PLOURHAN Comté du Goëlo (Côtes-d'Armor) A la mémoire de mes parents Jean HÉLARYet Aline DOMALAIN tous deux plourhannais de souche.

Il y a pour l'homme deux patries : Celle de l'enfant est au toit paternel Celle de l'adulte est aux lieux qu'il aime, où il fut utile, où il fut aimé. Manet. « Histoire de la Petite Bretagne », 1834. Fernand HÉLARY

PLOURHAN Comté du Goèlo (Côtes-d 'Armor)

Association « Les vieux amis de Plourhan » 1994 �

PRÉFACE

De nombreuses années de recherches ont permis à Fernand Hélary, enfant de la commune, de retracer l'histoire de Plourhan, de ses lointaines origines au début du XXe siècle. Vous découvrirez, dans ce livre, toute la passion qui a animé l'auteur à rechercher les plus anciennes racines de notre petit coin de terre et à dévoiler les faits les plus marquants de son histoire. En ma qualité de maire et au nom de tous les Plourhannais, je dois avouer que je suis fier qu un tel ouvrage ait pu voir le jour. Merci donc à Fernand Hélary et à l'association « Les Amis du Vieux Plourhan » qui a permis la parution de cet ouvrage. Amis lecteurs, je souhaite que vous preniez intérêt à la découverte de ce livre qui va, sans aucun doute, trouver la place qu'il mérite. Chacun d'entre nous saura l'apprécier et le juger à sa juste valeur.

Jean LE BRETON, Maire de Plourhan.

REMERCIEMENTS

Mes plus sincères remerciements s'adressent à tous ceux qui m'ont aidé dans ce qui fut un long travail M. Jean Le Breton, maire, et les membres de la municipalité de Plourhan. M. l'abbé Miché, recteur, qui m'a permis l'accès aux archives de la paroisse. Les Associations communales, en particulier l'Association des Amis du Vieux Plourhan, qui a pris en charge l'édition de ce livre. Toutes les personnes qui, individuellement, ont offert leur subven- tion et aide à la réussite de la souscription permettant l'édition de l'ouvrage. Enfin toutes les personnes, parents et amis, qui m'ont soutenu dans les longues journées passées aux Archives Départementales des Côtes-d'Armor, aux bibliothèques et au Service Historique de la Marine de Brest. Avec un merci tout particulier à mon épouse et à mes enfants qui m'ont tant aidé par leur affection. Fernand HÉLARY. LETTRE A QUELQUES INITIÉS

Braves gens d'Pieurhan, Essious sur vot' banc ou au coin de vot' fouyé et écoutez un p 'tit. Vlà-t-i pas l'aut ' tantôt, j'é t'nu à vous écrir ' en patoué. Pour ké faire ? mdirez vous. Mafé, j'en sé tro'ren. Sans dout'pour l'piaisi. J'vous l'dis tout comme : j'vas pas pigner rapport à tous ceu'e qu'écriv'mieux qu'mé, des savants de la ville, qu j%,ous dis. Véci l'moment v'nu pour vous assurer qu'j'ons eu ben du piaisi à causer d'nDt' parouaise et à viv: un p'ti, à côté de nos anciens— les piés dbeu'es*, qu'ils disaient - qui ont enduré ben des misères et des malheurs, quièque foué et qui ont dû, qwe, \w 5; bien rigoler. Tout c'qui est dit dans lliv'est la vérité vraie. Y'a pas d'dieries ni d'pétasseries. : * J'mé échigné à n'pas fére accréte des menteries ou des attrap'ries et à n'pas berdasser. J'mé encor' échigné à glaner dans une branlée d liv, quiéque chose d'vré, un morcé par ci, un morcé par là. J'é mis mo né' dans ben des tirôuéres, des 'armouéres et mêm'" des gamiérages remplis d'poussiér'... J'mé souvent vu t'nu d'ébouter mo'crayon L'envi' d'choper est v'nue dans ma tête et, pour n'pas somno- ler, j'é cri ma kafiére, rapport à la tuerie qui m'gagnait, l'saire. C'est possïb ' que j'mé quiequ'foué trompé. J'vous d'mand' quand même d'crére mo' n1zistDuère et de ne pas trop chipoter. Ce s'rait dommage. J'fai bel et bien appel à votre compeméouère et à vot' bonté. En tout kà, j'vous dis : merci ben ! J'rest ' à vot ' dévotion et j'vous tir' un coup d'chapé. A la r'voyure ! Et je signe : un gars d'ché' vous et un ami du vieu' Pieurfian. F.H.

* Les pêcheurs nommaient ainsi les paysans. Roger Vercel, « En dérive », 1931. AVANT-PROPOS

Plourhan n'est-elle pas cette terre où, comme disait Chateau- briand, l'alouette des champs vole avec l'alouette marine, où la charrue et la barque à un jet de pierre l'une de l'autre, sillonnent la terre et l'eau ? N'est-ce pas cette image qui fut, depuis longtemps, celle de la paroisse puis celle de la commune : terre de laboureurs et terre de marins ? Découvrir le passé de cette paroisse primitive, de ce Comté tombé dans l'oubli est sans doute prétentieux. Mais, comme le dit le philosophe, l'avenir est à ceux qui ont la plus longue mémoire. Le but de cet essai n'est pas de faire œuvre d'historien. D'autres que moi pourraient, et mieux que moi, s'y attacher. Mon seul but est de sortir, de l'oubli des ans, des faits et des textes. Si je les ai quelquefois accompagné d'appréciations et de commen- taires, c'est que ceux-ci m'ont paru procéder de la seule logique. La bibliographie présentée indique ce que je dois aux auteurs que j'ai pu rencontrer. Je tiens, ici, à signaler tout spécialement le travail fait, il y a plus d'un siècle, par l'abbé Louis-Marie Houard dans le « Cahier de la paroisse » de Plourhan où j'ai puisé plus d'anecdotes que de preuves historiques. Je me suis permis de reproduire « in extenso », à la fin de ce volume, certains de ces textes qui méritaient d'être publiés. Mais comme disait ce vénérable vicaire, n'y a-t-il pas lieu de conserver les traditions les plus réculées et la mémoire des faits ? L'histoire de la paroisse puis de la commune relatée dans ce livre est certainement incomplète. Il appartiendra au lecteur de porter son propre jugement sur ce travail et de corriger ou de compléter, si l'envie lui en prend, cette étude qui ne saurait se vouloir exhaustive et qui s'arrête au début du XXe siècle, avec simplement quelques textes concernant la période allant de 1900 à la Grande Guerre. Cet ouvrage s'adresse tout particulièrement aux habitants de Plourhan, permanents ou ocasionnels, à ceux qui y ont vécu, à ceux qui ont été amené à quitter le pays et à ceux enfin qui s'y sont installés et veulent s'y intégrer. Je souhaite à tous de trouver dans ce livre ce que j'ai moi-même ressenti : le bonheur de savoir et une certaine fierté d'appartenir à ce si joli coin de terre qu'est Plourhan. Encore merci à tous ! Fernand HÉLARY. CHAPITRE I

PRÉSENTATION DE LA COMMUNE

Commune située dans le département des Côtes-d'Armor, dépendant du canton d'Etables-sur-Mer, à une vingtaine de kilomètres de Saint-Brieuc, Plourhan a une superficie d'environ 1.750 hectares. Des documents du xixe siècle1 donnent comme points culminants : la Bourdonnière : 95 mètres, le Bourg : 88 mètres, Saint-Barnabé : 74 mètres et Merlet : 68 mètres. Ce fut longtemps un territoire de bois et de taillis, coupé de ruisseaux, avec des prairies et des landes peu étendues où l'habitant eut soin de planter en bordure des champs et des « chemins creux » de larges talus et de creuser des fossés, délimitant ainsi chaque propriété2. Le sol est formé de schiste modifié par le granité, généralement macli- fère, avec du granite au nord de la commune. La commune, formée de l'ancienne paroisse de ce nom, a pour limites, au nord : et Tréveneuc, à l'est : Saint-Quay-Portrieux et Etables, au sud : et Pléguien. Par ordonnance du 26 novembre 1823, la commune s'est accrue du village de la Ville-Buha en Etables et a cédé à Tréveneuc une fraction située au voisinage de la Ville-Gallio. Enfin, par arrêté préfectoral du 28 mars 1851, Plourhan a cédé trois fermes à Lantic : la Ville-Gléyo et le Petit-Saint-Maudez. On mentionne, dans la commune, parmi les monuments anciens : 1. l'église Saint-Pierre (1771-1789) ; 2. la chapelle du Rohat (1733) ; 3. la chapelle de Saint-Barnabé (partie construite en 1609) ; 4. la chapelle de Saint-Maudez des Bois (chevet du xvie siècle) ; 5. le manoir de la Ville-Hellio, actuellement colonie de vacances de la ville de Compiègne ; 6. la mairie, conciergerie et portail (anciennement le Clos) ; 7. la ferme de la Vieux-Ville ; 8. un pavillon octogonal, au Bois de la Salle ; 9. un moulin à eau3. Plan de Plourhan I

PLOURHAN Noté anciennement Plorhan, Plorhen et, en gallo, Pieurhan, la paroisse aurait trouvé son nom d'origine dans celui d'un saint breton : Gourhen ou Gourhan. On aurait eu, à l'origine : Plou (paroisse) - Gourhan et, ensuite, par contraction : PLOU-RHAN4. Les armes utilisées par la mairie depuis 1989 sont : de gueules à deux barres d'argent. Le comté de Plourhan, ancienne seigneurie du Goëlo, portait : d'argent au chef endenché de gueules à cinq pointes. Les habitants de Plourhan sont appelés : Plourhannais. CHAPITRE II

LES ORIGINES

ÉPOQUE GALLO-ROMAINE. Après la conquête de la Gaule par Jules César, en 52 avant J.-C., une nouvelle civilisation s'installa en Armorique. Des années de paix et de prospérité se succédèrent, plus particulièrement sous le règne de Marc-Aurèle, dans les années 161 à 180 de notre ère. Des ateliers régionaux frappaient de petites monnaies qui servaient aux transactions commerciales quotidiennes. A la suite de pillages, de raids effectués sur les côtes, l'insécurité s'établit dans la région. Les Romains et les Gallo-romains, pris de panique, commencèrent à enfouir leurs trésors. C'est ce qui se passa à Plourhan où furent découverts deux de ces « trésors »1. Le premier le fut en 1849 à la Ville-Guessio, où, en défrichant une lande, on trouva un grand vase contenant de 12.000 à 15.000 petites monnaies en bronze du IIIe siècle. Le deuxième fut découvert en 1881 ; M. Frournier, conseiller à la Cour de Rennes en relate ainsi les faits : le cinq avril 1881, le sieur Héry, cultivateur à la Ville-Gléyo en Plourhan, en labourant son champ brisa un vase jaune, en terre cuite, qui contenait un nombre considérable de « petits bronzes » et de « billons » de l'époque des Trente Tyrans*. Il se livra à des recherches et, dans un endroit voisin, il trouva un second vase, en terre noire, également cuite. L'ouvrier qui travaillait avec lui emporta une partie de la trouvaille, le quart environ, et Héry s'empara du reste...

* Nom donné au gouvernement oligarchique imposé par les spartiates à Athènes vers 400 de notre ère. La majeure partie de ces pièces fut alors portée à Saint-Brieuc, chez un chaudronnier (!) où elles furent fondues sauf une centaine que quelques personnes purent se procurer. Un certain Denis Lagarde en garda un lot alors que MM. Desgrèves, armateurs à Binic, auraient fait l'acquisition de plus de mille pièces de bronze de cette découverte. Ces découvertes laissent à penser que le territoire de Plourhan, tout comme celui des communes voisines, fut profondément marqué par la présence romaine.

IMMIGRATION BRETONNE Par le traité de 494, Clovis, roi des Francs, confirme dans leur territoire, les Bretons armoricains venus de l'autre côté de la Manche : nobles et non nobles débarqués avec femmes et enfants. Brieuc, moine gallois, était arrivé, quelques années plus tôt, en 482, avec quatre-vingt-quatre compagnons dans cette partie de l'Armorique et, ce, à l'instar des Pol Aurélien, Tugdual et autre Tégonech. Dès ce Ve siècle, la Bretagne commença à être dotée d'un réseau de paroisses, les plous. Dirigés par des prêtres missionnaires ces « plous » ou paroisses primi- tives avaient un territoire assez vaste pour comprendre une population suffisante et assez limité pour ne pas excéder les possiblités physiques du pasteur2 et 3. Parmi les quarante-et-une paroisses primitives de ce qui deviendra, par la suite, le diocèse de Saint-Brieuc, se trouvait celle de Plourhan, entourée par les paroisses de Plouha, Pléguien, Plérin et Plélo. Cette paroisse primitive englobait le territoire actuel des communes de Plourhan, Tréveneuc, Etables, Saint-Quay et Binic (nord de l'Ic). La paroisse primitive de Plourhan qui éclata par la suite, pouvait couvrir 57 km2 et compter une population de 1.800 âmes.

PREMIERS ACTES CONCERNANT LA PAROISSE C'est en 1181 que l'on trouve, pour la première fois, trace de la paroisse, sous l'orthographe de Ploren, dans l'acte de donation de l'église paroissiale aux « Blancs Manteaux », moines de l'abbaye de Saint-Magloire de Léhon. En 1202, le recteur de Plourhan est co-signataire de la déclaration des droits du recteur de Plélo, son voisin, dans un acte de l'abbaye de Beauport. En 1220, une charte de Guillaume Pinchon (Saint Guillaume), évêque de Saint-Brieuc, fait état des dîmes et oblations de la même église paroissiale. En 1276, Pierre de Vannes, alors évêque de Saint-Brieuc, attribue, après enquête de l'archidiacre du Goëlo, les dîmes et oblations de la même église paroissiale. Enfin, en 1281, c'est Olivier de Ricci, chevalier et « dominus feodalis » qui fait savoir que Bertrand de Botloy, clerc et recteur démissionnaire de Plourhan reste à devoir quarante-cinq livres aux receveurs de la dîme devant être payée au Roi... (Philippe III Le Hardi). LE PREMIER PAROISSIEN CONNU C'est encore un acte de l'abbaye de Beauport qui donne son nom Omnibus... Gaufribus, personna ecclesia de Stabulis noveritis quod in presencia nostra constitutus Pridou filius Aucham de Ploorhan dedit et concessit ecclesia Beatae Mariae de Bello Porto... Il s'agit d'une donation faite à l'abbaye Notre-Dame de Beauport par un certain Pridou, fils de Aucham de la paroisse de Plourhan, en présence de Geffroy, membre de la paroisse d'Etables. La donation est datée de 1260. Pridou faisait donation à la dite abbaye, pour la paix de son âme et celle des siens, d'une pièce de terre située à Plouha, dans la ville neuve de Trolovern... dans laquelle était bâtie la maison de Guillaume Le Borgne... AUTRES TEXTES ANCIENS L'obituaire de la même abbaye de Beauport signale, au six août, la commémoration de Alain, vicomte de Coëtmen, de Rollande de Coëtmen et Alice, dame de Landégonnec, en la paroisse de Plourhan. Enfin, en 1330, Anne de Laval, dame de Landégonnec, fonde une chapellenie, dans la cathédrale de Saint-Brieuc et la dote de sa dîme de Plumental en la paroisse de Plourhan... jusqu'à la valeur de quinze rais de froment4. PAROISSES PRIMITIVES DE L'ANCIEN DIOCÈSE DE SAINT-BRIEUC CHAPITRE III

GOËLO ET COMTÉ DE PLOURHAN

DE LA DOMNONÉE A HENRI D'AVAUGOUR La Domnonée qui s'étendait de Dol à la Pointe Saint-Mathieu (finis terrae), après le VIe siècle, sera divisée en différents « pagi » ou pays, avec entre autres, le Goëlo, pays situé entre Dol et . Vers 1030, Alain III, duc de Bretagne, donne à son frère, le comte Eudes, les pays de Dol, Saint-Brieuc et Tréguier. Devenu le plus dangereux rival du pouvoir ducal, Eudes construit une « motte » féodale à et une résidence à Lamballe. Il meurt le 7 janvier 1079 et est enterré dans la cathédrale de Saint- Brieuc. Son fils Etienne lui succède, s'intitulant comte de Bretagne. Guingamp où il résidait devient un centre politique et religieux essentiel en Bretagne. Le comte Etienne, peu avant sa mort survenue vers 1138, procède au partage de ses possessions entre les trois fils qu'il avait eu de sa femme Havoise : — Geffroy Bothorel reçoit le Penthièvre, — Alain Le Roux reçoit le comté de Richmond en Angleterre, — Henry reçoit le Trégor et l'archidiaconé du Goëlo. Ce dernier épouse Mahaud de Vendôme qui lui donne quatre fils : — Guillaume Le Borgne qui aurait épousé Mathilde ou Plézou de la Roche-Suhart. — Geffroy Bothorel, mort en 1206, fondateur de la branche des Bothorel- d'où serait sortie celle des Bothorel-Beauvoir de Plourhan. — Gestin de Coëtmen qui fut seigneur de Tonquédec et dont un des descendants épousa Alice ou Adélize de Landégonnec et devint seigneur de cette terre en Plourhan. — Alain, comte du Goëlo, puis du Goëlo-Penthièvre, après la mort de son frère, Bothorel. C'est ce dernier qui fonda l'abbaye de Beauport, en 1202. Son fils, dit Henri II d'Avaugour, seigneur du Goëlo, portait les titres de sieur de Kertanguy, de la Roche-Suhart et celui de vicomte de Plourhan. Chevalier en 1223, il épousa Marguerite de Mayenne qui lui donna ses terres de . En 1248, il part pour la septième croisade avec Saint Louis, accompa- gné, semble-t-il, par son tuteur, Guillaume Le Borgne. A son retour, il établit les moines de Saint-François dans son château de Dinan et se fait moine lui-même. Il remet son fief de Dinan à son fils Alain, tout en gardant le Goëlo, et meurt en 1287. C'est à cette époque que vivait Yves Hélory (Saint Yves de Tréguier). Par la suite, les terres d'Avaugour passèrent dans la famille de Dinan, lors du mariage de Jeanne dAvaugour avec Geffroy, fils aîné de Rolland de Dinan. Les d'Avaugour, dont le château était situé à Plésidy portaient : — d'argent au chef de gueules. LES VICOMTES DE PLOURHAN Les débuts de la châtellenie de la Roche-Suhart et du comté de Plourhan sont, pour le moins, entourés d'une grande obscurité. Un des descendants de Guillaume Le Borgne, Guillaume IV aurait également porté le titre de vicomte de Plourhan. Exécuteur du testament du duc Jean II, il fut conseiller d'Arthur II et un de ses envoyés vers Clément V, à Avignon, en 1309. La Bretagne était alors troublée par d'interminables contestations au sujet du tierçage et du pastnuptial. Arthur, las de voir ses sujets toujours en guerre pour ces objets envoya deux députés pour défendre ses intérêts près du Pape. Les ambassadeurs comparurent à la cour d'Avignon et plaidèrent leur cause, d'abord devant une commission de cardinaux puis en présence du Souverain Pontife. Les droits des ecclésiastiques concernant le tierçage et le past nuptial furent modérés. Au retour des habiles négociateurs, le prince assembla les trois ordres du duché à Plouermel pour la publication de la bulle papale qui réglait ces affaires importantes agitées depuis si longtemps. Ce fut la première fois que le tiers-état participa aux parlements généraux de Bretagne qui n'étaient composés anciennement que du clergé et de la noblesse. Les ambassadeurs avaient été déclarés par le Saint-Siège comme « pro- cureurs du Duc, des barons et des nobles et défenseurs du peuple de Bretagne ». Les privilèges contestés du clergé étaient les suivants : — Tierçage ou jugement des morts qui attribuait au curé de la paroisse le tiers de la succession mobilière de chaque défunt. — Past nuptial ou dîme des noces qui était chiffrée à quarante sols (environ deux cents francs de 1975) et qui correspondait à une assez grosse somme pour l'époque et qui était également perçue pour la célébration de chaque mariage. Suite à l'action de Arthur II, le droit de tierçage fut réduit du tiers au neuvième des successions mobilières et le past nuptial fut abaissé de quarante à deux sols. (Extrait du Répertoire de Bio-Bibliographie Bretonne de René Kerviler, tome X, page 157.)

LA ROCHE-SUHART A l'origine, la Roche-Suhart était le chef-lieu du comté de Plourhan, comté très ancien que certains auteurs1 situent comme faisant partie des terres titrées d'ancienneté et qui restera, sous cette appellation jusqu'à la Révolution, propriété des plus grandes familles de Bretagne, puis de . Confinée au début au comté de Plourhan, la Roche-Suhart devint bientôt l'un des fiefs les plus grands du Goëlo. Cette seigneurie comprenait : — le comté de Plourhan avec Plourhan, Trégomeur, Plouha, , Tréméloir et Trémuson, — la seigneurie de Montafilant, — la seigneurie de Chateaubriand avec Plélo, démembré en 1563, Etables avec la sécherie de poissons de Binic. C'est donc au début du xive siècle que la Roche-Suhart entra dans la famille de Dinan. Charles de Dinan, petit-fils de Geoffroy, un des plus riches barons de Bretagne, portait lui aussi le titre de vicomte de Plourhan. Il fit du Guildo sa résidence principale et y établit, en 1420, plusieurs chanoines. Cette collégiale devint, par la suite, un couvent de Carmes. Ces chanoines du Guildo reçurent en rente l'église de Plourhan dont ils devinrent les « Grands Décimateurs ». A Charles de Dinan succéda Jacques qui rejoignit Jeanne d'Arc à Orléans, avec les barons bretons. Il n'eut qu'une fille, Françoise, qui naquit, le 20 novembre 1436, au château de la Roche-Suhart. Mariée trois fois, elle mourut en 1499 et avec elle s'éteignit la branche des Dinan. Les Dinan portaient : de gueules à une croix ancrée d'argent chargée de cinq hermines de sable. Un des fils de Françoise de Dinan, Jacques de Laval reçut, en partage, le comté de Plourhan. Il entra à la cour d'Anne de Bretagne qui le maria à Anne de Pisseleu duchesse d'Etampes, maîtresse de François Ier et rivale de Diane de Poitiers. La rente perçue sur le comté de Plourhan par Jacques de Laval se montait à 500 livres. C'est à cette époque que devait se courir à Plourhan la quintaine avec des chevaux bien harnachés et de bons éperons aux talons. Le Goëlo est alors réduit au seul Penthièvre1. En 1569, le neveu du duc d'Etampes, Sébastien de Luxembourg duc de Nevers. « chevalier sans peur », reçoit Penthièvre pour ses hauts faits de guerre. Il meurt en 1570. Le comté de Penthièvre est alors élevé en duché par lettres patentes données à Plessis-lès-Tours. Il comprend alors : — les terres de Lamballe, Moncontour, Guingamp, Minibriac. — le comté de Plourhan ou la Roche-Suhart. Les textes de l'époque précisent que le comté de Plourhan n'était alors qu'un faible débris du Goëlo et, en comparaison des autres membres, une faible seigneurie... Le comté de Penthièvre, avec le comté de Plourhan, passera à Anne de Beaucaire qui le portera dans la maison de Lorraine par son mariage avec Philippe-Emmanuel, duc de Nemours. Il sera, par la suite, propriété du duc de Mercœur, puis du duc de Vendôme qui le vendra en 1688 à Marie-Anne de Bourbon. En 1785, la seigneurie de Plourhan, dans l'inventaire de la Roche-Suhart est dite « deuxième membre », derrière les seigneuries groupées de Plérin, Plouha, Trégomeur, Tréméloir, Trémuson qui forment le premier membre et devant Bréhat, troisième membre. Le quatre mars 1793, le duché de Penthièvre tombe entre les mains de Philippe Egalité. Ce fut la fin de ce grand Penthièvre, principale sentinelle du littoral breton, contrepoids de l'omniprésence ducale, longtemps vigilant gardien de l'autonomie de la Bretagne1. Et c'est ainsi que le comté de Plourhan vécut son histoire, passant des origines lointaines du Moyen Age à la Révolution de 1789, entre les mains des grands noms de Bretagne et de France. IMAGE DU COMTÉ DE PLOURHAN Il existe, aux Archives Départementales des Côtes-du-Nord à Saint- Brieuc, un plan sur parchemin de 74 X 28 cm, rehaussé en couleurs et dédié par un certain Marc du Rufflay à Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse et duc de Penthièvre. Ce plan, exécuté en 1698, représente sur sa partie gauche la ville de Moncontour et, sur sa partie droite, le comté de Plourhan. En 1698, Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, fils naturel et légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan, vient de racheter le duché de Penthièvre à Madame Marie-Anne de Bourbon, veuve du prince de Conti. C'est la période des difficultés financières de la fin du règne de Louis XIV. Les besoins du monarque sont de plus en plus grands alors que la Bretagne est entrée dans une ère moins prospère. Les Etats Généraux de Bretagne sont récalcitrants à payer les impôts réclamés par la Couronne. L'hommage au prince que représente ce document* est signé par Marc du Rufflay qui se dit être le plus humble de ses serviteurs ! Qui était ce du Rufflay ? Sans doute un des descendants des Rufflay, seigneurs de Buhen, de la Ville-Cades et de Tourguigné. Il serait intéressant de le situer plus avant, car son hommage paraît pour le moins quelque peu caustique. En effet, à la base du parchemin, paraissent ces vers concernant le château de la Roche-Suhart : Château qui est tout dépouillé De vos atours d'antiquité Et rien ne se loge chez vous Que des cherdons et des hibous. On trouve, dans l'angle supérieur gauche du parchemin, le blason des Dinan-Montafilant : de gueules à quatre fusées d'hermines en fasce, accompagnées de six tourteaux de même. Dans la partie supérieure, une banderole portant le nom de la Roche- Suhart est surchargée du titre de comté de Plourhan, et venant s'appuyer sur cette banderole, l'écusson du comté : d'argent au chef endenché de gueules à cinq pointes. Un rapprochement peut se faire entre les armes du comté de Plourhan et celles d'Avaugour qui portait : d'argent au chef de gueules. Des collines, des routes et vallées avec châteaux, moulins et maisons couvrent le reste du plan où sont situés, avec Trémuson (lieu du château de la Roche-Suhart), le Portrieux, Estable, Binic et avec le château Croc2**. LA MOTTE DE PLOURHAN Dans le rapport de son voyage en Bretagne de 1655, Colbert de Croissy, frère du fameux ministre de Louis XIV, cite, dans la paroisse de Plourhan, un tumulus à moitié détruit. Vers 1860, Gaultier de la Mottay précise qu'il s'agit d'un tumulus couvert de pins maritimes que l'on commence à détruire. En 1863, le même auteur indique, toujours à Plourhan, une motte avec douves, en partie détruite dès le XVIIIe siècle, à cent mètres de l'église et qu'il s'agit peut-être là de l'ancien château des vicomtes de Plourhan connus dès le xiie siècle.

* C'est ce document qui est reproduit en couverture de l'ouvrage. ** Une très érudite et intéressante étude de ce document, reproduit en couverture, est parue dans les Mémoires de l'année 1993 de la Société d'Emulation des Côtes-d'Armor, sous la signature de M. Alain Droguet, directeur des Archives Départementales de Saint-Brieuc. Nous ne pouvons que conseiller à nos lecteurs de s'y reporter. Du ixe au Xe siècle, les Vikings dévastèrent le Goëlo, détruisant les lieux contiguz et prouchains de la mer de Bretagne (Chronique de Nantes). Certains s'y établirent pacifiquement, comme sans doute à Plourhan. Ne trouve-t-on pas dans le nom de la Ville-Saux (saos ou saux en breton pou- vant se traduire par saxon ou anglais) le souvenir d'une de ces incursions ?3 Ces hommes du Nord dressaient souvent leurs fortifications sur des endroits stratégiques (éminences) déjà utilisés par les Gallo-romains. Jouant un rôle important dans la défense du pays, ces premiers châteaux-forts, essentiellement construits en terre et en bois, consistaient en un donjon ou tour de guet qui servait aussi d'habitation au seigneur. « saQui » motte fut ce? premier seigneur, vicomte de Plourhan, qui y construisit Probablement un ancêtre de ces Suhart que l'on trouve, en 1190, parmi les barons du comte Henri qui prit, par la suite, le titre de vicomte de Plourhan. Ce n'est qu'en 1441 que paraîtra le nom du premier seigneur dit « de la Motte » qui possédait de nombreuses terres dans la paroisse. LE FIEF DE LANDÉGONNEC* Vers la fin du XIIIe siècle, le seigneur de Landégonnec, de la paroisse de Plourhan, marie sa fille Adélize au vicomte de Coëtmen, seigneur de Tonquédec, quatrième du nom. Qui était-il, lui qui pouvait ainsi faire alliance avec une maison descen- dant directement des ducs de Bretagne ? Ici non plus, il ne reste rien pouvant situer ces seigneurs de Landégon- nec dont le château dominait le village de Saint-Barnabé. En 1485, François de Villeroy, gouverneur de Louis XIV, prend posses- sion des prééminences des Coëtmen. Le 5 novembre, en compagnie de Maistre Gilles Le Gac, seigneur de Boisraud, sénéchal et seul juge de Coëtmen, de Villeroy visitera les terres de cette seigneurie, passant par , Tréméven, Trémuson, , Goudelin et . le dit jour sept novembre, dit-il, nous nous sommes transportés jusqu'au château de la ditte chatellenie de Landégonnec, en la paroisse de Plourhan consistant en de vieilles mazières, bordées de douves, vestige de colombier, pourpris, garenne et un prée où estait anciennement l'étang du dit château avec une chapelle au dessus du dit château dédiée à Monsieur Saint-Barnabé dont nous avons pris possession. Puis nous nous sommes rendus au bourg où, ayant fait ouvrir la ditte église, dit nos prières et fait son de cloches afin d'appeler tous

* Landégonnec : On trouve, ici encore, un nom breton : Land Egonnec ou terre de Tégonech. Peut-on penser que Tégonech dont parle le bréviaire du Léon, en 1516, et qui fut le compagnon de Pol Aurélien qui évangélisa le Léon, soit passé par Plourhan ? Rien ne confirme ni n'infirme cette idée. les prétendants, avons vu au haut de la principale vitre, un écu de gueules à neufs annelets d'argent qui marque que les seigneurs de Landégonnec sont supérieurs et fondateurs de la ditte église. Puis nous sommes allés jusqu'au manoir noble de Beauvoir où demeure actuellement, Guy on Rolland, fermier du dit lieu... (ferme) dans laquelle nous avons bu, mangé et fait feu à fumée... et dans d'autres maisons, entre autres : dans la maison noble de Beauregard appartenant au sieur Bellisle- Lestic. dans la maison de Demoiselle Renée de Rolon, veuve de Keryallon Jégou (le Clos) au lieu noble du Pont-Lo et terres dépendantes possédées par le sieur de la Boullais-Robien. Les jours suivants, Villeroy se rendra au havre de Binic et au havre de Portrieux, puis à Tréveneuc et rentrera à Lanvollon, à l'hostellerie où pend, pour enseigne, le soleil... Les revenus de cette châtellenie consistaient en chefs-rentes sur les terres qui lui étaient propres. C'est ainsi que Landégonnec perçut, en 1514 : — Douze sols neuf deniers pour la paroisse de Plourhan sur les terres de Landégonnec, Fontaine Saint-Pern, Ville-Morel, Fontaine Perriou, Botbi- han, Villemain, Landory, Lantriguer et quartier ès-Croix. — Dix sols et neuf deniers sur la paroisse d'Etables. — Treize sols et onze deniers sur la paroisse de Tréveneuc. Quant aux deux moulins « bladerets » de Landégonnec, ils étaient affermés pour neuf rais de froment. Les charges sur ces rentes consistaient en une redevance de treize sols payables au seigneur de Montafilant ou de Chateaubriand, au terme de la Saint Jean-Baptiste (24 juin)4. Le fief de Landégonnec, sorti de la maison de Coëtmen au milieu du xive siècle, y revint par le mariage de Marie de Dinan avec Jean de Coëtmen. En 1556, il passa aux de Goulaine, en prenant le titre de châtellenie. En 1570, il sera vendu aux Talhouët qui le revendront à Claude René Chrestien de Tréveneuc. Landégonnec passera enfin à Louis de Cossé, comte de Brissac vers 1660. ARMES ARMES DE LA COMMUNE DU COMTÉ DE PLOURHAN DE PLOURHAN

de gueules à deux barres d'argent d'argent au chef endenché de gueules à cinq pointes Paroisse primitive du. diocèse de Saint-Brieuc au ve siècle. PLOURHAN fut élevé au rang de comté par le duc de Bretagne vers le début du XIIe siècle. La paroisse éclata, par la suite, au profit de Saint-Quay et Etables qui prirent de l'importance du fait des «havres» de Portrieux et de Binic. Sa richesse et son rôle de pôle d'attraction diminua d'autant mais elle conserva toutefois de nombreuses « maisons nobles ».

ernand HÉLARY, né à Plourhan, le 23 avril 1926 d'une famille établie sur la commune depuisF la Révolution de 1789. Ancien directeur régional d'une société de comptabilité et fiscalité dans le Finistère. Se consacre actuellement à des recherches historiques, particulièrement sur la Marine à Brest.

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