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Document Technique No. 144 C-4KV

LES GASTEROPODES VENIMEUX

DE LA FAMILLE DES CONIDES

RENCONTRES EN NOUVELLE-CALEDONIE

René Sarrameçna

i, COMMISSION DU PACIFIQUE SUD DOCUMENT TECHNIQUE No. 144

LES GASTEROPODES VENIMEUX DE LA FAMILLE DES CONIDES RENCONTRES EN NOUVELLE-CALEDONIE

par René SARRAMEGNA Diplômé de l'Ecole Supérieure de Biologie — Paris Assistant à l'Institut PASTEUR de Nouméa

VOLUME I

APPAREIL VENIMEUX ET VENIN

Travaux effectués à l'Institut PASTEUR de Nouméa, Nouvelle-Calédonie

COMMISSION DU PACIFIQUE SUD NOUMEA, NOUVELLE-CALEDONIE JUILLET 1964 PREFACE

La Commission du Pacifique Sud, dans le programme de sa Section "Santé", possède un chapitre intitulé "Aide à la Recherche". Les crédits en sont destinés à apporter une participation à des recherches appliquées qui auraient une valeur prati­ que pour plusieurs territoires de la région. C'est ainsi qu'en octobre 1962 il fut décidé de satisfaire à une demande reçue de l'Institut PASTEUR de Nouméa. Le Directeur de cet organisme désirait effec­ tuer des études sur des venins de Conidés, mollusques responsables de plusieurs cas de décès en Nouvelle-Calédonie. Le travail fut confié à M. SARRAMEGNA, Assistant au laboratoire de l'Institut PASTEUR. Les insulaires du Pacifique Sud connaissent depuis toujours le danger de mani­ puler certains cônes venimeux. Les nouveaux venus, par contre, doivent être instruits de ce danger; c'est là un des buts de la présente publication. L'auteur y décrit les gastéropodes et leur appareil venimeux. Un second volume, en prépara­ tion, traitera des tests de toxicité effectués sur les venins des Conidés avec, com­ me application pratique, la préparation d'un sérum anti-venimeux. Grâce à un tel sérum, il ne fait pas de doute que des vies humaines seront sauvées. Les îles du Pacifique attirent des touristes du monde entier; parmi eux, de même que parmi les habitants de la région, se trouvent, de plus en plus nombreux, des amateurs de chasse sous marine. Echanges, ventes, confection de colliers, fabrique de souvenirs, c'est une véritable industrie qui s'est désormais créée autour de la collecte des coquillages.

Les îles des Mers du Sud sont célèbres aussi bien par l'aménité de leurs popu­ lations que par la rareté des animaux dangereux. La présence de quelques mollusques venimeux ne constitue en réalité aucun péril majeur, et ce péril n'existera plus àa tout si on en est averti. Dans le document que publie aujourd'hui la Commission du Pacifique Sud, tous les cas mortels dus aux Conidés ne sont certainement pas décrits. De nom­ breuses îles n'ont pas de médecins, et, par contre, il y a sûrement des médecins qui n'ont pas publié toutes les observations qu'ils ont pu faire; témoin, le cas de ce Vietnamien de 23 ans résidant aux Nouvelles-Hébrides et qui fut soigné et guéri par le Dr. CAMPANA, à Port-Vila, en décembre 1962. Ce jeune homme avait, au cours d'une partie de pêche, ramassé un geographus et l'avait placé dans sa chemise entr'ouverte. En Australie, cette année, on a soupçonné un venin de Conidé d'être la cause de deux morts mystérieuses survenues dans les environs de Sydney. Ainsi, de temps en temps, les cônes toxiques font parler d'eux dans la presse du Pacifique. La Commission elle-même a publié un article de vulgarisation dans son Bulletin du Pacifique Sud de janvier 1963. Le travail de M. SARRAMEGNA que nous présentons maintenant dans notre série des "Documents Techniques" fait le point de la question. Il n'est, comme nous l'avons déjà dit, que la première étape de recherches ultérieures auxquelles la Commission aura été heureuse d'appor­ ter sa contribution. Dr. Guy LOISON Directeur de la Section "Santé".

Nouméa, Nouvelle-Calédonie, Octobre 1963.

iii TABLE DES MATIERES

Page

Préface (iii) Introduction 1 I. LE GENRE CONUS 2 II. CARACTERES GENERAUX 3 III. LES PROPRIETES VENIMEUSES DES CONES 5 IV. L'APPAREIL VENIMEUX DES CONES 9 V. TESTS DE TOXICITE SUR L' 13 VI. COMMENTAIRES ET PERSPECTIVES D'AVENIR 15 Planches I, II et III — Cônes venimeux rencontrés en Nouvelle-Calédonie 16-18 Planches IV, V, VI, VII et VIII — Espèces non venimeuses et espèces dont la toxicité n'a pas encore été démontrée 20-24 Bibliographie 25 Remerciements 26

iv Le présent rapport est publié par la Commission du Pacifique Sud à titre d'in­ formation générale. La Commission n'ac­ cepte aucune responsabilité en ce qui concerne les assertions qui y figurent. Le texte original de ce document a été rédi­ gé en français.

Manuscrit reçu le 15 septembre 1963.

v PHOTO DE COUVERTURE Au centre : Conus striatus. A la périphérie, en commençant par en haut et à gauche, on a, dans le sens des aiguilles d'une montre : Conus aulicus, Conus geographus, Conus marmoreus, Conus tulipa. Conus textile. (Photo: Rob Wright)

n INTRODUCTION Parmi les nombreux coquillages rencontrés sur les récifs du lagon calédonien, les cônes occupent une place honorable. Vingt-cinq pour cent environ des espèces mondialement connues y sont représentées. Remarquables par la variété des coloris de leur coquille et appréciés pour leur chair savoureuse, ils eurent tôt fait d'attirer l'attention des plongeurs autochtones qui les utilisent pour leur propre consommation, les troquent ou les vendent aux conchyliologistes. Les cônes ont aussi gagné la faveur des pêcheurs sous-marins et des plongeurs de trocas, lesquels s'arrêtent volontiers pour ramasser ces intéressants coquillages. Malheureusement, qu'ils soient placés, par commodité, dans le maillot de bain ou tout simplement conservés dans la main, ces mollusques timides et apathiques se sont à maintes occasions révélés dangereux et même mortels parfois. A présent ils semblent avoir pris dans l'esprit des populations du Pacifique Sud une réputation redoutable et, naturellement à un degré moindre que la peur des requins, ils éveillent parmi les pêcheurs sous-marins un souci de curiosité et de méfiance. La fonction venimeuse n'est d'ailleurs pas spécifique à la famille des Conidés; elle se retrouve chez d'autres gastéropodes prosobranches tels les Turridae et les Terebridae que certains auteurs réunissent dans le sous-ordre des "Toxoglossa" ou "Langue à venin" des anglo-saxons. Toutefois, les Turridae et les Terebridae ne semblent pas responsables d'accidents humains et de ces trois familles nous retiendrons seulement celle des . Mais, de même que les serpents sont venimeux ou non, et les uns plus redou­ tables que d'autres, de même certains cônes sont plus dangereux que d'autres. Les autochtones se targuent de connaître les cônes dangereux : à notre avis on se gardera bien de suivre leurs conseils empiriques car certains pêcheurs ont quelquefois payé de leur vie leur imprudence. La difficulté que l'on rencontre souvent à différencier les Conidae dans leur milieu naturel devra obliger à consi­ dérer tous les cônes comme suspects. Par ailleurs si certaines espèces paraissent inoffensives pour l'homme, elles ne sont pas moins toutes équipées d'un appareil venimeux dont nous ne devons à aucun moment ignorer l'existence. Sans vouloir alarmer tout le monde, il nous paraît opportun de mettre les pêcheurs en garde contre ces coquillages toujours très recherchés des collection­ neurs et qui, depuis le développement du tourisme dans nos régions, se vendent à bon prix. En ce sens, un bref exposé sur les caractères généraux des cônes sera d'abord présenté ici, suivi de la description des espèces les plus fréquemment rencontrées sur les côtes calédoniennes. Nous aborderons ensuite la fonction venimeuse de ces gastéropodes en y appor­ tant tout l'intérêt qu'elle suscite. Des essais de toxicité seront pratiqués sur le venin isolé de quelques espèces. La préparation d'un sérum antivenimeux est également envisagée selon les pro­ cédés habituels d'immunisation d'un anima] de choix. Bien sûr, ce travail ne s'annonce pas de tout repos. La difficulté première réside dans l'obtention d'un nombre assez important de cônes d'espèces différentes, afin que soit faite sur chacune d'elles une extraction du venin en quantité suffisante pour permettre les diverses expérimentations et opérations auxquelles ce produit sera soumis. Cette difficulté s'accroît si nous donnons la préférence aux cônes de grande taille dont la glande plus développée sera plus riche en venin. Beaucoup d'obstacles seront franchis grâce à la collaboration de tous ceux qui, de près ou de loin, s'intéressent à ce problème.

1 I: LE GENRE CONUS Position taxonomique Les coquillages du genre Conus appartiennent à la famille des Conidae •— Super-famille des Conacea — Ordre des Néogastéropodes — Sous-classe des Streptoneures (ou Prosobranches) — Classe des Gastéropodes —• Embranchement des Mollusques.

MOLLUSQUES

APLACOPHORES I I I I BIVALVES CEPHALOPODES POLYPLACOPHORES MONOPLACOPHORES GASTEROPODES SCAPHOPODES

EUTHYNEURES STREPTONEURES

ARCHEOGASTEROPODES MESOGASTEROPODES NEOGASTEROPODES

BUCCINACE A MUR1CACEA CONACEA

TURRIDAE Toxoglossa TEREBRIDAE CONIDAE ^ CONUS

Le genre Conus, Linné 1758, a été divisé par SWAIN- Variétés: Asprella, Schaufus 1869 (Asprella orbignyi, SON et MORCH en un grand nombre de sous-genres actuelle­ Audouin) ment réduit à quatre : Leporiconus, Iredale 1930 (Hermès (Lepori- 1°) Sous-genre Conus, sensu stricto — forme conique, ou­ conus) mitratus, Bruguière). verture étroite à bords sub-parallèles. 3°) Sous-genre Cylindrus — coquille subconique, lisse; spire Variétés : Rhombus, Montfort 1810 aiguë; dernier tour ventru à sa partie moyenne; ouver­ Puncticulis, Swainson 1840 ture dilatée en avant. Coronaxis, Swainson 1840 Variétés: , Iredale 1930 (Darioconus textile, Dendroconus, Swainson 1840 Linné) Leptoconus, Swainson 1840 Regiconus, Iredale 1930 (Regiconus aulicus, Lithoconus, Môrch 1850 Linné). Stephanoconus, Môrch 1850 Rhizoconus, Môrch 1852 4°) Sous-genre Gastridium — coquille subcylindroïde; spire Chelyconus, Môrch 1852 courte mais aiguë; columelle sinueuse; ouverture évasée Virroconus, Tredale 1930 en avant. Cleobula, Iredale 1930. Variétés: Rollus, Montfort 1810 (Rollus geographus, 2°) Sous-genre Hermès — coquille subcylindrique, striée Linné) transversalement; spire obtuse, élevée; ouverture droite, Tuliparia, Swainson 1840 (Tuliparia tulipa, étroite (Hermès clavus, Linné). Linné).

2 II: CARACTERES GENERAUX

Les Conidae constituent une vaste famille répandue dans surmonte la partie large ou base de la coquille, la partie toutes les mers chaudes du globe et principalement dans effilée étant la pointe (Figure 1). l'Indo-Pacifique. Comme leur nom le laisse prévoir, les gastéropodes On y compte actuellement plus de trois cents espèces tou­ de la famille des Conidae possèdent tous une coquille tes aussi différentes par leur taille que par la diversité et ayant la forme d'un cône; un cône calcaire creux, enroulé l'agencement de leurs coloris. Il s'y ajoute des espèces fossiles en spirale autour d'un axe appelé columelle. Les tours rencontrées dans les terrains tertiaires et dont le nombre ne internes sont partiellement résorbés (Figure 2). dépasse guère cent cinquante. L'enroulement est dextre, c'est-à-dire se fait dans le Leur taille est variable, oscillant communément entre cinq sens des aiguilles d'une montre quand on regarde la co­ et dix centimètres. Quelques spécimens atteignent plus de quille, l'apex tourné vers soi. Les spires dont le nombre quinze centimètres; rares sont ceux dont les dimensions sont est variable (six à sept en général), sont appliquées les inférieures à deux centimètres. unes contre les autres, d'abord serrées, puis s'étalant en larges bandes qui peuvent soit ne pas déborder (apex peu La plupart ne sortent que la nuit où il est fréquent de apparent) ou ne déborder que légèrement (apex saillant). les rencontrer à marée-basse, sur les récifs ou les plateaux à demi-découverts. La journée, au contraire, ils se cachent La base peut être hérissée de crêtes qui correspondent dans les anfractuosités des masses coralliennes, sous les ro­ aux différentes étapes de l'accroissement des spires. Les ches ou dans le sable. stries qui séparent les bandes d'accroissement sont d'ail­ leurs nettement visibles chez certaines espèces. Tous se livrent à la chasse de proies mobiles et variées, tels petits poissons de coraux, vers marins et mollusques (y L'ouverture ou péristome représente une fente étroite, compris d'autres cônes) qu'ils capturent vivants. droite, à bords parallèles ou sub-parallèles, et qui s'étend de la base à la pointe du cône où elle peut être évasée "Ce sont des animaux pillards qui butinent leurs victimes (Rollus geographus). et sucent leur jus" dit CLENCH. Cette définition pour aussi imagée qu'elle soit n'en est pas La coquille est remarquable par ses dessins et coloris moins exacte. Les cônes aspirent en effet leur nourriture dont la diversité est aussi grande qu'il y a d'espèces. sur les proies qu'ils paralysent au préalable à l'aide d'un C'est là un caractère fondamental pour l'identification appareil venimeux très efficace. Leur radula, profondément d'un cône. Il est à noter cependant qu'à l'état naturel modifiée, est armée de petites dents étroites dont la pointe la surface de la coquille est le plus souvent recouverte se termine en crochet. Chacune de celles-ci peut être proje­ d'une couche fibreuse qui en masque les caractères. Des tée isolément avec suffisamment de force pour harponner la dépôts calcaires y sont également fréquents. victime. En même temps, un venin sécrété par un système glandulaire complexe, est inoculé dans la blessure ainsi faite. Les cônes n'ont pas en général l'éclat porcelaine pro­ duit par tant d'autres coquillages et sur lequel divers fac­ Cette fonction venimeuse, le cône peut aussi l'utiliser com­ teurs dont la lumière, la température et la nourriture, me moyen de défense pour se protéger contre ses ennemis semblent avoir une grande influence. naturels parmi lesquels l'homme peut être cité occasion­ nellement. La pureté de l'eau a aussi un retentissement sur le brillant et les couleurs des coquilles; celles rencontrées Aussi, bien que ces gastéropodes soient craintifs et ren­ à proximité des plages où voisinent des usines qui dé­ trent dans leur coquille à l'approche du moindre danger, il versent leurs huiles et leur mazout ont un aspect som­ est quand même prudent de ne pas les manipuler négligem­ bre et terne. ment. b) L'opercule Pour ceux qui ont l'occasion d'en récolter, ils devront La plupart des mollusques prosobranches possèdent un toujours les saisir par la partie dorsale de la coquille, l'ou­ opercule calcaire ou corné, fixé au pied, à l'aide duquel verture dirigée vers l'extérieur, et les déposer de suite dans l'animal peut obturer sa coquille et s'abriter ainsi en cas un petit sac en toile ou en plastic qu'ils auront soin d'avoir de danger. sur eux. Chez les cônes, un opercule unguiforme, en dents de Description scie, se retrouve à la face postérieure du pied. Cette a) La coquille prolifération cornée, beaucoup plus petite que l'ouverture, Avant d'aborder l'étude de la coquille des cônes, une ne joue plus véritablement le rôle d'obturateur mais sert petite mise au point s'impose quant à l'interprétation des à la fois d'organe de locomotion et de préhension. L'ani­ mots "base", "pointe", et "apex". mal l'utilise en effet pour s'agripper lorsqu'il est dans des situations difficiles, pour fouir dans le sable, ou pour Chez la plupart des mollusques gastéropodes, la pointe attirer à lui des grosses particules alimentaires. désigne le sommet de la coquille à partir de laquelle se détachent les spires. La base correspond à la partie large. c) L'animal sorti de sa coquille Il suffit de casser la coquille et de décoller les inser­ Exemple : Terebridae. tions de l'animal à la hauteur de la première spire. Il Chez les Conidae, l'apex correspond au sommet qui présente :

3 pointe apex apex — base crêtes

Péristome stries

bandes d'accroissement

base—• pointe

2 3 FIG. 1 : (1) Terebridae, (2) et (3) Conidae.

(1) la masse viscéro-dorsale, enroulée en spirale et recou­ Le pied bien développé, plutôt large, est tronqué en verte d'un mince tégument, le manteau. Dans la ré­ avant, obtus en arrière. Chez la femelle il est percé gion antérieure et dorsale le manteau limite la cavité d'un pore à sa partie antérieure. Le mâle porte laté­ palléale. Son bord antérieur est normalement appliqué ralement un spicule bien développé. sur celui de la coquille; L'extrémité céphalique se prolonge en une gaine char­ (2) l'ensemble "tête-pied" qui apparaît hors de la coquille nue s'ouvrant sur l'orifice buccal. Elle abrite la trom­ quand l'animal sort. Il est recouvert d'un tégument pe, organe exsertile que l'animal déploie quelquefois épais et résistant. au cours de ses déplacements. De chaque côté de la gaine sont visibles deux tenta­ cules grêles, sub-eylindriques, portant les yeux vers le sommet de leur côté externe. Le siphon allongé est saillant (Figure 3).

FIG. 3 : Darioconus textile, Linné : S Siphon TR Trompe O Opercule GT Gaine de la trompe FIG. 2: Radiographie de la coquille du Cône textile. t = Tentacules (Cliché: Dr. Mauvais) (Dessin: A. Traica — Photo: Boixo)

4 III: LES PROPRIETES VENIMEUSES DES CONES

Historique eau peu profonde. Dès qu'il l'eut touché il eut l'impres­ Les propriétés venimeuses des cônes semblent être con­ sion qu'une eau très froide était projetée dans la paume de sa main. nues depuis longtemps et déjà en 1705 le naturaliste hollan­ dais G.E. RUMPHIUS rapporte un cas mortel survenu à Arrivé chez lui il se plaignit d'un engourdissement du l'Ile Banda, dans l'Archipel des Moluques : bras droit. "Une femme indigène tenait un coquillage qu'elle avait Quand je revins le consulter quelques minutes plus tard, ramassé dans les mailles de son filet de pêche. Alors qu'elle je constatai qu'un garrot avait été serré au-dessus de son regagnait la plage, elle sentit un léger engourdissement bras malade. dans la main, lequel s'étendit bientôt à tout le corps. Elle mourut peu après." Le pouls, très faible, était aux environs de cinquante. Ce récit est détaillé dans les "Mémoires de RUMPHIUS" Je fis desserrer le garrot et lui administrai une forte (1959), par W.S.S. BENTHEM JUTTING, et il semble bien dose de morphine pour apaiser ses douleurs. que l'espèce incriminée soit celle connue à présent sous le Entre temps, un soigneur indigène était arrivé. Il prati­ nom de Darioconus textile, Linné. qua, au moyen de lames de bambou, deux profondes inci­ 11 faut alors attendre plus d'un siècle avant que ne soient sions de part et d'autre du bandage. Environ deux cents relatés d'autres cas d'envenimation par piqûre de cônes. centimètres cubes de sang s'écoulèrent. C'est en effet en 1848 que A. ADAM cite dans l'odyssée du H.M.S. SAMARANG, Vol. 2, p. 356, le passage suivant: Je quittai alors le patient en conseillant au préalable de ne rien fixer autour de son bras qui puisse gêner la "A la petite Ile de Mayo, dans l'Archipel des Moluques, circulation. Monsieur Edwards BELCHER était piqué par un Conus aulicus alors qu'il le retirait de l'eau et il compare la dou­ Je revins le matin suivant et constatai l'effet bienfaisant leur ressentie à celle que produirait du phosphore qui brûle de la morphine. Par ailleurs le pouls était redevenu nor­ sous la peau. Et ADAM ajoute: l'organe responsable est mal. Seules persistaient l'enflure et les douleurs dues aux la langue qui, chez ces mollusques est très allongée et incisions. armée de dents pointues et tranchantes, capables d'infliger Une semaine plus tard mon client était en parfaite des blessures profondes et triangulaires, accompagnées de santé. douleurs violentes." Ainsi le simple contact avec un cône a provoqué chez De 1850 à 1911 plusieurs accidents par piqûres de cônes ce jeune homme une perturbation considérable. Pourtant sont signalés et en 1912 le Docteur J. BURTON CLELAND en examinant ce cas il m'est difficile de faire la part alors affecté au "Government Bureau of Microbiology", des choses. Je ne pouvais pas en effet dissocier d'une ma­ à Sydney, en communique la liste dans une importante publi­ nière satisfaisante les effets implicables à la piqûre du cation parue dans "Australian Médical Gazette" les 14 et coquillage de ceux attribuables au garrot que les indi­ 21 septembre 1912, sous le titre: "The Injuries and Diseases gènes ont coutume de fixer un peu trop prématurément. of Man in Australia Attributable to the Animais". Nous donnons ci-dessous la traduction intégrale de cette Je dois mentionner cependant que le 28 mai 1859 j'eus communication : l'occasion de rencontrer un cas semblable: 1860 — MAC GILL1VRAY, J. — Zoological notes from En compagnie du Révérend-Père J. GEDDIE, je me Anatum, New Hébrides, The Zoologist, 18, p. 7136- rendis au chevet d'une femme qui disait avoir été piquée 7138. quatorze jours auparavant par un cône qu'elle avait ra­ massé aux récifs. Tout son bras droit était gangrené et je "Au sujet des propriétés venimeuses du Cône textile. notai que plusieurs incisions y avaient été pratiquées. Au cours de mon séjour à Anatome, aux Nouvelles- J'appris alors qu'un garrot avait été posé durant plu­ Hébrides, je fus mis en garde par les indigènes contre sieurs jours, ce qui expliquait l'état dans lequel se trou­ une certaine espèce de cône capable, disaient-ils, d'éjecter vait cette femme qui mourut bientôt. un poison sur une distance de plusieurs pouces et qui pro­ duirait dès son contact avec la main, une sensation étran­ De ces deux cas je n'avancerai rien quant à mes obser­ ge accompagnée de douleurs intenses, avec engourdissement vations personnelles mais je peux dire qu'après examen je du bras et défaillance générale. Souvent cet état évolue n'ai trouvé aucun système particulier au cône textile, ni vers la mort. remarqué de différence anatomique entre lui et le cône arenatus bien connu pour être inoffensif. Le coquillage en question figurait dans ma collection: c'était un Conus textile. Il est donc difficile de souscrire à la croyance popu­ laire de cette île qui croit au pouvoir dangereux des cônes. Je n'accordai d'abord que peu de valeur à ce récit. Pourtant je m'aperçus bientôt qu'il reflétait la croyance La sensation initiale, tellement étrange, ressentie dans la générale. Je consentis alors, sans trop de conviction, à main qui est en contact avec le coquillage, peut seule­ agir avec beaucoup de précautions en manipulant ces co­ ment s'expliquer par une projection par le siphon mais elle quillages que j'avais tant de fois récoltés sans ennuis. ne semble pas justifier la pose d'un garrot, responsable de tant de complications ultérieures." Or, le 9 juin de cette année, je transportai chez lui un jeune indigène qui souffrait de violentes douleurs et qui 1874 — CROSSE, H. et MARIE, E. — Journal de Con­ me disait avoir été piqué par un cône alors qu'il péchait en chyliologie, 22, p. 353.

5 "Les cônes textile et tulipa sont très répandus en Nou­ arrêter l'hémorragie. Le blessé ne pouvait pas se servir de velle-Calédonie et sont tous deux réputés venimeux. son bras qui était engourdi, mais là il m'est difficile d'émettre un avis et d'établir qui, entre la piqûre et le Plusieurs naturalistes anglais avaient déjà signalé le ca­ traitement, était responsable de cet état. ractère dangereux du cône textile et ce fait semble au­ jourd'hui se confirmer à la suite d'un accident survenu à 11 me paraît toutefois important de communiquer ces Pouébo (Nouvelle-Calédonie). Un indigène fut piqué dans quelques observations qui pourront intéresser les conchylio- la main au moment où il ramassait ce coquillage. Aussi­ logistes en général." tôt après, il ressentit une violente douleur dans le bras, suivie d'une enflure importante qui persista pendant plu­ 1902 — CORNEY, R.G. — Nature, 65, p. 198. sieurs jours. "L'inquiétude ressentie par beaucoup de gens quant aux propriétés venimeuses de certains cônes, semble à présent La piqûre est provoquée par les dents de la langue et justifiée. non par l'opercule que l'on incrimine à tort dans ces ré­ gions." Un cas est en effet enregistré chez un sujet européen dont la bonne foi ne peut être mise en doute, et je pense 1877 — Révérend-Père MONTROUZIER, Journal de Con­ qu'il est utile d'apporter aujourd'hui la preuve que le cône chyliologie, XXV, p. 99. est bien un coquillage dangereux. "Le cône marmoreus, abondant à Mare (Iles Loyauté) La victime, Mme B.,%pêchait dans le port de Levuka ne peut être tenu négligemment dans la main sans risque (Fidji) avec sa famille et un serveur indigène. Celui-ci avait d'accidents sérieux par piqûre de sa langue. D'ailleurs, ce ramassé, comme amorce, divers coquillages dont un Conus fait a déjà été mentionné pour le cône textile responsable geographus. Après avoir brisé la coquille de ce dernier, il de plusieurs accidents aux Nouvelles-Hébrides.'' le remit à Mme. B. qui, d'un doigt, procéda au délogement de l'animal. C'est alors qu'elle sentit une étrange piqûre 1878 — GARRETT, A. — Annotated Catalogue of the au doigt, près de l'ongle. Species of Conus Collected in the South Sea Islands — Quarterly Journal of Conchology, 1, Elle constata bientôt que sa main et son bras s'engour­ p. 365. dissaient. Rapidement, son état s'aggrava et la paralysie s'étendit à tout son corps. Dans ce catalogue des cônes qu'il a établi, GARRETT mentionne le passage suivant au sujet du Cône tulipa, Linné : Mme B. fut transportée d'urgence chez elle où l'atten­ dait un médecin. Il compara ces symptômes à ceux d'un "Cette espèce est abondante aux récifs. Au cours d'une empoisonnement par le curare. La parole était difficile récolte que je faisais aux Tuamotus, je fus piqué par un et indistincte. Pourtant la malade ne perdit pas conscience des trois exemplaires que je tenais dans la main. Il sortit et savait parfaitement ce qui se passait autour d'elle. On sa longue trompe qui m'atteignit au doigt, occasionnant ne notait ni troubles .cardiaques, ni troubles respiratoires. une douleur aiguë qui n'a rien de comparable avec celle provoquée par la piqûre d'une guêpe." Cet état alarmant régressa au bout de six heures et la plupart des symptômes s'estompèrent dès le lendemain. 1884 — COX, J.B. — Poisonous effects of the Bite In- Seul l'engourdissement de la main persista pendant plu­ flicted by Conus geographus, Linn. Proc. Linnean sieurs jours. Soc. N.S.W., 9, p. 944-946. Mme B. fut en outre affectée de troubles visuels qu'elle Monsieur B. HINDE adressait, du H.M.S. DIAMOND, attribua à la même cause." la lettre suivante au Docteur COX : A Bord, Lat. 10° 14' S. Médical Department, Fiji, 30 septembre 1901. Long. 155° 34' E. Signalons qu'au cours des dernières années d'autres cas "Un indigène de Nodup, Nouvelle-Bretagne, me voyant d'envenimation par piqûres de cônes ont été enregistrés. Par­ avec un Conus geographus, Linné, me mit en garde contre mi les plus importants citons : sa piqûre capable, disait-il, de tuer un homme. Il m'infor­ ma aussi que toute personne piquée devait aussitôt prati­ 1932 — HERMITTE, L.D.C. — Venomous Marine Molluscs quer de profondes incisions autour de la blessure afin de of the Genus Conus — Transactions of the Royal laisser le sang s'écouler librement. C'était d'après lui la Society of Tropical Medicine and Hygiène, p. 485. seule chance de salut. "En juin 1932, Monsieur De LAFONTAINE âgé de 32 ans, Seychellois d'origine française, résidant à l'Ile Pensant que cet homme exagérait, je m'adressai à un aux Cerfs (Seychelles) marchait à marée basse dans l'eau planteur européen de la région afin d'avoir son opinion du lagon, non loin de la côte, à la recherche de coquilla­ sur ce récit. Il me répondit qu'il le croyait exact et qu'à ges. Tout en avançant, il trouva un cône geographus de ce sujet il avait lui-même adressé une note à Sydney. taille moyenne qu'il ramassa aussitôt. Or l'occasion me fut bientôt donnée de voir moi-même un indigène de l'Ile Matupi, Nouvelle-Bretagne, victime de Comme la coquille était recouverte d'une couche d'algues la piqûre de ce coquillage. Il a de suite, sur tout son marines, il entreprit de la nettoyer à l'aide d'un canif. bras, pratiqué, avec le tranchant d'une pierre, plusieurs Tenant le coquillage dans la main gauche, l'ouverture diri­ incisions desquelles le sang s'écoulait abondamment. Il me gée vers la paume, il commençait à en gratter la surface fit remarquer que sans cette précaution la mort serait quand il sentit une piqûre dans la paume de la main gau­ fatale. che, suivie immédiatement d'une sensation de brûlure. Retournant rapidement le coquillage pour en observer l'ou­ Des cendres chaudes ont ensuite été appliquées pour verture, il vit la "bouche" de l'animal au moment où

6 celui-ci se rétractait dans sa coquille. Il remarqua en "Un jeune homme de 27 ans débarquait à l'Ile Hay­ même temps une sorte de dard pointu sortant d'une lan­ man (Grande Barrière de Récifs) le 27 juin 1935. gue étroite qui se retirait lentement dans la bouche au fur et à mesure que celle-ci se rétractait. Il tenait dans la main un cône, identifié par Monsieur H.A. LONGMAN, du Queensland Muséum, comme étant La blessure était si petite qu'elle ne se voyait pas. un Conus geographus. La sensation de brûlure fit rapidement place à l'engour­ Alors qu'il en grattait la coquille avec un canif, il fut dissement et en quelques minutes le blessé sentit des pico­ piqué dans la paume par l'animal. tements dans le bras gauche qui était engourdi. Un engourdissement local se manifesta presque sur le Eprouvant de l'angoisse, il décida de regagner le bord champ, et progressa rapidement. et de rentrer chez lui. Vingt minutes plus tard le malade se plaignait de trou­ Dans l'espace d'une heure, tout son corps était engour­ bles visuels et, au bout d'une demi-heure, ses jambes di; sa vue devint trouble; il ressentit des vertiges et des étaient complètement paralysées. nausées; sa parole était difficile. Bientôt il devint com­ plètement paralysé. Une heure après l'incident, il était sans connaissance. Son pouls était faible et rapide, sa respiration lente et peu Au bout de cinq à six heures, son état s'améliora légère­ profonde. ment et il demanda à être conduit à mon cabinet à Mont- Fleuri, sur l'Ile Mahé. La mort survint au bout de cinq heures." L'accident était survenu vers neuf heures et le blessé 1954 — PETRAUSKAS, L.E. — A case of Cône Shell fut transporté par pirogue à mon cabinet à six heures. Poisoning by "Bite" in Manus Island — Papua & Il était hébété, incapable de se tenir debout et avait une New Guinea Médical Journal, Vol. 1, No. 2, sensation d'engourdissement dans tous les membres. p. 267. A l'examen, on ne notait rien de particulier à l'endroit "Le 27 août 1954, une fillette âgée de 8 ans, originaire de la piqûre. Ses réflexes rotuliens ne purent être étudiés de Manus Island, s'écroulait subitement sur la plage aux mais ses pupilles réagissaient normalement à la lumière et environs de midi. à l'accommodation. Le pouls et la respiration étaient nor­ Transportée d'urgence à l'hôpital, elle présentait à son maux; la température était également normale. arrivée le tableau clinique suivan Manifestement ces symptômes semblaient être en rela­ — Parole difficile, respiration peu profonde, paralysie tion avec quelque poison neuro-toxique. Je décidai d'admi­ des membres supérieurs et inférieurs; parfaite maîtri­ nistrer en conséquence, une injection de chlorhydrate de se des muscles de la face. strychnine par voie dermique (1/60 de grain).1 — Rythme cardiaque accéléré. Je renvoyai le malade chez lui avec une potion à base de strychnine et j'ordonnai qu'on lui fit des massages. — Pas d'élévation de température. En dépit de ce traitement, il mit trois jours avant de Ultérieurement, les signes de défaillance respiratoire s'ac­ voir disparaître l'engourdissement qui l'immobilisait. centuèrent et l'on dut recourir à la méthode de Sylvester pour pallier l'asphyxie; un tube endotrachéal fut mis en Au moment de son transfert à mon cabinet le jour de place et l'oxygénation fut assurée grâce à un appareil l'accident, il avait fort heureusement disposé le coquillage anesthésique. 100 mgrs de vitamine Bi et 200.000 unités vivant dans un récipient contenant de l'eau de mer et du de pénicilline-procaïne furent administrés. sable. Etant moi-même collectionneur, j'identifiai l'espèce comme étant un Conus (Gaslridium) geographus, Linné. Le pouls s'améliora. Environ deux heures plus tard, le Ce n'était pas un gros spécimen, il mesurait seulement patient reprit conscience. 8.5 cm de long." Le rétablissement de la respiration diaphragmatique sur­ 1935 — ALLAN, Joyce — Poisonous Shellfish — The vint bientôt et quatre heures plus tard la méthode de Syl­ Médical Journal of Australia, 2, p. 554-555. vester put être suspendue. "Un jeune homme qui se trouvait à bord d'un navire Le matin suivant, la fillette était en pleine possession ancré dans Whitsunday-Group, tenait un cône geographus de toutes ses facultés et nous dit alors avoir été piquée qu'il avait ramassé à l'Ile Hayman. A l'aide d'un canif, par un cône. il en grattait la coquille quand, brusquement, il sentit une piqûre dans la main. Après une rapide enquête, il fut établi qu'il s'agissait d'un Conus omaria. Bientôt des symptômes sévères se manifestèrent, néces­ sitant d'urgence son transport à terre. La piqûre siégeait dans la région de l'éminence thénar et se présentait comme une macule noire avec une zone Le malade sombra dans le coma durant la traversée et oedématiée sur tout son pourtour. il mourut au cours de son transfert à l'hôpital." 1936 — FLECKER, H. — Cône Shell Poisoning, with Re­ Il aurait été difficile d'établir un diagnostic d'envenima- port of a fatal case. — Médical Journal of Aus­ tion par piqûre d'un cône si la malade elle-même ne nous tralia, 1, p. 464-466. (Il s'agit du même cas que en avait pas informé. Ces symptômes pouvaient aussi bien celui rapporté par ALLAN, Joyce). être confondus avec n'importe quel cas de paralysie légère et l'éventualité d'une forme atténuée de poliomyélite aiguë 1 Grain: 0 Gr, 06477. venait d'abord à l'esprit."

7 1960 — Docteur DURON — Compte Rendu No. 32 en vrit un nid de sept cônes tulipa, véritable mine d'or pour date du 17 Octobre i960 — Circonscription Médi­ un collectionneur. Ne s'attendant pas à faire pareille dé­ cale de Koumac, Nouvelle-Calédonie. couverte, il n'a pas apporté du bateau son matériel de collectionneur et, craignant que les cônes ne se dispersent, "Le 11 octobre 1960, vers 12 heures, après avoir il essaie d'en prendre trop à la fois. péché quelques cônes à TANA (Pouébo, Nouvelle-Calé­ donie) l'autochtone GNAIE Théophile revint au bateau Comme un des coquillages glisse de sa main gauche, et sentit une piqûre dans la paume de la main gauche. Il RON cherche à le retenir du doigt. Le cône riposte immé­ fit part de la chose à Monsieur M. avec qui il péchait diatement avec son minuscule dard meurtrier. et lui montra le coquillage responsable. Il n'y a ni sensation de piqûre, ni douleur, mais le Quelques instants après, installation d'un syndrome poison agit sur-le-champ. La main de RON s'engourdit ébrieux avec vertiges, dyspnée. Transporté au Dispensaire comme si î'on avait fait une anesthésie locale. dans l'heure, le malade présente à l'arrivée : Un garrot fait de la lanière d'un masque sous-marin est Pouls : 54 appliqué au bras, au-dessus du coude, puis, aussi rapide­ T.A. max. : 5 ment que le permettent les coraux, RON retourne à terre. Mouvements volontaires impossibles. Pendant les 25 minutes que dure le trajet, le bras tout Teint cireux. entier se paralyse et RON commence à respirer difficile­ Après phénergan, coramine, syncortyl, aucune améliora­ ment. Il est amené immédiatement à l'hôpital où le Doc­ tion, bien au contraire, paralysie complète avec conserva­ teur FISHER et sa femme, elle aussi médecin, préparent tion de la conscience. un antidote. Ils n'ont aucune expérience de l'empoisonne­ ment par les coquillages mais, comme les symptômes sont Mort à 14 heures. analogues à ceux d'une morsure de serpent, ils essaient un L'examen du cadavre n'a rien appris." remède qui a fait ses preuves dans les empoisonnements de ce genre. Le coquillage responsable a été envoyé à l'Institut PAS­ TEUR de Nouméa pour examen: il s'agissait d'un Rollus Dans le bras malade ils font une injection anti-histami- geographus, Linné. nique, suivie d'une injection d'adrénaline dans l'autre bras. La respiration, qui était devenue de plus en plus diffi­ 1963 — ROB WRIGHT — Cônes meurtriers — Bulletin cile, redevient immédiatement normale et, après une cer­ du Pacifique Sud, Vol. 13, No. 1, Commission du taine période d'observation, RON peut rentrer chez lui. Pacifique Sud, Nouméa, Nouvelle-Calédonie. "Même les gens qui connaissent bien les cônes commet­ La main et le bras soit encore paralysés, mais, deux tent parfois des erreurs. jours après, il peut remuer légèrement l'annulaire et l'auri­ culaire. Au bout de 15 jours, il commence à se servir Prenons le cas de RON PHALL, jeune australien qui de son bras et de sa main, mais pour la guérison com­ travaille aux Iles Fidji. C'est un chasseur sous-marin expert plète il faut attendre trois mois. Même aujourd'hui, six et un collectionneur enthousiaste. mois après l'accident, ses muscles sont encore un peu rai- Alors qu'il péchait sur les récifs des Samoa, RON décou­ des."

8 IV: L'APPAREIL VENIMEUX DES CONES L'étude de l'appareil venimeux des cônes avait déjà été Au pharynx fait suite la trompe; Celle-ci apparaît sous abordée en 1887 par BOUVIER, puis en 1895 par BERGH. forme d'un prolongement charnu généralement rose, strié . , . ,,,.. ,. , transversalement et effilé à sa partie antérieure. Mais c est surtout depuis la dernière guerre mondiale que ce sujet retient particulièrement l'attention des chercheurs. La trompe n,est autre que ]g commencernent du tube di_ Le débarquement des troupes alliées dans le Pacifique de- gestif. C'est par elle que l'animal aspire sa nourriture. Son vait en effet faire resurgir cette histoire déjà vieille des caractère essentiel est d'être exsertile; elle peut atteindre, une coquillages meurtriers, une histoire qui semblait jusque-là fois détendue, les trois quarts de la longueur de la co- n'avoir franchi que difficilement les frontières des Antipodes. quii]e- Par contre, lorsqu'elle est rétractée, elle ne forme plus à l'avant du pharynx qu'un petit bourrelet ne dépassant A présent, avec le développement du sport sous-marin et guère trois millimètres d'épaisseur. la conchyliomanie, chacun sait que la fonction venimeuse des cônes est réelle, qu'elle n'est plus une légende indigène. Comme nous le verrons plus loin, cette propriété de la Les travaux les plus récents concernant l'appareil venimeux ;romPe, la fera également utiliser comme organe de com- de ces Gastéropodes sont ceux de HERMITTE en 1946 et ^at" C est Par elle en effet

Anatomie 1 ) La Glande L'appareil venimeux des cônes se compose d'une volumi- La glande de Leiblin est l'organe le plus apparent. Sa neuse glande à laquelle fait suite un long canal sinueux qui taille varie de la grosseur d'une graine de concombre à celle se déverse dans le pharynx. Il a comme annexe une sorte d'un gros haricot. Elle a l'apparence d'une pulpe diaphane. de sac constellé de petites dents, c'est le sac ou gaine de Sa forme est allongée et légèrement incurvée; ses bords laté- la radula, qui aboutit également au pharynx. raux sont bombés.

FIG. 4 : Anatomie de l'Appareil Venimeux des Cônes (Darioconus textile, Linné): G = Glande de Leiblin R = Gaine de la Radula T = Trompe S = Siphon C = Canal P = Pharynx GT = Gaine de la trompe P = Pied (Dessin: A. Traica — Pholo: Boixo)

9 Elle est orientée obliquement par rapport au plan antéro- postérieur de l'animal et se relie dorsalement en face de l'œsophage. (Figure 4). Pendant longtemps la glande a été considérée comme l'or­ gane essentiel de la sécrétion du venin. Or, comme le re­ 4P •*'" marquait HERMITTE en 1946, l'étude histologique de celle- ci, ne laisse en rien présumer sa fonction sécrétrice. En coupe transversale, la glande laisse nettement appa­ raître ses parois musculaires fortement développées et dispo­ sées en trois plans : — une couche interne longitudinale — une couche moyenne annulaire — une couche externe longitudinale. La couche interne est tapissée par un épithélium simple fait de cellules prismatiques qui reposent sur un chorion ré­ duit; ces cellules ne témoignent d'aucune activité sécrétoire et la lumière de la glande apparaît vide. (Figures 5 et 6). HERMITTE attribuait à cet organe musculaire creux qu'est la "glande", des fonctions de stockage. Cette hypothèse pa­ raissait séduisante, malheureusement le contenu homogène que l'on peut extraire de ce soi-disant réservoir, ne se mon­ tre pas aussi toxique pour l'animal que le produit de sécré­ FIG. 5 : Coupe transversale de la glande de Leiblin : tion granuleux qui est déversé dans le pharynx. CE = Couche externe CI = Couche interne Peut-être ce liquide acquiert-il toute son efficacité après CM = Couche moyenne s'être enrichi au cours de son cheminement à travers le long Ep = Epithélium prismatique (Photo Inst. Pasteur, Paris) canal? Cette éventualité est difficilement contrôlable mais, si elle doit être envisagée, elle laisse déjà entrevoir dans le Cette fonction, parfaitement compatible avec sa structure, canal un rôle plus important que celui d'une simple voie expliquerait en tout cas le mécanisme de ces éjections spon­ excrétrice. tanées de venin que l'animal projette quelquefois quand il Nous attribuons, pour notre part, un rôle mécanique à la est inquiété. glande de Leiblin. Elle fonctionnerait un peu comme une 2°) Le Canal pompe foulante qui, par ses brusques contractions, contrôle­ rait l'éjaculation du venin vers la trompe. Le canal est la deuxième pièce anatomique importante de l'appareil venimeux. C'est un long conduit sinueux et pelo­ tonné, d'un blanc laiteux, logé dans la cavité générale du mollusque. Sa portion terminale longe l'œsophage et vient déboucher dans le pharynx. Sa longueur peut atteindre vingt à vingt cinq centimètres, soit trois à quatre fois la longueur du coquillage, (figure 4). BERGH en 1895 et SHAW en 1914 pensaient que le canal servait uniquement au transport du venin vers la trompe. Or HERMITTE en 1946 y voit la source même du venin. Cette théorie est également la nôtre et nous ver­ rons, en nous appuyant sur les données histologiques et toxi- cologiques qui vont suivre, combien elle se trouve affer­ mie. En coupe transversale, le canal se montre constitué par un tube à lumière très large, bordé par un épithélium sim­ ple fait de cellules cubiques qui reposent sur un chorion conjonctif dense. Ces cellules renferment un produit de sécrétion granuleux qui envahit la lumière de la glande. (Figures 7 et 8). Il existe autour de la section du tube un muscle lisse annulaire. En somme, tout porte à croire que le siège de l'élabora­ tion du venin est bien dans le canal et non dans la glande de Leiblin. Cet aspect histologique n'évoque-t-il pas en effet celui FIG. 6 : Epithélium prismatique vu au fort grossissement. (Photo Inst. Pasteur, Paris) d'une glande tubulaire, à lumière régulière il est vrai, mais

10 dont la surface sécrétrice ne s'en trouve pas moins considé­ rablement augmentée du fait de l'extrême longueur du canal?

3°) La Radula La radula profondément modifiée des cônes est contenue dans une gaine à deux branches disposée en L ou en Y, de taille variable et parfaitement visible à l'œil nu. La branche la plus longue est libre et se termine en cul- de-sac. Elle contient un bouquet d'une vingtaine de dents orientées la pointe vers le sommet. La branche la plus courte débouche dans le pharynx juste en avant de l'orifice de jonction du canal. Elle ren­ ferme en moins grand nombre que la précédente un petit bouquet de dents dirigées vers l'orifice de la gaine. KOHN suggère que ces dents évoluent dans la branche la plus longue où elles sont rencontrées à différents stades de développement, et gagnent la branche la plus courte après complète maturation. Les dents mesurent entre cinq et dix millimètres. Elles sont très fines et se terminent, à leur pointe, en un harpon dont les crochets latéraux sont ouverts. Elles présentent, à la base, un renflement sur lequel s'insère un ligament qui FIG. 7: Coupe transversale du canal. La lumière est envahie par un les fixe finalement à la paroi de la gaine, (figure 9). abondant produit de sécrétion. En coupe, la dent apparaît sous forme d'un manchon cris­ (Photo Inst. Pasteur, Paris) tallin creux, non fermé, dont les bords sont quelquefois la trompe. L'animal est "armé" et dès lors il est dange­ hérissés de barbes. La lumière de la dent communique lar­ reux. gement avec le milieu extérieur et cette disposition en gout­ tière explique, à elle seule, les mouvements du venin. Il Dès que les nécessités surgissent, la trompe est projetée n'existe en effet, par ailleurs, aucune relation anatomique brusquement et avec suffisamment de force pour implanter entre la radula et l'appareil glandulaire, (figure 10). dans la victime la dent qu'elle abrite. Les dents ne sont pas venimeuses par elles-mêmes et c'est Parallèlement à cette projection de la trompe, il s'opère seulement à leur passage dans la trompe qu'elles se chargent une contraction de la glande de Leiblin qui, comme nous de venin. l'avons vu, favorise l'éjection du venin. Ce liquide remplit alors le cylindre creux qui constitue la dent. Celle-ci, par Lorsque le cône chasse, une dent se trouve engagée dans sa fente en spirale, laisse échapper le venin au fur et à mesure qu'elle s'enfonce dans les tissus de la victime. Le transfert des dents de la radula vers la trompe, s'opère selon un mécanisme encore mal défini. Selon HERM1TTE il se produirait d'abord une rétraction de la trompe; puis sa partie antérieure s'invaginerait dans le pharynx jusqu'à venir en contact avec l'orifice de jonc­ tion de la radula. A ce moment la gaine de la radula, ou le pharynx lui- même, seraient le siège de contractions musculaires qui amè­ neraient les dents à faire saillie sur les bords de l'orifice. L'une d'elles serait alors saisie par la trompe et après rupture du ligament, serait transférée vers l'extérieur. Une seule dent se trouve engagée à la fois et il est fré­ quent, au cours des dissections, de la voir pointer à l'extré­ mité de la trompe, (figure 1 1). Après chaque projection, la dent reste implantée dans les tissus de la proie et n'est pas reprise par l'animal, (observa­ tion en aquarium). Elle sera remplacée par une nouvelle dent selon le mécanisme précédent.

Le venin FIG. 8 : Epithélium cubique vu au fort grossissement. Remarquer les En exerçant une légère pression tout le long du canal, grains de sécrétion au premier plan. le premier venin que l'on voit sourdre est d'un blanc laiteux; (Photo Inst. Pasteur, Paris) puis le liquide devient plus jaunâtre et plus visqueux. La

11 Constitution chimique La constitution chimique du venin des cônes a été étu­ diée par KOHN en 1960. A côté de glucoprotéides décelables par la réaction de MOLISH, l'adsorption chromatographique met en évidence des dérivés quaternaires d'ammonium : N. Méthylpyridinium, homarine et gamma-butyrobétaïne. J.H. WELSH a noté la présence de dérivés aminés de l'indole mais n'a pas poussé plus loin leur identification. CRA1G, en 1948, dénonce les propriétés curarisantes du N. Méthylpyridinium et semble incriminer ce facteur com­ me jouant un rôle important dans la toxicité du venin. Or WELSH et PROCK (1958), en faisant des injections sépa­ rées de N. Méthylpyridinium, de gamma-butyrobétaïne et d'homarine à des crustacés (Uca pugilator), ne sont pas par­ venus à reproduire une paralysie expérimentale. Il est cependant possible que la toxicité du venin, sans FIG. 9 : Coupe de la Radula : dépendre d'un facteur déterminé, résulte en tout cas de l'action combinée de chacun d'eux. Bs = Branche supérieure d = Dents groupées en faisceaux C = Canal P = Pharynx T — Trompe Bi = Branche inférieure (Dessin: A. Traica Photo: Boixo) quantité que l'on peut ainsi recueillir n'excède guère deux gouttes. A l'examen microscopique, le venin se montre composé de granulations ovoïdes, de taille variable, apparaissant en couleur brique foncé. Elles sont souvent accompagnées de débris cellulaires. Le venin frais a un pH qui oscille entre 7,8 et 8,2.

FIG. 11: Projection d'une dent de la Radula. Gross. Xl.5 (Dendro- conus striatus, Linné) : G = Glande de Leiblin T = Trompe R = Radula d = dent (remarquer l'extrémité du harpon en B). (Photo-Boixo) Comme le fait remarquer KOHN, le venin des cônes tex­ tile et striatus est très riche en dérivés quaternaires de l'am­ monium alors que celui des cônes litteratus, marmoreus et magus ne renferme pas de gamma-butyrobétaïne mais seule­ ment du N. Méthylpyridinium et des traces d'homarine. Nous remarquerons que les deux premières espèces, dont l'appareil venimeux est très développé, figurent sur la liste des cônes dangereux.

FIG. 10 : Dessin d'une dent de cône textile. (Dessin: A. Traica Photo. Boixo)

12 V: TESTS DE TOXICITE SUR L'ANIMAL Technique d'extraction du venin Résultats de quelques épreuves sur la souris Pour extraire le venin, nous avons utilisé la méthode sui­ Les premiers tests de toxicité pratiqués nous amènent à vante : le canal fut d'abord sectionné à la hauteur du pharynx classer les cônes en trois catégories : puis déposé sur une plaque de verre très propre. En exer­ 1) Espèces capables de tuer la souris en un temps va­ çant une pression continue sur toute la longueur de ce canal, riant de dix à quatre-vingt minutes, dès les premières il fut facile de recueillir le venin qui s'échappait à son extré­ injections de venin frais dilué. Exemple : Dendroconus mité. striatus, Linné. Le produit ainsi recueilli fut partagé en deux moitiés : 2) Espèces capables de tuer la souris en un temps beau­ coup plus long (18 à 24 heures) et avec des concen­ 1) La première fut diluée dans un volume convenable trations très fortes réalisées à partir de l'extrait sec. d'eau physiologique de façon à obtenir une concentra­ Exemple : Darioconus textile, Linné. tion finale de 1/10 en venin frais. 3) Espèces non toxiques pour la souris quelque soit la 2) La deuxième moitié fut desséchée à l'étuve à 37° pen­ dose injectée. Exemple : Cleobula quercinus, Solander. dant 24 heures. La dilution du venin frais en eau physiologique fut rapi­ A — DENDROCONUS STRIATUS, Linné dement injectée à l'animal sous des volumes allant de 0,1 ce à 0.2 ce et même 0,5 ce. Nombre Matériel Injecté Voie Volumes de souris Nombre Pour tester le contenu de la glande de Leiblin, celui-ci d'injection injectés inoculées de décès fut directement prélevé par aspiration à la micropipette. Extrait frais du canal, dilué au 1/10 dans l'eau physiologique S.C. 0,1 ce 3 3 Extrait sec ramené à son vo­ Epreuves sur la souris lume initial et dilué au 1/10 La souris a été l'animal de choix utilisé dans tous les dans l'eau physiologique S.C. 0,1 ce 2 Contenu de la glande de cas. Il s'agissait de souris blanches dont le poids était voisin Leiblin S.C. 0,05 ce 1 1 de vingt grammes. Contenu de la glande de Leiblin dilué au 1/10 dans Celles-ci furent réparties en autant de lots qu'il y avait l'eau physiologique S.C. 0,1 ce 1 0 d'espèces à tester. Chaque animal ne servait que pour une seule injection afin que soit écarté tout phénomène immu­ Nous avons choisi à dessein le cône striatus qui, bien que nisant. n'ayant jamais provoqué d'accidents chez l'homme, se révèle La voie la plus couramment utilisée a été la voie sous- particulièrement dangereux. cutanée. Cependant, avec les venins peu actifs de certaines Les tests de toxicité pratiqués à partir de cette espèce nous espèces, on avait recours à la voie intra-péritonéale et plus apportent de précieux renseignements quant aux propriétés du rarement à la voie intra-veineuse. venin. Nous remarquerons en effet que la toxicité de ce a) Dilution du venin frais en eau physiologique : dernier ne se trouve nullement altérée du fait de son extrac­ tion ou de sa dessication.1 (Dilution au 1/10 préparée extemporanément) Avec les doses fortes d'extrait du canal employées ci- Cette dilution fut injectée par voie sous-cutanée sous dessus, par voie sous-cutanée, la mort survient en 10 à 30 des volumes de 0,1 ce, 0,2 ce et même 0,5 ce. minutes. Le symptôme majeur est une hypotonie musculaire L'intérêt de ces injections initiales était de délimiter s'étendant rapidement à l'ensemble de la musculature. L'ani­ les espèces particulièrement venimeuses, c'est-à-dire tou­ mal, d'abord déséquilibré, s'affale très vite sur son ventre, tes celles capables, dans les conditions énoncées pré­ la tête tombante et incapable de tout mouvement. Il pré­ sente une dyspnée très nette et meurt bientôt d'une para­ sentement, de déclencher chez l'animal un syndrome lysie des muscles respiratoires. paralytique évoluant vers la mort. Lorsque ces premiers essais restaient négatifs, on A l'autopsie on ne remarque rien au point d'inoculation. répétait les injections en utilisant cette fois la voie intra- Le foie, la rate et les reins sont normaux. Les poumons sont péritonéale et même intra-veineuse. hémorragiques et infarcis. b) Dilution de l'extrait sec en eau physiologique : Avec le contenu de la glande de Leiblin par voie sous- cutanée, la mort survient en 14 à 18 heures. Le premier Après 24 heures d'étuve à 37° l'extrait sec fut dilué symptôme est une parésie du train postérieur qui se manifeste à différentes concentrations dans l'eau physiologique dès la première heure. Cet état va en s'aggravant et au bout puis la solution centrifugée afin d'éliminer les débris de la deuxième heure la paralysie gagne les membres anté­ cellulaires en suspension. rieurs; l'animal n'arrive que difficilement à se trainer. Son Le liquide surnageant fut injecté à la souris par voies corps est agité de soubresauts et sa respiration est difficile. sous-cutanée et intra-péritonéale. A la sixième heure l'animal est sur le côté, dans un état c) Contenu de la glande de Leiblin : comateux qui se prolongera jusqu'à la mort. Le contenu de la glande de Leiblin fut directement l Les échecs qui ont suivi bon nombre d'épreuves de toxicité avaient aspiré à la micropipette et injecté en totalité à la été attribués par certains auteurs à une oxydation rapide du venin souris. au contact de l'air.

13 DARIOCONUS TEXTILE, Linné D — Le ROLLUS GEOGRAPHUS, Linné

Nombre UNE ESPECE REDOUTABLE Matériel injecté Voie Volumes de souris Nombre d'injection injectés inoculées de décès Extrait frais du canal, dilué au La toxicité du cône geographus, qu'elle soit observée acci­ 1/10 dans l'eau physiologique S.C. 0,1 ce 5 0 dentellement ou expérimentalement, mérite qu'on lui ouvre S.C. 0,2 ce 5 0 ici un paragraphe spécial. S.C. 0,5 ce 5 0 I.P. 0,1 ce 5 0 I.P. 0,2 ce 3 0 Nous avons d'autant plus été incité à le faire qu'il nous I.V. 0,1 ce 2 0 a été donné au moment où nous écrivions ce chapitre Extrait sec en solution dans d'avoir à tester le coquillage responsable d'un accident mor­ l'eau physiologique (1 mgr. tel. s.c. 0,1 ce 4 0 s.c. 0,5 ce 4 0 I.p. 0,2 ce 2 0 Le cône geographus, dont la piqûre est d'un pronostic tou­ Extrait sec en solution dans jours très fâcheux, est en général bien connu des autochtones l'eau physiologique (5 mgrs. par ce.) s.c. 0,5 ce 2 2 pour qui il est synonyme de "mort". I.p. 0,2 ce 1 1 Contenu de la glande de Les plongeurs sous-marins ne le redoutent pas moins et Leiblin s.c. 0,1 ce 5 0 nombreux sont ceux qui se méfient à présent du "cône mor­ tel", ainsi désigné familièrement. 11 est difficile d'incriminer comme venimeuse des espèces dont le venin n'agit sur l'animal qu'à des concentrations aussi Malheureusement, beaucoup de pêcheurs imprudents ou importantes. Certes de telles conditions ne peuvent être réa­ d'enfants non avertis, s'exposent encore au danger et on ne lisées qu'expérimentalement et si nous tenons à publier ici les s'étonnera pas de voir s'allonger aujourd'hui la liste des résultats obtenus à partir du cône textile, c'est uniquement accidents dus à la piqûre du Rollus geographus : parce que ce dernier a déjà été responsable de plusieurs acci­ dents dont deux ont été mortels. 1963 — Docteur FEURION — Médecin-Chef de la Cir­ conscription Médicale de Ponérihouen, Nouvelle- En admettant une sensibilité identique de l'homme et de Calédonie. la souris vis-à-vis du venin des cônes, il nous est permis de supposer qu'une catégorie intermédiaire de mollusques con­ "Compte-rendu sur un cas de décès par piqûre de cône sidérée comme "potentiellement dangereuse", pourrait se si­ geographus". tuer entre les espèces particulièrement venimeuses pour l'ani­ mal tel le cône striatus, et celles bien connues pour être "Le 14 septembre 1963 vers 11 heures 30 la fillette autoch­ inoffensives, tel le cône quercinus qui va être étudié plus tone POMO Dassa Poapie, âgée de 9 ans, en parfaite santé, loin. péchait des coquillages en compagnie de deux camarades, sur le récif situé au niveau de la tribu de Paama, Poindimié. Cette hypothèse, si elle se vérifiait, serait alors suffisante pour expliquer la faible fréquence des accidents comparée à Alors qu'elle avait ramassé un Conus geographus, elle res­ l'abondance des cônes qui sont péchés chaque année. sentit une douleur assez vive au niveau de la main. Elle jeta le coquillage à ses côtés en criant à ses camarades Nos recherches se poursuivent en ce sens et si nous réus­ qu'elle venait d'être piquée. sissons un jour à isoler un cône textile qui soit aussi meur­ trier pour la souris que le cône striatus, alors les résultats Immédiatement, elle a présenté, au niveau des points de communiqués ci-dessus prendraient une toute autre signifi­ piqûres, sur le côté interne de l'éminence thénar de la cation. main gauche, une macule érythémateuse, accompagnée d'un léger œdème. C — CLEOBULA QUERCINUS, Solander Après quelques minutes: Syncope de brève durée. Nombre Puis, phase de convulsions avec secousses musculaires très Matériel injecté Voie Volumes de souris Nombre d'injection injectés inoculées de décès importantes. Extrait frais du canal, dilué au 1/10 dans l'eau physiologique S.C. 0,1 ce 3 0 Polypnée et mort 40 minutes environ après la piqûre veni­ S.C. 0,2 ce 3 0 meuse. S.C. 0,5 ce 3 0 I.p. 0,1 ce 2 0 L'examen de la victime n'a rien révélé de particulier si ce 0,2 ce I.p. 2 0 n'est l'existence de trois petites taches noirâtres au niveau Extrait sec en solution dans l'eau physiologique (1 mgr. des points de piqûres sur l'éminence thénar de la main gau­ par ce.) s.c. 0,1 ce 3 0 che. L'autopsie n'a pu être pratiquée. s.c. 0,5 ce 3 0 Extrait sec en solution dans Le Docteur FEURION conclut : "Il s'agit là d'un décès l'eau physiologique (5 mgrs. par piqûre de cône geographus ayant fait suite à un tableau par ce.) s.c. 0,5 ce 2 0 s.c. 1 ce ï 0 symptomatique dont les caractères et la rapidité de l'évolu­ I.p. 0,2 ce 1 0 tion semblent relever d'une action neurotoxique particulière­ Contenu de la glande de ment violente du venin en cause.' Leiblin s.c. 0,1 ce 2 0 Le coquillage responsable nous a obligeamment été adressé Même à doses très fortes, le venin du cône quercinus n'a par le Docteur FEURION et nous avons pu ainsi procéder jamais manifesté de toxicité pour la souris. à une extraction du venin et pratiquer les tests de toxicité.

14 EPREUVES SUR LA SOURIS Avec l'extrait du canal la mort de la souris survenait dans la minute qui suivait l'injection. En moins de trente secondes, Nombre l'animal, d'abord agité, entrait brusquement en convulsions et Matériel infecté Voie Volumes de souris Nombre d'injection injectés inoculées de décès mourrait la bouche ouverte, les yeux exorbités. Extrait frais du canal, dilué au A l'autopsie on notait un aspect congestif des poumons. 1/10 dans l'eau physiologique S.C. 0,1 ce T 2 Extrait sec ramené à son vo­ Avec le contenu de la glande de Leiblin les mêmes symp­ lume initial et dilué au 1/10 dans l'eau physiologique s.c. 0,1 ce 1 I tômes se manifestaient mais étaient plus étalés dans le temps. Contenu de la glande de A noter cependant une paralysie du train arrière qui appa­ S.C. 0,05 ce 1 1 raissait dans les deux premières minutes. La mort survenait entre cinq et six minutes. A l'autopsie on notait également un aspect congestif des poumons.

VI: COMMENTAIRES ET PERSPECTIVES D'AVENIR 11 est encore difficile d'arrêter de façon précise une liste Les Cônes venimeux rencontrés des cônes venimeux. L'épreuve de toxicité pratiquée sur en Nouvelle-Calédonie l'animal reste encore un critère insuffisant du fait que cette Dans l'état actuel de nos connaissances et sous réserve d'in­ vestigations plus étendues, il nous est permis de mentionner toxicité peut varier à l'intérieur même de l'espèce. comme dangereuses les six espèces suivantes : (il s'agit en gé­ néral de cônes ayant déjà été responsables d'accidents chez La discordance qui se manifeste souvent entre l'inoculation l'homme) accidentelle et le test expérimental nous oblige encore à 1) Rollus geographus, Linné: redoubler de vigilance et à considérer comme suspects tous — 2 accidents mortels — 3 accidents graves ayant évolué favorablement. les gastéropodes de la grande famille des Conidae. 2) Tullparia tulipa, Linné : Ce n'est qu'après avoir testé un très grand nombre de — 1 accident grave ayant évolué favorablement — 1 accident léger. spécimens de chaque espèce que nous pourrons accorder une 3) Darioconus textile, Linné : valeur absolue aux titrages de toxicité des divers venins qui — 2 accidents mortels font l'objet d'un travail en cours d'élaboration. — 2 accidents graves ayant évolué favorablement. 4) Darioconus omarla, Bruguière : Et, comme disait M. BARME au sujet des serpents, "si — 1 accident grave ayant évolué favorablement. la similitude des propriétés antigéniques de ces venins pou­ 5) Regiconus aulicus, Linné : vait être vérifiée, la préparation d'un sérum multivalent, effi­ — 1 accident léger. cace contre l'envenimation par les divers "cônes", pourrait 6) Dendroconus striatus, Linné : être envisagée". — Pas d'accident signalé.

15 Fig. I

F1GS. 1 et 2 : ROLLUS GEOGRAPHUS, Linné — Dimensions : 11 à 17 centimètres. Sa coquille est légère, mince, de texture fragile. Elle est teintée Il sort la nuit et se cache la journée dans le sable et les an- de marron-clair nuancé de rose et de blanc, avec des plages mar­ fractuosités des roches et des masses coralliennes. ron-foncé ou brun-rouge itre. Cette espèce est répandue dans l'Indo-Pacifique sans limites pré­ Les spires non débordantes sont hérissées de crêtes saillantes. cises: Ceylan, Iles Philippines, Nord de l'Australie, Côte Est de la L'apex est rose. L'ouverture très large est évasée à la pointe. Nouvelle-Calédonie.

Fig. 3 Fig. 4

F1GS. 3 et 4 : TULIPARIA TULIPA, Linné — Les spires débordantes sont presque lisses. L'apex est rose. Sa coquille aux coloris délicats est légère et fragile. Elle peut L'ouverture est large et très évasée; elle a un reflet violet. être confondue avec celle du Rollus geographus mais en la détaillant Dimensions : 6 centimètres environ. on remarquera que les plages brun-acajou ou marron-foncé appa­ On le rencontre au Nord-Est de la Nouvelle-Calédonie, au Nord raissent sur un fond bleuté strié d'un pointillé très fin, brun- de l'Australie et aux Iles Philippines. foncé et souvent masqué dans les parties sombres des coloris. (Photo-Boixe)

16 PLANCHE II

Fig. 5 Fig. 6

FIGS. 5 et 6 : DARIOCONUS TEXTILE, Linné — Dimensions : 7 à 16 centimètres. De texture solide, sa coquille est finement ouvragée; elle est mar­ On le trouve la journée sous le corail ou les roches; il sort la ron-jaune, parcourue de lignes ondulées qui s'entrecroisent en for­ nuit sur le sable. mant un reticulum à mailles plus ou moins lâches, délimitant des Outre la Nouvelle-Calédonie on le rencontre dans d'autres îles formes triangulaires blanches. du Pacifique-Sud, à l'Est de l'Inde et dans la Mer Rouge. Les spires débordent nettement et dégagent totalement l'apex qui apparaît en fuseau.

Fig. 7 Fig. 8

FIGS. 7 et 8: DARIOCONUS OMARIA, Bruguière — étiré et sa taille plus petite mesure en moyenne 6 centimètres. Entièrement recouverte de marques triangulaires blanches sur fond Cette espèce, fréquente aux Iles Moluques, est également rencon­ marron-foncé, il ressemble beaucoup au cône aulicus. Sa coquille trée dans certaines îles du Pacifique Sud, y compris la Nouvelle- moins allongée apparaît cependant plus conique. L'apex est moins Calédonie. (Photo-Boixo)

17 PLANCHE III

Fig. 9 Fig. 101

FIGS. 9 et 10 : REGICONUS AUL1CUS, Linné — Il ne doit pas être confondu avec le cône textile qui est beau­ Sa coquille allongée est de texture solide. Elle est marron-foncé coup plus ramassé et ventru. ou brun-acajou et porte de nombreuses marques triangulaires blan­ Dimensions : 7 à 15 centimètres. ches de tailles inégales. Cette espèce se rencontre dns l'Indo-Pacifique, principalement au Les spires sont débordantes et l'apex apparaît en fuseau. Nord de l'Australie et dans les îles du Pacifique Sud.

Fig. 11 Fig. 12

FIGS. 11 et 12: DENDROCONUS STRIATUS, Linné — Dimensions : 7 à 9 centimètres. Sa coquille solide présente des taches marron sur fond blanc Son identification est aisée; elle est basée uniquement sur la pré­ nuancé de rose. sence de stries proéminentes sur fond blanc-rosé. Toute sa surface est parcourue par des stries d'enroulement cana- Il sort la nuit et se cache la journée sous les coraux ou dans liculées. Ces dernières, nettement visibles dans les parties sombres le sable. des coloris, sont palpables au toucher. On le rencontre dans le Pacifique Sud, à l'Est de l'Inde, et de Les spires débordantes laissent bien voir l'apex rose. l'Océan Indien à la Mer Rouge. (Photo-Boixo) 1* LINDO-PACIFIQUE

d'après P. FISCHER Cette immense province marine s'étend de la côte orientale d'Afrique et de la Mer Rouge jusqu'aux Iles Sandwich, Marquises et à l'Ile de Pâques d'une part; et de la côte Est de l'Australie, au Sud du Japon d'autre part. Elle inclut donc 45 degrés de latitude et couvre les 3/4 de la circonférence du globe. Elle est limi­ tée au Sud par les provinces africaine, australe et australo-zélandaise; au Nord par la province japonaise.

19 Espèces non venimeuses et espèces dont la toxicité n'a pas encore été démontrée

PLANCHE IV FIG. 1 : CORON AXIS MARMOREUS, Linné — Le cône marbré est certainement le plus connu du genre. Il est commun dans nos régions où on le trouve la journée parmi les algues à proximité des plages. Sa coquille solide est marbrée de marron-noir et de blanc dis­ posés grossièrement en triangles. Les spires légèrement débordantes sont hérissées de crêtes. Sa taille varie entre 5 et 10 centimètres. Il est largement distribué dans l'Indo-Pacifique.

FIG. 2 : CONUS (s.s.) CROSSEANUS, Fischer — Toute sa surface est recouverte de bandes ondulées marron- foncé, souvent accolées. Le fond de la coquille apparaît en plu­ sieurs endroits sous forme de marques triangulaires blanches. Les spires sont hérissées de crêtes; la base est presque plate. Fig. 1 Il mesure entre 5 et 7 centimètres. Fig. 2 On le rencontre en Nouvelle-Calédonie et n'aurait pas été décrit ailleurs.

Fig. 3 Fig. 4 Fig. 5 Fig. 6

FIGS. 3, 4, 5 et 6: CORON AXIS MARMOREUS, formes albinos — Il s'agit vraisemblablement de la même espèce que celle de Linné. Elle en diffère toutefois par l'atténuation, voire la dispari­ tion des coloris. Cette variété de cône marmoreus se rencontre dans la région de Bourail, en Nouvelle-Calédonie et ne semble pas avoir été si­ gnalée ailleurs.

FIG. 7 : CONUS (s.s.) CHENU1, Crosse — Sa coquille solide laisse apparaître un fond ivoire sur lequel se détachent des bandes marron, longitudinales, séparées à la base et vers le milieu. Elle est striée transversalement d'un pointillé plus clair. Les spires sont lisses et l'apex est saillant. Sa taille varie entre 5 et 7 centimètres. On le rencontre en Nouvelle-Calédonie, où il semble endémique.

FIG. 8 : LITHOCONUS L1TTERATUS, Linné — Sa coquille lisse et porcelainée porte de nombreuses marques noires rectangulaires, évoquant des caractères d'imprimerie. Elles sont souvent séparées par des lignes circulaires jaunes. La confusion avec Lithoconus millepunctatus peut être fréquente. Il est cependant plus petit et sa taille ne dépasse guère 10 centi­ mètres. Fig. 7 Il vit près des récifs dans les endroits sablonneux. Fig. 8 On le rencontre dans les lies du Pacifique Sud, au Nord de l'Australie et au Sud de l'Inde. (Photo Studio-Boixo, Nouméa) (Collection P. Revercé, Nouméa)

20 PLANCHE V

Fig. 9 Fig. 10

FIG. 9 : RHIZOCONUS VEXILLUM, Gmelin — FIG. 10 : LITHOCONUS MILLEPUNCTATVS, Lamark — Large, massive, de texture solide, sa coquille est de couleur brun- Sa coquille, très large et massive, est de couleur blanc ivoire, jaune ou jaune-caramel, entrecoupée vers le milieu d'un liseret blanc. mouchetée de nombreux traits marron-foncé disposés parallèlement L'ouverture très grande est nacrée. au grand axe et étroitement assemblés en lignes spiralées évoquant Les spires lisses sont débordantes et présentent des taches blan­ les lettres de l'alphabet. ches à leur sommet. L'enroulement se fait sans déborder et la base est plate. Il mesure normalement entre 8 et 10 centimètres mais peut C'est l'espèce la plus grosse; elle atteint couramment plus de 15 atteindre plus de 15 centimètres. centimètres. Il en existe un spécimen au "Bishop Muséum" à Hawaï Cette espèce, très répandue dans l'Indo-Pacifique, se rencontre qui mesure 21 cm, 5 et pèse plus de 2 kgs. plus fréquemment au Nord et à l'Ouest de l'Australie et dans la Il vit sur les récifs ou enfoui dans le sable. plupart des îles du Pacifique. On le rencontre dans l'Indo-Pacifique, principalement au Nord de l'Australie et dans les îles du Pacifique Sud.

Fig. 11 Fig. 12

FIG. 11: VIRGICONUS VIRGO, Linné — FIG. 12: VIRGICONUS PASTINACA, Sowerby — Solide, de couleur jaune pâle, il présente des spires lisses, peu De couleur jaune pâle, il ressemble beaucoup au Virgiconus virgo débordantes et une base presque plate. de par sa taille et sa texture. Cependant la couleur violette que La pointe est d'un violet foncé qui imprègne également l'ouver­ l'on retrouve à la pointe est d'une nuance plus légère et n'envahit ture en cette région. pas l'ouverture qui reste blanc-nacré sur toute sa longueur. Sa taille oscille communément autour de 10 centimètres mais peut L'apex plus étiré a un reflet violet. atteindre 15 centimètres. Il mesure en moyenne 7 centimètres. On le rencontre sur les récifs de l'Indo-Pacifique. On le rencontre dans certaines îles du Pacifique Sud, y compris la Nouvelle-Calédonie. (Photo Studio-Boixo, Nouméa) (Collection P. Revercé. Nouméa) 21 PLANCHE VI

FIG. 13 : LEPTOCONUS GENERALIS, Linné — Sa coquille allongée est marron-foncé ou jaune-marron. Elle présente au sommet, vers le milieu et à la pointe, trois bandes blanches sur lesquelles empiète ça et là la couleur marron de la coquille. La base est plate, surmontée d'un apex effilé. L'ouverture nacrée s'assombrit à la pointe. Sa taille varie entre 5 et 10 centimètres. On le rencontre habituellement au Nord de l'Australie et dans les îles du Pacifique Sud, y compris la Nouvelle-Calédonie.

FIG. 14 : RHOMBUS IMPER1AL1S, Linné — De forme allongée, il présente une surface blanche parcourue de nombreux points et tirets brunâtres disposés en lignes spiralées. Deux bandes brunâtres ou gris-verdâtre, plus ou moins régu­ lières, se détachent sur le fond de la coquille. Les spires non débordantes sont fortement ornementées de crêtes. L'ouverture nacrée est brun-foncé à la pointe. Sa taille moyenne est comprise entre 5 et 8 centimètres. C'est une espèce fréquente dans l'Indo-Pacifique. On la rencontre près des Iles Hawaï, au Sud et à l'Est de la Polynésie, en Méla- nésie et de l'Océan Indien aux côtes africaines. Fig. 13 Fig. 14

Fig. 15

FIG. 15: STEPHANOCONUS L1VIDUS, Bruguière — De petite taille, ses spires débordantes sont hérissées de crêtes saillantes, blanches, qui tranchent sur la couleur caramel de la coquille. Au tiers inférieur apparaissent de fines stries circulaires ponctuées de granules blancs. Vers le milieu, la couleur s'estompe en une bande plus claire pouvant aller jusqu'au blanc. L'ouverture est violette. Il mesure en moyenne 5 centimètres. On le rencontre dans le Pacifique Sud, l'Océan Indien et la Mer Rouge.

FIG. 16: RHIZOCONUS CAPITANEUS, Linné — Petit, à base très large, il présente une surface jaune-caramel encerclée au sommet et vers le milieu, de deux bandes blanches bordées de noir. Des lignes pointillées apparaissent tout autour de la coquille. Les spires lisses sont à peine débordantes. L'ouverture a des reflets bleutés. Il mesure entre 5 et 8 centimètres. Il vit sur les récifs de l'Indo-Pacifique, principalement au Nord de l'Australie.

FIG. 17 : LEPTOCONUS AMMIRALIS, Linné — Sa coquille, de texture solide, laisse apparaître sur un fond ivoire, deux bandes marron mouchetées de taches blanches irrégulières. De fines lignes ondulées parcourent toute sa surface. Les spires sont débordantes et dégagent bien l'apex qui est très effilé. L'ouverture est d'un blanc nacré. Il mesure 7 centimètres environ. On le rencontre du Sud du Japon à la Mélanésie. Fig. 16 Fig. 17

(Photo Studio-Boixo, Nouméa) (Collection P. Revercé, Nouméa,

22 PLANCHE VII

FIG. 18 : LITHOCONUS EBURNEUS, Bruguière — Petit, à fond blanc marqué de traits marron-foncé plus ou moins épais, séparés par deux ou trois bandes jaunes. Les spires sont lisses et la base est presque plate, sauf au centre où l'apex se dégage très effilé. Sa taille ne dépasse guère 4 centimètres. Il vit sur les récifs et sur les bancs de sable de l'Indo-Pacifique.

FIG. 19 : VIRROCONUS CORONATUS. Gmelin — Sa coquille aux nuances roses avec des plages marron-foncé, pré­ sente sur toute sa surface des stries en pointillé blanc et brun- chataigne. Les spires débordantes dégagent bien l'apex en fuseau. Elles sont légèrement couronnées au sommet. Sa taille est de 3 centimètres en moyenne. Fig. 18 On le rencontre principalement au Nord de l'Australie et en Nou­ Fig. 19 velle-Calédonie.

Fig. 20

FIG. 20 : CLEOBULA QUERCINUS, Solander — Sa coquille jaune citron est de texture solide. La base plutôt large et la pointe peu allongée donnent au coquillage sa forme ramassée. Les spires sont lisses et peu débordantes. L'apex est très effilé. L'ouverture est d'un blanc nacré. Sa taille varie entre 7 et 10 centimètres. Dans beaucoup d'ouvrages cette espèce est décrite sous le nom de Conus cingulum, Martyn. On le rencontre dans tout l'Indo-Pacifique.

FIG. 21 : PUNCTICUL1S ARENATUS, Bruguière — D'aspect chagriné; toute sa surface est recouverte d'innombrables points minuscules marron-foncé, répartis en lignes circulaires. Ces dernières, plus denses vers le tiers supérieur et à la pointe, font apparaître deux bandes sombres qui se détachent nettement sur le fond plus clair de la coquille. Les spires sont couronnées de crêtes à leur sommet. L'ouverture est d'un blanc nacré. Sa taille oscille entre 4 et 7 centimètres. On le rencontre sur les côtes des îles du Pacifique Sud.

FIG. 22 : PUNCTICULIS PUUCARIUS, Bruguière — Sa coquille d'un blanc porcelaine, porte de nombreux traits mar­ ron-foncé disposés sans ordre précis. Les spires débordantes sont hérissées de tubercules au sommet. L'apex est effilé. Sa taille varie entre 4 et 6 centimètres. Cette espèce se rencontre dans les îles du Pacifique-Sud, au Sud du Japon et à l'Est de l'Inde. Fig. 21 Fig. 22 (Photo Studio-Boixo, Nouméa) (Collection P. Revercé, Nouméa)

23 PLANCHE VIII

F1G. 23: CLEOBULA FIGULINUS, Linné — Sa coquille châtain-clair est encerclée sur toute sa hauteur de lignes plus foncées, variant en épaisseur. Les spires sont lisses. La base plutôt plate est sombre. L'apex se dégage très effilé. L'ouverture est d'un blanc nacré. Il mesure entre 4 et 8 centimètres. C'est une espèce qui semble répartie dans tout l'Indo- Pacifique.

F1G. 24 : RHIZOCONUS MILES, Linné — De taille variable, sa coquille est parcourue par des lignes ondulées, longitudinales, brunâtres, qui contrastent avec le fond blanc du coquillage. Elle présente vers le milieu et à la pointe une bande chocolat, circulaire. La pointe est en outre marquée de sillons spirales. Les spires sont débordantes et l'apex bien dégagé. Sa taille oscille entre 6 et 12 centimètres. Son aire de distribution dans l'Indo-Pacifique est très vaste ; il est signalé aux Iles Hawaï, au Sud et à l'Est de la Polynésie, aux Iles Philippines, au Sud du Japon et de l'Océan Indien aux côtes africaines.

Fig. 23 Fig. 24

FIG. 25 : VIRROCONUS EBRAEUS, Linné — Sa surface blanche est incrustée de marques rectangulaires noires, disposées en trois ou quatre bandes transversales. Les spires légèrement débordantes sont couronnées de petites crêtes. L'ouverture nacrée est imprégnée de brun-sombre correspondant aux incrustations extérieures. II mesure entre 2 et 5 centimètres. On le rencontre dans toutes les Iles du Pacifique Sud, à l'Est de l'Inde et sur les côtes africaines. FIG. 26 : CONUS SCABRWSCVLUS, Chemnitz — Sa coquille solide est de couleur blanche avec des plages mar­ ron-foncé. Elle est striée transversalement. Fig. 25 Les spires sont lisses, débordantes. Fig. 28 Il mesure en moyenne 3 à 4 centimètres. On le rencontre en Nouvelle-Calédonie, et, semble-t-il, nulle part ailleurs. FIG. 27 : STEPHANOCONUS BALTEATUS, Sowerby — De couleur marron-caramel, sa coquille est striée transversalement de lignes sombres. Les spires hérissées de crêtes sont blanches au sommet. L'ouverture est violette. Sa taille voisine autour de 3 centimètres. Jusqu'à maintenant, il n'a été rencontré qu'en Nouvelle-Calédonie. FIG. 28 : CONUS CABRITI, Bern — Sa coquille légère est noirâtre, avec des marques blanches. L'apex est bien dégagé. L'ouverture est sombre. Fig. 26 Il ne dépasse guère 2 centimètres. Fig. 29 Il semble n'être signalé qu'en Nouvelle-Calédonie. FIG. 29 : HERMES COCCINEUS, Gmelin — Sa coquille jaune-orangé a un aspect granuleux. Elle présente, au centre, une bande blanche mouchetée de noir. L'apex est saillant. Sa taille voisine autour de 2 centimètres. A été décrit en Nouvelle-Calédonie seulement. FIG. 30: CONUS SPONSALUS, Chemnitz — De forme globuleuse, sa coquille est parcourue à sa moitié supé­ rieure par des bandes sombres, longitudinales. La partie inférieure est striée transversalement. Les spires sont hérissées de crêtes. L'ouverture est noirâtre vers la pointe. Fig. 27 Il mesure environ 2 centimètres. Fig. 30 Espèce endémique en Nouvelle-Calédonie.

(Photo Studio-Boixo, Nouméa) (Collection P. Revercé, Nouméa}

24 BIBLIOGRAPHIE

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RE MER CIEMENTS

A Monsieur le Médecin Lieutenant-Colonel LOISON, Directeur de la Section "Santé" à la Commission du Pacifique Sud, pour tous les témoignages d'encourage­ ment qu'il nous a sans cesse apportés et pour l'aide efficace qu'il nous a accor­ dée. A Monsieur le Médecin-Capitaine CAVALLO qui a bien voulu prendre intérêt à cette étude et nous a entouré de conseils précieux. A l'Institut PASTEUR de Nouméa qui a pris en charge les frais de récolte des cônes, et où nous pouvons sans discontinuité, mener à bien nos travaux. A la Commission du Pacifique Sud qui nous a toujours facilité l'accès à sa bibliothèque et nous a permis de réunir une importante documentation. Nous sommes reconnaissants à la Commission du Pacifique Sud de nous avoir accordé une aide financière lors de la publication de nos travaux. A Monsieur TRAICA, dessinateur des Travaux Maritimes, pour l'aide qu'il a bien voulu nous apporter. A Madame et Monsieur REVERCE qui ont mis obligeamment leur collection à notre disposition. A tous ceux, collectionneurs ou pêcheurs sous-marins, qui continuent à nous apporter leur collaboration.

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