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Québec français

Les paroles s’envolent, les écrits restent Roger Chamberland

La lecture d’oeuvres littéraires Numéro 109, printemps 1998

URI : https://id.erudit.org/iderudit/56351ac

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Éditeur(s) Les Publications Québec français

ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique)

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Citer ce compte rendu Chamberland, R. (1998). Compte rendu de [Les paroles s’envolent, les écrits restent]. Québec français, (109), 91–92.

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QUÉBEC FRANÇAIS PRINTEMPS 1998 NUMÉRO 109 91 Linda Lemay atmosphère trop mielleuse, monocorde et à la recherche d'un Linda Lemay un emportement faussement lyrique au nouveau son, a dé­ Pour son second plan musical qui n'arrive pas à émouvoir cidé de reprendre album, Linda l'auditeur. Le spectateur pourra être em­ les 13 pièces les Lemay a décidé de porté dans le mouvement de la mise en plus représentatives poursuivre dans la scène que signe Gilles Maheu, mais que du répertoire de Jac- veine des auteures- nous ne pourrons voir au Québec avant ques Dutronc et compositrices et interprètes où le texte est un petit moment. En revanche, celui qui d'en faire un album. Le résultat est éton­ servi par une musique qui, sans être ac­ attendait un second sera amère­ nant tant le groupe est parvenu à garder le crocheuse au premier abord, dégage une ment déçu. Pas une seule mélodie accro­ cachet de ces chansons des années 1960, à atmosphère intime. De plus, Linda Lemay cheuse, sauf peut-être « Bohémienne », les dépoussiérer et à les interpréter dans un semble avoir trouvé une justesse dans l'in­ mais rien pour considérer cet opéra nouveau contexte où elles semblent tou­ terprétation qui rend bien justice aux thè­ comme un chef-d'œuvre. Une déception jours d'actualité. On peut, sans nostalgie, mes traités. Chansonnière du quotidien, à la mesure de nos attentes. fréquenter ce disque, le réécouter à satiété des petites peines et des grandes ambi­ sans se sentir nowhere. Même si Dutronc tions, L. Lemay évolue dans un monde qui Madame chante Dutronc s'est fait surtout connaître au cinéma, il n'en comporte sa part de joies et de peines sans Groupe Madame demeure pas moins que cette collection de que nous en subissions les contrecoups et Devant le succès remporté par une pub-télé titres réactive un courant da la chanson fran­ encore moins les exubérances : « Les filles pour une camionnette, le groupe Madame, çaise que l'on tient trop souvent en marge. seules\ elles habitent avec des copines, les filles seules\ Parlent des plats qu'elles cui­ sinent, elles s'engueulent\À propos de Great Jewish Music : Serge Gainsbourg, une production de John Zorn choses anodines qui les agacent » (« Les filles seules »). Il y a une mesure dans ce qu'elle veut raconter et dans ses états d'âme qui laisse que le monde est urieuse pmproductiod n que comestible tel qu'il est. Voilà un titre que Ccet albumm ddee Serge Gains- même l'usure du temps ne saurait altérer en profondeur, comme le constate s réunis par John d'ailleurs le journal Libération qui n'hé­ site pas à comparer ses textes à ceux de .x'sse d'étonner par Brel et Brassens. Il faut aimer ce style mu­ sical et accepter de s'y laisser aller sans ses proiets. 2 I chansons les craindre de s'y perdre. Une réussite sur toute la ligne. hours soin plus grande une Notre-Dame de Paris (d'après l'œuvre de Victor Hugo) textes Luc Plamondon musique Richard Cocdante audience dans le circuit de Il me serait difficile de dire du bien de ce production restreinte de la nouvel opéra de Luc Plamondon qui s'est musique dite alternative : .1 Mike Patton, associé à Richard Cocciante pour la mu­ . pour n en nommer quelques-uns. .si on a garde intacts le i sique afin de bâtir une œuvre musicale n'en esl pas de même des arrangements musicaux qui \ ont autour de celle de Victor Hugo. Avec des is sans jamais perdre leur accessibilité. Autrement dit, on s interprètes aussi talentueux que , Bruno Pelletier, Luck Mervil, n annul certes pas renies lani i alhum. maigre tout, présente une certaine unite qui pour son volet québécois, Noa et Patrick n'est pas synonyme d'homogénéité. Kl il ne faut surtout pas penser que. placée sous Fiori, pour son volet français, auxquels l'étoile de David, cette musique seiait nécessairement teintée de klezmer ou de s'ajoutent Garou et Julie Zenatti, des ar­ \ iddisli : bien au contraire, Zorn a su s'entourer d'artistes qui échappent à eeite tistes inconnus de ce côté-ci de l'Atlanti­ ethnicisation forcée et s'inscrire en marge de ce qui se fait en musique populaire. que, on se serait at­ Chaque écoute apporte donc son loi de surprises et d'impressions vives qui font tendu à un opéra revivre la musique de Gainsbourg et lui redonnent le petit côté marginal qu'il a avec un peu plus de ours affiché. Plus encore, on se surprend ; iainsbourg, qui considé- substance et de to­ jenre mineur. : nus que ce qui est « ethnicité fictive » — sa proposé ici. Disons- s préoccupe outre mesure -, d autres, plus puristes envers le sèchement : il y a u sacrilège. Chose certaine eel album vaut véritablement le i dans cet album une car il participe ie relecture singulière d'une œuvre qui semble inépuisable.

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