ENQUÊTE

SUR ABITATION RURALE

DES INDIGÈNES DE LA TUNISIE

Faite par* ordre de IsÆ. LTTCIEISr SAINT

Résident Général de à

PUBLIÉE PAR AUGUSTIN BERNARD

PROFESSEUR DE GÉOGRAPHIE ET COLONISATION DE L’AFRIQUE DU NORD A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS

Avec une carte hors texte en couleurs, 9 planches de photographies hors texte et 15 croquis dans le texte.

TUNIS

Imprimerie J. tSARLIER & O, 4, rijf. Annibal

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ENQUÊTE

SUR L’HABITATION RURALE DES INDIGÈNES

DE LA TUNISIE

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ENQUÊTE

SUR L’HABITATION RURALE

DES INDIGÈNES DE LA TUNISIE

Faite par ordre ci© M. LTJOIE3N SAINT

Résident Général de France à Tunis

PUBLIÉE PAR AUGUSTIN BERNARD

PROFESSEUR DE GÉOGRAPHIE ET COLONISATION DE L’AFRIQUE DU NORD A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS

Avec une carte hors texte en couleurs, 9 planches de photographies hors texte et 15 croquis dans le texte.

TUNIS Imprimerie J. BARLIER & Cie, 4, rue Annibal 1924

Bibliothèque JEAN DResc

TABLE DES MATIERES

Pages

Avant-propos

Chapitre I. — La tente II. — Le gourbi...... 13 III. — La maison rurale...... 23 IV. — Les habitations troglodytiques et les ghorfas... 51 V. — La maison urbaine CONCLUSION ......

Appendice. — Essai de statistique des différents types d’habita­ tions indigènes......

Index alphabétique des circonscriptions administratives......

Carte des différents types d’habitations rurales des indigènes de la Tunisie a 1/1.500.000e en couleurs, hors texte.

TABLE DES CROQUIS DANS LE TEXTE

Pages 1. Tente tunisienne...... 4 2. Gourbi en troncs de palmiers (Nefzaoua)...... 19 3. Kib de la région de Médenine...... 20 4. Lahia id...... 20 5. Djerba : plan de maison de la région d’Houmt-es-Souk...... 33 6. Id. de et de Mahboubine 34 7. Id. de Cedouikech et de Guellala 35 8. Id. d’Adjim ...... 36 9. Id. de Beni-Maguel et d’Arkou. 37 10. Maison de l’indigène sédentaire du Nefzaoua...... 39 11. Maison de l’indigène semi-nomade du Nefzaoua...... 39 12. Type de maison indigène de ...... 41 13. Plan de maison de Hadège (d’après Hamy)...... 53 14. Plan d’habitation troglodytique (d’après J. Levainville)...... 54 15. Ghorfa ...... 61

TABLE DES PHOTOGRAPHIES

PL. I. 1. Tente avec zériba. 2. Tente avec maamra. PL. II. 3. Gourbi de Kroumirie. 4. Gourbi de la région de Souk-el-Arba. PL. III. 5. Kib de Zarzis. 6. Kechba de . PL. IV. 7. Maison en pierres sèches. 8. id. PL. V. 9. Maison de la région d’Houmt-es-Souk. 10. Petite ferme de Ouallag. 11. Menzel avec puits (Beni-Diss). 12. Ferme à Adjim. 13. Atelier de tisserand. 14. id. PL. VI. 15. Maison à Tozeur. 16. Ksar de Chenini. PL. VII. 17. Matmata : vue générale. 18. id. Entrée d’une habitation souterraine. PL. VIII. 19. Matmata : Cour d’habitation souterraine. 20. Médenine : ghorfas. PL. IX. 21. Médenine : vue générale. 22. id. le nouveau souk et le vieux Médenine.

AVANT-PROPOS

Une enquête sur le mode d’habitation des indigènes de l’Al­ gérie avait été entreprise en 1911 par ordre du Gouverneur gé­ néral. Les résultats de cette enquête, par suite de diverses cir­ constances et notamment de la guerre européenne, n’ont été publiés qu’en 1921W. Ils ont paru assez intéressants, tant au point de vue théorique qu’au point de vue pratique, pour qu’il fût souhaitable d’effectuer une enquête semblable dans la Ré­ gence de Tunis. M. Lucien Saint, Résident général, s’y est prêté avec un empressement dont nous ne saurions assez le remer­ cier. Appelé, dans des circonstances difficiles, à diriger la Tu­ nisie, où son administration a été marquée par de si heureuses et si importantes réformes, le Résident général a estimé que, pour gouverner les indigènes de la Régence, il était essentiel de les bien étudier. M. Lucien Saint a pensé aussi que l’Algérie et la Tunisie, tout en gardant chacune les méthodes d’administration qui leur sont propres, ne pouvaient que gagner l’une et l’autre à se mieux connaître et à développer leurs rapports de bon voisinage, com­ me il convient entre deux terres à jamais françaises, selon l’ex­ pression de M. le Président de la République. C’est surtout au point de vue scientifique que les comparaisons entre les deux pays sont utiles, voire même indispensables. Négliger les com­ paraisons de ce genre, c’est vouloir se condamner à comprendre un livre auquel il manquerait une partie des feuillets. Le 31 janvier 1921, M. le Résident général de France en Tu­ nisie adressait aux Contrôleurs civils et aux Officiers du Ser­ vice des Affaires indigènes la circulaire suivante : Je vous serai obligé de vouloir bien faire établir avec le plus grand soin, pour chacun des cheikhats de votre circonscription : 1° un ta­ bleau statistique indiquant les modes d'habitation des indigènes;

(1) Augustin Bernard. — Enquête sur VhaMtation rurale des indigènes de l’Al­ gérie, faite par ordre de M. le Gouverneur général, Alger, Fontana, 1921, in-8<>. XII l’habitation rurale des indigènes

2° une courte notice présentant les observations sur les divers mo­ des d'habitation, les transformations qu’ils ont subies et les parti­ cularités qu'ils présentent. Par mode d’habitation, il faut entendre le genre d’abri, fixe ou mobile, maison ou tente, sous lequel vit la famille. Cet abri peut être de diverses sortes : 7° Tente. — Il n'y a pas lieu, pour cette catégorie, d’établir des subdivisions. 2° Constructions. — Ici, il convient de distinguer le genre de cons­ truction par la partie essentielle, qui est le toit, et de classer les populations suivant qu'elles habitent dans une des constructions suivantes :

A. — Gourbi recouvert d’un toit en diss, en drinn, en roseau, en chaume de céréales, en tamarix ou toutes autres tiges ou branches végétales.

B. — Maison recouverte d’une terrasse ou d’un toit en tuiles. Il y a lieu, notamment pour les gourbis, d’indiquer si les murs sont en branchages, en terre, en pierre sèche, en maçonnerie; pour les maisons, si les murs sont en pisé ou en toub, en pierre sèche, en maçonnerie; de distinguer et de définir les diverses catégories de gourbis ou constructions similaires, maarnras, kibs, bortals, etc. Il importe aussi, en ce qui concerne les maisons, d’indiquer si elles sont faites à la mode européenne et avec des matériaux euro­ péens (la maison à la mode européenne est caractérisée notamment par l’existence d'une cheminée, l'emploi des fers à T, des tuiles plates, l’édification par des ouvriers européens). Enfin, on notera les formes rares ou intermédiaires qui pourraient se présenter, telles que tentes très élevées au-dessus du sol, noualas ou hiâtes cylindro-coniques. On signalera avec soin les habitations souterraines et les grottes, les ghorfas, les kaladt, l’utilisation des ruines, etc. On ne manquera pas de noter soigneusement tous les cas où les habitations ne sont pas occupées d’une façon permanente et d'indi­ quer la périodicité des absences (demi-nomadisme). Pour les mai­ sons, on spécifiera si elles sont groupées en bourgades, en vil­ lages ou dechras ou dispersées dans la campagne (Sahel de et de ). Dans beaucoup de régions, la société des indigènes a suffisam­ ment évolué pour que le mode d'habitation ait changé. Il y aura lieu d’indiquer les changements survenus ainsi depuis un quart de siè­ cle environ. En particulier, il est recommandé de noter avec le plus grand soin les endroits où l'habitation dans une maison a supplanté l'habitation sous la tente. Il y a lieu naturellement de ne définir le mode d’habitation d’un AVANT-PROPOS XIII groupe suivant une ou plusieurs des catégories précitées qu'autant qu'il renferme un nombre suffisant d'habitations des dites catégories; il n’y a pas lieu par exemple de mentionner la présence d'une ou deux maisons au milieu d’un douar très important ne renfermant que des gourbis. Il serait à désirer que le tableau statistique fût accompagné d’une carte à une échelle suffisante des différents modes d’habitation usi­ tés dans chaque cheikhat. On pourrait par exemple reporter ces in­ dications sur la carte à 11200.000e du-Service Géographique de l'Ar­ mée, en indiquant les tentes en bleu, les gourbis en vert, les mai­ sons en faune ou en rouge, avec des hachures lorsque les divers types d’habitations sont mélangés. J'accueillerai d'ailleurs avec intérêt toutes les indications que MM. les Contrôleurs civils voudraient bien consigner dans une no­ tice jointe à leur tableau. Lucien SAINT.

Ce sont les réponses à cette circulaire que l’on trouvera ci- dessous. Comme dans l’enquête sur l’Algérie, nous avons laissé le plus souvent possible la parole aux auteurs des rapports, nous bornant à de brefs commentaires. Les éléments des ta­ bleaux statistiques donnés en appendice et de la carte sont em­ pruntés aux mêmes rapports, dont nous laissons au lecteur le soin d’apprécier l’intérêt. On ne saurait assez remercier les auteurs de quelques-uns de ces documents du soin qu’ils ont ap­ porté à leur rédaction et ce n’est que justice de faire figurer ici leurs noms.

CONTRÔLES CIVILS

Tabarka...... MM. Rémy. Béja...... Monchicourt. ...... Masselot. Souk-el-Arba...... Grosset-Grange. Téboursouk...... Bréjean. Medjez-el-Bab...... Colas (p. i.). Tunis...... Klepper. Grombaiia...... Weyland. Le Kef...... Fanet. ...... Michal. ...... Graignic. ...... Gautier. Sousse...... Jean (p. i.). Sfax...... de Gourlet. Thaï a...... Maurois. XIV l’habitation rurale des indigènes

Gafsa...... MM. Rostaing. Tozeur...... Mottes. Gabès...... Rémy. Djerba...... Renoux.

TERRITOIRES MILITAIRES

Kébili...... Lieut* Billoudet (p. i.). Matmata...... v.. Capne Sol. Zarzis...... Lieutt Lucas. Médenine...... Gapne Bouvet. Ben-Gardane...... Capne Barré.

Des relevés des diverses catégories d’habitations rurales ont déjà été effectués en Tunisie à diverses reprises, notamment en 1886, 1890 W, 1895 et 1906. Malheureusement, la comparai­ son avec les chiffres de la présente enquête est à peu près im­ possible pour plusieurs raisons : les circonscriptions adminis­ tratives ont subi de multiples remaniements; certains recense­ ments, notamment ceux de 1890 et de 1895, n’ont pas tenu compte des gourbis; tantôt on a laissé de côté les maisons ur­ baines, tantôt on les a comprises dans le dénombrement; enfin certains chiffres sont visiblement erronés et reposent sur des données insuffisantes. Notre enquête est elle-même très in­ complète; elle pourra néanmoins servir de point de départ à des recensements ultérieurs, qui devraient être effectués à des intervalles réguliers, par exemple tous les dix ans ou tous les vingt ans. Sans avoir une foi aveugle dans les statistiques, tout en reconnaissant leurs imperfections et leurs lacunes, on ne saurait nier l’intérêt qu'il y a à mesurer de temps en temps aussi exactement que possible les transformations de la so­ ciété indigène en Tunisie, particulièrement sous le rapport de l’habitation rurale, afin de juger des progrès accomplis et de ceux qui restent à réaliser.

(l) Les deux premiers sont publiés dans la Statistique générale de la Tunisie, 1881-1892, p. 38-42. Les recensements de 1895 et de 1906 n’ont été que partiels. — Voir aussi Monchicourt, La Région du Haut-Tell en Tunisie, Paris, 1913, p. 392. ENQUÊTE

SUR L’HABITATION RURALE DES INDIGÈNES DE LA TUNISIE

La Tunisie peut être définie le versant oriental de la Berbé- rie. Au point de vue de la géographie physique, elle commence là où les eaux, les vallées, les communications cessent de se di­ riger vers le Nord, comme en Algérie, pour s’orienter vers l’Est. La Tunisie ne renferme pas de massifs- montagneux aussi élevés ni surtout aussi compacts que ceux de l’Algérie. En gé­ néral, les plaines et les montagnes y alternent partout comme les cases d’un damier. Les cultures et les aires incultes n’ont pas chacune leur périmètre séparé; elles s’enchevêtrent les unes dans les autres, et le pays laisse une impression de fraction­ nement, non seulement en tant que relief et nature du sol, mais encore au point de vue végétal et agricole. Chaque comparti­ ment a sa physionomie propre et contraste avec le comparti­ ment voisin. C’est le climat et l’abondance plus ou moins grande des pluies, plus encore que le relief, qui déterminent en Tunisie les différentes régions naturelles. Au Nord de la vallée de la Med- jerda, on rencontre une région très forestière, la Kroumirie, puis les plaines agricoles du Béjaoua, de Bizerte et de Tunis. Au-delà de la presqu’île du Cap Bon, pays de collines et de cultures maraîchères, en bordure de la mer des Syrtes, des plaines basses, au sol sableux en général, très favorables à la culture de l’olivier, s’étendent jusqu’à Gabès : ce sont les Sahels de Sousse et de Sfax. Au Sud de la vallée de la Med- 2 l'habitation rurale des indigènes jerda, les régions montagneuses sont décharnées et décapées; la terre végétale y fait à peu près complètement défaut; il n’y pous­ se que quelques broussailles; les plaines alluviales au contraire sont favorables à la culture. On peut distinguer dans la Tunisie centrale deux grandes zones, délimitées par Taxe principal de la dorsale tunisienne : la zone qui occupe le versant Nord-Ouest de la dorsale est relativement bien arrosée; elle fait encore partie du Tell, ou, comme on dit en Tunisie, de la Fri- guia; le versant Sud-Est est déjà du domaine de la steppe; il correspond aux régions de Thala, de , de Kairouan, aux­ quelles succèdent les cultures irriguées des oasis du Sud et de TExtrême-Sud tunisien W. En raison de la situation de la Tunisie en bordure de la mer des Syrtes, les contrastes sont beaucoup moins accusés qu’en Algérie entre le Tell, la steppe et le Sahara. Le Tell est à derni- steppien dans certaines parties, et la steppe à demi-tellienne. Enfin le Sahara tunisien est beaucoup moins déshérité que ne l’est en général le Sahara algérien. Non seulement il renferme de magnifiques régions d’oasis comme le Djerid, mais les in­ fluences maritimes ont permis le développement des cultures ar­ borescentes dans des régions très méridionales. Les caractéristiques essentielles de l’habitation rurale sont les mêmes en Tunisie qu’en Algérie, parce que les conditions de vie sont au fond les mêmes. En Tunisie comme en Algérie, on distingue les habitations mobiles, qui sont les tentes, et les habitations fixes, gourbis et maisons. Mais beaucoup de moda­ lités diffèrent, comme diffèrent les modalités géographiques. Enfin on trouve dans l’Extrême-Sud tunisien deux formes d’ha­ bitations très originales, au moins sous la forme qu’elle y af­ fectent, les ghorfas et les habitations souterraines. 1

(1) Ph. Thomas, Essai d'une description géologique de la Tunisie, i” partie, Géographie physique, Paris, 1907, p. 44. — L. pervinqtjière, La Tunisie centrale, (Annales de Géographie, ix, 1902, p. 453). CHAPITRE PREMIER

LA TENTE'1'

La Tunisie — c’est une conséquence de sa structure —- renferme peu de nomades à migrations étendues comme ceux qui parcourent les vastes steppes de l’Algérie intérieure. Les pasteurs et leurs troupeaux se déplacent à courte distance, effectuant simplement des mouvements de la montagne à la plaine la plus voisine et inversement. Mais il y a des exceptions à cette règle. Certains nomades du Centre et du Sud remontent jusque dans les régions les plus septentrionales de la Tunisie, à la recherche de pâturages, surtout dans les années sèches, qui sont malheureusement assez fréquentes. C’est ainsi que les Métellit de la région de Sfax vont en été dans la région de Rizer- te; les Djelass de Kairouan et les Souassi de Sousse estivent dans le contrôle de Réja. En Tunisie comme en Algérie, on Irouve des indigènes qui habitent la tente toute l’année, d’autres qui utilisent alternati­ vement la tente et le gourbi, suivant les saisons, suivant aussi leurs goûts et leurs préférences. Tout au plus peut-on noter qu’en Algérie, chez les indigènes qui ont à la fois tente et gour­ bi, la tente en général est utilisée plutôt en été, le gourbi étant la résidence d’hiver (mechta), tandis qu’en Tunisie l’inverse se produit assez fréquemment. Il faut y voir le plus souvent la con­ séquence de particularités géographiques, climatiques ou cul­ turales propres à certaines régions. Les tentes présentent peu de variétés et sont d’un type à peu près identique (fig. 1). Elles occupent en Tunisie de très vastes espaces. Du Nord au Sud, en même temps que le climat rend la culture de plus en plus aléatoire, la quantité des habitations stables baisse et celle des demeures déplaçables augmente, sauf bien entendu dans les oasis. Si l’on fait abstraction des tentes venues du Sud en estivage, 1

(1) Voir les phot. pi. I, à la fin du volume. 4 l’habitation rurale des INDIGÈNES on n’en rencontre guère dans les massifs littoraux, ni dans les régions forestières situées au Nord de la vallée de la Medjerda, non plus que dans la région de Tunis. Les contrô­ les de Béja, de Bizerte, de Medjez-el-Bab signalent leur absence complète. Dans le contrôle de Tunis, les tentes (310 environ)» ne sont utilisées que par les bergers. Dans le contrôle de Té-

FIG 1. — Tente tunisienne. boursouk, elles sont très peu nombreuses et leur chiffre a con­ sidérablement diminué : il y avait en 1895 dans ce contrôle 1.931 tentes et 247 maisons; en 1906, 303 tentes et 2.337 maisons ou gourbis; en 1921, 176 tentes et 3.960 maisons ou gourbis. Sans pratiquer à proprement parler le demi-nomadisme, un certain nombre d’indigènes de cette région ont l’habitude de changer leur résidence deux fois par an; ils s’installent dans les plaines au moment des travaux agricoles et remontent dans la monta­ gne en hiver. Mais ces déplacements dépassent rarement 3 ou 4 kilomètres, et ils reviennent régulièrement à leurs emplace­ ments d’hiver ou d’été une fois qu’ils les ont choisis. Dans Je contrôle de , les tentes sont relativement assez répandues dans quelques cheikhats, notamment dans ceux de , de Mdaïssa, de Dradra, de Mrada et Ferjane; leur présence a lieu de surprendre dans cette région du Cap- Bon, si propre à la culture arbustive et maraîchère et on est tenté d’y voir une survivance, un résidu de quelque migration de nomades. Les tentes deviennent plus fréquentes au voisinage des plai­ nes de la Medjerda et de la frontière algérienne. LA TENTE 5

Tabarka. — La tente, absente des régions forestières, apparaît dans la partie de la Kroumirie qui avoisine la plaine (eheikhats des Tebaïnia et Rekhaïcia, des Hedil et Jouaouda, des Ou- lad Msellem). Dans ces eheikhats, la tente en poil de cha­ meau, laine et poil de chèvre coexiste avec le gourbi chez les gens moyennement aisés; elle est utilisée en hiver, parce qu’elle est plus chaude, et le gourbi en été. Le nombre des tentes est encore d’un millier; il diminue peu à peu.

Souk-el-Arba. — Presque exclusivement composée d’agriculteurs et d’éleveurs, la population indigène de la circonscription est disséminée et ne constitue aucune agglomération im­ portante. Tout au plus rencontre-t-on de distance en dis­ tance des douars réunissant ordinairement des individus d’origine familiale commune et les khammès à leur ser­ vice. Selon la situation de fortune des occupants, le douar se compose aussi bien de constructions en maçonnerie que de gourbis et de tentes, pêle-mêle. Il n’existe pas de no­ mades dans le contrôle. Tout au plus certains agriculteurs, éloignés de leurs terres de cultures, transportent-ils leur tente de la mechta ou du douar sur ces terres au moment des labours ou à l’époque de la moisson. Le double emploi de la tente et du gourbi s’explique par le fait que la toiture en branchages et en chaume, voire même celle constituée par de la terre battue, laisse s’in­ filtrer l’eau des pluies, ordinairement abondantes dans la région; l’habitant se réfugie sous la tente, parfaitement étanche et chaude en hiver, tandis qu’il y trouve une fraîcheur relative en été, alors que le gourbi s’échauffe, faute d’ouvertures autres que la porte d’entrée.

Le Kef. — Les tentes, moins répandues que les gourbis et les maisons dans le caïdat du Kef, sont à peu près aussi nombreuses que les autres formes d’habitation dans le caïdat de Tad- jerouine. Les fractions campant au voisinage de l’Algérie s’abritent sous des tentes, dans la crainte des razzias tou­ jours possibles de leurs voisins.

Maktar. — Les indigènes du caïdat des Oulad-Aoun vivaient autre­ fois à l’état nomade; ils émigraient périodiquement dans les régions fertiles soit pour s’y approvisionner, soit pour y faire paître leurs troupeaux. Ils habitaient alors sous la tente, comme la plupart des indigènes de la Régence; mais ils ont été des premiers depuis longtemps à préférer 6 l’habitation rurale des indigènes

le domicile fixe à l’habitation mobile. Sauf dans le chei- khat d’El-Ghar, le nombre des tentes est faible dans ce caïdat. En 1895, on comptait 1365 tentes et 281 maisons; en 1906, 749 tentes et 1525 maisons ou gourbis; en 1921, 578 tentes et 3865 maisons ou gourbis; l’évolution est, on le voit, très rapide. Quant aux indigènes du caïdat des Oulad-Ayar, il y a une trentaine d’annés, ils vivaient encore tous à l’état nomade, sous la tente, en compagnie de leurs troupeaux, sauf les indigènes des cheikhats de la Kessera, d’El-Garia et de Mansoura, depuis longtemps sédentaires. Depuis u.i quart de siècle environ, les Oulad-Ayar se sont mis à construire des gourbis ou des maisons; ils n’ont cependant pas abandonné la tente, qu’ils utilisent pendant l’été. Seules, les tribus des Hababsa et des Louata semblent avoir été-réfractaires à toute transformation de leurs ha­ bitations. Tout compte fait, dans le caïdat des Oulad- Ayar, les tentes sont beaucoup plus répandues que chez les Oulad-Aoun et en nombre à peu près égal à celui des maisons.

Zaghouan. — Dans le contrôle de Zaghouan, certains cheikhats ne renferment pas de tentes; d’autres en ont un petit nom­ bre, habitées seulement l’été par des familles qui rési­ dent dans la zone forestière et qui descendent dans la plaine en saison chaude pour éviter les incendies de forêts Seuls, les indigènes' du cheikhat d’El-Ourazla, qui ne sent pas groupés en villages, vivent pour la plupart sous la tente; on en compte 580 dans cette seule cir­ conscription.

Kairouan. •— Les habitants des deux caïdats de Kairouan et des Djelass, mais plus particulièrement de celui des Djelass, sont pour une grande partie des semi-nomades. Tous les ans, un certain nombre d’indigènes, dont le chiffre est beaucoup plus élevé dans les années de disette, partent en mai-juin pour faire la récolte dans le Nord de la Tunisie et reviennent dans leurs territoires à l’époque de la matu­ rité des figues de Barbarie. Cette population vit sous la tente, mais la sédentarisation et la construction font de remarquables progrès. Il y a dans le caïdat de Kairouan 2.678 tentes contre 8.337 gourbis ou maisons; dans le caï­ dat des Djelass, 7.031 tentes contre 4.974 gourbis ou mai­ sons.

Sousse. — Dans le caïdat de Sousse, les tentes ne se rencontrent que dans les quatre cheikhats de Kroussia, Essed, Mehadba LA TENTE 7

et Oularï-el-Hani; partout ailleurs, il n’y a que des maisons. Dans le khalifalik de l’Enfida, il y des tentes dans presque tous les cheikhats, mais en nombre très inférieur à celui des maisons. Presque point de tentes non plus dans le eaïdat de , ni dans celui de Monastir. Au contraire, les indigènes du eaïdat des Souassi ont conservé un grand nombre de tentes (2.724 contre 3.325 gourbis ou maisons). Avant l’établissement du protectorat, ils étaient nomades, ne s’occupant que de l’élevage intensif des moutons et des chevaux et ne se fixaient dans le eaïdat que dans les années de bonne récolte. Depuis l’occupation, ils ont commencé à se sédentariser; seuls, les pauvres quittent le eaïdat pour aller dans le Nord de la Tunisie ou procéder à la cueillette des olives dans le Sahel et dans la région de Sfax. La population devient de plus en plus sédentaire par suite de l’extension de la cul­ ture de l’olivier. Les tentes, habitées par les gens de la classe moyenne et de la basse classe, se divisent en deux groupes : la tente habituelle et le telouche, qui sert d or­ dinaire d’habitation aux bergers. Leur nombre va sans cesse en diminuant; il était de 4955 en 1909; il n’est plus actuellement que de 2724.

Sfax. — Dans le eaïdat de Sfax, les tentes, absentes ou très rares dans certains cheikhats, ne sont nombreuses que dans les cheikhats d’El-Ketatna, d’El-Kheriba, El-Kecharna, El- Ajenga, Oulad-Sidi-Hassen, Oulad-el-Hadj, El-Hencha et Djemal, ainsi que dans ceux situés au Sud de Sfax ; dans ces cheikhats, la population habite la tente l’hiver, le gourbi en été et en automne. Depuis dix ans environ, les indigènes de ces cheikhats tendent à se sédentariser. Quant au eaïdat de la , la population, essentielle­ ment nomade, n’utilise que des tentes. A peine trouve- t-on à signaler quelques maisons réunies dans les centres importants. * * *

Dans les circonscriptions que nous venons de passer en re­ vue, les tentes sont en général mêlées en proportion plus ou moins forte aux gourbis ou aux maisons, mais presque tou­ jours moins nombreuses que les autres catégories d’habita­ tions. La préférence donnée à la tente par tel ou tel groupe' d’indigènes paraît résulter parfois plutôt d’une tradition ou d’un goût que d’une véritable nécessité. En tout cas, le genre 8 l’habitation rurale des indigènes de vie et les occupations ne diffèrent guère entre les habitants de la tente et ceux du gourbi. Bien des gens, comme le signa­ lent les rapports, ont à la fois leur maison et leur tente. Nom­ breux sont ceux qui dressent l’été le bit-ech-chaar auprès du dar, soit par ata visme, soit par désir d’avoir un abri plus aéré le jour et plus frais la nuit. La tente est dans ce cas, comme le dit M. Monc'hicourth), une sorte de villa ambulante, qui double la maison et la supplée à l’occasion : rôle modeste, mais sus­ ceptible lui aussi de contribuer à la persistance de la tente jusque dans les régions les plus fertiles de la Tunisie. Tout autre est le rôle de la tente dans les régions plus mé­ ridionales; au Sud d’une ligne Nord-Ouest-Sud-Est, traversant obliquement la Tunisie et tirée-approximativement de Thala à Mahrès, s’étend une zone vraiment steppienne, dans laquelle l’élevage a beaucoup plus d’importance que la culture et qui ren­ ferme les populations les plus nettement pastorales de la Tu­ nisie. Ici, les tentes sont prépondérantes et les habitants des tentes s’opposent à ceux des maisons d’une façon beaucoup plus marquée que dans la zone précédente. Cette zone corres­ pond essentiellement aux contrôles de Thala et de Gafsa, aux­ quels il faut joindre les Souassi, qui dépendent de Sousse, les tribus de la Skhira, qui dépendent de Sfax, les Sidi-Abid, qui se rattachent à Tozeur, les Beni-Zid, qui relèvent de Gabès :

Thala. — Les tribus des Fraichich et des Majeur, qui habitent le contrôle de Thala, sont des populations encore adonnées en grande partie au nomadisme et à la vie pastorale. Aussi la tente demeure le mode d’habitation dominant (11.514 tentes contre 4896 gourbis ou maisons). Les Frai­ chich sont d’ailleurs encore plus exclusivement pasteurs que les Majeur et plus réfractaires à la sédentarisation.

Gafsa. — En dehors d’un petit nombre d’agglomérations, la popu­ lation est nomade. Elle emploie la tente en poil de cha­ meau et lorsqu’elle est semi-nomade, elle habite des gour­ bis qu’elle abandonne seulement au printemps.

Tozeur. — La fraction nomade des Sidi-Abid tunisiens fait partie du khalifalik de ; elle compte 736 tentes. Une di-

(1) Ch. Monchicoürt, La Région du Haut-Tell en Tunisie, Paris, 1913, p. 397. LA TENTE 0

zaine de familles de cette fraction se sont sédentarisées depuis dix ans. Un nombre important d’Oulad-Sidi-Abid tend vers un semi-nomadisme. Jadis exclusivement pas­ teurs, ils ensemencent aujourd’hui les terres irrigables d’El-Khrioua, près de Chebika. Deux fractions de Tozeur, Chabbia et Guitna, vivaient autrefois sous la tente; les premiers sé sont sédentarisés en 1840, les seconds en 1870.

Gabès. — Les tribus nomades du contrôle de Gabès sont les Beni- Zid, les Hamerna, les Hazem et les Ghaïra; le nombre des tentes êst de 3.930. Certaines fractions, comme celles des cheikhats de Zarath,de Kettana, appartenant à la tribu des Hamerna, ne sont qu’à demi-nomades, composées principa­ lement d’agriculteurs et de marins; d’autres, comme celles du cheikhat de Zarkin, sont surtout des ouvriers travaillant à la fabrication du charbon et du goudron. Une fraction des Beni-Zid, les Debdaba, est sédentaire, propriétaire de pal­ meraies dans l’oasis d’El-Hamma. Les tentes se déplacent suivant la saison; en hiver et au printemps, elles sont éparses dans tout le territoire de l’Aradh; certaines tribus mêmes, notamment les Ghaïra, vont s’installer sur le territoire de la Skhira, au Henchir de Sidi-Meheddeb, à Henchir-Bou-Saïd, à Sbih et à Malha. En automne, les nomades se rapprochent des oasis pour la récolte des dattes. Autour de l’oasis de Bou-Chemma viennent camper des centaines de tentes appartenant à des tribus étrangères au caïdat de l’Aradh, des Mehadba, des Neffat, des Hemmama, etc. Ce caractère de régularité dans le choix des emplacements n’est plus observé pen­ dant les années de sécheresse, les nomades se transpor­ tant alors sur les territoires où se trouvent des pâturages.

Djerba. — Tous les indigènes de Djerba sont nettement sédentaires. Seuls, quelques nomades venus du continent à l’époque des dattes ou des raisins viennent camper avec leurs tentes pendant deux ou trois mois auprès des menzels.

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Dans l’Extrême-Sud tunisien, le rôle de la tente se modifie encore, parce que d’autres conditions économiques tendent à prévaloir. L’importance relative de l’industrie pastorale est moindre et celle des cultures arbustives plus grande que dans la steppe des Fraichich et des Majeur. Le pays est d’ailleurs à peu près vide en dehors des oasis, autour desquelles gravitent 10 l’habitation rurale des indigènes les nomades. Ou plutôt, c’est une nouvelle forme de semi-no­ madisme qui domine. La tente n’est habitée que pendant une partie de l’année, et ce sont les mêmes indigènes qui l’utilisent en certaines saisons, et qui résident dans les ksours pendant d’autres périodes. En hiver, ils se déplacent avec leurs trou­ peaux et s’occupent de leurs cultures de céréales; en été, ils soignent leurs jardins et font la récolte de leurs arbres à fruits, dattiers, figuiers, oliviers. Au fur et à mesure que les cultures arborescentes s’étendent et se développent, les tentes dispa­ raissent et la sédentarisation s’accroît :

Kebili. — Au Nefzaoua, les Ghribs, qui comptent environ 200 fa­ milles, vivent sous la tente et estivent dans les villages du cheikhat de Zarcine. Les indigènes des cheikhats de Zarcine et d’El-Guelaâ sont des semi-nomades, qui aban­ donnent leurs villages de janvier à juin pour vivre sous la tente. Il en est de même des habitants de Ghelitia, des Mrazigue de et d’El-Aouina, des indigènes de Sa- bria. D’une manière générale, tous les indigènes du Nef­ zaoua méridional, au Sud de , habitent la tente de février à juin et nomadisent dans cette saison à travers le Sahara tunisien. Presque tous les indigènes du ­ oua possèdent d’ailleurs une tente, qu’ils emploient lors de leur séjour sur les terrains de labours ou au printemps lorsqu’ils font leurs provisions de beurre pour l’année. On peut estimer que le nombre des tentes du Nefzaoua est de 5.000 à 6.000.

Matmata. — Chez les Matmata, il n’y a presque point de tentes. Elles ne servent d’ailleurs que pendant deux ou trois mois de printemps au maximum; on les déplace suivant les besoins pour faire la récolte.

Zarzis. — Avant l’occupation française, les indigènes du territoire de Zarzis vivaient surtout sous la tente ou dans des gour­ bis. Depuis l’occupation française, les djichs sont de­ venus de plus en plus rares et ont complètement dis­ paru à l’époque actuelle; les indigènes ont pris confiance et se sont attachés aq sol. Ils sont ce qu’on pourrait appeler des tiers de nomades : ils ne quittent leurs de­ meures fixes pour aller vivre sous la tente qu’à une seule époque de l’année, du 15 février au 1.5 juin, afin de mener leurs troupeaux au pâturage et de faire la récolte de l’orge. LA TENTE 11

Tataouine. — Une partie de la population de l’annexe de est demi-nomade. Ses déplacements sont restreints et s’effectuent dans un rayon de 80 kilomètres au maximum. D’octobre à avril, c’est la vie sous la tente avec les trou­ peaux, que l’on éloigne des cultures pour les faire pâ­ turer sur les vastes terrains de parcours de la région Sud du territoire, les uns dans le Dahar, les autres dans la Djefara. A cette époque de l’année, les ksours sont à peu près vides; les gens aisés, qui peuvent avoir des bergers à leur service, ne se déplacent pas; il en est de même des pauvres qui ne possèdent pas de troupeaux. Au mo­ ment de la saison chaude, tout le monde rentre. Les ré­ coltes sont emmagasinées dans les ksours, qui se peuplent d’habitants, ainsi que les jardins pendant la période des figues.

Médenine. — En octobre, les populations du territoire de Médenine nomadisent dans le Dahar ou dans la Djefara; les pre­ mières pluies ont suffisamment arrosé le sol; c’est l’é­ poque des labours et des semailles. Jusqu’à la mois­ son, les indigènes vivent sous la tente, groupés par fa­ milles ou douars et faisant paître leurs troupeaux aux environs des terrains de labours. Vers la fin du mois de mai, dès l’apparition des chaleurs estivales, ils se rap­ prochent des ksours, et, durant trois ou quatre mois, ils s’occupent des jardins, réparent les barrages qui ont été emportés par les eaux pluviales, cueillent les fruits : figues, dattes, olives, etc. Pendant tout l’été, ils habitent des maisons ou des huttes et reprennent ensuite la vie nomade.

Ben-Gardane. — Les Touazine, qui habitent l’annexe de Ben-Gar- dane, étaient exclusivement nomades avant l’occupation française; ils vivaient la majeure partie de l’année sous la tente, se déplaçant avec leurs troupeaux de pâtu­ rage en pâturage. A l’époque de la récolte des figues, les familles, en grand nombre, se rendaient dans les jardins qu’elles possédaient sur le territoire de Méde­ nine et y passaient l’été. La tente était employée par la plus grande partie de la population; quelques indigènes l’abandonnaient cependant en été pour s’installer dans des huttes. A cette époque, aucune construction en ma­ çonnerie ne servait d’habitation. " Dès le début de l’occupation française, l’autorité mi­ litaire s’est attachée à l’amélioration des conditions d’e­ xistence des nomades, en s’efforçant de les fixer autour d’un centre communal. Cette tentative a été couron­ 12 l’habitation rurale des indigènes

née de succès et depuis trente ans, le mode d’habita­ tion des Touazine a sensiblement évolué. La majorité de la population continue à utiliser la tente, en se dépla­ çant avec les troupeaux depuis l’époque des labours jusqu’après la récolte. Vers le milieu de juin, les bergers restent seuls sur les terrains de parcours et les Toua­ zine s’installent dans leurs jardins à Médenine ou à Ben- Gardane. Ainsi, peu à peu, le nomadisme tend à dispa­ raître. * * *

On voit combien le rôle de la tente diffère suivant les régions. Mais, presque partout, les progrès de la sédentarisation sont très marqués, comme le montrent les rapports que nous ve­ nons d’analyser et de citer. En même temps que la proportion relative des tentes diminue, elles ne s’assemblent plus comme jadis en zmalas; les grands groupements ont disparu et il n’y a plus, dans le Tell tout au moins, que des douars médiocres, comprenant tout au plus une dizaine de tentes. CHAPITRE II

LE GOURBI M

Le gourbi est regardé en général comme une forme intermé­ diaire, une sorte d’étape entre la tente et la maison. Cette ma­ nière de voir ne correspond pas toujours à la réalité et il faut faire à cet égard quelques réserves. Il y a en effet des catégo­ ries très différentes de gourbis; elles sont désignées par des noms divers, mais, comme les mêmes noms ne s’appliquent pas dans toutes les régions à des constructions identiques, la distinction n’est pas toujours aisée. Les deux principales sortes de gourbis sont le kib (pi. kiab), hutte en branchages ou en paille, et la maamra (pl. maamir), case dont les murs sont en moellons ou en toub et le toit en chaume. La maamra est réellement une construction intermé­ diaire entre la tente et la maison proprement dite. Le kib au contraire est le refuge de ceux qui sont à la fois trop dénués d’argent pour se bâtir une maison et trop pauvres en trou­ peaux pour avoir la laine indispensable à la fabrication de la tente. 11 faut encore classer à part le bortal, sorte de hangar destiné surtout au bétail, et certaines formes spéciales qui se rencontrent dans l’Extrême-Sud, et qu’on désigne par des noms particuliers, tels le khoss et la lahia. Les gourbis sont surtout répandus dans le Nord de la Tuni­ sie, où ils occupent de vastes régions à l’exclusion de toute autre forme d’habitation :

Tabarka. — Dans le contrôle de Tabarka, les indigènes de la région forestière habitent presque tous des gourbis de bran­ chages et de pierres sèches recouverts de diss. Ces gour­ bis sont généralement déplacés deux fois dans l’année, mais à des. distances très-courtes; au commencement de l’hiver, les indigènes s’approchent de la forêt pour s’abriter du vent, des chutes de neige et avoir à portée de la main des branchages pour l’alimentation du bé-

(1) Voir pl. I, II et III. Ü l’habitation rurale des indigènes

tail, quand le mauvais temps l’empêche de sortir des gourbis; au printemps, ils s’éloignent de la forêt pour avoir plus d’air et courir moins de risques en cas d’in­ cendie.

Béja. — Dans le contrôle de Béja, les gourbis sont le mode d’habi­ tation général des indigènes. On les appelle ici maam­ ras. Les maamras sont construites en pierres sèches posées les unes sur les autres et recouvertes par du diss et des chaumes, soutenus par des perches. On rencon­ tre parfois dans les douars de maamras des bortals ou hangars pour servir d’abri des animaux. Ces bortals sont construits, comme les maamras, avec du diss et des chaumes soutenus par des perches.

Bizerte. — Dans le contrôle de Bizerte, les gourbis ou constructions similaires se présentent sous des formes variées. On distingue : 1° le gourbi fait uniquement de branchages, qu’on voit surtout dans la région de ; le toit est soit en bruyère près des forêts, soit en paille et bran­ chages dans la plaine; 2° le gourbi entouré d’un mur en pierres sèches d’une hauteur de 0m 50 à 0m 60, le toit étant formé de branchages; 3° le gourbi en toub, mé­ lange de terre et de paille que l’on cuit au four après l’avoir moulé dans des formes qui ont 45x25; on lie ces sortes de briques par du mortier de terre mélangée de chaux; on blanchit le tout avec de la chaux; le toit est fait de branchages, de paille ou de diss, avec un en­ duit de terre glaise; certains gourbis en toub présentent des dimensions assez vastes, 5m à 6m de long sur 3m de large; cette sorte de gourbi est fréquente le long des oueds, par suite de la proximité de l’eau et de la terre argileuse; 4° les kibs en terre recouverts d’un toit en perches, en chaume, en roseaux ou en diss; 5° les kibs en pierres et terre recouverts d’un toit en roseaux ou en algues.

Souk-el-Arba. — Le gourbi est l’habitation préférée des habitants du contrôle de Souk-el-Arba. Le gourbi recouvert de diss ne se rencontre guère que dans la région monta­ gneuse et à proximité des peuplements de diss. Dans la plaine, c’est le chaume qui est utilisé. Les murs de ces gourbis sont généralement édifiés en toub, ou, à l’ap­ proche des ruines romaines, en pierres sèches. Il y a lieu de remarquer que les indigènes se préoc­ cupent souvent d’abriter leurs animaux dans une écurie LË GOURBI iS

ou une étable bâtie dans de bonnes conditions avant d’a­ bandonner eux-mêmes la tente ou le gourbi pour une construction plus confortable. Une des causes de la rareté des constructions en ma­ çonnerie est que la pierre fait défaut dans la cuvette qu’occupe la plaine de Souk-el-Arba, dont le sol, foimé d’alluvions, est mouvant au point de déterminer des lé­ zardes dans les constructions européennes les plus so­ lidement édifiées. La pierre abonde, il est vrai, dans la montagne; d’assez nombreux vestiges romains attestent son emploi. Mais elle est d’une extraction et d’un façon­ nage difficile; en outre, le manque de voies de communi­ cation rendrait très onéreux le transport des matériaux de construction.

Téboursouk. — La majorité des indigènes du contrôle de Tébour- souk habite des gourbis. La plupart sont construits en pierres sèches entassées les unes sur les autres; quel­ ques-uns seulement sont construits en toub, surtout dans la plaine où la pierre est rare. Les toits sont for­ més de branchages entre-croisés recouverts de guechch et de diss. On rencontre un certain nombre de bortals, surtout dans le cheikhat de la banlieue; ces abris, ré­ servés aux animaux, sont caractérisés par l’absence de clôture sur un des côtés, qui sert ainsi à l’éclairage et à l’aération.

Medjez-el-Bab. — Les habitations consistaient surtout autrefois en gourbis de branchages recouverts de chaume. Quelques années après l’installation des colons français dans la région (vers 1907), on a commencé à les remplacer par des kibs ou gourbis construits en terre pétrie et façon­ née en sortes de briques séchées au soleil. Ces gourbis, se composant d’une seule chambre, sont couverts en chaume de céréales ou en diss. Peu à peu, le fellah aisé répudie ce mode d’habitation pour le remplacer par des maisons.

Tunis. — Les kibs ou gourbis fixes, au nombre de 7.543 environ, ser­ vent uniquement de logement aux khammès et aux petits fellahs ne possédant pas de terrain. Ils se présentent en­ core aujourd’hui dans l’état où ils se trouvaient avant l’occupation, avec leurs murs en toub ou en pierres et leurs toits en bois, en roseaux, en chaume ou en diss.

Le Kef. — Dans le contrôle du Kef, les bourgades indigènes sont rares; la plupart des habitants vivent en douars très 16 l’habitation bubale DES INDIGÈNES

espacés, dans lesquels sont mélangés les maisons, les tentes et les gourbis. Les indigènes n’ont modifié et amé­ lioré leurs logements que depuis une quinzaine d’an­ nées et encore ne l’ont-ils fait que dans une faible pro­ portion.

Maktar. — Dans le caïdat des Oulad-Aoun, les indigènes ont en général substitué le gourbi à la tente. On peut dis­ tinguer les gourbis en pierres sèches recouverts de bran­ chages et de chaume, appelés maamra, les huttes cy- lindro-coniques construites en troncs d’arbres et recou­ vertes de chaume et de terre, enfin les kibs ou kim, éga­ lement recouverts de branchages, de chaume ou d’her­ bes. Dans le caïdat des Oulad-Ayar, les indigènes des cheikhats de la Kessera, d’El-Graoua et de Mansoura, sédentarisés de longue date, habitant des gourbis re­ couverts de branches de pin et de terre. Depuis un quart de siècle environ, les indigènes des autres cheikhats se sont mis eux aussi à construire des gourbis du môme type.

Zaghouan. — Les gourbis sont appelés kiab ou maamir. Les kiab sont en général des habitations provisoires, construites par des indigènes qui ne sont pas fixés définitivement sur une terre déterminée (locataires, khammès, etc.). Ils sont faits avec des perches rapprochées les unes des autres. A l’intérieur, des nattes de diss ou d’alfa sont appliquées contre les perches pour protéger les habitants des intempéries. A l’extérieur, les perches reçoivent un revêtement de branchages, en général de lentisques. La toiture est formée par des perches recouvertes de chaume ou de diss, quelquefois de roseaux. Les maamir, qui sont les habitations fixes de la majo­ rité des indigènes du caïdat, ont tantôt des murs en pierres sèches consolidés avec de l’argile, tantôt des murs en pisé ou loub. La toiture est faite de perches rapprochées qu’on réunit le plus souvent avec des lau­ riers-roses et qu’on recouvre de dis s ou de chaume. En général, le diss et le chaume sont préparés en nattes avant d’être placés sur la toiture. La toiture des maa­ mir ainsi faite est presque toujours recouverte d’une couche d’argile. Assez souvent, pour éviter de faire aux maamir des murs trop élevés, les indigènes creusent le sol d’environ 50 centimètres à l’intérieur. Cela leur donne plus de hauteur de toiture, tout en maintenant ces constructions assez basses pour donner peu de pri­ se au vent. LË GOURBI 1?

On trouve dans la circonscription un certain nombre de bortals, qui sont des hangars pour abriter les ani­ maux, faits en perches et branchages et couverts de chau­ me ou de diss, la plupart du temps adossés aux maamir ou aux maisons. Les indigènes habitaient 'autrefois sous la tente; ce n’est que depuis environ trente ans qu’ils ont com­ mencé à construire des gourbis, d’abord des kiab, puis des maamir, enfin des maisons.

Kairouan. — Les gourbis sont à peu près aussi nombreux que les tenles dans les divers cheikhâls du caïdat de Kairouan (2.874 gourbis et 2.678 tentes), moins nombreux dans celui des Djelass (1.407 gourbis et 7.031 tentes).

Sousse. — Dans les caïdats de Sousse et de Monastir, les semi-no­ mades et les métayers habitent en général des maamras, gourbis en pierres sèches ou en toub recouverts de paille, ce qui leur permet de rester à proximité de leurs trou­ peaux ou de leurs oliviers. Ce genre d’habitation est encore assez fréquent, soit par suite de la rareté de la pierre, soit par suite des frais trop élevés qu’entraînerait son trans­ port dans certaines régions. II y a très peu de gourbis dans le caïdat de Mahdia. Dans celui des Souassi, les gourbis appartiennent surtout à la catégorie des kibs, que les indigènes édifient après avoir creusé un sillon circu­ laire d’une profondeur d’un mètre, dans lequel sont placés des troncs de cactus ou des poutres; cette cloison circu­ laire est recouverte de chaume, enduit d’un mélange de paille et d’argile; ces kibs n’abritent guère plus de deux personnes et servent à la basse classe.

Sfax. — Dans le contrôle civil de Sfax, les tentes sont abandonnées en été et en automne pour les gourbis, construits en branches d’oliviers, paille et terre. Les cheikhats où on rencontre des gourbis sont les mêmes que ceux qui uti­ lisent la tente en hiver.

Thala. — Dans le contrôle de Thala, les gourbis construits en pierres sèches ne se rencontrent que dans les plaines où les in­ digènes se livrent à l’agriculture et tiennent à demeurer à proximité de leurs champs (Bir-Majna, fraction des Oulad-Ali, Aïn-Hamadna, Ouldjet-ed-Dhol, ). Les abris légers dont les murs sont en toub ou en bran­ chages s’élèvent pour la plupart dans les mêmes ré­ gions, mais en moins grand nombre, les rigueurs du 18 l’habitation rurale des indigènes

climat et surtout les chutes de neige provoquant trop facilement leur écroulement. On trouve quelques bor- tals dans les lieux boisés où les forêts fournissent les éléments nécessaires à leur construction.

Gafsa. — Quelques semi-nomades habitent des gourbis, qu’ils aban­ donnent seulement au printemps. Ces gourbis, groupés en douars, sont construits en terre sèche ou en pierres et recouverts de branchages avec de l’alfa et du diss. Mais, d’une manière générale, dans toute la région qui s’étend au Sud de la dorsale tunisienne, les tentes pré­ dominent d’une manière exclusive et les gourbis n’ont qu’un rôle assez effacé.

i ** *

Dans les régions d’oasis, on rencontre des gourbis, mais ils diffèrent de ceux du Nord et ne répondent pas tout-à-fait aux mêmes besoins. Ils ne constituent pas des douars isolés dans la campagne : ils sont le plus souvent une annexe des villages; édifiés au milieu des jardins ou à leur lisière, ils servent d’ha­ bitation à la partie la plus pauvre de la population :

Tozeur. — Au Djerid, les gourbis (1.100) sont disséminés dans les villages; ils sont presque toujours attenant aux mai­ sons. Les murs et la toiture sont en majeure partie en troncs de palmier et en djerids (palmes). Un certain nombre de gourbis ont leurs parois faites de troncs de palmiers placés verticalement, aussi rapprochés que possible; l’intervalle entre deux troncs est rempli avec du pisé.

Gabès. — A Gabès, on distingue le kib des nomades et celui des oasis. Le premier est une construction très fragile, aussi ra­ pidement érigée que démolie; il est habité en été par les indigènes, qui en cette saison désertent la tente. Le kib des oasis est plus solidement construit et abrite dans les jardins les familles des citadins en été et en au­ tomne. Les gourbis, de forme rectangulaire, sont cons­ truits en branches de palmiers, de tamarix, tiges de céréales, alfa et herbes sèches.

Djerba. — Auprès des maisons de Djerba, on voit fréquemment une hutte appelée khoss, de 2 ou 3 mètres de côté et de 2 LË GOURBI 19

mètres environ de hauteur, construite en nattes de sorgho^ que soutiennent des branches de palmier. Cette hutte est affectée le plus souvent à l’usage de cuisine et les domestiques, surtout pendant l’été, aiment à y passer la nuit. Quelques nomades venus du continent à l’époque des dattes ou des raisins y habitent aussi parfois.

Kebili. — Au Nefzaoua, le gourbi en troncs de palmiers, est commun aux sédentaires et aux demi-nomades. Il affecte généra­ lement une forme rectangulaire. Les interstices entre les troncs de palmier, qu’on enfonce solidement dans le sol, sont bouchés avec de la terre argileuse. Le toit, supporté par des troncs placés horizontalement, est constitué par une couche de palmes recouverte de terre battue (fig. 2).

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FIC. 2. — Gourbi en troncs de palmiers (Nefzaoua).

Zarzis. — A Zarzis, la plus grande partie des indigènes vit dans des gourbis dispersés dans les jardins et construits entière­ ment en nattes faites de paille de sorgho. Ces gourbis, qui ont succédé aux tentes, sont eux-mêmes remplacés de plus en plus par des constructions en maçonnerie.

Tataouine. — Au début de la saison chaude, les khoss, huttes en branches de palmier ou en nattes faites de paille de sor­ gho, font leur apparition dans les jardins; ils sont habi­ tés pendant la saison des figues et disparaissent dès que leur utilité a cessé.

Médenine. — Pendant tout l’été, de mai à octobre, les populations du territoire de Médenine habitent soit dans des kib, soit 20 l’habitation rurale DES INDIGÈNES

dans des lahia. Le kib (fig. 3) est une petite hutte faite de branchages et recouverte de nattes (hecira) en alfa ou

en joncs. La lahia (fig. 4) ne diffère du kib que par son mur semi-circulaire qui est en pierres.

Fig. 4 — Lahia de la région de Médenine.

Ben-Gardane. — Chez les Touazine, où la tente était l’habitation normale avant l’occupation française, en quelques en­ droits, près de la frontière tripoltiaine, certains indigènes s’abritent dans des lahias, constituées par un petit mur circulaire en pierres sèches, recouvert de branchages et de broussailles, soutenues par un support en bois de ta- marix. Ces constructions rudimentaires avaient pour but de protéger les occupants contre les coups de fusil des Nouaïl, qui étaient en rivalité avec les Touazine. On trou­ vait aussi ces lahias dans les jardins des Touazine sur le territoire de Médenine. Enfin, pendant l’été, quelques indigènes abandonnaient la tente pour s’installer dans LE GOURBI 21

des huttes grossières en branchages et en alfa, appelées khoss ou kib, et dont la dimension dépendait de celle des branches de tamarix (tarfa ou ethel) qui formaient la charpente. Depuis que l’occupation française a amené la fixation des nomades, les lahia ont complètement dispa­ ru. Pendant l’été, les Touazine s’installent dans des khoss ou kibs dont la construction s’est sensiblement amélio­ rée. Les plantations d’oliviers et de figuiers fournissent le bois de charpente, la paille de sorgho des nattes épais­ ses pour les parois et pour le toit. Les Touazine ont pris exemple sur les Accara pour la construction de leurs khoss. La forme quadrangulaire est généralement adop­ tée pour la hutte plus ou moins spacieuse qui sert d’ha­ bitation. Sur l’un des côtés, une nouala, de dimensions réduites, sert de remise pour les provisions ou les objets mobiliers et d’abri pour quelques chèvres et quelques poules. On y fait également la cuisine. Des nattes de paille de sorgho, dressées debout sur trois côtés devant chaque khoss, dérobent aux regards indiscrets les habi­ tants et protègent contre le vent l’intérieur de l’habita­ tion, dont l’ensemble est rendu ainsi assez confortable.

* * *

En résumé, le gourbi est la forme d’habitation rurale pres­ que unique dans la Tunisie septentrionale. A mesure qu’on s’a­ vance vers le Sud, il se mélange avec la tente dans l’intérieur, avec la maison dans les régions littorales, puis disparaît à peu près complètement devant elles. Dans le Sud, on voit le gourbi reparaître, mais ce n’est plus la maamra : c’est le kib, hutte de jardinier dont le rôle rappelle un peu celui des abris de vi­ gnerons qu’on voit dans nos campagnes françaises; cette hutte est utilisée temporairement, pendant la saison chaude, par les habitants de la maison ou de la tente. Peut-être aussi, dans ce Sud qui a eu de nombreux rapports avec l’Afrique noire et qui était une des voies du commerce des esclaves, quelques in­ fluences soudanaises se laissent-elles soupçonner, aussi bien dans le style de la construction que dans la mode d’utilisation des huttes. Les rapports des contrôleurs signalent l’existence en nom­ bre de points, notamment dans le contrôle de Béja, de ces han­ gars destinés à abriter le bétail et qu’on nomme des bortals. 22 l’habitation rurale des indigènes

Comme le dit un des rapports, les indigènes, semblables en cela aux paysans de tous les pays, ont perfectionné l’abri de leurs animaux avant même d’améliorer le leur. Les agricul­ teurs indigènes de l’Afrique du Nord en général n’ont rien qui ressemble à des bâtiments de ferme : ils ne connaissent que les silos. Quelques-uns d’entre eux seulement, parmi les riches propriétaires, ont des bâtiments construits à l’imitation de ceux des grandes exploitations européennes. Le bétail n’est presque jamais abrité. Cependant, les indigènes d’origine andalouse, qu’on rencontre notamment dans la région de Bizerte et dans celle du Cap-Bon et qui ont des coutumes agricoles si spéciales et si intéressantes à tous égards, ont des abris pour leurs ani­ maux. Il faut donc saluer avec satisfaction la multiplication des bor- tals, embryons de bâtiments de ferme. L’administration a en­ couragé la construction des bortals et des maamras, en parti­ culier dans les contrôles de Thala, du Kef, de Maktar, de Med- jez-el-Bab, de Grombalia. En 1919, 650 abris ont été construits dans le contrôle de Maktar (caïdat des Oulad-Aoun), 1.500 dans le contrôle de Thala (1>. Forme intermédiaire entre la tente et la maison, plus stable que la première, mais moins durable que la seconde, le gourbi tend à remplacer la tente dans les régions où s’observe la fixa­ tion des nomades. Puis, à son tour, il fait place à la maison, avec laquelle s’achève l’évolution.

(1) Rapport sur la Situation de la Tunisie en 1918, p. 47; 1919, p. 84; 1920, p. 60. CHAPITRE III

LA MAISON RURALE (1>

En étudiant l’habitation rurale des indigènes de l’Algérie, nous avons été amené à distinguer la maison à terrasse, la maison à toit de tuiles et la maison à l’européenne. Cette dis­ tinction n’aurait guère de raison d’être en Tunisie. En Algérie, le massif de la Kabylie et ses annexes sont le domaine des toits de tuiles; comme -la densité de la population est énorme dans cette région, il en résulte qu’une très notable fraction des in­ digènes rentre dans cette catégorie. D’autre part, le dévelop­ pement de la colonisation, au milieu de laquelle les indigènes sont pour ainsi dire noyés dans certains districts, notamment en Oranie, fait que le type de maison dit « à l’européenne » a pris en Algérie une réelle importance numérique. En Tunisie, la maison à toit de tuiles et la maison à l’européenne sont loin d’être inconnues. Plusieurs villages de la vallée de la Medjer- da, tels que Téboursouk, , Grich-el-Oued, Tébourba, ont des maisons à toits couverts de tuiles®. Mais elles n’appa­ raissent en somme qu’à l’état d’exception et ne sauraient être figurées sur la carte par une teinte spéciale. L’étude de la Tu­ nisie confirme tout-à-fait la conclusion à laquelle nous étions arrivé pour l’Algérie : la maison à terrasse est le type nor­ mal de l’habitation indigène dans toute l’Afrique du Nord; la maison à toit de tuiles, semblable à la maison du Midi de la France, sans doute d’importation étrangère, est exceptionnelle et ne se rencontre guère qu’au bord de la Méditerranée, dans quelques domaines assez limités.

Tabarka. — Quelques indigènes aisés du contrôle de Tabarka ont construit avant la guerre de petites maisons à une seule pièce: leur nombre n’arrive pas encore à 100, contre plu­ sieurs milliers de gourbis. Seule, la maison du cheikh des 1 2

(1) Voir pl. IV, v, VI. (2) bertholon et Chantre, Recherches anthropologiques dans la Berbêrie orien­ tale, Lyon, 1913, p. 428. 24 l’habitation rurale des indigènes

Kloub-et-Tsiran est à plusieurs pièces et à toit de tuiles. C’est la seule maison de ce genre en Kroumirie. Dans le cheikhat des Oulad-Amor, une fraction de Zoua- oua, originaires de Kabylie, venus pour combattre les Kroumirs il y a cinquante ans, a construit des maisons groupées en un village indigène pittoresquement situé à la mode kabyle, au-dessus de la ville de Tabarka.

Béja. — Dans le contrôle de Béja, il n’existe de maisons qu’à Béja et à Zaouiet-Medien, seules agglomérations indigènes de la circonscription. Les toits sont généralement en voûte de briques (dems). Quelques maisons appartenant aux indigènes de Béja ont des toits construits à la mode eu­ ropéenne, avec des fers à T. Dans l’intérieur du caïdat, on rencontre par-ci par-là quelques rares habitations en maçonnerie appelées bordjs, appartenant à de notable® fellahs. Les toits sont généralement en voûte {dems), très rarement recouverts de tuiles.

Bizerte. — Les maisons arabes sont construites en pierres liées avec de la chaux. Le plafond est voûté et fait en général avec des perches recourbées liées avec de la chaux. Le toit est en terrasse. Certaines maisons appartenant à des indi­ gènes aisés sont faites en briques et ont un plafond dont l’armature est constituée par des fers à T. Ces maisons sont soit couvertes de tuiles, soit en terrasse.

Souk-el-Arba. — Les maisons en maçonnerie, recouvertes en tuiles ou en terrasse, sont encore rares, aussi bien en plaine qu’en montagne. L’édification des plus anciennes ne sem­ ble pas remonter à une époque bien antérieure à celles de l’occupation française. La construction en maçonnerie n'a fait que très peu de progrès depuis la guerre, à cause de la raréfaction de la main-d’œuvre et du renchérisse­ ment des matériaux. Les indigènes l’iches — et ils sont rares — ont seuls passé outre. Il est à prévoir que, si la situation s’améliorait, les propriétaires arabes utili­ seraient les bénéfices inespérés qu’ils ont tirés pendant ces dernières années des productions de leurs terres de culture et de leurs troupeaux pour se procurer dans leurs habitations un confort en harmonie avec leur nouvelle situation.

Téboursouk. — Presque toutes les maisons du contrôle de Tébour- souk sont de construction récente et remontent à moins de 25 ans. Les murs sont en toub ou maçonnés grossiè­ LA MAISON RURALE 2o

rement. On trouve deux espèces de plafonds : les uns voûtés, les autres plats (branchages et terre blanchie au lait de chaux), ces derniers étant les plus fréquents. Les toits sont le plus souvent en terrasse, quelques-uns seu­ lement couverts en tuiles. A Dougga, cependant, les maisons ont été édifiées avant l’occupation française; les murs, dans cette agglomération, sont construits à l’aide de matériaux empruntés aux monuments antiques et assemblés sans mortier, par simple superposition. Dans le cheikhat de la banlieue, on trouve quelques mai­ sons de construction européenne dans les régions livrées à la colonisation : Khalled, Matria et Telia. Dans le chei­ khat des Djouaouda, trois maisons sont anciennes et ont été construites il y a plus de trente ans : Baten-Sebay, Chett et Fakir-Dhia ; toutes les autres sont récentes. Dans le' cheikhat. des Oulad-Yahia, trois maisons seule­ ment sont antérieures à l’établissement du protectorat : Bordj Chedly-ben-Brahim à Aïn-Hijja, Bordj-ben-Sultane à Zenna, Bordj-el-Mouelhi à Oued-Remel. Dans ce chei­ khat, les maisons sont disséminées sur toute l’étendue du cheikhat et ne forment d’agglomération réelle qu’à Ed-Dokhania, dans la plaine du Krib.

Medjez-el-Bab. — Dans les centres importants du caïdat de Medjez- el-Bab, les habitations sont des maisons comprenant deux ou trois chambres ayant leurs ouvertures sur une cour intérieure plus ou moins vaste selon l’importance de la construction. A Medjez-el-Bab, à Testour et chez quelques indigènes aisés des autres centres, cette cour est souvent dallée ou garnie de carreaux en ciment. Dans les autres villages, le sol a été simplement aplani et la cour sert à abriter le bétail pendant la nuit. Ces constructions sont en pierre et en chaux, couvertes en tuiles ou en terrasses sur voûtes. Les seules modifications à signaler sont, à Medjez-el-Bab et à Testour, l’emploi des fers à. T et une tendance à remplacer les tuiles creuses par des tuiles plates. Dans la campagne, les tranformations sont beaucoup plus importantes. Après avoir remplacé les tentes par des gourbis, les fellahs aisés, notamment dans les khali- faliks de Testour et de Bou-Arada, où la pierre se trouve assez facilement, remplacent les gourbis par des maisons construites en pierre et chaux, mais le plus souvent en pierre et terre, couvertes en diss et comprenant plusieurs chambres tenues assez proprement. Une cour fermée par des branchages ou par des murs en pierres sèches sert à abriter le bétail pendant la nuit. Ces constructions, 26 l’habitation rurale des indigènes

assez grossièrement édifiées, marquent cependant, si on les compare aux habitations rudimentaires qu’avaient autrefois les indigènes, une évolution très sensible et une amélioration incontestable des conditions de la vie.

Tunis. — Les maisons, caractérisées par l’existence de terrasses et de murs en maçonnerie, se rencontrent surtout dans les cheikhats et les agglomérations de la périphérie de Tu­ nis : Mélassine, la , l’Ariana, , , Radès. Sur un total de 1846 constructions de ce genre, la moitié environ appartient au type européen, ca­ ractérisé par la présence de cheminées, l’emploi des fers à T et de matériaux européens.Leur développement remonte à l’époque de l’occupation et ne saurait que se poursuivre sous l’influence de nos exemples et des progrès continus de la colonisation. Les indigènes aisés et les gros proprié­ taires agriculteurs, fixés à demeure dans leurs henchirs ou résidant à Tunis en dehors des époques réservées aux travaux de la terre, se sont ainsi fait construire des habi­ tations qui répondent à presque toutes les exigences du confort et de l’hygiène modernes.

Grombalia. — Dans le territoire du Cap-Bon, qui possède de nom­ breuses agglomérations plus ou moins importantes, les maisons en pierre, couvertes en terrasse, sont le mode d’habitation le plus répandu.

Le Kef. — Dans le caïdat du Kef, on compte 4.463 maisons, contre 2.084 tentes et 6.087 gourbis ; dans le caïdat de Tadje- rouine, 2.913 maisons contre 2.914 tentes et 2.050 gourbis. Parmi les maisons, les unes sont bâties à la mode arabe, les murs d’argile (tin) et de pierre (hajer), le plafond de bois recouvert de terre (trab). Les autres sont cons­ truites à la mode française, avec plafond en planches (louh) et couverture en miles (qermoud); on y trouve des cheminées. Les bourgades indigènes sont rares; les douars sont ordinairement composés d’un mélange de maisons, de tentes et de gourbis. Les gens du caïdat de Tadjerouine n’ont modifié et amélioré leurs loge­ ments que depuis une quinzaine d’années, et encore dans une faible proportion. Cependant, en beaucoup de points, la maison se substitue de plus en plus à la tente.

La Kalaat-es-Senan, qui dépend du caïdat de Tadjerouine, a été bien souvent décrite et mérite une mention à part. La LA MAISON RURALE 27 dechra qui s’était établie sur cette grande table calcaire, abrupte et inabordable, était un refuge inexpugnable en même temps qu’un entrepôt. Elle s’appelait Menaâ, comme un des centres de l’Àurès. Aujourd’hui, dit M. Monchicourt d) la Kalaâ est abandonnée; la famine de 1867 provoqua un exode qui ne fut pas suivi de retour et après 1881, le rétablissement de la sécurité précipita la décadence. La bourgade, qui, au milieu du xix6 siècle, avait 400 à 500 âmes, avait encore en 1886 une trentaine de maisons, en 1890 8 seulement. En 1910, la Com­ pagnie des Phosphates a acheté l’ensemble des terres de l’an­ cienne dechra; les indigènes ont évacué la Kalaâ; quelques-uns d’entre eux se sont logés dans le hameau quasi-troglodytique de Bou-Ayech, au pied de la falaise; mais c’est l’agglomération de la mine qui est aujourd’hui le véritable village : changement qui en dit long sur les modifications survenues en Tunisie de­ puis moins d’un demi-siècle.

Maktar. — Dans le caïdat des Ouled-Aoun, il y a 1.547 maisons pour 2.489 gourbis et 578 tentes. La classe moyenne construit des maisons de forme carrée ou rectangulaire,dont les murs sont soit en pierres sèches, soit en pierres et terre argi­ leuse, recouvertes de branchages et d’une couche de terre; les murs sont blanchis à la chaux. Ces maisons com­ prennent parfois plusieurs pièces, dont les ouvertures donnent toutes sur un patio. Quelques maisons sont cou­ vertes en tuiles plates. La classe aisée habite des maisons construites à la mode européenne, caractérisées par l’em­ ploi des fers à T et l’existence de cheminées; ce dernier mode d’habitation ne se rencontre qu’à et à Robâa, où existent des maisons appartenant à des Eu­ ropéens que les indigènes ont prises pour types. Ayant acquis une certaine éducation au contact des Européens avec lesquels ils étaient en relations d’affaires et ayant appris à apprécier, lors de leurs séjours à Tunis tous les hivers, le confortable de la maison européenne, les indigènes riches ont abandonné leurs habitations pri­ mitives pour se faire construire des maisons à l’euro­ péenne. Dans le caïdat des Oulad-Ayar, il y a 2.447 maisons pour 2.039 tentes et 910 gourbis. Avant l’occupation fran­ çaise, sauf chez les indigènes de la Kessera, d’El-Garia

(1) Monchicourt, Le Haut-Tell tunisien, p. 415. 28 l’habitation rurale des indigènes

et de Mansoura, la maçonnerie était chose inconnue. Depuis un quart de siècle, sans abandonner complète­ ment la tente qu’ils utilisent pendant l’été, ils se sont mis à construire soit des gourbis, soit des maisons recouvertes de tuiles. Les indigènes aisés se sont fait construire des maisons à la mode européenne. La plupart de ces maisons se trouvent à Maktar même. Pour ces constructions, la plupart des indigènes ont employé la main-d’œuvre européenne qui se trouvait déjà sur place pour l'édification des bâtiments publics et des maisons particulières appartenant à des Européens.

Zaghouan. — Les maisons sont soit des maisons arabes, soit des maisons construites à la mode européenne. Les maisons arabes sont bâties en pisé ou en maçonnerie. Certaines sont couvertes en voûtes de briques; il y a alors autant de voûtes que de pièces. D’autres sont couvertes en ter­ rasses faites avec de grosses perches sur lesquelles sont placées jointivement de plus petites perches, qui reçoi­ vent un revêtement de maçonnerie; parfois, les grosses perches sont remplacées par des poutres et les petites perches par des planches lorsque la construction est plus soignée. Quelques rares maisons arabes ont une toiture en tuiles. Les maisons bâties à l’européenne appartenant à des indi­ gènes ne se rencontrent guère qu’à Zaghouan et à Pont- du-Fahs. En dehors de ces deux localités, on ne trou­ ve comme maisons européennes habitées par les indi­ gènes que quelques fermes achetées par des Tuni­ siens à des colons français. Au total, il y a, dans le contrôle de Zaghouan 1.266 maisons, dont 371 à Za­ ghouan, 37 à la dechra de Sidi-Medien-Lalaï, 90 à , 200 à Sidi-Nadji, 50 à Darbania, 125 à Djebibina, 25 à Zouara. Le village de Zaghouan s’est agrandi d’une cin­ quantaine de maisons depuis 25 ans; par contre, un cer­ tain nombre de vieilles constructions sont tombées en rui­ nes dans ce même laps de temps. A Zriba, le nombre des maisons a plus que doublé depuis 25 ans, du fait que des agriculteurs, qui précédemment vivaient sous la tente ou dans des gourbis, sont venus se fixer dans ce village. Sidi-Nadji s’est également agrandi. Les trois villages de Darbania, Monastir et Aïn-Frass se sont créés depuis 20 ans. En somme, dans tout le contrôle, l’évolution est très accentuée et très remarquable.

Kairouan. — Dans le contrôle de Kairouan, la construction des maisons en pierre suit le mouvement d’appropriation LÀ MAISON RURALE 29

du sol par la plantation d’oliviers; ce mouvement sera accéléré par la fixation d’un très grand nombre d’in­ digènes des deux caïdats qui sera la conséquence de la mise à enzel des terres habous qu’ils occupent depuis longtemps à titre plus ou moins précaire.

Sousse. — Dans les cheikhats formant les caïdats de Sousse, de Monastir et de Mahdia, on ne trouve guère que des mai­ sons à terrasse. Le Sahel de Sousse comprend de nom­ breux villages dont certains atteignent de 10.000 à 20.000 habitants. Msaken, Kalaa-Srira, Hammam-Sousse dans le caïdat' de Sousse, Monastir, , Djemmal, El-Ksibet-Mediouni, Bennane, Bembla, Zarmedine, Men- zel-Kamel dans celui de Monastir, , Sidi-Messaoud, Zerara, Mahdia, Roudha dans celui de Mahdia ont plus de • 500 maisons. La densité de la population est consi­ dérable dans ces caïdats. Les maisons ont souvent des murs épais en pisé, par exemple à Msaken, mais en général elles sont cons­ truites en pierre et terre, blanchies à la chaux, couver­ tes de voûtes en briques ou bien la terrasse est formée de branches d’olivier très rapprochées sur lesquelles des pierres ont été placées. Dans un certain nombre de mai­ sons, les terrasses sont formées par l’utilisation du fer à T. Dans le caïdat de Monastir, la création d’une bri­ queterie à Djemmal semble devoir accélérer le mouve­ ment de construction, mais le prix élevé des matériaux et de la main-d’œuvre arrête le travail.

Sfax. — Dans le contrôle de Sfax, les maisons sont très nombreuses et la densité de la population très forte dans la ban­ lieue de Sfax, ainsi que dans les cheikhats de Djebe- niana, la , , Louza, Hazeg, la Kheri- ba, Toualbia. Ces maisons ont été construites par la main-d’œuvre indigène, en pierres et chaux; certaines comprennent un rez-de-chaussée seulement, d’autres ont un étage. Elles sont toutes couvertes en terrasse, entourées d’un jardin et disséminées dans la campa­ gne. Les matériaux employés dans la construction pour la charpente sont l’olivier et le palmier. Dans les au­ tres cheikhats, où dominaient autrefois la tente et le gourbi, plusieurs propriétaires d’olivettes ont construit des maisons en pierres et chaux. Il en est de même dans le khalifalik de Triaga. Cette sédentarisation est dûe à la pénétration de la colonisation française dans l’intérieur. A Mahrès, il y a lieu de signaler un léger 30 l'habitation III BAI.K DES INDIGENES

perfectionnement dans la construction, qui tend à se rapprocher du mode employé à Sfax. Dans Elle de Ker- kennah, les habitations consistent uniquement en mai­ sons plus ou moins vastes, construites en pierres et chaux et plafonnées en palmier.

Thala. — Les maisons sont encore très peu nombreuses; on n’en compte que 1.538 dans la vaste étendue du contrôle. Elles ne se rencontrent guère que dans les aggloméra­ tions constituées à proximité des points d’eau impor­ tants, tels que Thala, Fériana, Sbeïtla. Revêtues pres­ que uniquement de tuiles dans la partie septentrionale du contrôle (Thala), elles adoptent le toit en terrasse dans le Sud (Feriana), où les intempéries sont moins fréquentes.

Gafsa. — On ne trouve des maisons que dans les villages, qui sont en petit nombre : Gafsa, Sidi-bou-Zid, Metlaoui, El- Ksar, Lala, Oulad-bou-Amran, Ayaïcha, Majoura, Oulad- bou-Saad et Sened. Encore ces agglomérations sont- elles, sauf Gafsa et Metlaoui, très peu importantes. Les maisons de construction indigène de ces divers centres sont pour la plupart en pierres maçonnées couvertes en terrasse ou avec des palmes et des branchages. Le type de la maison indigène est une construction rectan­ gulaire dont toutes les chambres ouvrent sur une cour centrale. Chez les gens riches, elles sont assez confor­ tables. Les habitations aux environs des mines forment de petits villages à l’européenne, où les ouvriers sont groupés suivant leur origine.

* **

Au-delà de la zone steppienne de Thala et de Gafsa, où les maisons sont rares, on entre dans la région des oasis du Sud, où elles sont de nouveau nombreuses, mais, sauf quelques ex­ ceptions que nous indiquerons, strictement confinées autour des points d’eau, dans les villages et les ksours. Elles sont en général agglomérées, sauf à Djerba où elles sont dispersées dans toute Hle. Comme en Algérie et au Maroc, c’est dans le Sud que les maisons indigènes sont le plus soignées et témoi­ gnent d’une certaine préoccupation artistique. C’est le cas no­ tamment au Djerid. LA MAISON RURALE 31

Tozeur. — Toutes la population du Djerid est répartie dans les vil­ lages édifiés au milieu ou à la lisière des oasis de Tozeur, Nefta, El-Oudiane, El-Hamma et Tamerza. Il n’y a pas d’autre agglomération dans la circonscription. Au Djerid, beaucoup de villages ont leurs maisons groupées en quartiers séparés par de solides portes; ceux-ci forment alors comme autant de forteresses con­ tre les nomades. Souvent, chaque quartier est habité par une population de souche différente (D. Les villages sont construits en toub, en briques cuites ou en pierres; c’est la brique qui est le plus employée. La disposition des maisons, qu’elles aient été bâties avec les uns ou les autres de ces matériaux, est géné­ ralement la suivante : un vestibule â l’entrée, un cou­ loir latéral conduisant à une porte ouvrani sur une cour intérieure carrée, autour de laquelle sont disposées les chambres (de deux à quatre, le plus souvent quatre). Toutes ces constructions possèdent une terrasse com­ posée d’une épaisse couche d’argile recouverte de plâ­ tre ou quelquefois de chaux. Les maisons des indigènes aisés sont construites en pierres à El-Oudiane et à Ta­ merza, à cause du voisinage de la montagne et des car­ rières de pierres, en briques cuites au four à Tozeur et à Nefta, où la pierre manque. Les maisons en briques méritent de retenir l’atten­ tion. Elles représentent une architecture spéciale au Djerid,(2). Un certain nombre ont un étage utilisé comme grenier, plus rarement comme habitation. La plupart ont de sept à huit mètres de hauteur. Les briques po­ sées de champ forment le revêtement des murs, dont l’intérieur est généralement en pisé; c’est ce que les indigènes appellent la construction çhkouka. Cependant, un certain nombre de ces maisons, surtout dans le quartier des Oulad-el-Hadef à Tozeur, ont leurs murs entièrement en briques. La disposition intérieure ne diffère pas de celle indi­ quée plus haut, si ce n’est que le vestibule comporte très souvent une grande alcôve surélevée, voûtée et en­ cadrée de colonnes, servant aux hommes de lieu de réu­ nion. Dans un coin de ce vestibule, une porte donne ac­ cès à un escalier conduisant au premier étage et sur la terrasse. La cour intérieure a le plus souvent de dix à quinze

(1) Bertholon, Revue générale des Sciences, 30 novembre 1896, p. 1000. (2) Voir pl. VI. 32 l'habitation RIRALE DES INDIGÈNES

mètres de côté. A mi-hauteur des murs, les quatre faces du bâtiment présentent un rang d’ouvertures mesurant 15 centimètres de large sur 80 centimètres de haut et espa­ cées entre elles de 80 centimètres. Ces meurtrières ser­ vent à l’aération des chambres et des greniers. La fa­ çade extérieure n’a que d’étroites ouvertures, fenêtres, lucarnes, meurtrières, autour desquelles l’alternance des briques en retrait forme des dessins variés. Autour des fenêtres, au-dessus des portes, des bri­ ques en retrait produisent des dessins géométriques d’un effet original. Dans les cours intérieures, un large bandeau décoratif de même style orne la moitié supé­ rieure des murs. Les chambres, hautes de plafond, sont disposées pour le séchage des dattes. A cet effet, des poutres de palmier joignent les deux murailles oppo­ sées, à trois mètres du sol : on y suspend les régimes. A la même hauteur, des évents percés en meurtrières tout le long des murs laissent circuler l’air nécessaire. On devine comment l’architecture décorative de To- zeur est née de ces besoins. D’une part, afin que le re­ vêtement de briques fît prise avec la terre de la mu­ raille, le maçon devait nécessairement laisser quelques briques en retrait, pénétrant dans l’épaisseur du pisé. D’autre part, les multiples lucarnes des chambres étaient déjà par elles-mêmes un rudiment de motif or­ nemental. Autour d’elles, le damier des briques en re­ trait se prêtait à toutes les combinaisons de losanges. Il suffisait de varier les dispositions, et l’art décoratif du Djerid était créé (b. Dans les maisons en toub, le bétail et les bêtes de somme sont parqués dans un coin de la cour intérieure. Dans les maisons en briques, ils occupent le plus sou­ vent une petite cour attenant à l’habitation et pourvue d’un abri en troncs de palmiers.

Gabès. — Les maisons du contrôle, situées à Gabès, Djara-Chergui, Djara-Gharbi, Menzel-Chergui, Menzel-Gharbi, Ghennou- che, Oudref, Metouïa, Bouchemma, Chenini, Maretb, Te- boulbou, El-Medou, Arrem, Zarath, Kettana, Zarkin, sont toutes des maisons à terrasse. Les murs sont en pierre et plâtre, pierre et terre, ou en toub. Les plafonds sont tous en troncs de palmiers. Elles sont caractérisées par une très vaste cour, sur laquelle donnent toutes les chambres. Sauf de rares exceptions, elles ne comportent

(1) P. Penet, Le Djerid, p. 75. LA MAISON RURALE 3â

qu’un rez-de-chaussée. Certaines de ces maisons, notam­ ment celles de Chenini, Djara-Gharbi et Menzel, sont en partie construites avec des pierres provenant des ruines d’habitations romaines de l’ancienne Tacape.

Djerba. — Il semble que, favorisés par un climat très doux et pos­ sesseurs de terres fertiles, les habitants de Djerba soient devenus très vite sédentaires et aient dès l’antiquité ha­ bité des maisons construites en pierres. A l’époque ro­ maine, les hauts fonctionnaires et les riches commer­ çants d’Ifrikia et de Byzacène avaient accoutumé de ve­ nir oublier chaque année à Meninx, puis à Girba, pen­ dant quelques semaines, les soucis des affaires, et il

Fig. 5. — Plan de maison de la région d’Houmt-es-Souk.

n’est pas exagéré de supposer que la capitale, de même que les autres villes principales, telles que Tipasa, Ha- ribus, Thour et Uchium, devait renfermer des villas somptueuses, analogues à celles que les hiverneurs ha­ bitaient ordinairement dans le Nord du pays. Les belles mosaïques trouvées à Meninx, ainsi que les vestiges .

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LA MAISON RURALE 35

jardin de deux à cinq hectares, complanté d’arbres frui­ tiers, de vignes et entouré de tabias, que l’on nomme menzel. Seuls, les Juifs, qui sont au nombre de plusieurs mil­ liers et qui sont venus à Djerba après la destruction de Jérusalem au premier siècle, sont groupés en deux vil­ lages, IJara-Kebira et Hara-Srira, dont les maisons, étroites et pauvres, sont adossées les unes aux autres, comme si les habitants, dès leur arrivée dans un pays peut-être hostile, avaient senti le besoin de réunir leurs infortunes et de se prêter mutuellement aide et assistan­ ce. En fait, depuis vingt siècles, tous les Juifs de l’île, à l’exception de quelques familles notables qui habitent Houmt-es-Souk et vivent à l’européenne, restent répartis dans les deux Haras.

FIG. 7. — Plan de maison de la région de Cedouikech et de Guellala.

La maison juive se compose essentiellement d’une pe­ tite cour sur laquelle s’ouvrent deux ou trois chambres très modestes, où la malpropreté l’emporte encore sur la pauvreté. Au contraire, la maison du musulman Djer- bien forme avec la maison du Juif un violent contraste, tant par l’harmonie de ses proportions que par sa pro­ l’habitation rurale des indigènes

prêté et sa blancheur. Elle offre l’aspect d’une jolie villa perdue dans la verdure et les fleurs. De forme rectangulaire, l’immeuble, dont les dimen­ sions varient naturellement avec la fortune du proprié­ taire, comprend un certain nombre de chambres et de magasins répartis autour d’une cour spacieuse. Une seu­ le entrée est en général aménagée dans l’épaisseur des murs et toutes les fenêtres ouvrent sur la cour inté­ rieure. '

Fig. 8, — Plan de maison de région d’Adjim.

La maison est recouverte d’une terrasse. Surmontant par endroits l’édifice, des ghorfas rectangulaires, aux fe­ nêtres pourvues de grillages en fer forgé, s’élèvent avec les blanches et innombrables coupoles, au-dessus du mur de clôture et des terrasses et permettent aux habi­ tants, les soirs de canicule, de jouir de la brise fraîche venant de la haute mer, qui souffle pendant la plus gran­ de partie de l’été. Presque toutes les maisons de l’île se ressemblent. Néanmoins, quelques détails architecturaux peuvent être observés plus fréquemment dans certaines régions que dans d’autres, et c’est pourquoi il a paru utile de syn­ thétiser pour chaque région le type de maison le plus habituellement rencontré (flg. 5, 6, 7, 8, 9). La légende qui accompagne 'les plans permet d’avoir une idée des caractéristiques de ces habitations. La fesguia est une citerne rectangulaire et peu profonde; le majen, une ci­ 1A MAISON RURALE 37

terne profonde en forme de carafe; la ghorfa, une cham­ bre au premier étage; le mosthan, une petite chambre réservée pour les ablutions; la skifa, le vestibule; le ke- bou, le salon de réception; le houch-el-bir, la chambre du puits, b) Les principaux matériaux employés sont la pierre ten­ dre de l’Ue, le mortier de chaux, le mortier d’argile, le bois venu du Nord ou le bois de palmier; depuis quel­ ques années, le fer à T a été introduit, particulièrement dans la région de Midoun. Suivant sa fortune, le pro­ priétaire emploiera plus ou moins de chacun de ces matériaux. L’aspect extérieur n’en sera guère modifié; seule, la solidité de l’édifice se ressentira de l’économie réalisée. Le prix de ces maisons varie en général entre 1.200 francs et 7.000 francs.

Fig. 9 — pian de maison des régions de Beni-Maguel et d’Arkou.

Il convient de distinguer plus particulièrement cer­ taines constructions originales que l’on trouve sur di­ vers points de l’île. Les mosquées seules, au nombre de 246, mériteraient une étude spéciale. Beaucoup sont fortifiées. Les meurtrières ont été percées dans le mur d’enceinte de leur cour et certaines conservent des tra­ ces de créneaux et de mâchicoulis qui permettaient, aux temps héroïques, de les mettre rapidement en état de défense. Les mosquées ouahabites (162) sont caracté­ risées par un minaret carré et bas, surmonté d’un lan-

(1) Voir pl. V les différents types d’habitations de Djerba. l’habitation rurale des indigènes

terneau à piliers qui soutient une pierre conique verti­ cale, dans laquelle certains croient voir, à tort ou à rai­ son, comme dans la mosquée d’Houmt-es-Souk, une rémi­ niscence d’un culte phallique. A signaler également les fermes fortifiées de la région d’Adjim, avec leur ghorfa formant bastion à chaque angle et leurs murs beaucoup plus épais que clans l’in­ térieur de l’île. Les nomades du continent faisaient en effet autrefois des incursions fréquentes à Djerba, et fermes et mos­ quées devaient être assez solides pour permettre aux habitants de tenir tête aux envahisseurs jusqu’à ce que les hommes des districts voisins eussent le temps d’ar­ river. Enfin une mention spéciale doit être accordée à l’im­ meuble à usage d’atelier servant aux nombreux tisse­ rands de Djerba. C’est une longue salle voûtée terminée à ses deux extrémités par un mur rectangulaire. Dans l’un de ces murs sont percées une porte et deux fenê­ tres. De part et d’autre, à l’extérieur, des contreforts contiennent la poussée des arceaux de la voûte unique. Parfois, cette voûte unique est remplacée par une sé­ rie de voûtes inclinées en sens inverse perpendiculai­ res à l’axe principal de la maison et s’arcboutant l’une contre l’autre. Mais ce second type de construction est beaucoup plus rare que le premier.

On distingue au Nefzaoua deux types de maisons : la mai­ son de l’indigène sédentaire du Nefzaoua septentrional (Nord de Kebili : villages de Bechri, Debabcha, Oum- Soma, Bou-Abdallah, El-Guelaa, Menchia, Djezira, Tel- mine, Mansoura, Kebili), et la maison de l’indigène semi-nomade du Nefzaoua. méridional (Sud de Kebili : villages de , Zarcine, El-Galaa, Negga, Gheli- tia, Douz, El-Aouina, Sabria). La maison de l’indigène sédentaire (fig. 10) affecte une forme rectangulaire. Trois des côtés sont consti­ tués par des chambres disposées à angle droit. Le qua­ trième côté est fermé par un mur d’enceinte dans lequel est percé un seul couloir d’entrée, en chicane. Le toit est en terrasse. Il est fait de troncs de palmiers placés horizontalement sur les murs et supportant des bran­ ches de palmier liées ensemble, formant plafond. Le plafond est recouvert d’une couche de 7 à 8 centimètres de plâtre. Sur la cour inférieure s’ouvrent les portes des chambres. Les pièces servant de logement n’ont pas de fenêtres. Les matériaux employés pour la cons- LA MAISON RURALE 39

traction sont les calcaires du Djebel Tebaga ou les pier­ res gypso-calcaires qu’on rencontre partout. A Oum- Soma, les indigènes ont utilisé pour la construction de leurs habitations des pierres arrachées aux ruines ro­ maines. A Telmine, les maisons sont construites avec

Chambre principale

Cour intérieure Chambre

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FIG. 10. — Maison de indigène sédentaire du Nefzaoua.

des débris des édifices romains; on peut y voir notam­ ment un fût de colonne surmonté de son chapiteau ser­ vant de support au toit d’un gourbi en troncs de pal­ mier. A El-Galaa, les habitations ont été construites avec des matériaux enlevés aux ruines romaines.

Fig. 11. — Maison de l’indigène semi-nomade du Nefzaoua.

Dans la maison de l’indigène semi-nomade (fig. 11), les murs sont en torchis. La maison a une forme rec­ tangulaire, 2 mètres de hauteur environ sur autant de largeur et 6 mètres à peu près de longueur, un peu plus large à la base qu’au sommet. Elle ne forme qu’une seule chambre. La porte, basse, est bariolée de dessins au vermillon; c’est la seule ouverture. Les villages les plus importants sont Bechri (60 mai­ sons), Debabcha (30), Bou-Abdallah (120), Menchia (150), l’habitation rurale des indigènes

Telmine (150), Mansoura (120), Kebili (250), Souk-el- Biaz (115). A Menchia, la maison du cheikh a un étage. Les maisons du village de Kebili, situé à peu près au centre de 1 oasis ,sont construites en pierres gypso-cal- caires; elles offrent peu de solidité; la plupart tombent en ruines et ne sont pas réparées. Les indigènes tendent à venir habiter Souk-el-Biaz, au Nord de l’oasis, où se trouvent les bureaux des Affaires indigènes, une école, un bureau de poste, un souk, un bordj moderne. A Souk- el-Biaz, les maisons indigènes sont grandes et régulière­ ment construites. A Rahmat, presque toutes les maisons s étant écroulées par suite des pluies, les indigènes les reconstruisent. Les villages de Douz-Gharbi, Douz-Cher- gui, El-Aouina sont composés de maisons isolées; si quelques habitations sont accolées, c’est qu’elles appar­ tiennent à la même famille. Elles sont d’ailleurs propres, grandes et bien bâties. Lorsque, en 1882, une colonne française fit son appa­ rition au Nefzaoua, ce pays avait perdu depuis long­ temps déjà la réputation de contrée riche et heureuse qu il avait à 1 époque romaine et qu’il conserva sous la domination des dynasties berbères. Sabria, où les ancien­ nes cartes d’Afriques indiquent une ville aussi impor­ tante que Tozeur ou Gabès, et qui comptait, dit-on, plus de 4.000 habitants, avait été détruite de fond en comble par les Touareg alliés aux Tripolitains. Les villages, ravagés par les luttes de sofs, étaient ruinés. Les indi­ gènes vivaient misérablement dans de pauvres gourbis et ne reconstruisaient plus leurs demeures. Depuis l’oc­ cupation française, les villages ont été réédifiés; Djem- na, plusieurs fois détruite au siècle dernier, a été rapi­ dement rebâtie dès les premières années de l’occu­ pation française; les indigènes, même les plus pauvres, construisent des habitations; les semi-nomades tendent à se fixer près des palmeraies nouvellement formées autour des puits artésiens.

Dans le caïdat de Matmata, le nombre des maisons, qui était de 340 en 1890, est aujourd’hui de 894. On en trouve 175 à et à Taoudjout, 300 à Tamezred 200 à Toudjane, El-Fsil, Taïcha, 15 dans le cheikhat des Achèches, 200 à Beni-Zelten. Ce sont des maisons en voûtes à terrasses horizontales, dont les murs sont ma­ çonnés à la chaux grasse.

Dans le territoire de Zarzis, depuis l’occupation française, de nombreuses maisons ont été bâties et aujourd’hui, ^ yt*o ~i — une dès ractérisé largeur; F Le T ig

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42 l’habitation rurale des indigènes

sans toutefois être inférieure à 4m ni supérieure à 10m. Cette pièce est très souvent divisée en deux : une partie sert de magasin (.khozana); l’autre partie forme la mai­ son d’habitation proprement dite. Le toit a la forme d’une voûte dont la clef est à 3m50 au-dessus du sol. Le lit (do- kana), construit en maçonnerie, occupe toujours le fond de la pièce. Le plafond se trouvant au-dessus du lit est tou­ jours en terrasse. Lorsque son aisance et sa famille augmentent, l’in­ digène fait construire une ou deux chambres nouvelles, qui forment avec la première deux angles droits. La maison ainsi construite a la forme d’un rectangle dont l’ouverture est tournée vers le Sud-Est. La partie située entre les trois chambres forme la cour, qui abrite une citerne. Cette cour est ensuite fermée par un mur percé d’une porte, qui est la seule voie d’accès dans l’inté­ rieur de la maison ou par une barrière faite de branches d’olivier (zeriba). Certains indigènes font construire ensuite un premier étage appelé aly (chambre haute). Les murs faisant face à l’Est et au Sud sont seuls percés d’une ou deux fenê­ tres. Ce nouveau local sert de résidence d’été. Toutes les maisons indigènes sont à terrasse. Elles sont construites par des maçons arabes ou israélites et n’ont pas de cheminées. Le bois est seul employé com­ me charpente. Les murs sont en pierres maçonnées. Les maisons sont dispersées dans les jardins. On trouve dans le territoire de Zarzis, comme à Djer- ba, quelques maisons de tisserands (10), appelées ha- nout naziré, qui sont des sortes de ghorfas dont le sol est très bas et dont la porte est surmontée d’un fron­ ton triangulaire.

Tataouine. — Les Djebalia sédentaires de l’annexe de Tataouine habitent surtout des grottes et des ghorfas. Cependant, ils ont aussi un certain nombre de maisons à terrasse, au voisinage des grottes, tantôt disséminées dans» la montagne, tantôt groupées en villages, comme* à Doui- ret, à Chenini, à .

Pour se mettre à l’abri des surprises de leurs ennemis, les Djebalia d) et une partie des Ouderna ont élu domicile sur les points les plus inaccessibles de leur montagne. Pour construire

(1) L. Pervinquière , L’Extrême-Sud tunisien (Revue de Géographie, 1909, p. 458-461). LA MAISON RURALE 43 leurs forteresses, ils ont choisi les pitons escarpés, isolés par l’érosion en avant du rebord du Dahar ou reliés seulement à celui-ci par un pédoncule; sur la plate-forme constituée par la dalle calcaire supérieure, ils ont édifié un ksar. Au-dessus de l’isthme, on trouve une petite poterne, seule entrée de la for­ teresse, d’autant plus facile à défendre que ce côté est seul accessible, tous les autres étant formés par la paroi abrupte de la dalle calcaire, continuée par les murailles du ksar, qui se distinguent à peine de celle-ci. Un petit nombre de défenseurs suffisait donc à tenir en échec une troupe considérable, tant que les citernes contenaient encore de l’eau. Tels sont les ksours de Guermessa, de Chenini, de Douirat, de Beni-Barkat, de Segdel, etc. Toutefois, la vie devait être peu commode dans un tel réduit, où il fallait tout monter à grand peine. Aussi les habitants ne l’occupaient-ils qu’aux époques troublées. Le reste du temps, ils vivaient en dessous du ksar, dans de véritables tanières creusées dans les marnes entre deux bancs durs. Ghomrassen, Douirat, Chenini, Guermessa montrent cette même association d’un ksar et de demeures sou­ terraines situées au-dessous. M. À. Joly a décrit (é quelques-uns de ces ksours :

Le village de Ghomrassen est partagé en plusieurs ag­ glomérations contiguës. Quelques maisons s’élèvent d’a­ bord sur une plate-forme à la tête d’un oued encaissé dans une gorge profonde; un autre quartier couvre une gara pittoresque, aux flancs déchiquetés; un troisième enfin, le principal, s’étale sur le pied et les côtés d’une gara plus grande. Les maisons s’entassent, s’échelonnent, les unes presque entièrement creusées dans le roc, les autres aé­ riennes, basses, avec un seul rez-de-chaussée, couvertes d’un toit en terrasse ou d’une voûte en berceau. Guer­ messa couvre les deux flancs d’une gara; chaque ver­ sant est affecté à un quartier (hafa) habité par une frac­ tion particulière. Sur un piton adventif se trouve un troi­ sième quartier. Deux ou trois voies parallèles, étroites, tortueuses, en corniche, courent sur les flancs du monti­ cule. Les maisons offrent la même disposition qu’à Ghom­ rassen, mais certaines sont à deux ou trois étages du

(1) A. Joly, Notes géographiques sur le Sud tunisien (B. S. G. Alger, 1907, p. 60-61). 44 l'habitation rurale des indigènes

côté du vide, tandis qu’on accède de plain pied à leur partie supérieure du côté de l’amont. A Douirat, les maisons aériennes sont plus nombreuses ; beaucoup sont bâties sur le plan suivant : au bas, une chambre donne sur la rue; à côté, une entrée voûtée traverse la maison et conduit à une cour placée au flanc du rocher, cour sur laquelle s’ouvrent des chambres souterraines. Une terrasse couronne la première pièce. Quelquefois, elle est remplacée par un ou deux étages de magasins voûtés en berceau et l’habitation prend alors l’apparen­ ce d’une sorte de tour. Chenini est peut-être encore plus pittoresque, ses pentes plus raides, plus coupées d’es­ carpements. Les maisons grimpent jusqu’à la cime du rocher; certaines ont deux ou trois étages, où l’on ar­ rive en grimpant au moyen de piquets fichés dans les murs extérieurs. D’autres agglomérations plus petites ne sont que des réductions des précédentes. Ksar-Oulad-Rdir, tout en longueur sur le flanc d’une paroi rocheuse, a une partie de ses habitations souterraines; Ksar-Oulad-el-Mahdi, sur un piton, Ksar-Oulad-Merabtine, sur une pointe ai­ guë accolée à un plateau, sont des amas de cases en moellons et en briques crues, avec de rares demeures souterraines; auprès du dernier, un réduit carré, à mu­ raille haute et nue surmontée de merlons pointus, sert de refuge en cas de danger et ressemble aux tatas sou­ danais. Il y a des villages, comme Ksar-el-Ababsa, qui se composent de maisons isolées, mais rapprochées les unes des autres, disséminées au milieu des jardins ; chacune comprend ordinairement une chambre couver­ te d’une terrasse en terre battue et une cour carrée ou rectangulaire, extérieurement circonscrite par un petit mur, qui sert de parc aux bestiaux.

L’Extrême-Sud tunisien se fait remarquer, comme le Souf, par l’abondance des constructions voûtées; ce caractère de l’architecture indigène est dû dans les deux pays aux mêmes causes : la rareté du bois de charpente et l’abondance du gypse :

On utiliseû) les voûtes semi-cylindriques même dans, les constructions européennes, comme les bordjs ou maisons- abris élevés par l’Etat sur la route de Gabès à Tataouine.

(1) A. Joly, art. cité, p. 63-64. là Maison rurale 15

Les voûtes des indigènes ont fréquemment une section ellipsoïdale; elles sont plus hautes que larges, souvent elles sont accouplées et presque toujours, alors, une autre voûte plus petite règne entre les extrados des deux principales; ou bien on bloque entre celles-ci un amas de matériaux légers. Quelquefois l’intrados est revêtu d’ornements géométriques taillés dans le plâtre. Les fenêtres sont ordinairement très exiguës; elles se terminent le plus souvent par un plein cintre, ou une ogive, ou un ovale, ou un ovale tronqué au sommet et recoupé par une plate-bande. La porte, toujours rec­ tangulaire, s’ouvre à l’intérieur; elle est faite de troncs de palmier fendus en long et reliés obliquement par des barres de bois ou plus rarement de fer; ces diverses pièces sont assemblées au moyen de chevilles en bois d’olivier, pourvues d’une tête d’un côté, et dans l’ex­ trémité opposée desquelles on enfonce un coin. L’axe sur lequel tourne la porte est un pieu d’olivier pris en haut d’une fourche de même bois encastrée dans le mur et reposant en bas par la pointe sur une dalle, une 'pier­ re ou un logement creusé à même dans le roc. La char­ pente se fait quand on le peut, en bois d’olivier, sinon en palmier; les troncs de cet arbre, fendus en deux dans le sens de la longueur, donnent des poutres assez résistantes d’abord., mais qui se pourrissent trop ra­ pidement.

Les ksours de Douirat, de Chenini, de Guermessa ne sont plus que des amoncellements de décombres; depuis que la tran­ quillité règne dans le pays, personne n’y habite plus jamais et n’y vient même emmagasiner ses réserves. Les centres qui se sont créés depuis l’occupation française contrastent par leur as­ pect avec les villages anciens :

A Médenine (U, le village récent se compose de maisons bas­ ses éparses autour d’une grande place, habitées les unes par des. officiers, les autres par des commerçants juifs, mu­ sulmans ou italiens. Le camp au Sud, avec ses grands bâtiments séparés par de larges avenues, couvre une large surface. Tataouine est plus important. Le camp, de même que celui de Médenine, s’étend sur un petit plateau, au Sud du village qui se trouve en contre-bas. Une grande place sert de marché; autour, sous des ar­

(1) A. JOLÏ et L. Pervinquière, ouvr. cités. 46 l'habitation rurale des indigènes

cades continues, s’ouvrent des boutiques occupées par des Juifs et des gens de Douirat. Autour du souk se sont élevées quelques maisons, celle du caïd et de divers notables. Tataouine a été fondé à une époque où l’on nourrissait encore des illusions sur l’importance du commerce saharien; mais sa population indigène est demeurée peu nombreuse. Les rues sont bordées de maisons blanchies à la chaux et dont quelques-unes ont un et même deux étages. Souvent ces maisons mon­ trent quelque velléité de coquetterie. Les Juifs forment le fond de la population, mais des musulmans de Djerba ou du pays leur font concurrence.

Ben-Gardane. — Quelques indigènes de l’annexe de Ben-Gardane ne se sont pas contentés de remplacer la tente par le gourbi et ils ont fait édifier, sur les lots de culture qui leur ont été concédés, des maisons en pierre, construi­ tes par des maçons indigènes, Djerbiens ou Tripoli- tains, à l’exclusion des ouvriers européens. Actuelle­ ment, on compte environ 80 maisons d’habitation ré­ parties dans les jardins autour de Ben-Gardane. Elles sont bâties en pierres hourdées au mortier de chaux grasse du pays ou en plâtre avec enduit extérieur du même. Les pièces sont en général voûtées; certaines de ces habitations, tout en conservant le caractère indi­ gène, témoignent de l’influence européenne subie par leurs propriétaires. C’est ainsi que l’on trouve des chambres dont la partie supérieure, formant terrasse, est supportée par des solives en sapin. A Ben-Gardane, le village, habité par les sédentaires, en majeure partie originaires de Djerba, a été édifié sur le terrain communal. Le souk, de vastes propor­ tions, en occupe le centre. L’autorité administrative est intervenue pour obtenir un ensemble architectural un peu homogène, mais chaque habitation porte la marque particulière des goûts de l’occupant. L’influence ita­ lienne se fait sentir dans la distribution des pièces, groupées sur les faces d’un patio intérieur cimenté, sous lequel une citerne assez vaste recueille les eaux de pluie. Les solives en sapin sont généralement em­ ployées pour supporter la terrasse, à l’exclusion des fers à T. Les plus riches propriétaires ont fait carreler leur maison; chez les autres, le sol est recouvert d’un mortier de chaux grasse, quelquefois de ciment. Entre . ces maisons habitées à l’européenne, qui pré­ sentent un certain confort, et les ghorfas indigènes, La maison rurale il

existent des types de constructions intermédiaires, agen­ cées pour répondre aux coutumes ancestrales des mu­ sulmans. Une seule porte d’entrée ouvre sur l’exté­ rieur. Les rares ouvertures, de dimensions exiguës, sont soigneusement grillagées. A l’intérieur, on trouve une cour sur laquelle prennent jour et air toutes les pièces de l’habitation. Celle-ci est nettement divisée en deux parties : l’une, proche de l’entrée, est destinée aux hommes; l’autre est réservée aux femmes, qui peu­ vent ainsi se dérober aux regards indiscrets des visi­ teurs. Si la civilisation européenne a apporté quelques amé­ liorations dans l’art de construire, elle a exercé peu d’influence sur l’agencement des habitations musulma­ nes, dont la disposition est sensiblement identique à celle des maisons de la Chaldée, de la Perse et de l’Egypte ancienne. L’habitation est fonction du degré de civilisation de ceux qui l’édifient. En apportant aux populations du Sud une activité économique plus grande, le Protecto­ rat français a augmenté la richesse, créatrice de nou­ veaux besoins. Peu à peu le nomadisme tend à dispa­ raître, mais l’évolution est lente et la voie du progrès longue à parcourir.

* * *

Les maisons en Tunisie sont le plus souvent groupées en vil­ lages; dans certaines régions cependant, elles sont éparses dans la campagne. Les dechrasd) se composent souvent de deux ou trois fragments distincts, séparations dues souvent à une différence d’origine. Ailleurs, les maisons sont soudées les unes aux autres en un pâté unique, comme en Kabylie. Ce sont les sources qui ont constitué l’élément déterminant dans la création des agglomérations. Dans les steppes du Centre tuni­ sien et dans le Sud, l’influence de l’eau sur le développement des groupements sédentaires est absolument tyrannique. Pour­ tant, la recherche de la sécurité avait, dans bien des cas, primé tous les autres besoins et amené l’établissement de villages dans des positions d’accès dangereux ou malaisé; quelques-uns,

(1) Ch. Monchicourt, Le Haut-Tell tunisien, p. 398; — Id., La steppe des Frai- chich et des Majeur, p. 57. ^8 l’habitation rurale des indigènes

comme les Kalaâs, comme les ksours de l’Extrême-Sud tuni­ sien, étaient de véritables nids -d’aigle, des forteresses qui avaient tout sacrifié à l’avantage de la position guerrière. Le Protectorat français a changé les conditions sociales du pays. Notre occupation ayant garanti la tranquilité et la stabilité politique, les modes de groupement fondés sur le souci de la sé­ curité ont tendu à s’effacer; tandis que les anciens centres pé­ riclitaient ou se maintenaient avec peine, que les kalaas se vi­ daient, d’autres bourgades surgissaient sous le stimulant de besoins nouveaux : villages administratifs comme Maktar, ou nés des besoins de l’exploitation de la voie ferrée comme Ga- four, villages ayant comme noyau un marché comme Ebba- Ksour ou une exploitation minière comme Kalaa-Djerda. Ces créations récentes diffèrent des anciennes dechras à plus d’un titre. Moins bien dotées en eaux potables, elles ont l’inappré­ ciable avantage au point de vue moderne d’être sur des voies de communications faciles. La répartition des maisons en Tunisie présente avec celle qu on rencontre en Algérie des différences remarquables. C’est dans les conditions géographiques qu’il faut rechercher la prin­ cipale cause de ces différences. En Algérie, les populations sé­ dentaires, chassées des plaines par les invasions, se sont ré­ fugiées dans les massifs montagneux : dans la Kabylie, où elles atteignent une densité prodigieuse et aussi dans l’Aurès, ou même dans quelques régions d’accès moins difficile, mais néan­ moins accidentées, comme le Dahra, les Traras, le massif de Tlemcen. En Tunisie, les massifs montagneux étaient en général trop peu élevés, trop peu étendus, trop morcelés pour présen­ ter un refuge et un abri. On trouve cependant dans l’intérieur de la Régence, notamment dans la chaîne de Zeugitane, en par­ ticulier dans le et à la Kessera, quelques indigènes de ce type « montagnard » si répandu au Maroc et en Algérie ; mais ils sont très peu nombreux. La population sédentaire s’est groupée presque toute entière dans la zone des Sahels qui borde la côte orientale, régions du Cap-Bon, de Sousse, de Sfax. Cette côte n a point d analogue en Algérie, où la zone littorale est presque partout bordée de massifs montagneux. Ici se rencontrent des plaines basses, particulièrement favori- LA MAISON RURALÊ 49 blés aux cultures arborescentes, notamment à la culture de l’olivier, parce que, même quand la somme des pluies est très faible, comme dans la région de Sfax, le climat a un caractère semi-maritime en raison du voisinage de la mer des Syrtes et ne présente ni les grands écarts de température, ni la formi­ dable évaporation des hautes plaines de l’Algérie, Une autre caractéristique de la Tunisie, c’est la richesse de ses oasis et le chiffre élevé de leur population sédentaire. Ici encore, des influences maritimes viennent combattre et atté­ nuer jusque dans l’Extrême-Sud les influences désertiques. C’est ce qui explique le développement des cultures dans l’île de Djerba, ainsi que la sédentarisation des Accaras et des Touazine.

CHAPITRE IV

LES HABITATIONS THOGLODYTIQUES ET LES GHORFAS Ô)

On trouve dans l’Extrême-Sud tunisien, en outre des maisons à terrasse, perchées sur des sommets inaccessibles et consti­ tuant de véritables guelaâs, deux types d’habitations tout-à- fait singuliers et remarquables, les habitations troglodytiques et les ghorfas. Tantôt les indigènes se sont juchés sur des pi­ tons (Ghomrassen, Douirat), tantôt ils se sont logés sous terre (Hadège, Toudjane, Matmata), tantôt ils ont bâti en plaine des sortes de cavernes juxtaposées et étagées. (Médenine). Ces trois types d’habitations sont tantôt isolés, tantôt associés les uns aux autres dans des proportions variables. M. Pervinquière les a fort bien définis : « Les Matmata dit-il, sont essentielle­ ment fouisseurs, les gens de Médenine peuvent être qualifiés de grimpeurs, les Djebalia et une partie des Ouderna sont à la fois fouisseurs et grimpeurs, associant les burgs et les ca­ vernes. » Ces types d’habitations, par leur singularité même, ont de­ puis longtemps attiré l’attention et ont été souvent décrits®. Mais on n’en avait pas encore dressé la carte, indiqué l’exten­ sion géographique et effectué le recensement. Il y a des troglodytes dans beaucoup de régions de l’Afrique du Nord. Au Maroc, on en connaît un bon nombre (14>. 2 En 3 Algé­ rie, on en signale notamment dans le massif de Tlemcen, dans l’Aurès. En Tunisie, dans un petit faubourg de Béja appelé Me-

(1) Voir pl. VII, VIII, IX. (2) L. Pervinquière, Le Sud tunisien (Revue de Gêéographie annuelle, 1909, p. 395-470, avec bibliographie). (3) Outre le travail cité ci-dessus de L. Pervinquière, voir A. Joly, Notes géo- graphigues sur le Sud tunisien (B. S. G. Alger, 1907, p. 281-301, bibliographie). — J. levainville, Les Troglodytes du Matmata (B. S. normande de Géogra­ phie, 1907, p. 118-142). — M. Idoux, Un Eté dans le Sud tunisien (Mèm. de la Soc. bourguignonne de Géographie, 1900, p. 33-89. —®P. Blanchet, Le Djebel-Démmer (A. de G., 1897, VI, p. 239-254). — La Tunisie, histoire et description, Paris, 1896, I, p. 4gg. _ La Tunisie au début du XX” siècle, Paris, 1904, p. 304. (4) HENRI BASSET, Le culte des grottes au Maroc (bibliographie), Paris et Alger, 1921. 52 l’habitation rurale des indigènes

zara, la plupart des habitants logent dans des grottes qui exis­ tent depuis fort longtemps et qui ne sont sans doute que des vestiges romains. Dans le contrôle de Souk-el-Arba, on signale quelques grottes utilisées comme habitations ou comme maga­ sins; une construction romaine a été recouverte et aménagée en khottab pour abriter une dizaine d’étudiants dans le chei- khat de Balta. Dans le cheikhat de Kouka du contrôle de Té- boursouk, cinq grottes creusées de main d’homme dans un des contreforts du Djebel Guerouaou servent d’habitations ; un damous romain est habité. Dans le contrôle du Kef, on si­ gnale 15 grottes habitées à Kalaa-Djerda, creusées au flanc de la montagne par des ouvriers de ce centre minier. On en trouve une centaine dans le caïdat du Kef, les plus nombreuses dans le cheikhat d’El-Ksar. Il y en a une soixantaine dans le contrôle de Maktar et à peu près autant dans le contrôle de Thala. Dans le contrôle de Gabès, on trouve plus de 300 grottes, habitées pendant l’été seulement, dont plus de 200 chez les Beni-Zid. Mais nulle part en Berbérie l’habitation souterraine ne prend autant d’importance que dans certaines régions du Sud tuni­ sien. Le Djebel Douirat, dit BlanchetW, est une falaise calcaire qui se décompose en proues d’un abord difficile. Les habitants ont jugé inutile d’extraire des pierres- et de les transporter au loin pour bâtir cette falaise artificielle qu’est un mur, alors que la nature leur offrait un plancher et un plafond très solides et tout préparés. Ils se sont bornés à extraire d’entre les bancs calcaires qui se succèdent horizontalement à environ deux mè­ tres l’un de l’autre les couches marneuses tendres qui remplis­ saient l’intervalle et ils se sont logés comme des chacals au flanc de la montagne. Ils y ont pénétré très avant; telle maison compte 10 chambres souterraines, desservies par de longs couloirs. Ces maisons se sont multipliées depuis notre protectorat. Elles descendent dans la plaine et dessinent une spirale continue autour du pain de sucre que couronne l’ancien ksar. En même temps qu’elles devenaient plus nombreuses, les maisons se sont

(1) Blanchet, P. 239. — J. LEVAINVILLE, p. 15-21. LES TROGLODYTES ET LES GHORFAS 53 perfectionnées. Elles se construisent aujourd’hui sur un plan assez compliqué : on commence par déblayer un carré hori­ zontal de 10 mètres de côté au pied de la falaise dans laquelle s’enfoncent les couloirs. A trois mètres en avant, on élève sur le terre-plein des greniers. Ce corps de bâtiment extérieur ren­ ferme toutes les provisions; la cour qui le sépare de la falaise reçoit les animaux pour la nuit; la véritable maison est en ar­ rière, bien défendue contre les regards du passant. Chez les Matmata, il ne s’agit pas de grottes à proprement parler, mais plutôt d’espèces de terriers artificiels. Les indi­ gènes ont tiré parti des qualités particulières du limon rouge, pliocène oir quaternaire, qui colmate les ravins de tout le Dje­ bel tunisien et tripolitain; ce limon, très épais, est assez tendre pour être facile à creuser, assez résistant pour ne pas s’ébou-

Chambre

Chambre

Cour

Chambre

dois .laine

Fig. 13. — Plan de maison de Hadège (d’après Hamy).

1er et se tenir en parois verticales, tout au moins dans un pays où il ne pleut presque jamais. Ces énormes empâtements non stratifiés, formés par une masse détritique homogène marno- argileuse, fine et compacte, d’une coloration uniforme gris- jaunâtre, proviennent du ruissellement aidé par le vent; ce dé­ 84 l’habitation rurale des indigènes pôt de pente, limon ou loess quaternaire, joue clans cette ré­ gion un rôle véritablement providentiel. Gens et bêtes y trou­ vent des abris sains et sûrs, et cette couche possède la faculté plus précieuse encore de recueillir l’eau de pluie 0). Les indigènes creusent dans ce limon des puits qui ont une dizaine de mètres de largeur avec une profondeur de S à 10 mètres; le fond du puits constituera la cour de la maison, qu’on a eu soin de maintenir à un niveau un peu plus élevé que

Chambres

Atelier Cour intérieure

Charnbre des j étrangers

Escaliers Echelle

FIG. 14. Plan d’habitation troglodytique (d’après J. Levainville). la base de la butte dans laquelle est creusé le puits; un tunnel, • généralement courbe, perce le flanc de cette butte et permet de pénétrer de plain-pied dans la cour : c’est le vestibule de la maison et généralement aussi l'écurie. Une porte en bois en ferme l’entrée; la clef, qui, bien souvent, n’a pas moins de 40 à 80 centimètres, est une latte en bois, munie de clous ou de che- * villes dont la disposition constitue le secret de la serrure et

(1) Ph. THOMAS, p. 148-149. LES TROGLODYTES ET LES GHORFAS et 14). Elles sont taillées dans le limon, en forme de voûtes ogi­ vales, ce qui est une condition de solidité. Au-dessus, on re­ marque fréquemment un étage de chambres auxquelles on ac­ cède par des pierres ou des bouts de bois fichés dans le limon, plus rarement par des marches taillées dans ce limon. Ces chambres supérieures servent surtout de magasins, ce qui peut être le cas aussi pour certaines pièces du rez-de-chaussée. D’ailleurs, une partie des provisions reste dans la cour, où l’on aperçoit de grandes jarres (khabia) contenant de 1 huile et d é- normes paniers de même forme (rounia ou kanbout) remplies de grains. Dans le creusement de l’habitation, on commence par déblayer la fosse centrale, puis le couloir d’accès, puis les ma­ gasins et enfin les chambres. Ni bois ni fer : partout la terre jaunâtre ou rougeâtre, sèche et dure. S’il faut un anneau pour accrocher une lampe, une borne pour fixer l’entrave d’un cheval, on les ménage en relief, au point le plus convenable de la chambre ou de l’écurie. Des niches remplacent les armoires et des banquettes réservées le long des parois latérales servent de lits et de sièges. Ce qui distingue ces villages souterrains, dont quelques-uns comptent plus de 2.000 habitants, c’est que les Matmata n’habitent pas à proprement parler des cavernes : ils vivent au fond d’un trou 0). Le but essentiel de ces demeures souterraines paraît bien être la défense, la protection contre les nomades et les cava­ liers. Le couloir d’accès, étroit, tortueux, est facile à fermer et à défendre. Cependant, au point de vue défensif, ces habita­ tions ne peuvent être comparées aux ksours. Les Matmata ont sans doute jugé qu’ils étaient suffisamment protégés par leurs montagnes d’accès difficile. Peut-être l’existence des habita­ tions souterraines s’explique-t-elle surtout par la fraîcheur re­ lative qu’elles procurent aux habitants de ce Sud tunisien qui est un des pays les plus chauds du monde. Au dire des indi­ gènes, ces demeures sont très agréables, fraîches en été et

(1) J. Levainville, art. cité. — Voir la description de Hadègê par Blanchet (A de G 1897 p. 242) et celle de Zoualligh par Letotjrnetjx, Rapport sur une mission botanique (Exploration scientifique de la Tunisie, Paris. 1888), p. 17-19. _ Le Dr Hamy avait présenté à l’Exposition de 1889 une réduction en relief d’un village Matmata, actuellement au Musée du Trocadéro. 56 l’habitation rurale des indigènes chaudes en hiver. Cette fraîcheur se paie de quelques incon­ vénients. D’abord, il est très malaisé de circuler dans le vil­ lage. Puis, la construction d’une maison est un évènement rare et une entreprise de longue haleine; toute la communauté y collabore et il faut un an, dit-on, pour en creuser une. Enfin, quand une averse vient à tomber, les cours intérieures de­ viennent des mares de boue, où nagent les poules, les paniers et les plats à couscouss; l’eau envahit chambres et couloirs («. Depuis une quarantaine d’années, les Matmata commencent à abandonner leurs excavations pour des maisons construites au-dessus du sol®. Cependant, l’usage des habitations creu­ sées sous terre se maintiendra longtemps encore. Il s’est même étendu depuis peu à quelques points de la Jefara et il n’est pas près de se perdre complètement non plus dans le Diebel-el- Abiodh <13>. 2 Toutes les habitations troglodytiques sont groupées dans les trois circonscriptions administratives des Matmata, de Méde- nine et de Tataouine. Il y en a 2.050 dans le caïdat des Mat­ mata, 940 dans le cercle de Médenine, 4.675 dans l’annexe de Tataouine.

Matmata. — Chez les Matmata, on trouve des habitations troglody­ tiques dans le cheikhat de Toudjane à El-Braouaka, Zmersen, Cheguima, Berzouz; il y en a 250 dans le chei­ khat de Beni-Aïssa, à Kalaa-Beni-Zissa, Bou-Dafer, Sidi- Salem, Chemlali, Beni-Aïssa; elles ont remplacé des grottes creusées dans la montagne et que les habitants occupaient il y a quarante ans environ ; actuellement, 4 familles seulement y sont demeurées. Dans le chei­ khat de Matmata, il y a 700 habitations troglodytiques, réparties en villages ou bourgades : Matmata, Tichine, Chabet-Smala, Tidjma, Zegrarine. Dans le cheikhat des Beni-Zelten, on trouve 30 habitations troglodytiques : à Zaid-el-Abid, Mzata, Zriba, El-Kherba ; ces habitations tendent à disparaître et sont remplacées par des maisons. Dans le cheikhat des Oulad-Sliman, on trouve un millier d’habitants, groupés en villages à Hadège, Techine, Cha­ bet-Smala, Hafsa, Hafi-Bassa.

(1) Blanchet, p. 239. (2) Ph. Thomas, p. 150. (3) A. JOLY, p. 62. Médenine. — Dans le cercle de Médenine, il y a un millier d’habi­ tations de troglodytes. Ces ghiran (plur. de ghar) se ren­ contrent chez les Haouias et chez les Ghebentin, dans les cheikhats des Mehadba (200), des Oulad-Mahdi (150), des Lemalma (150), des Mekarza (80), des Djebbah (150), des Djoumaa (50), des Zemamra (150), des Oulad-Youssef (10). Ce sont des cavités creusées dans le sol, larges de 2 mètres et profondes de 4 mètres environ.

Tataouine. — Les sédentaires de la région de Tataouine, premiers occupants du pays, ont fixé leurs demeures en des points inacccessibles de la montagne au temps où ils furent dépossédés par les Arabes, qui continuèrent par la suite à les razzier et à les piller toutes les fois qu’ils en avaient l’occasion.Leurs habitations sont mixtes, mi-souterraines, mi-construites. La montagne est percée d’une multitude de grottes munies souvent de portes et quelquefois même de fenêtres. Devant les grottes d’une même famille sont construites de petites maisons, entourées de murs, avec des cours intérieures où sont enfermés les troupeaux pen­ dant la nuit. Les plus curieux de ces nids d’aigle sont Beni-Barka, Guettifa, Guermessa, Chenini, Douiret, Ghomrassen. Les grottes sont creusées en général aux environs immédiats des ksours. Dans le cheikhat des Oulad-Debbab, on en trouve 140 : 60 près Ksar-Maguebla, 40 près Ksar-Oulad- Debbab, 40 près Ksar-Chebane. Dans le cheikhat des Ou- lad-Chehida, il y en a 450, entre Rametsa et Tamlest. Dans le cheikhat des Adjerda,25 près Guettifa et Oulad-el-Ghar. Dans le cheikhat des Deghaghra, 450 grottes près Guet­ tifa et dissimulées dans l’Oued-Zendag jusqu’à Tamlest. Dans le cheikhat des Zorghane, 300, dont 50 dans l’Oued- Zendag et 250 dans l’Oued-Beni-Bellal; dans le cheikhat des Krachoua, 100, également dans l’oued Beni-Bellal; dans le cheikhat des Hamadia, 200 dans l’Oued Beni- Bellal; dans le cheikhat des Amerna, 50 près Ksar-Tam- lelt; dans le cheikhat des Ababba, 300 dans les monta­ gnes de Graguiet et de Tamzeit; dans le cheikhat de Djelidet Tataouine, 80, dont 10 à Regba, 20 à Oued-bou- Djelida, 20 à Guettifa, 10 à Zmila, 10 à Mesrab, 10 à Oued-Beni-Bellal ; dans le cheikhat de Djelidet-Beni-Bel- lal, 100 à Ksar-bou-Djelida, Ksar-Beni-Bellal, Ksar-el- Haouch et El-Aïn; dans le cheikhat de Douiret, 400 au village de Douiret; dans le cheikhat de Guermessa, 400 à Guermessa; dans le cheikhat de Chenini, 165 à Cheni­ ni ;dans le cheikhat de Guettifa, 225, dont 15 dans l’Oued Beni-Bellal, 25 à Maguedmine, 40 à Beni-Barka, 400 à l'habitation rurale des indigènes

Guettifa, 10 à Touket, 20 à Beni-Krezer, 15 à Krachoua; dans le cheikhat de Ghomrassen-el-Bled, 800 à Ghom- rassen; dans le cheikhat de Ghomrassen-el-Haddada, 400, disséminés dans le territoire; dans le cheikhat de Dehibat, 85 à Dehibat. Depuis l’occupation française, quelques-uns de ces tro­ glodytes commencent à s’éloigner un peu de leurs de­ meures pour suivre des troupeaux qu’ils peuvent main­ tenant élever en sécurité sans crainte d’être razziés.

Cette zone de troglodytisme se continue dans tout le Djebel tri- politain, dans le Nefousa et le Gharian. Et telle est la puissance de l’habitude qu’à Metlaoui, les Tripolitains n’ont pas voulu ha­ biter les maisons ouvrières qu’avait édifiées la Compagnie des Phosphates qui emploie leur main-d’œuvre. Ils ont construit ou plutôt creusé des habitations souterraines au flanc de la montagne.

* * *

Un autre mode d’habitation particulier au Sud tunisien, ce sont les ksours à ghorfas, dont Médenine et Metameur sont les plus beaux spécimens. « Qu’on imagine, dit Blanchetd), une place carrée entourée de constructions voûtées en berceau, hautes de 2, 4, 6 mètres, selon qu’elles comptent 1, 2 ou 3 étages de berceaux super­ posés. Pour tout le ksar, une porte unique, ouvrant sur la face la plus abrupte, surveillée des deux côtés par des meurtrières, protégée par deux avant-corps où les ouvertures sont percées de biais afin de tenir l’assaillant plus loin du point faible de la place. Du dehors, ces murs arrondis à leur sommet semblent une longue muraille nue, couronnée de créneaux irréguliers, prête à se hérisser de fusils contre une razzia. Prenez 10, 20, 50 cours semblables, accolez-les de façon que toujours leur porte donne sur une cour centrale et que toujours le mur nu, bossué de voûtes, percé de meurtrières, ouvert d’une porte uni­ que, domine la campagne : vous aurez Médenine et Metameur.» Les ghorfas sont des constructions carénées, à flancs coür- 1

(1) BLANCHE!, art. cité, p. 241. LES TROGLODYTES ET LES GHORFAS 59 bes, longues, étroites et basses. Les indigènes élèvent une sé­ rie de voûtes de ce genre l’une à côté de l’autre; les voûtes ter­ minées, ils ferment une des extrémités par une maçonnerie, l’autre par une porte massive, et voilà la ghorfa constituée. Ce premier édifice, élevé d’environ 4 mètres, est-il rempli et in­ suffisant, ils construisent au-dessus un autre étage de voûtes de même longueur et de même largeur, puis un autre sur ce­ lui-là et souvent ainsi 4 à 5 étages, qui constituent une ma­ nière de rocher creusé de trous û). Les ksours composés de ghorfas ressemblent à des ruches dont les ghorfas seraient les alvéoles. L’aspect est des plus singuliers. Le Dr Hamy ® pense que ce sont les ghorfas, et non des gourbis ou des cabanes de nomades, qui sont les mapalia en forme de carène renversée dont parlent les auteurs anciens. MM. Bertholon et Chantre® signalent la ressemblance des ghorfas avec certaines constructions de l’ancienne Egypte. Un des ksours de l’Arad, d’après ces auteurs, rappellerait les ma­ gasins à grains des Beni-Hassan «. C’est là, en tout cas <15>, 2une 3 * construction essentiellement berbère. C’est ainsi que bâtis­ saient les gens de ce pays à l’époque romaine et à l’époque by­ zantine. Ils n’ont pas eu d’ailleurs à chercher bien loin le prin­ cipe de leurs constructions: ces galeries parallèles qui s ou­ vrent les unes au-dessus des autres, au flanc d’un mur verti­ cal, ne sont que les grottes des Matmata. Partout où le sol leur a permis de vivre sous terre, les indigènes s’y sont logés; mais, quand ils ont dû vivre dans des roches effritées ou en plaine, ils ont dressé d’abord une falaise artificielle pour y creuser leurs greniers. Les ghorfas semblent bien dériver des grottes souterraines, dont elles ont conservé l’architecture en la pro­ jetant en quelque sorte à l’air libre <6>. Quelques ghorfas sont habitées, mais c’est l’exception; natu­ rellement, ce sont celles du rez-de-chaussée. Les autres ne sont

(1) Idoxix, Un été dans le Sud tunisien, p. 22. (2) La Tunisie au début du XX siècle, p. 304. (3) bertKolon et CHANTRE, Recherches anthropologiques sur la Bcrbéne onen-

(<ï(4) CL Perrot’et Chipiez, Histoire de l’art, i, p. 488, fig. 281 et n, pl. ix et x.

(6) îSZZXZt HAMY, p. 304. - BRUNN, Tour du Monde, 1898, p. 490. 60 l’haritation rurale des indigènes

que des greniers où l’on entasse les provisions de réserve. Ce n est pas chose facile d’ailleurs que de monter une jarre d’huile au cinquième étage, d’autant plus que bien souvent des pierres en saillie et des bouts de bois fichés dans le mur tiennent seuls lieu d’escaliers. Chaque fraction de tribu possède sa cour, dans laquelle cha­ que famille a sa cellule. C’est là qu’elle emmagasine ses pro- visions, ses grains, ses figues, ses dattes, son huile, ses ins­ truments aratoires et en général tout ce dont elle n’a pas be­ soin pendant qu elle nomadise. Chaque cour a son gardien payé par les intéressés. En temps de paix, les ksours à ghorfas sont à peu près inhabités. Quoique sédentaires, les proprié- taiies ny résident pas; ils vivent dispersés dans des masures au milieu de leurs jardins, au fond des ravins environnants ou quelquefois sur les plateaux voisins. Les villages-magasins apparaissent dans la Jefara au Sud du Tadjera, les Matmata en ont quelques-uns, comme Ksar- Yakhdech, mais la plupart sont troglodytes. Les deux plus grands de ces entrepôts sont Médenine et Metameur. Dans le Djebel-Abiodh, les Ouderna possèdent des ksours analogues, mais plus petits, n’avant qu’une seule cour et rarement plus de deux étages de cellules. Tels sont Ksar-Dagrah, Ksar-Djeli- dat, Ksar-Gatifa, Ksar-Krachna. Le plus curieux de tous est Ksar-Beni-Ikhzer: minuscule et cependant imposant, il a un faux air de château féodal avec, ses murs crénelés; quant à l’in­ térieur, il rappelle entièrement une des cours de Médenine. Au­ tour de cette cour unique, 5 ou 6 couches superposées de ghorfas. L’étroit couloir donnant accès dans la cour intérieure est fermé par une lourde porte blindée, de part et d’autre de laquelle ont été aménagées de nombreuses meurtrières W. Les ghorfas sont nombreuses surtout dans le cercle de Mé­ denine, où l’on en compte 1.160 et dans l’annexe de Tataouine où 1 on en recense 6.311. Le ksar de Zarzis est également com­ posé de ghorfas, ainsi que celui de Ben-Gardane. 1

(1) L. PERVINQUIÈRE, p. 457-458. Lés troglodytes et les ghorfas 61

Le rapport du cercle de Médenine décrit ainsi la ghorfa : Médenine.— La ghorfa (fig. 15), construite en pierres réunies par un peu de terre et de plâtre, n’est habitée que par un petit nombre d’indigènes; c’est une chambre longue et étroite de 8m sur 3m environ, assez large et surmontée par une voûte demi-cylindrique; une petite porte située à l’une des extrémités est la seule ouverture. La ghorfa sert en

Fig. 15. — Ghorfa.

général à emmagasiner les céréales, les provisions, les instruments aratoires; c’est plutôt un grenier qu’une ha­ bitation. Le ksar est constitué par un ensemble de ghor- fas superposées formant 4 et môme 5 étages, ouvrant toutes sur une place rectangulaire, sur l’un des côtés de laquelle est pratiquée une ouverture qui permet de pas­ ser d’un ksar dans l’autre. Le côté aveugle de ces mai­ sons est tourné vers l’extérieur, ce qui donne au ksar l’aspect d’une forteresse. Autrefois, en temps de trouble, les tribus trouvaient un refuge dans les ghorfas et quel­ ques hommes suffisaient à en assurer la défense.

Ben-Gardane. — A Ben-Gardane, le centre, quoique créé sous l’in­ fluence de l’autorité administrative, conserve le carac­ tère propre aux constructions du Sud. On y trouve, com­ me partout dans le Sud, des ghorfas en pierres hourdées au plâtre du pays, bâties par des maçons indigènes ayant des notions rudimentaires de leur métier. Cependant le ksar de Ben-Gardane est différent de ceux, très anciens, à étages superposés, que l’on rencontre sur les territoi­ res de Médenine et de Tataouine. A l’époque où ces der­ niers ont été construits, on réduisait la superficie au mi­ nimum pour faciliter la défense. Ici, aucune considéra­ tion de sécurité n’intervenant plus, on a pu étendre le périmètre du ksar et construire toutes les ghorfas en rez- de-chaussée. Quelques-unes, en petit nombre, sont habi­ êâ l’habitation rurale des indigènes

tées toute l’année par des indigènes, souvent étrangers au pays, qui vivent en trafiquant un peu de tout. D’au­ tres abritent leur propriétaire quelques semaines dans l’année; mais la majorité de ces ghorfas sert surtout de magasins, où les Touazine déposent leurs réserves de denrées, quelques objets mobiliers et des instruments aratoires.

Les ghorfas répondent en somme aux mêmes nécessités et servent aux mêmes usages que les guelaâs de l’Aurès et les tirremt du Maroc : ce sont des magasins et des greniers, les coffres-forts des nomades, où ils renferment leur avoir pendant la période de l’année où ils se déplacent avec leurs troupeaux. Mais, au lieu d’être des sortes de châteaux-forts juchés sur des sommets inaccessibles, ils sont établis dans la plaine et leur organisation défensive résulte de leur structure même. C’est leur mode de construction qui fait leur originalité. Ces bico­ ques, si faibles qu’elles soient, suffisaient pour résister aux moyens d’attaque dont disposaient les indigènes. CHAPITRE V

LA MAISON URBAINE

En Tunisie comme en Algérie, l’enquête sur l’habitation des indigènes a porté exclusivement sur les constructions rurales* En Tunisie pas plus qu’en Algérie, il n’est toujours facile de dire si une agglomération a le caractère urbain ou rural. Les gros bourgs du Sahel de Sousse, les ksours des oasis, ont un caractère urbain assez marqué. i*e critérium auquel on reconnaît la ville d’Islam est l’exis­ tence d’une mosquée-cathédrale b), mais, au point de vue éco­ nomique qui est celui auquel nous nous plaçons ici, la classifi­ cation adoptée par les statisticiens, qui considèrent comme ag­ glomérations urbaines les localités de plus de 2.000 habitants, nous paraît préférable.

La disposition de la maison urbaine est partout la mê­ me : un grand cube de pierre (2), avec un patio sur lequel s’ouvrent les chambres. Les matériaux sont la pierre et les moellons blanchis à la chaux. Les chambres sont cou­ vertes en voûtes cylindriques ou en pierres. On emploie également le bois pour couverture, les madriers étant placés à 25 centimètres l’un de l’autre et couverts de planches sur lesquelles on étend une couche de cailloux et de mortier. Depuis quelques années, on se sert de fers à T et certains indigènes font construire leurs maisons par des maçons suivant tes méthodes modernes, mais l’absence de goût et de style chez leurs propriétaires fait que ces habitations enlaidissent les villes indigènes.

D’un bout à l’autre de la Berbérie, on retrouve, avec de très légères nuances, les mêmes formes de vie urbaine, les mêmes éléments de population citadine, les mêmes coutumes indus­ trielles. Ce n’est pas seulement de Fès à Tunis que se remar­ quent ces similitudes : c’est jusqu’à Brousse, jusqu’à Bagdad,

(1) A. Bel, Revue Africaine, 1923, p. 371. (2) Rapport de Sousse. 64 l’habitation kuralë DES INDIGÈNES

jusqu’à Damas, jusqu’à Samarcande, en somme dans tous les pays méditerranéens et dans tous les pays musulmans. Ces ressemblances ne sont donc pas attribuables aux origines ethniques; elles sont dues aux conditions du climat, à soleil ar­ dent et à pluies rares, auxquelles répondent les dispositions de l’habitation et des souks. Elles sont dues aussi en partie à 1 Islam, car certains traits, tels que la claustration des fem­ mes, le traditionnisme des industries, l’apathie des artisans, se retrouvent dans tous les pays musulmans. La vie urbaine a toujours été très développée en Tunisie. La punique, avait, dit-on, 700.000 habitants. Brûlée et détruite par les Romains, elle fut vouée à une solitude éter­ nelle et du sel fut répandu sur la terre pour que rien ne pût y croître désormais. Mais telle est la puissance des avantages géographiques qu’elle redevint bientôt capitale, après avoir été quelque temps remplacée par Utique. La Carthage romaine était regardée comme la troisième ville de l’empire et on disait qu’elle était une seconde Rome. Le premier centre religieux et politique des musulmans dans 1 Afrique du Nord fut Kairouan, à peu près au centre de la Tunisie, à mi-chemin du Cap-Blanc aux grands Chotts, de Sousse à Tébessa, à égale distance des côtes et des massifs montagneux. Mais bientôt la grande ville et la capitale devint Tunis, qui, au point de vue des relations générales, a les mêmes avantages qui avaient fait la fortune de Carthage. Elle est placée à l’extrémité Nord-Est de la Berbérie, là où viennent finir les derniers plis de l’Atlas, au débouché des plaines terminales des.deux plus importants cours d’eau du Tell tunisien, la Medjerda et l’Oued Miliane. La région est en communication facile avec le Sahel de Sousse et avec la steppe de Kairouan par des cols larges et bas qui interrom­ pent la chaîne de Zeugitane. « Position au débouché naturel du Tell et pénétrabilité du côté du Sud, voilà les deux traits essen­ tiels de la région, traits accusés par l’altitude médiocre et l’ab­ sence de compartiments distincts W.,, Mais la situation topogra­ phique de Tunis diffère profondément de celle de Carthage®.

(1) Ch. Monchicourt, La Région de Tunis [A. de G., 1904, p. 150). (2) Augustin Bernard, Les capitales de l'Afrique du Nord, p. 18. LA MAISON URBAINE 65

Tunis n’est pas un port de mer; bâtie au fond d’une lagune sans profondeur, elle a dû, jusqu’à une époque toute récente, se servir d’une ville intermédiaire, La Goulette, pour son com­ merce maritime. Alors que Carthage avait une position quasi- insulaire, Tunis a une assiette presque continentale, où se marque la différence de conception des deux peuples. Entre les collines de Bir-Kassa et celles de Ras-Tabia, la ville musulmane s’étage sur un plan incliné qui descend en pente assez douce vers la Bahira, alors qu’il s’arrête d’une façon abrupte dans la direction opposée et culmine au-dessus de la cuvette du lac Sedjoumi. Tunis n’étant pas, comme Carthage, maîtresse de la mer, s’est placée à l’abri des insultes immédiates d’une flotte; ce motif d’ordre militaire est évidemment la raison de l’aban­ don de l’emplacement antique et du choix du site moderne. Ibn-Khaldoun vante la magnificence de Tunis, qui, au xme siè­ cle, surpassait, dit-on, le Caire et comptait plus de 100.000 ha­ bitants. Sous les pachas et les beys, elle perdit beaucoup de sa splendeur et fut surtout un repaire de pirates; elle demeura toujours cependant « une des singulières et magnifiques cités d’Afrique », comme l’appelait Léon l’Africain. Aujourd’hui encore, Tunis est la plus grande ville indigène de la Berbérie. Les habitants la comparent à un burnous étendu dont le capuchon serait la Kasba, comparaison qu’on applique aussi à Constantine. La médina est flanquée de deux fau­ bourgs, celui de Bab-Souika au Nord, habité surtout par les Juifs ,et celui de Bab-Djezira au Sud. Les souks de Tunis comportent un grand nombre de petites boutiques s’ouvrant sur des voies généralement couvertes de voû­ tes ou de toitures en planches; chacun des différents métiers occu­ pe une ou plusieurs rues à l’exclusion des autres. Aux extrémités des quartiers affectés aux diverses corporations sont des portes qu’on peut fermer de façon à clore et à isoler ces quartiers les uns des autres. L’origine de la plupart des souks actuels remonte au xiii6 siècle, à l’époque des Hafsides, sous lesquels Tunis fut une place industrielle de grande importance. Les produits des industries de Tunis, naguère encore florissantes, étaient ap­ préciés dans tout le monde musulman. Mais les progrès indus­ triels réalisés en Europe, le machinisme, la concurrence étran­ 66 l'habitation RURALE DES INDIGENES

gère leur ont porté un coup fatal. Au-dessus des artisans, on trouve à Tunis le personnel des administrations indigènes, les magistrats, les professeurs, qui constituent une aristocratie assez fermée. Quant aux autres villes de la Tunisie, elles sont loin d’égaler Tunis en importance ; les unes sont situées dans le Nord, comme Zaghouan, Bizerte, Béja, Medjez-el-Bab, Téboursouk, Testour, Le Kef; les autres sur la côte orientais ou dans son voisinage, comme , Hammamet, Sousse, Kairouan, Mo- nastir, Mâhdia, Sfax; d’autres enfin dans les oasis du Sud, comme Gafsa, Gabès, Tozeur, El-Oudiane, El-Hamma. Elles renferment une population de petits artisans et de petits com­ merçants, assez médiocres travailleurs, mais qui satisfaisaient tant bien que mal à la consommation locale jusqu’au jour où ils ont été concurrencés par l’importation étrangère. Les villes européennes se sont établies en général aux mê­ mes emplacements que les villes indigènes, notamment à Tunis, Sousse, Sfax, Gabès. Il n’y a guère de villes nouvelles comme sont Bel-Abbès, Sétif, Batna en Algérie; seule, Bizerte est une ville à peu près entièrement européenne, l’unique ville de Tu­ nisie où les Européens soient en majorité. D’autre part, en Tunisie, on a respecté en général mieux qu’en Algérie les an­ ciennes cités indigènes; on s’est placé à côté d’elles, au lieu de les défigurer et de les détruire. La population indigène urbaine est relativement beaucoup plus considérable en Tunisie qu’en Algérie. Il y a en Tunisie 29 agglomérations comptant plus de 3.000 indigènes, autant que l’Algérie sur une étendue trois fois moindre. Et quelques- unes de ces agglomérations sont de grands centres, auxquels rien en Algérie n’est comparable. On peut estimer à 350.000 le nombre des indigènes « urbains » de la Tunisie. On ne s’éloi­ gnera sans doute pas beaucoup de la vérité en disant que la Tunisie compte 18 pour 100 d’indigènes citadins, alors que l’Algérie n’en a guère plus de 6 pour 100. CONCLUSION

Si on laisse de côté les maisons urbaines, on peut estimer qu’il y a aujourd’hui en Tunisie 296.123 habitations rurales, dont 79.065 tentes, 108.109 gourbis, 90.000 maisons, 18.949 grottes et ghorfas. En 1886, on avait recensé 64.625 tentes, 58.403 maisons, 20.782 gourbis; en 1890, 81.135 tentes et 57.032 maisons ou gourbis. Quoique ces chiffres, comme nous l’avons dit dans l’avant-propos, ne soient guère comparables, ils peuvent fournir néanmoins quelques indications. Avant le Protectorat français, la question de sécurité était pri­ mordiale : la tente permettait à 1 indigène de s enfuir, le goui- bi ou l’habitation souterraine de se cacher, le ksar ou la kalaâ de se défendre.Aujourd’hui les indigènes abandonnent leurs ten­ tes, descendent de leurs kalaâs et sortent de leurs grottes, poui venir dans les plaines d’où les avaient chassés l’insécurité et les razzias. En Tunisie comme en Algérie, les indigènes tendent à se fi­ xer au sol. La tente est peu à peu remplacée par le gourbi, qui à son tour fait place à la maison. La sécurité établie, l’accrois­ sement de la population, qui a plus que doublé depuis 1 occu­ pation française, le développement des cultures ont entraîné la sédentarisation. Le mouvement est peut-être plus accentué en Tunisie qu’en Al­ gérie, tout au moins dans l’Algérie intérieure, parce qu’en raison des conditions géographiques, les plaines basses de la Tunisie orientale sont beaucoup plus propices à la culture des arbres à fruits et à la sédentarisation qui en résulte que les hautes-plaines steppiennes de l’Algérie, au climat si âpre et si continental. L’évolution est plus ou moins marquée suivant les régions. La réduction du nombre des tentes et l’augmentation du nombre des habitations fixes est particulièrement nette dans la région de Téboursouk et dans celle de Maktar, au moins chez les Oulad- Aoun. l’habitation rurale des indigènes

De grands progrès ont été aussi, réalisés dans toute la région littorale de 1 Est., Comme l’a dit Paul Bourde, la grande diffé­ rence entre la Tunisie musulmane et la Tunisie antique, c’est que 1 industrie pastorale et avec elle le nomadisme s’y est subs­ tituée à la culture arborescente. « Il est certain, dit Tertullien déci ivant 1 Afrique romaine au début du ni® siècle, que la terre est chaque jour plus cultivée et plus ornée. Toutes les parties en sont ouvertes, connues, accessibles au commerce; des dé­ serts jadis fameux ont disparu; de délicieuses propriétés les ont remplacés; il y a aujourd’hui plus de villes qu’il n’y avait autrefois de huttes. » Et en effet, l’importance des ruines ro­ maines en Tunisie accuse des populations d’une densité bien supérieure au peuplement indigène actuel. L’Islam a tout dé­ truit; devant les hordes guerrières et pastorales, la végétation arborescente des montagnes a disparu sous la dent des trou­ peaux, puis 1 érosion a mordu à son tour et entraîné vers les plaines et les vallées le peu de terre végétale demeuré sur les sommets et sur les pentes. Nous avons repris l’œuvre de Rome et nous nous efforçons au­ jourd’hui de faire renaître l’ancienne fécondité. Malgré le puis­ sant outillage dont nous disposons, c’est une œuvre singulière­ ment difficile W. Nous avons reconstitué les plantations d’oliviers qui couvraient une partie de la Tunisie dans l’antiquité. Les jar­ dins qui rayonnent autour de Sfax forment un cercle de plus en plus étendu. On observe des tranformations analogues dans la ré­ gion de Kairouan, autour de Sbeïtla, vers Triaga, vers Mak- nassy; dans l’Extrême-Sud, chez les Accaras et les Touazine, autour de Zarzis et de Ben-Gardane. , Un des moyens les plus efficaces de sédentarisation ; c’est l’accession des petits cultivateurs à la propriété, la division du sol, le passage de la propriété collective à la propriété indivi­ duelle, tout au moins là où les cultures arborescentes sont pos­ sibles, car la culture des céréales associée à l’élevage, telle qu’on la pratique ordinairement dans l’Afrique du Nord, ne fixe qu imparfaitement les indigènes au sol, comme nous l’avons fait remarquer à diverses reprises. Certes, ni les tentes ni le nomadisme ne disparaîtront jamais

(1) PH. THOMAS, p. 46-48. CONCLUSION 69 complètement en Tunisie; cela n’est pas possible et ne paraît même pas souhaitable. Nous sommes trop portés, à croire que la sédentarité possède une sorte de dignité éminente par rap­ port au nomadisme et qu’un genre de vie est d’autant plus intéressant et d’autant plus estimable qu’il se rapproche da­ vantage du nôtre. Sans doute, la sédentarisation permet à un nombre d’hommes plus élevé de vivre sur une même surface, et d’autre part, les indigènes sédentaires sont plus faciles à administrer et à surveiller que les nomades, quoique ces der­ niers soient loin d’être « insaisissables » comme on se l’imagi­ nait à l’époque de la conquête de l’Algérie, et que notre admi­ nistration, notamment notre admirable administration militaire du Service des Affaires Indigènes, ait parfaitement découvert les moyens de les saisir. Tout compte fait, l’industrie pastorale et la transhumance doivent conserver leur rôle en Tunisie dans une économie rurale bien comprise du pays. Dans la steppe, la tente, mieux en harmonie avec le genre de vie des habitants et aussi avec les matériaux dont ils disposent, gardera long­ temps sinon toujours la prééminence. Cependant, le mouvement de sédentarisation et de mise en valeur culturale de la Tunisie est loin d’être achevé. II pourra même être accéléré par toute une série de mesures : d’abord, par des mesures foncières permettant à un plus grand nombre d’indigènes de devenir propriétaires, par le démembrement des grands henchirs, des latifundia tant indigènes qu’européens ; puis, par des travaux hydrauliques tendant à une meilleure utilisation des eaux et rendant la culture possible dans des ré­ gions où elle est actuellement impraticable ou trop aléatoire. Les indigènes sentent le besoin de se sédentariser. Chez les Djelass, les Souassi, les Hemmama, ce besoin se traduit par l’ap­ propriation du sol sous forme de plantations d’arbres, oliviers ou figuiers, de constructions, d’aménagement des eaux, de clô­ tures. « On constate, dit M. Rectenwald ®, une hâte fébrile des indigènes à se créer des titres de propriété, nous allions dire

(1) Sur cette question des genres de vie et de leur hiérarchie, y. Lucien Febvee, La terre et l’évolution humaine, Paris, 1922, p. 284-358. (2) Geoeges Rectenwald, Terres mortes et terres de colonisation en Tunisie (Re­ vue Algérienne, Tunisienne et Marocaine de Législation et de Jurisprudence, 1921, p. 54). — V. aussi P. Deckeb-David, L’agriculture indigène en Tunisie. Tunis, 1912. 70 l’habitation rurale des indigènes

à se cantonner. On ne peut que se réjouir d’une pareille fièvre d’appropriation, puisqu’elle contribue en définitive à la mise en valeur d’un plus grand nombre de terres. » L’administration favorise de toutes les manières cette fixa­ tion au sol des indigènes. lTn décret du 18 juin 1918 a institué un régime de location des terrains domaniaux dont on peut at­ tendre les plus heureux résultats pour la sédentarisation. D’au­ tre part, sur l’emprunt de 1920, une somme de 11.500.000 fr. doit être consacrée à l'amélioration de la culture des indigè­ nes, à leur installation et à leur fixation, avec des droits de préférence pour les mutilés et combattants indigènes de la guerre. En 1919, des lotissements de terres domaniales ont été créés dans les hènchirs de et de Sbeïtla; des figuiers de Barbarie pour la nourriture du bétail pendant l’été ont été plantés dans les caïdats des Fraichich et des Majeur. En 1920, dans le contrôle de Medjez-el-Bab, en compensation des prélè­ vements opérés au profit de la colonisation sur les hènchirs de Bou-Arada et d’El-Aroussa, qui étaient loués aux indigènes, les terrains laissés disponibles ont fait l’objet d’un lotissement de 6.500 hectares, au profit de 500 familles indigènes. Dans le Sud, trois lotissements ont été effectués à Bou-Thadi, Mak- nassy et Sened pour 700 familles, soit au total 23.500 hectares allotis d). En 1921, 13.000 hectares ont été allotis de la même manière dans les régions de Djeradou, Zeriba et Saouaf-Dje- bibina entre 750 familles indigènes®. En 1922, 26.000 hecta­ res ont été mis à la disposition des fellahs dans les régions de , Pont-du-Fahs, Kechabet-Chabane et -el- Abida pour 1.574 familles. Le programme de 1922 a porté sur 18.000 hectares, allotis entre 200 familles. Si l’on ajoute à ces chiffres les ventes et autorisations de planter données avant 1919, et dont l’ensemble porte sur environ 46.000 hectares, on constate que plus de 200.000 hectares ont été attribués aux fellahs, assurant à la fois la mise en valeur d’importants terri­ toires et la sédentarisation de populations plus au moins no­ mades.

(1) Rapport sur la situation de la Tunisie en I9t0, p. 89. ® Id. en I9SI, p. 2125. CONCLUSION 71

En même temps que cette œuvre de recasement, de colonisa­ tion indigène, si digne d’éloges, doit être poursuivie 1 œuvre de la colonisation française. Car l’évolution des indigènes vers le progrès n’est possible, qu’on ne l’oublie pas, que par l’implantation au milieu» d’eux d’une population européenne nombreuse et fortement enracinée au sol, composée surtout de petits et moyens propriétaires résidants, qui lui donne 1 exem­ ple en matière de constructions comme en matière d amélio­ rations agricoles. « Dans toutes les régions de colonisation très active, dit M. de Peyerimhoff, les indigènes sont entraînés comme mécaniquement dans le mouvement du progrès écono­ mique et en bénéficient parallèlement avec les Européens, par­ fois proportionnellement autant qu’eux. » Ce fait nous paraît ressortir nettement de l’enquête sur l’habitation rurale, aussi bien en Tunisie qu’en Algérie. Les populations rurales de la Tunisie, trop souvent négligées au profit des populations des villes, plus bruyantes et plus promptes à faire valoir leurs revendications politiques, méritent toute notre sollicitude; leurs besoins et leurs aspirations sont beaucoup plus intéressants que ceux de quelques citadins gri­ sés de phraséologie creuse. Nous avons déjà beaucoup amélioré la condition du fellah; il faut persévérer dans cette voie, car le paysan indigène représente la vraie force productive de la Tu­ nisie et c’est sur lui que doit s’appuyer notre protectorat. Il ne faut pas laisser ignorer aux jeunes générations tuni­ siennes, trop portées à regarder l’époque de l’indépendance bevlicale, qu’elles n’ont pas connue, comme une sorte d’âge d’or, que le protectorat français leur a été extrêmement bien­ faisant, a rendu à leur pays une prospérité qu’il n’avait pas eue depuis l’antiquité, a mis fin à l’insécurité, aux razzias et aux pillages. Les progrès accomplis dans le mode d’habitation des indigènes sont un des témoignages, et non des moindres, de cette heureuse évolution.

APPENDICE

ESSAI DE STATISTIQUE DES DIFFÉRENTS TYPES D’HABITATIONS INDIGÈNES

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrô e de TABARKA

Oulad-Amor...... 2 200 41 » Oulad-ben-Saïd...... 5 250 26 » Haouamdïa...... 4 175 16 » Oulad-Yahia...... 6 210 5 » Ourahnïa...... 8 220 7 » Hasaïnia et Touajnia...... 10 225 7 » Àjarda...... 2 190 5 » Oulad-Sedra...... 28 203 2 » Khemaïria et Kheraïsia...... 105 185 4 » Atatfa...... 21 253 » » Asnia, Sloul et Oulad-Helal... 68 320 4 » Tebaïnia et Rekhaïcia...... 210 215 2 » Gouaïdïa...... 75 215 » » Hamran et Debabsa...... 130 335 4 » Oulad-Msellem...... 135 450 3 » Hedil et Jouaouda...... 200 455 4 » ...... 145 211 5 » Kloub et Tsiran...... 160 213 1 »

Totaux...... 1 314 4.525 136 » 74 L'HABITATION RURALE DES INDIGÈNES

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Gon rôle de B EJA

Béja-Ville...... » » 806 35 Banlieue de Béja...... » 150 12 » Zouagha...... » 890 42 2 Bou-Hezani...... » 920 31 » Munchar...... » 752 151 » Gheraba...... » 412 75 » Kodhâa...... » 384 53 . . . » Oulad-Moussa...... » 317 45 » Zaouiet-Medien...... » 120 222 » Azra...... » 583 58 » Beni-Malek...... » 177 5 » Oulad-Ghezia...... » 173 8 » Kram et Kouka...... » 413 13 » Remadhnia...... » 394 16 » Meatkia...... » 269 39 » Sammech...... » 161 32 » Fraïdjia...... » 295 7 » Beni-Saïd...... » 362 47 » Ouchtata...... » 442 9 » Oulad-Salem...... » 670 4 » Oulad-Kacem...... » 366 27 » ï Oulad-Haouimel...... » 194 12 » Messatria...... » 250 7 » Messaadia...... » 163 5 » Hebaba...... » 206 11 » Fatnassa...... » 481 11 » i Tebaba...... » 547 16 » ! Oulad-Bou-Ali...... » 204 10 »

(i) Totaux...... » 10.295 1.774 37

(1) Dont 1.2Î7 bortals. ESSAI DE STATISTIQUE 7 a

NOMS DES GHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS TROTTES

Contrôle de BIZE:rte CAÏDAT DE BIZERTE » Bizerte (E. et 0.)...... y> » 1.983 » Banlieue de Bizerte...... » 319 479 » Marnissa...... » 448 23 » Matline...... ■ » 381 188 » Ras-Djebel...... » » 1.089 » Ras-Raf...... » » 694 » Porto-Farina...... » » 408 Kebtana-et-Thani a...... » 252 730 » Kebtana-el-Oula...... » 300 48 » » 402 6 » Louata...... » El-Alia...... » 446 406 350 Aoudja...... » 75 * 14 » Trabelsia...... » 385 7 » Troud...... » 147 Menzel-Abderrahman...... » » 463 » Menzel-Djemil...... » 400 356 » 367 12 » » Hicher...... » 512 6 » j Totaux...... » 4.434 7.262

CAÏDAT DE MATEUR 550 » Mateur...... » 538 8 » Arab-Majour...... » 285 1 y> Neffat...... » 409 » El-Arab...... » 748 63 » Behaïa...... » 473 6 6 » Benaïssa...... » 770 4 » Kef-Gherab...... » 432 6 » Ghezala...... » 656 50 » Tahent...... » 112 Semmane...... » 444 6 »

A reporter...... 'i» 4.867 700 » 76 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKH ATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

CAÏDAT DE MATEUR (suite) Report___ » 4.867 700 » I Touadjnia...... » 455 3 1 Ababsa...... » 481 » Oulad-Ghanem...... » 333 2 1 Oulad-el-May...... » 326 6 » Hechachna...... » 535 6 1 Douaouda...... » 791 6 1 Sehabna...... » 470 4 1 Chenana...... » 836 174 » 1 Maalia...... » 254 » » » Il Totaux...... » 9.348 901 I 1 otaux du Contrôle de Bizerte » 13 782 8 163 »

Contrôle de SOUK-1EL-ARBA 1 Berdaï...... 17 288 118 1 Djereïf...... 41 267 129 1 Drâa-Ennefikh...... 31 283 157 1 Oulad-Gherib...... 300 167 16 I Rebia...... 198 284 254 1 El-Maleh...... 273 392 139 » Souk-es-Sebt...... 11 321 480 » Souk-el-Arba...... 8 252 260 » Ben Bachir...... 15 427 323 ...... 14 665 14 Ouchtata...... 8 295 3 » I Mrassen et Oulad-Kahla...... 17 694 4 Oulad-Mfedda...... 160 419 » Fokra-Fezoua et Dekhaïlia... 90 589 5 Oued-Meliz...... 29 279 8 Hakim...... 240 462 10 » ii Chouichia...... 207 211 4 Mekanine...... 190 436 5 » I A reporter...... 1.849 6.731 1.929 » ï ESSAI DE STATISTIQUE 11

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle de êiOUK-EL-;VRBA (.sui te) Report...... 1.849 6.731 1.929 » Souk-el-Khemis...... » 335 115 » El-Merdja...... 20 740 461 5 Bir-Lakhdar...... » 266 153 » Zemamza...... 22 427 38 » Oulad-el-Abed...... 9 367 56 » Bal ta...... 1 809 290 » Beni-Mhammed...... 15 278 13 » Aouaouda...... 41 253 49 » Baldia...... — 111 391 18 » Totaux...... 2.068 10.597 3.122 5

Contrôle de TËBOURSOUK Téboursouk-Ville...... » » 756 » Téboursouk banlieue...... 46 790 48 » Gafour (E. et 0.)...... 64 602 740 » El-Kelekh...... 66 500 53 » Hammamet...... 1 565 77 » Djouaouda...... 12 413 23 » Kouka...... » 389 59 5 Oulad-Yahia...... 25 606 43 » (b Totaux...... 214 3.865 1.799 5

Contrôle de MEDJEZ-EL-BAB Medjez-el-Bab...... » 150 274 » Sidi-Median...... » 120 9 » Oulad-Khezam...... » 350 11 » Chaouache...... » 100 7 » Oulad-Lamir...... » 750 20 » Oulad-Akrim...... » 250 33 » Sloughia...... » 100 25 » Oulad-Slama...... » 200 14 » A reporter...... » 2.020 393 » (1) Dont 228 bortals. 78 l'habitation rurale DES INDIGÈNES

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle de JIEDJEZ-E L-BAB (suite) Report...... » 2.020 393 » Testour...... » 500 277 » Oued-Zergua...... » 200 • 68 » Oussaltia...... » 150 200 » Messaïd...... » 160 68 » Ed-Droua...... » 150 120 » Oulad-Menaâ...... » 130 59 » Oulad-Abd-en-Nour...... » 300 100 »

Totaux...... » 3.610 1 285 »

Contrôle de TUNIS

Tunis-Ville...... » » 19.641 » Mellassine et El-Haraïria...... » 185 98 » La Manouba...... 40 388 134 » Ariana...... 10 502 130 » Radès...... 6 420 286 » La Goulette...... » 160 222 » La Marsa...... 16 180 300 » Le ...... 28 520 41 » La Mohamedia...... 30 532 55 » La Mornaghia...... 12 464 33 » Es-Sebala...... 45 616 35 » Kalaat-el-Andless...... 18 236 280 » Djedeïda...... 14 692 22 » Tébourba...... 22 533 266 » Bordj-el-Amri...... 16 603 22 » Bordj-et-Toumi...... 26 514- 7 » Aïn-Ghelal...... 15 476 10 » Lansarine...... 12 522 5 »

Totaux...... 310 7.543 21.487 )) ESSAI DE STATISTIQUE 79

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES _ 3= O Contrôle CO O BAL IA

Nabeul-Ville...... » » 1.323 » Mrada et Ferjane...... 200 384 46 » Hammamet...... 15 60 680 » Banlieue de Nabeul...... 30 100 331 » Fehri...... » » 260 » Dar-Chabane...... 10 151 420 » Beni-Khiar...... 2 45 1.366 » Maâmoura...... 25 135 300 » Somaâ...... 30 145 209 » ...... » » 147 » Torba...... 53 162 2.813 » Menzel-Temime...... 125 50 307 » Mdaïssa...... 300 223 302 » ...... 156 105 1.057 » Menzel-Horr...... 48 25 3.500 » Tazeghrane...... 184 31 102 » El-Haouaria...... » » 242 * Bordj-Kelib...... 151 36 167 » Zaouiet-Boukrim...... 43 35 415 » Skalba...... 15 10 141 » Soliman...... 8 160 823 » Menzel-bou-Zelfa...... 45 30 553 » Beni-Khalled...... 13 73 1.178 » Takelsa...... 343 257 149 » Grombalia...... 11 152 1.796 » Nianou...... » 140 207 » Belli...... 8 310 330 » ' i Dradra...... 400 150 350 » Oum-Dhouil...... » > 300 » Fartoüna...... 5 5 41 »

Totaux...... 2.220 2.97a 19.855 » 80 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISON!S GROTTES

Coiitrôle du KEF

ca,ÏDAT DU KEF

Kef-Ville...... » » 1.260 » I Ferchane...... 154 115 7 » I Sakiet-Sidi-Yousef...... 122 116 22 I Dechra...... 46 190 91 » I Bahra...... 95 350 48 » 1 El-Ks'ar...... 70 68 8 47 1 Charflne...... 16 143 32 4 I Beni-Anine...... 13 228 78 9 I Sidi-bou-Rouis...... 15 466 200 » I El-Mor...... 100 197 6 » I Djeradou...... 233 478 29 » Touaba...... » 568 463 11 1 Mellala...... 221 551 34 » Tarmda...... 75 150 55 » I Abida...... 100 180 170 12 Sidi-Amor...... 200 702 352 20 I El-Merdja...... 80 110 124 I Maïza...... 125 306 275 » I Bou-Selia...... 25 130 218 4 I Boü-Ladhiab...... 100 95 83 » I Sra...... 65 83 19 10 1 Oued-Souani...... 163 335 251 » I Ellès...... 12 32 139 » Ebba-Ksour (ville et banlieue) 6 111 318 5 I Lorbeus...... 19 272 79 > 1 Seba-Biar ...... 29 111 102 »

T OTAUX...... 2.084 6.087 4.463 122 ËSSAl DE STATISTIQUE 81

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle (lu KEF {suite)

CAÏDAT DE TADJER OUINE

Tadjerouine...... 174 44 132 » Guern-Halfaya...... 383 144 58 » Sidi-Abdelbasset...... 711 106 97 » Sidi-Mtir...... 147 122 179 » Oued-Ramel...... 172 189 68 » Slata...... 305 246 73 » El-Falta...... 188 82 29 » Kalaâ...... 129 184 214 » El-Adjerda...... 62 83 61 » Mezita...... 132 83 100 » Besseriana...... 10 59 '88 » Sidi-Ahmed-Salah...... 10 13 158 » El-Djerda...... 23 105 145 15 Messekhia...... 16 119 235 » EI-Houdh...... 4 88 167 » Zouarine...... 1 6 185 » Sidi-Barket...... 154 83 193 » Koudiat-Chaïr...... 149 » 185 » Aïn-el-Ksiba...... 113 272 220 > El-Ksour...... » 17 216 » Banou...... 31 5 110 »

Totaux...... 2.914 2.050 2.913 15

Totaux du Contrôle du Kef... 4.998 8 137 7.376 15 82 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contre)le de MA KTAR CAÏDAT DES OULAD-AOUN Megharba...... » 70 49 » Oulad-Sidi-Fredj...... 98 349 152 15 Sflna...... 25 155 103 » Massouges...... 3 202 43 3 El-Assakra...... 3 94 51 » Oulad-es-Samet...... 16 72 102 > Oulad-Sidi-Hamada...... 45 72 151 » El-Khalsa...... » 128 93 2 Oulad-el-Ouaer...... 3 48 51 7 Oulad-Zanak...... 51 95 48 » Rehamna...... 13 154 100 » El-Arab...... 80 245 61 » Zriba...... » » 170 y> Bargou...... » » 90 » El-Ghar...... 194 182 62 » Oulad-Manesse...... > » 62 » Mediouna...... 17 64 49 » Bahreïn...... » 4 97 » El-Alaouna...... 30 555 13 »

Totaux...... 578 2.489 1.547 27

CAÏDAT DES OULAD-AYAR Sayar...... 193 65 190 8 Oulad-Khezam...... 105 57 53 » Baze...... 46 111 372 » Oulad-Ahmed-ben-Ali...... 89 7 37 » Oulad-Saïd...... 66 154 174 » Oulad-Salah...... 130 78 126 » Louata...... 120 36 66 4 Oulad-Mehellel...... 74 10 25 »

A reporter...... 823 518 1.043 12 ESSAI DE STATISTIQUE 83

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS 1ROTTES

CAÏDAT DES OULAD-AYar (suite

Report...... 823 518 1.043 12 68 31 59 » ...... 1 24 56 » 313 182 181 6 340 33 105 » 289 51 150 » 128 38 129 » 9 14 289 18 58 13 43 » 10 6 392 »

Totaux...... 2.039 910 2.447 36

Totaux du contrôle de Maktar 2.617 3.399 3.994 63* ...

Contrôle de ZAGI10UAN » » 371 » 30 348 49 y> » 293 3 6 500 13 » 100 145 28 » 2 463 14 » 10 24 91 » FJ-Onrazla...... 850 10 282 » 23 722 115 » Kourzia...... » 893 15 » Drouâ...... » 476 35 » 30 370 250 »

Totaux...... 1.051 4.244 1.266 » '.I , i 84 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle de KAI1ROUAN

CAÏDAT DE KAIROUAN

Kairouan-Ville...... > » 3.768 » Homt-El-Achref...... > 184 38 > Homt-El-Jamaâ...... 118 » 76 » Homt-El-Gueblia...... 55 2 8 » Homt-El-Jeblia...... 96 17 73 » Metbasta...... 51 » 66 » Khezzazia...... 180 35 99 » Mekhsouma...... 160 20 19 » Khadhra...... 100 110 78 » Abida-Gharbia...... 4 40 160 » Abida-Cherguia...... 14 80 364 » El-Grine...... 150 120 100 » Chebika...... 70 75 30 » I Rouissate...... 220 12 25 » Chouggafia...... 320 40 66 » Dekhila...... 270 30 5 » Maarouf...... 125 80 100 » ...... 300 380 30 » El-Alem...... 173 44 1 » Driâte...... 68 545 72 » El-Guefaf...... 65 258 75 » Grimit...... 10 220 72 » Sisseb...... 22 498 99 » Guetifa...... 107 84 39 »

Totaux...... 2.678 2 874 5.463 » ESSAI DE STATISTIQUE 85

NOMS DES CHEIKH ATS TENTES GOURBIS MAISONS TROTTES

Contrôle de KAIROlttIN (suite)

CAÏDAT DES DIELASS > Oued-el Jebbas...... 225 25 50 y> Ech-Chott...... 45 15 200 » Ej-Jerirate...... 114 46 181 » Oulad-Chaïb...... 350 50 145 Toual-el-Fodhoul...... 371 5 26 » » Oulad-Neggaz...... 194 32 64 » Messaïd...... 140 29 ni Oulad-El-Hadj-El-Kaoub...... 290 67 50 » » Saanine...... 175 75 171 Djebel-Oueslat...... 276 24 21 » » Khit el-Oued...... 268 12 10 Zeurg-El-Ayaïcha...... 105 20 144 * •» Ghouiba-Souda...... 95 6 238 350 » Iladaïa...... 57 20 » El-Gantra...... 5 1 250 Oulad-Saïd...... 74 40 225 * > El-Fejij...... 569 185 185 » Bou-Lejbel...... 480 71 82 » Brikate...... 244 104 93 650 49 51 » Douibate...... » Oulad-Sidi-Khelif...... 300 15 20 46 Oulad-Mbarek et O.-Achour... 396 2 * » Oulad-El-Hadj-Ncir...... 41 150 350 » Oulad-Farjallah...... 410 22 20 Cherarda...... 450 » 33 » Cheraïtia...... 450 20 75 » Mouissate...... 170 237 257 Chouamekh et Jehimat...... 87 85 119 >

Totaux...... 7 031 1.407 3 567 »

Totaux du contrôle de Kai- » rouan...... 9.709 4 281 9 030 ------1 86 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contr 51e de SO USSE KHALIFALIK DE L’ENFIDA Bou-Ficha...... 62 251 4 » Djeradon...... 6 34 » » Dar-el-Bey...... 10 254 8 » Gheraïba...... 5 299 2 » Kondar...... • 180 92 16 » Menzel...... 54 260 49 » Saouaf...... 37 208 5 » Takrouna...... 73 270 3 »

Totaux...... 427 1 668 87 »

CAÏDAT DE SOUSSE Sousse...... » » 3.264 » Msaken...... » » 3.166 » Kalaa-Kebira...... » » 1.783 » Kalaa-Srira...... » » 344 » ...... » » 829 » Hammam-Sousse...... » » 984 » Ouardanine...... e » > 584 » Saheline...... » » 332 » Sidi-Ameur...... » » 166 » Ksibet-Sousse...... » » 180 » Zaouiet-Sousse...... » » 211 » Messadine...... » » 138 » ...... » » 235 > Kenaïs...... » » 112 » Beni-Khaltoum...... » » 74 » Feraïet...... » » 99 » Moureddin...... » » 105 » Kroussia...... » 257 » » Essed...... » 454 » » Mehadba...... » 105 > » Oulad-Sidi-el-Hani...... » 308 » »

Totaux...... » 1.124 12.606 » ESSAI DE STATISTIQUE 87

GROTTES NOMS DES CHEIKHATS TENTES 10URBIS FAISONS C

Contrôle c e SOUSSI1 (suite)

CAÏDAT DE MONA 3TIR » 1.816 9 2.136 1.673 » 5 1.608 » » 336 » » 910 » » 977 » » 229 » » 477 » » 555 » 118 21 » > 830 » 2.370 124 6 114 492 51 480 680 » 445 289 > 97 129 » » 130 6 56 132 Mazdour et Menzel-Harb...... » 5 231 25 18 750 8 » 10 Menzel-Khir et Beni-Othman.. » 5 186 » » 143 » 70 5 » 104 98 » 170 320 » 200 100 » 200 67 » » 287

14 145 Totaux...... 105 6.593 88 L’HABITATION rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle de SOUSSiE (suite) CAÏDAT DE MAHDIA Bekalta...... » » 585 » Bou-Merdas...... » 199 169 » Bradaa...... » » 322 » Djaraouda...... 12 6 » » El-Djem (zaouïa) ...... 25 40 245 » El-Djem (mrabtine)...... » » 432 > Hakaïma...... » 17 240 » ...... » 146 126 » Ksoui’-Essaf (Sidi-Messaoud).. » 6 731 » Ksour-Essaf (Ez-Zerara)...... » » 936 » Mahdia-Ville...... » 650 930 » Mahdia banlieue...... » » 527 » Merbès...... » » » » Oued-Béja et Oued-Guilat...... 50 254 100 » Rechercha...... 4 35 350 » Rejich...... » 28 302 » Roudha...... 6 » 1.515 » Sidi-Alouane...... » > 99 » Sidi-Assaker...... » 100 460 » (Houmt-Souk)...... » » 295 » Téboulba (Ayaïchat)...... » » 405 > Telalsa...... 40 490 114 > Zalba...... 70 233 52 » Totaux...... | 207 2.204 8 935 »

CAÏDAT DES SOUASSI Oulad-Hannachi...... 26 » 120 » Menadela...... 150 150 30 » Maata...... 120 » 370 » Somra...... 305 » 23 » Oulad-Sidi-Naceur...... 100 200 110 » A reporter...... 701 350 653 » ESSAI DE STATISTIQUE 89

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle cle S0USS1ï (suite) CAÏDAT DES SOUASS1 (suite) Report...... 701 350 653 » • » Chahda...... 108 3 222 » Gradha...... 16 5 168 Oulad-Sidi-bou-Holal...... 110 150 50 » Frada...... 50 80 50 » Oulad-Moulahoum...... 145 » 289 » Chehimat...... 360 » 61 » Bled-Chamek...... 120 » 78 » Kessasba...... 200 » 236 » Kouassem...... 300 12 88 » Oulad-Dar-Helal-el-Ali...... 3 114 132 » Adjilat...... 141 » 103 » Habira...... 10 100 221 » Melichat...... 150 » 215 » Meharza...... 310 » 45 »

Totaux...... 2.724 814 2.611 »

Totaux du contrôle de Sousse. 3.463 12.403 38.384 » 1 1

Con rôle de SFAX CAÏDAT DE SFAX Sfax-ville...... » » 4.487 » » Chebba...... » » 450 Melloulèche...... 150 50 30 » Oulad-el-Hadj...... 250 80 10 » Sidi-Hassen-el-Hadj...... 300 120 40 » Ajenga...... 200 60 10 » Djebiniana...... 80 60 300 » Louza et Hazeg...... » » 90 » Kheriba...... 60 40 120 » A repprter...... 1.040 410 5.537 ■ » 90 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôl ? de SFA3 [suite)

CAÏDAT DE SFAX (suite) Report...... 1.040 410 5.537 » Kecharna...... 250 60 10 » Hencha...... 200 80 30 » Oulad-Amor-Djemal...... 220 90 10 » Aoudnas...... 175 90 20 » Khalifalik de Triaga...... 180 30 25 > Aouebed...... 170 80 12 » El-Zaouaïd...... 160 40 100 » Oulad-Msellem...... 125 50 20 » Ketatna.. :...... 150 40 30 » ïoualbia Aguarba...... 50 10 50 » Bederna...... 30 40 50 » Oulad-Fedda...... 40 80 50 » Rekkat...... » » 1.799 » El-Hessar...... » » 1.522 » Hamidia...... » » 1.041 » Oulad-Youssef...... 100 100 20 » El-Aouiet...... 100 90 60 * » Rebat...... » » 485 » Traka...... 150 80 10 » Oulad-Ameur...... 50 60 90 » Araba...... 175 150 10 » Àttaïat...... 200 170 15 » Jouaouda...... 350 130 6 » Souàlah...... 150 50 5 » Chematra...... 320 90 8 » Mahrès...... > » 300 » Ghidat...... 275 25 » » Makta...... » » 15 » Khalifalik des Kerkennah__ » » 1.785 »

Totaux...... 4.660 2.045 13.115 » ESSAI DE STATISTIQUE 91

TROTTES NOMS DU CHEIKH ATS TENTES 30URBIS VI USONS

Contrôle de SFAX (suite) CAÏDAT DE LA SKHIRA » El-Hadhara...... — 120 » 15 0. Hadj Moussa et 0.-Cheikh. 122 » 4 » » » El-Graïba...... 120 » Oulad-Mhammed...... 200 » » » » » Dekhaïla...... 170 » 80 » » » 300 » » » > Attayat...... 600 » 3 » Kraïma...... 210 » » Oulad-Hamed...... 300 » 10 4 » Krata...... 250 » 210 » » > 200 » > » » Totaux...... 2.882 » 36 2.045 13,151 » Totaux du contrôle de Sfax... 7.542

Contrôle de THALA CAÏDAT DES FRAICHICH Thala (ville et banlieue)...... 647 146 149 3 » Kasserine...... 757 50 16 Oulad-Asker...... 636 2 1 3 5 Feriana...... 257 25 24 » Oulad Sidi-Tlil...... 429 » 10 » Zaaba et Farda...... 439 10 9 632 » 2 » » » Baassa et Hamadra...... 446 27 10 » Ilaouafidh...... 575 183 » » Smaâla...... 460 19 6 5 Harakta...... 347 70 » Haouadeth...... 534 41 9 » Ghemata...... 260 43 1 15 6 Foussana...... 576 109 » Oulad-el-Hadj...... 298 143 » 252 22 Totaux...... 7.293 868 92 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DU CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle de THAL A (suite) CAÏDAT DES MAJEUR Oulad-Ali et Atamna...... 113 624 279 2 Oulad-el-Hatob...... 250 70 104 » El-Garaô...... 157 68 58 » Oulad-Ghilane...... 490 120 13 » Semama...... 520 125 21 20 Ouldjet-Meghila...... 202 14 17 » Meghila...... 318 26 9 » Sbeïtla...... 433 20 24 » Ghouïba-Souda...... 188 43 » » Labaïeuth...... 409 119 131 2 ...... 360 60 120 » Aïn-Hamadna...... 311 311 » 29 Djedeliane...... 356 133 47 » Bou-Lahnèche...... » 299 161 » Ouldjet-ed-Dhol...... » 308 157 » Bouajer...... 114 150 145 »

Totaux...... 4 221 2.490 1 286 53 (U 11.514 3.358 1.538 75 Totaux du contrôle de Thala..

Contrôle de GAFSA CAÏDAT DE GAFSA Gafsa (N. et S.)...... 4 » 1.447 » El-Ksar...... » » 160 » Lala...... » » 83 » El-Guettar (N. et S.)...... 32 » 770 » Oulad-bou-Amrane...... 34 » 119 » Ayaïcha...... 140 » 190 » Majoura...... » » 103 » Oulad-bou-Saad...... 107 » 154 y> Sened...... 20 » 400 »

A reporter...... 337 » 3 426 » (1) Dont 868 bortals. ESSAI DE STATISTIQUE 93

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS TROTTES

Contrôle de GAFSA (suite) CAÏDAT DE GAFSA (suite) Report...... 337 » 3.426 » Oulad-Mabrouk (Metlaoui).... 350 300 136 30 Oulad-Mbarek...... 333 » 30 » Oulad-Ouceïf...... 245 » » » Oulad-Naceur...... 480 » » > Oulad-Belkassem...... 216 » 11 * Oulad-Ali-ben-Aïssa...... 279 » » >y Oulad-Redouane...... 328 » » » Oulad-Chereït...... 250 » » » El-Khemaïlia...... 560 » » » Alim...... 406 » 4 » » Oulad-Abd-el-Krim...... 520 » m >y

Totaux...... 4.304 300 3 607 30

CAÏDAT DES HEMMAMA Oulad-bou- Allègue...... 428 » 6 » Fatnassa...... 250 » » » Oulad-Youssef...... 548 » 2 » Oulad-Sidi-Khalifa...... 400 » » » Oulad-Ahmed...... 450 » » » Douali...... 325 25 35 » Oulad-el Hadj...... 290 » » » Guemamdia...... 263 29 16 » Ferhane...... » » > » Sidi-Tlil...... 420 » » » Jaaferia...... 355 » » » El-Hania...... 427 » 22 » Oulad-Sidi-Ali-bou-Aoun...... 545 » » » El-Khedma...... 270 » » » Melikat...... 350 » 5 » Oulad-Mbarek...... 400 » 98 » A reporter...... 5.721 54 184 » 94 l’iiabitation rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle de GAFSy4 (suite) CAÏDAT DES HEMMAMA (suite) Report...... 5.721 54 184 » Oulad-Amor...... 411 » > » Oulad-bou-Aziz...... 448 » 4 » El-Messatria...... 262 » 2 » Oulad-Mhamed et 0. Belhadi. » » » »

Totaux...... 6.842 54 190 »

Tot aux du contrôle de Gafsa. 11.146 354 3 797 30

Contre»le de TO;ÎEUR Tozeur...... 14 551 1.612 » Nefta...... » 214 1.516 » El-Oudiane et El-Hamma...... 21 276 1.145 » Tamerza...... » 70 95 » Oulad-Sidi-Abid...... 736 » 10 »

Totaux...... 771 1.111 4.378 »

Contrôle de GABES

Djara-Chergui...... » 57 311 » Djara-Gharbi...... V 50 312 » Menzel-Chergui...... » 216 284 » Menzel-Gharbi...... » 366 395 » Gliennouche...... » » 166 » Oudref...... » _27 227 » Metouïa...... » > 455 » Kouatna...... 345 330 8 7 Soumta...... 262 253 26 5 Ghaïra...... 250 » » »

A reporter...... 857 1.299 2.184 12 9S ËSSÀI DE STATISTIQUE

GROTTES NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS

Contrôle de G A ItCS (suite) 12 Report...... 857 1.299 2.184 » Douchemma...... » 15 42 10 " 216 284 17 » ...... 417 343 94 » Teboulbou...... 55 75 310 200 60 » 93 » Zarath...... 100 100 » Kettana...... 120 120 25 97 Zarkin...... 301 301 Beni-Zid : O.-Amor et O.-Kha- 80 lifa...... 350 100 2 1 — Matmat...... 260 140 3 5 — Bogla...... 260 25 15 200 — Zoui...... 40 60 » » — Chaal...... 420 » » — Chiab...... 165 » » * 4 — Kherdja...... 275 275 8 20 — Debdaba...... » 180 650 » — El-Ksar...... » 200 617 332 Totaux...... 3.930 3.649 4.191

Contrôle de DJERBÀ 574 » Taourirt...... » » » Oualagh...... 20 6 135 » Sedghiane...... > » 513 » Beni-Maaguel...... » 69 183 » Offar...... » 90 560 » Zefafera...... » 11 157 » Arkou...... » 14 62 Mahboubine...... » 38 215 Sedouikech...... 12 41 442 » » El-Mav...... » 28 347 A Teporter.... 32 297 3.188 » 96 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DU CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GROTTES

Contrôle de DJERBA (suite)

Report...... 32 297 3.188 » Beni-Diss...... 5 26 303 » Guellala...... » 4 502 » Adjim...... 11 25 756 » Hara-Kebira...... » » 305 » Ilara-Srira...... » » 262 »

Totaux...... 48 352 5.316 »

Bureau de KEBILI (Nefzaoua)

Bechri...... » 40 154 » Oum-Soma...... » » 110 » Bou-Abdallah...... » » 170 » Menchia...... » » 190 » Telmine...... » 72 220 » Mansoura...... » » 330 » Kebili...... » » 460 > Djemna...... » » 110 » Zarcine...... » 155 40 » El-Guelaâ...... » » 60 » Negga...... » » 50 » Ghelitia...... » 65 90 » Douz-Gharbi...... »' » 80 » Douz-Chergui...... » » 70 » El-Aouina...... » » 65 » Sabria...... » 40 30 » Bechilli...... » » 75 » Gherib...... » 70 » »

(t) Totaux...... 6.000 442 2.304 »

(1) La décomposition des tentes par eheikhat n’est pas indiquée. ESSAI DE STATISTIQUE 97

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS G1I0RFAS GROTTES

Bureau de MAI[MATA Zraoua...... P P 175 » » Tamezred...... P » 300 » P Toudjane...... P » 200 » 70 Beni-AIssa...... P » 4 » 250 700 Achèches...... P » 15 » Beni-Zelten...... » » 200 » 30 Oulad-Sliman...... P P » » 1.000

Totaux...... P P 894 » 2.00

Cercle de ZARZIS

Zarzis (ville)...... P P P 1.200 » Oulad-bou-Ali...... 500 550 72 450 P Mouensa...... 500 500 59 400 » Zaouïa...... 400 400 23 300 » Oulad-Saïd...... 300 300 51 300 » Khalaïfa...... ' 200 300 40 120 P Oulad-Mhamed...... 50 188 70 181 »

Totaux...... 1.950 2.238 315 2.951 P

Bureau de MËDEN1NE Mehadba...... » 300 P 100 200 Oulad-Mahdi...... » 240 P 150 150 Lemalma...... P 200 » 100 150 Mekarza...... P 40 P 80 80 Djebbah...... » 250 » 150 150 Djoumaa...... P 80 P 150 50 Zemamra...... P 60 » 100 150 Oulad-Abdallah...... » 250 P 100 P O.-Youcef et 0.-Mohammed... P 300 P 10 10 A reporter...... P 1.720 P 940 940 98 l’habitation rurale des indigènes

NOMS DES CHEIKHATS TENTES GOURBIS MAISONS GHORFAS GROTTES

Bureau de MËDENINE {suite) Report...... » 1.720 » 940 940 Chaoua-el-Üula...... » 150 » 15 » Chaoua-Thania...... » 250 » 30 » Oulad-Belgacem...... » 350 » 10 » Temamra...... » 120 » 50 » Mehabeul...... » 200 » 100 » Médenine...... » 450 » 15 » Totaux...... » 3.240 » 1.160 940

Bureau de TATAQUINE Oulad-Debbab...... 400 200 50 550 140 Oulad-Chehida...... 500 » 400 500 450 Adjerda...... 100 » 25 70 25 Deghaghra...... 500 » 40 500 450 Zorghane...... 400 » 100 560 300 Hamadia...... 300 » 40 200 200 Krachoua...... 150 » 200 290 100 Amerna...... 380 » 100 330 50 Ababsa...... 400 » 20 340 300 Djelidet-Tataouine...... 600 200 135 655 80 Djelidet-Beni-Belal...... 400 200 80 400 100 Douiret...... 200 » 400 » 400 Guermessa...... 50 15 » 180 400 Chenini...... 30 » 140 130 165 Guettifa...... 300 » 100 221 225 Ghomrassen-el-Bled...... 400 » 200 600 800 Ghomrassen-el-Haddada...... 400 150 150 700 400 Dehibat...... 60 » » 85 90 Tataouine...... » » 180 » »

Totaux...... 5.570 765 2.360 6.311 4.675

Annexe de BEN-GARDANE 2.600 1.000 80 200 » ESSAI DE STATISTIQUE 99

AGGLOMÉRATIONS COMPTANT PLUS DE 2.000 INDIGÈNES

Musulmans Israélites TOTAL

Tunis...... 79.200 19.000 98.200 sfax...... 19.100 3.300 22.400 Kairouan...... 18.500 300 18.800 Msaken...... 15.900 »» 15.900 Gabès...... 13.300 2.500 15.800 Sousse 9.600 3.500 13.100 nX...... rc.œo » 12.» Bizerte ...... 10.800 1-500 12.300 Moknine...... H-000 600 11.600 Tozeur...... 10-800 100 10.900 Kalaa-Kebira...... 10.700 » 10-700 Monastir...... 8.000 200 8.200 Djemmal...... 8.100 » 8.100 Béja ...... 6.200 1.100 7.300 Nabeul...... 5.000 1.600 6.600 Le Kef...... 5.500 800 6.300 Gafsa ...... 5.600 600 6.200 Zarzte...... 5.500 500 6.000 El-Hamma...... 4.900 400 5.300 Menzel-Temime...... 5.000 » 5.000 Mahdia...... 4.300 400 4.700 Menzel-bou-Zelfa...... 4.400 100 4.500 Mateur...... 3.900 500 4.400 Djerba...... 300 3.700 4.000 Le Krib...... 3.900 » 3.900 Téboursouk...... 3.700 » 3.700 Soliman...... 3.400 200 3.600 Maharès...... 3.300 100 3.400 L’Ariana...... 1-600 1.400 3.000 LaMarsa...... 2.600 300 2.900 Zaghouan...... 2.800 » 2.800 Tébourba...... 2.600 » 2.600 La Goulette...... 800 1.500 2.300

Total...... 347.300 100 L’HABITATION RURALE DES INDIGÈNES

RECAPITULATION

GROTTES CONTRÔLES ET CERCLES TENTES GOURBIS MAISONS ET GHORFAS

Tabarka...... 1.344 4.525 136 » Béja...... » 10.295 1.774 37 Bizerte...... » 13.782 8.163 » Souk-el-Arba...... 2 068 10.597 3.122 5 Téboursouk...... 214 3.865 1.799 5 Medjez-el-Bab...... » 3.610 1.285 » Tunis...... 310 7.543 21.487 » Grombalia...... 2.220 2.974 19.855 » Le Kef...... 4.998 8.137 7.376 15 Maktar...... 2.617 3.399 3.999 63 Zaghouan...... 1.051 4.244 1.266 » Kairouan...... 9.709 4.281 9.030 » Sousse...... 3.463 12.403 38.384 » Sfax...... 7.542 2 045 13.151 » Thaï a...... 11.514 3.358 1.538 75 Gafsa...... 11.146 354 3.797 30 Tozeur...... 771 1.111 4.378 » Gabès...... 3.930 3.649 4.191 332 Djerba...... 48 352 5.316 »

Kebili...... 6.000 442 2 304 » Mata ata...... » » 894 2.050 Zarzis...... 1.950 2.238 315 2 951 Médenine...... » 3.240 » 2.100 Tataouine...... 5.570 765 2.360 10 986 Ben-Gardane...... 2.600 1.000 80 300

Totaux...... 79.065 108.109 156.000 18.949 J ont 90.000 naisons rurales ESSAI DE STATISTIQUE 101

NOMBRE APPROXIMATIF D’INDIGENES UTILISANT CHAQUE TYPE D’HABITATION

Nombre Habitants

...... 79.000 419.000 ...... 108.000 572.000 Maisons rurales...... 90.000 477.000 Grottes et ghorfas...... 19.000 100.000

Total...... 296.000 1.568.000 Maisons urbaines...... 66.000 350.000

Total générai...... 362.000 1.918.000

PROPORTION COMPARÉE EN TUNISIE ET EN ALGÉRIE DES INDIGENES UTILISANT CHAQUE TYPE D’HABITATION

Tunisie Algérie

...... 22 p. 100 25 p. 100 ...... 30 — 40 - ...... 25 — 29 — Grottes et ghorfas...... 5 — )) --- Population urbaine...... 18 — 0 —

INDEX ALPHABÉTIQUE

DES CIRCONSCRIPTIONS ADMINISTRATIVES

Béja, 1, 3, 4, 14, 21, 24, 51, Médenine, 11, 12, 19, 20, 45, 66, 74, 99, 100. 46, 51, 52, 53, 54, 55, 57, 58, Ben-Gardane, 11, 12, 20, 21, 59, 60, 61, 97, 98, 100. 46, 47, 60, 61, 62, 68, 98, 100. Medjez-el-Bab, 4, 15, 22, 25, Bizerte, 1, 3, 4, 14, 24, 66, 75, 26, 77, 78, 100. 99, 100. Monastir, 7, 17, 29, 66, 87, 99. Cap-Bon, v. Grombalia. Nefzaoua, v. Kebili. Oulad-Aoun, 5, 6, 16, 22, 27, Djelass, 6, 69, 85. 67, 82. Bierba, 9, 18, 19, 30, 33, 34, Oulad-Ayar, 6, 16, 27, 28, 82, 35, 36, 37, 38, 95, 96, 99, 100. 83. Djerid, v. Tozeur. Sfax, 1, 3, 7, 8, 17, 29, 30, 48, 49, 66, 89, 90, 91, 99, 100. Enfida, 7, 86. Skhira (La), 7, 8, 91. Fraichich, 8, 70, 91. Souassi, 7, 8, 17, 69, 88, 89. Souk-el-Arba, 5, 14, 15, 24, 51, Gabès, 1, 8, 9, 18, 32, 33, 52, 76, 77, 100. 66, 94, 95, 99, 100. Sousse, 1, 3, 6, 7, 8, 17, 29, 48, Gafsa, 2, 8, 18, 30, 66, 92, 93, 66, 86, 87, 88, 89, 99, 100. 94, 99, 100. Grombalia, 4, 22, 26, 48, 79, Taba.rka, 5, 13, 14, 23, 24, 73, . 100. 100 Tadjerouine, 5, 26, 81. Hemmama, 9, 69, 93, 94. Totaouine, 11, 19, 42, 43, 44, 45, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, Kairouan, 2, 3, 6, 17, 28, 29, 58, 59, 60, 61, 98, 100. 64, 66, 68, 84, 85, 99, 100. Téboursouk, 4, 15, 23, 24, 25, Kebili, 10, 19, 38, 39, 40, 96, 51, 66, 67, 77, 99, 100. 100. Thala, 2, 8, 17, 18, 22, 30, 52, Kef (Le), 5, 15, 16, 22, 26, 51, 91 99 100 66, 80, 81, 99, 100. Tozeur,' 8, 18, 31, 32, 94, 99, Mahdia, 7, 17, 29, 66, 88, 99. 100. Tunis, 1, 4, 15, 26, 64, 65, 66, Majeur, 8, 70, 92. • 78, 99, 100. Maktar, 5, 6, 16, 22, 27, 28, 48, 52, 67, 82, 83, 100. Zaghouan, 6, 16, 17, 28, 83, Maleur, 75, 76, 99. 99, 100. Matmata, 10, 40, 51, 52, 53, 54, Zarzis, 10, 19, 40, 41, 42, 60, 55, 56, 60, 97, 100. 68, 97, 99, 100.

PL. II.

Cliché Neurdein. 3. Gourbi de Kroumirie.

Cliché Office du Gouvernement tunisien. 4. Gourbi de la région de Souk-el-Arba : murs en pierres sèches, toit en chaume. PL. III

Cliché Neurdein. 5. Kib de Zarzis.

Cliché Aug. Bernard. 6. Kechba de Tozeur. PL. IV.

Cliché Monchicourt. 7. Maison en pierres sèches, toiture arquée soutenue par des fourches, en branchages recouverts de chaux.

Cliché Monchicourt. 8. A gauche, maison du type précédent; à droite, maison à toit plat, avec portes et fenêtres. PL. V. LJT

Lürftt10. Petite ferme de Ouallag. 9. Maison de la région d’Houmt-es-Souk. jLr»

11. Menzel avec puits 12. Ferme à Adjim. (Beni-Diss).

é’t'JÊÊÈi v * iMP

13. Atelier de tisserand. 14. Atelier de tisserand.

Types d’habitations de Djerba (clichés Renoux). PL. VI

Cliché Touring-Club. 15. Maison à Tozeur.

Cliché L. Lévy 16. Ksar de Chenini, PL. Vil.

Cliché Muzi. Matmata : vue générale.

Cliché Direction des Antiquités. 18. Matmata : entrée d’une habitation souterraine. PL. VIII.

Cliché Morin. 19. Matmata : cour d’habitation souterraine avec kanbout (paniers à grains).

Cliché Office du Gouvernement tunisien. 20. Médenine : ghorfas. PL. IX.

Cliché L. Lévy. 21. Médenine : vue générale.

Cliché Office du Gouvernement tunisien.

22. Médenine : le nouveau souk et le vieux Médenine. riAUTAfl©! lilâLI DES II1IGÏI1I EN TOM1SS1

PAR AUGUSTIN BERNARD

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