L'augmentation Des Frais De Scolarité Est-Elle Une Fatalité ?
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Contribution à la mission de Claudine Lepage et Philip Cordery sur les frais de scolarité dans les établissements de l’AEFE. Jean-Yves Leconte, Sénateur représentant les Français établis hors de France. Novembre 2014 L’augmentation des frais de scolarité est-elle une fatalité ? Laurent Fabius et Hélène Conway-Mouret ont confié en novembre 2013 à Claudine Lepage et Philip Cordery une mission sur l’évolution des frais de scolarité dans les établissements d’enseignement français à l’étranger. Il s’agit en réalité d’une prise de conscience sur la limite d’une politique engagée au début des années 2000 et qui consistait à faire peser l’accroissement de l’effort public non plus vers les établissements français à l’étranger et leur développement, mais vers l’accès des Français à cet enseignement. - Le graphique ci-dessous, qui reprend les subventions publiques versées à l’AEFE depuis 2005 et l’évolution de l’aide à la scolarité, témoigne de cette politique : 450 400 350 300 Subven]on publique à l'AEFE hors bourses 250 Aide à la scolarité 200 150 Bourses 100 50 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 1. Subvention publique à l'AEFE et aide à la scolarité (en M€). Attention : entre 2008 et 2009 l’AEFE a fait l’objet d’un transfert de charges équivalent à l’augmentation de sa subvention. - Pourtant sur la période le nombre d’élèves dans le réseau n’a cessé de croître : 2008/2009 2009/2010 2010/2011 2011/2012 2012/2013 Nombre d’élèves dans le réseau 269 910 281 494 296 110 306 475 316 656 Il est très difficile d’avoir une idée des frais de scolarité moyens payés par l’ensemble des élèves du réseau et par année. Rythme Nord/rythme sud, structure des frais de scolarité (première inscription, frais de dossier…), frais de scolarité distincts selon les nationalités et les niveaux de classe. Ainsi, un 1 Contribution à la mission de Claudine Lepage et Philip Cordery sur les frais de scolarité dans les établissements de l’AEFE. Jean-Yves Leconte, Sénateur représentant les Français établis hors de France. Novembre 2014 élève français de maternelle peut avoir des frais de scolarité de 2 à 3 fois moins élevés qu’un élève étranger dans une classe de lycée du même établissement : ceci limite la signification de la notion de frais de scolarité moyens. D’ailleurs, à frais de scolarité constants dans un établissement, le montant de ceux-ci évolue significativement en fonction des niveaux et pèse de plus en plus lourd dans le budget des familles au fur et à mesure de la scolarité. Ces réserves étant faites, les évolutions, à référentiel constant, sont instructives. - Et les chiffres donnés par l’AEFE sont les suivants : 2007/2008 2008/2009 2009/2010 2010/2011 2011/2012 2012/2013 2013/2014 Frais de scolarité moyens 3 336 3 547 3 753 4 170 4 390 4 847 4 903 (€) Ces chiffres soulignent une évolution significative des frais de scolarité. Ceux-ci ont été directement impactés par la « taxe » de 6% imposée aux établissements dans la foulée du transfert de charge des pensions civiles entre 2008 et 2009. - Sur la période 2007/2009 à 2013/2014 les frais de scolarité ont progressé de : Afrique : 58% | Amérique : 43% | Europe : 45% | Asie-Océanie : 52% Etablissement en gestion directe : 50% | Conventionnés : 49% | Homologués : 39% ! Global : 47% 6000 5000 4000 Subven]on publique par 3000 élève Frais de scolarité moyens 2000 1000 0 2008/2009 2009/2010 2010/2011 2011/2012 2012/2013 2. Estimation des frais de scolarité moyens et subvention publique à l'AEFE par élève (hors bourses scolaire) en € 2 Contribution à la mission de Claudine Lepage et Philip Cordery sur les frais de scolarité dans les établissements de l’AEFE. Jean-Yves Leconte, Sénateur représentant les Français établis hors de France. Novembre 2014 Pour les établissements scolaires, cette politique s’est traduite par : - moins d’enseignants expatriés, - des enseignants résidents dont la proportion facturée aux établissements, et donc aux familles via les frais de scolarité, était de plus en plus grande, - des aides à la construction de nouveaux bâtiments (fondées initialement sur des subventions de l’AEFE) aujourd’hui basées sur des transferts de contribution à la rémunération des résidents qui conduisent de facto, par exemple, à ce que ce soit l’établissement de Yaoundé qui paie pour l’extension de l’établissement de Singapour, - des locations des biens immobiliers de l’Etat aux associations gestionnaires conventionnées à des tarifs bien plus élevés qu’auparavant, - la taxe de 6% sur les frais de scolarité en 2009 et qui, sur un an, représentait pour l’AEFE une recette équivalente à la prise en charge des frais de scolarité des Français en classe de 2ndes,1ères et Terminales qui a été répercutée dans les frais de scolarité. En termes macroéconomiques, l’équation est simple : sur la période 2008-2013 les effectifs des établissements scolaires français à l’étranger ont augmenté d’un peu plus de 17% (en proportion quasi similaire pour les Français, résidents des pays d’accueil et étrangers tiers), soit de 46 646 élèves. Pourtant, pas un seul financement public n’a été donné en plus (le budget de l’AEFE sur la période n’ayant augmenté que pour compenser partiellement les transferts de charges). Cette croissance des effectifs a donc été totalement autofinancée par les familles : le paiement des enseignants, la construction de plus de 1500 classes dans les établissements scolaires et des équipements scolaires correspondants (En général les projets immobiliers sont réalisés dans des pays qui attirent de plus en plus de Français et sont donc des pays en croissance, ce qui explique le coût élevé des projets immobiliers. Dans un pays où un nouveau projet a été mis en place, l’impact de l’immobilier peut dépasser, parfois même largement, 1300 EUR/élève et par an). L’augmentation des frais de scolarité vient essentiellement de cette observation. Pour avoir une idée plus précise de cette évolution, il faudrait faire une estimation de l’évolution du poids du financement public sur le « chiffre d’affaire » global des établissements reconnus par l’éducation nationale. Aucun chiffrage n’a été effectué lors de la concertation réalisée en 2013 et c’est tout à fait dommage. En 2008/2009 les frais de scolarité moyens (sur la base des compte-rendus des CNB) étaient de 3 547€ pour 269 910 élèves, soit une estimation potentielle de l’ensemble des frais de scolarité payé de 0,96 Md€. En 2013/2014, avec des frais de scolarité de 4 903 € en moyenne, cela représenterait 1,6 Md €. Certaines estimations sont en réalité plus élevées compte- tenu des frais de scolarité payés par les non-Français et qui ne sont probablement pas intégrés aux calculs des frais de scolarité moyens de l’AEFE. Pourtant, déjà selon cette estimation, sur 5 ans le financement de l’Etat dans le réseau serait passé d’un peu moins de 30% à 20%. Ces estimations ne peuvent être que des ordres de grandeur mais ceci montre un réseau dont le contrôle échappe progressivement et rapidement à l’Etat. Voilà les conséquences de cette politique de gel des moyens donnés aux établissements scolaires depuis le début 2000. Cette politique impacte mécaniquement et de plus en plus lourdement le besoin en bourses scolaires. Entre 2007 et 2012 l’enveloppe des bourses scolaires est passée de 50 à 90 M€. En 2012 s’ajoutait 30 M€ pour le financement de la PEC. La politique d’aide à l’accès au réseau est donc passée de 2007 à 2012 de 50 à 120 M€ ! Une augmentation très importante. Mais 3 Contribution à la mission de Claudine Lepage et Philip Cordery sur les frais de scolarité dans les établissements de l’AEFE. Jean-Yves Leconte, Sénateur représentant les Français établis hors de France. Novembre 2014 une augmentation très mal répartie puisque la PEC était donnée sans condition de revenu aux élèves de lycée tandis que les bourses scolaires, dont l’enveloppe passait pourtant de 50 à 90 M€, faisaient l’objet de mesures de régulation pour rentrer dans le budget prévu. En 2013, une réforme des bourses a été conduite. Le barème a été globalement durci et les conséquences sont : moins de bourses, des bourses plus faibles et pour moins de familles. Cette bouffée d’oxygène pour les gestionnaires du programme 151 s’est traduite par de lourdes difficultés pour les familles. Au point qu’il faut se demander aujourd’hui quel est le sens d’une politique publique qui ne donne parfois que 70% d’une bourse à une famille qui ne peut pas payer les 30% restants… De surcroît, le développement des impayés que cette situation engendrera pèsera sur les finances des établissements et entrainera une augmentation des frais de scolarité. Il faut revenir sur la logique de droit qui prévalait pour les bourses scolaires jusqu’en 2012. La logique d’enveloppe qui a été introduite en 2013 conduit à une situation d’instabilité pour les familles qui supprimera progressivement toute légitimité à cette politique. En complément, notre politique de bourses scolaires pourrait à l’avenir se voir contester de deux manières : (1) d’une part, parce qu’un barème trop sévère entraîne l’éviction d’une partie des familles recevant des bourses partielles insuffisantes par rapport à leur revenu. Ceci conduira à constater que la politique des bourses ne remplit plus ses objectifs : elle perdra donc sa légitimité. (2) d’autre part, en raison de son caractère discriminatoire vis-à-vis des autres citoyens européens.