Le Cinéma Méridional. Le Midi Dans Le Cinéma Français
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Il a été tiré à part 15 exemplaires réservés aux Editions ECHE et à ses collaborateurs : Irène Dupont, Laurence Joos, Sylvie Mary, Marie- Françoise Redon, Monique Tatareau, Patricia Violette, Jean-Charles Ciry, Didier Dabemat, Daniel Fourie et François Marret le Cmmo tKmdiomê Claudette PEYRUSSE 0 Le Midi e dans le cinéma français (1929-1944) Préface de Raymond BORDE Publié avec le concours de la Cinémathèque de Toulouse Toulouse Eché Rue Délieux, 19 @ Eché, Toulouse, 1986 Tous droits réservés I.S.B.N. : 2 86513 053 3 PREFACE Claudette Peyrusse a pris un sujet neuf : le Midi et le méridional dans le cinéma français. Jusque là, nul n'avait étudié le phénomène dans son ensemble. Le regard des historiens et des critiques s'était, pour l'essentiel, limité à Marcel Pagnol, parce qu'il était le plus inventif et le plus loquace des cinéastes installés dans le Sud et que ses films, constamment repris en distribution, sont devenus des classiques. Il disait volontiers, de lui et ses amis, «Nous sommes les plus forts» et c'est vrai qu'il a occupé le devant de la scène par la maîtrise de son art et par son sens aigu de l'organisation. -Mais le. moment d'aller au-delà est venu. Pour la période qu'elle étudie, de 1929 à 1944, Claudette Peyrusse a dénombré environ 150 films français à dominante méridionale. Sur ce total, la Société Marcel Pagnol n'en a produit que 11. C'est dire à quel point il devient nécessaire, hors de tout critère esthétique : - d'analyser la méridionalité à l'écran comme un reflet de société, - de définir son aire géographique et ses variantes territoriales, - d'en rechercher l'origine dans les spectacles populaires, - de recenser tous les films qui s'en sont réclamés ou imprégnés, - de faire surgir des thèmes et des constantes, mais aussi des contradictions, - de mesurer la part du réalisme et de la complaisance, de la vérité et de la caricature, - .en un mot, d'apporter les méthodes de l'anthropologie et de la sociologie à un domaine dont la connaissance relevait d'une aimable frivolité. On verra par quels cheminements l'auteur est parvenu à poser la question qui lui semblait fondamentale : ce cinéma du soleil, de l'exubérance, de la bonhomie apparente et du retour à la nature, était-il une vision coloniale destinée aux Français du Nord, ou un modèle imaginaire? Claudette Peyrusse a finalement atteint son but, qui était de délimiter une mythographie du Midi, en déployant une érudition prodigieuse. Par le travail sur le terrain, les interviews, le dépouillement des journaux d'époque, elle a accumulé une masse d'informations qui fait rêver. Je voudrais prendre un seul exemple : la description qu'elle donne du spectacle méridional avant l'arrivée du parlant. Ville par ville (Bordeaux, Toulouse, Agen, Marseille...) elle a retrouvé l'emplacement des cafés concerts et les titres des revues locales, des saynètes en patois ou des opérettes. Elle a identifié les directeurs de salles, les auteurs, les compositeurs et surtout les chanteurs et les comédiens qui allaient passer massivement, à partir de 1930, de la scène à l'écran. Elle a même retracé la préhistoire de ce théâtre populaire, avec les pastorales ou les diseurs, les conteurs en plein vent. Dans tous les domaines, elle a réalisé une enquête exemplaire et définitive. On pourra se livrer plus tard à d'autres analyses, mais les renseignements de base ont été recueillis quand il en était encore temps. L'étude des films porte sur la période 1929-1944. Le point de départ, 1929, est indiscutable. Il fallait l'arrivée du son pour rendre les accents, les parlers du terroir, la faconde méridionale. Mais 1944? Je pense que cette date a été choisie parce qu'elle donnait un corpus homogène. Le cinéma français a peu évolué durant ces quinze années et s'il est, sous Pétain, devenu plus moralisant, il a gardé ses traits généraux et son climat sentimental. Pour les films méridionaux, la coupure s'est produite en 1945. Cette année-là, Georges Rouquier a tourné Farrebique en Aveyron. Pour la première fois, la caméra a enregistré la vie paysanne, en terre d'Oc, avant l'agriculture industrielle. Ce témoignage ethnographique, qui a pris aujourd'hui une valeur fabuleuse, a fixé ce qu'étaient les travaux et les jours quand on coupait l'herbe à la faux et qu'on attelait les vaches. En rupture absolue avec le divertissement, Farrebique a pénétré un Midi inconnu. D'autre part quelque chose meurt de la naïveté joyeuse des années 30. On fait des remakes des opérettes marseillaises : Trois de la marine, Un de la Canebière, mais le cœur n'y est plus. Pagnol lui-même ne retrouve pas le jaillissement créateur d'Angèle ou de Regain. Enfin Marseille et la Côte sont associées au film noir. Depuis Borsalino, qui comportait encore de forts éléments de méridionalité, la région est envahie par des polars qui l'utilisent seulement comme un décor. Cet éclatement correspond à la mort des anciens, au déclin des provinces, à l'envahissement des villages par la voiture et le béton et à l'uniformisation de la vie française. Il fallait arbitrairement fixer un terme au diagnostic. J'ai connu ce même problème de chronologie en étudiant le néo- réalisme italien. 1944 est ici la bonne date. Claudette Peyrusse a voulu voir le maximum de films méridionaux. Elle s'est livrée à la chasse aux copies et c'est ainsi que nous l'avons connue puisqu'elle s'était adressée aux trois collections qui pouvaient apparemment l'aider : la Cinémathèque Française, les Archives du Film de Bois d'Arcy et la Cinémathèque de Toulouse. Or ces films ont très mal survécu. C'était, pour la plupart, des productions à petit budget dont les ayants droit se désintéressaient après la fin de la carrière commerciale. Ils étaient sur support nitrate et on en a beaucoup détruit, au début des années 50, quand la pellicule nitrate a été interdite et remplacée par l'acétate. Enfin l'incendie du Pontel, en 1980, a été une catastrophe pour les historiens. Il s'est produit dans un hangar de fortune, ouvert à l'air libre, où la Cinémathèque française avait entreposé les films inflammables qu'elle n'utilisait pas pour ses projections. Une grande part du cinéma français est partie en fumée. A Toulouse nous étions encore mal outillés pour la consultation, mais nous avions un certain nombre de pièces rares et une bibliothèque de haute érudition. Claudette Peyrusse a donc pu travailler longuement chez nous et nous l'avons mise en rapport avec nos collègues francophones de Bruxelles et de Lausanne. Enfin sa venue a eu pour nous une conséquence heureuse et imprévue. Elle nous a incité à isoler, dans nos collections, tous les films tournés dans le Midi, depuis les origines : longs métrages de fiction, documentaires, reportages ou cinéma indépendant. Ce fonds s'appelle «Archives du cinéma méridional». Il n'a pas d'équivalent. Il fonctionne comme une cellule autonome et il est financé par le Conseil Régional de Midi-Pyrénées. De nos 6000 longs métrages, nous avons extrait une centaine de films de fiction dont le plus ancien, Le Porion de Georges Champavert, tourné aux mines d'Alès en 1919, est en cours de restauration avec l'aide de Bois d'Arcy. Nous demandons systématiquement et nous obtenons les productions récentes tournées dans le grand Sud-Ouest et la zone méditerranéenne, qu'il s'agisse de Malevil ou de J'ai épousé une ombre. Nous explorons nos courts-métrages, environ 7000, et les découvertes ne sont pas terminées. Nous pressons les indépen- dants et les amateurs de déposer leur matériel avant qu'il ne s'altère. Nous gardons le contact avec l'Institut Jean Vigo à Perpignan qui a des éléments de qualité et nous prions les archives étrangères de tirer les films qu'elles possèdent sur le Midi et qui ont disparu en France. Claudette Peyrusse, qui est devenue membre actif de la Cinémathèque, préside maintenant aux destinées de ces Archives. Son livre porte, sur la page de garde, la mention «publié avec le concours de la Cinémathèque de Toulouse», mais le mot de «concours» doit être pris dans les deux sens. Il signifie aussi l'aide que l'auteur nous donne dans nos propres travaux et il traduit l'influence réciproque et assez unique entre une recherche d'historien et la gestion d'un patrimoine. Raymond Borde AVANT-PROPOS Figures fessues, pansues, braillardes et gesticu- geuse de Barjavel qui souhaitait voir accueillir les lantes qui pleurent de rire et rient en pleurant, qui opérettes d'Alibert, de Montélimar à Nice et de Bor- mentent la main sur le cœur et vocifèrent le cœur sur deaux à Marseille, par toute la récolte de tomates de la la main quand la bouillabaisse et l'aïoli ne les vouent région... Mais à quoi bon démontrer que le méridional pas aux digestions paresseuses, sous les canisses du n'est à tout prendre que le nègre du cinéma français, cabanon - l'expression la plus achevée de l'art de l'Oncle Tom du vieux continent, l'Irlandais revu et vivre -, bandits d'honneur traqués dans le maquis, corrigé par le Nouveau Monde, que l'on est toujours insulaires homologues des contrebandiers des mon- au sud d'un nord, l'Homme tranquille ou le Belge de tagnes basques... Voici dans le soleil - n'oublions pas quelqu'un? Aussi bien, si la représentation cinémato- le soleil, le crissement des cigales, la pointe d'ail, les graphique du méridional est souvent irritante et cari- tambourins et les voix d'or -, le petit peuple du Midi, caturale, l'atmosphère est à la bonne humeur et à encadré par une maréchaussée d'opérette, bon pied, l'œcuménisme.