Université de Cergy-Pontoise 2015-2016 UFR Lettres et Sciences humaines Département d’Histoire

Master 1 « Histoire, civilisations, patrimoine »,

parcours « Mondes modernes »

L’INFANTERIE LEGERE, DE LA REVOLUTION JUSQU’A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

THIBAULT PETIT

Sous la direction de M. le professeur François PERNOT

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

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L’INFANTERIE LEGERE Des guerres de Révolution à la chute du Premier Empire

Insigne en forme de cor de chasse, emblème des troupes légères (Photo DR)

Images de couverture - Officier et basques en 1793 et 1795, in Ernest Fort, Miquelets, chasseurs de montagne, légions diverses et corps francs sous la 1ère République et le Premier Empire, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-505. - Voltigeur d’infanterie légère (Hersent), probablement du 13e régiment, 1809, in Ernest Fort, Uniformes de l’infanterie légère sous le Premier Empire, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493.

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

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INTRODUCTION

Avant de parler des troupes légères de la Révolution et du Premier Empire, je souhaite expliquer mon choix quant au sujet étudié.

Premièrement, j’ai toujours été fasciné par l’histoire militaire et l’armée en général. L’expression de puissance nationale et de dissuasion a quelque chose de mystique que je trouve fascinant, notamment dans son évolution à travers les âges. La Révolution française et le Premier Empire sont deux périodes que j’apprécie plus particulièrement. L’épopée impériale est pour moi une période faste et unique. Sans être totalement fasciné par Bonaparte, d’autres acteurs de cette période, plus ou moins anonymes, ont contribué à me la rendre extrêmement intéressante.

De ce fait se dégage une grande volonté d’approfondir les méandres de cette époque. C’est pour cette raison que je souhaite étudier l’infanterie légère des périodes révolutionnaire et impériale. En effet, dans mes nombreuses lectures et recherches, j’ai constaté la faiblesse de la documentation sur celle-ci en elle-même, alors qu’on ne compte plus les ouvrages sur la Grande Armée ou sur celle de l’An I, sur la Garde Impériale ou sur les fulgurantes unités de cavalerie plus les portraits de personnalités de la Révolution et de l’Empire. Tout comme on ne compte plus les auteurs et ouvrages généraux sur cette période en elle-même. Mais rien ou presque sur l’infanterie légère…

C’est donc avec l’accord et l’appui de François Pernot, professeur d’Histoire moderne à l’université de Cergy-Pontoise, spécialiste de l’histoire de la Défense nationale et directeur de ce mémoire de recherche, que j’ai décidé de me lancer dans ce sujet afin d’une part, de réaliser ce master en recherche sur l’histoire des civilisations et du patrimoine des mondes modernes et d’autre part, et surtout, pour étancher en partie ma soif de connaissance à propos de cette période qu’est la fin de l’époque moderne française.

Je voudrais remercier particulièrement mon directeur de mémoire de recherche, pour son aide, sa disponibilité et ses apports dans le domaine des armées françaises de toutes les époques ainsi que pour tous les enseignements qu’il m’a dispensés durant mes années d’études à l’université de Cergy-Pontoise.

Je souhaite également remercier mes camarades de reconstitution historique de France, de Belgique et de Suisse, pour l’apport de documentations et d’annotations précieuses, mais aussi pour le grand plaisir à revivre l’histoire en leur compagnie.

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

« Les troupes légères, disait le Roi de Prusse dans son instruction, sont, pour le général, le flambeau qui doit continuellement l’éclairer sur la situation, les mouvemens et la nature des desseins de l’ennemi. J’ajouterai qu’elles sont au corps de l’armée, ce que les yeux et les oreilles sont au corps humain : toujours en garde, ces sens doivent non-seulement l’avertir des coups qu’ils voient et qu’ils entendent se diriger contre lui, mais ils doivent indiquer la direction de ceux qu’il veut porter lui-même à son adversaire. »1

Frédéric II, puis le général Guillaume-Philibert Duhesme, définissent ainsi l’utilisation originelle des troupes dites « légères » comme mobiles, aptes aux manœuvres rapides sur un champ de bataille et le plus souvent à l’avant du gros des troupes. Leur origine est antérieure et non une invention de l’Ancien Régime ou de la Révolution française.

Si la Révolution française débute le 14 juillet 1789 avec la prise de la Bastille, ce n’est qu’après la déchéance du roi en septembre 1792 que la France fait face à la première coalition déclenchée par la déclaration de guerre de la République française au « Roi de Bohème et de Hongrie ». Jusqu’en 1815, la République puis l’Empire français s’opposent à sept coalitions2, notamment durant les difficiles guerres d’Espagne et du Portugal3 ainsi que pendant la campagne de Russie de 1812 où les troupes légères se distinguent. La dernière coalition prend forme durant la période des « Cent Jours » et est fatale à Napoléon Ier puisqu’elle aboutit à sa défaite dans la « morne plaine » de Waterloo le 18 juin 1815, ce qui précipite sa seconde abdication et la fin du Premier Empire français. C’est dans ce contexte de vingt-trois années de guerres successives que l’armée française doit innover pour trouver les chemins de la victoire. Ces innovations touchent notamment les unités d’infanterie légère, devenues une composante incontournable dans toutes les armées d’Europe.

1 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, 1814, p. 249. 2 1re : 1792-1797 ; 2e : 1798-1802 ; 3e : 1805 ; 4e : 1806-1807 ; 5e : 1809 ; 6e : 1812-1814 ; 7e : 1815 3 1808-1814. La guerre se solde par une défaite française, et par la restitution du trône d’Espagne à Ferdinand VII de Bourbon lors du Traité de Valençay. 6

L’infanterie est le corps des unités militaires qui se déplacent et combattent à pied à l’aide d’armes blanches ou à feu. Le mot vient de l’italien infanteria, dérivé de « infante », l’enfant. Le terme apparaît au XVIe siècle en Espagne où il était courant de nommer les princes royaux, les infants, à la tête des armées, les hommes sous leurs ordres ont donc pris le nom d’ « Infanteria ». A la fin du XVIIIe siècle, elle est l’épine dorsale d’une armée et est d’ailleurs appelée la « reine des batailles » car à cette époque le combat en plaine redevient une habitude, ce qui encourage grandement son utilisation. L’infanterie de ligne, la plus répandue, agit en tant qu’unité compacte qui allie le feu et le fer par le biais du mousquet à baïonnette, lequel permet de saturer le champ de bataille par le feu et se battre au corps à corps. L’infanterie légère est le nom donné à la fin de l’Ancien Régime, puis sous la Révolution et l’Empire aux bataillons de chasseurs à pieds et voltigeurs, par opposition aux autres formations à pieds qui constituent la ligne et marchent en bataillons serrés face à l’ennemi. Le comte de la Roche-Aymon défini la différence entre les légers et la ligne, et préconise l’enrôlement d’un certain type de soldats, de la façon suivante :

« En réfléchissant au service de l’infanterie légère, il est évident que cette infanterie aura toujours des marches plus longues, plus difficiles, plus rapides que l’infanterie de ligne ; qu’elle devra aussi faire un plus grand usage de son feu individuel. Il est donc très avantageux de lui donner des hommes d’une complexion robuste, accoutumés à marcher et il se servir de leurs armes... »4

L’infanterie légère opère généralement en avant des formations de ligne ou bien sur les flancs d’un contingent ennemi pour harasser, « tirailler ». Ce type d’unité remonte à l’Antiquité, lorsque les Grecs dénommaient psilites les combattants voués à opérer seuls ou en formation dispersée comme les archers ou les frondeurs. De même, les vélites romains étaient une véritable unité légère comparée aux légionnaires lourds.5 Les premiers consistaient en une infanterie mobile et armée de javelots pour harasser les cohortes adverses. Le légionnaire payait lui-même son équipement pendant l’époque romaine et les vélites apparaissent comme un moyen de recruter également des soldats des basses classes sociales et donc d’enrôler plus d’hommes. Napoléon utilise la même méthode en 1804, la taille des hommes remplaçant l’argent pour le recrutement des voltigeurs de la Grande Armée. Ce terme de vélite est d’ailleurs repris pour désigner une unité de la garde impériale.6

4 La Roche-Aymon, Des troupes légères, 1817, p. 74. 5 « De même les Romains, nos grands maitres dans l’art de l’organisation des armées, avaient pour troupes légères leurs Célères, leurs Vélites et leurs Férentaires », Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, p. 12. 6 Unité réservée aux jeunes volontaires provenant des milieux aisés de l’Empire et destinée à la formation des officiers subalternes. Créée par décret du 30 nivôse de l’an XII. 7

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

C’est dès l’armée royale que le terme « » est mentionné pour la première fois. En 1743, pendant la guerre de Bohême, est créé le corps des Chasseurs de Fischer, du nom du capitaine les commandant. Cette petite unité a pour but d’attaquer furtivement les troupes ennemies afin de les harceler et les forcer à se retrancher dans leurs places fortes. Toutefois, le royaume de France semble être en déficit d’infanterie légère lorsqu’on la compare avec les autres puissances. Le Saint-Empire dispose de nombreuses troupes légères provenant des diverses dépendances notamment montagneuses comme le Tyrol.7 En effet, les troupes légères sont généralement recrutées parmi les peuples montagnards8 : Alpins, Pyrénéens et Cévenols pour la France. Tyroliens, Croates et Pandours balkaniques pour le Saint-Empire. Basques et Catalans pour le royaume d’Espagne. Ils ont développé des réflexes leur permettant de se déplacer rapidement et de façon indépendante, ce qui fait d’eux de parfaits . À la mort de Fischer, son unité est renommée Légion de Conflans. Entre temps, d’autres unités de chasseurs à pied sont créées. On peut citer les arquebusiers de Grassin, créés par ordonnance royale en 1744 pour contrebalancer les pandours durant la guerre de Succession d’Autriche.

Le symbole des troupes légères est le cor de chasse. Il correspond au fait que les légers, appelées au départ « chasseurs à pied, » sont en grande majorité rompues aux tactiques de la chasse au gibier dans des milieux comme les forêts et les montagnes.

L’Ordonnance provisoire du 8 août 1784 permet la formation de six régiments de chasseurs à cheval et attache à chacun un bataillon d’infanterie légère de 4 compagnies de chasseurs à pied, placées sous l’autorité d’un lieutenant-colonel, lui-même sous le commandement du chef du régiment de cavalerie. L’Ordonnance du 17 mars 1788, elle, acte la séparation des chasseurs à pied et à cheval et ordonne la formation de 12 bataillons de chasseurs à pied de 4 compagnies chacun. Celle si se justifie en affirmant : « la nécessité d’entretenir toujours sur pied un plus grand nombre de corps d’infanterie légère, qui soient formés pendant la paix au service extérieur et avancé des armées », et d’autre part, pour : « constituer cette infanterie en bataillons séparés, qui, ayant assez de consistance pour se soutenir, soient en même temps plus susceptibles d’être détachés que des régiments, et par là, plus propres à leur destination de guerre. »

7 « Les hommes ne savent que bien rarement garder un juste milieu, l’excès fut majeurs près du bien aussi voyons-nous les troupes légères, depuis l’année 1 730 jusqu’en 1748, composer la principale force des armées autrichiennes, et cette guerre de détail devenir la première base de leurs plans de campagne. » La Roche- Aymon, Des troupes légères, p. 9. 8 « Les habitans de nos montagnes frontières font généralement la contrebande à main armée, ce qui leur fait employer mille ruses qui deviennent une bonne école pour des hommes destinés au service de l’infanterie légère » Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, p. IX. 8

Par l’action des troupes légères et corps-francs, le maréchal Maurice de Saxe9 théorise la « petite guerre » dans la première moitié du XVIIIe siècle et préconise des actions de harcèlement de l’ennemi. Il s’agit d’une façon non-conventionnelle de faire la guerre et en quelque sorte l’ancêtre des guérillas. L’objet de la petite guerre est également de rassurer le gros des troupes grâce à la mobilité et la rapidité de petites unités sachant opérer seules. Joseph Beurmann, ancien officier de la Grande Armée, rejoint le maréchal de Saxe dans sa définition de la petite guerre :

« La sûreté ou la garde du corps principal, et ces sortes d’affaires dans lesquelles on cherche seulement à nuire à l’ennemi, voilà proprement l’objet de la petite guerre, qui est l’école des troupes. On ne peut espérer davantage dans la petite guerre, si les fractions des troupes qu’on y emploie ne possèdent l’art de se suffire à elles-mêmes. »10

Les unités françaises engagées dans la petite guerre ont la particularité d’être non régimentées, à savoir qu’elles ne sont pas sous le commandement d’un bataillon mais agissent en totale indépendance. C’est le cas des arquebusiers de Grassin, mais aussi de toutes les unités régionales de volontaires tels les Bretons et les volontaires du Hainaut qui agissent en bandes. L’infanterie légère est bien la « reine » de la petite guerre car cette dernière repose sur la manœuvrabilité de petits détachements autosuffisants. Par ailleurs, elle est l’apanage de l’infanterie puisque qui peut combattre sans le soutien de la cavalerie ou de l’artillerie alors que ces dernières ont besoin d’elle pour mener à bien leurs actions. L’infanterie légère joue donc ici un rôle de première importance lorsque son action est combinée avec les autres composantes de l’armée.11

On peut donc dire que l’infanterie légère entre dans le cadre de ce que nous appelons aujourd’hui la « guerre asymétrique » : une unité faiblement protégée, puisque dispersée, fait face à de gros bataillons compacts assistés d’unités de différents types. Elle ne doit son salut qu’à l’effet de surprise et à une utilisation optimale de son matériel pour contrebalancer la faiblesse son effectif.

L’infanterie légère de la révolution et de l’Empire est bien la « descendance » des anciennes bandes de tirailleurs de l’Ancien Régime. La particularité de ces nouvelles unités est qu’elles sont désignées par un numéro ou bien par l’indication de leur provenance géographique et non d’après le nom de leur fondateur ou propriétaire. Certaines unités continuent de se battre sous la forme de bataillons indépendants mais sont amalgamés entre- elles comme demi-brigades d’infanteries légères. A partir des arquebusiers de Grassin ou

9 Maurice, Comte de Saxe (1696-1750), Maréchal Général des camps et armées du roi Louis XV. 10 Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, 1836, p. 22. 11 « Quoique la petite guerre exige le concours de toutes les armes, l’infanterie en est la principale force, car elle peut presque tout sans le secours des autres qui ne peuvent rien sans elle. Or donc, puisqu’il est évident que la petite guerre ne peut se faire avec succès sans le concours de l’infanterie légère, il est bien constaté qu’elle y joue le rôle principal, et que son influence est très grande sur les succès qu’on y obtient par la justesse des combinaisons faites avec ces différentes armes de l’armée, qui sont : l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie. » Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, p. 24. 9

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE de la Morliere, l’armée de l’An I passe aux régiments de chasseurs. C’est sous l’action du ministre de la Guerre, Laurent de Gouvion-Saint-Cyr, que l’infanterie est scindée en deux armes12. Les services sont différents ; la ligne est une masse compacte sur un champ de bataille. Ses bataillons ne se séparent que très rarement et ne s’éloignent jamais du corps d’armée principal. La légère, elle, peut et même doit s’éloigner des corps d’armée, ne serait- ce que pour effectuer des reconnaissances dans des villages ou les forêts. Le général Duhesme, dans ses écrits, compare les tâches des troupes légères des années impériales à celles de l’Ancien Régime :

« Sous Louis XIV, on ne connaissait point d’infanterie légère, et la cavalerie faisait seule le service des découvertes. Sous Louis XV, on associa de l’infanterie à la cavalerie légère que l’on destinait à couvrir l’armée ; mais elle ne figurait pas dans les batailles rangées. Maintenant nos troupes légères à pied, non- seulement gardent et éclairent l’armée, mais aussi combattent avec elle, parce que nos tirailleurs ont pour ainsi dire ressuscité la pratique des vélites romains. »13

Pourtant, si les troupes légères ont une réelle importance à la fin du XVIIIe siècle, aucun véritable règlement sur leur utilisation n’est conçu, tout au plus des ordres et essais écris par divers généraux tels Duhesme ou Lecouturier. En réalité, toute l’infanterie suit le règlement de 1791.

Donnée importante, la réforme de l’infanterie de 1793 prône l’amalgame entre les levées de 1792 et des unités d’Ancien Régime fidèles à la République. Le décret du 19 septembre 1805 crée, par bataillon, une compagnie de voltigeurs en remplacement de la deuxième compagnie de fusiliers. On privilégie donc un rapprochement des travaux de l’infanterie légère qui harasse l’ennemi et prépare l’action du reste du bataillon et de celle de la ligne qui fixe le combat. L’arrêté du 20 vendémiaire An XI (12 septembre 1802) réorganise ces régiments d’infanterie légère en trois bataillons. Les décrets des 22 ventôse et 23 thermidor An XIII (13 mars et 13 août 1804) restructurent chacun de ces bataillons avec désormais une compagnie de , quatre de chasseurs et une de voltigeurs. Le 18 mai 1804, les régiments sont portés à quatre bataillons. En 1805, seuls 12 bataillons de troupes légères sont sous les drapeaux, pour la plupart provenant d’anciennes unités de l’armée royale14. En 1814, celles de légers constituent près d’un quart des effectifs de l’infanterie.15

12 « Aussitôt que l’illustre maréchal Gouvion-Saint-Cyr parut au ministère de la guerre, il reconstitua l’armée, et, sentant la nécessité de diviser notre infanterie en deux espèces bien distinctes, il ordonna que tels et tels départemens fourniraient les légions de chasseurs; il changea l’uniforme, l’équipement et l’armement, mais il ne pensa pas à l’éducation militaire de cette arme, ou du moins on ne lui laissa pas le temps d’accomplir ses divers projets de réorganisation, car on lui ôta son portefeuille au grand mécontentement de toutes nos illustrations militaires, dont il était le vrai soutien. » Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, p. 20. 13 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, 1815, p. 249. 14 « Quatre de ces bataillons avaient été formés des régiments Royal-Italien et Royal-Corse. » Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, p. 108. 15 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, p. 264. 10

Par ailleurs, cette infanterie légère, au moment des guerres de Révolution, trouve son utilité puisque les soldats, comme les cadres, ne sont pas formés de la meilleure des façons. Il en résulte d’un déficit de confiance des soldats vis-à-vis de leurs officiers. Le stéréotype du soldat tirant mais ne sachant pas recharger, ou bien ne tenant pas compte de l’ordre de tenir sa position, n’est pas très éloigné de la réalité. Le comte de la Roche-Aymon indique que l’utilisation de tirailleurs contre les bataillons aguerris de l’ennemi n’est possible que grâce à une certaine abnégation et par la confiance du « pied léger » en lui-même et en son fusil. L’appartenance à une formation dispersée avec comme seule protection un élément naturel ou sa seule arme suffit au pour combattre.16

Au fil des affrontements, les troupes légères acquièrent une assurance certaine au tir17. Là où les troupes de la Ligne se contentent de viser en face et de saturer le champ de bataille par le feu, elles deviennent des prototypes du tireur d’élite, ne se contentant pas seulement de créer des trous dans les lignes adverses mais choisissant des cibles prioritaires comme les officiers, les drapeaux ou les musiciens, en fait tout ce qui a un rapport à la hiérarchie et à la cohésion d’un bataillon. Maurice de Saxe dit que l’action simpliste du feu de la ligne est justifiée par le fait que « l’impétuosité et la pétulance des Français faisait qu’il était impossible que le soldat ajuste son coup, s’il est distrait par l’attention qu’il est obligé de faire au commandement ».18

Dans une nouvelle forme de guerre, quels sont les apports de ces unités d’infanterie légère de la Révolution française et du Premier Empire, constituées d’un nouveau type soldats autonomes et différents des standards de l’époque. En quoi cette troupe perçue comme une élite aide à remporter les victoires sans toutefois être décisive ?

Pour répondre à cette problématique, nous étudierons dans un premier temps les hommes formant les unités dès le début de la Révolution Française notamment dans les légions et corps-francs des premières levées. Nous verrons ensuite comment cette infanterie manœuvre en campagne et en bataille, au campement comme face à l’ennemi. Nous nous pencherons enfin sur la pratique réelle de cette infanterie légère, selon les sources, durant les guerres de Révolution et de l’Empire.

16 « La tactique des tirailleurs, en isolant le français, en l’abandonnant, pour ainsi dire, à ses propres forces, a son courage , à son amour propre même, devoir lui donner un avantage certain sur des troupes accoutumées à agir en masses contre des masses, à tirer réunies par pelotons, bataillons, etc. etc. Les troupes alliées auroient obtenu une supériorité décidée, si les généraux français avoient voulu astreindre leurs nouveaux soldats à combattre en rangs, à faire des feux réguliers et des manœuvres d’ensemble. » La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 3. 17 « En effet, la sûreté du tirailleur dépend de son isolement, de sa continuelle mobilité , de son adresse à profiter de tous les avantages que lui présentent les localités, à se servir avec succès de son arme, et non de la quantité de coups qu’il tire. » Forestier, Traité sur le service de l’infanterie légère en campagne, p. II. 18 M. de Saxe, Rêveries militaires. 11

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Chapitre I PRÉSENTATION DES TROUPES LÉGÈRES FRANCAISES ET ETRANGÈRES

« Les guerres de la révolution, en faisant prendre à l’art militaire un essor si brillant, n’ont fait que révéler de plus en plus l’utilité des corps de tirailleurs. Dans les nombreuses armées de 1793 qui surgirent de notre sol comme par enchantement pour couvrir nos frontières, qui, formées à la hâte, par une levée en masse, n’avaient que leur bouillant courage à opposer à l’adresse des Tyroliens, des chasseurs du loup de l’Autriche, nos généraux sentirent le besoin de suppléer promptement à notre inexpérience militaire, par la formation des corps francs, et en exerçant notre infanterie légère au service de tirailleurs »

Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, 1836, p. 18.

SOMMAIRE

 Montagnards et forestiers français

 Les différentes unités légères de la Grande Armée

 La « Garde impériale légère »

 Légers alliés et adverses

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Voltigeur, Rousselot, Infanterie légère 1812-1815, L’Armée Française, planche N°76.

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Montagnards et forestiers français

Dès le commencement des guerres de Révolution, l’utilisation des tirailleurs est des plus pressantes. L’inexpérience des conscrits de l’An II fait que les officiers supérieurs doivent monter de nombreux corps-francs et légions pour s’opposer aux jägers prussiens et aux schutzens autrichiens. Lors de l’appel aux volontaires en 1792, l’Assemblée Législative décide de la levée de plusieurs légions dans différentes régions.19 Dans son Traité sur l’infanterie légère, Joseph Beurmann cite le général Lamarque20, qui lui-même, dans son ouvrage de l’Esprit militaire en France, dresse un amusant portrait des soldats venant de différentes régions :

« si le Flamand, qui est lourd, pesant, difficile à s’enflammer, mais qui est terrible dans sa colère, convient à la grosse cavalerie; que si l’Alsacien, le Franc-Comtois et le Lorrain, conviennent à la cavalerie légère et à l’artillerie; que si le Poitevin obstiné, le Normand, le Breton à la tête de fer, sont propres à l’infanterie de ligne, qui, calme et inébranlable reste des heures entières sous le feu des batteries, nous pourrons prendre pour l’infanterie légère le Basque, le Gascon, le Béarnais, enfin tous les habitans du midi, qui doivent aux rayons du soleil plus ardent, à l’âpreté du sol, aux exercices violents de la jeunesse, leur vivacité, leur caractère aventureux, la souplesse de leurs membres, semblent être indiqués par la nature pour cette espèce d’infanterie. »21

Ici, les susnommés Basques, Gascons, Béarnais et habitants du Midi nous intéressent. En effet, les régions montagneuses ou vallonnées dont ils proviennent sont la clé de la formation des unités d’infanterie légère. Elles forment à une vie difficile, à manier des charges lourdes dans un environnement restreint : qu’est-il de meilleur pour un soldat qui doit composer avec un environnement étroit et inégal pour combattre ? Cette pratique de recrutement dans des régions précises est une constante de la période révolutionnaire qui adopte un certain pragmatisme, les grandes levées sont très canalisées dans les différentes armes grâce à une sociologie très simple. Ces méthodes sont également utilisées dans l’optique d’une doctrine défensive aux premiers temps de la guerre puis offensive à partir de 1795 et les nouvelles victoires des armées françaises.

19 « Ce fut alors que l’assemblée législative décréta la formation des trois légions, du Rhin, des Ardennes et du Nord (une pour chaque armée), et la levée d’un grand nombre de compagnies franches, qui d’abord enrôlées séparément, furent réunies ensuite en bataillons francs. » Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, p. 148. 20 Jean-Maximilien Lamarque (1770-1832), général d’Empire. 21 Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, 1836, p. 32. 14

On compte d’autres régions montagnardes françaises comme pourvoyeuses d’hommes pour l’infanterie légère : la Savoie, française depuis 1792, qui forme la Légion des Allobroges, les Cévennes, la Corse, etc.22 C’est en ce sens qu’est organisée, par Lazare Carnot notamment, la Légion des Montagnes en 1793. Son but est de maintenir l’ordre et la défense dans les Pyrénées. En même temps que les bataillons habituels de gardes nationaux, la Convention crée des unités de « miquelets. » Il s’agit de chasseurs basques servant dans les armées françaises depuis longtemps déjà. Dans ses carnets d’estampes, Ernest Fort fait un rappel historique de cette unité méconnue :

« Corps de partisans qu’on créa dans le Roussillon, au commencement de la guerre 1689, contre l’Espagne, sous le nom de Fusiliers de Montagne. Ces corps, chargés de défendre les gorges de la Catalogne, acquirent une haute réputation de bravoure. Ces troupes se dispersèrent après la paix de Ryswick (1697), et ne furent réorganisées qu’en 1744. On organisa, en 1793, une légion des Pyrénées, composée de volontaires et de miquelets français du Roussillon ; ces volontaires, commandés par le colonel Pérignon, qui fut depuis maréchal de l’Empire, se signalèrent en maintes occasions. En 1808, lorsque Napoléon se préparait à porter ses armes en Espagne, il institua un corps de Miquelets (Décret du 6 août 1808), qui prirent ensuite le nom de Chasseurs de Montagne (Décret du 10 octobre 1808) »23.

Les hommes provenant de ces régions sont réputés de constitution robuste, adroits au tir par le biais de la pratique de la chasse, et capable d’endurer plus de tourments et de fatigue que d’autres. Mais plus important encore, ils proviennent de localités proches de leurs zones de combat. Plus que de simples guides auxiliaires, ils sont de fins connaisseurs du terrain dont ils en connaissent tous les recoins. Les combats sont difficiles et les survivants sont recomposés en bataillons de chasseurs basques qui subsistent encore à la fin de l’an VII. L’année suivante, Bonaparte reconstitue deux bataillons pour l’armée d’Italie. Finalement, les derniers miquelets sont reversés dans les régiments de ligne en 1800.24

Le nombre très élevé de frontières françaises sur des terrains montagneux s’explique par la vieille politique des Bourbons : la poussée vers frontières naturelles. C’est en allant le plus loin de Paris vers un fleuve ou une chaîne de montagne que le Royaume de France a fait de son territoire une véritable forteresse, les zones de plaines étant garnies de fortifications. Ainsi s’explique le grand nombre de combats dans les zones de montagnes frontalières durant la Révolution.

22 « Après la révolution de 89, nous avions pour troupes légères les bataillons de chasseurs des Cévennes, du Vivarais, des Alpes, de Corse, des Pyrénées, qui formèrent nos demi-brigades d’infanterie légère, qui étaient toujours les têtes de colonnes de nos divisions, mais qui ne différaient de l’infanterie de bataille que par l’uniforme ». Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, p. 19. 23 Fort, Miquelets, chasseurs de montagne, légions diverses et corps francs sous la 1ère République et le Premier Empire, p. 8. 24 Pascal, Histoire de l’armée, p. 99. 15

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Par ailleurs, la pratique habituelle de la chasse par un grand nombre de ces troupes légères justifie l’application du cor de chasse comme emblème. Il symbolise le fait que ces troupes, appelées au départ « chasseurs à pied » sont en grande majorité rompues aux tactiques de la chasse au gibier dans des milieux restreints comme des forêts et des montagnes.25

En 1793, les légions de chasseurs, déjà numérotées de 1 à 12 en 1791, se voient formées en demi-brigades : respectivement, chasseurs royaux de Provence ; chasseurs royaux du Dauphiné, chasseurs royaux Corses, Cantabres, Bretons, d’Auvergne, des Vosges, des Cévennes, du Gévaudan, des Ardennes et du Roussillon, sont renommées de la 1ère à la 12ème demi-brigade d’infanterie légère. Par ailleurs, deux bataillons sont créés en 1791 avec les effectifs de la garde nationale de Paris.26

Un grand nombre de Belges rejoignent les rangs des armées françaises durant les guerres de Révolution. Dès 1792, la Légion liégeoise est levée. Pendant les combats de Belgique contre les Autrichiens, différentes unités légères sont créées dans les deux camps comme le corps des Chasseurs Leloup27 sous les drapeaux autrichiens. Le décret du 26 janvier 1793 déclare que les légions belge et liégeoise font partie provisoirement des armées françaises. Un décret du 20 brumaire An II (10 novembre 1793) les supprime pour les reformer en bataillons de tirailleurs, eux-mêmes recomposés en demi-brigades lors de l’amalgame de 1795.

Finalement, les corps-francs et légions de volontaires sont supprimés par décret du 9 pluviôse de l’An II (28 janvier 1794) qui ouvre la voie à un nouvel amalgame, les bataillons de chasseurs à pied formant trente demi-brigades d’infanterie légère. Le changement de doctrine de recrutement à partir de la seconde partie des années 1790 se traduit par le décret du 8 fructidor An VIII (26 août 1799), qui met en place la conscription, décret qui n’est qu’un dérivé de celui de la « réquisition » du 14 février 1793.28 Dès que le nombre de volontaires ne suffit plus à alimenter les armées, le Directoire commence à user de la conscription pour ravitailler en homme les légions et corps-francs en première ligne. Le Premier Empire, quant à lui, abuse de la conscription durant dix ans en y incluant des critères plus précis pour permettre de brasser une plus large partie de la population.

25 « Les peuples pasteurs ou chasseurs des montagnes et des forêts, qui, toujours en guerre avec les bêtes fauves, avoient pour eux l’adresse et la légèreté, arrivoient seulement munis d’arcs, de frondes et de javelots, leurs armes d’habitude ; ils formoient l’infanterie légère. » La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 77. 26 Deschard, L’Armée et la Révolution, p. 249. 27 Le corps des Chasseurs Leloup trouve son origine dans les événements de la révolte belge de 1789. Le 24 octobre 1789, une petite armée du Brabant défait les Autrichiens à Turnhout. Suite à ce revers, l’Empereur François II décida de lever un corps de francs-tireurs recrutés en Belgique. Son appellation de Chasseurs du Loup lui donnait également une allure très martiale et craintive. 28 Baldet, La vie dans les armées de Napoléon, p. 25. 16

Les différentes unités légères de la Grande Armée

Sous la République et le Consulat, le système des demi-brigades, né des amalgames successives de la décennie précédente, s’impose et permet à l’infanterie légère de jouer un rôle spécifique, éclairant et couvrant les colonnes et même combattant avec elles. Le Premier Empire dispose de nombreuses unités de légers et n’hésite pas à mélanger au sein des régiments, les carabiniers et chasseurs à pied. C’est aussi à cette époque que sont créées les unités de voltigeurs, véritable institution française.

En 1804, l’infanterie légère tend à se rapprocher de l’infanterie de ligne par ses missions et son organisation. En outre, on voit apparaitre de véritables régiments de légers à l’organisation suivante : chaque bataillon comprend une première compagnie constituée de carabiniers, décrite comme une compagnie d’élite puisque semblable aux de la ligne, un nombre variable de compagnies de chasseurs (le plus souvent 4) et une dernière de voltigeurs, là aussi d’élite, le plus souvent employée en tirailleurs. Durant toute la période impériale, on compte dans chaque division au moins un régiment d’infanterie légère.

Les manœuvres de l’armée restent tout à fait simples : le déploiement des lignes est limité à des successions de brigades pour créer le choc en accrochant l’ennemi pendant que l’infanterie légère se porte sur les flancs ou couronne les hauteurs. Elle crée la confusion en tiraillant les arrières de la colonne adverse et en attaquant par surprise les trainards et les retraites désordonnées. Comme le témoigne le comte de la Roche-Aymon :

« L’ordre profond substitué à l’ordre mince, comme dispositif le plus propre pour diriger l’impulsion d’un peuple fanatisé, devint pour les armées françaises, avec l’aide d’un système de tirailleurs, le premier élément comme la base de leurs succès. »29

Les voltigeurs sont une spécialité française. Leur origine se trouve dans les vélites romaines, transportées à dos de cheval ou bien conditionnées physiquement pour suivre un cheval au trot sur les points nécessaires du champ de bataille. L’étymologie du terme provient peut-être du latin quasi volitantes, en français « presque volant », ce qui accentue l’aspect de « légèreté » de cette unité qui doit remplir ses fonctions de façon très mobile. Le général Foy considère que seuls les voltigeurs forment une véritable unité de troupes légères au sein de l’infanterie française.30

29 La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 3. 30 « Les voltigeurs constituèrent la véritable infanterie légère de France en ce sens qu’on leur fit faire habituellement le service de tirailleurs. » Foy, Histoire de la guerre de la péninsule sous Napoléon, p. 96. 17

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Le corps des voltigeurs est créé par le décret du 22 ventôse an XII (13 mars 1804). Comme le signale par exemple dans ses mémoires le capitaine d’une compagnie de voltigeurs, Marc Desboeufs :

« Les compagnies d’éclaireurs avec shakos et buffleteries blanches, créées en 1800 dans quelques demi-brigades, furent organisées en 1804 dans toute l’infanterie sous le nom de voltigeurs ».31

Leur particularité réside dans leur taille, plus petite que celle des autres soldats. La création de cette nouvelle infanterie répond à une situation démographique caractéristique de l’époque dans laquelle les hommes ayant une taille inférieure à la moyenne sont de plus en plus nombreux et échappent à la conscription. Selon le général Bardin "Cette mesure, augmenta l’effectif des troupes de 40.000 hommes."32 Il va plus loin en affirmant que :

« L’invention des voltigeurs était une amorce pour la vanité des nains, un encouragement pour leur faiblesse, une pensée politique. Cet essai, coûteux pour la population, a eu pour l’armée de brillants résultats. Ceux de ces petits hommes qui ont résisté aux fatigues d’un métier qui semblait au-dessus de leurs forces ont fait merveille. Le parallèle, ou plutôt la rivalité établie entre eux et les grenadiers, la disproportion de taille qu’il fallait faire oublier, souvent les avantages et la solidité d’une constitution trapue, la parité de courage et d’énergie sous une moindre masse, tout en a fait des héros. »33

La taille maximale de recrutement des voltigeurs est de 4 pieds, 11 pouces (1,60 mètre). Les officiers sont un peu plus grands, avec une taille approchant les 5 pouces (1,62 mètre).34 La nouvelle doctrine de recrutement peut s’expliquer par des motifs physiques et athlétiques car des hommes « tassés » sont plus à même de remplir les conditions physiques des voltigeurs. Elle s’explique aussi par des raisons pratiques. En effet, il leur est difficile d’assurer les feux de rangs dans les bataillons de chasseurs où les lignes sont formées en fonction de la taille. L’utilité d’un homme de petite taille à la guerre se trouve alors dans sa capacité à se mouvoir et à utiliser l’environnement pour se mettre à couvert.

31 Desboeufs, Souvenirs du capitaine Desboeufs, p. 7. 32 Bardin, Dictionnaire, p. 5271. 33 Bardin, Dictionnaire, 1841-1851, p. 1472. 34 Pigeard, Les voltigeurs de Napoléon, Traditions, N°176, p. 18. 18

L’originalité des troupes légères, qui consistait auparavant à recruter en priorité des hommes issus des régions montagneuses ou forestières, est désormais abandonnée à la simple raison de la taille. On passe donc d’une question de praticité et d’expérience des milieux difficiles à une question de taille et de conscription. C’est une manière de brasser une plus large partie de la population sous les drapeaux pour retarder au maximum l’infériorité numérique française face à ses adversaires. Il faut dire que ce changement de doctrine n’est pas simplement dû à des questions de relief : l’Empire de Bonaparte est un régime très agressif ayant le plus souvent l’embarras du choix du champ de bataille, on se bat donc le plus souvent en terrain plat. En effet, l’incorporation de voltigeurs dans les régiments de ligne et la création de ceux de légers sont liées au fait que leur utilisation en plaine, toujours en ordre dispersé ou en tirailleurs, est de plus en plus régulière.

La « légende dorée » de Napoléon veut que ce soit lui qui ait personnellement créé cette nouvelle unité, le général Bertrand le mentionne, sous la direction de l’empereur en exil, dans ses Cahiers de Sainte-Hélène.35 On ne trouve de soldats appelés « voltigeurs » que dans l’armée française et ses plus proches alliés. Toutefois la création de ce nouveau type de soldats attire l’attention des observateurs militaires des autres nations, ainsi qu’en témoigne l’article dans le James Military Dictionary. On voit alors les Prussiens supprimer les fusiliere des régiments de musketieres et en faire des bataillons de schützen, armés de carabines. La même chose se produit dans l’armée du Tsar Alexandre, dont la garde impériale se dote du régiment Ieguerski, les chasseurs à pied.

La différence entre les voltigeurs et les autres « légers » réside dans le fait que les premiers évoluent de façon irrégulière et éparpillée tandis que les autres agissent en corps nombreux et rassemblés mais entrainés au service des tirailleurs. Les qualités requises pour être admis dans ces troupes sont une réputation de courage bien établie, une petite taille, de la vigueur et une grande agilité. Il faut différencier voltigeurs et tirailleurs. Les premiers sont les véritables descendants des premières unités légères du Royaume de France car ils ont les mêmes façons de combattre et partagent le sort des cavaliers lors de diverses missions. Les tirailleurs quant à eux sont à la base de l’infanterie progressant en colonne pour former ce que l’on appelle la chaine de façon à tirer sur l’ennemi en étant dispersés tout en gardant une certaine cohésion dans la formation.

Par ailleurs, cette apparence « d’élite » des voltigeurs suscite bien des conflits d’honneurs avec les grenadiers ou même les carabiniers. Ces unités sont également un moyen de récompenser les soldats de petite taille qui font fait preuve de grande valeur mais qui ne peuvent intégrer les compagnies d’élites des grands hommes que sont les grenadiers ou les carabiniers. Leur position au sein des bataillons pourrait presque laisser à penser que, malgré leur nom et service différent, ils sont les grenadiers de la gauche du bataillon.

35 « Les voltigeurs ont été créés par moi pour profiter des petits hommes que la conscription ne pouvait atteindre. J’en ai profité pour opposer les petits hommes aux grands, comme j’opposerais les blancs aux noirs, comme je formerais des compagnies de bossus, s’il y en avait beaucoup. » Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène, p. 348. 19

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Le décret du 18 février 1808 sur la composition des régiments d’infanterie de ligne, imposait que la compagnie de grenadiers tienne dorénavant la droite du bataillon et que celle des voltigeurs le flanc gauche. Les deux compagnies d’élite devenant ainsi véritablement des unités de flanc. Dans ce décret ce trouvent également des articles fixant la solde des voltigeurs à égalité avec celle des grenadiers, augmentant encore leur statut de troupes d’élite au sein de la ligne, des dispositions sur leur armement, leur habillement, leur taille qui doit être inférieure à celle des fusiliers et des grenadiers, leurs aptitudes et services, etc…

Les carabiniers forment la compagnie d’élite placée à droite d’un régiment d’infanterie légère. A l’instar des grenadiers de la ligne, ils sont choisis parmi les soldats les plus méritants. Malgré leur nom, ils sont équipés du fusil, le Charleville, le même que les voltigeurs et chasseurs. Leur position d’élite au sein du régiment fait qu’ils ne sont pas très mobiles lors des manœuvres, d’où un grand paradoxe au sein des regroupements de légers dans des régiments, si seuls les voltigeurs font le service des tirailleurs et de l’infanterie légère au sens large.

La « Garde Impériale légère »

Durant les périodes consulaire puis impériale, Bonaparte forme de nombreux régiments dits de légers pour la Garde des Consuls, puis Garde Impériale dès 1804 : des chasseurs à pied aux voltigeurs en passant par des originalités telles que les fusiliers- chasseurs, conscrits-chasseurs, flanqueurs-chasseurs, etc. En tout, près de trente de ces régiments sont formés dans les Vieille, Moyenne et Jeune Garde entre 1804 et 1815, certains étant toutefois des refontes d’anciens régiments disparus pendant des campagnes ou bien licenciés durant la Première Restauration.

Les Chasseurs à pied de la Garde des Consuls sont créés en même temps que la Garde consulaire par l’arrêté du 7 frimaire an VIII (28 novembre 1799), qui précise que le recrutement ne se ferait que parmi les hommes qui se sont distingués sur les champs de bataille.

Le 21 fructidor an VIII (8 septembre 1800), la Garde est renforcée par trois bataillons dont un de chasseurs. Les conditions d’admission sont renforcées : il faut avoir accompli au moins trois campagnes, obtenu des récompenses accordées aux braves pour des actions d’éclat ou avoir été blessé, être toujours en activité, avoir une taille minimum de 5 pieds 3 pouces, être exempt d’écart de conduite. Le 23 brumaire an X (14 novembre 1801), un nouvel arrêté donne une nouvelle organisation de la Garde et porte le corps des chasseurs, renforcé par les guides à pied de l’armée d’Egypte, récemment rapatriés, à un niveau égal à celui des grenadiers en le fixant à deux bataillons. Chacun de ces corps est commandé par un chef de brigade qui prend directement ses ordres du général commandant l’infanterie de la Garde. La Garde Consulaire devient la Garde Impériale immédiatement après que Napoléon ait été plébiscité comme Empereur. Les chasseurs à pied de la Garde sont cantonnés à Rueil, à proximité de la Malmaison, demeure de l’impératrice Joséphine. Le décret attache un

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bataillon de vélites à chaque régiment d’infanterie de la Garde. Un autre décret impérial en date du 29 juillet 1804 organise le régiment des chasseurs de la Garde sur le modèle de celui des grenadiers. De composition identique, il est formé d’un même état-major, de deux bataillons de chasseurs et d’un de vélites. Dans ses Souvenirs, Jean-Baptiste Barrès raconte son arrivée dans une compagnie de chasseurs à pieds de la Garde :

« Là on versa dans chaque compagnie de chasseurs (les vieux) une portion du premier détachement des vélites, on les plaça par rang de taille, et on nous annonça qu’à partir de ce jour nous faisions partie de ces compagnies. Je me trouvais dans la 2e compagnie du 2e bataillon. Encadré dans les rangs de ces vieilles moustaches, qui avaient tous un chevron au moins, nous avions l’air de jeunes filles, auprès de ces figures basanées, la plupart dures, envieuses, mécontentes de ce qu’on leur donnait des compagnons aussi jeunes. »36

Chacun des deux bataillons comporte 8 compagnies et le bataillon de vélites, ce qui porte son effectif à un total de 1716 hommes en 1804. Les conditions pour être admis dans les chasseurs à pied étaient d’avoir cinq ans de service, deux campagnes et une taille de 1,75 mètres. En 1806, la Garde impériale se dote d’un second régiment, un troisième est créé avec les effectifs de vélites, chacun composé de deux bataillons. En 1815, pendant les Cent Jours, on trouve quatre régiments de chasseurs qui protègent notamment la retraite dans les « derniers carrés » à Waterloo, inébranlables au milieu de la débâcle et commandés par le général Cambronne.

Alors que les chasseurs à pied font partie de la Vieille Garde, les Moyenne et Jeune Garde ont des régiments destinés au service des tirailleurs. En 1806, deux sont créés pour la formation de la seconde ; il s’agit des régiments des fusiliers-grenadiers et des fusiliers- chasseurs. Le but était d’avoir des régiments de prestige ayant l’esprit de la Garde, formés par ses cadres mais qui ne couteraient pas plus d’entretien que les régiments de la ligne. Ils sont formés en prenant comme cadres les officiers de la Vieille Garde. Quant aux soldats, ils proviennent des unités de conscrits, des jeunes recrues formés par les instructeurs, selon un ordre de l’Empereur du 2 octobre 1808.

Les fusiliers-chasseurs de la Moyenne Garde, les flanqueurs-chasseurs, et les conscrits-chasseurs sont commandés par des officiers des Chasseurs à pied de la Vieille Garde. Composés de conscrits et de volontaires ayant reçu une bonne éducation, ils doivent renforcer les effectifs de la Garde impériale. Ces deux unités forment les troupes de la Jeune Garde.

36 Barrès, Souvenirs d’un officier de la Grande Armée, p. 17. 21

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

La grande différence entre la Vieille Garde, la Moyenne puis la Jeune, est le fait que les hommes qui composent ces deux dernières, dans leur grande majorité, sont issus de la conscription. L’idée de compléter la Garde par des hommes provenant de celle-ci n’est pas nouvelle dans l’esprit de Napoléon: on en trouve le témoignage dans une lettre datée de décembre 1803 : « L’armée ne peut suffire au recrutement de la Garde ; elle ne peut la mettre même au pied de paix, sans s’affaiblir d’un petit nombre d’hommes extrêmement précieux, ce qui m’a donné l’idée d’appeler des conscrits. »37

Cette idée débouche dans un premier temps sur la création des vélites, jeunes gens des familles bourgeoises dont les parents ont la charge de la solde. Mais ce n’est qu’en 1808 que Napoléon, après avoir renforcé les rangs des régiments de Grenadiers et de Chasseurs de la Vieille Garde, se retrouve avec les cadres de ces unités désormais bien vides n’ayant à peine de quoi former un bataillon à commander. Il décide donc de tirer parti de leurs compétences pour former des conscrits, ainsi dressés à la manière et surtout à l’esprit de la Garde. Les vélites agissent en tant qu’unité de légers mais sont généralement attachés à la surveillance des palais ou états-majors. Avec la création de ces régiments et la conscription, Napoléon se constitue une réserve de recrues pour la Garde ainsi qu’une école de formation de sous- officiers.

Dans ses correspondances, l’Empereur se lamente à propos des fusiliers-grenadiers de la Moyenne Garde : « Les fusiliers ont déjà un mauvais pli ; c’est d’être entre la Garde et la Ligne, un corps intermédiaire qui coûte le double de la Ligne. Il vaut mieux former un corps de tirailleurs qui ne coûte pas plus que la ligne. ».38 C’est ainsi que par décret du 30 décembre 1810, sont formés les régiments de voltigeurs de la Garde, dont le nombre grimpe jusqu’à seize en 1814 du fait de plusieurs refontes d’unités.

Le 29 mars 1809, par décret impérial, un régiment de conscrits-grenadiers et un autre de conscrits-chasseurs étaient constitués et placés sous le commandement du chef de corps des chasseurs à pied de la Garde. Le nouveau régiment était composé de deux bataillons avec chacun quatre compagnies. Le 31 mars 1809, un second régiment de conscrits-chasseurs est constitué et organisé de la même façon. Cette appellation laisse à penser à une unité de formation, destiné à former les futurs chasseurs à pied de la Vielle Garde ou bien les régiments de voltigeurs. Toutefois, peu de témoignages sur des troupes de la garde impériale combattants en tirailleurs nous sont parvenus, et le fait d’arme le plus célèbre des chasseurs à pied n’est-il pas d’avoir contenu les assauts anglais dans les « derniers carrés » à Waterloo ?

37 Pigeard, La Garde Impériale, p. 402. 38 Napoléon, Correspondance, Tome 18, p. 243. 22

Le décret du 4 septembre 1811 fonde un régiment de flanqueurs-chasseurs de la Garde composé de conscrits ayant entre 18 et 30 ans. Ils proviennent en majorité des familles de gardes-généraux et de gardes à pied et à cheval des forêts de la couronne, du domaine et des des communes de l’Empire. D’après le décret, ils doivent être d’une bonne constitution, mesurer au moins 1m65 et être exempt de tout écart de conduite. Cette nouvelle troupe est organisé et géré par les chefs de régiment des chasseurs à pied. L’idée de rassembler en corps distincts les fils des gardes-chasses ayant reçu une bonne éducation n’est pas une idée de Napoléon lui-même mais plutôt une reprise de l’utilisation par Frédéric II dans l’armée prussienne. L’unité perd beaucoup en effectif pendant la campagne de Russie et, comme toutes celles de la Jeune Garde, est reversé dans la Ligne par ordonnance royale du 12 mai 1814.

Les régiments de tirailleurs-chasseurs et de tirailleurs-grenadiers de la Moyenne Garde et les conscrits-chasseurs de la Jeune Garde sont transformés en voltigeurs par décret du 30 décembre 1810. D’autres unités de voltigeurs de la Garde sont constituées les années suivantes pour atteindre le nombre de seize en 1814 malgré de nombreuses pertes lors de la campagne de Russie ou de la guerre d’Espagne. Les unités restantes sont licenciées lors de la Restauration. On remarque dans ces formations de régiments une certaine forme d’élitisme, Napoléon n’hésitant pas à reformer des régiments de grenadiers, les troupes d’élites habituelles, en unités de voltigeurs, certainement plus utiles car très souvent employées.

Chose étonnante, les archives du corps révèlent la présence de sapeurs dans les compagnies. On peut donc déduire une certaine propension à passer à l’attaque de ces régiments de légers puisque le sapeur est chargé d’abattre les obstacles lors de l’avancée d’un régiment sur les routes de campagne aussi bien que sur le champ de bataille.

Légers alliés et adverses

Une fois alliés à la France sous le Directoire, les cantons suisses fournissent des tirailleurs par le biais de la demi-brigade helvétique qui combat en Italie sous Bonaparte durant le Consulat. De même, en 1789, deux des douze unités de légers incorporées dans les armées françaises comportaient de nombreux étrangers notamment des Italiens et des Catalans. En Italie, Bonaparte forme plusieurs légions lorsqu’il avance dans le Piémont et en Lombardie afin de combattre les Sardes et les Autrichiens dans les montagnes du Trentin et sur les rives du Pô.

Sous l’Empire, les nations indépendantes alliées à la France envoient elles aussi des contingents. C’est le cas de toutes les principautés de la Confédération du Rhin39 avec par exemple une compagnie de chasseurs à pieds du Grand-Duché de Francfort. Les troupes composant les différentes légions polonaises ainsi que celles du Grand-Duché de Varsovie, créé en 1807, fournissent, outre les célèbres chevau-légers lanciers, des unités de chasseurs et

39 Créée en 1806 par le Traité de la Confédération du Rhin. Il s’agit d’une alliance de principautés allemandes s’engageant à fournir des troupes, de valeur inégale, pour l’Empire. Véritable cordon d’Etats-tampons, la Confédération se disloque en 1813 après la bataille de Leipzig puis est officiellement dissoute en 1814. 23

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE de voltigeurs habillés et armés à la française, avec des spécificités locales dans l’uniforme. Le Grand-Duché de Clèves-Berg, un temps sous la coupe du maréchal Murat, fourni également des troupes légères. Le royaume de Naples apporte entre autres quatre régiments de légers ; les troupes danoises de la Grande Armée en Russie comportent des chasseurs du Schleswig et des tirailleurs du Holstein. Paradoxalement, des détachements prussiens et autrichiens accompagnent Napoléon lors de cette même campagne de Russie car ces deux puissances ont signé un traité avec l’Empire Français stipulant que chacune doit apporter troupes et assistance. Les Autrichiens ont avec eux deux bataillons de schützen, les Prussiens, un bataillon de jaegers. Assez rapidement, ces deux contingents repartent et ne combattent plus pour Napoléon tout en signant des trêves avec la Russie.

À côté de ces unités étrangères alliées à l’Empire, des troupes légères, étrangères elles aussi, combattent sous commandement français. On compte parmi elles le régiment de la Tour d’Auvergne renommé 1er régiment étranger en 1811, composé de prisonniers, autrichiens et espagnols pour la plupart ; celui d’Isemberg, créé en 1805 à Mayence et commandé par le Prince d’Isemberg ; le régiment de Prusse, formé en 1806 après la bataille d’Iena et approvisionné par les débris de la Légion hanovrienne en 1811 ; la Légion Irlandaise, formée d’opposants irlandais à la couronne britannique ; les régiments suisses, formés par les troupes survivantes des demi-brigades helvétiques de la Révolution, les troupes légères du bataillon valaisan et de la Principauté de Neufchâtel où règne le maréchal Berthier proviennent également des montagnes Suisses ; les régiments de la province illyrienne en Croatie actuelle ; les régiments espagnols formés de Français et d’Espagnols opposés au retour des Bourbons ; les caçadores de la Légion portugaise formée par le décret du 20 mai 1808 ; la Légion piémontaise levée dès 1803 avec d’anciens soldats au service des Sardes durant la première campagne d’Italie. Dans des expéditions plus exotiques, un décret du 17 nivôse An X (7 janvier 1802) autorise la formation du bataillon des Chasseurs d’Orient ou bataillon des chasseurs à pied grecs. Un autre corps de troupes légères grecs est fondé dans les iles Ioniennes en 1809. Dans les régions balkaniques, les pandours albanais passent au service de l’Empire à partir de 1810 et sont très rapidement suivis de pandours dalmates et croates. Nombre de ces corps sont anéantis durant la campagne de Russie et reversés dans d’autres unités dès 1812. D’autres servent l’Empereur jusqu’en 1814, et sont licenciés lors de la première Restauration.

Nous l’avons vu en introduction, il n’y a pas que la France et ses alliés qui utilisent les régions montagnardes ou forestières comme réservoir de troupes légères. L’Autriche a ses Tyroliens très redoutés pour leur habileté40, et des corps de légers connus sous le nom de « talpaches » ou « pandours », venant de Croatie et de Hongrie.41

40 « Les Autrichiens eurent d’abord des troupes légères à pied plus nombreuses et plus expérimentées. Leurs Tyroliens et chasseurs du Loup furent connus et redoutés dès les premiers engagemens. » Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, p. 108. 41 Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, p. 16. 24

Toutefois, lors des guerres de la Révolution, l’Autriche tend à diminuer ses effectifs militaires et notamment son infanterie légère comme le note le Journal de Paris :

« Autriche. Le prince Charles s’occupe jour et nuit de la nouvelle organisation de l’armée autrichienne, qui est calquée sur celle des armées françaises. Les troupes légères, infanterie et cavalerie, seront considérablement augmentées, et l’infanterie de ligne diminuée. Tous les corps francs sont licenciés. »42

Le royaume d’Espagne ne peut compter que sur ses chasseurs pyrénéens ou « miquelets » qui signifie une bande de tirailleurs43 ou bien sur ses nombreuses unités de guérilléros qui se forment spontanément lors de la guerre d’Espagne. Les nombreuses montagnes et vallons de ce pays se prêtent au service des troupes légères. Tout comme la France révolutionnaire, les armées espagnoles se déploient très souvent en tirailleurs afin de combattre plus efficacement les colonnes françaises, comme en témoigne le capitaine Desboeufs lors d’une escarmouche avec les troupes du général Blake y Joyes :

« Arrivés à un endroit qu’on appelle le Carrascal, nous vîmes descendre de la montagne qui borde la route à gauche environ deux mille Espagnols, dont deux cents à peu près de cavalerie. La moitié de cette troupe se forma en carré au pied de la montagne, le reste se divisa en tirailleurs et partie sur notre gauche, menaçant nos voitures. »44

Il est toutefois important de préciser que la majorité des hommes – et femmes – pratiquant la guérilla lors de la guerre d’Espagne ne sont pas des soldats. Ce sont le plus souvent des paysans ou citadins prenant les armes contre un envahisseur souhaitant installer un roi peu apprécié. Alors que les voltigeurs et leurs équivalents européens combattent telle une battue organisée et encadrée par des officiers et sous-officiers afin de conserver une cohésion où personne ne soit trop en avant ni en arrière, les guérilléros, eux, forment une bande quelque peu désordonnée et parfois mal commandée mais sachant aussi qui tuer dans la hiérarchie de la compagnie pour désorganiser la cohésion de l’adversaire.

A Waterloo, de nombreuses légers combattent dans les deux camps. Si les troupes françaises ont, en 1815, une certaine homogénéité dans l’armement et l’équipement, les troupes légères coalisées se distinguent par deux sortes. Les Light foots anglais et leurs équivalent prussiens, hanovriens, etc… sont similaires à leurs homologues françaises puisqu’ils forment des régiments de légers et des compagnies de tirailleurs au sein des

42 Journal de Paris, 21 vendémiaire An X. 43 « Sur ces frontières âpres et vallonneuses, les Espagnols, qui d’abord eurent quelques succès, faisaient faire le service d’éclaireurs à leurs miquelets ; nous leur opposâmes aussi nos montagnards qui furent formés en compagnies » Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, p. 112. 44 Desboeufs, Souvenirs du capitaine Desboeufs, 1901, p. 144.

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE régiments de ligne. Ce sont surtout les rifles, de l’anglais « riffled » rayé, comme le canon de leur fusil mais aussi les jägers et schützen prussiens qui sortent des standards. En effet, ils sont en uniformes vert sombre, plus discret que le rouge traditionnel anglais ou hanovrien, ce qui permet une plus grande discrétion dans les embuscades ou les terrains à couverts. Cela se remarque lors du combat pour la prise de la ferme d’Hougoumont où les jägers du Duché de Nassau sont tapis dans la forêt et le verger attenant au corps de ferme,à l’abri des gros bataillons de la division du Prince Jérôme. Les autres, à couvert dans les champs, cueillent la Moyenne Garde lors de sa charge sur le centre du dispositif anglais.

Ce que l’on peut constater dans cette énumération de troupes légères françaises et étrangères, c’est que l’Europe entière s’est mise à leur diapason. Les écrits de Saxe et l’utilisation préconisée par Frédéric II, dont l’œuvre au sein de son armée inonde encore les mémoires et écrits au début du XIXe siècle, ont grandement influencé les doctrines militaires européennes. Toutes les armées du Vieux Continent se dotent de troupes légères et contribuent à un changement d’état d’esprit : la guerre ne se fait plus simplement par le choc de l’infanterie de ligne mais aussi grâce à un harassement et un épuisement des lignes adverses par des actions de flanquement et d’embuscades. On voit l’empreinte de l’art militaire de Napoléon sur les armées alliées qui se composent de voltigeurs dès leur création.

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(1) Voltigeur ; (2) ; (3) Chasseur ; (4) Voltigeur, tenue portée en campagne ; (5) Chasseur, tenue portée en campagne Rousselot, Infanterie légère 1812-1815, L’Armée Française, planche N°76

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Chapitre II UNIFORMES ET HABILLEMENT

« Tous les bataillons d’infanterie légère porteront l’uniforme ainsi qu’il suit : Habit-veste, gilet et culottes en drap bleu national. Le liseré de l’habit-veste en drap blanc. Patte de parements écarlate. Petit collet montant écarlate. Doublure bleu pour l’habit-veste. Gros et petits boutons jaunes à la république, avec le numéro du bataillon. La coiffure sera un casque de cuir verni de couleur verte. »

Décret du 7 septembre 1793 : de l’habillement de l’infanterie légère.

SOMMAIRE

 Les légions de volontaire de l’An II  L’infanterie légère impériale  Les uniformes des légers adverses

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(I) Schako de chasseur avant 1806 modèle 1801 ; (II) Schako de chasseurs en 1806 ; (III) Schako d’officier de voltigeurs et chasseurs de 1806 à 1810 ; (IV) Schako de chasseurs sans jugulaire. Le schako des voltigeurs est pareil, avec plumet jaune ou vert, ou bien vert et jaune et la cordelière blanche ou jaune, ou verte ; (V) Schako de carabiniers sans jugulaire. On le voit orné d’une flamme rouge bordée de blanc comme le schako des hussards ; (V bis) Plaque de schako de voltigeurs ; (VI) Fleuron de giberne de voltigeur, métal argenté fondu et ciselé ; (VII) Habit d’officier de voltigeurs en 1812 ; (VIII) Bonnet de police de voltigeurs de 1804 à 1812. Les carabiniers ont le galon rouge ainsi que le gland ; devant : une grenade rouge. Les chasseurs n’ont ni galon, ni ornement devant ; passepoils blancs ; (IX) Bonnet de police de chasseurs de 1804 à 1812 avec la flamme rentrée dans le bandeau et le gland sortant de l’échancrure de devant ; (X) Bonnet de police de tous les soldats de 1812 à 1815.

Charmy, Infanterie légère de 1804 à 1815, Splendeur des Uniformes de Napoléon, Planche III, 2004, p. 114. 29

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Dans le chapitre à propos des troupes légères paru dans son ouvrage Considérations sur les grandes opérations de la campagne de 1812, Nīkolaĭ Aleksandrovīch Okunev dresse une sorte de règlement d’habillage de l’infanterie légère afin de faciliter sa tâche lors des mouvements rapides :

« Ayant égard à un service aussi compliqué, qui demande de très grands efforts et un emploi constant de forces physiques, il est non-seulement nécessaire, mais même indispensable, de jeter un regard attentif sur l’habillement du tirailleur, qui doit être aussi léger que commode. Si pour l’infanterie de ligne il est permis en quelque sorte de sacrifier l’utile à l’agréable, un habillement lourd et incommode, pour le tirailleur, serait un défaut imminent, car cette sorte d’infanterie manquerait de forces physiques pour remplir le service non interrompu qui lui est imposé. Forcés souvent de charger leurs armes dans des positions de gêne, il faut bien prendre garde de l'augmenter par l'habillement et le bagage qui leur est indispensable d'avoir toujours avec eux. Le tirailleur est si souvent dans le cas de s'asseoir, de se coucher, de se mettre à genoux, de grimper et de sauter, que ce serait lui ravir tous les moyens de t'attaque et de la défense que de paralyser ses mouvements en l’assujettissant à un habillement qui ne soit pas conforme à toutes ces positions. Le fantassin léger, abandonné, comme je l’ai dit plus haut, des heures entières à son propre courage, à sa science et à la combinaison de ses idées, perdrait facilement beaucoup de cette confiance que l’homme possède toujours, lorsqu’il peut faire aisément usage de ses armes. »45

Les légions de volontaires de l’An II

Avant l’amalgame des demi-brigades légères en 1793, les bandes de tirailleurs et autres légions ont leurs uniformes propres et aucun règlement jusqu’en 1793 ne décide de l’uniformisation des habillements. Ainsi, la légion des Allobroges possède un habit-veste et un pantalon couleur olive ; les chasseurs Basques ont des tenues très flamboyantes mais également très serrées et près du corps pour faciliter les mouvements. Les Légions des Pyrénées et du Midi sont vétues toutes deux de couleur bleu ciel. On trouve également d’autres particularités comme la Légion Noire, nommée ainsi d’après la couleur de son habit- veste, et qui participe sous les ordres de Hoche à la désastreuse expédition d’Irlande de 1796 visant à déstabiliser l’Angleterre grâce au soutien des rebelles irlandais. Son uniforme noir est fait en grande partie de récupération parmi les habits pris à l’ennemi lors du débarquement Anglo-Vendéen raté sur la presqu’ile de Quiberon en 1795. La Légion Italique, constituée par décret du 22 fructidor an 7 (8 septembre 1799), est formée par les Italiens mais aussi des Suisses et des Français fuyant les Austro-russes qui pillent la plaine du Pô en 1799.46 Elle

45 Okunev, Considérations sur les grandes opérations de la campagne de 1812, 1842, p. 185. 46 « Nice, le 12 fructidor. Les excès commis par les Autrichiens et les Russes nous font regretter des Italiens. Tous les jours il en vient qui fuient leur barbarie, et demandent à servir les Français pour se venger. On les envoie à Nice où il se forme une légion italique. » Le Moniteur, 25 fructidor An VII. 30

constitue en quelque sorte, avec les demi-brigades helvétiques, les premières légions étrangères au service de Napoléon. Son uniforme est vert, pantalon comme habit-veste, avec des parements de couleur jaune.

Les unités de chasseurs de la Révolution sont sans aucun doute inspirées des rangers américains de la guerre d’indépendance américaine qui tinrent tête aux Red Coat anglais et les défirent dans de nombreuses embuscades. Les habits-veste verts de certaines légions de volontaires en sont l’exemple parfait. La couleur étant sombre, elle permet une certaine discrétion que beaucoup regretteront lors des réformes ultérieures. Néanmoins, l’extravagance de certains uniformes, tant par les couleurs que par la forme, laisse à penser un certain empressement des armées françaises à se reconstituer numériquement, d’où ce que Jean-Paul Bertaud nomme l’ « armée de carnaval »47.

Il faut attendre 1793 pour voir les premières réformes sur l’uniforme des troupes légères. La cohue des volontaires fait que personne n’a le même habillement, surtout au niveau des couvre-chefs : chapeau, tricorne, bonnet de police, etc … On procède le plus souvent à la récupération d’effets sur les morts, français ou adverses. On ne se reconnait que grâce au port de la cocarde et à ces uniformes bigarrés. Le témoignage de François Vigo- Roussillon, lors de la campagne d’Italie de 1796, va dans ce sens : « Nos habits, usés pendant les longues guerres de montagnes avaient été remplacés par tout ce qui était tombé sous la main des soldats »48

Le discours de Bonaparte à son armée d’Italie en 1796 : « Soldats, vous êtes nus, mal nourris … » peut se vérifier dans toutes les armées par plusieurs lettres et rapports envoyés de par divers commandants. En 1795, une lettre envoyée au Ministère de la Guerre détaillait la situation vestimentaire de la 22e demi-brigade d’infanterie légère, la décrivant comme « presque nus » et ayant grand besoin de souliers pour le service des avant-gardes. De même, le capitaine Duthil, de la 14e demi-brigade légère déclarait : « Depuis un an, l’armée n’a reçu de l’administration que de la poudre et des projectiles […] Le grade des officiers est distingué, pour la plupart, par des épaulettes de laine d’une teinte orangée ; ils manquent absolument de tout ce qui constitue l’uniforme »49 Si la pénurie touche également les officiers et sous-officiers, c’est qu’eux-mêmes proviennent de la troupe et les services d’intendance de l’armée ne sont pas en mesure de répondre aux nombreuses commandes qui affluent de toutes parts. Ainsi, les troupes légères des premiers temps de la guerre arborent des uniformes clinquants, faits de la récupération de vêtements civils et militaires, le plus souvent impropres au service des légers et donc devant être remplacés très souvent.

Finalement, l’uniforme de l’infanterie légère est déterminé par le décret du 7 septembre 1793. Ce règlement sert alors de base à l’habillement des légers jusqu’en 1812 et la réforme Bardin. Mais on apprend, tant par les rapports d’inspection que par l’iconographie d’époque, que les unités de troupes légères prennent cette règle avec une certaine liberté.

47 Bertaud, La Vie quotidienne des soldats de la Révolution, p. 55. 48 Idem, p. 56. 49 Bertaud, La Vie quotidienne des soldats de la Révolution, p. 60. 31

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L’infanterie légère impériale

Du chapeau aux souliers, le soldat français du Premier Empire est presque toujours vêtu de bleu, sauf en 1807 où l’on tente, par une réforme vite avortée, de vêtir en blanc quelques régiments. A vrai dire, l’habillement de la troupe se fait souvent par récupération puisque les services d’intendance ne sont pas prioritaires dans les convois et sont souvent peu efficaces. Pour les légers, aucune réforme de l’habillement ne fut entreprise, pas plus que des pistes de réflexions par les commandants d’unités légères. On garde l’héritage révolutionnaire des amalgames qui permettent une certaine reconnaissance des unités entre-elles.

Le couvre-chef est appelé « shako », du hongrois csákó, chapeau « à bords écartés ». c’est une sorte de casquette haute faite de cuir de mouton noir avec une visière et garni en campagne d’un couvre-shako. Ce dernier garantit au shako une protection contre les éléments naturels tels que branches, poussière, mais aussi contre la poudre : tout ce qui peut endommager ses éléments, cocarde, insigne, cordons-raquettes, etc… Ces pièces brillantes risquent de trop attirer l’attention de l’ennemi dans certaines situations comme les patrouilles ou les reconnaissances. Il est donc normal d’essayer d’y remédier en le recouvrant d’un étui protecteur, aussi le shako n’est finalement découvert que lors des parades. La plaque de cuivre sur le devant indique le numéro du régiment, elle est agrémentée du cor de chasse. Une cocarde bleue, blanc, rouge est agrafée au-dessus de la plaque et un pompon jaune (voltigeurs), bleu (chasseurs) ou rouge (carabiniers) surmonte le tout. Toutefois, le shako n’est rendu obligatoire que par un règlement de 1810, bien qu’il équipe déjà divers régiments.50 Il remplace alors le bicorne. L’iconographie montre certains voltigeurs avec des colbacks semblables à ceux des hussards sans en donner d’explications, il s’agit d’une bonne à poil cylindrique et plat sur le dessus. Jusqu’à la réforme de 1808, les carabiniers portent un bonnet à poil, sorte de relique des anciens temps de la Révolution, puis, ces bonnets sont remplacés par des shakos à parements rouges.

Le bonnet de police, ancêtre en quelque sorte du calot actuel de certaines armées, est la coiffe portée au bivouac et lors des manœuvres d’entrainement. Il est de la même couleur que l’habit-veste avec la particularité d’être orné d’un petit cor de chasse blanc, vert ou rouge cousu sur le devant. Lors des combats ou des marches, il peut être plié et rangé sous la giberne et tenu grâce à deux sangles de cuir. Grâce à l’iconographie et aux mémoires de soldats, on sait que de nombreux hommes combattent avec ce bonnet notamment en Espagne, en Russie et plus généralement lors de la campagne de 1815, du fait des énormes difficultés rencontrées par les convois d’intendance au cœur des territoires ennemis.

L’habit-veste est du même bleu foncé que celui de l’infanterie de ligne. Les troupes légères de l’Empire portent l’épaulette, parement des troupes d’élite. Ces épaulettes varient en fonction des carabiniers, chasseurs et voltigeurs. Le gilet est porté sous l’habit-veste. Il est le plus souvent de couleur bleue et à manches longues, et d’une poche sur le côté droit, le plus souvent pour y stocker un ou deux silex de rechange.

50 Desboeufs, Souvenirs du capitaine Desboeufs, p. 7. 32

La capote n’est réglementée qu’à partir d’avril 1806, mais équipe déjà de nombreux corps sous diverses formes51, la plus répandue étant une sorte de long manteau en laine claire, peu adéquat pour le service des légers mais très pratique pour les bivouacs dans les temps difficiles : car son usage a été nécessaire dès la première campagne des guerres de la Révolution, car le mois de septembre 1792 a été marqué par des pluies fortes. De ce fait, les commissaires aux armées écrivent à la Convention pour faire équiper les soldats de capotes destinées à les protéger. Elles sont le plus souvent de couleur sombre ou grise, délivrées comme gratification et comme “moyen de faire campagne”. Toutefois beaucoup d’unités n’en sont pas pourvues tout de suite. Les capotes sont des vêtements de première nécessité, mais, à l’instar des chaussures, elles sont fournies quand l’intendance le peut. C’est de toute façon par la réquisition et la récupération que les capotes se retrouvent le plus en dotation.

Le pantalon est bleu ou en toile blanche durant les campagnes d’été. Il est soutenu par des bretelles et porté au-dessus des guêtres. Ces dernières sont parfois portées au-dessus du pantalon et ont des formes similaires aux bottes « à la hongroise » portées par les hussards et les chasseurs à cheval. Arrivant à mi- mollet, le tissu noir est fermé par une douzaine de petits boutons de cuir. Les chaussures sont garnies de clous pour mieux adhérer aux surfaces et éviter les glissades.

On constate une différence dans les couleurs des épaulettes, des pompons et des bandes de shakos. Les carabiniers sont dotés de rouge puisqu’ils forment les compagnies d’élites des bataillons. Les chasseurs n’ont pas d’épaulette mais simplement une patte d’épaule, de couleur bleue, ainsi qu’un pompon bleu. Les voltigeurs issus des régiments de légers ont un uniforme quelque peu différent de ceux des régiments de ligne. En effet, ces derniers gardent les galons de shako de couleur jaune, de même que leurs épaulettes, tandis que ceux des premiers sont de couleur verte. En fait, il s’agit d’une différence inhérente à tous les régiments de ligne pour les différencier des légers.

L’uniformisation n’est pas au rendez-vous en 1815, ni d’ailleurs dans les années précédentes, d’une part à cause de la première Restauration en 1814 qui modifie certains aspects de l’uniforme, à savoir par exemple les plaques régimentaires de shako, et d’autre part en raison d’une intendance défaillante.

Finalement, toutes les pièces d’uniforme que nous venons de passer en revue sont, à peu de choses près, semblables à celles du de ligne. Mis à part les parements jaunes ou rouges, on ne distingue pas de vêtements propres à l’infanterie légère. Le pantalon bleu n’est pas plus serré au corps que le celui des fusiliers ou grenadiers, Le shako est lui aussi couvert, l’habit-veste est inchangé et les chaussures sont celles réglementaires de l’armée, sans aucune amélioration bénéfique aux mouvements rapides.

51 Pétard, Le chasseur de l’infanterie légère, Uniformes, N°49, p. 22. 33

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Dans la Garde impériale, l’uniforme du chasseur à pied peut aisément se confondre avec celui du de la Garde52, mis à part quelques détails. Ces différences sont notamment décelables au niveau du bonnet d’ourson qui n’a ni plaque, ni « cul de singe » à son sommet ; par ailleurs, le plumet et les épaulettes sont bicolores. Enfin, les retroussis de manche sont ornés de grenades et de cors de chasse. En 1807, l’habit est bleu foncé avec des revers blancs taillés en pointe comme de tradition dans le corps des chasseurs. L’habit compte une trentaine de boutons, tous ornés de l’aigle impérial. Le surtout est le vêtement de campagne par excellence. Le chasseur en a l’usage dans tous ses déplacements, marches et autres exercices, alors que l’habit n’est porté que lors des parades et des combats. Le surtout est lui aussi bleu avec les épaulettes et les insignes de grades. Cet équipement disparait en 1810.53

La différence entre les chasseurs et les tirailleurs de la Garde se constate au niveau du couvre-chef : la Vieille Garde porte le bonnet d’ours tandis que les Jeune et Moyenne portent le shako avec une plaque dorée, insigne de la garde impériale.

L’habillement des tirailleurs-chasseurs de la Moyenne Garde est fixé par un décret du 10 mai 1809. L’habit est similaire à celui du reste de l’infanterie légère à la différence que les pattes d’épaules, et non les épaulettes, sont en drap vert liseré de rouge. Les boutons jaunes portent l’aigle impérial. Le shako, comme pour les autres régiments de la Garde, est garni d’un aigle couronné de couleur dorée, d’un cordon-raquettes blanc et d’un pompon vert sphérique.

Chez les flanqueurs-chasseurs de la Garde, les officiers supérieurs portent la tenue des chasseurs à pied de la Vieille Garde avec les bottes avec le shako de la Jeune Garde plus un large plumet vert et rouge à son sommet, tandis que les officiers subalternes portent la tenue verte, spécifique du régiment, avec le même shako que les hommes de troupe. L’habit-veste est en drap vert avec passepoils jaune, le shako supporte un pompon en poire, par moitié jaune et vert.

Les conscrits-chasseurs portent le même habit que les tirailleurs-chasseurs. Seuls les retroussis de manches garnis de cors de chasse de laine dorée marquent la différence. L’habit- veste et le pantalon sont tous deux bleus.

Lors de la transformation des régiments de légers de la Moyenne Garde et de la Jeune Garde en voltigeurs, ceux-ci reprennent la tenue des tirailleurs-chasseurs et les distinctions des compagnies de voltigeurs des régiments de ligne, à savoir le collet jaune et les épaulettes vertes. Les sapeurs du régiment sont coiffés du bonnet d’ours, habituel honneur de la Vieille Garde et portent un habit-veste similaire aux voltigeurs orné toutefois de deux haches croisées pour signifier l’appartenance à l’unité de sapeurs.

52 Pétard, L’homme de 1807 : le chasseur à pied de la Garde, Uniformes, N°81, p. 10. 53 Idem. 34

De toute évidence, mis à part certains détails comme la couleur ou les insignes, l’uniforme des légers de la Grande Armée n’est en rien différent de celui de l’infanterie de ligne. Les chasseurs n’ont pas d’épaulettes, tout comme les fusiliers. Les voltigeurs n’ont pas de tenue propre au camouflage alors qu’ils sont destinés au service des tirailleurs et des tactiques de la « petite guerre ». On peut alors croire que les anciens carabiniers du temps des guerres de Révolution, reversés en partie dans les chasseurs à pied de la Garde, ont récupéré le bonnet d’ours. Cela revient à favoriser symboliquement, via l’uniforme, la Garde impériale très chérie par Napoléon par rapport à l’infanterie standard pourtant bien plus envoyée au combat, au moins jusqu’en 1814. Le « bleu national » que nous connaissons bien pour le maillot de nos équipes sportives, est ici en dotation pour absolument toutes les unités. En 1808, Napoléon déclare que : « La couleur bleue est la meilleure de toutes les couleurs – d’ailleurs c’est sous laquelle nous sommes connus en Europe. »54

Finalement, chaque unité est différenciée par des parements rouges, bleus ou jaunes, les trois couleurs de base qui distinguent les unités de l’infanterie française, carabiniers ou grenadiers, chasseurs à pied ou fusiliers et voltigeurs.

Les uniformes des légers alliés et adverses

Pas plus que l’Empire français, ses alliés ne développent de cohésion dans l’habillement pour opérer à couvert. Les différentes principautés ont des uniformes aux couleurs nationales. On peut penser aux unités polonaises au service de Napoléon et celles du Grand-Duché de Varsovie, vêtues de bleu foncé avec des détails très liés aux traditions comme la czapka polonaise, ou bien aux troupes suisses toutes de rouge vêtues.

Si la France ne se distingue pas par une recherche du camouflage, les autres nations ont développé un certain art pour rendre leurs unités de légers assez difficiles à traquer dans des milieux forestiers ou montagneux. L’exemple des 95th Rifles anglais représente assez bien cette doctrine de camouflage. Leur uniforme est vert et noir afin de mieux se fondre dans des milieux sombres. Il en va de même pour les légers prussiens et ceux des autres principautés allemandes en guerre contre l’Empire en 1815, dotés d’uniformes vert foncé ou noir. Malgré tout, pour les troupes légères européennes, l’art vestimentaire n’en est qu’à ses balbutiements et certains voient de l’ostentatoire plutôt que l’aspect pratique dans les différents habillements.55 Toutefois, les rifles sont des unités bien particulières, semblables aux voltigeurs français dans leur utilisation, mis à part qu’ils ne font pas le service des tirailleurs comme nous l’entendons mais sont dispersés sur le champ de bataille. A côté de ces unités, les anglais incorporent des unités de légers dans leurs bataillons de ligne, également pourvus d’uniformes rouges à parements jaune ou vert. De nature plus particulière, les célèbres 42nd Black Watch et 92nd Gordon’s Highlanders sont pourvus de compagnies légères dotées de kilt. Néanmoins, le 71st « Glasgow Highland » Regiment, régiment de légers, est habillé de

54 Napoléon, Correspondance, vol.17, p. 366. 55 La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 91. 35

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE pantalons de couleur grise et non de kilts, peut-être pour favoriser le tiraillement et le pas de course auxquels sont habituées les troupes légères.

Finalement, le comte de la Roche-Aymon pose les bases de l’habillement de l’infanterie légère, à savoir prendre exemple sur les professionnels de la chasse afin de savoir quels vêtements sont les plus appropriés au service des légers :

« Veut-on résoudre le problème de l’habillement de l’infanterie légère, il ne faut que s’adresser aux chasseurs et aux braconniers? Ils répondront bientôt qu’avec l’habillement tel qu’il est, qu’avec des pantalons plus ou moins étroits, des habits plus ou moins étriqués, une coiffure plus ou moins haute, un fourniment souvent disproportionné à la force de celui qui le porte, on ne peut prétendre, non pas encore à tirailler devant l’ennemi, mais même à chasser pour son plaisir. Il n’est pas de chasseur, tout intrépide qu’il soit, qui ne s’effrayât d’être contraint, avec le costume habituel de l’infanterie légère, de se promener même ainsi quelques heures de suite. Une bonne infanterie légère ne devant se former que de chasseurs enrégimentés, il est de la dernière importance de lui donner un habillement qui la rapproche du but de son institution.»56

56 La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, 1817, p. 92. 36

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Chapitre III ARMEMENT ET ÉQUIPEMENT

« Quant au fusil, il le faut léger et de bonne portée : je proposerai le fusil et la baïonnette que l’on a donnés aux dragons. Le poids d’une arme plus lourde ne convient pas à un homme qui doit être leste et ingambe, dont les manoeuvres dans les rangs doivent se faire souvent à la course. »

Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, 1814, p. 261.

SOMMAIRE

 Le fourre-tout révolutionnaire  La Grande Armée : le fusil plutôt que la carabine  Rifles, Jägers, Schutzen, etc…

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(1) Chasseur, 1804-1806, d’après un dessin allemand ; (2) Chasseur, 1804-1806, d’après un dessin allemand ; (3) Officier de carabiniers du 14e léger, d’après un dessin de Hecquet ; (4) Chasseur en tenue de campagne, 1809 ; (5) Chasseur, 1809 ; (6) Chasseur d’après une gravure anonyme, vers 1808 ; (7) Chasseur, d’après Guérin, 1808. Rousselot, Infanterie légère 1804-1813, l’Armée Française, Planche N°5

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Le fourre-tout révolutionnaire

Avant l’amalgame de 1793 et le passage à l’uniforme bleu pour les troupes légères, chaque légion provinciale possèdait son propre uniforme et parfois même ses propres équipements pour pallier le manque de moyens de certaines armées. L’ « état militaire » de certains soldats se résume par ailleurs à un fusil sans baïonnette et une giberne pour les munitions. L’armée d’Italie de Bonaparte en 1796 est un parfait exemple du manque de moyens même si l’imagerie générale tend à exagérer ce point. À propos de l’armement, les montagnards et forestiers, qui pratiquent la chasse depuis des décennies, sont tout à fait à même de manier leurs propres fusils et carabines. Certains sont même équipés des Charleville 1766, plus courts et donc plus adaptés à une utilisation en terrain difficile. Petit à petit, les nouvelles levées sont équipées du Charleville 1777, plus long mais plus performant.

Ce véritable « fusil de la victoire », encensé par les commissaires de la Convention, devient l’arme par défaut de toutes les unités de l’armée, excepté les carabiniers à pied et les unités de cavalerie qui conservent le mousqueton. Pourtant, les petits soldats de l’infanterie légère éprouvent des difficultés avec une arme si longue dans leurs mains. De plus, manier un fusil long d’1,50 mètre dans des terrains exigus comme les pentes de montagne ou les forêts n’est pas chose aisée, encore plus lorsqu’il faut opérer la charge de l’arme en douze temps précis, bien que pour les troupes légères, ces douze temps ne soient pas respectés faute de place.

Cependant, les manufactures d’armes, que la République vient tout juste de nationaliser en ce début des guerres de Révolution, ne peuvent honorer complètement les commandes. Ainsi, en 1793, le député du Jura Bernard, déclare que les armes manquent plus que les bras pour les utiliser.57 Diverses archives municipales vont dans ce sens et mentionnent des compagnies partant sans arme.

La Grande Armée : le fusil plutôt que la carabine

Long d’environ 1,50 mètre et pesant près de quatre kilos, le Charleville a une portée utile de 100 mètres, au-delà le projectile perd toute sa précision, malgré la modification de l’arme en l’An IX (1800). Certains, comme le général Duhesme, souhaitaient donner aux voltigeurs les carabines utilisées par les dragons pour plus de mobilité et de praticité. Modèle de base des fusils de l’infanterie pendant la Révolution Française, il est le résultat des diverses modifications apportées aux différents fusils fabriqués depuis 1765, dont l’une des plus importantes, l’interchangeabilité de toutes les pièces d’une arme à l’autre.

Les officiers et sous-officiers ont été un temps pourvus en carabines à canon rayé, modèle 1793. On compte huit carabines par compagnie, pour trois officiers, un sergent-major et quatre sergents. Les inconvénients de son utilisation sont, outre son rechargement plus long qu’un fusil, la spécificité des munitions, le nettoyage difficile dû à un encrassage rapide,

57 Bertaud, La vie quotidienne des soldats de la Révolution, p. 82. 40

etc…. Le général Bardin déclare: « Par une détermination restée, pour ainsi dire, sans résultats, Bonaparte voulut en vertu des décrets de l’an douze et de l’an treize que les officiers, sergents et fourriers des voltigeurs reçussent des carabines sans baïonnettes »58

Certains exemples de légers français armés de carabines à canon rayés nous sont parvenus mais restent très succins dans leur description. On peut compter les carabiniers des Bataillons Francs, créés par décret du 14 pluviôse an 8 (3 février 1800), qui maintiennent l’ordre dans les départements de l’ouest français face aux velléités des Chouans et des Vendéens.

La buffleterie, à savoir les pièces de cuir comme les portes gibernes ou baïonnette, des troupes légères française est de couleur blanche. Elle est en vigueur dans toutes les unités de la Grande Armée, de l’artillerie à la cavalerie, en passant par l’infanterie, la Garde Impériale, les troupes de marine et les autres services de l’armée.

Mais la particularité des unités de légers est le port d’un petit sabre agrémenté d’une dragonne verte sur la poignée. L’arrêté de création des voltigeurs leur a accordé cette distinction. En effet, l’aspect « élitiste » de l’infanterie légère lui donne le droit de porter le sabre alors que ses congénères de la Ligne n’ont qu’une baïonnette. Toutefois, le sabre « briquet » de l’An XI n’est réglementé que pour les carabiniers, qui formaient alors les compagnies d’élites des bataillons d’infanterie légère - à l’instar des grenadiers de la Ligne. Les sous-officiers et les musiciens en sont également pourvus. La raison pour laquelle les simples soldats ont accès au sabre briquet tient du fait qu’il faut encore vider les stocks des sabres de 1767. Le décret impérial du 7 octobre 1807 ordonne aux voltigeurs, ainsi qu’aux chasseurs à pied, de se débarrasser de ce sabre "briquet", seuls les sergents et les caporaux devant le garder. Mais il se heurta à une grande hostilité des soldats, désireux de conserver une décoration honorifique. La campagne de Russie, la disparition d’un grand nombre d’hommes et de matériel, puis 1813 et la création d’une nouvelle armée provoquèrent l’application du décret. Après la première abdication de Napoléon en 1814, les voltigeurs retrouvent cette arme à laquelle ils tenaient tant, car le 16 janvier 1815, le roi Louis XVIII ordonne que le sabre-briquet équipe de nouveau l’infanterie légère.

Le petit sabre des troupes légères n’est cependant pas une nouveauté. Les arquebusiers de Grassin, les fusiliers de la Morlière ainsi que les volontaires cantabres et bretons étaient déjà équipés d’un sabre d’acier d’une plus grande longueur59. Il pose la symbolique du soldat léger, se battant en formation dispersé et donc comptant sur ses seuls ressources. ll est donc l’arme défensive de ces « enfants perdus ». Sous l’Empire, cette tradition est jalousement gardée par les troupes légères afin de faire perdurer cet honneur et surtout la confiance faite aux tirailleurs réputés pouvoir se battre en autonomie, donc avec une petite arme personnelle, là où chaque homme de la ligne compte sur toute sa compagnie pour sa défense.

58 Bardin, Dictionnaire, p. 1023. 59 Ariès, Les troupes légères au service du roi 1742-1763, Uniformes, p. 36-38. 41

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Le havresac, équivalent de notre sac à dos actuel, sert à stocker le petit équipement, et transporter la capote, pliée lors des campagnes d’été. Il n’existe pas de modèle spécial pour les légers, seulement des règlements sur son poids, qu’il doit être très léger pour éviter aux voltigeurs d’être trop gênés. Le havresac est confectionné à partir de fourrure de bovin et doublé par une toile, qui sert aussi à compartimenter l’intérieur.

La giberne est confectionnée en cuir noir et son ouverture est garnie d’un cor en métal jaune. En campagne, le soldat y ajuste un « couvre-giberne » en toile blanche. Elle sert à stocker les cartouches et le petit matériel pour entretenir et nettoyer le fusil, elle est fixée sur les reins par une ceinture pour ne pas gêner lors des pas de course ou de charge. Le sac de distribution est une sorte de « fourre-tout », un auxiliaire du soldat. En plus de ses nombreux autres usages, les soldats peuvent s’en servir pour couvrir leurs jambes la nuit au bivouac.

La gourde des soldats est parfois en bois et cerclée de métal, parfois en verre entouré d’osier. La plus courante est faite d’étain et peut contenir près d’un litre. Pour les voltigeurs, elle est leur meilleure alliée et est d’une importance capitale lors de leurs mouvements et de leurs longues marches dans des milieux difficiles. Toutefois, la gourde des voltigeurs n’est ni plus grande ni plus petite que celle des autres troupes.

Comme pour les uniformes, les troupes légères ont le même équipement que leurs collègues de la ligne. Les deux armes sont pourvues du même fusil, du même équipement et du même uniforme, seuls les parements et le port du sabre briquet les distinguent des fusiliers et grenadiers.

L’arrêté du 22 ventôse an XII (12 mars 1804) institue deux cornets pour chaque compagnie de voltigeurs car l’usage du tambour se révèle presque inutile, les voltigeurs évoluant de façon dispersée et dans des environnements difficiles. Comme le signale le général Marbot : « malgré tous les avantages que le tambour a sur le cor, il est vrai que la difficulté de porter une caisse dans les bois ou sur les rochers, l’a fait abandonner par l’infanterie légère de presque toutes les nations, pour y substituer le cor »60 Mais ce même général expose les inconvénients du cornet : les voltigeurs et la cavalerie, qui utilise le clairon, constatent à plusieurs reprises qu’au plus fort des combats, le cornet n’est que peu audible à cause des tirs, des cris mais aussi de la fumée ou de la pluie qui empêche le joueur de cornet d’être vu de loin. Le son peu donc difficilement diriger la compagnie. C’est pour cela que les sergents ratissent la ligne pour empêcher les maladroits de confondre les ordres. Ne pouvant s’encombrer d’un tambour, les voltigeurs gardent le cornet avec l’obligation de rester à l’écoute. En revanche, les autres compagnies des régiments de légers sont fournies en tambours puisque ceux-ci restent généralement en ligne et laissent le service des tirailleurs aux voltigeurs.

Dans les régiments de la Garde, l’équipement des sapeurs comprend un tablier de peau et un porte-hache pour détruire les obstacles ou les portes. Ils sont armés d’une hache et d’un mousqueton modèle an IX, garni d’une baïonnette. Malgré le manque de sources sur leur équipement complet, des suppositions de port de sabre briquet subsistent.

60 Marbot, Remarques critiques sur l’ouvrage du général Rogniat, p. 87. 42

Là encore, peu ou pas de différences avec les fusiliers : l’équipement et l’armement sont les mêmes en vigueur dans toutes les unités d’infanterie française. Le havresac permet aux voltigeurs d’y ranger des vivres et des munitions pour des missions en autarcie. Ils occupent parfois une position où le ravitaillement et l’intendance ne peuvent suivre. Pourtant, l’équipement français n’est pas adapté à leurs missions. Il est assez imposant et tire sur le corps lorsqu’il est très chargé. Aucun modèle plus petit n’est proposé pour les unités légères ce qui peut se montrer paradoxal au vu de leur travail de marche.

Les unités légères étrangères

Si l’armement français est à peu près le même depuis le début de la Révolution, les fusils qui équipent les autres armées européennes sont de natures diverses et de modèles plus ou moins récents. Les Anglais conservent leur armement habituel en y ajoutant de nouvelles armes. Pour les nations germaniques, ce sont les chocs respectifs de la campagne d’Italie de 1796 pour les Autrichiens et la désastreuse défaite d’Iéna pour les Prussiens qui précipitent l’arrivée d’un nouveau type d’armement en même temps qu’une refonte doctrinale.

Les Anglais et les Autrichiens ont un meilleur armement ; à partir de 1801, les premiers équipent le 95th Rifles Regiment ou Green Jackets, de fusils à canons rayés Baker, à la portée utile de près de 300 mètres mais nécessitant un chargement plus long que les fusils réglementaires. Par ailleurs, leur infanterie est équipée du mousquet à canon rayé Brown Bess dont la portée se situe entre 50 et 100 mètres. Les compagnies d’infanterie légère présentes dans les régiments de ligne anglais sont également armées d’un fusil et non d’une carabine. Le Brown Bess est depuis longtemps utilisé dans l’armée anglaise, il est d’ailleurs assez plébiscité en Europe, en attestent ces soldats français qui s’en emparent durant la guerre d’Espagne du fait de sa fiabilité, malgré son âge avancé.61

Dès 1792, l’Autriche se trouve impliquée dans les guerres de la Révolution et de l’Empire. A Vienne, le ministère de la Guerre doit faire face aux premiers succès des armées françaises et ainsi améliorer ses tactiques pour combattre la rapidité de mouvement des unités d’infanterie. Il pense également qu’une partie du mérite français est due à l’utilisation du fusil Charleville 1777. En 1797, après la signature du traité de Campo-Formio et la fin de la première campagne d’Italie, une commission est chargée du développement d’un nouveau fusil. Celle-ci décide le 26 juillet 1798 de l’adoption d’un nouveau modèle inspiré par celui des français.

De nombreuses nations adoptent des fusils français, anglais ou prussiens, du simple fait qu’elles-mêmes n’en produisent pas. A Waterloo, les voltigeurs de Nassau sont équipés de Charleville et de fusils prussiens modèle 1809.

61 Baldet, La Vie quotidienne dans les armées de Napoléon, p. 50. 43

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

En réalité, toutes ces armes, excepté les carabines, ont une portée moyenne et une utilité assez similaire. Si les Charleville français semblent plus efficaces, les autres nations ne tardent pas à les copier. Par ailleurs, le Charleville et ses copies prussiennes et autrichiennes possèdent le même calibre ce qui permet de remplacer provisoirement l’armement habituel. Le fusil français est alors si glorifié par les armées de la Révolution puis sous l’Empire qu’il équipe quasiment toute l’infanterie, carabiniers et voltigeurs compris, malgré leur dénomination.

Officier et fusiliers du 95th Rifles Osprey Publishing

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Chapitre IV L’INFANTERIE LÉGÈRE DANS LA STRATÉGIE …

« 1. La sûreté de l’armée et de toutes ses parties. 2. L’établissement et la conservation des communications qui doivent exister entre ces diverses parties pour en faire un tout. 3. La protection des convois, des vivres des fourrages et du matériel. 4. La reconnaissance du terrain que l’ennemi a devant lui, et de la position qu’il occupe. 5. Enfin, toutes les manières possibles de nuire à l’ennemi, ce qui comprend les ruses au moyen desquelles on parvient souvent au résultat désiré plus facilement qu’en employant la force ouverte. »

Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, 1836, p. 23.

SOMMAIRE

 Les missions de reconnaissance  Le service des avant-postes  La surveillance des lignes de communication

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Dans ses écrits, le Comte de la Roche-Aymon parle ainsi du service de l’infanterie légère durant la campagne de Mayence en 1793 : « Dans cette marche et pendant les combats qu’elle amena, la direction des troupes légères fut tracée avec précision ; elles éclairèrent les colonnes, entretinrent leurs communications, engagèrent les combats, couvrirent les déploiemens, assurèrent les retraites. »62 Cela apparait comme un vague recensement du travail complet des troupes légères dans une campagne, mais dans l’esprit, il s’agit d’un résumé de ses différents services. Le général Duhesme se montre plus précis : « Ainsi donc un bon corps d’infanterie légère devra particulièrement bien servir dans les postes avancés ; il éclairera parfaitement un pays, couvrira constamment une marche ».63 Il pose ici les bases du travail minutieux de l’infanterie légère. Il dresse une sorte de travail de renseignement et d’intelligence, d’avant-garde et de consolidation de position ainsi que de soutien et de harassement lors de la bataille. Néanmoins, toutes les armées européennes de la fin de XVIIIe siècle ont à peu près les mêmes travaux, leur organisation étant quasiment similaire.64 Par ailleurs, le fait d’inclure dans chaque division un régiment d’infanterie légère revient en quelque sorte à installer un véritable régiment d’éclaireurs et de gardiens du camp dans tous les corps de la Grande Armée.

Les missions de reconnaissance

Sous le Premier Empire, l’infanterie légère se voit divisée en différentes compagnies. Respectivement celles des chasseurs, des voltigeurs et des carabiniers. Désormais, seul l’uniforme bleu sombre différencie les bataillons de ligne de ceux des troupes légères. Néanmoins, les « pieds légers » sont toujours aux avant, arrière, et flancs-garde.65 Joseph Beurmann indique un certain changement de mentalité dans toutes les armées européennes à l’aube des guerres révolutionnaires :

« Depuis que les principes stratégiques, qui prescrivent aux corps pesants, de n’avancer qu’avec prudence et lenteur, de ne pas s’éloigner de leurs dépôts et de leurs réserves, de s’arrêter et de se renfermer sur chaque nouvelle ligne d’opérations, ont exigé l’emploi d’un grand nombre de troupes légères pour établir les communications des corps entre eux, pour les rattacher à leurs réserves et à leurs dépôts, pour reconnaître et tenir l’ennemi eu respect; nous avons vu toutes les puissances européennes former, plus ou moins et sous différentes dénominations, leur infanterie légère. »66

62 La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 66. 63 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, p. 10. 64 « Quel que soit dans chaque puissance le mode de leur organisation et de leur instruction, le rôle qui leur est assigné en temps de guerre ne varie pas. Veiller la sûreté de l’arrière, maintenir ses communications, éclairer sa marche, surveiller les mouvemens de l’ennemi, entraver sa marche, surprendre ses quartiers, etc., tels sont les services que l’on doit attendre de l’infanterie légère, services dont l’importance sera toujours en raison du degré de son instruction, de sa vigilance et de l’exactitude de ses rapports. » Forestier, Traité sur le service de l’infanterie légère en campagne, p. II. 65 La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 68. 66 Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, 1836, p. 16. 46

Dans une lettre aux généraux de son Ier corps d’armée, datée d’octobre 1811, le maréchal Davout67 préconise l’utilisation des tirailleurs pour la reconnaissance et la protection d’une colonne de la façon suivante :

« La compagnie désignée pour éclairer une colonne ou couvrir une ligne, se portera aussitôt que son capitaine en aura reçu l’ordre, à 200 pas de la ligne ou de la colonne; arrivée au centre de l’espace qu’elle doit couvrir ou éclairer, le capitaine l’arrêtera et formera la ligne des tirailleurs... »68

Le général Duhesme précise que l’infanterie légère, dans ses services, est le plus souvent accompagnée de hussards ou de chasseurs à cheval, qui partagent leur rapidité et leur discrétion.69 Ce sont eux qui découvrent les points faibles de l’ennemi et préparent le terrain avant l’attaque des bataillons de ligne. L’association ainsi préconisée n’est pas nouvelle et date même de l’Ancien Régime où les unités de légers étaient toujours associés à de la cavalerie afin de réussir au mieux le service de la « petite guerre ».

En présence de l’ennemi, les compagnies de voltigeurs de tous les régiments sont rassemblées pour ne former qu’un seul corps qui mène l’attaque. En s’avançant, les officiers de tirailleurs doivent porter leur attention non seulement sur les mouvements de l’ennemi et de leurs troupes, mais encore aussi sur les formes du terrain dont ils peuvent tirer parti dans le cas d’un combat de pied ferme ou d’une retraite, soit pour jeter de petits ponts soit pour se retrancher à la hâte s’il en est besoin. Les tirailleurs ont pour mission d’éclairer la route mais également de contrôler les zones attenantes où les bataillons de ligne ne peuvent s’engager. On les voit donc fouiller des terrains difficiles à manœuvrer comme des forêts, une zone rocailleuse ou des marais, ou encore fouiller des bâtisses suspectes en avant de la colonne.

Le service des avant-postes

Pour le général Bardin, les avant-postes sont « l’œil des postes et des corps de garde ; ainsi, elles doivent avoir constamment l’attention fixée sur ce qui se passe autour d’elles. »70

Alcide de Forestier, lieutenant des voltigeurs au 8e régiment d’infanterie de la Garde Royale en 1824, note que « Dans toutes les armées, le service des avant-postes est confié aux troupes légères, que l’on fait soutenir par quelques pièces d’artillerie légère »71 Ce qui montre là encore une certaine uniformisation des pratiques. De nombreux généraux font effectuer le service des avant-postes par l’infanterie légère, parce que celle-ci, étant de nature plus mobile et plus rapide que l’infanterie de ligne, est plus à même de tenir et se replier rapidement pour alerter le corps d’armée principal. La fonction d’un avant-poste est, telle une

67 Louis-Nicolas Davout (1770-1823), Maréchal d’Empire et Ministre de la Guerre en 1815. 68 Davout, Correspondances, 1811. 69 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, p. 251. 70 Bardin, Dictionnaire, p. 4814. 71 Forestier, Traité sur le service de l’infanterie légère en campagne, p. 1. 47

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE porte d’entrée, de contrôler et réguler les passages vers un cantonnement et de surveiller les avants d’une armée ou d’un simple détachement.72 Tous les avant-postes sont gérés et commandés par un officier d’avant-garde, le plus souvent d’infanterie ou de cavalerie légère, qui se tient au courant des opérations par des rapports quotidiens.73

Duhesme explique pourquoi les troupes légères sont plus à même de garder les avant- postes :

« Cependant ceux qui toujours depuis le commencement de la guerre à la tête des divisions actives, ont eu la grande habitude de nos troupes, n’ont pu s’empêcher de remarquer que, dès l’aurore même de notre tactique actuelle, nos corps francs et nos bataillons de chasseurs à pied se gardaient mieux aux avant- postes, s’éclairaient beaucoup mieux, étaient plus aptes aux découvertes et aux partis, combattaient en tirailleurs avec plus d’intelligence que nos troupes de ligne, qui, en revanche; manœuvraient avec plus d’ordre et d’aplomb sur les champs de bataille, et résistaient mieux aux charges de la cavalerie. »74

Très tôt dans les guerres de révolution, les pieds légers sont de service sur les avant- postes et des piquets de garde, notamment dans les armées du Nord et du Rhin. Ils sont alors associés aux escadrons de chasseurs à cheval pour compléter la garde.75 En effet, si l’infanterie légère apparait comme les yeux d’une armée, le service des avant-postes rentre tout à fait dans ses attributions puisqu’eux-mêmes sont les éclaireurs d’une armée cantonnée et qu’ils gardent les chemins qui mènent au campement. Le fait de faire côtoyer chasseurs à pieds et à cheval remonte aux bandes de tirailleurs de l’Ancien Régime qui par ordonnance royale étaient mélangées en unités de chasseurs agissant simultanément. On est donc ici dans une résurgence d’idée plutôt qu’une nouveauté. Cette tactique a fait ses preuves à de nombreuses reprises puisque que les troupes légères sont tenues en haute estime dans les armées européennes.

72 « Quoique la dénomination d’avant-poste fasse comprendre, pour ainsi dire, chacun des devoirs attachés à ce service, il n’est pas inutile de dire que leur but est de veiller à la sûreté de l’armée ou d’un corps d’armée, d’épier les mouvemens de l’ennemi et d’empêcher les espions d’approcher du camp ou des cantonnemens, ainsi que la désertion simple et la désertion à l’ennemi » Forestier, Traité sur le service de l’infanterie légère en campagne, p. VI. 73 Idem, p. 1. 74 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, 1814, p. 3. 75 « Les bataillons de ces chasseurs à pied qui se trouvèrent, en 1792, aux armées du Rhin, du Centre et du Nord, réunis de brigade avec les chasseurs à cheval, firent le service des avant-postes. » Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, p. 146. 48

Duhesme, encore lui, raconte dans ses écrits les faits d’armes des légions pyrénéennes durant les combats contre les Espagnols :

« Sur ces frontières âpres et vallonneuses, les Espagnols, qui d’abord eurent quelques succès, faisaient faire le service d’éclaireurs à leurs miquelets ; nous leur opposâmes aussi nos montagnards qui furent formés en compagnies : mais les légions des Pyrénées qui s’organisèrent, atteignirent au but plus essentiel, celui de tenir les avant-postes et de combattre les troupes les plus braves de l’armée espagnole. »76

A cette époque, l’avant-poste se compose d’un simple fossé et d’un parapet. Il apparait comme une fortification temporaire. C’est là que les services du sapeur de la compagnie sont requis. Véritable homme à tout faire, sa pelle et sa hache peuvent monter des structures défensives pour créer des points d’appuis. Dans les régions montagneuses, les légers se servent à loisir des éléments du terrain.

Pourtant, la majorité des généraux préfèrent confier le service des avant-postes à des groupes interarmes composés d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie, pour égal un combat dès son commencement. Cette tâche est rendue difficile dans les premiers temps de la guerre parce que les tirailleurs adverses, notamment les Autrichiens, sont plus aguerris et mieux commandés.77

La protection des colonnes en retraite et des communications

Le fait de placer les tirailleurs en avant, arrière ou flanc-garde préserve les colonnes en marche contre une éventuelle charge ou fusillade impromptue. Après avoir signalé un mouvement ennemi, les tirailleurs se mettent en position pour garder toute attaque sur les zones de rassemblement d’une unité, comme le préconise Duhesme :

« Elles éclairèrent les colonnes et entretinrent la communication entr’elles pendant leurs marche, engagèrent le combat, couvrirent les déploiements par leurs tirailleurs, et protégèrent la retraite. »78

Les voltigeurs doivent toujours se positionner en parallèle de la ligne qu’ils couvrent pour apparaitre comme un écran face aux bataillons adverses et couvrir ses mouvements par un feu soutenu. Selon les ordres de Davout, leur compagnie se place toujours selon la position de la ligne et se déplace en fonction des manœuvres. Aucun mouvement ne se fait sans l’ordre du chef de bataillon.

76 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, 1814, p. 151. 77 « Nos piquets leur furent d’abord opposés avec assez peu de succès, parce qu’ils y apportaient plus de bravoure que d’intelligence. » Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, p.109 78 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, 1814, p. 171. 49

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

« Dans la retraite d’une ligne, le cordon des tirailleurs devra se maintenir parallèle à la ligne. Le capitaine d’une compagnie de tirailleurs ne doit jamais perdre de vue la colonne ou la ligne: dans le cas où le terrain l’empêcherait de l’apercevoir, il placera des sous-officiers ou soldats, de manière à le tenir averti de tous ses mouvements. Le pas des tirailleurs se règle sur celui de la colonne ou de la ligne. »79

Pour se replier en ordre et couvrir la colonne, la compagnie déployée en tirailleurs observe le plus souvent un feu de retraite80, à la fois pour se protéger elle-même et le reste du bataillon mais également pour retarder et tirailler le plus possible l’unité ennemie qui s’avance.

Lors des missions de protection des convois, le groupe de voltigeurs doit là aussi détacher des avants, arrières et flancs gardes afin de sécuriser au maximum les routes traversées. De même, selon le capitaine de Forestier, il est préférable de détacher un voltigeur par chariot du convoi afin de veiller à bien serrer les files en cas d’attaque ou à empêcher la fuite du conducteur.81

« Quand on place des tirailleurs sur les flancs en tête ou en queue d’une colonne marchant dans une plaine découverte, on a pour motif non seulement d’être averti des mouvements de l’ennemi; mais encore de tenir les tirailleurs d’infanterie et de cavalerie assez éloignés pour que leurs bases n’arrivent pas à la colonne. »82

Le fait que les voltigeurs défendent et protègent les voies de communication et les convois n’est pas un hasard. Selon toute vraisemblance, ils sont à-même de se déployer le plus rapidement possible, à l’opposé des bataillons, voire des compagnies de ligne, qui prennent un temps plus long à se mettre à la manœuvre. Les voltigeurs se dispersent très rapidement car ils se déplacent plus souvent au pas de course que les autres infanteries et sont donc plus réactifs à une attaque ou pour un simple coup de main.

79 Davout, Correspondance, 1811. 80 Voir Annexe 8, p. 100. 81 Forestier, Traité sur le service de l’infanterie légère, p. 150. 82 Le Louterel, Manuel encyclopédique et alphabétique de l’officier d’infanterie, 1825, p. 260. 50

Voltigeurs traversant le Danube en 1809 Anonyme, 1910

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Chapitre V … ET DANS LA TACTIQUE

« En les dispersant sur le front de la ligne, leurs officiers veilleront à ce qu’ils soient tous à peu près à la même hauteur, que les uns ne soient pas trop en avant, les autres trop en arrière […] ils seront réunis deux à deux, et ces deux compagnons, qui devraient être toujours deux amis, ne doivent pas se quitter, afin de se secourir mutuellement quand ils seront pressés; l’un devra toujours conserver son feu, et ne lâcher son coup de fusil que quand l’autre aura rechargé. […] On recommandera au soldat de tirer plutôt avec justesse qu’avec célérité »

Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, 1806, p. 448.

SOMMAIRE

 Les lieux de prédilection des troupes légères  Ses « meilleurs ennemis »

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Le général Duhesme battant la charge à la bataille de Diersheim, le 20 avril 1797 Charles Thévenin, 1804, Musée de l’Armée, Paris http://www.musee-armee.fr/

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Durant les batailles, les voltigeurs ne sont pas toujours cantonnés au même rôle, ils peuvent flanquer, tirailler, couvrir une avancée ou une retraite mais aussi prendre part à un assaut de position ou une percée comme le signale le militaire russe Nikolay Okunev :

« Mais, au contraire, les services que les tirailleurs, soutenus par des masses d'infanterie de ligne, peuvent rendre pendant une bataille, sont souvent incalculables, et nous apercevons le triomphe de cette tactique dans l’armée française à la bataille de Jéna. L’attaque du Floh-berg par des troupes du maréchal Augereau, celle du village de Vierzehn-Heiligen par le 40e régiment de la division Suchet, du village d'Isserstaedt par la division Desjardins, etc., sont autant d'exemples qu'on ne saurait trop étudier et prendre pour modèles. »83

Les lieux de prédilection des troupes légères

L’infanterie de ligne se bat sur des terrains découverts, larges et le plus plats possible. L’infanterie légère, elle, combat plus efficacement sur des terrains pentus, vallonnés, boisés ou bien dans des villages. Tous ces lieux sont propices aux embuscades et à la défense à couvert. Pendant la révolution, divers terrains se prêtent au jeu du tiraillement :

« C’est sur les bords du Rhin, dans les Vosges, à la forêt de Normale, sur les dunes de Dunkerque, etc. etc., que les troupes légères des parties belligérantes exercèrent à l’envi leur courage et leur adresse. Toutes les autres armées des frontières de la France se firent également éclairer par des corps d’infanterie légère qui s’organisèrent au milieu des combats. »84

Tous ces lieux sont des terrains de prédilection pour les chasseurs. Ils sont parfaits pour tirer puis recharger à couvert. De toute manière, les tirailleurs des guerres révolutionnaires sont en quelque sorte lâchés à leur propre survie par leur habilité à tirer et profiter au maximum des accidents du terrain. « Nous trouvâmes nos premiers succès dans les lieux où la nature rendant les manœuvres impossibles, la valeur et l’habileté individuelle devenaient les poids de la balance en notre faveur. » 85

On sait aussi que les armées stationnées dans les frontières montagneuses, comme celles des Pyrénées ou bien des Alpes, sont presque toutes converties en tirailleurs pour les besoins du combat,86 puisque comme le dit le général Duhesme dans son Essai : « le terrain s’opposait à la formation des troupes en ligne ; elles y combattirent comme des troupes légères. »87

83 Okunev, Considérations sur les grandes opérations de la campagne de 1812, 1842, p. 187. 84 La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, 1817, p. 62. 85 Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, p. 154. 86 « Les armées placées sur les frontières des Pyrénées furent, par la nécessité des localités, presque entièrement converties en infanterie légère : car, toutes leurs opérations se trouvoient réduites, en quelque sorte, à des combats isolés ou de tirailleurs. » La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 62. 87 Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, p. 112. 55

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

C’est pour cette raison que les montagnards et forestiers sont plébiscités par les recruteurs pour faire partie des troupes légères durant la Révolution. Durant les guerres napoléoniennes, les combats en forêt se font plus rares, mis à part la chasse aux brigands ou aux activistes comme le Tyrolien Andreas Höfer88. Néanmoins, les voltigeurs ne sont pas en reste pour arpenter les terrains difficiles. Ils éclairent et combattent dans les forêts, les marais, les vallons rocheux. Lors de la campagne de 1805, sur le front italien où Masséna combat les Autrichiens, les voltigeurs décident du sort des ponts sur l’Adige ; couverts par les arbres le long des rivages, ils exercent leur habileté au tir contre leurs homologues.

Ses « meilleurs ennemis »

Le rôle de l’infanterie légère, donc les seuls voltigeurs, que l’on peut assimiler à nos tireurs d’élites actuels, est bien entendu, en plus de harasser un bataillon ennemi, de viser la hiérarchie de ces derniers. Ainsi, leur cible prioritaire est l’officier adverse. Plusieurs généraux font d’ailleurs les frais de l’action des troupes légères durant les guerres de la Révolution et de l’Empire. Le général Duhesme raconte la mort du général Marceau durant la campagne de 1793, tué, dit-il, « par le coup de fusil d’un adroit Tyrolien. »89 De même, le général Colbert est tué en 1809 par les Green Jackets à Villafranca. Le général Bauduin meurt lors de l’attaque d’Hougoumont, atteint par les chasseurs nassauviens, qui criblent de balles toute la division du Prince Jérôme :

« Le général de Colbert était à cheval au milieu de la fusillade et exhortait les fantassins du geste et de la voix pour les pousser en avant. Un soldat du 95e anglais, réputé comme un excellent tireur, ne voulut pas manquer une si belle occasion d’exercer son adresse sur une proie aussi magnifique. Le général restant immobile, il put l’ajuster soigneusement et le tuer raide d’un coup de fusil »90

On note aussi des combats entre infanteries légères ; voltigeurs français contre guérilléros espagnols, partisans russes ou rifles anglais en Espagne et au Portugal. On parle parfois de tactique de contre-guérilla adoptant les mêmes principes d’embuscades et de recrutement de guides locaux, favorables ou volontaires forcés, pour mener les troupes légères au travers des sentiers empruntés par les Espagnols.

Le règlement d’infanterie de 1791 ne prévoit pas l’utilisation des tirailleurs, ce qui peut paraitre paradoxal étant donné leur utilisation intensive lors des guerres de la Révolution. Dans la pratique, ils sont utilisés dans trois cas principaux : préparent l’action des bataillons de ligne par un feu précis pour affaiblir la ligne adverse : ils peuvent avoir pour but de défendre une position ou de s’en emparer, de tourner les flancs de l’ennemi ; pour la défense

88 1767-1810, activiste au service de l’Autriche, devient un martyr de la lutte antifrançaise au Tyrol. 89 Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, 1806, p. 195. 90 Marcel, Campagnes du capitaine Marcel, 1913, p. 25. 56

de points fortifiés, les tirailleurs tiennent les lisières ou les flancs appuyés par le gros des bataillons à proximité.

Bien entendu, l’infanterie légère, du moins celle de l’époque révolutionnaire, n’est pas formée pour combattre la cavalerie, mis à part lorsque cette dernière est totalement prise au dépourvu lors d’une embuscade. Cependant, lorsque les régiments de légers se voient obtenir des baïonnettes, ils deviennent à même de former le cercle pour contrer les charges de cavalerie, voir de charger à la baïonnette pour contre-attaquer ou créer le choc.

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Chapitre VI MARCHES, MANŒUVRES ET FEUX

« Les soldats seront lestes, adroits, bons tireurs ; ils sauront se couvrir d’une butte de terre, du moindre tronc d’arbre, du plus petit buisson ; ils tourneront admirablement une position et une batterie, s’en approcheront avec les précautions du renard, et fondront dessus avec la rapidité de l’aigle. Dans une poursuite ils auront l’instinct particulier de couper et gagner les flancs des colonnes ennemies, y porteront le désordre par une grêle de coups de fusil bien ajustés, et compléteront ainsi une victoire après avoir commencé le combat. »

Duhesme, Précis historique de l’infanterie légère, 1814, p. 10.

SOMMAIRE

 Les marches  Déploiements et positions de tir  Se rallier ou se replier

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Là où, pratiquement, seuls les voltigeurs effectuent le service des tirailleurs dans la Grande Armée, il convient de les différencier. Il n’y a pas d’unité proprement appelée régiment de tirailleurs puisqu’il s’agit d’une formation. Pourtant, les voltigeurs de l’armée de Napoléon sont les plus à même d’effectuer ce service puisqu’ils sont habitués à évoluer de façon dispersée. Ce service, même s’il est une formation dispersée, est toutefois bien encadré et bien symétrique, il se met en place de façon à couvrir un bataillon et à conserver une puissance de feu non négligeable.

Les marches

Les tirailleurs marchent, comme toute l’infanterie, au pas ordinaire ou accéléré. Mais leur particularité là encore est qu’ils utilisent abondamment celui de course car fidèles à leur utilisation très mobile, Davout dit que « C’est à la course qu’ils devront faire les changements de direction, de front, et la charge pour enlever un bois, un village, et toutes les positions où ils n’ont pas à craindre d’être chargés par la cavalerie. » C’est aussi à la course qu’ils se replient sur les pelotons de réserve ou sur des positions à couvert des tirs et des charges de cavalerie.

Les mouvements des tirailleurs en bataille s’exécutent au pas accéléré et parfois au pas de course en cas d’absolue nécessité afin de ne pas favoriser la fatigue des soldats. L’infanterie légère jouit d’une grande liberté en ce qui concerne le port du fusil durant les marches tactiques On privilégie la commodité du voltigeur lui-même plutôt que l’uniformité du bataillon. Par ailleurs, les mouvements s’exécutent, dans la mesure du possible, à la voix du commandant de compagnie mais lorsque la ligne est trop étendue, les cornets transmettent les ordres via des sonneries spécifiques. L’officier est également muni d’un sifflet. Un guide est placé à chaque extrémité de la ligne pour veiller au bon alignement et à la bonne direction. Le soldat juge à son niveau s’il n’est pas trop en avant ou en arrière.

Lorsqu’un peloton déployé en tirailleurs fait face à une ligne adverse, le capitaine donne l’ordre : « Tirailleurs en avant. Pas accéléré, MARCHE ! » Ces commandements sont répétés avec la plus grande rapidité par le lieutenant et le sous-lieutenant placé derrière les sections. Cette règle s’applique de front ou de flanc. Au premier commandement, les sergents se portent de part et d’autre de la ligne. Au commandement de marche, la ligne et la réserve avancent au pas accéléré ; le guide chargé de la direction marche vers le point qui lui est indiqué par l’officier ; les tirailleurs se tiennent alignés sur ce guide et conservent les intervalles de son côté. Le lieutenant et le sous-lieutenant dirigent le mouvement de leurs sections respectives ; ils se tiennent habituellement derrière le centre de ces sections. Le capitaine dirige l’ensemble du mouvement. Lorsqu’il veut arrêter le mouvement, il commande: « Tirailleurs, HALTE ! » A ce commandement, la ligne et la réserve s’arrêtent, le lieutenant et le sous-lieutenant opèrent les rectifications dans l’alignement et les intervalles si besoin est et reprennent ensuite leurs places de bataille, tout comme les sergents.91

91 Voir annexe 1, p. 95. 60

Pour les retraites, le capitaine commande de cette façon : « demi-tour à droite, pas accéléré, MARCHE ! » Au premier commandement, les hommes font demi-tour et les sergents se portent de part et d’autre de la ligne de tirailleurs. Là aussi, à l’ordre de marche, les tirailleurs et la réserve se mettent en marche au pas accéléré. Les lieutenants, placés en arrière, prennent soin de maintenir les réserves derrière les sections à la distance réglementaire de vingt mètres. Lorsque le capitaine veut arrêter les tirailleurs marchant en retraite, il commande : « Tirailleurs, HALTE ! » A cet ordre, la ligne et la réserve s’arrêtent, etc…

Le capitaine voulant faire marcher les tirailleurs par le flanc droit donne l’ordre : « Tirailleurs par le flanc droit. Pas accéléré, MARCHE ! ». Au premier ordre, les tirailleurs et la réserve observent un quart de tour à droite. Pendant ce temps, le guide vient se positionner à toute vitesse à côté de la file de droite. Au deuxième ordre, les tirailleurs et la réserve se mettent en marche, le guide de droite se dirige sur le point qui lui est indiqué. Chaque homme prend soin de suivre celui qui le précède et de conserver exactement sa distance.

Pour les marches sur le flanc gauche, les mêmes principes sont appliqués mais avec cette fois les indications de direction vers la gauche. Le guide de gauche se place à côté de la file pour la conduire. Lorsque le capitaine veut stopper la marche, il commande : « Tirailleurs. HALTE ! » Au commandement, ces derniers et la réserve s’arrêtent et font « front automatique », c’est-à-dire face à l’ennemi. Le lieutenant et les sous-lieutenants se placent directement derrière leur section.92

Aussitôt que les officiers de tirailleurs apercoivent un changement de direction de la part du reste du bataillon, ils préviennent les tirailleurs d’un mouvement à suivre par l’intermédiaire du cornet et en envoyant des sous-officiers pour porter leurs ordres et s’assurer que le mouvement s’exécute. Ils doivent ensuite se porter au point sur lequel le changement de direction s’opère.

Si un changement de front doit intervenir, un des lieutenants de la compagnie se porte sur un point de pivot et fait sonner le temps que le mouvement des tirailleurs s’opère ainsi qu’il est prescrit. Dans le même temps, le capitaine se porte avec la réserve à la nouvelle place qu’elle doit occuper et s’assure par l’intermédiaire des sous-officiers de l’exactitude du mouvement. L’autre lieutenant s’occupe de l’aile qui se portera en avant du dispositif.

92 Annexe 2, p. 96. 61

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Déploiement et positions de tir

Là où l’infanterie de ligne tire en salve et se contente de créer un choc par le feu en ne visant que de face, l’infanterie légère, elle, a des modes de tirs différents. Premièrement, il faut savoir qu’un bon soldat tire environ trois coups à la minute avec un temps de rechargement de 20 secondes (la charge en 12 temps). On constate aussi l’utilisation de la « charge précipité » qui permet de tirer 3 à 4 coups à la minute. Celle-ci évite les 12 mouvements habituels et constitue le mode de tir des chasseurs à pied depuis longtemps déjà.

Le fait d’inclure une compagnie de voltigeurs dans chaque régiment d’infanterie de ligne n’est pas anodin. Sa position au sein d’un bataillon qui marche face à l’ennemi est toujours sur la gauche. Sa première fonction est de préparer le feu ou la charge des compagnies de fusiliers. Le feu précis des tirailleurs permet de retarder une salve ennemie, de décimer ses effectifs et ainsi diminuer sa puissance de feu. « Attaquoit-on l’ennemi ; s’agissoit-il de lui enlever une position, on détachoit une partie des colonnes en tirailleurs; et dès que leur feu avoit préparé le choc, le reste des troupes s’ébranloit »93

Les tirailleurs pratiquent deux règles de feu. Premièrement, le « feu de pied ferme » ; il s’agit simplement d’un tir effectué sur une position statique. Deuxièmement, le « feu en mouvement » ; il se distingue par trois sous-catégories : le « feu en avançant » qui consiste en un feu roulant par deux rangs : le « feu de retraite » qui consiste à couvrir la retraite du bataillon et des voltigeurs eux-mêmes : le « feu par le flanc » qui consiste à prendre en enfilade une ligne ennemie tout en continuant à la contourner. Le tir n’est autorisé qu’à l’ordre de « Commencez le feu ! ».

Un peloton de tirailleurs peut se déployer de deux manières : en avant ou de pied ferme. Lorsque la ligne doit être formée, les officiers ne doivent pas négliger les avantages du terrain qui se présentent pour couvrir leurs hommes. Donnée importante, l’intervalle entre deux files de voltigeurs ne doit pas, en moyenne, dépasser les quinze pas sous peine de réduire l’efficacité du feu. De même, l’espace occupé par la compagnie de voltigeurs doit couvrir entièrement le bataillon de manière à protéger une éventuelle manœuvre, mais aussi l’espace entre les autres bataillons afin de prévenir une charge de cavalerie qui pourrait s’engouffrer dans l’intervalle laissé vide.

Au moment de diviser la compagnie en deux sections, une pour le tiraillement, une pour la réserve, le lieutenant commandant la section donne l’ordre : « Formez la chaîne ! » A cet ordre, l’officier commandant la section en tirailleurs ordonne aux files de droite et de gauche, celle du centre étant une sorte de pivot immobile, de faire un quart de tour à droite/gauche par le commandement : « Par le flanc gauche, par le flanc droit – à gauche et à droite ! » Après avoir exécuté le quart de tour, le lieutenant donne l’ordre : « A 10 pas, par file, prenez vos distances, MARCHE ! ». La marche se fait ici au pas accéléré. Une fois que la première file atteint ses dix pas, la seconde s’élance et ainsi de suite. Dès que les files entourant celle du centre atteignent les dix pas, le lieutenant ordonne : « Tirailleurs, HALTE ! Front ! ». Le système métrique, observé par le nombre de pas, est très important puisque lors

93 Davout, Correspondance, 1811. 62

de cet ordre, les tirailleurs doivent eux-mêmes compter leurs pas. L’éducation des soldats n’étant pas toujours optimale, quand ce n’est pas inexistante, il convient de simplement respecter un nombre de pas défini par l’officier. Un guide accompagne également la première file dès l’ordre de marche. Pendant que la première section forme la chaine de tirailleurs, le capitaine prélève vingt hommes de la réserve pour former deux plus petites réserves se postent 30 à 40 pas derrière les deux flancs de la chaine, et les place sous le commandement des sous-lieutenants. La « grande réserve », sous les ordres du capitaine, se place 40 pas en arrière et entre les deux « petites réserves ». Le but de ces réserves est de renforcer les points menacés ou de remplacer les tirailleurs morts, blessés, voire les fusils ayant fait « long feu » ou bien se porter directement sur une éventuelle brèche.94

Pour le déploiement en avant, le même procédé est appliqué, à ceci près que la chaîne de tirailleurs se forme en opérant une marche oblique, mis à part pour la file du centre. Ceci afin de prendre ses distances à dix pas et de continuer à avancer. Si besoin est, les sous- officiers font rectifier les intervalles. Les réserves se portent comme dans la disposition décrite auparavant.95

Le feu des tirailleurs sur une position de pied-ferme commence par l’homme à l’extrémité droite du premier rang de la ligne. Chaque homme doit attendre que son voisin de droite tire pour faire feu à son tour. Après la première salve, le feu devient « à volonté ». Au niveau des files, le feu se fait alternativement par les deux hommes qui synchronisent leurs tirs pour que l’un d’eux ait toujours son arme chargée. Une fois que le tirailleur du premier rang a tiré, celui du second rang passe devant lui par la droite, attend la fin du rechargement pour faire feu à son tour, et ainsi de suite.96 Pour le feu en avançant, les hommes du premier rang avancent au pas de course sur environ vingt mètres tandis que le second rang le fait au pas. Cette manœuvre commence à l’ordre de « commencer le feu ! ». Arrivée à distance, la première ligne s’arrête, se positionne et fait feu directement. Le chargement se fait de pied ferme plutôt qu’en avançant. Le deuxième rang dépasse le premier juste après le feu et continue la manœuvre jusqu’à l’ordre de halte ou la sonnerie du cessez-le-feu. Si halte il y a, le feu redevient de pied ferme, si c’est un cessez-le-feu, la compagnie continue sa progression en avant en ayant réduit l’écart entre les deux rangs.97 Le commandant des tirailleurs voulant exécuter le feu en retraite fait faire demi-tour à droite à ses tirailleurs et donne l’ordre de marche. Lorsque les deux lignes sont en ordre de retraite, le capitaine donne l’ordre de commencer le feu. Au signal du cornet, le premier rang s’arrête et fait demi-tour et le deuxième continue au pas accéléré jusqu’à vingt mètres en arrière. Il faut attendre que le second rang soit en position pour tirer. Une fois le feu effectué, le premier rang refait demi-tour et dépasse le deuxième rang dans ses intervalles pour s’établir à son tour vingt mètres derrière et ainsi de suite jusqu’à l’ordre de faire halte ou de cesser le feu, etc…

94 Voir Annexe 5, p. 99. 95 Annexe 6, p. 100. 96 Annexe 7, p. 101. 97 Annexe 8, p. 102. 63

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Les feux par le flanc sont les plus complexes car ils demandent une synchronisation parfaite au niveau des marches, des tirs et des chargements. Si le peloton marche par le flanc droit, l’homme du premier rang fait face à l’ennemi, effectue un pas en avant, fait immédiatement feu et se porte derrière l’homme du second rang, en rechargeant son arme ; aussitôt que ce dernier, qui continue de marcher, entend ou même devine que l’homme du premier rang a bourré son fusil, il fait à son tour face à l’ennemi, se porte un pas en avant, s’arrête, tire et vient se replacer derrière l’homme du premier rang : le feu continue ainsi. Si le peloton marche par le flanc gauche, le feu s’exécute de la même manière mais c’est l’homme du second rang de chaque file qui à l’ordre de tirer le premier. En exécutant ce feu, les files doivent absolument éviter de se croiser. En conséquence, l’homme qui continue de marcher ne dépasse jamais les hommes d’une autre file qui se sont arrêtés pour faire feu.

A de rares occasions, les tirailleurs reçoivent l’ordre de se coucher pour continuer le feu. Par exemple, lors d’une charge de cavalerie qui tombe par surprise sur l’unité, le temps de ralliement est beaucoup trop long pour pouvoir espérer former une formation de défense. Le commandant de la compagnie donne immédiatement le signal de se mettre à plat-ventre. A cet ordre, les tirailleurs se couchent sur le côté gauche, de façon à ne point abandonner leurs armes et de continuer à s’en servir. Les hommes à terre sont alors couverts par les réserves et le reste du bataillon mais peuvent continuer le feu bien que le rechargement soit plus long dans cette position. Si la cavalerie se replie, le commandant de compagnie fait sonner l’ordre de marche et à ce signal, les tirailleurs se relèvent et continuent leur avancée.

Bien sûr, pour parfaire ces manœuvres de tir, il faut instruire et habituer les tirailleurs à charger leurs armes tout en marchant. Toutefois, il convient de s’arrêter pour amorcer et mettre la cartouche dans le canon au risque sinon de rater le rechargement. De même, les exercices de tir et de rechargement à genoux sont précieux pour une unité qui a l’occasion de se servir des reliefs et couverts pour se protéger. A force de s’entrainer et de s’accommoder aux ordres, les hommes apprennent à entendre les son du cornet, ce dernier prend petit à petit le relais dans la transmission des ordres à la place de l’officier.

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« Déployez en tirailleurs ! » H. Caporali, http://guides-generaux.fr

L’image ci-dessus montre comment se déploie la compagnie de voltigeurs d’un bataillon de ligne. Lors de la mise en place initiale d’un bataillon, celle-ci se trouve toujours sur sa gauche, pour, lors de sa prise de position de tirailleurs, ne pas créer de trou dans lequel la cavalerie pourrait s’engouffrer après avoir franchi la ligne des voltigeurs. Pour couvrir toute la largeur du bataillon, la compagnie applique une marche oblique, conformément à la doctrine de l’armée prussienne de Frédéric II.98

La compagnie de voltigeurs (1) avance d’environ 200 pas, à distance définie par le chef de bataillon ou par l’officier commandant la compagnie légère. La chaîne de tirailleurs doit couvrir le front du bataillon. Les deux premiers rangs se déploient au pas de course, au préalable le capitaine a délimité l’intervalle entre les files. On appelle « intervalle » l’espace entre deux tirailleurs dans la même ligne, et distance, celui entre la première et la seconde ligne. Le troisième rang constitue la réserve formée par le sergent major sur deux rangs (2). L’officier commandant la compagnie peut aussi former deux plus petites réserves, toutes destinées à remplacer immédiatement un voltigeur mort ou blessé ou mis hors d’action à

98 Le pas oblique est une invention du roi Frédéric II de Prusse. Il est présent dans l’instruction des troupes françaises depuis l’Ordonnance du 6 mai 1755. Il sert à gagner du terrain à la fois en avant et de côté, pour les formations en avant en bataille, et pour les mouvements de biais.

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE cause d’un « long feu ». Le capitaine (3), placé devant la réserve, donne l’ordre « halte ». Tous ses ordres sont transmis et amplifiés par le cornet de voltigeur. Chaque rang avance selon un nombre de pas défini par le capitaine, puis tire. Quand le second rang a rechargé, il avance à son tour au pas de course. La réserve suit le mouvement et renforce les files dès que l’on signale un mort ou un blessé. Le lieutenant (4) et le sous-lieutenant (5) tiennent position derrière leurs sections. Les sergents (6) ont un poste très mobile et ratissent la ligne pour encourager ou remédier aux éventuels problèmes.

Quand le bataillon s’ébranle, les tirailleurs doivent dégager la voie afin de ne pas gêner sa progression. À mesure que les lignes avancent, les tirailleurs dévoilent les colonnes de la ligne et se resserrent sur les flancs, en avant de la ligne.

« Quand le général voudra démasquer son front ou ses batteries pour commencer les feux de ligne, il enverra l’ordre aux tirailleurs de se rallier sur les flancs de ses colonnes et de chercher ensuite à déborder l’ennemi. Si on suppose au contraire que l’ennemi vienne à notre rencontre, et refoule la ligne de nos tirailleurs, que doivent-ils faire ? Reculer en combattant, appuyer à droite ou à gauche pour éviter le danger de se trouver sous le feu de la ligne, se rallier derrière elle, ou défendre ses flancs. »99

Se défendre et se rallier

Une unité déployé en tirailleurs défait la chaine et se rallie au centre ou sur les flancs pour résister à l’ennemi ; il se rassemble avec le deuxième peloton lorsqu’il n’est plus inquiété. Le ralliement se fait au pas de course pour se mettre en position défensive le plus rapidement possible. Le capitaine, voulant rallier les voltigeurs sur la réserve, commande : « Ralliement sur la réserve. En arrière à droite et à gauche, formez le cercle – MARCHE ! » Les tirailleurs se rallient alors au pas de course, ils forment le cercle après avoir rejoint la réserve. Une fois le cercle formé et les officiers et sous-officiers en sécurité à l’intérieur, le capitaine s’assure qu’il n’y a aucun point faible et que tous les angles sont bien couverts. Il peut profiter d’un mouvement de retrait de la cavalerie ennemie pour se rallier au bataillon ou bien gagner une position de défense plus avantageuse. Pour exécuter ce mouvement, il fait rompre le cercle et réorganise les sections de manière à le reformer très rapidement en cas de nouvelle attaque de la cavalerie.100

99 Lecouturier, « Sur les manœuvres des voltigeurs », Le spectateur militaire, 1828, p. 259. 100 Voir annexe 9, p. 103. 66

Le général Lecouturier cite à ce propos une manœuvre très audacieuse d’une unité légère face à une cavalerie adverse :

« Pendant le blocus de Philippeville, en 1793, une compagnie de carabiniers fit seule près d’une lieue en plaine, se retirant devant un fort parti de dragons hollandais. Dix fois les dragons vinrent à la charge, et dix fois ils tournèrent bride à l’approche de la petite tourelle armée. La compagnie, formée sur six de hauteur, marchait par le troisième rang. A chaque démonstration que le capitaine remarquait, il commandait rapidement: « Peloton, halte. Première section, face en tête, demi-tour à droite. Trois files extérieures de droite, par le flanc droit, trois de gauche, par le flanc gauche - à droite et à gauche. » Puis : « Apprêtez armes. » Et le peloton restait dans cette attitude. Les dragons, attirés jusque sous le canon de la place, sans avoir osé charger à fond, furent forcés de lâcher leur proie. »101

Lorsque le capitaine rompt le cercle pour redéployer en tirailleurs, il commande à ses voltigeurs : « Rompez le cercle ! » A ce commandement, les officiers et sous-officiers sortent du cercle, le capitaine aligne la réserve sur le centre. Le lieutenant et les sous-lieutenants reforment la section à la droite ou à la gauche de la réserve pour reconstituer la compagnie.

Pour rassembler un peloton de tirailleurs sur la réserve, le capitaine donne l’ordre : « Rassemblement sur la réserve » A cet ordre, la réserve se forme dans l’ordre où elle était avant le déploiement ; les tirailleurs se rassemblent sur elle et chacun reprend son rang. Le peloton est formé, il rejoint le bataillon. Lorsque le peloton ne dispose pas d’assez de temps pour se rallier sur la grande réserve, il se fait sur les petites réserves placées derrière les sections : le lieutenant et le sous- lieutenant rallient chacun leur section sur le terrain le plus avantageux. Pendant l’exécution de ce mouvement, le capitaine se porte à la réserve et la dispose de manière à protéger le rassemblement des sections et à empêcher une éventuelle percée de la cavalerie. Une fois les sections réunies, elles rejoignent la réserve le plus promptement possible. Pour ordonner un ralliement direct sur le bataillon, le capitaine ordonne : « Ralliement sur le bataillon. ». A ce commandement, les tirailleurs de chaque section et la réserve cessent de couvrir le bataillon, en ralliant au pas de course les ailes de la chaîne de tirailleurs dont ils sont le plus proches et se positionnent là où le chef de bataillon l’ordonne.

Lors de ces manœuvres, on peut remarquer l’importance du savoir-faire des officiers ainsi que de placement des sous-officiers et guides. En effet, les premiers calculent à l’avance les intervalles de la chaine de tirailleurs, reconnaissent le terrain pour optimiser le placement de la chaîne et des réserves, obtenir à la fois un feu nourri et concentré et une garantie de renforts concernant les réserves.

101 Lecouturier, « Sur les manœuvres des voltigeurs », Le spectateur militaire, tome 4, 1828, p. 265. 67

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Les sous-officiers et guides, le plus souvent un caporal, sont ici pour maintenir l’ordre et la cohésion au sein de la compagnie. Ainsi, il n’est pas rare pour les sergents de ratisser la chaine afin de corriger d’éventuelles erreurs. Ils ont un rôle très important puisque c’est en quelque sorte celui d’estafettes au niveau de la compagnie pendant que le commandant de celle-ci joue le rôle, presque similaire toute proportion gardée, d’un chef de corps. Les sous- officiers vont prévenir les hommes lorsque la sonnerie du cornet ne porte pas assez loin. Ils les mènent sur un point donné, corrigent les intervalles et les positions, etc… Plus qu’à la gestion des tirailleurs, c’est à l’écoute de ces officiers subalternes et sous-officiers que le capitaine doit accorder une grande importance. Ils permettent une grande cohésion dans la chaîne de tirailleurs et sont en quelque sorte les yeux et oreilles de l’officier commandant la compagnie.

Prendre ou défendre une position forte

Dans son règlement de 1811, Davout donne des indications bien précises quant à la conduite des opérations de prise d’une position fortifiée en hâte : « Si l’ennemi s’est embusqué, il faut le tourner, quelques braves en s’élançant sur le sommet d’un rocher, d’une ruine ou d’un retranchement, ou en franchissant un fossé derrière lequel l’ennemi, se croyait en sûreté, ont presque toujours réussi à le débusquer et à lui faire éprouver une perte considérable. »102 On retrouve donc ici la tactique habituelle des troupes légères : prendre un ennemi en enfilade, le tirailler par ses flancs, etc… La même attaque peut être exécutée par des réserves déployées sur les flancs de l’ennemi pendant que les tirailleurs, après s’être réunis sur le centre, l’attaqueront de front.

On considère alors les unités de tirailleurs comme de potentielles unités d’attaque, complémentaires des bataillons de ligne. Cela ne semble pas totalement étrange puisque les légers sont équipés de baïonnettes, idéal pour dégager une place forte que l’on n’arrive pas à nettoyer au tir et où le choc d’un bataillon de ligne se brise contre les fortifications. Néanmoins, il peut paraître invraisemblable qu’une unité de voltigeurs, toujours inférieure en nombre par rapport aux compagnies de fusiliers ou de chasseurs, puisse prendre une position forte par la seule force de sa rapidité et de son placement. A vrai dire, Davout était un adepte de la tactique du « tout aux tirailleurs. » Il n’est donc pas rare de voir les fusiliers de son corps d’armée évoluer entièrement de façon dispersée aux côtés des voltigeurs.

Dans ses instructions, Davout tente d’être le plus précis, en prenant en compte toutes les tactiques possibles :

« Il est probable que l’ennemi attaqué sur toute l’étendue de son front, se déploiera autant que possible pour offrir partout une résistance égale; mais si le commandant des attaquants s’est fait deux bonnes réserves et s’il donne le signal à ses tirailleurs de s’élancer à la course vers les deux extrémités de la ligne, pour attaquer avec impétuosité les flancs et les derrières de l’ennemi,

102 Davout, Correspondance, 1811. 68

tandis qu’il lancera une réserve sur le front que l’ennemi aura naturellement dégarni, pour envoyer au secours de ses flancs attaqués; il n’y a point de doute qu’il obtiendra un succès complet. La deuxième réserve, ne devra marcher qu’au pas, et ne s’engager qu’autant qu’il serait nécessaire pour soutenir la première aux prises avec l’ennemi. »103

Pour la défense des places fortifiées, les tirailleurs tiennent les lisières ou les flancs et agissent en coordination avec les bataillons de ligne. Le plus souvent, les réserves sont dispersées elles aussi pour avoir un maximum de défenseurs présents sur la ligne et pour permettre une contre-attaque plus puissante.104

103 Davout, Correspondances, 1811. 104 Toutes les manœuvres décrites dans ce chapitre ont été expliquées grâce aux ordres précis du maréchal Davout à ses commandants de division du Ier corps d’armée en 1811, présents dans l’ouvrage de Charkevitscha, La correspondance en provenance du maréchal Davout, p. 6-11. 69

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

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Chapitre VII LE PEU DE DIFFÉRENCES AVEC L’INFANTERIE DE LIGNE

« On la vit bien quelquefois encore tirailler par bataillons ; mais depuis 1806, ces régimens devinrent constamment soumis à la même ordonnance, aux mêmes manœuvres que l’infanterie de ligne; le service des avant-postes, les détails de la petite guerre, tombèrent en désuétude, et furent bientôt entièrement oubliés. »

La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, 1817, p. 68.

SOMMAIRE

 Du « lignard » au voltigeur, il n’y a qu’un pas  Tout le monde sait, et peu tirailler

71

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Du « lignard » au « pied léger », il n’y a qu’un pas

Finalement, l’infanterie de ligne et l’infanterie légère, voltigeurs exceptés, partagent bien souvent les mêmes travaux. Elles ont la même organisation, le même système de promotion et presque le même uniforme et équipement. La preuve en est avec le décret impérial du 18 février 1808 qui organise de la même façon les dit régiments, composés d’un état-major et de cinq bataillons dont chacun est commandé par un chef de bataillon avec sous ses ordres un adjudant-major et deux adjudants sous-officiers, et compte six compagnies dont une de grenadiers, une de voltigeurs et quatre de fusiliers, avec environ 120 hommes pour chacune d’elle.

Dans les régiments d’infanterie légère, seuls les voltigeurs font le service des tirailleurs alors que ces deux types d’unités se révèlent différents. Les premiers sont plus à rapprocher des corps-francs se battant de façon très dispersée sur des terrains escarpés, boisés ou bien sur des rives ou des dunes. Les bataillons en tirailleurs gardent une certaine cohésion au sens où ils forment une ligne et observent un rythme de tir très précis de manière, d’une part à couvrir le soldat qui recharge, d’autre part à toujours s’assurer que le feu soit assez fort pour repousser le bataillon ennemi ou au moins l’empêcher d’avancer.

Cependant, divers témoignages racontent des épisodes où l’infanterie légère monte au combat au corps à corps. Armée de baïonnettes et même de sabres, elle est dès lors à même de soutenir l’infanterie de ligne dans ses charges en apportant un surnombre ou bien un choc additionnel. Le capitaine Desboeufs, alors sergent dans une compagnie de voltigeurs, raconte ainsi comment sa compagnie monte à l’assaut d’une batterie d’artillerie autrichienne à la bataille de Wagram :

« Les noirs [Le bataillon des Guides de la campagne d’Egypte] et les voltigeurs, qui étaient en tirailleurs, se jetèrent dans ses rangs. Je les voyais, saisissant les Autrichiens par les jambes ou par les gibernes, désarmer les uns, renverser les autres et se mêler de plus en plus parmi eux. »105

Les chasseurs à pieds et carabiniers se contentent finalement de tenir un rôle d’infanterie de ligne, ce qui dénote totalement avec leur utilité première, à savoir le tiraillement. A cause d’une part de leur armement similaire à toutes les autres unités de l’infanterie française, d’autre part, d’une absence de règlement d’utilisation des tirailleurs alors que les régiments d’infanterie légère sont créés en 1808. On peut penser l’incorporation de régiments d’infanterie légère dans chaque division se fait dans l’optique de créer, d’une certaine façon, des régiments d’éclaireurs à pied censés effectuer le service des avant-postes ou de reconnaissance. Dans le même temps, les troupes légères de la Garde impériale, exceptés les voltigeurs, n’évolue pratiquement jamais de façon dispersée. La Jeune Garde se défend bien contre les Prussiens à Plançenoit le 18 juin 1815 mais le chaos qu’engendre cette bataille ne lui donne pas l’occasion de combattre en tirailleurs puisqu’on se bat pour défendre

105 Desboeufs, Souvenirs du capitaine Desboeufs, 1901, p. 55. 72

la position maison après maison. Dans le même temps, les chasseurs à pieds maintiennent en respect les Anglais en ordre très serré. Ils s’étaient déjà illustrés ainsi à Marengo, où la Garde consulaire tint en carré face aux assauts autrichiens en attendant les renforts de Desaix.

Jusqu’en 1812, date de la réforme de l’habillement gérée par le général Bardin, d’où le nom des habits-veste modèle 1812, les uniformes de la légère et de la ligne comportent très peu de différences. On différencie simplement les deux armes par les couleurs des parements ou bien par la taille, très significative, des voltigeurs. La réforme Bardin donne des uniformes d’un bleu très foncé aux troupes légères, mais ils ne sont pas forcément plus adaptés aux milieux difficiles dans lesquels elles progressent. Par ailleurs, la réforme ne concerne pas l’équipement, et l’infanterie légère conserve le fusil d’infanterie à défaut des carabines, jugées trop lentes à recharger et moins fiables que le Charleville.

Le tiraillement : l’absence d’un système de l’exclusif

Ce système dit de l’exclusif, qui, durant l’Ancien Régime concernait le commerce transatlantique où les colonies commerçaient obligatoirement avec leur seule métropole : la France. Dans notre cas, ce système de l’exclusif vole en éclat par l’utilisation de bataillons de ligne entiers en tirailleurs quand l’occasion se présente alors que là n’est pas leur utilisation première.

Nous l’avons vu auparavant, les voltigeurs sont la seule véritable infanterie légère de l’armée française. C’était d’ailleurs l’intention qui a présidé à leur création :

« Dans les campagnes où les voltigeurs ont figuré, ces compagnies ont chicané l’ennemi, engagé le combat, gravi les monts, traversé les fleuves, agi, soit comme éclaireurs, soit comme flanqueurs ; on les a même vus combattre ou faire ferme comme réserve quand la circonstance le voulait. En mille occasions tel capitaine de voltigeurs, livré à ses seules inspirations, est devenu comme un général de partisans. »106

Mais nous avons également signalé qu’aucun texte légal, aucune instruction ni règlement ne précise la tactique de l’infanterie légère particulière aux voltigeurs. Le seul document de référence, le règlement de 1791, n’établit pas de différence entre la ligne et la légère à propos des manœuvres. Par ailleurs, dans un bataillon formé en ligne de bataille, la compagnie de voltigeurs tient la gauche et forme un peloton disposé comme les autres compagnies. Seul un déploiement en tirailleurs ou en formation dispersée lui rend véritablement son aspect d’unité légère.

106 Bardin, Dictionnaire, 1841-1851, p. 1473. 73

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

L’évolution de la tactique de 1792 à 1795, montre l’influence des institutions militaires françaises et des nouveaux cadres de l’armée révolutionnaire. Plus encore que la qualité des soldats, c’est la qualité des chefs qui importe. En 1792, les bataillons de l’armée régulière appliquent les prescriptions du règlement d’infanterie de l’année précédente, qui prescrit le déploiement en ligne, l’utilisation des colonnes d’attaque et l’emploi des "tirailleurs de combat" où plusieurs compagnies par bataillon se déploient de façon dispersée. Entre 1793 et 1794, la tactique des "tirailleurs en grande bande" apparait sur les champs de bataille où tous les bataillons d’infanterie sont déployés en tirailleurs. Cela est dû au manque de confiance des soldats peu instruits et qui se sentent mal commandés. Ils ont le réflexe de défendre leur vie avec leur propre arme sans logique militaire. A propos de cette tactique, le général Duhesme avance même plus tard dans ses Essais sur l’infanterie légère que :

« Les généraux étaient des soldats, mais beaucoup n’avaient pas les lumières de l’officier. Ils ne connaissaient pas en général d’autres manœuvres, à la première résistance qu’ils rencontraient, que de se jeter en avant avec tout le monde en tirailleurs, sans se ménager de réserve ».107

Cette tactique tend à porter ses fruits dans un premier temps car le tirailleur ne se sent protégé que par son arme et ses réflexes. Les coalisés ne semblent pas s’attendre, dans les premières années de la guerre, à ce qu’une armée presque entièrement dispersée leur fonde dessus.108 La cohésion du bataillon est alors inconnue chez les conscrits de l’An II, de plus, l’assurance que peut avoir un bataillon uni et compact est une donnée inhérente à l’infanterie de ligne, les tirailleurs ne se déplaçant que de manière dispersée durant les affrontements.

« La force des troupes est dans leur propre opinion. Le soldat qui, à rang serré, se regarde dans son bataillon comme dans une forteresse inexpugnable, se trouve, si vous le jetez en tirailleur, très-isolé et très-compromis, tandis que le chasseur à pied exercé, qui dans un combat brave souvent l’homme à cheval, et qui, se couvrant du moindre obstacle, lui ajuste avec sang-froid son coup de fusil, ne manœuvre souvent dans les rangs qu’avec trouble et incertitude. »109

La non-formation des cadres force alors à répéter inlassablement cette tactique dans les diverses batailles. Les Autrichiens sont d’abord surpris par cette infanterie qui s’avance rapidement vers eux de façon non pas compacte mais désordonnée. Ils trouvent bientôt la parade avec diverses tactiques visant à épuiser les bataillons en tirailleurs. Cette reprise en

107 Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, 1806, p. 116. 108 « L’étonnement que dut produire sur les troupes allemandes ce système d’isolement, soutenu par les effets meurtriers du feu des tirailleurs qui essuyoient peu de pertes en comparaison de celles qu’ils fuisoient éprouver à des lignes contiguës et déployées, fut une des premières causes de ces succès aussi étonnans pour notre siècle qu’ils le deviendront pour la postérité. » La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 3. 109 Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, 1806, p. 3. 74

main des troupes autrichiennes amène à une série de revers pour la France en 1793, car elle est incapable de former ses conscrits et d’innover dans la tactique de l’infanterie.110

Le général comte Duhesme affirme sans hésitation que l’armée française de 1793, en ce qui concerne l’infanterie, est presque exclusivement composée de tirailleurs. Il va même plus loin en disant que : « Même ceux des anciens régimens savaient à peine l’école de bataillon, et il aurait été difficile de faire manœuvrer au même commandement quatre bataillons réunis. »111, c’est cette utilisation abusive qui permit aux coalisés de contenir les assauts français à partir de 1794. Il leur suffit dès lors de combattre ces grandes bandes de tirailleurs par des avant-gardes disposées loin en avant du dispositif principal, et cédant volontairement du terrain de manière à épuiser l’ennemi avant que les réserves lui fondent dessus sans véritable résistance de la part de ces tirailleurs très peu formés. L’armée française décide donc vers 1795 d’en revenir à la tactique des tirailleurs de combat soutenus par des bataillons en colonne d’attaque. C’est également par réduction de leurs effectifs de troupes légères que les Autrichiens sont pendant un temps battus par les Français car ils étaient incapable de leur opposer des tirailleurs vétérans.112

Lors de la bataille d’Auerstedt, où le maréchal Davout se distingue pendant que Napoléon corrige les Prussiens à Iéna, le 1er bataillon du 48e régiment d’infanterie de ligne est détaché en entier en tirailleurs sur le flanc gauche du corps prussien.113 On voit là une résurgence de l’époque révolutionnaire. Le service des tirailleurs est habituellement et normalement effectué par les voltigeurs, mais comme les circonstances exigent souvent qu’on y emploie les autres compagnies, toutes y sont exercées et en quelque sorte habilitées.

110 La Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. 64. 111 Duhesme, Essai sur l’infanterie légère, p. 153. 112 « La réduction considérable des troupes légères autrichiennes, faite sous Joseph II, par les conseils du maréchal Lascy, a porté à cette armée le coup le plus funeste; tandis que vers la fin du siècle dernier, le principe adopté dans l’armée française, de répandre en tirailleurs de grandes masses d’infanterie de ligne, avant d’aborder les lignes ennemies, a été en partie la cause de ses brillians succès. » Forestier, Traité sur le service de l’infanterie légère en campagne, p. II. 113 Pigeard, L’Armée de Napoléon, p. 111. 75

L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

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Chapitre VIII QUELQUES FAITS D’ARMES DE L’INFANTERIE LÉGÈRE

« Les guerres de la révolution, en faisant prendre à l’art militaire un essor si brillant, n’ont fait que révéler de plus en plus l’utilité des corps de tirailleurs. Dans les nombreuses armées de 1793 qui surgirent de notre sol comme par enchantement pour couvrir nos frontières, qui, formé à la hâte, par une levée en masse, n’avaient que leur bouillant courage à opposer à l’adresse des Tyroliens, des chasseurs du loup de l’Autriche, nos généraux sentirent le besoin de suppléer promptement à notre inexpérience militaire, par la formation des corps francs, et en exerçant notre infanterie légère au service de tirailleurs ».

Beurmann, Traité sur l’infanterie légère, 1836, p. 18.

SOMMAIRE

 Les « enfants perdus » de la Révolution  Voltigeurs et consorts

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Les « enfants perdus » de la Révolution

Le Comte de la Roche-Aymon introduit son ouvrage sur l’infanterie légère en disant ceci : « Les campagnes d’Espagne et de Russie ont rendu aux Troupes Légères une telle prépondérance »114 En effet, ces deux campagnes ont pour point commun de se dérouler en partie sur des terrains abrupts, impropres aux charges de cavalerie comme à la manœuvre de gros bataillons. Les montagnes des Pyrénées et les forêts de Russie s’avèrent bien plus sied à la petite guerre. C’est durant les guerres de Révolution que les tirailleurs et chasseurs à pied remplissent à la lettre leur contrat en défendant les frontières montagneuses ou fluviales.

La Révolution apporte la gloire à ces bataillons de chasseurs à pieds volontaires, présents sous les drapeaux dès l’An II. Ils influent sur le sort des batailles par ailleurs bien plus contre la première coalition que durant toutes les guerres napoléoniennes où ils jouent un rôle plus auxiliaire. Ainsi, de nombreux écrits post-révolutionnaires parlent des exploits des tirailleurs dans diverses batailles comme Neerwinden, Mayence, Maubeuge, Fleurus ou Jemmapes, ou même des simples escarmouches en montagne, comme contre les Espagnols ou les Piémontais dans le cadre de la défense des frontières.

« Ainsi le déblocus de Maubeuge dépendit des hauteurs de Watigny, où Jourdan lançant à plusieurs reprises des bataillons entiers de tirailleurs, parvint à couper la ligne de l’armée autrichienne autour de cette place. »115

Ces récits font comprendre que l’infanterie légère ou de ligne dispersée tient un grand rôle dans les guerres de Révolution. Non pas parce que le terrain se prête toujours au tiraillement, mais parce que la non-formation des conscrits oblige les généraux français à user de cette tactique jusqu’à ce que l’ennemi trouve la parade.

On peut comprendre cette tactique du « tout aux tirailleurs » par une analyse politique et sociologique des soldats composant les armées révolutionnaires. Au-delà de la simple considération du manque d’entrainement et du peu de confiance vis-à-vis des officiers, cette masse de soldats, imprégnés des discours républicains hargneux vis-à-vis des monarchies ennemies, s’avance face à ce qu’ils voient comme des armées de mercenaires animés par la simple pensée de l’argent. Les conscrits, eux, ont le sentiment de mourir pour leur patrie. De même, le maréchal de Saxe contribue au progrès de la pensée militaire en France en théorisant le fait que l’ennemi ne peut gagner lorsque l’on lui oppose des offensives continuelles.

114 A. la Roche-Aymon, Des Troupes Légères, p. VII. 115 Duhesme, Précis Historique de l’infanterie légère, 1814, p. 154. 78

Voltigeurs et consorts

Si Bonaparte peut se targuer d’avoir inventé les voltigeurs, il peut également être satisfait de leur utilisation et de leurs exploits. Sans remporter les batailles par leurs seules capacités, ils permettent de débloquer des situations ou même d’empêcher l’enlisement d’autres situations plus périlleuses.

Les voltigeurs décident, par exemple, de la prise de la ville de Gaète en Italie, où les chasseurs corses prennent d’assaut les fortifications des Napolitains. Dans le même temps, ils patrouillent et font de nombreuses prises contre les brigands des Abruzzes et des Apennins. De même, durant la guerre d’Espagne, ils sont en toutes occasions aux avant-gardes afin de protéger les colonnes au maximum contre la guérilla et autres coups de main des légers anglais et espagnols.

Dans le camp d’en face, notamment à Waterloo, on ne peut évidemment passer sous silence les bataillons de légers retranchés dans les bois et le verger du château-ferme d’Hougoumont, qui, par leur seule force, réussissent à faire d’une attaque de diversion une « bataille dans la bataille » qui engage près de 10 000 hommes côté français, ni des troupes légères de la Kings German Legion qui défendent pratiquement jusqu’au dernier homme la ferme de la Haie Sainte avant d’être emportées par l’attaque française :

« Nous vîmes aussi l’armée prussienne, commandée par le maréchal Blucher, s'engager sous la protection de ses chaînes de tirailleurs qui, parcourant de mamelons en mamelons le terrain ondoyant devant Frischermon, nettoyèrent tout l'espace qui les séparait des ennemis, et facilitèrent aux masses d'infanterie qui les suivaient à une certaine distance, des chocs impétueux qui contribuèrent avec tant d'efficacité aux succès de la journée. »116

Dans un contexte plus général, le régiment de légers le plus célèbre de ces guerres est sans conteste le 95th rifles anglais, qui prend part à de nombreuses campagnes contre Napoléon et ses alliés, au Portugal contre Junot ou en Espagne avec la guérilla ou encore lors du grand incendie de Copenhague en 1807. On peut voir cette unité comme un prototype des premiers commandos qui fait la renommée anglaise lors des grands conflits du XXe siècle.

116 Okunev, Considérations sur les grandes opérations de la campagne de 1812, 1842, p. 187. 79

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CONCLUSION

Plus de dix ans après la fin de l’épopée napoléonienne, le général Lecouturier clame que : « Quiconque a servi conviendra que les troupes depuis 1792 jusqu’en 1815, légères, tant à pied qu’à cheval, ont fortement contribué au gain des batailles mémorables qui ont immortalisé nos glorieuses armées ».117

On ne peut que s’aligner sur sa pensée, mais sans toutefois s’empêcher de nuancer son propos. En effet, à plusieurs reprises des troupes de ligne effectuent le service des tirailleurs sans pourtant faire partie du corps des troupes légères, bien que ces dernières combattent aussi à de multiples reprises tels des régiments d’infanterie basique. Finalement, seuls les voltigeurs forment la véritable infanterie légère du Premier Empire, les carabiniers et les chasseurs à pied étant presque relégués en tant que compagnies de ligne.

Les amalgames successifs opérés durant la dernière décennie du XVIIIe siècle conduisent à rendre similaire les équipements des infanteries de ligne et légère. Seuls les uniformes et certains détails tels les épaulettes et le port du sabre différencient les deux unités. Lors de la généralisation de la baïonnette, accompagnée de grands discours sur cette supposée « arme des héros », Les infanteries légère et de ligne se confondent. Armer des bataillons de légers de la sorte revient à les faire combattre au corps-à-corps alors que leur fonction réside dans le harcèlement et non le choc. Par ailleurs, leur paquetage et leur instruction sont similaires à l’infanterie de ligne et aucun règlement officiel sur les elles n’a été édité, mise à part les écrits du maréchal Davout en 1811, soit vingt ans après la publication du règlement d’infanterie de 1791 ou bien les écrits de différents généraux comme Duhesme, commandant reconnu des troupes légères. Finalement, seul l’uniforme des légers est différent en certains aspects de celui des « lignards ».

En 1792, la France se lance dans la guerre contre l’Europe en partie pour étendre l’ancien pré-carré des rois jusqu’aux frontières naturelles comme l’embouchure du Rhin, les Alpes et les Pyrénées. Le pays passe de 28 à 35 millions d’habitants, il faut faire de la « forteresse France » un bastion capable de mener tout projet militaire. Les levées de l’An I permettent de créer de toutes pièces des légions provinciales de gardes nationaux mais également de bandes de tirailleurs, plus particulièrement dans les zones montagneuses. D’autre part, les victoires révolutionnaires comme en Italie en 1797 amènent la création de « Républiques Sœurs », qui forment un glacis d’Etats tampons capables d’absorber le choc des invasions ennemies et permettent de recruter des troupes au service de la France, parmi lesquelles de nombreuses troupes légères.

Le constat que l’on peut faire au sortir des guerres révolutionnaires et napoléoniennes est qu’aucune véritable nouvelle arme n’explique la réussite des armées françaises, pas même finalement les troupes légères qui, si elles montrent tout leur potentiel et permettent assurément de faire faillir plus d’une unité ennemie, ne sont pas les plus décisives lors des batailles puisque leur efficacité n’est pas dans le choc décisif mais plutôt dans sa préparation.

117 Lecouturier, « Sur les manœuvres des voltigeurs », Le spectateur militaire, p. 257. 81

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Lorsque Napoléon devient Consul, il hérite de l’armée révolutionnaire. Lorsqu’un adversaire est supérieur en nombre, il s’arrange pour combattre ses ennemis séparément. Il sait comment disposer ses unités et sait quel chef il convient de donner à chacune. Le fait que les troupes légères aient eu une réelle importance sous l’Empire peut s’analyser par le fait que, sauf en Espagne et en Russie, la Grande Armée ne combat que des armées régulières et non des guérillas. L’art de la guerre chez Napoléon est un don inné, mais lui-même ne se reconnait aucun génie militaire. Pour l’Empereur, la guerre ne s’apprend pas et il n’a d’ailleurs pas lancé de chantier pour l’instruction à la guerre. C’est pour cela qu’aucun règlement officiel de l’utilisation de l’infanterie légère n’est publié, les officiers devant se référer à leur savoir et leur sens tactique.

Néanmoins, la pratique du combat en ordre dispersée, bien qu’elle ne soit pas née avec la Révolution mais remonte des temps immémoriaux, continue à progresser après 1815. Au sein des armées européennes bien sûr, mais également dans d’autres, organisées de la même façon. Ainsi, on retrouve des compagnies de sharpshooters, littéralement les tireurs d’élites, dans les régiments de ligne de la guerre de Sécession. Les corps-francs formés à la hâte pour défendre le territoire national et qui sèment la terreur dans les esprits allemands en 1870 sont en quelque sorte des résurgences de ceux de l’An II. Au fil du XXe siècle, l’armement a permis de plus en plus de disperser l’infanterie car il est bien trop efficace contre une troupe disposée en bloc, mais permet aussi un tir rapide et efficace avec un nombre réduit d’armes. On peut donc penser que les légers de la Révolution et les voltigeurs du Premier Empire ont été les précurseurs des armées contemporaines, agissant en hommes à tout faire et profitant de leur dispersion organisée pour harasser un ennemi.

Pour conclure, je cite le capitaine des voltigeurs Marc Desboeufs sur son ressenti sur les unités de voltigeurs de la Grande Armée :

« Je fus très surpris, en rentrant en France, de la haute idée qu’on s’était formée de la Garde impériale et du peu de cas qu’on faisait des voltigeurs, qu’on ne distinguait guère des compagnies du centre. Cependant les voltigeurs ont combattu mille fois plus que la Garde. Ils étaient toujours en tête et elle en réserve. Il ne se tirait pas un coup de fusil sans eux, et la Garde, qui prenait rarement part aux petits combats, donnait presque aussi rarement dans les batailles. Enfin, les voltigeurs étaient l’élite des corps et une partie de la Garde en était le rebut. Quiconque a vu la chose par ses yeux sait que beaucoup de colonels n’envoyaient à Paris que les hommes dont ils voulaient se défaire, tandis que les capitaines de voltigeurs n’admettaient dans leurs compagnies que des soldats d’un courage éprouvé. Aussi aurais-je préféré pour une attaque, commander à trois cents voltigeurs qu’à cinq cents hommes de la Garde. »118

118 Desboeufs, Souvenirs du capitaine Desboeufs, 1901, p. 205. 82

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 5

Chapitre I PRÉSENTATION DES TROUPES LÉGÈRES FRANCAISES ET ETRANGÈRES 12 Montagnards et forestiers français 14 Les différentes unités légères de la Grande Armée 17 La « Garde Impériale légère » 20 Légers alliés et adverses 23

Chapitre II UNIFORMES ET HABILLEMENT 28 Les légions de volontaires de l’An II 30 L’infanterie légère impériale 32 Les uniformes des légers alliés et adverses 35

Chapitre III ARMEMENT ET ÉQUIPEMENT 38 Le fourre-tout révolutionnaire 40 La Grande Armée : le fusil plutôt que la carabine 40 Les unités légères étrangères 43

Chapitre IV L’INFANTERIE LÉGÈRE DANS LA STRATÉGIE … 45 Les missions de reconnaissance 46 Le service des avant-postes 47 La protection des colonnes en retraite et des communications 49

Chapitre V … ET DANS LA TACTIQUE 53 Les lieux de prédilection des troupes légères 55

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Ses « meilleurs ennemis » 56

Chapitre VI MARCHES, MANŒUVRES ET FEUX 59 Les marches 60 Déploiement et positions de tir 62 Se défendre et se rallier 66 Prendre ou défendre une position forte 68

Chapitre VII LE PEU DE DIFFÉRENCES AVEC L’INFANTERIE DE LIGNE 71 Du « lignard » au « pied léger », il n’y a qu’un pas 72 Le tiraillement : l’absence d’un système de l’exclusif 73

Chapitre VIII QUELQUES FAITS D’ARMES DE L’INFANTERIE LÉGÈRE 77 Les « enfants perdus » de la Révolution 78 Voltigeurs et consorts 79

CONCLUSION 81

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 83

TABLE DES MATIÈRES 89

ANNEXES 91

TABLE DES ANNEXES 101

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ANNEXES

Annexe 1 :

Instruction pour les tirailleurs, article I, Déploiement & article II, De la Marche H. Caporali, La patience du tirailleur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Annexe 2 :

Instruction pour les tirailleurs, article I, Déploiements, n°1 : déploiement par le flanc sur la file gauche, H. Caporali, La patience du voltigeur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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Annexe 3 :

Instruction des tirailleurs, article II, De la Marche H. Caporali, La patience du voltigeur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Annexe 4 :

Instruction pour les tirailleurs, article II, De la Marche H. Caporali, La patience du voltigeur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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Annexe 5 :

Instruction pour les tirailleurs, article I, Déploiement, n°1 : déploiement par le flanc H. Caporali, La patience du voltigeur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Annexe 6 :

Instruction pour les tirailleurs, article I, Déploiements, n°2 : déploiement en avant, H. Caporali, La patience du voltigeur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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Annexe 7 :

Instruction pour les tirailleurs, article III, Des feux, 1° Feu de pied ferme H. Caporali, La patience du voltigeur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

Annexe 8 :

Instruction pour les tirailleurs, article III, Des feux, 2° Feu en avançant, H. Caporali, La patience du voltigeur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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Annexe 9 :

Instruction pour les tirailleurs, article IV, Ralliement et rassemblement H. Caporali, La patience du voltigeur, http://tiraillement1805.blogspot.fr/

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L’INFANTERIE LÉGÈRE, DES GUERRES DE RÉVOLUTION A LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE

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TABLE DES ANNEXES

Annexe 1 93

Annexe 2 94

Annexe 3 95

Annexe 4 96

Annexe 5 97

Annexe 6 98

Annexe 7 99

Annexe 8 100

Annexe 9 101

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Les troupes légères ont existées dans toutes les armées. Des Grecs aux Romains, des osts médiévaux à la Grande Armée, tous ont compté parmi eux des hommes agissant de façon individuelle, se défendant avec leur seule arme. Cette distinction entre troupes « légères » et troupes « lourdes », repose sur l’armement des unes et des autres et son utilisation, ainsi que sur la différence de tactique des deux troupes, les soldats de la ligne avançant en bloc telle une forteresse inexpugnable alors que les « pieds légers » excellent plutôt lorsqu’ils sont orphelins de leur bataillon et combattent en « enfants perdus ».

Ce mémoire a pour but de comprendre pourquoi les troupes légères, dès 1792, jusqu’à 1815, ont eu une grande renommée, sans atteindre le prestige d’autres unités, et surtout une grande utilité. Quelles étaient les particularités de ces hommes que l’on jetait littéralement face à l’ennemi pour le harasser, le « tirailler ». Comment évoluaient-ils ? Qui étaient-ils ? Avec quoi faisaient-ils la guerre ? Et où faisaient-ils la guerre ?

Voltigeurs, chasseurs à pieds, carabiniers, tirailleurs, rifles, jägers, etc… autant de noms donnés aux « légers » de divers pays d’Europe qui ont guerroyé à l’aube de l’ère contemporaine.

Rousselot, Infanterie Légère 1804-1813, L’Armée Française, planche n°5.