La Plaine Du Chellif En Textes
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INTRODUCTION L’intitulé de notre étude La plaine du Chélif en textes : mémoire et didactique : 1840-2006 , peut s’interpréter comme l’expression d’une volonté d’illustrer la mémoire d’une région spécifique de l’Algérie à partir de textes qu’elle a pu susciter au cours de plus de cent cinquante ans, depuis la conquête et la colonisation françaises jusqu’à nos jours. Cette dimension historique nous semble inséparable de la dimension géographique. En effet, le fil directeur de cette réalisation est le lieu géographique, son histoire et ses différentes représentations sur le plan de l’écriture et de l’imaginaire. Le recueil de textes que nous proposons n’est pas à proprement parler une anthologie d’extraits exclusivement littéraires mais s’en inspire pour présenter un choix de textes divers qui ont pour thème commun l’histoire et la représentation d’une région d’Algérie qui reste assez méconnue : la plaine du Chélif. Elle porte sur la conquête d’un espace géographique précis, sur la création de villes ou leur reconstruction et de leur évolution à travers l’écriture et ce en sollicitant tous les types de textes. Il s’agit de montrer comment la géographie investit l’espace littéraire, et inversement de voir comment cette plaine du Chélif s’inscrit, au fil de ce recueil, dans l’espace de l’écriture en tentant de dégager la spécificité et l’apport de chacun des textes à la construction d’un imaginaire sur un lieu donné, à défaut de parler d’une littérature régionale. Le discours d’accompagnement critique de ce recueil est certes, enrichi par une connaissance du terrain. Et si cette recherche convoque des champs disciplinaires multiples par la recension de plus d’une cinquantaine de documents, elle a une visée au moins triple : il s’agit d’abord de réfléchir aux liens entre littérature, géographie et histoire ; il s’agit ensuite d’exploiter ce recueil de textes à des fins didactiques en élaborant à partir de cette étude une anthologie de textes (à la fois thématique et historique) et en donnant des pistes 1 pour l’enseignement du français en Algérie. Elle a enfin un enjeu politique et mémoriel important : il s’agit de lutter contre l’oubli, de contribuer à une meilleure connaissance de l’histoire de cette région qui a connu tant d’événements tragiques. On peut certes, nous objecter qu’«une anthologie est par nature un classement et un traitement du littéraire »1. De fait, si pour la composition de ce recueil, le cadre socioculturel est historiquement daté -1840 à 2006- et géographiquement défini par le titre : la plaine du Chélif en textes, le choix de textes semble contestable au regard de cette définition. En effet, notre corpus étant constitué d’extraits littéraires et de productions en marge du texte littéraire, se posent non seulement le problème de la forme de notre étude : une forme culturelle qui ne serait pas littéraire au sens strict du terme mais également celui du statut de cette paralittérature et des littératures d’expression française dans les champs littéraires et institutionnels. Aussi il convient de préciser d’abord les raisons de ce choix pour cette forme puis quelques éléments de réflexion autour de la définition formelle des anthologies . Le titre attribué à notre recherche : la plaine du Chélif en textes : mémoire et didactique 1840-2006 peut surprendre les partisans d’une littérature classique, tout comme peut étonner l’anthologie qui l’accompagne. Quel est l’intérêt d’intégrer la géographie et l’histoire dans une recherche qui se veut d’abord littéraire et pourquoi y greffer un recueil de textes dont le dénominateur commun est l’évocation de lieux situés dans cette plaine du Chélif ? Ce sujet de recherche est en quelque sorte un prolongement oblique de notre thèse de magister qui était consacrée au quatuor d’Assia Djebar, L’amour la fantasia, Ombre sultane, Vaste est la prison et Ces voix qui m’assiègent. Plus précisément le texte en prose poétique Biffure nous avait fortement impressionnée et interpellée. Il introduisait le chapitre intitulé « Femmes, enfants, bœufs couchés dans les grottes… » qui relate un événement tragique, lié à l’histoire de la conquête, l’enfumage par l’armée coloniale, de toute une tribu qui s’était retranchée dans les grottes du Dahra. C’est donc par le biais de la littérature que notre intérêt pour l’histoire de la région du Chélif s’est éveillé. 1 E. Fraisse, Les anthologies en France, Paris, PUF, 1997, p. 129. 2 Lorsqu’il s’est agi de s’inscrire en doctorat, travailler uniquement sur l’œuvre de Assia Djebar n’était plus stimulant mais l’intérêt pour l’histoire de la région était resté toujours aussi vif. Au fil de nos lectures, nous nous apercevions qu’elle est évoquée dans des ouvrages de tous genres mais n’en constituait pas le thème majeur. Aussi ce travail a pour origine une question récurrente voire obsédante, pour la native de la région que je suis : pourquoi cette plaine du Chélif, riche et fertile est-elle si peu présente dans les œuvres littéraires ? Un autre phénomène lié à cet espace géographique nous a interpellée, à savoir la forte sismicité de la région qui génère la destruction et la reconstruction de lieux, qui modifie notre rapport aux lieux et qui joue donc un rôle non négligeable sur le plan de l’imaginaire. Préoccupée de ce que la littérature pouvait dire de la nature, de l’espace géographique qui nous concerne, la lecture des divers ouvrages y référant nous donne l’idée de collecter les textes qui racontent l’émergence des lieux sur le plan de l’écriture et de les exploiter sur le plan didactique. En fait, de par notre formation d’enseignante, l’idée, en élaborant ce recueil, était de ne retenir que des textes littéraires mais en étant consciente qu’il fallait ouvrir la réflexion à un plus vaste ensemble. Il nous semblait à cet effet, intéressant d’y adjoindre des extraits de culture populaire orale pour permettre de mieux cerner la spécificité de cette région. Du même coup l’anthologie proposée dans notre 2 e tome comprend 60% de textes littéraires et 40% de textes documentaires avec une focalisation sur une région et quelques unes de ses villes. Peut-on justifier le terme d’anthologie ? Car si de fait, le choix du corpus est déterminant dans la construction de l’objet de recherche, les actes de sélection, d’extraction, de rassemblement qui président à son élaboration impliquent la définition d’une forme au sein d’un nouvel environnement. Nous parlerons plutôt de construction d’un objet d’étude sous forme anthologique 2. Mais qu’entend-on d’abord par anthologie ? Si l’on se réfère, à l’histoire de l’évolution du terme « anthologie » proposée par Emmanuel Fraisse dans son ouvrage intitulé Les Anthologies en France, « l’extension du sens d’anthologie concerne avant tout le passage d’un modèle historiquement reconnu - l’Anthologie grecque - à un recueil de pièces poétiques brèves, puis à tout recueil de prose 2 El Djamhouria Slimani, « Corpus hétérogène sur un mode anthologique » in Objectif : thèse, Amiens, Encrage édition et CRTH-Université de Cergy-Pontoise, 2004, p. 131-140. 3 ou de vers ». La plupart des définitions se limitant à une conception exclusivement littéraire, la seule différence notable concerne l’élargissement de l’anthologie aux pièces en prose. C’est au cours du XIX e siècle notamment, que l’anthologie paraît trouver son expansion et ses caractéristiques principales. Cette expansion du terme qui va prendre une valeur générique est confirmée par la définition de La Grande Encyclopédie : « Anthologie I. Littérature – On désigne sous ce nom tout recueil de morceaux choisis de prose ou de vers, dus à des auteurs différents. La première que nous connaissions est celle de Méléagre […]. Mais l’idée a fait fortune […] nous avons aujourd’hui un grand nombre d’anthologies ou de recueils de morceaux choisis de prose ou de poésie destinés principalement à l’éducation. » 3 Or, selon Emmanuel. Fraisse, cette définition « en liant anthologie », « morceaux choisis » et « éducation », soulève une série de problèmes face auxquels il reste délicat, aujourd’hui encore, de donner une réponse tranchée ». Il rappelle que c’est au cours du XIX e siècle également, que « morceaux choisis » et « anthologie » entrent en concurrence et que la distribution entre les deux termes va, dès cette période, tendre à s’opérer en fonction du degré de pédagogisation du recueil. Cela s’explique par le fait qu’à cette époque, la scolarisation, l’étude des textes en langue nationale et l’histoire littéraire se développent parallèlement. Cependant, il n’en demeure pas moins qu’aux yeux de nombreux spécialistes, « le caractère scolaire des morceaux choisis suffit à les exclure de l’anthologie stricto sensu »4. Pour Emmanuel Fraisse c’est probablement dans l’organisation de l’anthologie, dans la manière dont elle agence et accompagne les extraits proposés, que la question de l’appartenance des morceaux choisis à l’anthologie peut être en partie éclaircie. En fait, pour qu’il y ait véritablement anthologie, il faut un fil conducteur affirmé ou identifiable, une chronologie ou une thématique explicite, des notices biographiques et des références bibliographiques. En somme, son organisation doit être décelable comme l’explique cet auteur : 3 Camille-Ferdinand Dreyfus (dir.), La Grande Encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une société de savants et de gens de lettres, Paris, H. Lamirault & Cie, s.d. [1886-1891], 9 vol., t. 3, p. 154-156, p. 154, cité par E. Fraisse, in Les Anthologies en France , op.