Temps Obscurs Nationalisme Et Fascisme
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temps obscurs ok - copie:Mise en page 1 13/06/17 16:34 Page 1 Temps obscurs Nationalisme et fascisme en France et en Europe temps obscurs ok - copie:Mise en page 1 13/06/17 16:34 Page 2 ISBN 978-2-909899-53-4 EAN : 9782909899534 temps obscurs ok - copie:Mise en page 1 13/06/17 16:34 Page 3 Matt Gallandier Sébastien Ibo Temps obscurs Nationalisme et fascisme en France et en Europe Acratie temps obscurs ok - copie:Mise en page 1 13/06/17 16:34 Page 4 . temps obscurs ok - copie:Mise en page 1 13/06/17 16:34 Page 5 Introduction L’élection présidentielle de 2017 en France a mis en évidence un fait inquiétant. Tout le monde s’attendait à ce que le Front National soit au second tour. Cela n’a été une surprise pour personne : ni pour les politiciens qui comptaient sur le repoussoir du FN pour se faire élire, ni pour les mouvements sociaux qui ne se sont que peu mobili - sés. Plus étonnant, alors que le FN réalise des scores très élevés, cela ne surprend presque plus personne. Comment en est-on arrivé là ? Dans plusieurs situations nationales pourtant très différentes, nous voyons se développer des organisations d’extrême droite aux formes diverses, aux stratégies parfois opposées, mais qui toutes, se donnent pour but de prendre le pouvoir dans un futur proche. Ces mouvements et ces partis ne sont pas de simples regroupe - ments de conservateurs et de populistes. Ils ne sont pas non plus com - parables aux bandes de skinheads nazis qui peuplaient la rubrique des faits divers durant les années 80 et 90. Plus massives, plus mo - dernes dans leur communication et leurs ambitions, ces organisa - tions sont souvent comparées au fascisme historique, celui que les livres d’Histoire prétendent disparu depuis 1945, à la fin de la Se - conde guerre mondiale. Mais a-t-il jamais vraiment disparu ? Et d’ail - leurs, comment le définir ? Une « simple » dictature moderne, avec son chef, sa police politique et ses défilés en uniforme ? Ou bien plus que cela ? Il y a urgence. Les dernières années nous ont montré que l’His - toire ne s’était certainement pas arrêtée. La barbarie est toujours possible. Attentats néonazis du NSU en Allemagne, attaques de camps de réfugiés en France et en Italie, milices paramilitaires en Hongrie comme en Grèce ou massacre organisé par le « loup soli - taire » Anders Breivik : la violence d’extrême droite n’est pas qu’une addition de faits divers sanglants, il s’agit d’une tendance profonde dans les sociétés européennes. temps obscurs ok - copie:Mise en page 1 13/06/17 16:34 Page 6 6 TEMPS OBSCURS Peut-être plus inquiétant encore, si ces crimes sont parfois l’œu - vre de groupes isolés ou d’individus, les partis nationalistes progres - sent électoralement, étant même proches du pouvoir dans plusieurs pays – dont la France. Une vague idéologique qui n’est pas prêt de s’arrêter. Partis légaux dénonçant l’insécurité et l’islamisation, mi - lices, groupes terroristes, cercles de réflexion intellectuels, médias… Cette poussée de l’extrême droite prend des apparences très variées. Notre but est donc de permettre de comprendre ce phénomène, pour ne plus le sous-estimer et savoir comment le combattre. Pour cela, il faut le mettre en lien avec les dynamiques du système écono - mique capitaliste. Depuis 2008, la crise économique s’est aggravée. De multiples bulles spéculatives ont explosé, et la financiarisation du capital a cessé d’être une fuite en avant rentable pour le capitalisme. Dans la foulée, les Etats ont massivement renfloué les banques occidentales, provoquant en retour la crise de la dette. Cette crise a justifié un en - semble de politiques destructrices pour les droits sociaux, connues sous le nom de « plans d’austérité ». Si l’on devait analyser ces politiques en reprenant les catégories de Karl Marx, on pourrait dire que pour faire face à la baisse des taux de profits, l’austérité est une stratégie simple pour sauver les capi - talistes. En diminuant les salaires directs et surtout indirects, comme le chômage, les retraites, l’assurance maladie, ainsi que de nombreux droits sociaux, l’austérité s’attaque au coût du travail, ce que Karl Marx appelle la plus-value absolue. Ainsi, si la croissance est en berne et que moins de richesses sont créés, ce n’est pas grave pour les classes dominantes, il suffit de s’at - taquer aux salaires de ceux et celles qui travaillent. Peu importe que la taille du gâteau n’augmente pas tant que la taille de la part du gâ - teau de la bourgeoisie augmente - et tant pis si c’est au détriment des salariés. L’ensemble des évènements politiques des dernières années peu - vent être analysés sous cet angle : vague d’austérité dans tous les pays d’Europe, asphyxie économique de la Grèce, politiques antiso - ciales sous Nicolas Sarkozy puis sous François Hollande. De même, l’accroissement des tensions internationales et des guerres s’explique par ce phénomène. Dans un contexte où les ressources et les marchés deviennent plus rares, il y a moins en moins de place pour tout le temps obscurs ok - copie:Mise en page 1 13/06/17 16:34 Page 7 INTRODUCTION 7 monde, ce qui fait que les puissances impérialistes sortent les griffes. C’est ainsi qu’il faut comprendre les tensions géopolitiques en Asie, ainsi que les guerres en Libye, en Ukraine, au Yémen et surtout en Irak et en Syrie où s’affrontent les intérêts de pays du Moyen Orient, d’Europe, des Etats-Unis et de la Russie. Ce nouvel état de fait a aussi causé de profonds changements po - litiques dans les démocraties dites libérales. Si le libéralisme écono - mique a gagné du terrain, ce n’est pas le cas des libertés publiques. Les états se sont durcis face aux luttes et aux mouvements sociaux, par le biais de politiques sécuritaires, du tout carcéral, et surtout de l’anti-terrorisme, qui sous prétexte de combattre un ennemi absolu permet de réduire les libertés fondamentales. La France sous état d’urgence depuis novembre 2015 est à ce titre l’un des laboratoires eu - ropéens de ce durcissement politique. C’est aussi l’offre politique et la structure des forces en présence qui a changé. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en Europe occidentale et aux Etats-Unis, le gouvernement était géré selon un système bipartite où au gré des élections un parti de gauche modérée et un parti conservateur se partageaient le pouvoir. Le parti de gauche modéré était souvent issu de la social-démocratie et défen - dait des politiques de redistribution keynésiennes, c’est-à-dire de par - tage de la répartition des richesses, mais sans remettre en cause la capitalisme, ainsi que des positions progressistes concernant l’anti - racisme, le féminisme, la lutte contre l’homophobie, etc. En bref, l’ob - jectif était d’humaniser le capitalisme, mais surtout pas de le remettre en question. En France cette tendance a été représentée par la SFIO puis par le PS, en Allemagne par le SPD, en Angleterre par les travaillistes et aux Etats-Unis par les démocrates. De l’autre côté existait un parti conservateur, qui avait tendance à limiter la redis - tribution sans la remettre fondamentalement en cause et qui se po - sitionnait plutôt contre les droits des femmes et des minorités : en France, le gaullisme, en Allemagne, le CDU, au Royaume-Uni, les Tories et aux Etats-Unis, les Républicains. En gros, il s’agissait du parti de la bourgeoisie conservatrice et de l’ordre établi. Avec le tournant néo-libéral de Thatcher et de Reagan durant les années 1980, puis la vague d’austérité à partir de 2008, les diffé - rences politiques entre ces deux types de partis se sont progressive - ment estompées au point de devenir cosmétiques. La mondialisation temps obscurs ok - copie:Mise en page 1 13/06/17 16:34 Page 8 8 TEMPS OBSCURS et l’intégration européenne ont rendu très difficiles les politiques key - nésiennes de relance. L’austérité a réduit les moyens de l’Etat qui ne peut plus mener de politiques sociales d’ampleur : acheter la paix so - ciale est simplement devenu trop coûteux. Désormais, les deux types de parti convergent de plus en plus. Ainsi, le Labour de Tony Blair ne fait rien d’autre que de suivre la lignée de Margaret Thatcher. De même, la présidence « socialiste » de François Hollande en est un par - fait exemple : non seulement ce sont des politiques néolibérales qui sont menées, culminant avec la Loi Travail de 2016, mais en plus de cela, le gouvernement prend des mesures autoritaires digne de la droite la plus agressive : état d’urgence permanent, tentatives de met - tre en place la déchéance de nationalité, expulsions de migrants et militarisation du pays dans la lignée de Nicolas Sarkozy. Ce rétrécissement de l’offre politique converge vers ce que nous pourrions appeler le « parti du capital ». Si la gauche et la droite mè - nent la même politique et que les différences s’amenuisent jusqu’à être imperceptibles, pourquoi ne pas gouverner ensemble ? Ainsi, l’Europe connait un certain nombre de grandes coalitions de gestion, alliant gauche et droite dans la gestion du capital. En Grèce, c’est une coalition gauche-droite (Pasok-Nouvelle Démocratie) qui a mené au pas de charge l’austérité jusqu’en 2015. C’est aussi le cas en Bel - gique et aux Pays-Bas où des coalitions de ce type ont purgé les droits sociaux. L’Allemagne est un cas emblématique, étant dirigé depuis 2005 par une coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs.