Monde.20010511.Pdf
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
LE MONDE DES LIVRES VENDREDI 11 MAI 2001 CÉLINE ÉTHIQUE EN STOCK Le Feuilleton La chronique de Pierre Lepape de Roger-Pol Droit et le manuscrit page V de « Voyage » analysé par LOLITA CINÉMA Henri Godard Nouvelle traduction DANIEL BENSAÏD page VII a pages II et III page IV page V Le 10 mai 1981 Le psychotique et l’amnésique grâce à un exploit mémorable, en mow. Né en 1944 à Saint-Dié, Chris- pas. Christian Didier rêve de suppri- « haut placés » du « Château » 356 avant Jésus Christ ; il y a aujour- tian Didier n’est pas seulement un Comment Christian mer Bousquet parce que, tel Jack (nous voilà chez Kafka) voulant évi- d’hui Christian Didier, qui par son homme qui associe aux nazis un Kerouac à la recherche de ses raci- ter le procès détonateur d’un grand geste insensé a stimulé chez ses con- père prompt à le maltraiter, à le Didier, hanté par les nes, il a été l’objet d’un satori, un déballage politico-historique ? temporains des thèses de complots livrer à la psychiatrie et aux maisons « éblouissement de l’œil ». Mit- Didier incarna-t-il le bras armé de et de manipulations plus ou moins de correction ; un homme qui un fantômes de l’Histoire, terrand, lui, ferme les yeux sur l’en- l’Elysée comme Jacques Clément, romanesques, donné un relief parti- beau jour se fait appeler David combrante biographie du bourreau. jadis, fut manipulé par les milieux de ait-on qui a réellement culier à la notion de « crime littérai- Cohen et salue les commerçants a tué René Bousquet. Les Français, lecteurs et specta- la Ligue pour assassiner Henri III, qui tué René Bousquet, secrétaire géné- re », inventé l’acte d’authentique d’un « shalom » parce qu’il s’est per- Et comment François teurs de leur Histoire, ont « la mémoi- avait gagné la bataille de Jarnac con- Sral de la police de Vichy, fonctionnai- autofiction « faite chair ». suadé que les juifs se tiennent les re courte » ; il y a des feuilletons dont tre les protestants du prince de Con- re français ayant organisé En d’autres termes, Christian coudes ; un homme qui, en 1987, se ils répugnent à se faire résumer les dé ? La fiction contamine l’interpréta- d’avril 1942 à fin 1943 les rafles et Didier, écrivain impuissant, a fait ce présente comme un médecin urolo- Mitterrand, mettant au épisodes précédents (2). Mitterrand tion du réel. Du crime politique con- déportations des juifs de France ? qu’il croyait devoir faire pour deve- gue, s’introduit dans la prison de feint, goûte la mélancolie ou la causti- sidéré comme un des beaux-arts… Pour la justice, le dossier est clos. nir un livre : une forme de suicide, le Klaus Barbie pour le tuer et qui, placard les vampires cité d’une phrase plus que la confes- René Bousquet a été abattu le emprisonné à Montluc sion politique, joue la fiction (au (1) A Bernard Pivot, dans L’Express du 8 juillet 1993, de quatre balles, à son après l’échec de cette du passé, l’a nié sens où l’entendait Borges). Il a intro- 19 septembre 1977. domicile parisien, par Christian Jean-Luc Douin tentative de « se débar- duit l’ancien chef de la police de (2) On lira à ce propos le salubre Après Didier, un « illuminé compulsif »qui rasser d’un monstre », métaphysique ». Il hante les librai- Pétain dans son intimité familiale la colère, dans lequel Gérard Miller rap- a avoua son crime quelques heures renvoyant à son vide intérieur mais, croit qu’il occupe la cellule de Jean ries, se fait faire un cachet « Chris- (Latché, 1974), s’emploie à ver- pelle ce que fut « l’abjection française » plus tard lors d’une conférence de croyait-il, capable de le propulser en Moulin. Borderline et calculateur, tian Didier écrivain », multiplie les rouiller les placards où somnolent de l’Occupation et le journal Minute presse organisée par ses soins. Mais héros justicier, poète maudit ayant histrion en perpétuelle quête de pub, coups médiatiques afin de vendre les vampires de son passé, use de (Stock, 144 p., 72 F [10,98 ¤]). sait-on qui est réellement Christian sublimé l’incompréhension dont il Christian Didier est un inlassable gra- son œuvre : spectaculaires irrup- son influence pour éviter que soit Didier ? La passionnante enquête était l’objet en assassinant une figu- phomane en mal de reconnaissance. tions à la télévision chez Drucker, rouvert un dossier compromettant. e A signaler : La Dépêche du Midi et que nous propose Henri Raczymow re du diable, un démon coupable de En 1980, il parcourt à pied les Denisot, Sabatier, au Parc des Prin- « Pas vu, pas pris » : à sa demande, René Bousquet, de Claude Llabres Louis-Ferdinand ouvre des perspectives troublantes, crimes contre l’humanité. Lorenzac- 490 kilomètres qui séparent Stras- ces, à l’Assemblée nationale, à ces quatre mots disparaîtront de la (Fayard, 266 p., 98 F [14,94 ¤]), ou brouillant les frontières entre réel et cio, chez Alfred de Musset, acte III bourg de Paris avec une pancarte Roland-Garros, à l’arrivée du Tour préface de Jacques Attali au Verba- comment Bousquet est devenu admi- imaginaire, vie et délire, fait divers et scène 3, justifie de même son impul- dans le dos pour qu’un éditeur le de France ; il arrache le micro à Geor- tim, seconde édition. A propos du res- nistrateur du quotidien de Toulouse inconscient. Il y eut, nous suggère sion meurtrière par sa soif de recon- remarque. Ses textes restent inédits. ges Marchais à la Fête de L’Huma, ponsable de la rafle du Vel’d’Hiv, après la guerre. Raczymow, la légende de Liberty naissance : « Ma vie entière est au L’un d’eux, La Ballade d’Early Bird, interpelle Gorbatchev, escalade les son discours est construit comme un Valance démythifiée par John Ford bout de ma dague… » inspiré de Lautréamont, sera impri- grilles de l’Elysée… A Charenton, on roman au présent, rechignant au L’HOMME QUI TUA en 1962 ; il y eut Erostrate, ce philosé- « S’il avait pu être édité, Didier ne mé à ses frais après que Simone de dit ce « Zorro littéraire » atteint de flash-back ; le roman d’un amnési- RENÉ BOUSQUET mite qui voulut gagner l’immortalité serait pas passé à l’acte », écrit Raczy- Beauvoir eut rejeté son «jargon « psychose paranoïaque sensitive ». que préoccupé d’amnistier Vichy. Si d’Henri Raczymow. Bousquet, qui « continue à nar- bien qu’à la mort brutale de Bous- Stock, 348 p., 131,19 F (20 ¤). guer le monde en vivant comme un quet, les rumeurs vont bon train. pacha », lui permet de trouver « un Christian Didier n’aurait-il pas été Lire également, page VI, notre contenu à sa révolte », de « satisfaire télécommandé par des personnages page sur les 20 ans du 10 mai 1981. son incommensurable narcissisme ». En éliminant cette « bête nuisible », Didier entend aussi tuer le monstre qui est en lui, tuer « par transposi- tion » le Mal dont il se dit la victime, se débarrasser de la mauvaise part de lui-même. C’est, dit Raczymow, « un homicide en miroir »:«Je vou- lais réserver une balle à plus salaud que moi. » Didier se voit en archéty- pe sartrien. Le héros du Mur va abat- tre un homme dans la rue d’Odessa en criant « Salaud, sacré salaud ! »; de même, il terrasse Bousquet au 34 de l’avenue Raphaël en lâchant : Céline « Salaud. » Christian Didier, qui parle volontiers par ailleurs de son « errance divine », de sa « mission sur terre », lit Rimbaud, Kerouac, Malraux, Mallarmé, Mère Teresa. Comme dans les films expression- nistes, un autre personnage se profi- le dans le livre de Raczymow, un per- sonnage dont nous ne discernons que « la part d’ombre » : François Mitterrand, l’homme qui nia René Bousquet. Le chef de l’Etat est en quelque sorte le double et l’envers de Didier : « écrivain né » comme lui, homme politique dont la littéra- ture fut une première vocation, et qui avoua que « gouverner est une façon d’écrire sa propre histoire »(1), il cherche, lui, à tuer toutes traces pal- pables de ce virus susceptible de a rôder autour de lui et d’attirer des soupçons : les symptômes d’une cer- taine « idéologie française ». Il trem- ble devant un paysage, un fantôme Daniel Bensaïd des années ténébreuses ne l’effraie François Mitterrand à Latche en 1974 en compagnie de René Bousquet M. BIDERMANAS/ANA (face à Danielle Mitterrand) www.lemonde.fr 57e ANNÉE – Nº 17509 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE VENDREDI 11 MAI 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI Charles Pasqua convoqué Ce que Jospin garde de Mitterrand b Le premier ministre a célébré le 10 mai 1981 devant l’Institut François-Mitterrand b Du parcours par les juges de l’ancien président, il préfère retenir la décennie 1971-1981, années d’opposition et de conquête dans l’enquête b Il se démarque ainsi de l’avant (Vichy et l’Algérie) et de l’après (l’exercice du pouvoir) QUE RETENIR de François Mit- deux écueils. D’abord, le Mit- sur l’argent du RPF terrand ? Lionel Jospin a fait son terrand de Vichy et celui, sous la choix et l’a exprimé, le 10 mai, lors IVe République, de la guerre d’Al- CHARLES PASQUA et Jean- du colloque organisé à Paris par gérie. Ensuite, celui de l’exercice Charles Marchiani ont reçu une l’Institut François-Mitterrand, à d’un pouvoir miné par les affaires D.R. convocation des juges de l’affaire l’occasion du vingtième anniversai- et impuissant, selon l’aveu même Falcone, pour être interrogés en re de l’élection de l’ancien prési- de l’ancien président, à réduire le FESTIVAL DE CANNES qualité de « témoins assistés » sur dent.