Éducation et sociétés plurilingues

42 | 2017 Varia

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/esp/1023 DOI : 10.4000/esp.1023 ISSN : 2532-0319

Éditeur Centre d'Information sur l'Éducation Bilingue et Plurilingue

Édition imprimée Date de publication : 1 juin 2017 ISSN : 1127-266X

Référence électronique Éducation et sociétés plurilingues, 42 | 2017 [En ligne], mis en ligne le 01 février 2018, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/esp/1023 ; DOI : https://doi.org/10.4000/esp. 1023

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© CIEBP 1

SOMMAIRE

Editorial Priorité au dialogue Andrée Tabouret-Keller

Editoriale Priorità al dialogo Andrée Tabouret-Keller

Présentation Gabrielle Varro

Presentazione Gabrielle Varro

Val d'Aoste

Giving their voice back to “speech communities”: the APV Gianmario Raimondi

Per una scuola che guarda all’Europa e al plurilinguismo Elena Maria Grosso

Didactique & enseignement bi/plurilingue

Caroline et l’apprentissage de l’allemand L2 dans une école maternelle bilingue Christina Petitdemange et Gérald Schlemminger

Informe de los encuentros sobre la didáctica de lenguas en la Universidad de Rouen- Normandie: Buenas expectativas en el interés por el plurilingüismo (2ª parte) Ana-Isabel Ribera Ruiz de Vergara

Expériences & Recherches

Particularités lexicales du français en Vallée d’Aoste Kamilla Kurbanova

Bilingual Classrooms in Malta: Teaching Mathematics Content and Language Marie Thérèse Farrugia

L’enseignement bilingue à l’école primaire au Sénégal. Une mise en perspective. Caroline Juillard

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Témoignage

Entrée dans la profession de traducteur-interprète Félicien Tcham Ewane

In viaggio tra le lingue e le culture Martine Noussan

Débat

Couples « linguistiquement mixtes » : une nouvelle catégorie ? Gabrielle Varro

Compte rendu d'ouvrage

Ghislain POTRIQUET, Dominique HUCK et Claude TRUCHOT (sous la dir.) « Droits linguistiques » et « droit à la langue ». Identification d’un objet d’étude et construction d’une approche. Limoges, Lambert-Lucas, 2016, 248 p Asja Prohić

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Editorial Priorité au dialogue

Andrée Tabouret-Keller

1 Le journal Le Monde consacre largement son édition du 14 février 2017 à la situation actuelle de l’Europe: par son éditorial «Junker ou l’Europe impossible» (p. 25 et dans la rubrique Informations, p. 4) et par un article de fond «Bruxelles craint un dérapage du déficit dès 2018» (Cahiers éco, pp. 3 et 4). Deux avis sévères et graves: l’Europe qualifiée d’impossible, et un dérapage de son déficit dès 2018. En fait, ce que je cherchais, c’est la mention des situations linguistiques: mention totalement absente et qui le restera. Ce que je trouve et ne cherchais pas, c’est que «les ventes d’armement bondissent sur fond de tensions internationales», le commerce militaire ayant fortement progressé dans le monde, retrouvant les niveaux atteints à la fin de la guerre froide, sans compter le concert quasi quotidien d’une situation globale, mondiale dit-on, où «Brexit» et autres indices de crises abondent. Même «les démocraties sont à l’épreuve de la cyberguerre», et doivent être protégées «des attaques informatiques», entre autre d’ingérences dans les processus électoraux (Le Monde, 21.2.17).

2 Que pèse par rapport à ces incertitudes, à ces menaces, une petite entreprise comme la nôtre? Mauvaise question: ce n’est pas par rapport aux problèmes actuels sans fin d’un équilibre mondial menacé de toute part que doivent se mesurer les entreprises du Centre d’information sur l’éducation bilingue et plurilingue (CIEBP) et de sa petite revue (deux numéros annuels): c’est en affirmant leurs nécessités dans un monde où quelques 5000 à 6000 langues sont en usage et la coexistence de deux ou plusieurs langues sur un même territoire est quasiment universelle. Qu’il s’agisse de bilinguisme individuel, c’est-à-dire de la capacité d’un locuteur d’alterner entre deux ou plusieurs langues selon le contexte sociologique, ou d’un bilinguisme de communauté, soit de la coexistence de différentes langues sur un même territoire, les situations de contacts entre parlers sont innombrables. Notre propos n’est pas d’analyser toutes les possibilités existantes mais d’illustrer par des exemples concrets ce qu’elles contiennent au moins en germe: la possibilité de s’entendre, de dialoguer, fut-ce avec un autre parlant de manière différente.

3 Aussi longtemps que le structuralisme a dominé la linguistique, les questions liées à la traduction étaient premières, avec l’accent porté sur la notion de système et de

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relations avec les autres disciplines des sciences humaines. Liées aux moyens les plus actifs de l’informatique, ces questions ont en l’espace de deux ans (2014-2016) reculé à la faveur de développements divers consacrés aux représentations, à la communication liées à l’ère du WEB, à la communication et aux discours politiques, aux impasses de l’utilitarisme, à la constitution des données, à l’image des langues, aux limites de l’arbitraire, à la phraséologie, à l’idéologie, aux appellatifs – pour reprendre quelques- uns des titres relevés dans les annonces du Réseau Francophone de Sociolinguistique depuis le 1er février dernier (Tabouret-Keller 2015, 2017). D’où le souci de dégager et d’insister sur ce qui distingue et rend possible le contact et la discussion, plus généralement le débat, la concertation, la négociation, les pourparlers, voir le compromis.

BIBLIOGRAPHIE

TABOURET-KELLER A. 2015. Aperçu des grandes tendances dans les Sciences du langage selon les informations diffusées au cours du premier trimestre 2014 sur le Réseau Francophone de Sociolinguistique et comparaison avec les informations diffusées au cours du 1er trimestre 2012, Langage et société, n° 154 (4): 129-137.

TABOURET-KELLER A. 2017 (sous presse), Le réseau francophone de sociolinguistique: que sont nos disciplines devenues?, Langage et société (septembre).

INDEX

Keywords : Europe, crises, journal, communicate, talk together, mutual understanding Parole chiave : Europa, crisi, rivista, comunicare, dialogare, capirsi

AUTEUR

ANDRÉE TABOURET-KELLER Université de Strasbourg

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Editoriale Priorità al dialogo

Andrée Tabouret-Keller Traduzione : Stefano Corno

1 Il giornale Le Monde dedica una parte rilevante dell’edizione del 14 febbraio 2017 alla situazione attuale dell’Europa: con l’editoriale “Junker ou l’Europe impossible” (“Juncker ovvero l’Europa impossibile” (p. 25 e nella rubrica Informazioni, p. 4) e con l’articolo fondo “Bruxelles craint un dérapage du déficit dès 2018” (“Bruxelles teme uno scostamento del deficit dai limiti previsti già dal 2018”, Cahiers éco, pp. 3 e 4). Due opinioni severe e gravi: l’Europa qualificata come impossibile e uno scostamento del suo deficit dai limiti previsti già dal 2018. In realtà quel che stavo cercando erano notizie sulle situazioni linguistiche: di tutto ciò non ho trovato alcuna menzione, né ne troverò. Quel che trovo, invece, senza che lo stessi cercando, è il fatto che “la vendita di armi sale, sullo sfondo di tensioni internazionali”, dato che il commercio militare ha fatto passi da gigante in tutto il mondo, raggiungendo il livello raggiunto alla fine della guerra fredda, senza contare il concerto quasi quotidiano di una situazione globale in cui abbondano “Brexit” e altri indizi di crisi. Perfino “le democrazie sono alle prese con la cyberguerra” e devono proteggersi “dagli attacchi informatici”, per esempio da ingerenze nei processi elettorali (Le Monde, 21.2.17).

2 Di fronte a teli incertezze e minacce quanto può pesare una piccola struttura come la nostra? La domanda è mal posta: le attività del Centro di informazione sull’educazione bilingue e plurilingue (CIEBP) e la sua piccola rivista (due numeri all’anno) non si devono misurare in relazione agli infiniti problemi odierni di minacce provenienti da ogni orizzonte all’equilibrio mondiale, bensì affermando la necessità di tali attività in un mondo in cui circa 5000-6000 lingue vengono usate ed in cui la coesistenza di due o più lingue sullo stesso territorio è praticamente universale. Sia che si tratti di bilinguismo individuale, ossia della capacità di un locutore di alternare due o più lingue secondo il contesto sociologico, o di un bilinguismo di comunità, ossia della coesistenza di diverse lingue sullo stesso territorio, le situazioni di contatto fra idiomi sono innumerevoli. La nostra intenzione non è quella di analizzare tutte le possibilità esistenti, bensì di illustrare grazie ad esempi concreti ciò che esse contengono, almeno

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in nuce: la possibilità di capirsi, di dialogare in modo diverso, foss’anche con una sola persona.

3 Per tutto il tempo in cui lo strutturalismo ha dominato la linguistica, le questioni legate alla traduzione erano di primaria importanza: l’accento era posto sulla nozione di sistema e di rapporto con le altre discipline delle scienze umane. Nell’arco di due anni (2014-2016) tali questioni, legate ai mezzi più attivi dell’informatica, hanno fatto un passo indietro a vantaggio di diversi sviluppi legati alle rappresentazioni e alla comunicazione nell’era di internet, alla comunicazione e ai discorsi politici, al vicolo cieco dell’utilitarismo, alla costituzione di dati, all’immagine delle lingue, ai limiti dell’arbitrario, alla fraseologia, all’ideologia, agli appellativi – per riprendere solo alcuni dei titoli reperiti negli annunci del Réseau Francophone de Sociolinguistique (Rete Francofona di Sociolinguistica) dal 1° febbraio scorso (Tabouret-Keller 2015, 2017). Da qui la preoccupazione di insistere su quanto distingue e rende possibile il contatto e la discussione, più generalmente il dibattito, la concertazione, i negoziati, le trattative, o il compromesso.

BIBLIOGRAFIA

TABOURET-KELLER A. 2015. Aperçu des grandes tendances dans les Sciences du langage selon les informations diffusées au cours du premier trimestre 2014 sur le Réseau Francophone de Sociolinguistique et comparaison avec les informations diffusées au cours du 1er trimestre 2012, Langage et société, n. 154 (4): 129-137.

TABOURET-KELLER A. 2017 (in stampa), Le réseau francophone de sociolinguistique: que sont nos disciplines devenues?, Langage et société (settembre).

INDICE

Mots-clés : Europe, crises, revue, communiquer, dialoguer, s’entendre Keywords : Europe, crises, journal, communicate, talk together, mutual understanding

AUTORI

ANDRÉE TABOURET-KELLER Université de Strasbourg

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Présentation

Gabrielle Varro

1 Comme Andrée Tabouret-Keller le souligne dans son éditorial, dans un monde traversé de conflits, notre petite revue est un lieu de rencontres, de dialogue et même de compromis.

2 Lieu de rencontres grâce aux contacts des langues. Éducation et Sociétés Plurilingues publie dans cinq langues et même si on ne connait pas la langue d’un article, les résumés dans les autres langues permettent à tout un chacun de comprendre de quoi il s’agit. Lieu de rencontre aussi sur un plan symbolique : dans ce numéro d’ESP, par exemple, G. Raimondi présente (en anglais) l’Atlas des Patois Valdôtains, qui cherche à « rendre leur voix » aux locuteurs patoisants. Or son article entre en résonance avec le témoignage personnel de M. Noussan, qui évoque (en italien) son émotion à entendre sa propre voix et celle de son frère, parlant patois dans un ancien enregistrement retrouvé au grenier familial.

3 Lieu de dialogue entre chercheurs et praticiens, les pages d’ ESP sont ouvertes aux réalités sociales de l’éducation bilingue et du plurilinguisme. Dans ce numéro, la recherche de K. Kurbanova porte sur les particularismes non du patois mais du français valdôtain, tel qu’on peut l’entendre aujourd’hui dans la région, aux côtés du patois et de l’italien. On lira aussi l’article d’E.M. Grosso sur les réformes qui visent à ouvrir les écoles du VDA toujours davantage à l’Europe. A. Ribera présente un programme du département des langues romanes d’une université française qui vise à étendre les recherches en didactique à toutes les langues enseignées. Mais le dialogue enjambe même les continents : C. Juillard réagit à un article paru dans le dernier numéro d’ESP sur l’enseignement bilingue au Sénégal, soulignant la nécessité de modifier certaines politiques gouvernant l’éducation formelle dans ce pays.

4 Complémentaires aux points de vue institutionnels, des études de terrain permettent d’observer ce qui se passe réellement dans les classes. A Malte, par exemple, se centrant sur l’emploi du maltais et de l’anglais dans l’enseignement des mathématiques, M. Farrugia explore les processus de “translanguaging”. Enfin, une observation ethnographique de longue durée a permis à C. Petitdemange et G. Schlemminger de

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décrire les expériences vécues d’une petite fille entre le français et l’allemand dans une école maternelle bilingue.

5 La revue comme lieu de compromis ? La pratique de traducteur-interprète décrite par F. Tcham Ewane dans son témoignage est un parfait exemple de la volonté de permettre une entente entre partis ne parlant pas les mêmes langues. C’est également ce que signifie la rubrique d’ESP intitulée « Débats » car les sujets qui y sont traités par définition ne recueillent pas toujours l’assentiment de tous. Dans l’article de G. Varro sur les couples « linguistiquement mixtes », par exemple, ses observations sur l’interculturel ne représentent pas une position nécessairement partagée par tous et appellent des opinions diverses.

6 On encourage les lecteurs à engager la discussion en « répondant » aux articles publiés, mais aussi en envoyant leurs propres sujets de débats ou leurs témoignages liés aux sociétés plurilingues. Le dialogue, non entre les « cultures » (qui sont des productions humaines) mais entre des locuteurs s’exprimant en différentes langues, a toujours été et reste l’un des objectifs principaux de la revue.

INDEX

Parole chiave : dialogo, dibattiti, richerche, testimonianze, rivista, lettori, contatti fra le lingue Keywords : dialogue, debate, give and take, research, testimony, journal, readers, language contacts

AUTEUR

GABRIELLE VARRO Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (France)

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Presentazione

Gabrielle Varro Traduzione : Stefano Corno

1 Come sottolinea Andrée Tabouret-Keller nell’editoriale, in un mondo attraversato da conflitti la nostra piccola rivista appare come un luogo di incontri, di dialogo e perfino di compromessi.

2 Luodi d’incontri grazie ai contatti fra le lingue. Educazione e Società Plurilingui pubblica in cinque lingue e, anche se non si conosce la lingua in cui è scritto un articolo, i riassunti nelle altre lingue permettono a ciascuno di capire di che cosa si tratti. Luogo d’incontro anche su un piano simbolico: in questo numero di ESP, per esempio, G. Raimondi presenta (in inglese) l’Atlante dei Patois Valdostani, che cerca di “restituire la loro voce” ai locutori del patois. Ebbene, il suo articolo rimanda alla testimonianza personale di M. Noussan, che rievoca (in italiano) l’emozione provata nel sentire la propria voce e quella del fratello esprimersi in patois in una vecchia registrazione ritrovata nella soffitta di famiglia.

3 Luogo di dialogo fra ricercatori e professionisti, le pagine di ESP sono aperte alle realtà sociali dell’educazione bilingue e del plurilinguismo. In questo numero la ricerca di K. Kurbanova riguarda le particolarità non del patois, bensì del francese valdostano, come si sente parlare oggi nella regione, accanto al patois e all’italiano. Si potrà leggere anche l’articolo di E.M. Grosso sulle riforme che puntano ad aprire sempre più all’Europa le scuole della Valle d’. A. Ribera presenta un programma del dipartimento di lingue romanze di un’università francese che punta ad estendere le ricerche in materia di didattica a tutte le lingue insegnate. Ma il dialogo scavalca persino i continenti: C. Juillard reagisce ad un articolo pubblicato sull’ultimo numero di ESP riguardo all’insegnamento bilingue in Senegal, sottolineando la necessità di modificare alcune politiche che reggono l’educazione formale in questo Paese.

4 Complementari ai punti di vista istituzionali, alcuni studi di terreno permettono di osservare quello che succede realmente nelle aule di lezione. A Malta, per esempio, concentrandosi sull’uso del maltese e dell’inglese nell’insegnamento della matematica, M. Farrugia esplora i processi di “translanguaging”. Per finire, un’osservazione etnografica di lungo corso ha permesso a C. Petitdemange e G. Schlemminger di

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descrivere le esperienze vissute da una bambina tra francese e tedesco in una scuola materna bilingue.

5 La rivista come luogo di compromessi? La pratica del traduttore-interprete descritta da F. Tcham Ewane nella sua testimonianza è un esempio perfetto della volontà di permettere un’intesa fra partiti che non parlano le stesse lingue. È questo il senso della rubrica di ESP intitolata “Dibattiti”, poiché gli argomenti che vi vengono trattati per definizione non raccolgono sempre l’approvazione di tutti. Nell’articolo di G. Varro sulle coppie “linguisticamente miste”, per esempio, le sue osservazioni sull’interculturale non rappresentano una posizione necessariamente condivisa da tutti e richiamano opinioni diverse.

6 Incoraggiamo i lettori ad avviare la discussione “rispondendo” agli articoli pubblicati, ma anche mandando i propri argomenti di dibattito o le proprie testimonianze legate alle società plurilingui. Il dialogo, non fra le “culture” (che sono produzioni umane), ma fra locutori che si esprimono in lingue diverse, è sempre stato e resta uno degli obiettivi principali della rivista.

INDICE

Keywords : dialogue, debate, give and take, research, testimony, journal, readers, language contacts Mots-clés : dialogue, débats, recherches, témoignages, revue, lecteurs, contacts des langues

AUTORI

GABRIELLE VARRO Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (France)

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Val d'Aoste

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Giving their voice back to “speech communities”: the APV

Gianmario Raimondi

A short history of the Atlas des Patois Valdôtains (APV)

1 APV is a geolinguistic project born in the first half of the 1970s, initiated by both the regional administration of the Autonomous Region of the and the Centre d’Études Francoprovençales of Saint-Nicolas, with the aim of investigating the variety of Francoprovençal dialects in use in this Italian Alpine region (for a survey on the Francoprovençal linguistic group and specifically on the Aosta Valley, see Martin 1990, Favre 2002, Telmon et al. 2015).

2 The project responded to the scientific challenges of the time, that led to the creation of the so-called "Regional Atlases" in order to reach beyond the glorious phase of the “National Atlases” of the first half of the century, with the explicit aim of exploiting the most “local specificities” thanks to ethnographic research and dialectology. The angles of attack were a) disposing of a denser investigation network; b) paying attention to the particular "cultural" (anthropologically speaking) situation of the areas under investigation; c) arriving at a deeper, anthropological comprehension of the data.

3 Following the scientific debate promoted by French dialectologists (particularly Albert Dauzat and his project for the Nouvel Atlas Linguistique de la France par Régions in 1955), first in France and immediately after in Italy, a wide range of “second generation atlases” (as they were soon called, see Massobrio 1986: 28) thus found their place alongside the “classical” ALF-Atlas Linguistique de la France (Gilliéron & Edmont), AIS- Sprach- und Sachatlas Italiens und der Südschweiz (Jaberg & Jud), ALI-Atlante Linguistico Italiano (Bartoli et al.).

4 Like many other geolinguistic undertakings, the progress of APV has been significantly long-standing (see Favre/Raimondi 2012 for details).

5 The very first period of activity was devoted to structuring the research network (16 inner regional points, uniformly distributed over the territory and representative of its

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typical geo-linguistic configurations; 6 external checkpoints, situated in the bordering Francoprovençal areas)1. It was also devoted to choosing the main tool for the investigation – the questionnaire – i.e. the questionnaire Tuaillon (so-called because of the name of its creator, French dialectologist Gaston Tuaillon, one of the promoters of APV), specifically designed for the Western Alpine area and comprising over 6.000 questions on many aspects (mountain landscapes; agriculture and farming; dairy activities; mining activities; Alpine architecture, etc.). Immediately following, a small team of investigators began conducting the interviews: the basic questionnaire was applied between 1973 and 1981, the supplementary questionnaire between 1986 and 1988 and the external checkpoints between 2000 and 2004.

6 Since the 1990s, APV has also undertaken a long (and ultimately unsuccessful) computerization process, that slowed it down and was recently discarded. On the other hand, the convention signed in 2005 between the Regional Administration and the new- born University of the Aosta Valley permitted setting up a permanent work group2 and programming APV’s future. The objective was to study, design and publish the Atlas, using the computerized material, making it widely available to a public not only of scholars but also of the “average” – but concerned – reader. This was an extremely important point, given the emerging objective of disseminating the knowledge acquired over the years of linguistic research and symbolically “giving it back” to the “speech communities” (Gumperz 1968 [2009]), which ultimately are its heirs.

7 Consequently, the idea of an eminently “legible” linguistic Atlas (see Favre/Raimondi 2012: 106) has gradually been gaining ground: an Atlas which doesn’t back down from the need to “mediate” in favour of various levels of readership. Over the last five years, the APV team has concentrated on accurately planning this cultural mediation, and on actually realizing the tables that will make up the first volume of the APV (Le lait et les activités laitières – dairy activities – scheduled for 2017). In the following pages I will provide a few examples.

The APV publishing layout

8 The APV will be published in a large-format series; each volume will be devoted to one of the themes (or sub-themes) of the questionnaire, in order to obtain a sort of geolinguistic “monography”. The scientific, vehicular language is French, which is also one of the two official languages of the region (together with Italian) and the scientific language most commonly used in all Gallo-Romance dialectology.

9 An APV volume is composed of a sequence of items (Articles), each collecting the data resulting from a single question in the Questionnaire (dialectal answers, notes and others); this one-to-one relationship shapes the basic “referential grid” of the volume. Nonetheless, in order to obtain the desired degree of coherence and “informativity”, a certain amount of data has been shifted and/or rearranged into newly created items or sub-items (sometimes suppressed in case of clear incongruity). In the first volume, for example, the original 122 questions selected for the “dairy activities” theme were rearranged into 115 items, plus ca. 170 sub-items, i.e. lexical entries referring to supplementary notions (“referents”, or Référents supplémentaires, in the French Atlas meta-language), that didn’t figure in the original version of the questionnaire.

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10 At maximum complexity, each item (Article) in the Atlas may contain up to eight informative elements, offering the reader a series of ordered data (1 to 6, see Fig. 1 and infra) and instruments for their interpretation (7 and 8).

1. Heading (En tête)

11 Composed of the title in French (Titre), and accompanied by its translation in Italian, and by the item code (Code-Article), it is followed by the code of the question the data came from (Code-Question). There are also references to the other six linguistic atlases already published, both at a national (AIS, ALF, ALI) and a regional level (ALEPO-Atlante Linguistico ed Etnografico del Piemonte Occidentale, ALJA-Atlas linguistique et ethnographique du Jura et des Alpes du Nord; ALLy-Atlas linguistique et ethnographique du Lyonnais).

2. Analytic Map (Carte Analytique) and Text Table (Tableau Textes)

12 Analytic maps are the most traditional element of a linguistic atlas, that normally represents the sole access to the contents: the answers in dialect are transcribed in phonetic alphabets (the standard International Phonetic Alphabet – IPA). In APV, the full-size analytic maps are reserved for lexical items with a complete dataset for the 22 enquiry-points; the answers on the map can also be accompanied by symbols signalling the presence of secondary answers or notes.

13 According to the tradition of an ethnographic atlas, the questionnaire therefore included a certain number of “open questions”, whose formulation required the interviewees to produce extended texts such as lists of commented items, explanations of procedures and other kinds of less defined miscellaneous information. In the editing phase, these linguistic materials proved unsuitable for treatment on simple maps and a dedicated instrument, in the form of a table, was finally chosen. The tables of ethno- texts may contain transcriptions of the texts (whether recorded in their original form, i.e. in patois, inside the enquiry copy-books) in the normalised, alphabetic writing developed by BREL and today quite usual among “patois-writers”, or the summarised French version recorded by interviewers; in the first case, the French translation is provided (see below for two examples from APV 1-3 What do you do with colostrum?). Fénis Lo baillèn bèye i vatse vilèye, a ‘alle qu’i ‘on po couliquèye. I lo fan couée i dzeleunne, a ‘alle qu’i llé fé po gneun. I fiavon dé bouegnet aoué dé milga é dé fromèn, di viouc. Po aoué lo coloutro fran dé la premiye ‘ouye, ma apré dovve, trèi ‘ouye. [Nous le donnons à boire aux vaches vêlées, à celles qui ne sont pas coliqueuses. Ils le font cuire pour les poules, à celles qui ne leur fait rien. Ils faisaient des beignets avec du maïs et du blé, autrefois. Pas proprement avec le lait de la première traite, mais après deux, trois traites.] Quart La premì souye de cou la baillén bée a la vatse, si la diréndze pa; aprì le-zatre souye baillén co i vi. Aprì la trèijima, catrima souye, fién co no de bouignet pe la pila, avouì de beuro, ou le fién couii avouì de seucro, ma pocca. [La première traite parfois nous la donnons à boire à la vache, si cela ne la dérange pas; ensuite les autres traites nous les donnons aussi aux veaux. Après la troisième, quatrième traite, nous faisons aussi nous des beignets à la poêle, avec du beurre, ou bien nous le faisons cuire avec du sucre, mais peu.]

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14 This sort of editing, which is of course primarily connected with the “textual nature” of materials, has two other advantages: firstly, it allows dialect speakers to recognise themselves in the linguistic environment proposed by the Atlas, much better than in technical IPA transcriptions; it also contributes to progressively building up a significant dialectal linguistic corpus, useful both at the scientific level related to possible, “corpus-based” linguistic applications in future, at the “language-planning” level, and at the level of “corpus planning”/”corpus constitution”, which is evidently functional (Fishman 1974) in all subsequent, “linguistic policy” planning.

3. Notes (Notes)

15 Notes contain all the more or less extended information given by dialect speakers in addition to their answers, preceded by the abbreviation of the concerned enquiry- point. As for ethno-texts (see supra), information may have been recorded in Patois or in French and the procedure of transcription follows the same principles. A translation in French is also provided (between air quotes) for the answers that don’t literally correspond to the title of the item; square brackets mark all editorial interventions.

4. Secondary Answers (Autres Réponses)

16 Secondary answers, when signalled by the symbols in the analytic map, are collected in boxes: one contains phonetic or morphological variants of the answer on the map, the other contains different lexical items for the same referent, sometimes proposed by the informants (synonyms, generalizations...).

5. Iconography (Iconographie)

17 Iconography, when present, is displayed in a dedicated box. Images might be photos borrowed from BREL collections, introduced to increase the potential information of an item, or else simply sketches (croquis) produced by the informants themselves during the investigation (Fig. 2).

6. Supplementary Items (Référents Supplémentaires) and Supplementary Maps (Cartes Supplémentaires)

18 The density of the network of references is probably one of the most distinctive characters of APV. By recovering all the information contained in the original enquiry copy-books and by interpreting the semantic values and internal relations of the answers dataset, the editing phase generated a considerable number of publishable sub-items. These new referents, produced spontaneously by informants as “supplementary information”, have been processed to give them the same editorial visibility as the original referents.

7. Commentary (Commentaire)

19 The two last elements in APV editing (commentary and synthetic maps) deal with aspects of data interpretation, paying special attention to “mediating” different levels

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of understanding of the item contents. Commentaries always refer to the data illustrated by the maps.

20 Each commentary is conceived as a short guide to fully understanding the item; its standard structure generally consists of two sections of variable length, the first mainly devoted to the illustration of bare data, the second focusing on the linguistic and/or ethnographical analysis of the data.

21 In the first section, the “item structure” (for example, the presence of supplementary sub-items, usually drawn from the additional information freely given by respondents is presented. The item structure is of course a consequence of the quality of “informative feedback” obtained from each single question, depending on whether or not a question has been fully understood by respondents, how the stimulus has interacted with their cognitive and social “taxonomy”3, etc. In the second section, normally on the basis of the phenomena illustrated in the synthetic maps (see immediately below), the focus shifts to data interpretation, conducted according to the practice of historical linguistics (etymology and “history of words”) and geo-linguistics (the geographical diffusion of linguistic and ethnological facts).

8. Synthetic Maps (Cartes Synthétiques)

22 In order to operate a first mediation in direction of non-specialist readers, the APV project has included this traditional instrument of geo-linguistic studies in the normal structure of the atlas. Following the scholarly classification of the regularities resulting from the bare data and their consequent representation through abstract symbols, the geographical dimension of linguistic and ethnographic phenomena can be perceived more easily, independently from the ability to read and decrypt the IPA in the analytic map, thanks also to the aid provided by cross-referencing between small maps and commentaries.

23 There exist four types of Synthetic Maps (SM): lexical, phonological, morpho- syntactical and ethnographical. The standard format for lexical SM is the “onomasiological” one, answering the theoretical question “What’s the dialect for X?” and typified on an etymological basis (for example, the verb used to express the notion ‘to make milk go down the udder’, before milking, from APV 1-11). Other lexical types are the “semasiological” ones (“What does X mean in this dialect?”) and the “motivational” ones (“Which semantic association has generated the dialect for X?”), based on Stephen Ullmann’s semantic theories (Ullmann 1959), pursued in the dialectological field by Mario Alinei (Alinei 1997).

9. Indexes

24 Another relevant aspect of the APV layout is the set of indexes, designed to give the varied range of readers keys to access the contents of the atlas.

25 Alongside an ordinary Table of Contents (Table des Matières), that simply lists the atlas items (and sub-items), the first key is the “access by referent”, provided by the Alphabetical French Index, where single words composing the French titles of items have been indexed.

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26 A set of three linked indexes allows instead the “access by significant”, that may take place moving from phonetic IPA transcription of a dialectal word (Tableau-Pivot API), but also from the simplified BREL transcription (see above: Index des Formes Patois and Index-Dictionnaire des Lemmes Patois), introduced precisely as a “mediation instrument” in view of a full utilisation of the atlas contents by the average, non-specialist reader.

27 A traditional scholarly approach is nevertheless guaranteed by a set of Special Indexes based on Synthetic Maps and Commentaries, devoted to lexical, phonological, morpho- syntactical phenomena, as well as to ethnological issues.

Conclusions

28 From the choice of using a standard, alphabetical writing in the Notes and Indexes (along with IPA) to the introduction of a significant, accompanying iconographic set and to the arrangement of a large number of synthetic maps and the extended use of explanations in the Commentaries; and from the attention given to the many ways of accessing the atlas by an accurate and multi-focal indexing of its contents, we see that many of APV’s editing options aspire to be highly functional, to semiotically enrich it in view of its publication, thus benefiting the largest number or readers possible, both specialists and non-specialists.

29 The “traditional linguistic atlas”, whose series of uncommented maps faithfully reproduce in specialist-only alphabets the bareness of linguistic data, thanks to the format described above has been transformed, on one hand, into a true, “interpretative atlas” (as defined by Alinei 1994), capable of providing the reader with a guide to data interpretation and to the methods of modern linguistics and dialectology; and, on the other hand, into an instrument permitting self-identification and self-recognition.

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BIBLIOGRAPHY

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NOTES

1. The well known oppositions of the Aosta Valley dialectal continuum, i.e. Alta Valle (the Western Side of the valley) vs. Bassa Valle (the Eastern side) and Plaine (the main central valley, upstream the Dora river) vs. lateral, minor valleys, are well covered by the collocation of the 16 chosen inner points (from W to E: La Thuile, La Salle, Rhêmes-Notre-Dame, Valsavarenche, Saint-Oyen, Sarre, Cogne, Quart, Oyace, Fénis, Champorcher, Valtournenche, Emarèse, Ayas, Arnad, Gaby). The external checkpoints are Liddes and Évolène in Swiss , Les Contamines Montjoie and Tignes in French Savoy, Carema and Ribordone in Italian Piedmont. 2. Directed by Saverio Favre (Regional Administration, BREL-Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique) and Gianmario Raimondi (University of Aosta Valley), the editing group also includes Federica Diémoz (Université de Neuchâtel), Susanna Belley and Ivana Cunéaz (BREL), Roger Chuc and Daniel Fusinaz (Guichet Linguistique). 3. See among others Canobbio/Telmon, 1994, for this founding principle in modern linguistics, in which the Bloomian concept was introduced by the ethno-linguist G.R. Cardona, and about its particular application in geo-linguistics (where this conceptual tool explains the differences of conceptualisation existing between standard languages, expressions of “standard taxonomies”, and dialects, subjected to the shaping action of different “folk taxonomies”).

ABSTRACTS

L’Atlas des Patois Valdôtains est né au début des années 1970s, sous l’impulsion à la fois de l’administration régionale de la Région Autonome de la Vallée d’Aoste et du Centre d’Études Francoprovençales de Saint-Nicolas. Son but était d’explorer la variété des dialectes francoprovençaux utilisés, à partir de la méthodologie des «atlas régionaux» promus en France dans la deuxième moitié du 20ème siècle, en exploitant les spécificités locales par le biais d’une recherche dialectologique et ethnographique détaillée. On présente ici une description du format éditorial choisi pour valoriser cet aspect de la recherche.

L’Atlas des Patois Valdôtains è nato all’inizio degli anni Settanta, su impulso congiunto dell’amministrazione regionale della Regione Autonoma Valle d’Aosta e del Centre d’Études

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Francoprovençales di Saint-Nicolas. Il suo scopo era l’esplorazione della varietà dei dialetti francoprovenzali della regione, sulla base dei principi metodologici degli « atlanti regionali » promossi in Francia nella seconda metà del Novecento, valorizzando le specificità locali attraverso una ricerca dialettologica ed etnografica minuziosa. Viene qui presentata una descrizione del formato editoriale scelto per valorizzare questo aspetto della ricerca.

INDEX

Mots-clés: patois valdôtains, Région autonome de VDA, francoprovençal, Atlas linguistique, dialectologie Parole chiave: dialetti valdostani, Regione Autonoma Valle d’Aosta, francoprovenzale, atlanti linguistici, dialettologia

AUTHOR

GIANMARIO RAIMONDI Université de la Vallée d'Aoste (Italie)

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Per una scuola che guarda all’Europa e al plurilinguismo

Elena Maria Grosso

1 In Valle d’Aosta la scuola si apre sempre più al bi-plurilinguismo e all’utilizzo di pratiche didattiche innovative. Questo grazie ad un Protocollo d’intesa siglato nel luglio 2015 tra la Regione e il Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca italiano, all’approvazione - da parte del governo regionale - di un documento che adatta le Indicazioni nazionali per il curricolo alle necessità locali, in particolare modo per quanto riguarda gli insegnamenti linguistici, alla legge regionale 3 agosto 2016 n.18 che prevede disposizioni per l’armonizzazione della legge nazionale del 13 luglio 2015 n. 107, la così detta “Buona scuola”.

I nuovi adattamenti: caratteri generali

2 Lo sviluppo di una educazione bi-plurilingue aperta all’Europa e il rispetto delle differenze culturali e linguistiche già promossi, oltre che dallo Statuto1 della Valle d’Aosta, da diverse leggi regionali riguardanti sia l’attuazione dell’autonomia scolastica che disposizioni in materia di organizzazione del personale, a partire dal corrente anno scolastico, riceveranno un nuovo impulso.

3 Questo grazie all’avvio della sperimentazione, in tutte le classi prime, degli “Adattamenti” alle necessità locali della Valle d’Aosta delle Indicazioni nazionali per il curricolo della scuola dell’infanzia, del primo ciclo di istruzione e dei piani di studio del secondo ciclo di istruzione2, adattamenti già preconizzati dal Protocollo di Intesa tra il Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca e la Regione autonoma Valle d’Aosta del 25 luglio 2015.

4 L’obiettivo è chiaramente quello di riconoscere, rinforzare e valorizzare le competenze bi-plurilingui degli alunni valdostani. Competenze che aprano loro prospettive di successo personale e professionale, da lungo promosse dal Consiglio d’Europa, parti essenziali della nuova strategia “Europa 2020” e del Piano di interventi per il

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miglioramento e il potenziamento delle politiche educative previsto a livello regionale nel maggio 2014.

5 Gli attuali Adattamenti, tenendo conto dell’evoluzione normativa avvenuta dagli anni ottanta ad oggi, vogliono infatti avvicinarsi al nuovo contesto europeo e valorizzare le buone pratiche linguistiche e didattiche messe in atto nelle scuole della Regione in tanti anni. Colmano inoltre quel vuoto lasciato per lungo tempo nella scuola secondaria di secondo grado per la quale gli Adattamenti - sino ad oggi - sono mancati3.

L’alunno e l’insegnante

6 Essi disegnano il profilo di un alunno che si trova ad essere parte integrante di un sistema in cui più lingue sono insegnate e a cui vengono richiesti atteggiamenti di apertura, di curiosità e di rispetto nei confronti della diversità. E’ un alunno in grado di utilizzare le conoscenze e le competenze di cui dispone in una lingua per comprendere e produrre in un’altra lingua, che si sente a suo agio in situazioni di comunicazione in cui più lingue e o culture sono presenti, che affronta compiti il più possibile autentici e che favoriscono lo sviluppo di una dimensione collaborativa e di una interazione orale. E’ un alunno che apprende ad utilizzare più lingue e che utilizza più lingue per apprendere, cosciente del fatto che acquisizione del contenuto e acquisizione linguistica vanno di pari passo.

7 In tale contesto anche l’insegnante assume un nuovo ruolo: oltre ad essere un tutore che aiuta gli studenti nella costruzione della percezione del proprio sé, del processo di apprendimento e di autovalutazione del proprio operato, diventa un facilitatore dell’apprendimento che mette in atto strategie di problem solving e di cooperative learning. Un insegnante che, attento ai molteplici stili di apprendimento e alle diversità, segue passo dopo passo l’evoluzione degli apprendimenti linguistici, li valorizza e ne tiene traccia grazie all’utilizzo di strumenti validati a livello europeo quali il Portfolio Europeo delle Lingue, il Passaporto Europass, il Quadro Comune europeo di riferimento per le lingue e quello per gli approcci plurali.

La scuola dell’infanzia

8 Per la scuola dell’infanzia, come è previsto dall’art. 39 dello Statuto, gli Adattamenti confermano l’insegnamento per tempi uguali della lingua italiana e di quella francese in tutte le attività didattiche. Diverse le modalità di organizzazione che possono integrarsi, a seconda delle esigenze del contesto e delle risorse disponibili: curriculum bilingue e sviluppo delle competenze, un docente/una lingua, mezza giornata in italiano/mezza giornata in francese. Vengono introdotte inoltre azioni di “éveil aux langues”, cioè attività di scoperta della diversità linguistica e culturale tramite un approccio ludico alla lingua inglese, a quella tedesca e alle lingue familiari al bambino quali il francoprovenzale.

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La scuola primaria

9 Nella scuola primaria la conferma della parità oraria dell’insegnamento della lingua italiana e di quella francese è accompagnata da una più precisa formalizzazione dell’utilizzo delle lingue nell’insegnamento delle diverse discipline.

10 Se in francese sono approfonditi gli argomenti di interesse locale di storia e geografia, un’educazione ed alcuni obiettivi di matematica e scienze, la lingua inglese (o tedesca nella Comunità Walser) - insegnata per due ore settimanali - viene utilizzata almeno una terza ora per l’insegnamento di discipline non linguistiche, più precisamente per la parte sperimentale delle scienze e per un’educazione a scelta dell’Istituzione scolastica, con preferenza per educazione motoria.

11 Al termine dei cinque anni di corso, l’obiettivo per le lingue straniere è il raggiungimento di una competenza linguistica A1 del Quadro Comune di riferimento per le lingue (QCER).

12 In tale contesto evidenti il ruolo fondamentale assunto dalla progettazione collegiale del curriculo plurilingue al fine di prevenire la frammentazione dell’insegnamento, l’utilizzo di un approccio laboratoriale fondato su esperienze graduali e concrete che può prevedere l’uso di fonti autentiche tratte dal web e materiali audio predisposti appositamente per le attività didattiche.

La scuola secondaria di primo grado

13 Anche per la scuola secondaria di primo grado i nuovi Adattamenti, a differenza di quelli del 1994, definiscono quali discipline svolgere nelle diverse lingue. Sono insegnate in lingua francese la geografia, la musica e parte della storia; in lingua inglese le scienze, l’educazione fisica e parte di tecnologia (informatica). Per la Comunità Walser l’individuazione delle discipline da insegnare in lingua tedesca è definita nel progetto d’istituto.

14 Sempre il progetto d’istituto è tenuto ad indicare il monte ore annuale da destinare all’insegnamento in lingua francese o in lingua straniera (inglese/tedesco) di storia, tecnologia, arte e religione consacrando almeno uno spazio del 30% del monte ore di queste singole discipline all’attività svolta in lingua.

15 L’insegnamento delle discipline non linguistiche in lingua viene tuttavia introdotto in modo graduale al fine di permettere adeguata formazione del corpo docenti; l’obiettivo da raggiungere, al termine del primo triennio di attuazione degli Adattamenti, è che il 50 % del monte ore delle discipline non linguistiche sia veicolato in lingua francese e il 30% in lingua straniera (inglese o tedesco).

16 Per favorire la condivisione e l’ampliamento di percorsi integrati di lingua e disciplina, si prevedono forme modulari di apprendimento, attività laboratoriali, classi aperte, realizzazione di progetti interdisciplinari, utilizzo di tecnologie multimediali, scambi tra scuole sia in presenza sia a distanza tramite videoconferenze, webinar e eTwinning.

17 Le competenze bi-plurilingui acquisite nel percorso di studio trovano infine adeguata collocazione nel modello di Certificazione delle competenze al termine del primo ciclo di istruzione redatto a livello regionale e che richiama le otto Competenze chiave per l’apprendimento permanente proposte dal Parlamento europeo nel 2006.

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La scuola secondaria di secondo grado

18 Innovazioni pure per la scuola secondaria di secondo grado, mai approdata, prima d’ora, agli Adattamenti previsti dall’art. 40 dello Statuto della Valle d’Aosta.

19 Nonostante la realizzazione, a partire da metà de gli anni 90, di diverse attività interdisciplinari e di numerosi progetti educativi e didattici bi-plurilingui quali Classes Villette, Classes internationales, Classes Musées, nelle scuole superiori, l’istituto del francese – ad esclusione di alcuni percorsi - ha in genere goduto per tutti questi anni di semplice parità oraria con l’italiano.

20 A partire da quest’anno scolastico la deliberazione degli Adattamenti determina, sempre nelle classi prime di tutte le scuole secondarie di secondo grado, l’insegnamento in francese di discipline non linguistiche dell’area storico – sociale. Ogni collegio docenti è tenuto ad individuare le discipline più appropriate in base al curriculum della scuola e alle risorse disponibili.

21 E’ cosi che nelle classi prime dei licei e degli istituti tecnici, vengono garantiti almeno 66 moduli orari annui di insegnamento integrato di lingua francese e disciplina; negli istituti professionali almeno 33.

22 Si suggerisce sempre l’applicazione di una didattica laboratoriale che favorisca l’esplorazione, la ricerca, che incoraggi un apprendimento collaborativo e che valorizzi il “saper fare” di ogni alunno.

23 Per l’introduzione della lingua inglese in discipline non linguistiche dell’area tecnica- scientifica, bisognerà attendere il 2019/20, in una logica di continuità con la sperimentazione attuata da quest’anno nella scuola secondaria di primo grado.

Le azioni di impulso

24 Per una adeguata applicazione degli Adattamenti, si prevedono azioni di accompagnamento e di costante monitoraggio al fine di predisporre eventuali correttivi.

25 E’ così che per potenziare le competenze linguistiche e metodologiche degli insegnanti di tutti i gradi di scuola continuerà, almeno per un triennio, l’attività di formazione già messa in atto lo scorso anno. Le formazioni riguarderanno sia l’ambito del francese – nonostante i docenti siano in genere già in possesso della certificazione di piena conoscenza di tale lingua -, sia quello dell’inglese. Per la lingua inglese, che diventa elemento significativo all’interno del sistema educativo, l’obiettivo è quello di fare acquisire ai docenti dell’infanzia un livello di competenza linguistica B1, a quelli di scuola primaria un livello B2, a quelli di discipline non linguistiche di scuola secondaria di primo e secondo grado che insegnano la loro disciplina in inglese un livello C1 (QCER). Le attività di formazione potranno essere rinforzate grazie alla predisposizione di materiali didattici bi-plurilingui, all’accoglienza di docenti francofoni e anglofoni nelle scuole e da eventuali interventi di esperti esterni.

26 Altre azioni di accompagnamento mirano invece a riflettere sulla continuità dell’insegnamento bi - plurilingue dalla scuola dell’infanzia alla secondaria di secondo grado al fine di garantire una coerenza tra i diversi cicli e a facilitare la progressione

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delle competenze degli alunni, a sostenere le istituzioni scolastiche affinché tutte lavorino per il conseguimento di competenze bi- plurilingui chiare e condivise.

27 L’anno scolastico 2016-2017 vedrà pertanto la costituzione di diversi gruppi di lavoro con docenti delle differenti istituzioni scolastiche, coordinati da dirigenti e da dirigenti tecnici, con il compito di definire il profilo dell’alunno in uscita dai diversi gradi di scuola per quanto concerne le competenze linguistiche e plurilingui, i curricoli verticali delle aree storica e scientifica in contesto bi-plurilingue, gli strumenti di osservazione e i traguardi di competenza.

28 Prevista anche l’istituzione di un gruppo di lavoro per la definizione delle prove standardizzate di francese, inglese e tedesco previste dal Decreto Legislativo 3 marzo 2016 n. 44/2016 e che, sempre a partire da quest’anno scolastico, si affiancano alle prove Invalsi. Si rivela dunque ancora più chiaramente necessaria la definizione dei livelli di competenza linguistica richiesta nei vari step del percorso scolastico e la rilevazione di dati affidabili sulle acquisizioni linguistiche degli alunni al fine di attuare una riflessione sugli stessi e predisporre eventuali azioni di miglioramento. La possibilità inoltre di calibrare gli esami finali che verificano il livello di padronanza linguistica sui livelli di competenza definiti dal QCER sarebbe un’occasione per un riconoscimento internazionale della competenza acquisita.

In conclusione

29 E’ evidente che gli Adattamenti, affiancati dalla nuova legge regionale di riforma4, aprono un nuovo percorso che vuole innalzare la qualità e l’efficacia del sistema educativo valdostano, favorire la mobilità e l’occupabilità dei giovani e che vuole operare – secondo la strategia europea - per una crescita “intelligente, sostenibile e inclusiva”. Sarà la partecipazione di tutti gli attori del sistema a determinarne la riuscita, a cogliere l’occasione per offrire alle nuove generazioni un’opportunità di ulteriore arricchimento che potrà facilitare loro l’ingresso in un mondo del lavoro caratterizzato da dinamismo, spazi di ascolto, collaborazione e flessibilità.

NOTE

1. Legge costituzionale n.4 del 26 febbraio 1948. Artt. 39-40: in Valle d’Aosta vengono riconosciute due lingue ufficiali (italiano/francese) e gli adattamenti dell’insegnamento alle necessità locali. Art 40 bis: viene garantito l’insegnamento della lingua tedesca nei comuni della Valle del Lys. 2. D.G.R. 19 agosto 2016, n.1103 (Adattamenti alle necessità locali della Valle d’Aosta delle Indicazioni nazionali per il curricolo della scuola dell’infanzia e del primo ciclo di istruzione e delle Indicazioni nazionali – piani di studio – delle scuole del secondo ciclo di istruzione). 3. Legge regionale 27 dicembre 1996, n.50 (Interventi propedeutici all’applicazione degli articoli 39 e 40 dello Statuto speciale della Valle d’Aosta, approvato con legge costituzionale 26 febbraio 1948 n.4, nelle scuole secondarie di secondo grado).

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4. Legge regionale 3 agosto 2016, n. 18 – Disposizioni per l’armonizzazione della legge 13 luglio 2015, n.107 (Riforma del sistema nazionale di istruzione e formazione e delega per il riordino delle disposizioni legislative vigenti), con l’ordinamento scolastico della Valle d’Aosta.

RIASSUNTI

En Vallée d’Aoste l’école est de plus en plus ouverte au bi-plurilinguisme et à l’emploi de pratiques didactiques innovantes. L’évolution de son modèle d’éducation bi-plurilingue découle d’une série de normes régionales qui, en application de son Statut d’autonomie, ont permis d’adapter le système scolaire national ainsi que les curriculums de tous les niveaux scolaires aux nécessités locales, notamment pour ce qui concerne l’enseignement des langues. L’article présente les traits essentiels de cette réforme.

In the Aosta Valley, schools are more and more open to bi- and multilingualism and to the use of ground-breaking didactic methods. The evolution of its bi-multilingual educational model is the outcome of a series of norms which, thanks to the implementation of its status as an autonomous region, allowed adapting the national education system as well as the curricula at all levels to local needs, particularly as concerns language teaching. The article presents the main features of this reform.

INDICE

Keywords : school reform, pluralistic approaches, bilingual education, multilingualism, experimental didactics Mots-clés : réforme scolaire, approches plurielles, éducation bilingue, plurilinguisme, didactique expérimentale.

AUTORE

ELENA MARIA GROSSO Assessorato Istruzione e Cultura, Valle d'Aosta (Italie)

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Didactique & enseignement bi/ plurilingue

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Caroline et l’apprentissage de l’allemand L2 dans une école maternelle bilingue

Christina Petitdemange et Gérald Schlemminger

Recherche sur le bilinguisme précoce

1 Les recherches (longitudinales) les plus importantes sur le développement naturel du langage d’enfants bilingues franco-allemands ont été menées entre 1970 et 2000. Le programme (1986-1992) «Deutsch und Französisch – Doppelter Erstspracherwerb – DUFDE» («Langue allemande-langue française: double acquisition du langage») est emblématique pour cette période. Inspiré par le paradigme de la théorie générative de Chomsky, de nombreuses publications se consacrent à l’étude linguistique d’enfants bilingues (cf. Meisel (éd.) 1994). Elles indiquent que – malgré des interférences entre les deux langues – chacune se construit de la même manière que chez un enfant monolingue.

2 Dans le cadre d’un apprentissage bilingue précoce guidé (c’est-à-dire au sein d’un établissement scolaire scolarisant les enfants à partir de trois ans), le processus d’acquisition se présente de façon différente. L’enfant dispose toujours d’une grande plasticité du cerveau; en particulier la discrimination des phonèmes n’est pas encore définitivement rattachée à une langue particulière. Cependant, les compétences socio- cognitives d’un enfant âgé de trois ans sont déjà bien développées; une première appropriation conceptuelle du monde dans la L1 a déjà eu lieu lorsqu’il entre en contact avec la L2 de façon immersive.

3 Concernant le développement langagier du bilinguisme allemand-français en milieu scolaire, il n’y a que très peu d’études. Toutefois, il y a de nombreuses recommandations curriculaires et didactiques. L’étude de P. Edelenbos et alii. (2006) fait un inventaire des différentes pratiques éducatives de l’apprentissage précoce des langues guidée au niveau européen.

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4 La première à effectuer une étude linguistique sur l’apprentissage précoce du français est J. Wörle (2013). Sa recherche porte sur les stratégies de communication en français des enfants d’un jardin d’enfants. Cependant, le contact de langue de ces enfants se limite seulement quelques heures par semaine; les résultats de cette recherche ne sont pas transposables au bilinguisme. A. Geiger-Jaillet (200; 2010) a effectué des recherches sur des compétences narratives d’élèves de classes bilingues à l’école élémentaire. En partant d’une histoire à images, elle a constaté que la narration dépend moins du niveau de langue en L1 ou en L2, mais davantage des compétences cognitives comme le raisonnement hypothético-déductif. Nous avons mené une recherche longitudinale en Allemagne dans une classe d’école primaire bilingue étudiant développement du français L2. Nous avons publié (Schlemminger 2011) un travail sur le processus d’acquisition du français L3 d’une élève allemande dont la mère est d’origine espagnole. Nous avons pu démonter l’influence de l’espagnol sur l’acquisition du français. M. Vagedes (2014) a étudié le comportement langagier dans la communication entre les enfants allemands et français lors de situations de jeu naturelles dans une classe maternelle immersive (L1 le français, L2 l’allemand). – Cet article poursuit la recherche sur des élèves en situation immersive bilingue précoce à l’école. Le corpus et notre analyse dans cet article se base, entre autres, sur les travaux de C. Petitdemange (2013).

Notre démarche

5 G. Schlemminger (2009, 2011) a démontré la complexité méthodologique quand il s’agit d’établir un profil langagier individuel dans le cadre de l’apprentissage précoce d’une L2 en milieu scolaire. Pour un enseignant, il est, en effet, impraticable d’effectuer des tests diagnostiques réguliers (cf. Wörle 2013) pour suivre l’évolution des compétences linguistiques d’un(e) élève. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes inspirés, dans le cas présent, du «journal de bord» afin de recueillir les données langagières: l’enseignante note de façon spontanée, souvent après la journée de cours, les propos et activités de l’élève observé. À partir de ces notes, l’enseignant rédige un premier texte qu’il soumet à un groupe de pairs pour échange, puis il écrit une analyse de cette observation. Ce texte sera amendé et peaufiné. Une version finale sera ensuite publiée sous forme de ‘vignette’ ou de ‘monographie d’élève’ (cf. Schlemminger 1989).

6 Le but de notre observation d’une jeune fille de 4½ ans, en moyenne section de l’École Bilingue A.B.C.M. Zweisprachigkeit Jean Petit en Alsace (France), est de présenter et discuter le développement quasi naturel de l’acquisition de l’allemand (L2) de cet apprenant. Pendant trois mois, l’enseignante a noté les interactions linguistiques et non linguistiques de cette élève que nous appellerons Caroline. C’est le matériau qui est à la base de notre analyse. Ces données ne sont pas suffisantes pour établir des étapes précises d’apprentissage de l’allemand; elles permettent néanmoins de donner un bon aperçu de la maîtrise de la L2 et du développement de l’interlangue à une période de développement précis de cet enfant.

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Caroline et le contexte scolaire

7 L’élève Caroline a quatre ans et demi et une petite sœur d’un an. La famille appartient à la classe moyenne d’une petite ville en Alsace. Les deux parents, francophones, sont aux petits soins avec leur fille.

8 Dans les écoles de A.B.C.M., l’acquisition immersive de la L2 commence à l’âge de 3 ans, dès la petite section maternelle. Ces écoles suivent le modèle de l’immersion partielle: deux jours par semaine sont en allemands, deux jours en français. Pendant le temps dédié au français, certains intervenants parlement également en dialecte (alsacien).

9 La classe de maternelle à laquelle appartient Caroline, est un groupe d’âges mixte d’enfants de trois à six ans. Caroline est en deuxième année de maternelle. Quatre élèves ont des parents binationaux, deux familles sont franco-roumaines et deux franco-allemandes; quatre enfants ont donc deux L1. Au moment de la scolarisation, tous les enfants parlent le français. L’enseignante d’allemand est autrichienne et parle en classe exclusivement en allemand. Le professeur de français a l’alsacien comme L1. Est également présente une aide-maternelle dont la L1 est l’alsacien; elle parle également en allemand standard. L’école s’inspire de la pédagogie Montessori.

10 En allemand (L2), la plupart des élèves sont à cet âge (4 à 5 ans) encore au stade des compétences langagières passives. Ils répètent des expressions allemandes qui relèvent de la routine quotidienne, comme Komm zu mir! Wir räumen auf. Geh deine Schuhe anziehen! Ich bin fertig. («Venez!» «On range.» «Allez, mets tes chaussures!» «Je suis prêt.») Mais les élèves n’énoncent pas encore des phrases qui leur sont propres. La plupart des élèvent insère des mots allemands dans leurs énoncés, par exemple: «Je dois aller mettre les Schuhe?», «Maintenant on va aufräumen?». Quelques élèves n’ont pas encore commencé à s’exprimer verbalement en allemand; deux élèves, particulièrement timides, ont du mal à comprendre les consignes en allemand.

11 Caroline a une confiance en elle très prononcée; elle aime bien être au centre de l’attention. Parfois, elle montre vis-à-vis des enfants plus âgés ou adultes un comportement dominant. Elle est très créative et curieuse.

12 Caroline se démarque dans la classe grâce à son aisance à parler en allemand; elle en est consciente. Elle ambitionne d’utiliser le plus possible la langue allemande et se préoccupe peu des erreurs ou des lacunes en allemand; en manque de vocabulaire, elle invente et crée de nouvelles formes. Cette attitude détendue face à cette nouvelle langue lui permet d’accroître facilement et rapidement ses compétences langagières. L’étendue de vocabulaire en allemand (et également en français) est surprenante pour son âge. Étant en recherche permanente de reconnaissance de la part des adultes, sa volubilité lui permet d’attirer leur attention. Il nous paraît que parler en L2 semble la rassurer d’une certaine manière. Lorsqu’elle écrit, elle s’interrompt souvent pour des questions à l’enseignant, questions auxquelles elle saurait répondre elle-même facilement.

13 En français (sa L1), Caroline a de légères difficultés à se concentrer, mais ses performances scolaires correspondent à celles d’un élève de son âge. Son comportement dominant envers l’enseignante du français est encore plus prononcé. Cette posture peut s’expliquer, entre autres, par le fait qu’elle a plus de facilité à s’exprimer en L1 qu’en L2. Son attitude devient problématique en classe lorsqu’elle a en face d’elle des personnes ayant une moindre autorité, comme les aides maternelles.

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14 Lors d’un entretien avec sa mère, celle-ci souligne ses difficultés à cadrer le comportement dominant de sa fille au sein de la famille. Caroline accepte plus facilement l’autorité du père (qui, dans la vie civile, est commandant de sapeurs- pompiers). Cependant, il lui arrive de prendre le dessus face à lui.

L’interlangue de Caroline

15 Nous présenterons quatre séquences d’interaction typiques entre Caroline et l’enseignante et discuterons leur importance pour l’acquisition de l’allemand.

Die peintüren

16 Dans la transcription n° 1, Caroline, après avoir terminé son bricolage, exprime le besoin d’aller vouloir manger. L’enseignante ne comprend pas toute suite la portée illocutoire de l’énoncé. Elle entend que Caroline cherche sa petite lanterne («taterne», ligne 1) et lui dit de regarder dans le tiroir de sa table. Caroline répond qu’elle a terminé et rangé son travail (l. 3). À la question de l’enseignante sur ce qu’elle va faire maintenant, elle répond que désormais, elle souhaite faire de la peinture (l. 5).

Transcription Die peintüren (10/10/2015)

Caroline Lehrerin

1. (zeigt auf sich) Christa und essen! Tanterne sten fertig!

2. Schau in deine Schublade.

3. Dann casier? Fini machen!

4. Und was machst du jetzt?

5. Die peintüren. Je veux faire de la peinture.

17 En énonçant «Christa und essen!» (l. 1; au lieu de «Christa, ich möchte jetzt essen»), Caroline se révèle elle-même. En accompagnant ses paroles par des signes non verbaux, notre regard sémiolinguistique nous permet de dire que Caroline semble avoir ressenti le caractère incomplet, voire incompréhensible de son énoncé, en l’occurrence l’absence de la déictique personnel «je». Le geste a donc comme fonction de préciser la portée illocutoire de ses propos afin de les rendre plus compréhensibles (cf. aussi Gullberg 2005).

18 L’approximation phonétique, c’est-à-dire l’utilisation d’un prototype d’un mot réel – ici «Tanterne» à la place du lexème allemand «Laterne» – est un phénomène fréquent en acquisition de la L1 au jeune âge (10-14 mois environ), dû au non-aboutissement du système phonétique du locuteur. Ce phénomène se retrouve également dans l’acquisition de la L2 de jeunes apprenants. La raison de son apparition, ici, relève certainement de l’interférence entre le français «lanterne» et l’allemand «Laterne» ce qui provoque l’ approximation.

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19 Le syntagme interrogatif «Dann casier?» (au lieu de «in der Schulblade») comme réaction à l’invitation de l’enseignante de chercher dans son casier montre que Caroline comprend manifestement le signifié du signifiant allemand «Schublade»; elle ne semble pas encore l’avoir intégré dans son vocabulaire actif. Nous avons pu observer que Carline utilise le connecteur «dann» souvent comme article d’un groupe nominal ou comme déictique spatio-temporel. Dans la situation présente, elle l’utilise comme marqueur de discours. Celui-ci n’a pas de signification sémantique très précise ici, mais il organise et structure les paroles du locuteur et l’interaction avec l’enseignante.

20 Il y a manifestement un malentendu car l’enseignante fait une proposition d’action – chercher l’objet dans le casier – qui ne correspond pas à une interrogation de l’élève. Caroline le relève de façon interrogative: «Dann casier?» Mais ce malentendu ne fait pas objet d’une négociation de sens (comme c’est souvent le cas dans une communication exolingue), l’interaction continue car l’information principale – Caroline veut changer d’activité et le communique à l’enseignante – est traité de façon appropriée pour les deux locuteurs: elles se comprennent sur le fond.

21 L’énoncé «Fini machen!» est constitué d’une alternance linguistique du français vers l’allemand. Dans le syntagme verbal, composé d’un participé passé et d’une forme infinitive, tout marqueur est absent. Il convient de rappeler la différence fondamentale de l’ordre des constituants d’un syntagme en allemand et en français: dans les langues romanes, le complément («l’objet») est posée après le groupe verbal; ce sont les langues dites VO (verbe-objet) comme dans le syntagme «avoir terminé son travail». En revanche, les langues OV (objet-verbe), comme l’allemand, posent le complément avant le groupe verbal: «seine Arbeit fertig gemacht haben». Relevons dans notre exemple de transcription qu’en dépit de l’alternance codique, Caroline est tout à fait capable – malgré ses lacunes lexicales manifestes – d’utiliser la structure syntaxique de l’allemand.

22 Dans l’alternance codique «Die peintüren», nous constatons une inférence entre le mot français «peinture» et le marqueur du pluriel le plus fréquent des noms allemands: «en». L’adjonction de la flexion allemande du pluriel à un mot français n’est pas, grammaticalement parlant, possible. Cependant, cette «erreur» révèle une conscience langagière élevée de l’organisation structurelle du système linguistique allemand. Étant probablement consciente des limites de son acte de parole et voulant être comprise, Caroline répète, comme souvent, son énoncé en français «Je veux faire de la peinture».

23 L’analyse de cette interaction entre l’enseignante et Caroline montre une compétence discursive relativement développée et une conscience linguistique étendue pour cet âge et la durée de l’immersion en allemand.

Dann Schole

24 À la fin de la journée, l’enseignante demande à Caroline qui, de ses deux parents, va passer la chercher à l’école. Caroline dit que sa grand-mère Madeleine va passer et qu’elle partira ensuite avec elle en vacances (avec l’opérateur «Pierre et Vacances»).

25 À la question où sera sa mère pendant qu’elle est partie en vacances, elle répond que sa mère sera à l’école. En fait, sa mère suit une formation professionnelle. Caroline souligne également que son père sauve tout le monde, parce qu’il est pompier.

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Transcription : Dann Schole (18/10/2015)

Caroline Lehrerin

Kommt dich heute Mama 1. abholen oder Papa?

Nein, dann Mamie Madeleine dann vacances. Dann „Pierre et 2. vacances“.

Und wo ist Mama, wenn du 3. mit Oma auf Urlaub bist?

Dann Schole. Mama elle va à l’école quand je serai en vacances 4. avec Mamie. Et papa sauve tout le monde, il est pompier.

26 L’énoncé «Nein, dann Mamie Madeleine dann vacances. Dann „Pierre et vacances» correspond en allemand standard au syntagme suivant: ‘Nein, Mamie Madeleine holt mich ab, und dann fahren wir mit ‚Pierre et vacances’ in den Urlaub’. «Dann» a, ici, la fonction de marqueur de discours organisant le court récit chronologique successivement: ‘et puis… et puis’… Cette manière de raconter correspond tout à fait à la compétence discursive d’un locuteur natif du même âge (Geiger-Jaillet 2007, 2010). Cependant, dans ce récit en L2, les groupes verbaux, articulant le sens entre ‘objets’ et ‘sujets’, sont encore absents. Cette activité langagière se trouve à l’étape d’acquisition qu’on qualifie de ‘mot-phrase’ en L1 (de 9 à 12 ans); il renvoie à la fois à un objet et à une action ou une situation. Rappelons la grande différence entre L1 et L2 de ce stade: en L1, l’enfant appréhende en même le monde de son environnement immédiat. À quatre ans et demi, Caroline maîtrise la catégorisation de ce monde. Malgré les «erreurs», l’interaction de Carole est tout à fait décodable et compréhensible.

27 Dans l’énoncé «Dann Schole», le marqueur de discours prend la fonction d’adverbe de temps ‘maintenant’/‘en ce moment’. Le lexème ‘Schole’ correspond, de nouveau, à une approximation phonétique du mot allemand ‘Schule’. Puis, Caroline répète en français ce que ses parents font pendant qu’elle passe les vacances chez sa grand-mère.

28 Somme toute, les propos de Caroline montrent qu’en langue allemande, sa compétence linguistique se situe au niveau des phrases à un ou deux mots. Mais elle manifeste également une compétence discursive qui lui permet d’assurer une interaction dans une situation sociale connue et concrète.

Le Stern

29 Caroline est en train de dessiner une étoile, la découpe ensuite et a l’intention de la ramener à la maison. Lorsque l’enseignante lui explique que, pour la décoration de noël, il fauffgggt d’abord la coller sur la fenêtre de la salle de classe, Caroline répète cette règle en français en se demandant si elle est valable pour tous les élèves. L’enseignant acquiesce en la répétant en allemand.

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Transcription : Le Stern (04/11/2015)

Caroline Lehrerin

1. Regarde, il faut découper. Regarde! Découpage an das!

Wirst du den Stern jetzt 2. ausschneiden?

Ja, ausschneiden. Après. Pourquoi on ne peut pas emmener le Stern à la maison? 3. D’abord à la fenêtre, après on peut l’emmener chez maman. C’est pour tout le monde pareil, hein? Comme Adèle.

Zuerst kommt er ans Fenster, dann 4. kannst du ihn mit nach Hause nehmen.

30 Dans l’énoncé (l. 1), Caroline tient à souligner qu’elle doit couper l’étoile qu’elle manipule. Elle le dit d’abord en français, mais tente ensuite de le transposer en l’allemand et construit un syntagme prépositionnel en alternant les langues «Découpage an das», dont la structure reste cependant obscure. L’enseignante utilise une stratégie d’étayage, typique d’une communication exolingue. Elle reprend l’énoncé lacunaire de façon correcte et – par la forme interrogative – elle initie en même temps un acte de langage de requête: ‘demande de renseignement – réponse’. Ce procédé d’aide à la production langagière permet à l’élève de confirmer son action en L2: «Ja, ausschneiden». Pour développer la motricité fine, le découpage constitue une activité fréquente en maternelle. Caroline maîtrise donc les notions accompagnant cet acte. L’hétéro-structuration lui permet d’actualiser son savoir lexical.

31 Ensuite, Caroline demande en L1, avec des syntagmes relativement complexes si elle peut amener l’étoile à la maison; puis elle explicite la règle de vie dans cette classe: on amène les objets de décoration à la maison après les avoir exposés. Seul le mot clé de l’interaction, l’étoile, est en L2.

32 Encore une fois, nous remarquons l’effort que Caroline fait et les stratégies qu’elle emploie pour se faire comprendre en langue allemande. L’enseignante la soutient activement par des stratégies d’étayage comme l’hétéro-structuration.

Die cailloux sont tombés

33 Alors que Caroline construit des étoiles, derrière elle, des pierres tombent d’une étagère. L’enseignant ne comprend pas les référents du discours de l’élève. Des stratégies de négociation de sens se mettent en place pour établir progressivement une intercompréhension de l’incident.

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Transcription : Die cailloux sont tombés (04/11/2015)

Caroline Lehrerin

1. Die cailloux sont tombés.

2. Wie bitte?

3. Dann cailloux.

4. Die Steine?

5. Ja, die Sterne sont tombés derrière la Stuhl.

6. Ah, die Steine sind auf den Boden gefallen.

7. Ja, die Steine.

34 Dans l’énoncé initial «die cailloux sont tombés», Caroline effectue, comme souvent, une alternance de langue. Ici, seul l’article du nom est en allemand. L’intervention de l’enseignante relève d’une bifocalisation: focalisation centrale de l’attention sur l’objet thématique de la communication, focalisation périphérique sur le problème dans la réalisation de la coordination des activités de communication. Sa réaction «Wie bitte?» signifie d’une part, qu’elle souhaite que Caroline respecte les règles de vie de la classe: ‘Je ne te comprends pas. Parle en allemand, stp.’ D’autre part, cette invitation à parler en L2 est accompagnée d’un véritable intérêt pour l’incident. Au niveau discursif, Caroline intervient dans sa réponse également sur les deux plans en répondant de manière appropriée «Dann cailloux». L’interaction se focalise ensuite exclusivement sur le contenue car ne comprenant pas l’aspect thématique de l’énoncé de l’élève, l’enseignante réplique par une question «Die Steine?». Dans sa réponse, Caroline explicite son propos. Apparemment Caroline ne connaît pas le mot allemand ‘Steine’. La similitude phonétique entre ‘Steine’ (des pierres) et ‘Sterne’ (des étoiles) lui fait croire que les deux mots ont le même sens. Partant d’un présupposé discursif – l’enseignante attend une explication – et d’une (fausse) hypothèse linguistique, Caroline commence son énoncé avec une affirmation en recourant au mot allemand qu’elle connaît «Ja, die Sterne» pour répéter que ce sont bien des cailloux / «Sterne» qui sont tombés de l’étagère. C’est seulement à ce moment-là que l’enseignante réalise le malentendu en faisant le lien entre le fait de tomber par terre et la confusion entre ‘Steine’ et ‘Sterne’. Elle affirme alors que se sont bien les pierres qui sont tombées par terre. Caroline le confirme en le répétant en allemand: «Ja, die Steine». Dans le cas présent, la structure communicative correspond à une séquence potentiellement acquisitionnelle. D. Véronique (1992: 19) la caractérise de la manière suivante: […] c’est une séquence ternaire caractérisée par une production de l’apprenant (dite «auto-structurante»), une réaction (reprise, demande, etc.) «hétéro- structurante» du natif et une reprise «auto-structurante» de l’apprenant; c’est une séquence à focalisation métalinguistique; elle s’accompagne le plus souvent d’un «contrat didactique» par lequel le natif cherche à aider l’apprenant.

35 Cet exemple montre, d’une part, la complexité d’une interaction de négociation de sens; elle dévoile, d’autre part, le potentiel acquisitionnel d’une telle situation.

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Conclusion et perspectives

36 Pour son âge, Caroline dispose d’une compétence discursive avérée en langue allemande. Même si sa compétence linguistique se situe la plupart du temps (encore) à l’étape du mot-phrase et tout en utilisant l’alternance codique intra-phrastique, elle parvient à construire et à maintenir des interactions qui font sens; elle participe activement à la résolution de malentendus. Même si elle recourt fréquemment au français, elle le fait dans le but de s’assurer de la validité illocutoire de ses propos. Les recherches en immersion précoce confirment nos premiers résultats (voir entre autres Nauwerck 2005; Ross 2014; Ross et al. 2015).

37 Aujourd’hui – deux ans après notre enquête – Caroline est en première année de l’école primaire (C.P.). Sa production langagière en allemand devance toujours celle de ses camarades. Compte tenu de l’organisation pédagogique, l’expression orale directe et spontanée est moins valorisée à l’école; Caroline a donc moins d’occasions à parler tout le temps et à attirer l’attention de l’enseignant. Lors de travaux écrits, elle a de plus en plus de difficultés à se concentrer sur le travail. Pour des tâches qu’elle n’affectionne pas, elle peine souvent à les terminer.

38 Lorsque l’enseignant s’adresse à toute la classe, Caroline ne se sent pas toujours concernée; elle ne l’écoute pas et donc ne comprend pas toujours ce qui est dit. Lors d’exposés devant toute la classe ou aux moments d’une entrevue personnelle, elle redevient active et montre qu’elle est tout à fait capable de comprendre des contenus complexes. Ses résultats scolaires correspondent à ceux de sa classe d’âge. Cependant, ses compétences en langues (L1 et L2) dépassent toujours de beaucoup celles de ses camardes.

39 La façon naturelle avec laquelle Caroline communique et interagit en allemand montre par ailleurs qu’elle évolue dans un environnement institutionnel favorisant intensément de multiples interactions et actes de langage. P. J. Laffitte (2010) souligne l’importance d’un tel environnement stimulant. Seulement lorsque les activités en classe font sens pour les enfants, lorsqu’on leur donne la parole, lorsqu’ils se sentent pris au sérieux, peuvent-ils exprimer leurs besoins et désirs et les interactions contribuant activement à l’acquisition de la langue: Au début, dans n’importe quelle classe, ça ne fait pas plus de sens pour l’enfant de parler occitan, que de parler français, que de parler tout court. De parler vraiment, j’entends: bavarder, se taire, réciter, rédiger des exercices, aussi «littéraires» fussent-ils, ce n’est pas parler; limiter la prise de parole en classe à cela, c’est faire taire le sujet, ou alors ne lui laisser pour s’exprimer que les marges de la journée d’écolier et les friches de l’emploi du temps (récréation, le dos tourné de l’adulte, etc.). Donc, en un sens, je dirais qu’au fond, le problème de la légitimité d’une langue scolaire ne se pose pas plus pour un enseignant de Calandreta que pour un enseignant dans une classe traditionnelle. L’occitan, en revanche, peut apparaître de façon particulièrement nette comme «la langue de la classe». À la différence du français par exemple, c’est même parce que l’occitan est une langue non-évidente au départ, qu’il peut devenir la langue vive de la classe, celle que les élèves vont identifier à la vie de cette classe. «Il suffit», pour cela, qu’une telle classe soit elle-même vivante (Laffitte 2010: 38).

40 P. J. Laffitte parle des classes immersives occitanes «Calandreta» mais son propos peut être transposé à toute autre classe en immersion linguistique.

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41 A travers l’institution du ‘Quoi de neuf’ dans des petites sections de maternelle, I. Robin (2012: 109-119 et 2013) montre ce que signifie, pour les enfants, l’acquisition du langage en L1 et en L2. Elle va souvent de pair avec une socialisation de l’individu. Elle se réalise dans la vie concrète et quotidienne quand celle-ci favorise l’appréhension du monde et donne du sens à l’interaction sociale.

BIBLIOGRAPHIE

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RÉSUMÉS

We present a longitudinal observation of a 4 and-a-half-year-old pupil. She is in the middle section of a kindergarten with a partial immersion curriculum. We will discover the strategies Caroline sets up in order to communicate, express her desires and intentions. To achieve the speech acts, different types of code switching are used in alternation. Her very subtle use of her L1 (French) and L2 (German) shows a particularly high level of linguistic awareness on her part.

Presentiamo qui l’osservazione longitudinale di un’alunna di 4 anni e mezzo. È al secondo anno di scuola materna in una didattica curricolare ad immersione parziale. Vedremo quali strategie di comunicazione vengono messe in atto dal bambino al fine di comunicare, di esprimere i propri desideri e le proprie intenzioni rispetto all’azione. Per effettuare i suoi atti di parola la bambina mette in opera diversi tipi di code switching e impiega in modo molto sottile sia la sua prima lingua (il francese), sia la L2 (tedesco), dando così prova di un livello di coscienza linguistica particolarmente alta.

INDEX

Keywords : second language acquisition, interlanguage, language immersion, early language learning, communication strategies in a foreign tongue Parole chiave : acquisizione della L2, interlingua, insegnamento in immersione, apprendimento precoce della lingua, strategia di communicazione esolingue

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AUTEURS

CHRISTINA PETITDEMANGE Ecole bilingue ABCM Zweiprachigkeit Jean Petit, Ingersheim (France)

GÉRALD SCHLEMMINGER Pädagogishe Hochschule, Karlsruhe (Allemagne)

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Informe de los encuentros sobre la didáctica de lenguas en la Universidad de Rouen-Normandie: Buenas expectativas en el interés por el plurilingüismo (2ª parte)

Ana-Isabel Ribera Ruiz de Vergara

Introducción

1 Desde el departamento de Filología Románica de la Universidad de Rouen-Normandie, en colaboración con el laboratorio ERIAC (Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur les Aires Culturelles) y con el apoyo de profesores de los departamentos de LEA (Lenguas Extranjeras Aplicadas), de Inglés, de Alemán y de Musicología, hemos llevado a cabo tres nuevas jornadas de estudio bajo el título Encuentros sobre la Didáctica de las Lenguas. Estas jornadas de estudio son las siguientes: • Cuarto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas (abril 2014): La Didactique de la Langue de Spécialité (La Didáctica de la Lengua de Especialidad). • Quinto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas (abril 2015): Le rythme dans l’enseignement- apprentissage de la compréhension et de l’expression (El ritmo en la enseñanza-aprendizaje de la comprensión y de la expresión). • Sexto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas (abril 2016): Expression écrite versus expression orale (Expresión escrita versus expresión oral).

2 El tipo de público asistente a estos seminarios está compuesto, en general, por una parte, por profesores, formadores de profesores, doctorandos, investigadores y estudiantes interesados por la didáctica de lenguas; por otra parte, el público está constituido tanto por los estudiantes que asisten a nuestras clases de lengua extranjera

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para especialistas como por los que asisten a nuestras clases de lengua extranjera para fines específicos.

Objetivos y desarrollo de los seminarios sobre la Didáctica de las Lenguas

3 Los dos objetivos principales de los seminarios sobre la Didáctica de las Lenguas, llevados a cabo cada mes de abril en la Universidad de Rouen-Normandie, son: • explicar cómo y por qué se escogen y/o se crean las actividades de comunicación lingüística, concernientes a la enseñanza-aprendizaje de la lengua extranjera, que se les propone a nuestros estudiantes en los primeros semestres de las Facultades de Filología Románica y de LEA, con el fin de debatir y avanzar en el análisis de la didáctica de lenguas en los dos primeros años del ciclo universitario; • atraer a los profesores, formadores de profesores, doctorandos, investigadores y otras personas interesadas por la didáctica de las lenguas para crear y desarrollar proyectos comunes de investigación en linguística aplicada a la didáctica de las lenguas en contexto universitario.

Cuarto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas (abril 2014): La Didáctica de la Lengua de Especialidad

4 Este cuarto encuentro se realizó en francés, en español y en italiano, y se llevó a cabo en tres partes:

Primera parte

5 En la primera parte se les presentó a los asistentes el tema principal y los objetivos del encuentro. El tema principal se refería a la enseñanza-aprendizaje de la lengua de especialidad en los departamentos de LEA y en las Escuelas Superiores de Negocios y de Ingeniería, entre otros centros de enseñanza superior. El objetivo de la jornada de estudio era explicarle al público asistente cómo y por qué se escogen y/o se crean las actividades de la lengua de especialidad en estos centros de enseñanza superior. Acto seguido se dio paso a las dos conferencias siguientes:

6 La primera conferencia, Español para uso profesional: el estudio de casos como medio de aprendizaje de la lengua y de la civilización económica, fue dictada por Mercè Pujol Berché (Université Paris Ouest Nanterre La Défense). En ella se puso de relieve que en la didáctica de la lengua de especialidad (en este caso el español para uso profesional) el estudio de casos permite que el aprendiente: • estudie de forma conjunta la cultura habitualmente llamada general y la cultura económica; • se familiarice con el mundo empresarial; • emplee la lengua en contexto real; • estudie la lengua con una tipología de textos de carácter divulgativo, expositivo- argumentativo, promocional, informativo-promocional, etc.; • diversifique actividades y practique un amplio abanico de destrezas.

7 La segunda conferencia, Las metodologías en la lengua de especialidad, estuvo a cargo de Marcelo Tano (École Nationale d’Ingénieurs de Metz) y presidente del GERES (Groupe

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d’Étude et de Recherche en Espagnol de Spécialité). En ella, Marcelo Tano señaló las tres etapas que permiten concebir, producir y aplicar un programa para el proceso didáctico de las Lenguas para Fines Específicos (LFE): los contenidos deben concebirse a partir de un análisis que recoja la información detallada sobre las necesidades reales del público-meta en cuanto a los recursos léxicos, gramaticales, funcionales y culturales de la lengua-meta, sin olvidar los aspectos situacionales y los géneros discursivos propios al campo profesional que se esté estudiando.

8 El presidente del GERES terminó su conferencia recordando que el enfoque comunicativo y el enfoque orientado a la acción forman parte de las corrientes metodológicas que mejor se adaptan a los aprendientes de la LFE ya que dichas corrientes obligan al profesor a presentar actividades que desarrollan verdaderas competencias de comunicación: estudios de caso, tareas, proyectos, presentaciones, juegos de rol y simulaciones.

Segunda parte

9 En la segunda parte, profesores e investigadores de la Universidad de Rouen- Normandie expusieron paneles pedagógicos referidos a La Didáctica de la Lengua de Especialidad, he aquí los enlaces de algunos de estos paneles:

10 El tratamiento de la actualidad de los países hispanohablantes en el aula de EFE (Esther Ceballos Luengas): http://eriac.univ-rouen.fr/wp-content/uploads/2014/04/ PostersQuatriemerencontreDidactiqueLangues3-4-20141.pdf

11 Anuncios en clase de EFE (Sofía Moncó Taracena): http://eriac.univ-rouen.fr/wp-content/ uploads/2014/04/PostersQuatriemerencontreDidactiqueLangues3-4-20142.pdf

12 Destrezas lingüísticas de la competencia comunicativa, a través de la publicidad, en el aula de EFE (Ana-Isabel Ribera Ruiz de Vergara): http://eriac.univ-rouen.fr/wp-content/ uploads/2014/04/PostersQuatriemerencontreDidactiqueLangues3-4-20143.pdf

13 Langue de spécialité en italien: quelques généralités didactiques (Mathias Schonbuch): http:// eriac.univ-rouen.fr/wp-content/uploads/2014/04/ PostersQuatriemerencontreDidactiqueLangues3-4-20144.pdf

Tercera parte

14 En la tercera parte, se les pidió a los asistentes alumnos de LEA que indicaran el grado de importancia que le daban al estudio de la lengua general y al estudio de la lengua de especialidad. Todos los alumnos de LEA allí encuestados coincidieron en responder que tanto la lengua general como la lengua de especialidad son importantes. Para ellos, la lengua de especialidad no se puede desligar de la lengua general ya que esta última les permite adquirir una base sólida para desarrollar las destrezas orales y escritas en su campo de especialidad.

15 El Cuarto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas concluyó con la invitación a participar en el Quinto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas que tendría lugar al año siguiente.

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Quinto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas (abril 2015): El ritmo en la enseñanza-aprendizaje de la comprensión y de la expresión

16 Este quinto encuentro se realizó en francés y se llevó a cabo en dos partes:

Primera parte

17 En la primera parte se les presentó a los asistentes el tema principal y los objetivos del encuentro. El tema principal se refería a la enseñanza-aprendizaje de los sonidos españoles que causan dificultades de percepción y de producción a los estudiantes francófonos. Estas dificultades hay que solventarlas para que no se produzcan errores ni de comprensión ni de expresión. El objetivo del seminario era explicarles a los asistentes al encuentro cómo y por qué se escogen y/o se crean, a partir de actividades relacionadas con el ritmo, el cuerpo y la voz, las actividades de comunicación lingüística que se les propone a los estudiantes de los primeros años de Filología Románica y de LEA en la Universidad de Rouen-Normandie.

Segunda parte

18 En la segunda parte, después de explicarle a la asistencia algunos de los fundamentos científicos en los que se basa la idea de que los elementos siguientes interrelacionados, a saber: el ritmo, el cuerpo y la voz, pueden ser una herramienta útil para la enseñanza- aprendizaje de lenguas, las dos ponentes (Marielle Cafafa, profesora en el departamento de Musicología en la Universidad de Rouen-Normandie y Ana Isabel Ribera, profesora en los departamentos de Filología Románica y de LEA, e investigadora en lingüística aplicada en la Universidad de Rouen-Normandie) presentaron un taller práctico con una serie de ejercicios correspondientes a las rúbricas siguientes: • Del silencio al sonido. • De las imágenes mentales a los sonidos. • De los gestos a los sonidos.

19 El Quinto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas concluyó con la invitación a participar en el Sexto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas que tendría lugar al año siguiente.

Sexto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas (abril 2016): Expresión escrita versus expresión oral

20 Este sexto encuentro se realizó en francés, en español y en inglés y se llevó a cabo en cuatro partes:

Primera parte

21 En la primera parte se les presentó a los asistentes el tema principal y los objetivos del encuentro. El tema principal se refería a la enseñanza-aprendizaje de la comprensión y

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de la expresión de la lengua extranjera (en este caso, el español y el inglés) en Filología Románica, Filología Inglesa y LEA. El objetivo del seminario era mostrarles a los participantes que, en la enseñanza-aprendizaje de una lengua extranjera, la expresión oral y la expresión escrita son complementarias e indisociables y para ser llevadas a cabo de forma eficaz, precisan, además, que el aprendiente cuente con una base sólida de conocimientos gramaticales.

Segunda parte

22 En la segunda parte, los ponentes invitados, todos ellos profesores en la Universidad de Rouen-Normandie, intervinieron con comunicaciones referidas al tema del encuentro: • Farida Majdoub (departamento de Inglés) habló de la expresión escrita en la enseñanza- aprendizaje del inglés en contexto francés y universitario; • Laura Goudet (departamento de Inglés) presentó, mediante una serie de ejemplos, errores de comprensión y de expresión debidos al mal conocimiento de la fonética del inglés; • Julien Morel (departamento de Inglés) expuso cuáles son los requisitos para obtener el CLES (Certificación de Competencias en Lenguas de la Enseñanza Superior), sus niveles y las competencias lingüísticas requeridas para aprobar los ejercicios relacionados con la comprensión y la expresión; • Myrian Andrada-Moguérou (Departamento de LEA) analizó los errores más comunes de gramática española que cometen nuestros estudiantes.

Tercera parte

23 En la tercera parte, Marielle Cafafa (Departamento de Musicología) animó un taller cuyo objetivo era preparar a un grupo de estudiantes voluntarios, que se encontraban entre el público, para que utilizaran correctamente la voz y pudieran producir correctamente sonidos nuevos pertenecientes a una lengua extranjera.

Cuarta parte

24 En la cuarta parte se llevó a cabo con el público asistente un intercambio de opiniones sobre el tema del encuentro y se resaltaron tres conclusiones principales: en la enseñanza-aprendizaje de una lengua extranjera, las destrezas de comprensión y expresión, escritas y orales, son complementarias; subsanar los problemas de percepción y producción de sonidos mejora notablemente la comprensión y la expresión; estudiar de forma seria y asidua la gramática ayuda a que la comprensión y la expresión sean más eficaces.

25 El Sexto encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas concluyó con la invitación a participar en el Séptimo encuentro sobre la Didáctica de las Lenguas al año siguiente.

Conclusión y expectativas

26 Al principio de este artículo, se han comentado los dos objetivos principales con los que se han organizado los seminarios sobre didáctica de lenguas, denominados Encuentros sobre la Didáctica de las Lenguas. El primer objetivo se va logrando cada año, desde 2011, y, además, las expectativas son positivas puesto que las jornadas de estudio ya no sólo

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reúnen a los estudiantes de Filología Románica y LEA, sino que cada año se van abriendo a estudiantes de otros departamentos como los de Filología Alemana, Inglesa, FLE y estudiantes de lengua extranjera para fines específicos. El segundo objetivo muestra también unas expectativas positivas puesto que los seminarios acogen ya no sólo a ponentes especializados en la didáctica de lenguas románicas, sino también a ponentes especialistas en la didáctica de otras lenguas. Sigue de manifiesto, por lo tanto, el interés por el plurilingüismo.

BIBLIOGRAFÍA

RIBERA RUIZ DE VERGARA A.-I. 2013, «Informe de los encuentros sobre la Didáctica de Lenguas en la Universidad de Rouen: buenas expectativas en el interés por el plurilingüismo», in Éducation et Sociétés Plurilingues, n° 35, CIEBP, Aosta, pp. 57-62.

Para información sobre el Marco Común Europeo de Referencia para la Lenguas (MCER), consultar el sitio http://cvc.cervantes.es/ensenanza/biblioteca_ele/marco/

Para información sobre el Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL), consultar el sitio http://www.coe.int/T/DG4/Linguistic/Source/Framework_FR.pdf

Para información sobre la certificación de Competencias en Lenguas de la Enseñanza Superior (CLES), consultar el sitio http://www.certification-cles.fr/

Para información sobre las jornadas de estudio Rencontres sur la Didactique des Langues en la Universidad de Rouen-Normandie, consultar los sitios: http://eriac.univ-rouen.fr/la-didactique-de-la-langue-de-specialite/ http://eriac.univ-rouen.fr/cinquieme-rencontre-sur-la-didactique-des-langues/ http://eriac.univ-rouen.fr/expression-ecrite-versus-expression-orale-6e-rencontre-sur-la- didactique-des-langues/ http://eriac.univ-rouen.fr/wp-content/uploads/2016/04/Page-2-La-Lettre-de-lUFR-des-Lettres- et-Sciences-Humaines.pdf

RESÚMENES

Lorsqu’en avril 2011, j’ai organisé la première Rencontre sur la Didactique des Langues à l’Université de Rouen-Normandie, mon principal objectif était, dans un premier temps, d’expliquer à mes étudiants comment et pourquoi on choisit et on crée les activités de communication langagière qui leur sont proposées dans les cours de compréhension et d’expression écrites, orales, et de phonétique. Dans un second temps, mon intention était d’attirer les professeurs, formateurs de professeurs, doctorants, chercheurs et autres personnes intéressées par la didactique des langues pour créer et développer des projets communs de recherche en linguistique appliquée à la didactique des langues en contexte universitaire. Le

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compte-rendu des trois premières rencontres est paru dans ESP n° 35; voici celui des trois années suivantes.

When I organized the First Meeting on Language Didactics at the Rouen-Normandy University in April 2011, my main objective was to show my students how and why one chooses to study language through written and oral comprehension and expression, and phonetics. I then wished to attract teachers, trainers, PhD students and other people interested in language didactics, to propose joint research projects in linguistics applied to University-level language didactics. Six years later, six encounters on Language Didactics have taken place at Rouen-Normandy University. The summary of the first three meetings was published in ESP n°35; this article sums up the three meetings that followed.

Quando nell’aprile 2011 ho organizzato il primo incontro sulla Didattica delle Lingue all’Università di Rouen-Normandia, il mio principale obiettivo era di spiegare ai miei studenti come e perché si scelgono e si creano le attività di comunicazione linguistica che vengono proposte loro nelle lezioni di comprensione e di espressione scritta e orale e di fonetica. In seguito la mia intenzione era di attrarre insegnanti, formatori degli insegnanti, dottorandi, ricercatori e le altre persone interessate alla didattica delle lingue al fine di creare e sviluppare progetti di recerca comuni in linguistica applicata alla didattica delle lingue in contesto universitario. Sei anni sono già trascorsi: il resoconto dei primi tre è pubblicato in ESP n. 35; ecco quello dei tre anni successivi.

ÍNDICE

Parole chiave: didattica delle lingue, insegnamento universitario, plurilinguismo Mots-clés: didactique des langues, enseignement universitaire et supérieure, plurilinguisme Keywords: language didactics, higher education, multilingualism

AUTOR

ANA-ISABEL RIBERA RUIZ DE VERGARA Université de Rouen-Normandie (France)

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Expériences & Recherches

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Particularités lexicales du français en Vallée d’Aoste

Kamilla Kurbanova

L’auteur de l’article tient à exprimer ses remerciements pour leur aide précieuse dans la réalisation de l’enquête, à l’Assessorat de l’Education et de la Culture de la Région autonome Vallée d’Aoste, au Bureau régional pour l’Ethnologie et la Linguistique, au Comité des Traditions Valdôtaines, à la Fondation Emile Chanoux, au Centre d’Etudes Francoprovençales, aux Archives historiques régionales, au Fonds valdôtain de la Bibliothèque régionale d’Aoste, à la Bibliothèque de l’Université de la Vallée d’Aoste, ainsi qu’aux participants au questionnaire et à tous ceux qui ont prêté attention à ce travail.

Introduction

1 La Vallée d’Aoste, l’une des cinq régions autonomes à statut spécial d’Italie, se trouve dans le nord-ouest du pays et est contigüe à la France (le département de la Savoie) ainsi qu’à la Suisse (le canton de Valais). Etant la plus petite province italienne avec une population totale de 128 000 habitants et une superficie de 3 262 km2, la Vallée d’Aoste représente une aire linguistique unique regroupant trois langues romanes à la fois – l’italien, le français et le francoprovençal (la langue de type gallo-romain souvent nommée également patois / patoué valdôtain dont les locuteurs s’appellent, par conséquent, patoisants). Le Statut spécial pour la Vallée d’Aoste (Statuto speciale della Valle d’Aosta), ou Loi constitutionnelle n° 4 du 26 février 1948, définit l’autonomie de la région, par contre seulement deux des trois langues nommées ci-dessus ont obtenu le statut officiel – l’italien et le français.

2 La situation plurilingue (bi- ou même trilingue dans certains cas) décrite ne pouvait pas ne pas influencer le français parlé au Val d’Aoste qui est considéré comme une des variétés du français, plus précisément une variété valdôtaine de français répandue sur le territoire de la région. Avant de nous pencher sur la description des « valdôtainismes », il faudrait bien préciser que le fonds lexical de la variété valdôtaine est le français de référence, c’est-à-dire le français standard qui désigne le français

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dépourvu de tout trait régional. Dans Le dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Dubois définit comme « standard » une forme de langue qui « au-delà des variations locales et sociales... s’impose au point d’être employée couramment, comme le meilleur moyen de communication, par des gens susceptibles d’utiliser d’autres formes ou dialectes » (Dubois et al. 2012 : 440). La langue standard est « généralement normalisée et soumise à des institutions qui la régentent » (Ibid.), ce qui présuppose qu’elle est décrite dans les dictionnaires, manuels de grammaire, et toutes sortes d’ouvrages de référence. Dans nos recherches, afin de s’assurer que la forme étudiée appartient au français de référence, on consultait surtout des dictionnaires français, comme, par exemple, le Trésor de la Langue Française informatisé ou Le Petit Robert de la langue française.

3 Mises à part des créations purement valdôtaines, le corpus des particularités du français valdôtain comprend également des mots et des expressions répandus dans d’autres régions de la francophonie. Ces derniers, les régionalismes pas seulement propres au Val d’Aoste, seront notés spécialement.

4 Il est intéressant d’étudier les particularités lexicales valdôtaines du point de vue de leur étymologie. Quand il s’agit des réalités exclusivement valdôtaines il n’y a pas de concurrence avec le français « standard », vu que ces référents (objets ou êtres) n’existent pas dans la réalité française. La situation devient beaucoup plus curieuse quand un signifié et un signifiant sont bien employés en français de France, mais que les valdôtains préfèrent un autre moyen de dénomination. Quelles sont les sources d’enrichissement de la variété valdôtaine ?

5 Traditionnellement, on distingue trois groupes de mots et d’expressions composant un lexique particulier régional : 1. des emprunts ; 2. des formes anciennes / vieillies ; 3. des néologismes régionaux, ici des néologismes valdôtains formés par dérivation, composition, dérivation impropre, etc.

6 Afin d’éclairer l’état actuel du français parlé au Val d’Aoste, on a entrepris des enquêtes linguistiques au cours des années 2015-2016 auprès des valdôtains francophones, représentant différents âges et statuts sociaux. Il est à noter qu’une étude précédente des particularités valdôtaines a été organisée par J.-P. Martin dans les années 1980, il y a donc plus de trente ans, il s’agit ainsi d’un travail bien approfondi mais qui date un peu et dont les résultats sont à vérifier et mettre à jour.

7 En commençant nos recherches, on s’est fixé pour objectif non seulement d’effectuer une description générale du lexique franco-valdôtain contemporain, mais aussi de déterminer la dynamique de son évolution pendant les trente dernières années, d’analyser la fréquence d’emploi des valdôtainismes par telle ou telle catégorie de locuteurs, d’établir enfin les tendances principales du développement du français valdôtain au 21ème siècle.

Les enquêtes linguistiques menées en VDA en 2015-2016

8 Le critère obligatoire pour participer aux enquêtes était l’origine valdôtaine des participants (tous nos enquêtés sont nés au Val d’Aoste, majoritairement à Aoste, et y

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ont habité toute leur vie ou presque – sauf quelques années d’absence ou de départ en mission). Pour pouvoir tirer des conclusions sur l’avenir du français valdôtain, les participants ont été répartis en trois tranches d’âge : groupe 1 – les jeunes jusqu’à 19 ans ; groupe 2 – des enquêtés de 20 à 49 ans ; groupe 3 – des participants d’âge plus avancé, à partir de 50 ans. En rédigeant nos questionnaires, on a également introduit d’autres facteurs sociolinguistiques, tels que le niveau de formation des enquêtés, leur- s langue-s maternelle-s1.

9 Les questionnaires linguistiques contenaient toutes sortes de valdôtainismes soigneusements choisis : chaque classe de valdôtainismes était représentée par un nombre égal d’exemples dans le but de vérifier, premièrement, leur vitalité et d’étudier leur emploi et leurs particularités. Le choix des léxèmes proposé a reposé en grande partie sur la recherche de J.-P. Martin, évoquée ci-dessus, « Description lexicale du français parlé en Vallée d’Aoste » (1984) et sur d’autres articles consacrés à ce sujet, par exemple, celui de J.-M. Kasbarian, « Le français au Val d’Aoste » (2010).

10 Le questionnaire comportait deux types d’exercices : il fallait choisir une des deux variantes d’une phrase ou expression dont l’une était française, l’autre contenait une particularité valdôtaine ; une liste de léxèmes à définir était proposée à la fin, ainsi que des questions de nature sociolinguistique et une colonne spéciale destinée aux commentaires facultatifs (qu’on a reçus en quantité).

Les emprunts

11 Les particularités lexicales du français valdôtain invitent à s’intéresser avant tout aux emprunts car ils représentent une couche essentielle de valdôtainismes, ce qui différencie d’ailleurs cette variété de toutes les autres variétés régionales de français (le français suisse, par exemple, se distingue du français de référence essentiellement par des archaïsmes et non par des emprunts). Malgré son statut officiel, fixé dans le Statut spécial du VDA dont l’Article 38 proclame : « La langue française et la langue italienne sont à parité en Vallée d’Aoste », le français au Val d’Aoste est en réalité beaucoup moins parlé que l’italien et même que le patois, auquel on a recours en troisième lieu après ces deux langues les plus répandues (voir les résultats du sondage linguistique réalisé par la Fondation Emile Chanoux en 2001-2002). Ce sont justement les contacts italien-français et francoprovençal-français qui engendrent la plus grande quantité d’emprunts.

12 Citons des emprunts à l’italien, souvent appelés italianismes tout court, qui sont entrés dans le français valdôtain et qui subissent différents degrés d’assimilation. Parmi des italianismes non-assimilés, on note pronto (au lieu du français allô), et ape (petit tricycle à moteur), très caractéristique dans la réalité valdôtaine qui n’a pas d’équivalent en français, confirmés par la majorité de nos enquêtés : le pourcentage de réponses positives selon les tranches d’âge était : groupe 1 (67 %), 2 (56 %), 3 (75 %). Les italianismes de ce type peuvent être assimilés au français phonétiquement, dans ce cas l’accent est transmis à la dernière syllabe. Il faut se rendre compte que la prononciation varie d’un locuteur à l’autre, il n’y a pas de régularités strictes, cela peut dépendre entre autres du niveau de formation de l’enquêté.

13 Nous ne donnerons que quelques exemples choisis pour notre article, cependant, il faut comprendre que l’inclusion des mots italiens dans le discours d’un Valdôtain est un

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processus spontané. Dès qu’un locuteur ne trouve pas de bon équivalent en français il peut recourir à l’italien et cela n’implique pas forcément que ce mot est propre au français valdôtain, mais signifie simplement qu’il est employé occasionnellement.

14 Le groupe suivant est constitué d’italianismes graphiquement et morphologiquement adaptés dont l’emploi dans le français valdôtain a été confirmé par les résultats de notre questionnaire. Par exemple, le substantif franco-valdôtain tabaquerie est la version assimilée du nom italien tabaccheria et correspond au fran. bureau de tabac. En français de référence existe un verbe arranger (par ex., arranger l’affaire), mais sous l’influence de l’équivalent italien sistemare le verbe français est de plus en plus substitué par systémer (l’affaire) qui est considéré comme un italianisme assimilé.

15 En dehors des emprunts proprement dits, on distingue également des calques. « Quand il s’agit d’un mot simple, le calque se manifeste par l’addition, au sens courant du terme, d’un ‘sens’ emprunté à la langue B » (Dubois et al. 2012 : 74), ainsi, on n’emprunte pas le mot tout entier, mais on rajoute un nouveau sens à un mot déjà existant, cela s’appelle aussi un calque sémantique. Notons que les calques sémantiques sont surtout répandus dans le domaine de l’administration et de la politique valdôtaines. On peut citer par exemple deux substantifs bien français assesseur et junte voulant dire « personne qui siège auprès de qqn, l’assiste dans ses fonctions ou le supplée en son absence ; adjoint, assistant », « conseil, assemblée administrative, politique, en Espagne, au Portugal ou en Amérique latine » (les définitions sont tirées du Petit Robert 2011). Par contre, en français valdôtain, ce sont des termes administratifs calqués de l’italien : les mots assessore et Giunta ont défini les sens d’ assesseur « responsable d’une subdivision du pouvoir exécutif régional » et Junte « organe exécutif (d’une commune, d’une région) » (Ibid.) (s’écrit avec une majuscule dans ce sens-là) et s’emploient maintenant comme équivalents officiels dans les traductions, documents administratifs, etc.

16 On a aussi traité des calques du type morphosyntaxique, en particulier, le phénomène de calque de combinaisons de mots. L’un des calques de ce genre a eu beaucoup de succès auprès de nos enquêtés. Certains « puristes » qui évitaient soigneusement toutes sortes d’emprunts proposés dans les corpus du questionnaire ont quand même confirmé l’usage de ce calque : au fran. bougie de voiture les valdôtains préfèrent une expression chandelle de voiture, c’est-à-dire ils remplacent un substantif français très répandu bougie par un autre mot français beaucoup plus rare chandelle, en calquant l’expression italienne candela della macchina. Le parallélisme avec l’expression italienne analogue suscite, à ce qu’il paraît, un taux très élevé d’emploi, les résultats selon les tranches d’âge étant : groupe 1 (83 %) 2 (78 %), 3 (63 %). D’après les données affichées, on peut constater que la jeune génération est plus portée à l’usage des emprunts.

17 Pour terminer avec les calques, il faudrait noter encore ceux de type phraséologique dont chaque élément est traduit littéralement : toucher le ciel du doigt est un calque phraséologique de l’italien toccare il cielo col dito « être débordant de joie », C’est mon clou ! – de l’ital. È il mio chiodo fisso ! « C’est mon obsession ! ».

18 Ayant décrit les principaux types d’emprunts et de calques de l’italien connus dans la variété valdôtaine de français, on pourrait dégager une tendance pour la fréquence plus notable des italianismes chez les jeunes qui ont préféré une variante avec un emprunt à l’italien dans 40 % des cas, les représentants du groupe 2 dans 38 % des cas, et ceux du groupe 3 dans 35 % des cas.

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19 La deuxième source d’emprunt reste toujours le francoprovençal, ou le patois. Il faut rappeler que la question sur la langue maternelle faisait partie de la fiche signalétique de notre questionnaire et 39 % des enquêtés, autrement dit, plus de tiers de participants, ont noté le patois comme leur première langue ou bien le patois et l’italien.

20 Parmi les emprunts directs du patois valdôtain, on doit absolument citer l’exemple de rabeilleur qui vient du francoprov. rhabilleur / rabeilleur, rabeilleusa et qui s’est tellement bien installé dans l’usage des francophones valdôtains qu’ils ne doutent même pas que ce mot n’est pas français à l’origine. En français de référence, c’est le subst. rebouteux qui est employé. En parlant de la répartition des réponses, remarquons que la grande majorité des enquêtés a préféré la variante valdôtaine, ainsi les représentants du groupe 1 ont choisi rabeilleur et pas rebouteux dans 67 % des cas, ceux du groupe 2 à 89 %, et ceux du groupe 3 à 82 %.

21 Comme on l’a déjà noté, à la fin de notre questionnaire, on a proposé une liste de mots auxquels il fallait donner une définition et tous ont plus ou moins bien accompli cette tâche. Entre autres, le mot mayen (« pâturage à mi-montagne ») a largement confirmé sa vitalité, n’étant pas un lexème uniquement valdôtain : il est bien représenté dans les patois valaisans d’où il s’est transféré dans le français de la Vallée d’Aoste, mais il est aussi connu en Savoie et en Suisse (Thibault, Knecht 2012 : 511). Le mot est d’ailleurs traduit en français par le même mot (mayen), ce qui démontre que pour les lexicographes valdôtains il s’agit d’un mot indubitablement français (Chenal et al. 2007).

22 Le francoprovençal a également engendré des calques phraséologiques comme laver la chemise à quelqu’un (« critiquer quelqu’un ») du patois lavé la tsemise a quatsun ou avoir la tête montée dans la lune (« être ivre ») du patois avei la têta vià pe la leuna.

23 En ce qui concerne les emprunts au francoprovençal, il faut mettre en relief que contrairement à toute attente, malgré l’urbanisation générale, la formation plus approfondie et plus répandue, etc, on n’a pas observé de baisse brutale dans l’usage des emprunts au patois : selon la totalité de réponses on peut constater que les plus jeunes ont reconnu et ont pu définir 35 % des mots et expressions proposés, le groupe moyen 41 %, le groupe plus âgé 39 %. Le taux moyen de reconnaissance et d’emploi peut être expliqué par plusieurs raisons. Il y avait notamment des enquêtés qui nous ont écrit dans leurs commentaires qu’ils comprenaient très bien les emprunts choisis, mais dans le cadre du questionnaire, ils optaient plutôt pour une variante en français « standard ». Comme dans la vie, ils cherchent à éviter des formes empruntées au francoprovençal quand ils parlent avec un francophone qu’ils ne connaissent pas parce qu’ils ne peuvent pas être sûrs que celui-ci soit patoisant.

Les archaïsmes

24 Le français valdôtain est aussi marqué par l’emploi de formes archaïques ou vieillies même si ces dernières ne constituent pas le trait distinctif de la variété. On appelle archaïsme un mot ou une construction syntaxique française qui s’emploie toujours en français de la Vallée d’Aoste contrairement au français de référence où ces formes / tournures sont perçues comme archaïques de nos jours et n’appartiennent plus à l’usage courant. Il faut bien souligner la relativité de cette notion, parce que ces formes ne paraissent vieillies que dans une synchronie, appartenant à un état de langue

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ancien, mais auparavant celles-là étaient bien employées dans le langage courant français. Quant aux valdôtains, les formes concernées sont tout à fait habituelles pour eux, ainsi que pour tous les autres locuteurs des variétés de français.

25 Dans le cadre de cet article, on ne traite pas tous les types d’archaïsmes (de prononciation, grammaticaux, syntaxiques, etc), on se concentre plutôt sur les archaïsmes lexicaux.

26 Premièrement, on parlera des archaïsmes qui sont connus dans presque toute la francophonie et dont les plus répandus sont : • les anciens noms de nombre employés au Val d’Aoste et également dans d’autres pays : septante « soixante-dix » (Belgique, Suisse, est de la France, R. D. du Congo, Rwanda), huitante « quatre-vingt » (Suisse), nonante « quatre-vingt-dix » (Belgique, Suisse, Rwanda, Burundi, R. D. du Congo). Il est à noter qu’historiquement le système vigésimal était plus ancien par rapport au système décimal, par contre, au cours du 17ème siècle, suite aux travaux de C.F. de Vaugelas et à la normalisation entreprise par l’Académie française, le compte par vingt s’est définitivement fixé en France, le compte par dix étant déconseillé à l’époque. Les formes septante, huitante, nonante sont à présent perçues comme vieillies ou régionales par la majorité des français. • les anciens noms des repas : déjeuner « petit déjeuner », dîner/ dinée « déjeuner », souper « dîner », répandus dans les pays francophones nommés ci-dessus ainsi qu’au Canada.

27 Dans le répertoire d’archaïsmes valdôtains « purs », citons des exemples qui sont vieillis non seulement de forme mais aussi de notion : entre autres, notre questionnaire comportait un substantif poëlle « chambre chauffée » du fran. vx poêle qui a attiré l’attention de certains enquêtés, ceux-là nous ont donné des commentaires supplémentaires expliquant qu’ils comprenaient bien le mot, mais qu’actuellement cette réalité – la partie de maison indiquée – n’existait plus.

28 En tant qu’archaïsme lexico-syntaxique, on pourrait décrire le régime vieilli du verbe quitter, plus précisément, quitter qch / qqn à qqn dans le sens « laisser qch / qqn à qqn » qui était d’usage courant en français de référence jusqu’au 15ème siècle. Maintenant son emploi a été confirmé par certains francophones valdôtains : entre les deux phrases 1) « elle a quitté ses enfants à sa mère » et 2) « elle a laissé ses enfants à sa mère », 44 % des participants du groupe 3 ont choisi la forme archaïque, alors que les représentants du groupe 1 et du groupe 2 ont accepté cette forme seulement dans 17 % et 33 % des cas.

29 Selon les résultats de notre enquête, on peut dire que l’emploi des archaïsmes en français valdôtain est en baisse, le taux de reconnaissance de ces formes est assez modeste : seulement 7 % chez les représentants du groupe 1, 18 % du groupe 2, 20 % du groupe 3. Leur emploi dépend de l’âge des locuteurs ; ceux qui ont plus 50 ans les ont acceptés plus que les autres mais cette supériorité n’est pas considérable. Ainsi on peut conclure que les traits archaïques ne sont pas typiques du français parlé en Vallée d’Aoste autant que d’autres variétés.

30 Cependant, cela n’implique pas que les valdôtains cèdent en quantité et en diversité des archaïsmes aux autres francophones : selon les témoignages des jeunes valdôtains, les formes archaïques (tels qu’on a les déjà évoquées, les anciens noms de nombre, par ex.) ont un caractère symbolique pour eux. Connaissant très bien les analogues français contemporains, qu’ils apprennent depuis l’école maternelle jusqu’à l’université, certains représentants de la jeunesse valdôtaine font un choix conscient en employant

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septante, huitante, nonante, ce qui peut être considéré dans le contexte actuel comme une affirmation de l’identité culturelle.

Les néologismes valdôtains

31 La troisième classe de valdôtainismes qui constitue l’originalité de cette variété est illustrée par des néologismes, ou créations valdôtaines, c’est-à-dire de nouveaux mots formés selon les modèles productifs français ou de nouvelles tournures valdôtaines qui ne sont repérées ni en France, ni dans d’autres régions de la francophonie.

32 La création des néologismes valdôtains se base avant tout sur différents types de dérivation. La préfixation est à l’origine, par exemple, de la formation du substantif prémaman qui veut dire « enceinte ». La création du néologisme valdôtain loyage – « loyer » – peut avoir au moins deux interprétations : il peut être vu comme un dérivé formé à l’aide du suffixe –age, donc par suffixation, sinon on peut y saisir l’influence du patois valdôtain dans lequel le substatif « loyer » se dit loyadzo (Armand 2013 : 137), ce qui a probablement provoqué son alignement en français valdôtain.

33 La composition est à la base de la formation de mère-fille « mère célibataire » : dans cet exemple, on met l’accent sur l’inversion des composants par rapport à la source française – un mot français fille-mère (marqué comme vieilli ou péj. dans les dictionnaires) lui servant effectivement de modèle ; en français valdôtain, par contre, il n’y a pas de connotation négative dans ce sens-là.

34 La créativité de la variété a été attestée au niveau des expressions valdôtaines qui ne sont connues que dans cette région. L’expression figée suivante s’est révélée la plus répandue : comprendre à grosses tranches, ce qui signifie comprendre globalement ». Dans notre questionnaire, la tournure était donnée dans la phrase Le français, il le comprenait à grosses tranches qui a été confirmée par la moitié des participants du groupe 1, par 67 % du groupe 2, par 44 % du groupe 3.

35 Malgré le fait que les néologismes valdôtains d’après leur forme sont très similaires aux mots français d’origine, ils sont cependant vite reconnus par les locuteurs natifs français et n’appartiennent donc pas à l’usage « standard ». Les données statistiques concernant les créations valdôtaines et leur emploi sont de 18 % de reconnaissance chez les représentants du groupe 1, 34 % chez ceux du groupe 2, 29 % du groupe 3, ce qui nous fait penser que ce type de valdôtainismes n’est pas très productif actuellement et la création de nouveaux mots et expressions est en baisse.

Conclusions

36 Certains points méritent d’être soulignés. Tout d’abord, cette recherche a permis de distinguer les particularités lexicales de la variété valdôtaine en les confirmant auprès des enquêtés valdôtains et en les classifiant en trois catégories : emprunts à l’italien et au francoprovençal, archaïsmes et néologismes. Les exemples choisis de chaque groupe de valdôtainismes ont prouvé leur vitalité, ce qui est déjà très important.

37 En ce qui concerne la dynamique de l’évolution du français valdôtain pendant les trente dernières années, il faut dire qu’en comparant les résultats de notre recherche et la liste de termes de J.-P. Martin, on a découvert qu’à peu près 30 % des unités lexicales

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marquées par J.-P. Martin comme valdôtaines ne sont plus attestées lors de la nouvelle enquête.

38 Selon les données générales obtenues, on peut conclure que le plus grand taux de fréquence a été démontré par les emprunts à l’italien et au francoprovençal. L’indice total des emprunts au patois est de 39 % (sans différence de tranches d’âge), celui des italianismes – 38 % – est un peu moins élevé. En deuxième lieu se sont retrouvés les néologismes valdôtains (28 %), les archaïsmes donnant le résultat le plus modeste (20 %).

39 Autrement dit, deux tendances contradictoires se dégagent : d’un côté, les archaïsmes et les créations valdôtaines sont en baisse, par contre, on assiste à un processus de hausse constante des emprunts.

40 La conclusion générale est que la variété valdôtaine de français qui coexiste comme troisième langue pour la majorité de la population après l’italien et le francoprovençal, conserve ses particularités régionales jusqu’à présent. Le tiers du corpus lexical de la variété comporte des régionalismes, indépendamment de l’âge des locuteurs, de leur niveau de formation et même de leur langue-s maternelle-s.

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Statut spécial pour la Vallée d’Aoste : http://www.consiglio.regione.vda.it/fr/app/statuto

NOTES

1. Une trentaine de personnes ont été enquêtées au total. La majorité est née à Aoste et y a vécu toute sa vie ou presque, ce qui nous a permis de constater que tous avaient fait leurs études primaires et secondaires dans la région. Quant à la formation supérieure, elle concerne un nombre relativement important de participants : 56 % du groupe 2 (20-49 ans ) ; 37 % du groupe 3 (50 ans ou +). La question de la langue maternelle a particulièrement attiré notre attention, parce que dans certains cas nos enquêtés ne pouvaient pas en citer une seule. En gros, les deux tiers d’enquêtés ont déclaré l’italien en tant que langue maternelle, notamment la moitié des participants les plus jeunes, 77 % du groupe intermédiaire et 56 % du troisième groupe (50+). Le reste des informateurs ont indiqué le patois (ou le patois et l’italien) comme première.s langue.s, sans parler des autres langues maîtrisées (étrangères ou régionales). Bien évidemment tous les participants étaient francophones, ce qui était indispensable pour pouvoir participer à l’enquête. L’emploi et surtout la fréquence des valdôtainismes lexicaux varient selon ces groupes sociolinguistiques ; ce sujet mérite par conséquent une analyse et une description à part.

RÉSUMÉS

The linguistic questionnaires applied in the Aosta Valley in 2015-2016 allowed us to establish that Aostan French is still dotted with regionalisms that attest to their vitality. The lexemes and collocations confirmed by Aostan speakers of French can be grouped into three main categories: loanwords from Italian and Franco-Provençal, as well as archaisms and lexical neologisms. Thus, the specialized study of the examples contributed by representatives of three generations allowed us not only to elaborate a classification of Aostan regionalisms by their nature, degree of assimilation, etymology, etc., but also to define the trends of the lexical development of Aostan French in the 21st century.

I sondaggi linguistici realizzati in Valle d’Aosta nel 2015-2016 ci hanno permesso di constatare che il francese valdostano è sempre intriso di regionalismi valdostani che fanno prova di una certa vitalità. I lessemi e le espressioni fisse confermati da valdostani francofoni sono divisi in tre categorie principali: italianismi e prestiti dal francoprovenzale, arcaismi e neologismi valdostani. Dunque, l’analisi specifica dei questionari compilati dai rappresentanti di tre generazioni ci ha permesso non solo di elaborare una classificazione dei regionalismi valdostani secondo la loro natura, il livello di assimilazione, l’etimologia, ecc., ma anche di determinare certe tendenze di sviluppo lessicale del francese valdostano nel XXI secolo.

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INDEX

Keywords : Aostan French, Aostan regionalism, loanword, archaism, Aostan neologism. Parole chiave : francese valdostano, regionalismo valdostano, prestito, arcaismo, neologismo valdostano

AUTEUR

KAMILLA KURBANOVA Université d’État de Moscou Lomonossov (Russie)

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Bilingual Classrooms in Malta: Teaching Mathematics Content and Language

Marie Thérèse Farrugia

1 Maltese classrooms are an interesting example of how two official languages are blended in educational settings. The interweaving of the languages makes it difficult to fit the practice into any well-known model of bilingual education such as immersion and Content Language Integrated Learning (CLIL). Rather, the Maltese context offers a wealth of possibilities to explore the process of translanguaging and in this article, I focus on the use of Maltese and English in the teaching and learning of mathematics. Furthermore, by assuming the perspective that learning mathematics implies learning the discourse of the discipline, I show how local classroom practices may be adapted to target mathematical language more explicitly. I argue that by doing this, one can target both content and language simultaneously.

Setting the scene: Maltese and English in education in Malta

2 Malta has two official languages. The first is the national language, Maltese, a language with Semitic roots and a history of over 1 000 years and which is spoken by more than 90% of the population. The other is English, which is the language of Malta’s last colonisers: Malta was a British colony from 1800 until independence in 1964. English is recognized as an important global language and is crucial for the local tourism industry. The two languages are often used – either separately or together – for the same purpose, for example within the civil administration, the media, church services and education (Camilleri Grima 2013). This results in frequent code-switching.

3 Maltese and English are taught as school subjects from the first year of compulsory schooling (age 5) on. While during these lessons the languages are expected to be used separately, during other lessons, it is common for both the languages to be used.

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Camilleri (1995) notes that the degree to which a teacher uses either language depends on their own school experiences, family background, teacher training, their students’ needs and even on the School Head’s preference. However, a certain similarity can be traced across classrooms. For example, from her observations in various classrooms, Camilleri (1995) noted that teachers would repeat an English explanation in Maltese to ensure students’ comprehension; Maltese was also used to render the interaction more ‘personal’; English on the other hand was used for subject specific terminology and also helped to bridge the spoken medium and written texts in English. Certainly, in the case of mathematics, one of the main reasons why English is used is that the textbooks are UK publications. Indeed, all written work is done in English, which is assumed to be the ‘academic’ language of the subject. To date, there is no standardised Maltese academic language for school mathematics, even though Maltese is an official EU language, and in a variety of areas, papers are published by the EU Commission in technical Maltese.

4 The necessity of using English in classrooms – in general and for mathematics – is increasing over time as more and more non-Maltese students receive their education in Malta. These children may be more likely to know – or be supported by their families to learn – English rather than Maltese, and hence, their teachers may be prompted to use more English, at least until these new-comers become familiar with the Maltese language. The increase in the number of such students is partly due to the movement of families within Europe (Malta joined the European Union in 2004), and to the relative safety offered to people escaping difficult political situations in their own home country. The official statistics for 2014 give 6% as the proportion of students in the state school system having at least one non-Maltese parent (Ministry for Education and Employment 2014).

5 As noted by García and Kleyn (2016), codeswitching is commonly practised in post- colonial education contexts, where the medium of instruction is often different from the language spoken by the students, and the students’ language is used to aid comprehension. García and Kleyn consider the practice of switching as ‘translanguaging’ by which they mean the “deployment of a speaker’s full linguistic repertoire” (2016: 14). García and Kleyn reject what they consider to be socially and politically defined boundaries of named languages (e.g. English / Maltese). In this article, I use the term ‘translanguaging’, but my stance is what García and Kleyn call a ‘weak version’ of translanguaging, i.e. supporting named language boundaries but calling for a softening of these boundaries.

Trying to fit a square peg into a round hole

6 Given the type of interaction common in Maltese mathematics classrooms, it is not possible to label the approach under well-known bilingual approaches such as immersion, transitional, dual or Content Language Integrated Learning programmes (Camilleri Grima, personal communication). (For detailed explanations of various types of bilingual education, the reader is referred to Baker 2011). One key aspect that hinders labelling is that, unlike internationally known approaches, local schools generally lack an official, structured programme. The Maltese National Curriculum Framework (2011: 51) gives only the general guideline that “mathematics concepts and language are [to be] inculcated through systematic teaching and learning activities”. Hence language use remains quite ‘fluid’. For example, in a particular school, there

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might be an ‘English only’ day held once a week, which may or may not be strictly adhered to; a Head of school might encourage staff to teach mathematics in English, yet it is likely that the teachers would be free to use their discretion; in some schools the presence of non-Maltese students might prompt the use of more English than in another school.

7 In classrooms where a good amount of English is used, the approach used might be likened to immersion. In this approach, students are expected to acquire the second language by means of learning the subject through it. Language learning aims are implicit rather than explicit and in Farrugia (2009), I discuss issues that may arise in Maltese classrooms when this approach is used. However, considering the characteristics of immersion programmes given by Baker (2011), the use of English in Maltese classrooms does not fit the description. For example, our students may have potentially differing levels of English proficiency so one cannot say that they enter with similar (limited or non-existent) levels; neither is the immersion language largely confined to the classroom. If I consider instead the Content and Language Integrated Learning approach (CLIL), then again, there are differences between the local use of language and key features of CLIL. To mention two features, the target language is not a foreign language, as is usually the case in CLIL, and intercultural appreciation is not an objective. Ultimately, trying to label local use of English in teaching mathematics under internationally recognised programmes is like trying to ‘fit a square peg into a round hole.’

Illustrations of classroom interaction

8 As an illustration, I now give brief excerpts taken from two different primary classrooms that I observed in my role as researcher. In the transcripts, T refers to the teacher, S to students; Maltese speech and its translation are shown in italics.

Example 1. Year 4 (8-9 year olds); Topic ‘Greater / less than’ and associated symbols > and <.

9 In this classroom, the teacher tended to use Maltese as the main language of communication. However, words that were topic-specific such as sign, left/right and the numbers were spoken in English. Of course, in everyday life the words for left and right in Maltese (ix-xellug/il-lemin) are commonly known. However, in the classroom, they were uttered in English because they formed part of the ‘academic’ language that was key to the topic at hand.

Example 2. Year 3 (7 - 8 year olds); Topic ‘Money’.

Which coin has the smallest value? (Writes Which coin has the smallest value? (Writes this on the whiteboard). What am I asking? this on the whiteboard). What am I asking? T2: X’qed nistaqsi hawn? Which coin has the What am I asking here? Which coin has the smallest value? smallest value?

S1: L-iżgħar. The smallest.

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T2: Kif tidher? As in the way it looks?

Ss: (In chorus). Le. (In chorus). No.

OK. Mela x’inhu? Liema hi dik il-kelma li qalet OK. So what is it? What’s that word that Fiona T2: Fiona, the magic word? Which coin has the mentioned, the magic word? Which coin has smallest value? X’qed nistaqsikom? the smallest value? What am I asking?

S2: Kemm tiswa. What it’s worth (its value).

…. (A short while later during role play with …. (A short while later during role play with

grocery items). grocery items).

T2: Kemm jiswa iċ- Chicken Soup? How much does the Chicken Soup cost?]

Ss: Forty. Forty.

T2: Forty cents. How much does it COST? Forty cents. How much does it COST?

S1: Forty cents. Forty cents.

T2: (Nods). Forty cents. (Nods). Forty cents.

10 Teacher 2 used more English than Teacher 1. This teacher’s general strategy was to discuss a point in Maltese, then ‘repeat’ the discussion in English. For example, both the former and the latter part of the excerpt cited above followed similar conversations carried out in Maltese that focused on the same mathematical point and included the Maltese words for coin, value and change. This was possible due to the ‘every day’ nature of the topic at hand; such translation may not be possible for topics in which Maltese equivalents are not commonly used or do not exist as standard expressions, such as in the case of polygons, square root, product and function.

Focusing explicitly on academic language

11 As a mathematics educator, it is not so important for me to label the approach to using English under any specific type of programme; rather, it is more useful to consider the relationship between mathematics and language in terms of the development and use of academic language. Indeed, Dalton-Puffer (2011) notes that attention to academic language is a more recent development within the CLIL perspective which goes beyond a focus on vocabulary, phonology and sentence grammar more commonly associated with early foci in CLIL. For example, Morton (2010) notes how the focusing on classroom genres promoted oral and written literacy in CLIL learners in Spanish social science lessons at secondary level. Similarly, Mohan and Slater (2005) describe science lessons conducted with ESL 6-to-7 year olds in Canada, during which their teacher took great care to help the students build up targeted taxonomies and cause-effect relations. It is worth noting that scholarly works on CLIL applied to mathematics are limited. For example, in a book on teaching other subjects through English by Deller and Price (2007), only 4 out of the 67 sample lessons deal specifically with mathematics. Notable

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exceptions are research articles by Jäppinen (2005) and Ouazizi (2016) who report on quantitative research linking language and mathematics. On the other hand, a number of mathematics education researchers stress the need to focus on language explicitly, with both first and second language learners, giving practical suggestions on how this might be done (see, for example, Bresser, Melanese and Sphar 2009).

12 Both Morton (2010) and Mohan and Slater (2005) cited above use a functional view of language in their research. This view foregrounds the function that language serves in a particular context, in contrast to a view of language that is concerned with form. A key exponent of this view is Halliday (see, for example, 1978 and later works). Halliday refers to a set of meanings, together with the words and structures which express these meanings, as a ‘register’. So, for example, the spoken discourse of a mathematics classroom constitutes a mathematics register. Mohan and Slater (2005) state that a functional view of language offers a way to characterize content and language; they explain that broadly speaking, ‘content’ is the meaning of a discourse, while ‘language’ is the wording of a discourse. Indeed, writing about CLIL research, Nikula, Dalton-Puffer and Llinares (2013) state that a functional approach allows for an integrated analysis. Taking this view allows us to do away with the separation of content/language implied in the acronym ‘CLIL’. I follow Barwell (2005) in noting that such a separation is problematic for mathematics educators who view the learning of mathematics as the appropriation of a particular discourse through a social activity. Within this activity, participants (students) are supported in learning the discourse of mathematics and, as stated by Pimm (1987) in his classic book, learning to ‘speak mathematically’ implies learning to mean mathematically.

Developing mathematical language

13 Writing with a focus on CLIL, Coyle, Hood and March (2010) stress that identifying the language necessary for particular subjects demands systematic analysis at the planning stage. The analysis goes beyond key words and/or grammar, but addresses progression in form and function, process and outcomes, and encourages creative use of spontaneous language by learners. This recommendation concurs with that given by Gibbons (2015), who advises that subject objectives or outcomes should be lined up with language outcomes at the planning stage. She stresses that the language would not be all the language that may occur, but that which is essential to an understanding of the concepts and/processes at hand. As an illustration of this approach, I present an overview of a series of lessons I myself delivered in a Maltese classroom as part of a wider research project.

14 Class: Grade 4, students aged 8-9 years; 16 children Students’ background: All students except one had Maltese parents. One student had a Belarussian parent, but spoke Maltese fluently. English was a second language for all students. Mathematical topic: Fractions of regions (e.g. ¾ of a circle); fractions using ‘Cuisenaire’ coloured rods; fractions of quantities (e.g. ¼ of a set of 12 cards). Medium of instruction: Translanguaging between Maltese and English

Mathematical focus and … … Related language focus

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Equal parts / whole; The top/bottom number is called the Area model. Fractions of regions numerator/denominator; the numerator/denominator shows (shapes) (shading, recognising, us …; the fraction is one fourth because …; two parts out of comparison, importance of three are shaded, so the fraction is …; I think that this fraction equality of parts) is two-thirds – am I right?

Length model. Fractions with The red rod is half the green rod; one fourth of the pink rod is

Cuisenaire rods the white rod.

Set model. Fractions of One third of twelve is four because… quantities.

15 While I initiated lessons using both Maltese and English, and at times explained and discussed in Maltese, there were times in the lessons when I purposely switched to using only English. The language structures listed above were modelled by myself or presented explicitly to the students in the form of ‘sentence frames’ which students were then expected to use in class discussion. Whole-class discussions proved to be particularly helpful segments of the lesson during which to focus on the academic language, since during paired activities, there was the tendency for the students to use both Maltese and English, and to communicate much more informally. I must state that I did not put any pressure on the students to use English. Rather, I made it clear through my teaching approach that they could use Maltese if, and when, they wished. However, they appeared to use English willingly.

16 Encouraging the students to use the language cited above was instrumental in increasing their verbal participation in the lessons and engaging in the discourse of mathematics. For example, the use of the structure “one fourth of sixteen is four because …” resulted in students expressing number relationships as follows: S1: Because four times four is sixteen. S2: Because the … four plus four plus four plus four is sixteen. S3: Because sixteen divided by four equals four.

17 When comparing my promotion of language to a CLIL approach, I note Wolff’s (2011) observation that the latter is a suitable tool to boost learner autonomy. In the context under consideration here, explicit attention to language offered the students opportunities to use the academic language in ways characteristic of the discipline. For example: Discussion: I think that this is two-thirds. Am I right? Justification: Because the pizza is divided [into] four groups, four slices. Expression of relationships: The yellow [rod] is half of orange [rod] If / then statements: If you shade them all, [then] they will become a whole.

18 Language structures were offered as support, but I did not over-emphasise the form of language. Rather, I considered the students to be ‘emerging bilinguals’ (García and Kleyn 2016) and accepted idiosyncratic expressions, except when this impinged on mathematical meaning. For example, I drew a student’s attention to his mistake when he stated “Two divided by six is three”.

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Conclusion

19 In this article I have shown that the practice of using both Maltese and English for mathematics in Malta is quite particular and that it is difficult to label the teaching method as well-known bilingual approaches. However, by definition, the CLIL approach attempts to give equal attention to both content and language. While I questioned the separation of the two, I noted that the dual emphasis resonates with contemporary recommendations in mathematics education to focus explicitly on the subject specific register. This recommendation is relevant to educators who view learning mathematics as participating in a social activity.

20 While not wishing to over-simplify the variety or complexity of classroom situations that might be found in Malta, I have offered an illustration of how a teacher might target academic language, or the discourse of mathematics, thus fulfilling both mathematical and language objectives. Using supported English for mathematics provides another, possibly new, function for the English language and may help to increase general confidence and fluency. Furthermore, planning for increased language-use by students can help to implement a pedagogy that increases students’ overall participation in the classroom. In conclusion, I believe that whereas Maltese teachers should feel confident in their translanguaging practices, more work can be done during pre-service and in-service training with regard to how one might focus explicitly on English academic language. I believe that in this way, content and language may be truly targeted simultaneously in Malta.

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ABSTRACTS

A Malte, la salle de classe est un exemple intéressant de la manière dont deux langues officielles se fondent dans un contexte éducatif. L’entrelacement des langues fait qu’il est difficile de caser la pratique dans un des modèles bien connus d’éducation bilingue tels que l’immersion et CLIL (en français EMILE, Enseignement d’une Matière par l‘Intégration d’une Langue Etrangère ou DNL, Disciplines Non-Linguistiques). Par contre, le contexte maltais est une précieuse occasion d’explorer le processus de “translanguaging” et cet article est centré sur l’usage du maltais et de l’anglais dans l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques. Par ailleurs, adopter le point de vue que l’apprentissage des mathématiques implique l’apprentissage du discours de la discipline, permet de montrer comment les pratiques dans la classe peuvent viser plus

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explicitement le langage mathématique. Mon idée est que, ce faisant, on peut cibler tout à la fois le contenu et la langue.

A Malta l’aula scolastica è un esempio interessante del modo in cui due lingue ufficiali si possano fondere in un contesto educativo. L’intrecciarsi delle lingue fa sì che sia difficile collocare la pratica in uno dei modelli ben noti di educazione bilingue come l’immersione e CLIL (in francese EMILE, Enseignement d’une Matière par l‘Intégration d’une Langue Étrangère o DNL, Disciplines Non-Linguistiques). Il contesto maltese è invece un’occasione preziosa per esplorare il processo di “translanguaging” e quest’articolo è incentrato sull’uso del maltese e dell’inglese nell’insegnamento e nell’apprendimento della matematica. Fra l’altro adottare il punto di vista secondo il quale l’apprendimento della matematica implica l’apprendimento del discorso della disciplina permette di mostrare come le pratiche pedagogiche in classe possano aver come obiettivo più esplicitamente il linguaggio matematico. La mia idea è che, così facendo, si possa puntare allo stesso tempo alla forma ed al contenuto.

INDEX

Parole chiave: educazione bilingue, maltese, inglese, translanguaging, educazione matematica, contenuto e lingua Mots-clés: éducation bilingue, maltais, anglais, translanguaging, éducation mathématique, contenu et langue

AUTHOR

MARIE THÉRÈSE FARRUGIA University of Malta (Malte)

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L’enseignement bilingue à l’école primaire au Sénégal. Une mise en perspective.

Caroline Juillard

1 Même si la question de l’apprentissage des savoirs scolaires de base (lecture, écriture, calcul) en langues africaines au Sénégal s’est posée dès le début du XIXème siècle – l’instituteur français Jean Dard, initia le premier enseignement bilingue français/wolof à Saint-Louis du Sénégal – de nombreux obstacles, tant politiques que sociaux, et de lenteurs, ont freiné les prises de conscience et de décision en cette matière jusqu’à la fin du XXème siècle, et même encore actuellement.

2 Les intérêts privés et publics de la colonisation française, ne pouvaient effectivement prendre une direction différente de celle qui était prise en France, où depuis la Révolution, l’usage exclusif du français s’est imposé à l’école primaire et où tout type de bilinguisme régional ou social était déprécié, voire suspect. Même si un intérêt croissant pour les langues locales s’est développé au Sénégal dès cette époque (c’est le cas du Général Faidherbe1, entre autres), il fallut attendre la présidence de Léopold L. Senghor (1960-1980) pour que six d’entre elles (wolof, pulaar, mandingo, sereer, joola, soninke) obtiennent un statut de langues nationales (LN), dans la Constitution de la nouvelle République du Sénégal. Les linguistes se sont alors activés à les décrire et à les standardiser. Cette entreprise se poursuit pour des langues de moindre diffusion, également promues langues nationales sous la présidence de A. Wade (2000-2012). Des expérimentations d’alphabétisation en LN eurent lieu dès les années 1970, insuffisamment préparées et sans lendemain, initiées par les autorités sénégalaises en matière d’éducation de base. Différentes associations, agences de développement (Banque mondiale) et ONG (Enda tiers monde, en particulier) prirent le relais, mais leurs actions n’étaient absolument pas coordonnées.

3 Cependant l’idée d’un enseignement en LN progressait parmi les élites concernées et leurs partenaires (cf. Tabouret-Keller et alii. 1997 : 58), même si aucune décision politique majeure ne fut prise. Les linguistes de l’université et du CLAD (Centre de linguistique appliquée de Dakar), en particulier, jouent un rôle de premier plan pour l’enseignement des LN à l’université, ainsi que pour l’alphabétisation fonctionnelle, la

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publication de journaux et de manuels bilingues édités par des ONG ou des Associations, le débat social et politique, tout au moins à l’université ou dans le cadre des programmes que proposent les partenaires multilatéraux (dont l’OIF, l’Organisation internationale de la Francophonie).

4 Il faut également souligner l’importance du soutien de certaines des communautés concernées, principalement les Poular, particulièrement actifs en matière de promotion de leur langue dans le contexte d’une wolofisation croissante de la population sénégalaise. Le wolof, comme vernaculaire urbain et comme langue véhiculaire dans tout le pays, est progressivement devenu l’idiome le plus utilisé au Sénégal et son usage déborde même les frontières du pays (cf. Dreyfus et Juillard 2004a, Mac Laughlin 2008).

5 Dans un pays où la part du budget national dévolue à l’éducation approche les 35 %, où l’apport démographique des élèves est si important qu’on a dû instituer en milieu urbain le système des classes à double flux, où la déperdition scolaire, due à des abandons précoces et des redoublements, est très importante, et où le décalage qualitatif et quantitatif entre enseignement public et privé se creuse de plus en plus, il semble nécessaire et urgent de changer de politique en matière d’éducation formelle. D’autre part, le constat fait d’une faible attirance des élèves à l’entrée en seconde vers les séries scientifiques (37,5 % des effectifs sur l’ensemble du pays), doit être lié avec celui établi par l’Unesco, selon lequel une éducation bilingue de qualité favoriserait l’accès à ces séries (Cf. Ouane et Glanz (dir.) 2011, compte-rendu par Juillard, 2013).

6 Pour autant, la situation n’évolue que très lentement. Lorsqu’on se penche sur le dernier Rapport national sur la situation de l’éducation au Sénégal (rédigé en 2007, publié en mai 2008, DPRE – Direction de la planification et de la réforme de l’éducation), on constate que les « mesures hardies » souhaitées par les rédacteurs du Rapport (p. 56) se font toujours attendre. Quant au Plan Sénégal Emergent qui, sous la présidence de Macky Sall, définit un plan d’actions prioritaires pour la période allant de 2014 à 2018 avec un objectif de développement durable, il ne prévoit aucun changement majeur en matière d’éducation bilingue français/LN à l’école. L’alphabétisation y est prioritairement liée à l’apprentissage des métiers (projet PALAM) ou associée à l’éducation de base. Elle reste donc principalement fonctionnelle. Par contre, on constate que la progression de l’éducation bilingue arabe/français est prise en compte et accompagnée par le volet éducation/formation du Plan.

7 Depuis le sommet francophone de Dakar en 1989, et la prise en compte explicite du contexte multilingue des pays d’Afrique francophone, les institutions de la Francophonie (AUF, OIF et Confemen) promeuvent au Sénégal, entre autres, des initiatives, des programmes et des expertises de qualité auprès des autorités locales chargées de l’éducation. Le programme ELAN (Ecole et langues nationales), instauré à partir de 2009, promeut l’enseignement bilingue à l’école, en accord avec les autorités de chaque pays concerné. Le programme PAIRE2 est un appui aux innovations et réformes éducatives. Un Institut de la francophonie pour l’éducation et la formation (IFEF) vient d’être créé à Dakar (octobre 2015) afin de fournir l’expertise technique pour l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques éducatives. Une formation à distance des maîtres est également initiée. Toutes ces mesures permettront sans aucun doute de préparer et d’accompagner le grand changement espéré.

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8 Dans un tel contexte, l’action d’ARED, qui a fait l’objet d’une présentation dans le numéro précédent de cette revue (cf. Ka Dia 2016), est exemplaire, puisqu’elle a su composer habilement et de façon très compétente et pragmatique avec des autorités peu pressées de s’investir officiellement, tout en surfant sur l’air du temps.

9 Il est important cependant de souligner que, tant la majorité des linguistes locaux que les membres actifs des communautés et des associations promouvant l’alphabétisation en LN, voire l’éducation bilingue, mésestiment généralement l’importance d’une situation sociolinguistique sénégalaise globalement multilingue, malgré la recherche en ce domaine depuis le début des années 1980. La notion de « langue maternelle » semble aller de soi et n’est pas remise en question, alors que toutes les observations et analyses des chercheurs impliqués montrent que l’enfant apprend à parler et est socialisé dans des environnements au moins bilingues sinon multilingues. D’autre part, la revendication d’une langue d’identité pose différents problèmes, qui ne sont même pas envisagés.

10 Les chercheurs ont, de plus, constaté une extrême diversité des formations, des parcours et des pratiques de classes des enseignants sénégalais, dans le secteur formel aussi bien qu’informel (Dreyfus et Juillard 2004b, Dreyfus 2007). Le bilinguisme à l’oral est pratiqué depuis longtemps par certains maîtres et élèves dans l’école formelle au Sénégal, même s’il n’est pas officialisé, mais il ne fait pas l’objet d’une réelle réflexion et est pratiqué pour pallier aux déficiences des uns et des autres dans la langue étrangère ou dans son enseignement. Il nous semble donc nécessaire qu’une meilleure connaissance des motivations et des pratiques bilingues dans les classes du système formel actuellement accompagne l’introduction plus contrôlée des LN dans les expérimentations en cours.

BIBLIOGRAPHIE

DREYFUS M. 2007. Points de vue à propos de l’analyse d’interactions en milieu multiculturel et plurilingue, dans La mise en œuvre des langues dans l’interaction, sous la dir. de Michelle Auzanneau, Paris, L’Harmattan, 179-198.

DREYFUS M. et JUILLARD C. 2004a. Le plurilinguisme au Sénégal, Langues et identités en devenir, Editions Karthala, Paris.

DREYFUS M. et JUILLARD C. 2004b. Enseignement non formel dans la banlieue de Dakar : un espace scolaire alternatif, entre activités novatrices et pratiques ritualisées, dans Penser la francophonie, concepts, actions et outils linguistiques, Paris, AUF, 355-376.

JUILLARD C. 2013. Compte-rendu du livre dirigé par A. Ouane et C. Glanz, 2011, Education et Sociétés Plurilingues n° 34 : 96-99.

KA DIA A. 2016. ARED, une expertise au service d’une éducation de qualité au Sénégal, Education et Sociétés Plurilingues n° 41 : 29-45.

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MAC LAUGHLIN F. 2008. Senegal : the emergence of a national lingua franca, in Language and national identity in Africa, Andrew Simpson, ed., Oxford : OUP, 79-97.

OUANE A. ET GLANZ C. (dir.). 2011. Optimiser l’apprentissage, l’éducation et l’édition en Afrique : le facteur langue. Etude bilan sur la théorie et la pratique de l’enseignement en langue maternelle et l’éducation bilingue en Afrique subsaharienne. Unesco, UIL, ADEA.

TABOURET-KELLER A., LE PAGE R. B., GARNER-CHLOROS P. AND VARRO G. 1997. Vernacular Literacy. A Re- Evaluation, Oxford, Clarendon Press.

NOTES

1. Le général Faidherbe, 1818-1889, administrateur colonial, fut Gouverneur du Sénégal qu’il contribua à conquérir, de 1854 à 18861 et de 18863 à 1865. Il s’intéressa aux langues locales et publia en 1864 un Vocabulaire d’environ 1500 mots français avec leurs correspondants en ouolof de Saint- Louis, en poular (toucouleur) du Fouta, en soninké (sarakollé) de Bakel, Imprimerie du gouvernement. 2. PAIRE : Programme d’Appui aux Innovations, aux Réformes éducatives, à l’apprentissage massif et à l’Enseignement du français

RÉSUMÉS

In Senegal, where education takes up about 35% of the national budget, where the increasing number of pupils in urban contexts is such that classes have had to be doubled up, where there is much school loss due to early drop-outs or repeats, and where qualitative and quantitative disparities between public and private teaching are constantly growing, it seems necessary and urgent to change the policies governing formal education.

In Senegal, dove la parte del bilancio nazionale devoluta all’istruzione si avvicina al 35 %, dove l’apporto demografico degli alunni è talmente alto che si è dovuto istituire in ambito urbano il sistema delle classi a doppio turno, dove la descolarizzazione, dovuta ad abbandoni precoci e a bocciature, è molto alta, e dove il divario qualitativo e quantitativo fra insegnamento pubblico ed insegnamento privato si amplia sempre più, sembra necessario ed urgente cambiare politica in materia di istruzione formale.

INDEX

Keywords : Senegal, national languages, bilingual education, formal education, sociolinguistic environment, experimentations Parole chiave : Senegal, lingue nazionale, educazione bilingue, istruzione formale, ambiente sociolinguistico, sperimentazione

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AUTEUR

CAROLINE JUILLARD Université René Descartes, Paris V (France)

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Témoignage

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Entrée dans la profession de traducteur-interprète

Félicien Tcham Ewane

1 M’exprimer sur ma propre expérience du bilinguisme et du plurilinguisme, c’est définir avant tout mes origines et ensuite me lancer dans une réflexion sur les épreuves traversées grâce à la volonté et l’engagement.

2 La date du 21 février est une date importante pour le Cameroun, une nation qui contient environ 250 dialectes ; ce jour-là on célèbre la « Journée internationale des langues maternelles ».

3 Ma langue maternelle est le ghômala, que je parle couramment parce que j’ai été éduqué par ma famille maternelle. J’ai appris le français au Cameroun pendant mes années d’études primaires et secondaires.

4 Né en 1985 alors que la maman était encore collégienne mineure et vivait chez ses parents. Cette grossesse trouble la famille, où les frères aînés n’apprécient pas que leur jeune sœur se trouve dans cet état. Mais l’autorité du père de ma mère, enseignant dans une école catholique, met de l’ordre et s’occupe de tout, au point d’être à l’origine de mon futur projet de poursuivre mes études en Italie. A ma connaissance, mon grand- père n’avait pas de lien particulier avec l’Italie ou avec la langue italienne mais je crois qu’il avait la volonté de soutenir mes projets.

5 Pendant cette grossesse, mon père prendra la fuite. Ma carte de baptême à la Paroisse Notre Dame des Apôtres de Loum-chantiers porte mon nom Tcham Félicien. Le nom de mon père Ewane sera intégré dans mon acte de naissance seulement lorsque je présenterai mon examen national, à savoir le Certificat d’études primaires.

6 Ma famille maternelle est de l’Ouest : Bayangam. Ma famille paternelle est du Littoral : Mbo. Deux familles, deux cultures, deux dialectes.

7 Après l’école maternelle à Loum chez mes grands-parents, je suis envoyé chez la sœur aînée de ma mère qui est mariée à Douala. Ce changement me trouble et je souhaite rentrer à Loum, mais par la suite je m’adapte.

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8 Comme tout jeune Camerounais, dès l’école primaire je reçois des cours de langue anglaise. J’ai passé des vacances d’une durée de trois mois chez ma grand-mère paternelle à Kumba qui est une ville de la région du Sud-Ouest, une des deux régions anglophones que compte le Cameroun. Dans cette ville de Kumba, j’ai appris quelques notions du pidgin English, l’anglais local très influencé par la proximité géographique du Nigéria. Au lycée, de la 6ème à la Terminale, j’ai suivi des cours de langue anglaise.

9 Après le Baccalauréat, je suis parti à Yaoundé suivre des cours de langue italienne au Centre culturel italien. Je retiendrai une astuce qui se révèlera fructueuse. En effet, nos enseignants nous disaient très souvent que nous ferions d’énormes progrès lorsque nous arrêterions de penser en français.

Départ en Italie

10 Je suis allé en Italie parce que j’avais été impressionné par la Coupe du monde de football de 1990 qui s’est tenue en Italie et par la bonne performance des « Lions Indomptables » (équipe nationale du Cameroun). J’étais curieux de découvrir ce pays, cela faisait partie de mes rêves. La seconde raison de mon départ est d’ordre religieux : mon appartenance à l’église catholique. Mon départ en Italie nécessitait le dépôt d’une caution bancaire d’une valeur égale à 4 000 Euros environ (contribution familiale) dont le reçu devait être remis à l’ambassade d’Italie au Cameroun.

11 En Italie, j’ai obtenu une bourse de l’Azienda regionale per il diritto agli studi superiori (Arestud, aujourd’hui Er.Go).

12 Lorsque j’arrive en Italie en 2006, je prends conscience que mon niveau en langue italienne est bas. Je ne suis pas capable de m’exprimer avec aisance dans toutes les circonstances de la vie : l’administration, les chantiers de construction, l’économie, les finances, la jurisprudence, la médecine… Ce constat me pousse à combler mes lacunes. Je procède par étapes et de manière méthodique. Déjà, je souhaitais m’impliquer à l’avenir dans le développement des relations diplomatiques et bilatérales entre le Cameroun et l’Italie.

13 En Italie, je lisais beaucoup de livres et je regardais la télévision. J’achetais des journaux tels que L’Osservatore Romano, La Repubblica, La Stampa. J’achetais aussi des magazines de gymnastique mentale : mots croisés, devinettes, chercher le mot.

14 Cette étape une fois passée, mon souci était de vérifier si je pouvais traduire un texte italien en langue française et aussi traduire un texte français en langue italienne, en me servant de mon dictionnaire Larousse français-italien que j’utilisais au Cameroun lorsque je suivais les cours d’italien à Yaoundé.

15 Il est important de souligner qu’à l’époque des préparations aux examens écrit et oral pour l’obtention du Certificato di conoscenza della lingua italiana Celi 3, je m’amusais à parcourir toutes les pages de mon dictionnaire de poche Larousse. Cet exercice me sera très bénéfique lorsque je m’impliquerai dans des traductions de textes qui s’étendent sur des dizaines de pages.

16 Lorsque j’avais vérifié que je pouvais traduire un texte sans avoir recours à mon dictionnaire de poche Larousse qui était toujours sur ma table d’étude, j’ai compris que

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je pouvais encore progresser, afin de traduire de manière instantanée la conversation entre un français et un italien.

17 Mais je rencontre un obstacle. Je n’ai pas trouvé un environnement propice pour mettre à l’épreuve mes qualités de futur interprète. En 2010, je fais un stage de trois mois à Leipzig en République Fédérale d’Allemagne dans le cadre du programme européen Leonard De Vinci, le Lifelong Learning Program. J’avais découvert ce programme dans un journal et constitué un dossier qui avait été retenu. Je redécouvre ainsi la langue allemande que j’avais étudiée au lycée, en 4è et en 3è.

18 Je reçois un signal fort lors de l’examen oral de l’option B (électronique et communications). Le professeur qui pensait que j’étais bloqué parce que je ne trouvais pas les mots en langue italienne, m’invita à poursuivre en langue française. Malgré cette remarque du professeur, j’ai continué à m’exprimer en langue italienne. A la fin de cet examen oral, il m’a parlé en français certainement pour s’assurer que je parle français.

19 Ma première expérience d’interprète a lieu lorsque je suis admis à la prestigieuse Fondazione Collegio San Carlo di Modena. A la fin d’un séminaire sur les vertus des médicaments, le directeur du Collège me demande – mais sans me préparer avant – de présenter notre Fondation et ses activités de formation au professeur invité, en langue française.

20 J’étais bloqué par l’improvisation du directeur et les émotions ne m’ont pas aidé à rester calme. Je constatais que je ne parvenais pas à articuler mes phrases. J’étais très bouleversé parce que je pensais que le directeur devait me voir négativement. En plus, je suis censé parler couramment français parce que c’est ma première langue structurée.

21 Qu’est-ce qui s’était passé ? Cette semaine-là, j’étais troublé. Je comprendrai quelques mois plus tard que je n’avais aucun problème. C’est la méthode qui n’avait pas été bonne. L’approche aurait voulu que je sois avisé quelques heures avant, afin de me préparer à recevoir ce professeur français pour lui présenter la Fondation, centre de formation et d’excellence tant au niveau national qu’international. Après cet épisode, le directeur du Collège de la Fondation Don Luca Balugani, prêtre de l’Archidiocèse de Modène, qui avait décelé une certaine vocation dans mes comportements, décida de m’envoyer en paroisse pour une période de discernement. La paroisse de Gesù Redentore in via Leonardo da Vinci, où j’ai résidé jusqu’à mon retour au Cameroun, était devenu mon lieu de vie et de prière. Le curé de cette paroisse organisait des concerts d’orgue. Des artistes célèbres comme Jean Guillou y venaient. Je serai invité à faire découvrir la ville de Modène à l’un d’entre eux.

22 Afin de m’entraîner, j’ai aussi commencé à traduire des documents spécialisés d’économie et d’ingénierie.

Traduire/interpréter

23 Lorsque je rentre au Cameroun, je développe davantage mes talents de traducteur. Récemment, un Centre de promotion de la langue italienne m’a sollicité pour devenir

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leur traducteur en vue de délivrer des traductions officielles d’actes de naissance, diplômes, etc.

24 Pour cela, je dois passer un examen à l’Ambassade d’Italie qui m’a envoyé un document en langue italienne concernant les conseils et les informations pour les aspirants traducteurs. Je l’ai traduit en langue française : « L’aspirant traducteur doit envoyer un message à [email protected] afin de demander un rendez-vous pour subir l’examen. L’ambassade fixera une date, à sa discrétion, de telle manière qu’elle soit compatible avec ses propres engagements de travail. Le fait de savoir bien parler et bien écrire une langue ne fait pas nécessairement de l’intéressé un traducteur. La traduction est un art difficile, à travers lequel on doit exprimer des idées, des concepts et des faits, pour les translater d’une langue (source) à une autre (cible), sans déformer le contenu originel et en s’efforçant de l’exprimer de manière correcte, appropriée et compréhensible. Il est donc indispensable que le traducteur maîtrise parfaitement au moins deux langues, tant du point de vue de la grammaire et de la syntaxe, cela est valable pour toute la série de subtilités, double-sens, proverbes, difficultés intrinsèques propre à toute langue, que du point de vue culturel, étant donné que, seuls ceux qui ont longtemps étudié et approfondi certaines expressions sont capables de les saisir et donc de les exprimer de manière correcte. Le traducteur doit savoir « traduire » sans nécessairement « interpréter », sauf dans les cas où on ne peut faire autrement. Par conséquent, seule la pratique constante et régulière permettra au traducteur de savoir quand il doit se limiter à traduire et quand il doit interpréter. En d’autres termes, c’est avec l’exercice constant de la traduction et de la lecture que le traducteur sait quand il faut écrire des phrases en employant des termes qui, bien que ne reflétant pas la traduction littérale du texte originel, sont sans doute plus appropriés pour des raisons de clarté. Il est opportun d’attirer l’attention de celui qui s’intéresse à la traduction sur la nécessité de vérifier attentivement ce qu’il écrit et de s’assurer qu’il ait un sens dans la langue cible. En effet, très souvent, la traduction littérale d’une phrase ou d’un terme n’a aucun sens dans la langue cible. Pour s’exercer à l’art de la traduction, il est important de travailler sur des textes tels que les verdicts du Tribunal, les contrats de travail, les accords commerciaux, etc. pour lesquels on ne peut se limiter à une traduction littérale : ces textes exigent non seulement une connaissance approfondie des styles de rédaction, mais aussi la parfaite maîtrise des termes juridiques. Enfin, lorsqu’on travaille sur une traduction, il faut au minimum trois dictionnaires : le dictionnaire bilingue et d’autres dictionnaires (avec les définitions) tant dans la langue initiale que dans la langue finale. On conseille vivement d’acheter le dictionnaire bilingue des termes juridiques et économiques. »

Crise liée au bilinguisme au Cameroun

25 Je mentionne cette crise parce qu’elle met en lumière l’importance de la traduction qui reste une discipline méconnue. C’est cette crise qui vient révéler à l’opinion publique camerounaise le bien-fondé de la traduction.

26 Elle me concerne personnellement parce que primo, je suis un citoyen camerounais qui milite pour la paix au Cameroun et pour l’unité dans la diversité culturelle qui caractérise le Cameroun, et secondo, cette crise interpelle ma réflexion dans la mesure où je constate que le traducteur-interprète est un médiateur qui permet à travers le dialogue, la négociation et la concertation à deux entités de langues différentes de se faire comprendre en cas de litiges, de se rapprocher en cas de conflits, et in fine, de trouver des solutions de paix durable.

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27 Le Cameroun, pays qui compte huit régions francophones et deux régions anglophones, vient donc d’éviter de justesse une crise liée au bilinguisme. Il est devenu indépendant, uni et bilingue en 1960. Les anglophones estiment qu’ils font beaucoup d’efforts pour s’exprimer en français, et à l’inverse, que les francophones ne s’efforcent pas de s’exprimer en anglais. En outre, les anglophones déclarent qu’ils ne sont pas assez entendus, compris et représentés dans les affaires de l’Etat.

28 En décembre 2016, le malaise commence à envahir les enseignants anglophones et les avocats anglophones qui exigent la traduction des textes en langue anglaise. Les avocats anglophones vont se mobiliser pour que leur voix soit entendue. Malheureusement, certains groupes récupéreront ce malaise des avocats pour en faire leur problème. C’est ainsi que toutes les couches sociales s’ingèrent, s’impliquent et en janvier 2017, décident de faire grève. On assiste à des actes de délinquance dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. L’école est interdite. Les universités sont vides, les lycéens sont à la maison. L’Etat cherche à résoudre ce problème qui est compliqué. Les ministres de la justice, de l’enseignement supérieur, de l’enseignement secondaire, de la communication, de l’administration territoriale réagissent dans les médias, se concertent avec la société civile, cherchent des solutions de sortie de crise. Des comités interministériels se créent pour étudier le phénomène. Les services du Premier Ministre s’activent pour recueillir les revendications et apporter des solutions.

29 Les avocats anglophones des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest réclamaient, entre autres, la traduction en anglais des Actes Uniformes OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires). Les textes OHADA sont élaborés à partir d’instruments juridiques internationaux qui prennent en compte tous les systèmes juridiques et économiques en vigueur dans le monde. Le Ministère de la Justice de la République du Cameroun a entrepris une démarche particulière auprès du Secrétariat Permanent de l’OHADA, pour que soit modifiée la disposition du Traité qui instituait le français comme seule langue de travail de l’OHADA. C’est ainsi qu’à la demande du Cameroun, le Traité de Québec a modifié l’article 42 du Traité OHADA pour faire dorénavant du français, de l’anglais, de l’espagnol et du portugais, les langues de travail de l’OHADA.

30 En 2008, lorsque le Traité de Québec a modifié celui de Port Louis en instituant l’anglais comme l’une des langues de travail de l’OHADA, le Secrétariat Permanent a souhaité que la publication de la version anglaise de ces Textes soit au préalable approuvée par le Ministère de la Justice du Cameroun. Le Ministère de la Justice a donc mis en place un Comité composé de hauts magistrats de la Cour Suprême, des Chefs des Cours d’Appel, ainsi que d’autres magistrats en service à la Chancellerie, pour la plupart anglophones, pour revisiter les textes en anglais. Mais, entre-temps, le Conseil des Ministres de l’OHADA a engagé l’actualisation de certains Actes Uniformes. Ce qui a eu pour effet de ralentir les travaux de relecture engagés.

31 La publication des Actes Uniformes de l’OHADA en anglais dans le Journal Officiel de l’OHADA le 24 novembre 2016 dernier, est venue mettre un terme à ce long processus débuté depuis plusieurs années. Le document produit par le Secrétariat Permanent a près de 600 pages d’un travail scientifique et technique de haut niveau. Dans un communiqué publié le 6 avril 2017, le Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative a annoncé le recrutement spécial des auditeurs de justice et élèves greffiers d’expression anglaise. Ces enrôlements massifs s’inscrivent dans les mesures prises par le gouvernement pour amener les avocats anglophones à mettre un terme à

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un mouvement d’humeur qui dure depuis environ six mois. Le Chef de l’Etat, dans son discours de Bonne Année 2017 à la nation, apporta des éclairages sur les modalités qui règlent les revendications. La paix dans le pays doit être préservée. L’unité du pays doit être consolidée. Le Chef de l’Etat, Son Excellence Paul Biya a créé une Commission Nationale pour la Promotion du bilinguisme et du multiculturalisme. Le français et l’anglais sont les deux langues concernées par cette commission.

Aujourd’hui

32 Aujourd’hui, je collabore avec des écoles de traducteurs et d’interprètes. Actuellement, j’exerce dans la traduction technologique. En réalité, je dois aussi traduire des documents commerciaux et juridiques. Le français et l’italien sont mes deux langues pour la traduction.

33 On m’a proposé de m’inscrire à un master en traduction spécialisée, option juridique. L’interprète doit maîtriser la sémiotique, l’esthétique et aussi le journalisme.

34 Le traducteur-interprète est un pont entre deux groupes ou peuples qui ne parlent pas la même langue. Ce profil est très recherché dans des projets de développement pilotés par des experts de langue différente. Le métier demande beaucoup d’abnégation et de spontanéité intellectuelle.

RÉSUMÉS

The article describes the itinerary of a young man from Cameroon, raised by two families, in two cultures and two dialects, who spoke French as of age 3 and learned English in primary school. He then chose to study Italian at the Italian Cultural Center in Yaoundé with the aim of participating in the development of relations between Cameroon and Italy by becoming a translator- interpreter in French and Italian.

Itinerario di un giovane Camerunese che, cresciuto in due famiglie, due culture, due dialetti, parla francese fin dalla scuola materna e si trova esposto fin dalla scuola primaria alla lingua inglese, sceglie poi di imparare l’italiano al Centro italiano di cultura della capitale de Camerun e sviluppa l’ambizione di impegnarsi nello sviluppo delle relazioni bilaterali fra il Camerun e l’Italia. Nasce così una vocazione di traduttore-interprete fra francese ed italiano.

INDEX

Keywords : Cameroon, dialects, French, Italian, vocation, translator, interpreter Parole chiave : Camerun, dialetti, francese, italiano, vocazione, traduttore, interprete

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AUTEUR

FÉLICIEN TCHAM EWANE Yaounde (Cameroun)

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In viaggio tra le lingue e le culture

Martine Noussan

Le lingue dell’infanzia

1 Un giorno, rovistando tra vecchi oggetti, ho trovato una musicassetta su cui era registrata una conversazione tra me e mio fratello in patois. Dovevamo essere davvero piccoli, perché non ne avevo alcun ricordo. Quella di non riconoscere la propria voce registrata è una sensazione piuttosto comune, ma quella volta l’estraneità percepita era accentuata dal fatto che non mi riconoscessi affatto in quanto “parlante” di quella lingua, il patois. Per quel che ricordo, i miei nonni materni e le mie zie hanno sempre parlato in patois, io ho sempre capito tutto senza alcuna difficoltà, ma non ho mai usato attivamente questa lingua. Quella musicassetta dimostrava invece il contrario, e per me era stata una grande scoperta! Non saprei dire a che età e per quale motivo (forse l’influenza della scuola elementare?) ho smesso di utilizzarlo per passare all’italiano, ma oggi il patois è per me una lingua legata all’infanzia e alla casa dei miei nonni, calda e familiare, che mi riporta alle mie radici. Quando devo pensare a delle parole in patois ho sempre in mente l’immagine di mia nonna che le pronuncia, mentre dette da me mi sembrerebbero poco naturali.

2 Ai nonni paterni devo forse invece il primo contatto con il francese, ancora adesso con mia nonna parlo in questa lingua e ancora adesso io e mio fratello a volte ci divertiamo a farla arrabbiare usando delle espressioni inventate a partire dall’italiano come “ça capite” invece di “ça arrive”. Il francese è comunque una materia in cui non mi sono mai davvero applicata, forse anche a causa di una professoressa delle superiori che aveva un’enorme cultura (sia linguistica sia generale), ma nessuna capacità di trasmetterla agli studenti. Diciamo che è una lingua che mi sembra innata, in Valle d’Aosta la studiamo a scuola per 13 anni, quindi volenti o nolenti ci entra nelle orecchie.

3 Delle scuole elementari più che lo studio mi ricordo gli intervalli di mezza mattinata passati a giocare in cortile e le scorribande pomeridiane in bicicletta con i compagni, non saprei quindi dire niente riguardo al mio rapporto con le lingue in quell’epoca, e la

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stessa cosa vale per le scuole medie, di cui invece mi ricordo soprattutto la fatica fatta per rimediare alle lacune delle elementari.

La scoperta di una passione

4 È alle superiori che, pur avendo scelto un liceo scentifico, mi rendo conto che i miei punti di forza emergono proprio nelle materie umanistiche, nelle lingue e letterature. In italiano non ho mai avuto problemi e i “temi” erano i miei compiti in classe preferiti, per merito di una professoressa molto brava e anche di mia madre, che fin da quando ero piccola è riuscita a trasmettermi il piacere della lettura. Ed è sempre qui che un’altra professoressa molto brava risveglia il mio interesse per l’inglese, lingua che mi apre il mondo della musica, di internet e dei viaggi. Passo infatti delle ore in internet a tradurre e imparare i testi in inglese delle mie canzoni preferite, e d’estate partecipo a delle vacanze studio in Inghilterra e Irlanda: ricordo ancora la libertà respirata in quei soggiorni, che erano i miei primi viaggi da sola con le amiche, e la gioia che provavamo nel buttarci a capofitto in ogni avventura. Di sicuro queste esperienze hanno dato una forte spinta alla mia voglia di studiare l’inglese, che purtroppo però è poi finito nel dimenticatoio per molti anni.

Un nuovo inizio: il russo e il tedesco

5 All’università infatti, dopo alcune titubanze, scelgo di iscrivermi alla facoltà di lingue, e, guidata dal bisogno di fare qualcosa di completamente nuovo e di ripartire da zero, scelgo il russo e il tedesco. Perché proprio queste due lingue? È una domanda che mi fanno in molti, e a cui non so dare una risposta molto precisa. Ho sempre avuto il sogno di fare la transiberiana e dopo aver letto alcuni romanzi di Dostoevskij alle superiori ho provato una forte attrazione verso quell’universo che è “l’uomo russo”. Annoiata dal francese e dall’inglese, mi rivolgo alle altre maggiori lingue europee e scelgo il tedesco un po’ per caso (lo spagnolo mi sembra troppo simile all’italiano e quindi poco attraente, oltretutto l’avevo già studiato un po’ per conto mio alle superiori). Ed è così che mi ritrovo all’Università di Torino, che susciterà in me momenti di entusiamo estremo, ma a volte anche di sconforto. Ricordo gli anni della laurea triennale con enorme piacere e nostalgia, sono anni in cui ho imparato a essere più indipendente, ho coltivato salde amicizie che nonostante le difficoltà logistiche durano tuttora e, soprattutto, ho tratto enormi soddisfazioni dallo studio di queste due lingue: il contatto continuo con la cultura russa e tedesca hanno contribuito non poco a fare di me la persona che sono oggi. Più che gli esami universitari (alcuni utili, altri ridicoli, e qui stendo un velo pietoso sulle condizioni in cui versa l’università italiana), a essere davvero formative per le mie competenze linguistiche sono state le esperienze all’estero che ho fatto in quegli anni.

6 La prima, due mesi di studio a Mosca, ancora oggi rimane uno dei periodi più felici e spensierati della mia vita. È stata un’immersione totale in un mondo lontano, fino ad allora solo immaginato attraverso la meravigliosa lente della letteratura russa. Insieme a due compagne di viaggio perfette, ho esplorato la capitale in lungo e in largo, alla ricerca di case di scrittori, di luoghi in cui erano stati o di cui avevano narrato, permeati dal peso della storia; alla ricerca dei tratti e abitudini dell’uomo russo che avevamo così tanto amato nella letteratura. Ed è qui che sboccia del tutto l’amore per il

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russo, questa lingua così “estranea” rispetto alle nostre lingue europee, praticamente incomprensibile all’inizio del nostro soggiorno, ma che progressivamente diventa sempre più familiare. Le condizioni per migliorare le competenze linguistiche c’erano tutte: un mondo nuovo da scoprire, delle amiche e compagne di studio curiose e determinate, dei corsi all’università interessanti. Al termine del soggiorno mi sembrava di aver imparato di più in quei due mesi a Mosca che nei due anni precedenti all’università di Torino, e l’amore e la spinta che da allora provo verso questa città hanno contribuito a mantenere viva la mia voglia di imparare questa lingua. Un anno dopo, la mia prima esperienza in Germania: un mese a Francoforte, troppo poco per notare un vero progresso nelle mie conoscenze linguistiche (anche perché questa volta sono in Europa, e spesso le persone iniziano a parlarmi in inglese appena si accorgono che non parlo bene tedesco).

Mettersi in gioco

7 Mi laureo a febbraio, e mi sembra di non avere la padronanza di nessuna delle due lingue, ma so che ho ancora tempo di imparare. Nell’attesa di iscrivermi alla laurea magistrale cerco disperatamente di fare un’esperienza all’estero di qualche mese, e finalmente trovo l’occasione giusta: a maggio parto per l’Uzbekistan in qualità di accompagnatrice turistica, e continuo poi la mia esperienza a Mosca e San Pietroburgo. Oltre a vedere posti meravigliosi, ho avuto modo di venire a contatto con la complessità e le contraddizioni del mondo russo, ho ampliato le mie competenze linguistiche (sia nell’ambito della quotidianità, sia in quello più specifico delle formalità doganali e dei veicoli, lavoravo infatti con turisti in camper) e soprattutto ho imparato a sfruttare risorse che neanche credevo di avere. Questo lavoro mi ha infatti costretto a superare la mia timidezza, mi ha insegnato ad arrangiarmi nei numerosi momenti di difficoltà (causati dalla disorganizzazione dell’agenzia per cui lavoravo e dalla burocrazia russa), e obbligandomi a interagire il più possibile con l’ambiente circostante per far fronte a vari problemi mi ha permesso di acquisire una notevole dimestichezza con il russo. È durante questa esperienza che, avendo a che fare con turisti francesi, ho rivalutato questa lingua e mi sono resa conto della fortuna che ho ad averla studiata, anche se non la praticavo davvero ormai da un paio d’anni l’ho infatti ripresa velocemente e senza alcuna difficoltà.

Gli ultimi anni di vita da studente

8 Mi iscrivo poi alla laura magistrale a Bologna e mi butto a capofitto nello studio, col russo mi sento molto più sicura di prima, col tedesco faccio ancora fatica, ma comunque lo studio ripaga e mi dà moltissime soddisfazioni. Il secondo anno parto per Dresda con il progetto Erasmus, un po’ spaventata per via del tedesco, lingua in cui non mi sento ancora mio agio, un po’ svogliata perché avrei preferito andare in Russia. E invece si rivela essere uno degli anni più belli della mia vita. La vita lì mi sembra facile e spensierata, mi sento priva di qualunque responsabilità, libera e ben accolta dalla società tedesca. Anche qui trovo due fantastiche amiche con cui condivido le gioie e le difficoltà della lingua tedesca, le lezioni, gli esami, gli incontri di tandem linguistico con altri ragazzi, le nuove amicizie. Durante quest’anno, tramite l’università, ho anche partecipato a un seminario a Ekaterinburg, in Russia. È stata un’esperienza molto

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particolare, perché per le mie compagne di viaggio tedesche la lingua straniera su cui concentrarsi era in quel caso il russo, mentre per me la difficoltà era doppia: passare continuamente dal russo al tedesco e viceversa richiedeva uno sforzo non indifferente, e portava inevitabilmente a vari miscugli linguistici, soprattutto con espressioni brevi che mi risultavano più “automatiche”, per esempio, quante volte ho scambiato “ja” e “da” (“ja” in tedesco vuol dire “si”, in russo “io”, “da” in russo vuol dire “si”, in tedesco “qui, lì”)! Sebbene io avessi già fatto esperienze all’estero, non sono mai stata così male come al momento di dover lasciare Dresda, è stata la prima volta in cui mi è sembrato davvero impossibile tornare alla mia vecchia vita italiana. Eppure così è stato, e per fortuna ho avuto il piacere di riscoprire Torino, da cui mancavo ormai da tre anni, che mi ha dato la tranquillità necessaria per trovare la forza di scrivere una tesi in traduzione e finire così gli studi.

9 Uno dei motivi per cui avevo scelto di iscrivermi alla facoltà di lingue era che mi sembrava che le lingue mi avrebbero aperto porte infinite. Dopo la laurea mi sembra invece che in realtà non ne aprano neanche una. Mi sembra di aver studiato delle materie interessantissime, ma di non aver acquisito le competenze necessarie a usare le lingue a un livello professionale, e cerco quindi di mettermi in testa il solito pensiero: non finirò mai di imparare, quindi non mi sentirò mai davvero sicura in una lingua, ed è normale che sia così.

Ripartire

10 Dopo un annetto di viaggi e riposo (e un’esperienza di traduzione di due documentari per il sottotitolaggio che ha messo alla prova il mio tedesco) trovo un’altra occasione per partire. Riesco finalmente a coronare uno dei miei sogni, e faccio un tratto di transiberiana per arrivare fino all’isola di Olkhon, sul lago Bajkal, dove lavoro per tre mesi in un ostello. È un’esperienza ancora “fresca”, e non ho quindi la giusta distanza per riuscire a considerarla con una certa oggettività. Mi sono sentita davvero viva su quell’isola persa in mezzo al nulla, ogni giorno è stato un’avventura, ho svolto le mansioni più svariate, dall’accoglienza dei turisti alla reception, all’aiuto cuoca, al lavoro in dispensa, alle lezioni di conversazione in francese, all’accompagnatrice turistica nelle escursioni, sono entrata in contatto con tantissime persone, molte delle quali davvero speciali. Per quanto riguarda il russo non mi sembra di aver fatto progressi enormi, mi trovavo in un ambiente piuttosto internazionale, e quindi diciamo che ho fatto più che altro un grande ripasso di tutte le lingue che conosco, italiano e russo, ma anche francese e tedesco, e soprattutto, dopo ben otto anni, ho riniziato a parlare inglese. E questa, dopo Dresda, è stata la seconda volta in cui ho lasciato un luogo con le lacrime agli occhi e un groppo in gola. Da quest’esperienza però ho capito che le lingue aprono davvero molte strade, se si è pronti ad accettare certe condizioni.

11 Un mese dopo il lago Bajkal mi sono di nuovo spostata: ora mi trovo a Mainz, in Germania, dove lavorerò come assistente di italiano in un liceo fino alla fine di maggio. È la mia prima esperienza da insegnante, e sono curiosa di capire se è un lavoro che mi piace e che fa per me.

12 Sento che la mia vita in questi ultimi anni ha sempre oscillato tra due poli, ovvero le due lingue che ho studiato, il russo e il tedesco. Continuo a stupirmi di come possano piacermi due paesi così diversi e spesso opposti tra loro: la Germania è pulita, efficiente, attenta all’ambiente, è facile e comodo vivere qui, forse troppo. La Russia (purtroppo) è

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spesso sporca, inquinata, caotica, per viverci devi saperti arrangiare, e forse è questo che la rende così stimolante (mi rendo conto che questa è una forte semplificazione, ma se dovessi davvero descrivere questi due paesi mi servirebbe un libro intero). Nella dicotomia tra sentimento e ragione direi che per me la Russia sta dalla parte del sentimento, e la Germania della ragione, cosa che scaturisce in parte anche dalle lingue: il tedesco è preciso e analitico, e possiede strutture rigide, il russo invece grazie alla presenza dei casi può costruire le frasi in maniera estremamente libera, e per esempio l’utilizzo degli aspetti verbali dipende per la maggior parte dal contesto. Sono davvero felice di aver potuto assimilare queste due strutture mentali così differenti, e mi sento davvero fortunata ad aver scelto quasi per caso due lingue così affascinanti che mi hanno portato, e spero continuino a portarmi, a fare delle esperienze importanti.

RIASSUNTI

Un jour, en fouillant dans de vieux objets, j’ai trouvé une cassette audio dans laquelle était enregistrée une conversation en patois entre mon frère et moi. Nous étions sans doute très jeunes car je n’en gardais aucun souvenir. Le fait de ne pas reconnaître sa voix enregistrée est une sensation assez courante mais cette fois-là l’extranéité perçue était accentuée par le fait que je ne m’identifiais pas en tant que “parlant” de cette langue, le patois. Autant que je me souvienne, mes grand-parents maternels et mes tantes ont toujours parlé en patois et j’ai toujours tout compris sans difficulté mais je n’ai jamais utilisé activement cette langue.

One day, while rummaging among old things, I discovered a recorder with a tape of a conversation between my brother and me, in patois. We must have been very small, because I don’t remember it at all. Not recognizing one’s own, recorded voice is a rather common experience, but this time, the feeling of strangeness was even stronger because I didn’t identify as a speaker of that language, patois. As far back as I can remember, my maternal grandparents and aunts always spoke patois and I never had trouble understanding but never used the language actively myself.

INDICE

Mots-clés : conversation, patois, grand-parents, extranéité perçue Keywords : conversation, patois, grand-parents, perceived strangeness

AUTORE

MARTINE NOUSSAN Rabanus-Maurus-Gymnasus, Mainz (Allemagne)

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Débat

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Couples « linguistiquement mixtes » : une nouvelle catégorie ?

Gabrielle Varro

1 Aujourd’hui, en France comme ailleurs, des couples se forment lors des contacts de plus en plus fréquents entre personnes venues d’horizons différents, qu’il s’agisse de citoyens de pays distincts ou de concitoyens issus de régions différentes qui ne parlaient pas la même langue dans leur famille d’origine. Des chercheurs se sont assez récemment intéressés à cette nouvelle sorte de couple : les couples « linguistiquement mixtes ».

2 Naturellement, on peut affirmer que tout couple est mixte puisque composé de deux individus distincts, qui ont connu des socialisations dans des lieux différents. Cependant, la « mixité conjugale » a inspiré des recherches sur toutes les sortes de rencontres qui, sur un plan individuel ou sociétal, sont supposées problématiques, depuis les mariages inter-religieux, rapidement concurrencés par les unions inter- raciales, puis inter-ethniques, enfin internationaux (Cottrell 1997).

3 Sous l’angle de la confrontation au réel, on peut se féliciter que les recherches sur la mixité matrimoniale s’affinent de plus en plus et couvrent de plus en plus de champs et de plus en plus de pays (Langage et Société n° 147, 2014). Après les couples dits mixtes parce qu’internationaux, l’élargissement de la catégorie a plus récemment débouché sur les couples « linguistiquement mixtes » ; ceci ne signifie pas qu’on ne tenait pas compte auparavant de la différence de langues entre conjoints, mais là où elle n’était qu’un parmi d’autres facteurs de différentiation (comme la religion ou la nationalité), elle a pu être érigée en variable principale par rapport à laquelle analyser des comportements et tirer des conclusions (Zeiter, sous presse).

4 Le présupposé de ces recherches et de ces catégorisations – ou plutôt ce qu’elles nous montrent – est que dans nos sociétés, même les plus modernes, la norme de l’homogamie domine toujours les esprits et (certaines) institutions (telles que les religions) et concurremment, que le fait d’y contrevenir ne peut qu’être source de problèmes.

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5 Vus sous cet angle, on peut dire que les mariages internationaux impliquent des situations plus « neutres », non spécialement problématiques : c’est le sens adopté par les institutions de la statistique (Ined, Insee) pour lesquelles « mariage mixte » désigne un couple composé d’un-e citoyen-ne et d’un-e étranger-e, sans introduire de jugement de valeur quant aux différences en présence. Quand un tel jugement de valeur est sous- jacent, le couple est souvent désigné comme « interculturel ». Cette observation m’amène à penser que la notion d’« interculturel » suppose elle-même un jugement de valeur qui renvoie à un rapport inégalitaire, de dominant à dominé. En effet, à y regarder de près, l’interculturel implique une rencontre de cultures différentes et il est très rare qu’elles ne soient hiérarchisées entre elles : culture-langue majoritaire vs. culture-langue minoritaire, culture-langue dominante vs. culture-langue dominée. Ce sont des réalités sociales (la langue-culture du pays de résidence est majoritaire chez le couple mixte résidant au pays du conjoint citoyen) qui risquent de devenir aussi des réalités symboliques (la langue-culture du conjoint transplanté est par définition minoritaire et risque la domination).

6 Dans cette optique, la notion de « différence culturelle » se trouve affectée d’un coefficient négatif qui ne fait qu’exprimer des attitudes souterraines de xénophobie, protectionnistes et chauvins, voire racistes, qui demeurent tapies et occultées au fond des rapports humains. Il semble pratiquement impossible de dépasser le clivage « nous/ eux », dont le signe distinctif reste la notion de « différence » entre les individus et la suspicion qu’elle engendre.

7 En nous inspirant de François Jullien (2016), soulignons qu’ériger les « différences culturelles » des conjoints en critères principaux de la mixité conjugale serait une erreur : dire « différent » sépare et oppose, alors que se positionner par rapport aux écarts entre les ressources culturelles que chacun apporte à la vie commune permet de considérer l’ensemble sans effectuer de comparaison ou d’opposition.

8 Ainsi, pour les couples mixtes, dont un des conjoints « vient d’ailleurs », le défi principal consiste à établir et maintenir, au propre comme au figuré, dans la réalité comme dans le symbolique, une égalité entre les deux partenaires, c’est-à-dire une égale valorisation, ou une juste appréciation des ressources respectives. Car il est clair que l’égalité ne peut pas se concevoir terme à terme.

Transmission des langues en famille

9 Des points établis par des recherches de terrain peuvent être vérifiés par la statistique. L’observation, par exemple, que les couples mixtes transmettent le moins la langue étrangère (minoritaire, minorisée) aux enfants (Platiel 1987, Heredia-Deprez 1989). En effet, il est fréquent qu’un couple mixte adopte comme langue commune la langue du conjoint majoritaire – la langue du pays de résidence – d’autant plus quand celui-ci ne parle pas celle du conjoint. En France (comme ailleurs), les couples mixtes transmettent donc davantage la langue nationale, officielle (le français) que la langue du conjoint migrant.

10 Des recherches de terrain ont également montré que pères et mères ne transmettent pas les langues de la même façon (Deprez & Dreyfus 1998). En outre, des conjoints interrogés séparément sur leurs pratiques langagières n’en ont pas toujours la même vision. Ceci montre que la déclaration des intéressés quant aux pratiques langagières de

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leur famille ou de leur entourage est subjective et ne peut se passer de l’observation directe par le chercheur (dont la subjectivité est aussi en jeu, bien entendu …).

Que disent les statistiques ?

11 Les enquêtes menées par les instituts de statistiques (Ined, Insee), parallèlement aux recensements de la population, livrent des résultats à grande échelle sur les pratiques et la transmission des langues en France (Héran et alii. 2002, Clanché 2002). L’étude Familles (INED 1999) a touché 380,000 personnes et a fait apparaître pas moins de 6,700 intitulés de langues et de parlers en France. Elle « confirme la domination indiscutable du français en France, ainsi que l’usage accru des langues apprises à l’école, mais/elle/ révèle aussi la richesse du patrimoine linguistique lié à la diversité de nos origines et de nos expériences. Le français vient couronner cet héritage ; il ne l’abolit pas » (Héran et alii. 2002 : 4).

Langues régionales/langues étrangères

12 À la différence des langues étrangères, la plupart des langues régionales en France ont été transmises seulement de façon occasionnelle, en accompagnement du français, et souvent par un seul parent. C’est particulièrement vrai de la langue d’oc et des langues d’oïl, déjà en fort recul dans l’ancienne génération. Il n’en demeure pas moins que ces langues ont accompagné l’enfance de très nombreux adultes actuellement encore en vie. Reçu plus souvent sur un mode habituel (660,000 personnes) qu’occasionnel (240,000), l’alsacien était encore il y a une génération la langue régionale la mieux transmise (pour une actualisation de la situation de l’alsacien, cf. Huck 2015). De même, une bonne partie de la Moselle voisine se transmettait usuellement en famille un parler francique, le platt lorrain. Dans le reste de la France, seul le basque a connu une situation similaire.

13 La pratique déclarée des langues régionales est donc dans l’ensemble peu répandue en France (un tiers des adultes seulement disent avoir retransmis la langue familiale).

14 Concernant les déclarations des pratiques langagières des couples mixtes franco- étrangers, on constate que, lorsque l’homme est le migrant du couple, c’est la transmission de l’arabe et de l’italien qui domine le tableau. C’est le cas de l’espagnol et de l’allemand lorsque la femme est la migrante du couple. Les couples français (non- mixtes) se signalent par la transmission de l’anglais, les couples migrants non-mixtes (i.e. conjoints du même pays) par la transmission de l’arabe et du portugais et les couples mixtes migrants (de deux pays différents) par celle de l’arabe et de l’espagnol.

15 L’arabe (ou arabe + berbère = 33 %, cf. Filhon 2009) a été déclaré par près de 30 % des couples migrants (du même pays ou de pays différents), ce qui est un chiffre remarquable, étant donné que la plupart des auteurs avaient jusqu’ici conclu à la perte ou l’absence de l’arabe parmi les enfants de migrants.

16 Contrairement aux langues étrangères, dont toutes était davantage citées par les femmes que par les hommes, on remarque pour les langues régionales une alternance entre celles qui sont citées plus par les hommes et celles citées plus par les femmes. Les femmes sont plus nombreuses à déclarer qu’elles transmettent l’alsacien, une langue

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d’oc, le breton, une langue d’oïl, le platt, le créole ou le basque, les hommes disent davantage transmettre le catalan, le corse et le francoprovençal.

17 En fait, qu’il s’agisse de couples » mixtes » ou non, toutes les langues ont été davantage citées par les femmes, sauf le catalan, le corse et le francoprovençal, cités majoritairement par des hommes.

18 Cependant, la confrontation entre études qualitatives et quantitatives doit inciter à examiner de plus près ce que "transmettre" veut dire réellement, outre une déclaration d’intention de la part de parents désireux de transmettre une langue… Il s’agit bien de la perception de faits sociaux (ici, la réalité de la transmission) et non d’un fait avéré de façon incontestable.

Apprendre une langue/apprendre dans la langue

19 La seconde grande question posée par l’enquête de l’INED concerne le rôle de l’école dans la pratique des langues minoritaires et elle reçoit une réponse assez tranchée : cette influence est nulle, voire négative, s’il s’agit d’apprendre la langue ; elle est au contraire source de “bilingualisation” si on apprend dans la langue.

20 Si dans le recensement, l’apprentissage scolaire paraissait primordial pour la vie d’une langue minoritaire, sur le terrain, il recule au second plan. Par contre, concernant la langue basque, par exemple, on obtient un aperçu de ce que l’immersion précoce totale peut produire selon l’âge des apprenants et le contexte de leur apprentissage. Les Calandretas (2), « écoles laïques associatives (loi de 1901), proposent un enseignement bilingue en occitan et français, de la maternelle au CM2 ». La langue principale de l’école est l’occitan, le français étant enseigné comme une matière parmi d’autres. « L’occitan est donc dominant ou voulu comme tel dans la classe mais on constate que le français redevient prépondérant dès le passage du seuil de la cour de récréation », cette “diglossie” étant renforcée à l’extérieur de l’école et notamment avec le passage au collège, où les ex-Calandrons cachent même souvent leur connaissance de la langue minoritaire (« la “vergogna” sans doute », comme dit un parent (Dompmartin- Normand 2002).

21 L’influence de l’école sur la pratique de la langue régionale reçoit ici une confirmation vigoureuse : l’enseignement en occitan est productif, l’enseignement de l’occitan est totalement contre-productif. À tel point que l’auteur recommande qu’« en absence de moyens réels d’enseigner « en » occitan au collège, peut-être vaudrait-il mieux laisser ces collégiens bilingues sur leurs bons souvenirs de l’immersion et miser sur un renouveau d’intérêt pour la langue minorée à l’entrée à l’université, qui serait attesté dans des situations similaires (enquête en cours au Val d’Aoste) » (voir aussi Decime, 2002).

22 Des études de cas dans des pays différents débouchent sur des conclusions similaires : du point de vue sociologique et linguistique, il est clair que les données proprement humaines du terrain (statuts des langues, attitudes des locuteurs, habitudes prises, etc.) sont plus déterminantes que toutes les planifications et réformes éducatives mises en œuvre ; du point de vue statistique, tant que l’on ne leur restitue pas la complexité des réalités du terrain, les chiffres ne sont qu’apparence.

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La relativité de la notion de différence

23 En adoptant un point de vue diachronique, on constate que les recherches sur les couples mixtes sont tributaires des préoccupations d’une époque, autrement dit de « modes » ; définis par leurs appartenances de classe, des conjoints réunissant un aristocrate et une roturière sont considérés comme « mixtes » , ainsi qu’un patron d’industrie et sa secrétaire – on disait « mésalliance » autrefois (cf. Varro 2003 chapitre 1) – et le terme n’est pas inconnu chez les grands bourgeois d’aujourd’hui étudiés par les Pinçon-Charlot (1999).

24 Un point de vue diachronique ferait ressortir que certaines observations faites depuis longtemps dans la littérature sociolinguistique comme dans les enquêtes quantitatives se confirment réciproquement : la langue minoritaire en position dominée est vouée à disparaître du répertoire familial ; cette langue inspire de la nostalgie chez les individus et possède une valeur symbolique. En Bretagne comme en Alsace ou ailleurs, le français est devenu la « langue incontournable de la modernité ». Mais pour en rester à l’exemple des langues minoritaires, on retrouve au sein même d’un Etat-nation comme la France des appartenances régionales qui, lorsque par exemple un-e bascophone bilingue avec le français se trouve en couple avec un-e français-e qui ne parle pas le basque (Lacroix 2014), peuvent être interprétées en termes de « mixité conjugale linguistique ».

Conclusion

25 Aujourd’hui, l’approche sociologique qui paraît la plus à même d’aborder les réalités complexes individuelles et collectives de nos sociétés est « l’intersectionnalité ». Popularisé par les travaux de la juriste afro-américaine Kimberlé Crenshaw dans les années 1980-90, le concept propose une nouvelle vision de la pluralité des minorités – qu’elles soient définies par des critères de genre, race, sexualité, classe, voire même âge ou handicap – en se plaçant aux points d’intersection des catégories (Matsuda et alii. 1993). L’« intersectionality » désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de domination ou de discrimination dans une société (par exemple, être femme et noire – et homosexuelle – aux Etats-Unis ; étrangère ou immigrée – et voilée – en France…).

26 Le concept de mixité, pris au sens individuel comme dans le cas d’un enfant de couple mixte, permet d’appréhender la situation spécifique d’une personne ou d’un couple en société. Comme suggéré plus haut, la mixité n’est pas un affrontement de « différences » mais une combinaison de ressources. Dans chaque couple, on observe des tiraillements entre les partenaires ; l’épreuve de forces, déjà mise en scène il y a 33 ans dans La femme transplantée (Varro, 1984) est toujours à chaque fois décortiquée à nouveau.

27 L’analyse du fonctionnement des couples peut s’appuyer sur l’étude de leur mixité linguistique mais les autres angles d’attaque restent possibles – aborder les réalités vécues des couples tout à la fois par la position de majoritaire ou minoritaire de l’un-e ou l’autre partenaire, par le fait d’être homme ou femme, migrant ou autochtone, par le choix des prénoms des enfants ou par le choix de lieu de vie, débouche sur un tableau où tout semble à la fois spécifique et général : les couples décrits sont particuliers par

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les traits qu’eux-mêmes ou les chercheurs mettent en exergue et identifient comme « culturels » et » différents », mais simultanément ils sont « ordinaires » dans leur diversité même.

28 La mixité peut ainsi être vue comme une « intersectionnalité positive », en ce qu’elle combine les ressources des deux personnes en regard sans les opposer mais en maintenant par là leur intérêt et leur désir mutuels en éveil.

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ZEITER A.-C. Sous presse. Dans la langue de l’autre. Se construire en couple linguistiquement mixte. Lausanne, ENS Editions.

RÉSUMÉS

Today, in France as elsewhere, more and more people who didn’t speak the same language when they were growing up - whether from different countries or from different regions of the same country – meet, form couples and raise new families. «Linguistically mixed couples» have recently attracted the attention of research scholars, enlarging the category of conjugal mixedness which emerges as a new sort of intersectionality (combination of resources).

Oggi, in Francia come altrove, in occasione dei contatti sempre più frequenti fra persone provenienti da orizzonti diversi – che si tratti di cittadini di paesi distinti o di concittadini di regioni diverse di uno stesso paese che non parlano la stessa lingua nelle rispettive famiglie d’origine – si formano coppie. Alcuni ricercatori si sono recentemente interessati a questa nuova categoria di coppia, passibile di essere allargata al concetto di intersezionalità (combinazione di risorse) : le coppie linguisticamente miste.

INDEX

Keywords : linguistic mixedness, mixed couple, transmission, idea of difference, intersectionality, category Parole chiave : differenza, intersezionalità, categoria sociologica

AUTEUR

GABRIELLE VARRO Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (France)

Éducation et sociétés plurilingues, 42 | 2017 93

Compte rendu d'ouvrage

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Ghislain POTRIQUET, Dominique HUCK et Claude TRUCHOT (sous la dir.) « Droits linguistiques » et « droit à la langue ». Identification d’un objet d’étude et construction d’une approche. Limoges, Lambert-Lucas, 2016, 248 p

Asja Prohić

RÉFÉRENCE

« Droits linguistiques » et « droit à la langue ». Identification d’un objet d’étude et construction d’une approche. Limoges, Lambert-Lucas, 2016, 248 p

1 A l’encontre de ce qu’ils qualifient de « doxa des droits linguistiques fondamentaux », attribuant aux droits linguistiques la qualité de droits de l’homme, les auteurs de ces actes du colloque tenu à Strasbourg les 25 et 26 septembre 2014 proposent une réflexion qui part de l’hypothèse que ces droits n’existent pas invariablement en tant que tels et qu’ils n’émergent que sous certaines conditions.

2 Afin d’appréhender ces conditions, ils adoptent une approche historique admettant volontiers les apports d’autres sciences humaines. Les phénomènes sont donc analysés de façons différentes, selon les spécialités géographiques et disciplinaires de chacun(e), proposant un large éventail de contextes à l’intérieur desquels peuvent être repérés les choix sociaux en matière de droits linguistiques.

3 L’ouvrage est divisé en deux parties, la première mettant l’accent sur les modalités d’émergence, et la deuxième sur les modalités de négociation des droits linguistiques.

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4 Il s’ouvre sur la contribution d’O. Schneider-Mizony qui nous initie à la situation des immigrants d’origine germanophone au Brésil dans les années 1930-1940 qui se retrouvent confrontés à des restrictions de plus en plus importantes concernant l’utilisation de l’allemand dans l’espace social et privé. L’auteure interroge les divers facteurs qui ont conduit cette population forte d’environ 700 000 personnes à la soumission et à l’obéissance teintées d’une expression strictement individuelle de mécontentement et au ressentiment : son hétérogénéité et isolement dans les zones rurales, sentiment d’illégitimité par rapport au Hochdeutsch, politique intégrationniste et totalitaire du Brésil de l’époque.

5 C’est encore des droits des germanophones dont il s’agit dans l’article suivant signé G. Potriquet, mais cette fois-ci aux Etats-Unis, pays, comme le rappelle l’auteur, aux deux constantes : un contact des langues conduisant à d’innombrables phénomènes de créolisation et de vernacularisation et une primauté de l’anglais s’étant imposé comme langue nationale sans aucune intervention délibérée du législateur. En prenant pour exemple deux affaires juridiques opposant d’un côté la communauté germanophone du Wisconsin de la fin du 19ème siècle et celle du Nebraska au lendemain de la Première guerre mondiale respectivement à la loi Bennett et à la loi Siman, G. Potriquet met en lumière la manière dont les citoyens américains d’origine germanique ont su défendre leurs droits linguistiques. En s’appuyant sur la constitution des Etats-Unis et notamment sur son quatorzième amendement et plutôt que de s’opposer aux principes fondateurs de la laïcité et du civisme, ils ont su, avec le concours d’avocats et de juges favorables à leur cause, défendre l’enseignement en allemand au nom de l’autorité parentale, droit d’enseigner et de scolariser leurs enfants.

6 J.C. Herraras nous invite à découvrir le contexte historique dans lequel ont apparu les droits linguistiques en Catalogne. L’accroissement de l’utilisation du catalan dans la sphère publique à partir du 19ème siècle est intrinsèquement lié à la naissance du catalinisme politique et le restera tout au long du siècle suivant jusqu’à nos jours. De la Deuxième République (1931-1939) jusqu’à la constitution de 1978, en passant par le régime de la dictature franquiste, les droits linguistiques des catalanophones vont toujours de pair avec des revendications d’autonomie politique. La politique linguistique volontariste de la Catalogne a d’abord trouvé son expression dans la « loi de normalisation » de 1983 et plus encore dans la « loi de politique linguistique » de 1998. Approuvée avec une importante opposition, la réforme du Statut d’autonomie de 2006 a porté au nombre de quatorze le nombre d’articles de loi sur les questions linguistiques.

7 La terminologie qu’on y voit employée, de « langue propre », « particulière » et « emblématique », pose aujourd’hui la question des droits de ceux et celles qui ont le castillan comme langue première et qui sont, d’ailleurs, plus nombreux que les catalanophones en Catalogne même.

8 Un autre exemple de l’usage des droits linguistiques à des fins politiques est mis en évidence par G. Raimondi qui fournit, dans son travail sur la dialectologie italienne, une analyse « d’étalage de cautions scientifiques » utilisé par les représentants de la Ligue du Nord pour revendiquer l’officialisation de ce qu’ils appellent la langue padane. S’appuyant à la fois sur la préexistence d’une idée de culture padane, les travaux du linguiste Hull et le climat idéologique de valorisation des minorités, l’argumentation de la Ligue du Nord se construit graduellement à partir du constat que les dialectes de

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l’Italie du Nord sont similaires, pour conclure dans l’exigence de reconnaissance par l’Etat d’une langue-toit, la langue padane.

9 Cette revendication est, cependant, loin de faire l’unanimité des locuteurs qui, pour leur part, semblent préférer garder le caractère oral de leurs dialectes. Se pose ainsi la question, selon G. Riamondi, de la limite du concept de droit linguistique et les critères scientifiques et éthiques réglant son champ linguistique.

10 La première partie de l’ouvrage se clôt sur l’étude des discours publics en Alsace de la seconde moitié du 20ème siècle. Elle est proposée par D. Huck. Sur la base d’une analyse des débats des sessions des Conseils Généraux du Bas et du Haut-Rhin entre 1945 et 1980, D. Huck nous interpelle sur la nécessité absolue de situer le discours et les différentes dénominations qui en découlent dans un ensemble de facteurs socio- historiques. En Alsace de l’après-guerre et compte tenu d’une politique linguistique radicalement tournée vers la diffusion du français et la limitation de l’usage de l’allemand et du dialecte alsacien, le droit linguistique ne se manifeste jamais en tant que tel et surtout pas dans une revendication quelconque. Il est plutôt question d’un « droit naturel » et de ce qu’on peut désigner comme une demande à exprimer les « possibilités linguistiques ». L’objectif d’une telle stratégie argumentaire et énonciative est avant tout de faire comme si le français n’était pas concerné par cette demande. La logique développée est d’affirmer que dans un contexte historiquement sensible, les propos ne sont que d’ordre technique et purement fonctionnelle, permettant ainsi de contourner tout reproche de « politisation » des questions linguistiques. Ce n’est finalement qu’à partir des années 1980 et du changement de majorité politique en France que la question des langues en Alsace rebondira sous une nouvelle forme.

11 Le chapitre suivant consacré aux exemples de modalités de négociations des droits linguistiques s’ouvre sur la contribution de Y. Lefranc, interrogeant les divisions idéologiques autour du concept du Français Langue d’Intégration (FLI) à destination des migrants.

12 En effet, l’institution du FLI en 2011 conditionnant l’obtention de la nationalité française a suscité des débats, révélateurs des tensions sur des enjeux majeurs de la société française. S’appuyant en partie sur des témoignages des premiers concernés, formateurs en FLI et leurs stagiaires, Y. Lefranc nous guide à travers sa complexité en attribuant au FLI la force de « politiseur » de débat (la droite qui instaure, une partie de gauche qui s’y oppose, les républicains sociaux qui rédigent son Référentiel, les associations qui la défendent, d’autres qui sont en désaccord avec ses principes…) et soulignant, pour sa part, une nécessité de rattacher la question au contexte des rapports sociaux de communication.

13 Il rend également manifeste, de par son analyse, la volonté d’enculturation des migrants par une surnormalisation des conduites (notamment à travers le volet civique du FLI) et pointe le doigt sur le caractère de dispositif allant ouvertement à l’encontre des travaux du Conseil de l’Europe qui prône le multiculturalisme et le régionalisme.

14 C’est justement des droits linguistiques au sein même des institutions européennes dont il est question dans l’article suivant signé J.-C. Barbier, spécialiste des politiques sociales de l’Union européenne. Alors que les publications de l’UE abondent d’éloges envers la diversité culturelle et linguistique de l’Europe et servent de base aux documents officiels formalisant une égalité parfaite entre les langues des pays la constituant, J.-C. Barbier démontre, à travers une analyse des pratiques propres aux

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institutions européennes et notamment leurs services juridiques, que l’anglais, hissé au statut de langue véhiculaire, y prédomine.

15 La principale conséquence de ce phénomène est que la majorité des citoyens européens qui ne maîtrisent pas l’anglais (70 %) sont de facto exclus d’une participation pleine et entière à la politique de l’Union. La confiance des citoyens dans l’UE est, par ailleurs, corrélés à leur niveau de formation et leur profession. Au lieu de les atténuer, l’UE participe ainsi à l’augmentation des inégalités entre les citoyens.

16 L’exemple suédois de « klarspråk », langue administrative claire et compréhensible, est aux antipodes de cette situation, et les facteurs historiques qui ont conditionné son avènement ainsi que sa base idéologique reposant sur la démocratie participative et délibérative qui façonne le modèle suédois depuis les années 1960, nous sont présentés par K. Ridell.

17 L’auteure décrit différentes étapes d’argumentation en faveur de « klarspråk » en s’appuyant sur une analyse du discours des textes officiels de 1960 à 2014 et fait le constat d’une volonté permanente de la part de l’Etat de répondre aux principes directeurs de la démocratie suédoise : transparence, efficacité et confiance. Plutôt que de donner des droits, il s’agit de remplir le devoir des autorités publiques envers ses citoyens en s’exprimant dans une langue simple et facile à comprendre pour tout un chacun.

18 Dans sa contribution, G. Kremnitz interroge, à partir d’une typologie des politiques linguistiques dressée par lui-même quarante ans auparavant, les différentes possibilités que ces politiques offrent à l’expression du droit à la langue. Sa réflexion est complétée par une analyse de la présence de ce terme dans les encyclopédies des sciences du langage et les textes internationaux et l’évolution du concept en France.

19 Ainsi, la majeure partie de son travail porte sur la liste de langues que Bernard Cerquiglini, spécialiste de l’histoire de la langue française, avait élaborée en vue de la ratification par la France de la « Charte européenne des langues régionales et minoritaires ». A partir de l’exemple de la liste Cerquiglini, G. Kremnitz pose les jalons d’une réflexion complexe sur le concept de la territorialisation des langues, concept totalement étranger à cette liste qui s’efforce de répondre à la demande tout en respectant les fondements de la République selon lesquels la France reconnaît les droits de citoyens libres et égaux en droits et non de groupes disposant de droits spécifiques.

20 Le processus de négociation des droits linguistiques et les apports de la théorie libérale dans l’opposition droits individuels/droits collectifs est étudié, par la suite, dans le cas du Québec par L. Oakes.

21 En partant du fait que le français est la langue maternelle d’à peu près 80 % de la population québécoise, mais de seulement 22 % de la population de tout le Canada, l’auteur utilise les exemples de la langue de l’affichage public et de la langue d’enseignement pour exposer la manière dont le libéralisme multiculturel tel que défini par Will Kymlicka, philosophe politique, parvient à gérer ces droits concurrents.

22 Il s’agit de bien distinguer entre le choix de langue collectif et un choix de langue individuel. Si, aujourd’hui, tout citoyen du Québec a une obligation de respecter le choix collectif qui consiste à maintenir le français comme langue commune du pays, ce choix peut encore changer dans la mesure où il repose principalement sur une adhésion des Québécois à ce choix « social ».

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23 L’article suivant, proposée par S. Akin de l’Université de Rouen, examine les droits linguistiques des Kurdes en Turquie du point de vue historique et sociolinguistique.

24 Après des siècles d’un laissez-faire au sujet des langues parlées sur le territoire de l’Empire ottoman, la politique linguistique du nouvel Etat turc commence sa formation avec la constitution de 1924 qui déclare le turc langue officielle et devient, au fil des décennies, particulièrement répressive envers les locuteurs du kurde, atteignant son point culminant dans les années 1980. C’est, en effet, en 1983 qu’une loi interdit complétement l’usage d’autres langues que le turc (et donc avant tout du kurde comme deuxième langue parlée du pays) aussi bien dans le domaine public que privé (… il est interdit d’utiliser comme langue maternelle d’autres langues que le turc…).

25 A partir des années 2000, avec l’arrivée au pouvoir du gouvernement de l’AKP, et sans qu’elles permettent d’accorder un quelconque statut au kurde, plusieurs mesures sont prises en faveur notamment de la possibilité d’attribuer des prénoms non-turcs aux enfants ou de bénéficier d’un enseignement privé du kurde. Cependant, les dernières années, la tendance est à nouveau à l’opposé d’une plus grande reconnaissance.

26 Nous avons affaire ici, comme le souligne S. Akin, à des droits linguistiques intrinsèquement liés à la reconnaissance officielle de la population kurde en Turquie.

27 La dernière étude de cas nous vient de K. Abiyeva qui analyse l’aménagement linguistique dans le Kazakshtan post-soviétique et fournit, à ce sujet, de précieux éléments nous permettant de mieux comprendre ses enjeux.

28 La langue russe, qui, durant la période soviétique, avait le statut de langue officielle utilisée dans les domaines administratif, juridique et législatif, et la langue dans laquelle ont été éduquées et scolarisées plusieurs générations de Kazakhs, reste, encore aujourd’hui, le principal référent socio-culturel.

29 La politique nationale de « kazakhisation » qui s’est mise en marche dans les années 1990 ne suffit toujours pas à faire basculer la balance du côté de la langue kazakhe, d’autant plus que le clivage entre les deux langues se double par des enjeux de langues minoritaires tel l’ouzbek.

30 Enfin, en conclusion de la réflexion collective que nourrit chacune des contributions du présent ouvrage, C. Truchot revient sur le sens même d’une approche historique dans l’étude des droits linguistiques. C’est une approche qui permet de montrer, en s’appuyant sur des exemples pris, que les facteurs déterminant le traitement de ces droits ne sont pas que politiques, mais qu’ils sont imbriqués dans un ensemble de conditions d’ordre économique et social.

31 Les normes internationales qui servent d’ancrage à la revendication d’un tel droit à la langue ou de tels droits linguistiques, faisant abstraction d’histoires nationales fort différentes, ne font parfois que rendre ce traitement injuste.

32 C’est que ces droits ne doivent pas uniquement tenir compte de la complexité de l’être humain mais aussi de la complexité de leurs constructions collectives, les sociétés. En cela, nous ne pouvons pas nous passer de les reconsidérer dans un contexte historique.

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AUTEURS

ASJA PROHIĆ Université René Descartes, Paris (France)

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