes et Plans, SH Archives 24-1. concernés que les cordages d'une part, et la proximité des magasins particuliers des vaisseaux désarmés, d'autre part. Le plan C, sans légende, ne permet pas d'apprécier ce thème. Le suivant montre une concentration des bois de construction d'une part, de la mâture d'autre part. Enfin, le plan E semble le plus complet en ce domaine et propose des secteurs séparés figurant les différentes fonctions d'un arsenal : pôle de construction avec réserves de bois et magasin général; armement et désarmement avec quai et magasins particuliers ; pôle de fabrication avec corderie, mâture, tonnel- lerie; zone de stockage de matières dangereuses; zone d'administration et de com- mandement avec logement de l'intendant, en position stratégique de surveillance. Quelle que soit la proposition, un problème semble avoir échappé à Pierre Puget : celui de la nécessité des manœuvres dans un port. Ses bassins sont avant tout des zones de relâche, des parkings à bateaux (20 sur le plan C, 46 sur le plan A), n'of- frant pas assez d'espace individuel aux vaisseaux autour desquels il est nécessaire de pouvoir circuler pour les armer ou les désarmer. Tous les projets présentent aussi des aberrations, des dangers qui cependant sont corrigés partiellement d'un plan à l'autre. Le resserrement des bâtiments à terre appa- raît comme une gêne évidente aux manutentions qui caractérisent l'activité d'un arsenal. La corderie des plans A et C n'offre aucun dégagement pour la sortie des câbles et en particulier pour les plus longs d'entre eux qui atteignent 270 m. Cependant l'amélioration est notable sur les deux derniers plans. Les fabrications ou stockages sensibles sont trop proches du cœur de l'arsenal. Sur le plan D, par exemple, la fonderie se situe à proximité de la tonnellerie et des affûts de canon. La poudrière jouxte l'amarrage des vaisseaux du deuxième bassin. En revanche, sur le plan E, Pierre Puget propose des emplacements moins dangereux, dans les bastions les plus éloignés à l'ouest pour la poudrière et la fonderie. L'aspect le plus curieux et commun à tous ces plans est en flagrante contradic- tion avec le caractère hautement stratégique que présente un arsenal. Il s'agit en effet d'un espace militaire, concentration de forces jalousement gardées par des fortifica- tions, de produits éminemment inflammables et objets constants d'espionnage. On pourrait donc s'attendre à un souci de clôture, de surveillance, de secret, ou du moins, de discrétion. Or, il n'en est rien de la part de Pierre Puget malgré la présence d'en- ceintes et de bastions. Chaque plan comprend une zone à l'entrée de l'arsenal qui permet au public de jouir du spectacle intérieur : plan A : terrasse avisant dans l'ar- senal pour l'agrément du public; plan D : un quai pour aviser dans l'arsenal; plan E : quai avisant devant l'arsenal pour l'agrément du public. Autrement dit, Pierre Puget conçoit son arsenal comme le décor enserrant le spectacle grandiose de l'acti- vité navale, spectacle et décor que doit pouvoir admirer le commun des mortels pour la plus grande gloire du souverain et de son architecte. Finissons ces remarques sur les plans de 1671 par un dernier point qui souligne à la fois le souci esthétique de Pierre Puget et l'imitation du plus célèbre modèle d'ar- senal existant au milieu du xvii, siècle. Les projets contiennent tous, à l'instar de Venise, une porte de terre et une porte de mer pour entrer et sortir de l'arsenal. On ignore si des lions de pierre ou d'autres animaux symboliques devaient dans l'esprit de l'artiste flanquer la porte de terre. Le projet de 1676 retient l'attention parce qu'il propose à la fois une image de la réalité et un exemple de façades militaires telles que les concevait Puget. Sur le plan de la rade de Toulon de 1676, se retrouve le positionnement du projet par rapport à la ville et aux propositions de 1671. Le dessin de la ville de Toulon et partie de son arsenal côté du Levant par Pierre Puget sculpteur et architecte du roi en la marine date de 1676 et comprend outre son arrière-plan, trois parties. Au centre, la ville et la darse; à gauche ou à l'ouest, le pôle réel de stockage et de travail de la mâture; à droite ou à l'est, le projet d'agrandissement. Faute de légende, il est difficile d'établir un commentaire précis mais on note la permanence de certaines idées déjà émises en 1671. On trouve une grande zone de construction avec des cales dont les couvertures reposent sur des piliers de pierre, l'alignement de hangars, un grand canal de service, des bâtiments en arrière-plan harmonieusement symétriques. Le grand bassin figuré sur le plan n'est qu'ébauché sur l'élévation. Du point de vue maritime, ce projet laisse dubitatif. Il est à craindre, en effet, que l'es- pace ainsi cloisonné, ne permette pas aux activités de l'arsenal de s'exercer pleine- ment. La commodité du service si ardemment recherchée par Colbert, ne semble pas avoir été le souci premier de Pierre Puget. En revanche, ce dessin remarquable de finesse permet d'avoir une idée précise de l'arsenal du Levant en pleine guerre de Hollande. De cet espace aux infrastructures médiocres sont sortis les plus beaux vaisseaux de la flotte de Louis XIV. A l'intérieur de la darse, on distingue la zone de construction qui deviendra le grand banc. Trois vaisseaux y sont sur chantier5. D'autres sont en désarmement ou en manœuvre à l'en- trée de la darse. Les bâtiments placés à terre autour du chantier de construction rap- pellent ce que montre aussi la planche 1 de l'Album Colbert, y compris le pavillon de l'horloge à gauche, le grand logement de l'intendant à droite, ou en arrière-plan, l'étuve de Puget avec ses élégantes balustres si critiquées par le chevalier de Clerville. La partie ouest, hors de la darse, sert à la tonnellerie et à la mâture. Elle est fer- mée par une estacade et ne se distingue en rien de ce que pouvait être un chantier civil à la même époque. Le jeune et glorieux Louis XIV qui se voulait déjà l'arbitre de l'Europe avant que la ville de Paris le qualifie de Grand, ne bénéficie pas encore de son bel arsenal du Levant. Louis XIV ne choisira d'ailleurs aucune des propositions de Puget pour l'édifier. Que l'artiste ait souffert de sa réputation de protégé de Fouquet, de sa morgue natu- relle, de son éloignement provincial ou de la concurrence d'autres compétiteurs tels que Clerville ou Vauban soutenu par Arnoul, demeure possible. Il est certain en revanche, qu'ont compté des préoccupations économiques et des contraintes tech- niques. Puget est supplanté dans tous les domaines maritimes pour ces motifs vul- gaires. Ses sculptures sont refusées parce que trop pesantes pour l'arrière des vais- seaux. Dès 1673, une ordonnance royale exige la réduction des décors afin d'améliorer les qualités nautiques des navires auparavant trop chargés dans les hauts, ce qui les rendaient instables, peu manœuvrants et fragiles au combat. Les projets

5. Identification des trois vaisseaux en construction sur le dessin de 1676 : L'Ecueil, 3e rang, La Serpente, frégate, La Rieuse, frégate. Ces trois unités seront lancées à la fin de l'année 1676. d'arsenaux sont aussi écartés pour cause d'inadéquation aux fonctions de ces formi- dables bases militaires, même si le dernier projet de 1671 atteint une certaine confor- mité aux réflexions de Colbert. L'expérience de la guerre de Hollande montre la nécessité d'une base fonctionnelle et efficace où le grandiose n'a plus sa place. Vauban remportera la palme avec son projet de 1682, remaniement final de proposi- tions précédentes. Le plan retenu présente d'indéniables différences avec ceux de Puget. La nouvelle darse est indépendante de l'ancienne. L'extension de la ville est prévue avec celle de l'arsenal. Celui-ci est conçu en pôles d'activités distincts, arti- culés de façon symétrique autour de la zone de construction. Mais Pierre Puget aura sa revanche posthume. Le Beau, le Grandiose l'emporte- ront une dernière fois sur le pragmatisme. Un siècle après ses projets, les Encyclopédistes Diderot et d'Alembert choisiront pour les planches Marine de la Grande Encyclopédie de reproduire une copie presque conforme du projet C de Pierre Puget daté de 1671. ANNEXE

Lieux de séjour de Pierre Puget

1620 Naissance à Marseille de Simon Puget maître maçon, 1634-1638 Apprentissage chez un charpentier décorateur de galères, 1638-1643 Italie (Florence, Rome atelier de P. de Cortone, Florence), 1644-1645 Marseille, 1645-1659 Toulon, 1647 Mariage, 1656 Cariatides de l'Hôtel de ville, 1659 Paris, auprès de Nicolas Fouquet, 1661 Italie, pour y trouver des marbres de Carrare pour le château de Vaux, 1661-1668 Gênes, 1668-1679 Toulon, 8 juillet 1668 retour à Toulon, 1669 Paris, Fin 1669 à juin 1670 Gènes, 1680-1694 Marseille. Bibliothèque Nationale, Dépôt des cartes et plans, Service hydrographique, 1671, dessins de Pierre Puget, plan côté A. Bibliothèque Nationale, même dossier, plan côté B. Bibliothèque Nationale, même dossier, plan côté C. Bibliothèque Nationale, même dossier, plan côté D. Bibliothèque Nationale, même dossier, plan côté E. sert sous Châteaurenault ; en 1704, il est blessé à Velez-Malaga le 24 août, lorsque l'escadre française tente vainement de reprendre Gibraltar aux Anglais; en 1706, il essuie un combat très vif; en 1707, le célèbre combat du Cap Lizard est déjà le dixième auquel il participe après neuf ans de mer. Malgré cela, il n'est promu enseigne de vaisseau qu'en 1709, étant garde de la marine depuis 1698. Malgré huit nouveaux combats livrés en 1709, malgré sa participation à la glorieuse expédition de Rio de Janeiro en 1711, aux ordres de son compatriote Duguay-Trouin, il attend dix-huit ans (!) son grade de lieutenant de vaisseau ! Capitaine de vaisseau, il livre de nouveaux combats en 1745, puis le 19 novembre 1746 et le 2 avril 1747. Malgré ce total de vingt-et-un combats particuliers ou généraux, et de nombreuses prises, il n'est fait chef d'escadre qu'en 1751. Il a déjà 68 ans ! Gouverneur général de Saint- Domingue de février 1752 au 22 décembre 1752 il n'hésite pas à se rendre aux îles à près de 70 ans. Il y tombe gravement malade et obtient son rappel. En 1755, il reprend la mer. En 1757, il commande une nouvelle escadre en pleine guerre. Il a 74 ans. Son accès aux dignités de lieutenant général des armées navales puis de vice-amiral de France est très tardif (79 ans dans le second cas). Il est vrai que la longévité de son prédécesseur (le vice-amiral Barrailh, mort à 91 ans) a mis l'une des deux seules vice-amirautés existantes dans une véritable situation de blocage. A sa mort, Du Bois de La Motte totalise 17 campagnes, dont 2 commandements en second, 2 commandements en course, 7 campagnes comme subalterne, 6 comman- dements de vaisseaux ou d'escadre et 21 combats ! Avant lui, l'un des plus grands généraux de mer bretons avait été le maréchal de Coëtlogon son cousin. En 1724, lorsqu'il n'obtint pas le bâton, malgré sa carrière - achevée sur mer depuis 1704 -, ce fut, écrit Saint-Simon, au scandale de la marine, de toute la France et de tous les étrangers qui le connaissaient de réputation. Coëtlogon, toujours aussi discret que pieux, réclama alors le bâton, en 1727, lorsque Maurepas lui demanda de reprendre la mer à 81 ans ! Mais il ne lui fut donné que trois ans plus tard alors qu'il ne voulait se consacrer qu'aux derniers sacrements. Pourtant le maréchal avait été l'un des meilleurs officiers de sa génération. Il a servi 62 ans; de 1668 à 1670, dans l'armée de terre, comme beaucoup d'officiers de marine de son temps (dont Villette-Mursay). Puis de 1670 à 1730, au service de la marine, il se trouva à Solebay en 1672, sous d'Estrées et contre Ruyter; en Sicile et à Palerme en 1676, sous Duquesne contre les Hispano-Hollandais; il participa au bombardement d'Alger sous Duquesne encore, combattit à Bantry en 1689 sous Châteaurenault, à Béveziers en 1690 puis à Barfleur en 1692 sous Tourville. Il acheva sa carrière à Velez-Malaga, sous les ordres de l'Amiral comte de Toulouse. Promu chef d'escadre en 1689 à 43 ans, il doit cette promotion à la qualité de ses services, non à l'illustration d'une noblesse qu'il fut dispensé de prouver en 1668 lors de la grande enquête de Colbert. Il est du reste intéressant de noter que le Breton qui a obtenu une dignité d'officier général à l'âge le plus précoce n'est pas Coëtlogon, d'extraction chevaleresque, mais le roturier Duguay-Trou , promu chef d'escadre en 1715 à 42 ans, peu après avoir été anobli. Cet exemple met également à mal l'idée trop souvent répandue selon laquelle le mérite personnel sous Louis XIV ne pourrait pas donner de droits égaux - voire supérieurs - à ceux d'une naissance non seulement distinguée - c'est le cas ici -, mais qui plus est, doublée d'éminents services, ce qui est aussi le cas dans ce double exemple... L'appartenance bretonne n'est pas certes suffisante pour comparer à la fois les carrières et l'âge d'obtention des grades. Duguay-Trouin, chef d'escadre à 42 ans, Coëtlogon à 43, Du Bois de La Motte à 68 n'appartiennent pas à la même époque et on ne peut raisonnablement comparer les carrières que sur des créneaux chronolo- giques identiques ou voisins. Et même dans ce dernier cas il faut tenir compte du fac- teur conjoncturel qui peut jouer sur une très courte période au sein d'une carrière. Des Nos de Champmeslin par exemple sert 56 ans, de 1670 à 1726. Il se dis- tingue à La Hougue et à Velez-Malaga. Issu d'une famille hobereaute, pauvre et reti- rée, il ne jouit d'aucune protection et son nom est totalement inconnu à l'échelle du royaume. Entré dans la marine la même année que Coëtlogon, sa carrière est beau- coup plus lente. Il n'est promu chef d'escadre qu'en 1715, soit vingt-six ans après Coëtlogon; en 1715, il appartient à la même promotion que Duguay-Trouin. L'anobli a 42 ans, le vieux gentilhomme, 62 ! Dans ce cas précis le mérite personnel du Malouin lui donne des droits très supérieurs à ceux que donne une naissance noble, simplement doublée de bon services. Commandant de la marine à Brest de 1716 à 1722, l'expédition de Pensacola en 1719-1720 sous la Régence donne soudain à Champmeslin qui l'exécute quelque préférence dans le corps, notamment dans l'ob- tention du cordon rouge (ou cordon de commandeur dans l'ordre royal et militaire de Saint-Louis créé en 1693). Un Normand, Duquesne-Mosnier, prend ombrage de cette préférence en sa qualité de neveu du Grand Duquesne d'une part, d'officier général amputé d'un bras d'autre part. Mais Duquesne-Mosnier a perdu ce bras depuis trop longtemps! Pour la Cour c'est une vieille histoire et Maurepas écrit à Duquesne- Mosnier le 19 juillet 1724 : Si vous avez eu la mortification de voir l'avancement de M. de Champmeslin, moins ancien que vous, c'est uniquement l'effet de la conjonc- ture favorable où il s'est trouvé. Au-delà des critères naissance, mérite, origines géographiques, le facteur conjoncturel ne doit jamais être négligé. Certes les Bretons accèdent généralement au généralat maritime à un âge avancé ; mais il faut bien voir qu'ils y accèdent plus sous Louis XV que sous Louis XIV, or, après 1715, l'âge où un capitaine de vaisseau obtient une dignité de chef d'escadre des armées navales est plus tardif que sous Louis XIV, et ce pour tous les capitaines de vaisseau quelle que soit leur province d'origine. La conjoncture peut également expliquer le fait que Coëtlogon ne soit pas promu maréchal de France en 1724 ou en 1727. La totalité de ses services effectifs à la mer est comprise entre 1670 et 1704, donc sous le feu Roi, et ses services sont en quelque sorte oubliés, plus en raison de son âge (81 ans en 1727) qu'en raison de son appartenance à la noblesse bretonne. Les carrières des généraux de mer bretons sont longues. Des Nos le neveu sert 57 ans, de 1690 à 1747. Un père chef d'escadre (Charles), mort gouverneur général des îles d'Amérique, un oncle lieutenant général des armées navales (Gilles) connu pour avoir réprimé l'insurrection de Saint-Domingue ont incité le Roi à en faire un officier général de mer à son tour, plùs pour la durée de sa carrière que pour l'émi- nence de ses services, plutôt ternes. Son propre fils résumera ainsi la carrière de son