Luneray À Travers Les Âges
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LUNERAY A TRAVERS LES AGES 1 1 . v 1 - ? PAUL ,,ÉOLLEN Directeur d'École Honoraire LUNERAY A TRAVERS LES AGES Éditions BERTOUT Rue Gutenberg 76810 Luneray 1 9 8 2 Il a été tiré 1000 exemplaires de cet ouvrage sur Bouffant 90 g numérotés de 1 à 1000 N° J'ai beaucoup hésité avant de publier le résultat de mes recherches sur l'histoire de notre village. Une objection grave se présentait toujours à mon esprit. Luneray a un lourd héritage historique et il n 'est pas sans péril de vouloir faire revivre un passé souvent douloureux. Les démons du fanatisme ne sont qu'assoupis, et il pourrait être dangereux de les réveiller. Peu de gens sont capables de s'élever au-dessus des préjugés de la naissance, de l'éducation première, des intérêts de caste, pour n'avoir d'autre souci que de découvrir la vérité toute nue. Et d'ailleurs, cela est-il possible ? Beaucoup de bons esprits ont soutenu que l'his- toire parfaitement objective n'est qu'une louable utopie et que l'auteur apporte toujours — souvent à son insu — dans l'interprétation des faits, une part subjective due à ses croyan- ces, à ses options personnelles, à son expérience du temps présent. J'ai tenté cependant de le faire. Pour cela, j'ai presque systématiquement écarté tout ce qui ne se fonde que sur la tradition orale, et lorsque j'ai été amené à en faire état, c'est toujours avec les plus expresses réserves. Je me suis donc adressé de préférence à des documents écrits. J'ai d'abord profité au maximum des travaux de tous ceux qui, à Luneray et ailleurs, ont écrit sur la question. A les vouloir ignorer, on risque de refaire inutilement, et peut- être plus mal, ce qui a déjà été fait. J'ai interrogé aussi les documents de l'époque, quand j'ai pu en trouver. Cela ne signifie pas que j'ai tout accepté servilement. Bien souvent, j'ai été obligé de choisir, car les rapporteurs des mêmes faits se trouvent rarement d'accord et leur vertu dominante n'est pas l'impartialité. Presque toujours, surtout dans les époques troublées, ils cherchent à défendre leur parti. Leurs écrits sont, avant tout, des travaux de propagande qui ont surtout comme but d'édifier leurs lecteurs. Enfin, je dois avouer que la documentation que j'ai réunie reste très incomplète. Sur certaines longues périodes, je n'ai trouvé rien de particulier à notre village. Il en résulte des lacunes qu'il m'est impossible de combler. Aussi, mon travail n'a rien de définitif Ce n'est qu'une ébauche où chacun pourra puiser à son gré et qu'on pourra améliorer certainement beaucoup. En conclusion, je répète que j'ai essayé de me montrer objectif Je n'ai eu comme souci que de cerner la vérité au plus près. Je voudrais avoir réussi, mais je vois trop les diffi- cultés de la tâche pour oser l'affirmer. C'est un travail honnête et de bonne foi que je vous présente. De cela seulement, je suis sûr. Pour le reste, votre indulgence et votre bonne amitié feront le nécessaire. Paul COLLEN D'OÙ VIENT LE NOM DE LUNERAY ? QUELLE EST L'ORIGINE DU NOM DE LUNERAY ? D'après Guilmeth, Luneray tire son nom d'un de ces retranchements antiques de forme circulaire que les Romains nommaient Luna ou Lunaë et qui étaient généralement connus sous le nom de «Tours de pressoir» dans le Moyen Age. Ce retranchement gallo-romain, déclare Guilmeth, existait encore il y a quelques années et c'est probablement avec ce camp de Luneray que correspondaient les trois fameuses mottes d'Auppegard (1). L'abbé Cochet qui vint à Luneray vers 1855 (?) signale aussi la tradition d'un retranchement circulaire gallo-romain. Féret dans un rapport à la Société d'Archéologie de 1827 présente ces antiquités romaines de façon différente... En tout cas, il semble bien qu'aucun des trois archéolo- gues sus-cités n'ait vu, de ses yeux, les restes de ce retranche- ment dont la destruction définitive remonterait au moins à la fin du XVIIIe siècle. Il ne reste, à ma connaissance, aucune trace de ce retranchement. D'autre part, il paraît peu proba- ble, malgré l'affirmation de Guilmeth, que le camp de Luneray ait pu être en communication avec les trois mottes (1) - Géographie de l'Abbé Tougard, Arrondissement de Dieppe, page 66. - Guilmeth, page 89. d'Auppegard, ces mottes étant vraisemblablement à l'origine un autel victimaire bien plus ancien que le camp gallo-romain (1). D'après l'abbé Cochet, ces mottes seraient d'origine cel- tique (2). Enfin, le dictionnaire des noms de lieux en France de Albert Dauzat et Ch. Rostaing donne les origines possibles du nom de Luneray, S. Mar. (Il s'agit bien de notre village). Lunerey 1337 : nom d'homme latin Lunaris, de luna (lune) et suffixe acum Lunarius, variante de Lunaris ou dérivé du gaulois Lunus et acum ; mais ce livre ne rattache pas le nom de notre village à un ouvrage fortifié gallo-romain de forme circulaire (3) (4). Que conclure de tout cela, sinon qu'une grande incerti- tude règne encore sur l'origine du nom de Luneray ? Jus- qu'à plus ample informé, acceptons avec réserves l'étymo- logie que donne Guilmeth que semble confirmer l'existence de ruines romaines comme on le verra plus loin, bien que cet auteur soit, au dire de l'abbé Cochet (5), toujours assez suspect. (1) - Abbé Cochet p. 290 (La Seine Inférieure hist. et archéol.) - Noël de la Morinière (Notice sur les fouilles d'Auppegard). (2) - Abbé Tougard, p. 54, article sur Auppegard. (3) - Dictionnaire des noms de lieux en France (Larousse) page 417. (Article Luneray). (4) - Si Luneray se rattachait au mot latin Luna, notons que ce mot serait une syncope de Lucina, nom de Junon ou de Diane qui évoque l'idée de luire (Littré, p. 1762. Êd. Pauvert, tome 4) à l'étude du mot «lune». (5) - Abbé Cochet. La Seine Inférieure, page 291, ligne 1. Un intérieur d'école au XVIIIe siècle. LES TEMPS ANCIENS ET L'ÉPOQUE GALLO-ROMAINE EPOQUE GALLO-ROMAINE A l'origine de toutes les villes, il y a presque toujours des légendes, que l'on se raconte de père en fils. Luneray ne fait pas exception à cette règle quasi générale. Mais quelle con- fiance peut-on accorder à ce fonds de tradition locale ? Cer- tes, la légende n'est pas une fiction pure. Elle repose souvent, à l'origine, sur un fait exact. Cependant, à cause de son long voyage dans la tête des hommes, la tradition orale déforme toujours le fait originel. Il est souvent impossible de discerner la part du réel qui existe certainement dans les récits popu- laires. Telle qu'elle se présente à nous, la légende a quand même son prix et mérite d'être relatée. Il y a, d'après Guilmeth, tradition de puits fort pro- fonds dans la plaine qui s'étend entre Luneray et La Gail- larde. Ces puits, rebouchés depuis longtemps, ont laissé de mystérieux souvenirs. «On prétend, dit-il, qu'ils renferment des trésors et que les fées viennent y danser la nuit». (1) Allez donc dans la plaine de La Gaillarde lorsque la lune est dans son plein ; peut-être — l'imagination aidant — aurez- vous le bonheur d'apercevoir leurs rondes dans la lumière obscure de la nuit. Il y a aussi tradition d'une ville romaine du nom de Bovetz (ou Beauvais) entre Greuville et Brachy. Cette tradi- tion paraît plus solide, car elle rejoint le souvenir populaire (1) - La Seine Inférieure historique (Abbé Cochet) p. 291 (ler paragraphe). des fossés profonds, aujourd'hui entièrement disparus, qui limitaient ce camp romain, ce qui aurait donné son nom à Luneray. Mais tout cela restait fort hypothétique jusqu'à la découverte, faite par un cultivateur de Ronchay, au début du XIXe siècle (1). Dans les premiers jours d'octobre 1827, M. Jean Hoinville labourait un champ qu'il exploitait, dans la plaine entre Luneray et Greuville. Il eut la surprise de sen- tir le soc de sa charrue arrêté par une résistance insolite dans le sol. Arrêtant son attelage, il creusa la terre avec soin et découvrit plusieurs poteries qui l'intriguèrent. Il fit part de sa découverte à son pasteur, et ce fut M. Jean Réville (2) qui en donna connaissance à M. Féret, de la Société Archéologique de l'arrondissement de Dieppe. M. Féret, accompagné de son frère et de M. Gaillon, se rendirent à Luneray. La découverte de M. Jean Hoinville était magnifique. Elle comportait : 5 vases en verre très épais, 5 vases en terre cuite, une statuette en terre blanche, et enfin divers ornements en bronze plus ou moins bien conservés. Le principal vase en verre était une grande urne (I) presque intacte, de forme carrée, haute de 35 cm et large de 25 cm environ. Cette urne était pleine d'ossements brûlés. D'après l'abbé Cochet, c'est un des plus beaux morceaux de verre antique qui soit connu. Elle était accompagnée de la plus grande partie d'une autre urne plus petite, également en verre et carrée, portant au fond une croix de St André en relief Q). Enfin on trouvait trois fioles qui devaient probable- ment avoir contenu des parfums. (1) - Rapport de M. Féret à la réunion de la Société Archéologique de l'Arron- dissement de Dieppe du 27 décembre 1827. (2) - Jean Réville, pasteur de l'Église de Dieppe, de 1826 à 1861. - (Samuel Hardy, p.