L'articulation De L'architecture Et Les Téchnologies Du Numériques
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Le rôle de la philosophie et des mathématiques dans le design paramétrique en architecture Mohammed Akazaf, Architecte Doctorant, Centre des Etudes Doctorales, Ecole Nationale d’Architecture de Rabat [email protected] Mouna M’hammedi Professeur Habilité, Centre des Etudes Doctorales, Ecole Nationale d’Architecture de Rabat, [email protected] Résumé L'architecture a toujours été caractérisée par des relations fortes et systématiques avec les inventions technologiques. Son histoire est bien documentée sur cette oscillation entre art et technique, deux polarités ayant chacune ses préoccupations et ses fondements philosophiques et fonctionnels. Nous sommes actuellement saisis par la diversité et l’originalité de l’architecture contemporaine à travers le monde, une architecture souvent caractérisée par des formes fluides et par des processus de réalisation non-standard. Le but de cet article est de jeter un éclairage sur les relations qui relient l’architecture aux technologies du numérique ; nous allons essayer d'expliquer comment cette mutation, générée par la révolution numérique, a été « co-pilotée » à l'origine par d'autres sciences telles que les mathématiques et la philosophie. Les signes de cette mutation remontent à la fin des années 60, années de l'avènement du microprocesseur et de la découverte en mathématiques d’autres types de géométries non euclidiennes. Il a fallu une vingtaine d’années, qui étaient nécessaires au développement des machines, pour qu'une poignée d'architectes américains adoptent ce qu’ils ont convenue comme la french theory de certains philosophes français pour définir de nouvelles écritures formelles pour l'architecture. L’esthétique architecturale du numérique design est désormais soumise à l'hégémonie de l'algorithme. La nature de celui-ci confère à l'approche conceptuelle de multiples appellations telles que : Morphogenesis, Architecture Génétique, Géométrie Fractale, Design Paramétrique etc. Bien que l'architecture du numérique s'est bien libérée avec la découverte de nouveaux outils de design, mais le chemin pour découvrir de nouveaux outils et procédés de constructions, aux regards de la lenteur d’évolution en CNC appliquée à l’architecture, semble encore long. Mots-clés : Architecture, design paramétrique, philosophie, mathématique, géométries fractales, design computationnel, design génératif Abstract Architecture has always been characterized by strong and systematic relationships with technological inventions. Its history is well documented on this oscillation between art and technique, two polarities each having its concerns and its philosophical and functional foundations. The aim of this paper is to shed light on the relationships that link architecture to digital technologies; we will try to explain how this mutation, generated by the digital revolution, was originally "co-piloted" by other sciences such as mathematics and philosophy. Signs of this mutation date back to the late 1960s, when the microprocessor was introduced and when other types of non-Euclidean geometry were discovered in mathematics. The architectural aesthetic of digital design, whose transcendent meaning is linked to its generative logic, is now subject to the hegemony of the algorithm giving to the conceptual approach multiple names such as: Morphogenesis, Genetic Architecture, Fractal Geometry, Parametric Design etc. Although digital architecture has been liberated, but the path to discover new construction tools and processes, in view of the slowness of evolution in CNC applied to architecture, still seems long. Keywords: Architecture, parametric design, philosophy, mathematics, fractal geometries, computational design, generative design 86 1. Introduction Cette réflexion trouve sa justification dans les questionnements -toujours en suspens- portant sur le devenir de l’architecture et du métier de l’architecte à l’âge du numérique. Selon L’historien de l’architecture Mario Carpo, il faudrait un grand historien, un mathématicien et un philosophe pour expliquer comment et pourquoi cette révolution culturelle marquée par la technologie du numérique a engendré un nouveau style architectural basé sur des lignes et des surfaces lisses et courbes1. Ce questionnement concourt avec les préoccupations de cette recherche et étant convaincu que la prévision du futur est derrière nous, nous comptons nous attarder sur la genèse et les initiatives qui ont été à l’origine de cette révolution en architecture. Nous sommes effectivement saisis, aujourd’hui par la diversité et l’originalité de l’architecture contemporaine à travers le monde, une architecture souvent caractérisée par des « blobs » fluides et par des processus de réalisation non-standard. Des formes marquées par des courbes audacieuses et exubérantes qui poussent certains architectes à qualifier cette architecture de baroque ou de néobaroque II, des mots qui ont ressurgi durant les années 1990, dans certains discours autour de l’architecture numérique. Le musée Guggenheim de Frank Gehry à Bilbao, constitue l’exemple le plus exposé par tous les protagonistes de cette révolution numérique, dont les conséquences pour le secteur de la construction, sont significatives voire similaires à celles de la révolution industrielle. On date souvent le début du tournant décisif qu’a engendré le numérique en architecture par la réalisation de ce musée à Bilbao en 1997 bien que certaines publications révèlent une origine un peu plus ancienne que cela2. Les conséquences de la révolution numérique devront être perçues de manière similaire à celles de la révolution industrielle, et un parallélisme devra être établit entre le Guggenheim de Bilbao et le Crystal Palace réalisé par Joseph Paxton en 1851, afin de mesurer l’ampleur du tournant esthétique que le numérique est en train de faire subir à l’architecture. Cette comparaison devra éveiller un débat responsable et une comparaison sérieuse qui pointe les aspects de nouveauté et les changements profonds opérés sur les mentalités professionnelles par l’un comme par l’autre.3 La révolution dans le Crystal Palace a ramené un changement aux niveaux des matériaux utilisés certes (l’usage du verre), mais les principes de conception et d’esthétique qui étaient d'usage auparavant sont restés les mêmes. Il a fallu un siècle pour que les bâtiments en verre et en acier soient omniprésents dans les quatre coins du globe. Le numérique est en train de révolutionner la manière de concevoir (Design Computationnel), la manière de collaborer (Building Information Modelling) ainsi que la manière de réaliser (CNC. CAD/CAM/ CFAO)4. De nouvelles compétences et de nouveaux mécanismes professionnels sont en train de voir le jour et de murir à l’issu d’une série d’initiatives isolées nécessitant des efforts d'adaptation colossaux. Ces improvisations sont engagées par des architectes, éparpillés sur la planète, çà et là, sans qu’un cadre juridique, à même de suivre les bouleversements que devra subir l’écosystème professionnel classique, soit établi. Il faut bien admettre que ce qui pilote l’architecture est situé en dehors de l’université et de ses laboratoires de recherches. Se conformer, donc, aux nouvelles exigences de la profession et de son nouveau paradigme de production, ne peut pas s’établir en l’absence d’un enseignement pédagogique actualisé, sans lequel des générations d’architectes seront sacrifiées. Il est temps de s’accorder que les préoccupations portant sur le style en architecture qui constituaient le ciment qui fédérait les théories homogènes donnant naissance à des courants bien distincts, sont mortes. Ces préoccupations ont cédé la place à d'autres ambitions et challenges qui font de 1 Mario Carpo, The Second Digital Turn : Design beyond Intelligence, Writing Architecture Series, Massachusetts Institute of Technology, 2016. 2 Greg Lynn, Folding In Architecture, Wiley-Academy, 1995. 3 Branko Kolarevic, Architecture in the Digital Age: Design and Manufacturing (New York, NY: Spon Press, 2003). 4 Nous comptons consacrer cet article rien que pour le design. 87 l’architecture ce qu'elle est aujourd'hui. En exploitant ce qu'offre actuellement la technologie à tous les niveaux, l’architecture s'est redéfinie d'autres rêves, d'autres désirs et d’autres caprices. 2. Approche méthodologique L’approche méthodologique que nous comptons adopter dans ce cadre est une approche qualitative basée sur une démarche inductive. Nous nous baserons sur les textes, les conférences et les publications traitant les problématiques afférentes à l’introduction des technologies du numérique en architecture. Nous analyserons les discours des architectes d’avant-garde afin de dépoussiérer les fondements philosophiques qui leurs servent d’arguments pour justifier une architecture marquée par des connections et des structures si complexes. Nous confrontons aussi leurs propos à d’autres discours antagonistes afin d’essayer de faire émerger d’autres vérités et de s’assurer des catalyseurs qui pilotent la mutation en architecture du numérique. Notre préoccupation de définir la nature de cette mutation est portée par la volonté de rattraper le retard accusé en matière de l’enseignement de l’architecture et de la formation des professionnels ; elle est aussi motivée par le désir d’anticiper l’avenir pour préfigurer un environnement technico-juridique où le numérique sera au service de l’architecte et de son architecture. Nos variables spécifiques dans cet article sont l’architecture, le numérique, la philosophie et les mathématiques. Nous allons analyser toutes