Analyse De L'activité De Prédation Du Grand Cormoran
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Analyse de l’activité de prédation du Grand cormoran (Phalacrocorax carbo) sur les salmonidés migrateurs du bassin versant de l’Arques (76) Résultats préliminaires en période de dévalaison des smolts de Saumon Atlantique (Salmo salar) et de Truite de mer (Salmo trutta) ©Yann Février, GEOCA Par Floriane Lutz, Crédit photo : Yann Février Master 1 PNB : Patrimoine Naturel et Biodiversité - Université de Rennes I - Années 2020-2021 - Structure d’accueil : Association Seinormigr - Seine Normandie Migrateurs Maître de stage : Geoffroy Garot - Directeur de l’association Seinormigr Encadrants : Maxime Potier (Responsable Technique - Antenne Seinormigr de Mondeville (14)) Alice Lemonnier (Chargée d’étude - Seinormigr) Référente universitaire : Tatiana Colchen, Enseignante-chercheuse - FRE 2030 BOREA-MNHN Stage du 06 avril au 30 juillet 2021 et date de soutenance, le 22 juin 2021 Remerciements Je tiens tout d’abord à adresser un grand merci à Maxime Potier et Alice Lemonnier qui ont su m’encadrer avec justesse, bienveillance (et patience surtout !). Je garderais en mémoire nos discussions, longues ou courtes, lors des sorties terrains et les leçons que j’ai tiré de ce stage dont je vous serais toujours reconnaissante. Merci Maxime, pour tous tes conseils avisés mais aussi pour bien d’autres choses qui n’ont l’air de rien, comme m’avoir fait partager ta passion du milieu aquatique et tes connaissances des rapaces, Merci Alice, pour tes conseils poussés et rigoureux qui me poussent sur la bonne voie, tout comme tes points de vue intéressants et atypiques qui ont sincèrement élargis ma manière de voir les choses. J’aimerais également vivement remercier Geoffroy Garot, mon maître de stage, pour qui je suis très reconnaissante de m’avoir acceptée et d’avoir choisi de placer sa confiance en moi. Merci à Agathe, de la LPO, pour sa gentillesse, son humour, toutes nos conversations et pour avoir partagé sa grande passion des oiseaux, ça a l’air si simple quand on est avec toi ! Merci également à Alexandre Carpentier, chercheur au MNHN, qui a su nous conseiller, nous guider et douter avec nous dans les méandres des pelotes. Je dis nous car Johanna Theys, stagiaire équivalente de Bretagne, a été ma partenaire de pelotes et a su rendre ça plus joyeux. Merci à toi, pour ça et pour ta vision de la vie pleine de libertés et de découvertes. Enfin, je tiens à adresser un remerciement particulier à ma famille qui me soutient depuis longtemps et notamment mon père qui me transmet des coupures de journaux sur les cormorans ! Merci à toi, Yamina pour ta précieuse amitié de toujours et merci à toi, Quentin, pour ton soutien infaillible et tout le reste. Introduction Le Grand cormoran, Phalacrocorax carbo (Suliformes : Phalacrocoracidae) fait l’objet de débats sur son impact potentiel sur les stocks de poissons entre gestionnaires de l’environnement et pêcheurs essentiellement (Marzano & Carss, 2005 ; Saulamo et al., 2001). L’espèce était pourtant presque en voie d’extinction en Europe au XXème siècle. Une colonie nicheuse se maintenait sur le littoral cauchois, à l’Est de Dieppe en France. Suite à sa mise en réserve en 1931 et à l’intégration du statut d’espèce protégée en 1979, les populations ont augmenté puis se sont stabilisées (Marion, 2019). Il existe 2 sous-espèces difficilement distinguables, l’une plutôt maritime, P. c. carbo, entièrement protégée, et l’autre plutôt continentale, P. c. sinensis, qui peut faire l’objet de tirs de régulation selon le département (Marion, 1983 ; Marion & Le Gentil, 2006). Ainsi, la soudaine croissance de ses effectifs, ajoutée à son caractère piscivore et opportuniste, en a fait une espèce controversée (Suter, 1991). L’une des principales raisons limitant la résolution de cette opposition est le peu d’études réalisées sur l’influence de la prédation du Grand cormoran sur les stocks de poissons (Ovegård et al., 2021 ; Jepsen et al., 2010 ; Russell et al., 2003). En effet, faire le lien entre le Grand cormoran et les populations de poissons est délicat (McKay et al., 2003). Il est alors nécessaire de déterminer l’apport de nourriture quotidien moyen, les dynamiques de population des poissons locales ou encore le régime alimentaire du prédateur (Russell et al., 2003). Les populations de salmonidés migrateurs tels que le Saumon Atlantique, Salmo salar et la Truite de mer, Salmo trutta (Salmoniformes : Salmonidés), d’une importance écologique et économique particulière, ont diminué de 70% ces 40 dernières années (Cefas 2014). Les salmonidés sont particulièrement sensibles aux perturbations lors de la phase de dévalaison des smolts, qui survient de fin février à mi-mai (Jepsen et al., 1998). La prédation du Grand cormoran peut ainsi avoir un effet négatif conséquent sur eux (Källo et al., 2020) ou bien, à l’inverse, n’avoir qu’un faible effet (Lähteenmäki, 2020). Lors de cette période critique, les smolts se déplacent en banc et deviennent des proies nutritives et abondantes (Bœuf, 1993 ; Michael, 1998). Ils ont donc tendance à être plus préférentiellement capturés ce qui peut alors entraîner une forte mortalité (Aarestrup et al., 1999 ; Jepsen et al., 2006). De plus, les poissons de petite taille ont tendance à être plus prédatés par le cormoran, par exemple, ceux de moins de 100 g (Grémillet et al., 2006) ou de 20 cm (Čech et al., 2008 ; Lorentsen et al., 2004). Les populations de salmonidés et de cormoran en Normandie, comptent parmi les plus importantes du territoire, notamment dans la zone du bassin versant de l’Arques (ONEMA, 2010 ; Marion, 2019). En Normandie, le Grand cormoran est sédentaire ou de passage régulier 1 en période de dévalaison des smolts, en mars et avril, avant de partir en migration (GONm, 2016). L’Arques a la particularité de terminer sa course dans l’estuaire artificiel du port de Dieppe qui se compose de clapets à marée. Ceux-ci s'ouvrent à marée descendante et se ferment à marée montante. L’estuaire est un passage obligé des poissons migrateurs et les clapets limitent leur traversée. La zone de transition saumâtre s’écoulant librement d’un estuaire naturel n’est alors pas présente (Washington & Cedar, 2010). Les smolts se retrouvent directement dans l’eau de mer, leur provoquant un choc osmotique brutal. Suite à cela, les smolts fragilisés peuvent devenir des proies plus faciles pour les prédateurs tels les cormorans (Fresh, 2006 ; Koed et al., 2006). De plus, Handeland et ses collaborateurs (1996) ont démontré qu’un choc osmotique pouvait également réduire les comportements anti-prédateurs (fuite ou regroupement en banc) chez le Saumon Atlantique. Cette étude étant innovante du fait du nombre réduit d’études sur le sujet (Ovegård et al., 2021 ; Jepsen et al., 2010) et se déroulant sur un an, son objectif premier est de développer un protocole standardisé et reproductible de l’analyse des variations spatio-temporelles de la prédation du Grand cormoran sur les salmonidés migrateurs. Ce rapport en présente les premiers résultats en période de dévalaison des smolts, du 31/03/21 au 19/05/21. Trois axes expérimentaux principaux seront abordés. Tout d’abord, 1) une analyse de la répartition spatiale et temporelle des populations de Grand cormoran sur l’Arques permettra de mieux comprendre les enjeux de prédation sur les salmonidés selon la période et le site. Une diminution globale des effectifs observés est attendue suite aux départs en migration après avril. 2) Ensuite, une attention particulière sera apportée à la zone du bassin portuaire de Dieppe afin d’étudier les préférences de prédation des cormorans en fonction du passage des smolts désorientés par le milieu marin, c’est-à-dire, selon l’ouverture des clapets. Il est supposé que les cormorans pourraient se spécialiser sur cette configuration de pêche en particulier et notamment, plus la date est proche du pic de dévalaison des smolts, ceux-ci étant abondants. 3) Enfin, la variation temporelle de la part de salmonidés dans le régime alimentaire du cormoran en rivière sera estimée par la méthode d’analyse des pelotes de réjection (Duffy & Jackson, 1986 ; Casaux et al., 1997). Les pelotes de cormorans sont régurgitées une fois par nuit (Zijlstra, 1995 ; Mckay et al., 2003). Elles contiennent les restes alimentaires non digérés soit essentiellement, des otolithes, pièces de l’oreille interne spécifique à chaque espèce et autres pièces squelettiques consommés dans les 24h environ (Johnson et al., 2010 ; Barrett et al., 1990, Leopold et al., 1998). Il est supposé que le cormoran suivrait une stratégie optimale 2 de recherche de nourriture selon la densité de la proie, ce qui impliquerait que les smolts soient plus ingérés que les autres espèces en période de dévalaison, par leur abondance et le fait qu’ils se déplacent en banc notamment (Mac-Arthur & Pianka, 1966 ; Gwiazda & Amirowicz, 2010). Les pelotes du bassin versant de l’Arques seront aussi comparées à celles du Léguer en Bretagne. L’intérêt tient dans son caractère préservé, site « rivière sauvage » et ayant des pelotes obtenues en estuaire. Matériel et méthodes 1. Site d’étude 1.1. Bassin versant de l’Arques L’étude se déroule sur le bassin versant de l’Arques, Site d'Intérêt Communautaire et donc zone Natura 2000, situé au Nord-Est de la Seine-Maritime, en Normandie. L’Arques est un fleuve se jetant dans la Manche à Dieppe. Il est constitué par trois rivières qui confluent vers lui, la Béthune, la Varenne et l’Eaulne (Fig. 1). La zone d’étude se restreint au tiers avals des trois rivières et va du bassin portuaire de Dieppe, où se déverse l’Arques, à Saint-Hellier, sur la Varenne, Neufchâtel-en-Bray, sur la Béthune et Londinières, sur l’Eaulne, soit au total 76,5 km de cours d’eau et une surface de 3,02 km2 de plans d’eau.