Intersection// Perspectives// Antoine Rufenacht, Laurent Fabius, Edouard Philippe, Philippe Duron, Olaf Merck Territoires//Dominique Dron/ Dominique Lefebvre Cities// Philip Heylen, Marc Van Peel

Nfévrier 2012 °02 CONTRIBUTIONS

Michel rocard, Antoine grumbach, Antoine rufenacht, olivier breuilly, philippe duron, Ancien premier ministre, architecte & urbaniste, commissaire général directeur général député-maire de ambassadeur de professeur à l'École au développement de la de la Compagnie Caen, président de pour les pôles arctique nationale supérieure vallée de la Seine. d’Exploitation des Ports, la communauté et antarctique. d'architecture de Paris- Veolia Environnement. d’agglomération Caen Belleville (ENSAPB). la mer.

laurenT fabius, daniel béhar, olaf merk, Thierry bogaert, édouard philippe, ancien premier ministre, géographe, professeur ADministrateur de Architecte industriel, Maire du havre, président président de La CREA à L'IFP et à l'École la Direction de la membre de l’Association de la codah (communauté (Communauté de Nationale des Ponts et Gouvernance publique Internationale des Villes de l'agglomération l’agglomération Rouen- Chaussées, directeur de et du développement Portuaires (AIVP). havraise). Elbeuf-Austreberthe). la coopérative ACADIE. territorial de l’OCDE.

philippe deiss, dominique dron, dominique lefebvre, philip heylen, marc van peel, président de haropa, déléguée maire de Cergy, président échevin d’Anvers, président du Port GIE regroupant les ports interministérielle au de la Communauté chargé de la culture d’Anvers ET échevin du Havre, de Rouen développement durable d'agglomération de et du tourisme. de la ville. et de Paris. et commissaire générale Cergy- Pontoise, au développement Vice-président de Paris durable au ministère Métropole. de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

La Revue du Grand Paris. Magazine trimestriel gratuit. Édité par la Mission Métropole du Grand Paris/Veolia Environnement S. A., immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 403 210 032, 36/38 avenue Kléber, 75016 Paris, Tél. : 01 71 75 00 00 - [email protected] /Directeur de la publication - Lio- nelle Maschino /Rédacteur en chef & direction éditoriale - M1/Michel Parmentier /Comité éditorial - Lionelle Maschino, Géraldine Fort, Jacques Glowinski, Olivier Pascal, Fabien Garnier, Michel Parmentier /Conception & réalisation graphique - JBA Antoine Massari - 2 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris – ph.bissieres@ jba.fr /Ont collaboré à ce numéro - Pauline Feuillâtre, Françoise Bourgoin, Isabelle Lemonnier - Remerciement à Thierry Bogaert et Dominique Dhervillez- Pho- tographies - Olivier Roller, Sindbad Bonfanti, Patrick Laforet. Tous droits réservés Veolia Environnement & auteurs /Couverture Milena Boniek/ZenShui/Photo- nonstop /Infographie - Didapix/Jacques Partouche /Impression - Panoply (certifiée Iso 9001). 54 avenue du Général Leclerc 92 153 Boulogne-Billancourt cedex. Tèl : 01 46 94 33 44, [email protected] /Pour le papier - Satimat green 60 % de fibres recyclées et 40 % de fibres vierges certifiées Forest Stewardship Council FSC, issu de forêts bien gérées. Encres à base d’huile végétale. Le vernis acrylique est à 90 % à base d’eau. Dépôt légal : 1er trimestre 2012. ÉDITO//01 AUX FRONTIÈRES Par Lionelle Maschino, directeur de la mission métropole du grand paris de veolia environnement DU RÉEL Le Grand Paris avance, et à grands pas. Les La liste des initiatives s’étoffe de jour en contours des projets se précisent, la métro- jour comme la Charte d'attractivité du pole commence à établir ses bases. Grand Paris lancée, le 26 janvier der- Le Grand Paris Express est sur les rails. Les nier, par le ministre de la Ville, Maurice premiers accords-cadres préalables aux Leroy, pour la promotion économique de futurs Contrats de Développement Ter- la métropole avec l'engagement de l'en- ritorial du « Territoire de la culture et de semble des partenaires institutionnels la création » ont été signés, notamment et économiques et les organisateurs de avec la communauté d’agglomération de salon internationaux. Cela montre à quel Plaine Commune et avec la ville de Saint- point les acteurs du Grand Paris, les opé- Ouen ; 18 CDT sont d’ores et déjà en cours rateurs privés, les entreprises, les uni- d’élaboration. Le développement de l’axe versités accompagnent une dynamique Seine entre dans une phase active, avec une aujourd’hui irréversible. double actualité : d’une part, la conclusion prochaine du débat public sur la Ligne Pour autant, toutes ces initiatives cumu- Nouvelle Paris-Normandie ; d’autre part, lées mettent en exergue les multiples la remise du rapport d’Antoine Rufenacht, échelles de la question territoriale, à tel commissaire au développement de la val- point que plus le territoire est pris dans lée de la Seine, sur les enjeux de cette artère sa globalité moins on parvient à le définir. vitale pour la région capitale, pour les deux La problématique territoriale pourrait, Normandie, pour le territoire national et à cet égard, ressembler à celle de l’élec- son ouverture sur l’Europe et le monde. La tricité. On sait d’où elle part, où elle va, construction du port d’Achères et le futur quels sont ses effets, mais on ne sait pas canal Seine-Nord-Europe vont ouvrir ce que c’est réellement. Le territoire ne l’accès à une nouvelle plate-forme logis- serait-il lisible qu’à travers ses spécia- tique à l’ouest de Paris, établie au cœur de lités : territoire de projet, économie du la Confluence Seine-Oise. Depuis ce début territoire, territoire durable, aména- d’année, Paris, Rouen et Le Havre ne font gement du territoire… ? C’est la ques- plus qu’un, du moins sur le plan maritime tion que nous abordons dans ce numéro et fluvial, avec la création du GIE interpor- consacré à la dimension maritime, donc tuaire HAROPA. internationale, du Grand Paris. M

02/Intersection/La ville un concept fabuleux totalement SOMMAIRE étranger à la pensée financière/Michel Rocard/06/Un œil sur…/ 08/Perspectives/Le Grand paris sur mer/Antoine rufenacht, Oli- vier breuilly, philippe duron, laurent fabius, edouard philippe, daniel béhar, olaf merk, Thierry bogaert, philippe deiss, 19/Territoires/Ter- ritoire durable/dominique dron/confluence seine-oise/domi- nique lefebvre/25/Cities/le monde à l'anvers/philip heylen/anvers Premier port de france/marc van peel/ 02//INTERSECTION « La ville, un concept fabuleux Entretien avec michel rocard, ANCIEN PREMIER MINISTRE. totalement Photos// Olivier Roller étranger à la pensée financière »

Aujourd’hui ambassadeur de France pour les Pôles, Michel Rocard est, de ce fait aux antipodes du Grand Paris. L’ancien Premier ministre n’est pourtant jamais très éloigné des questions territoriales, qu’il explore depuis près de cinquante ans. Ministre de l’Aménagement du territoire en 1981, régionaliste d’avant-garde, il est l’in- venteur des Contrats de Plan, le père du canal Seine-Nord et le créateur de Voies Navigables de France, entre autres.

La Revue du Grand Paris// Crise éco- punir les États en leur supprimant les faire des avances sans intérêt aux États, nomique et financière, crise des finances avances sans intérêt des banques cen- mais aussi de créer de la monnaie. C’est publiques aussi : sommes-nous en train trales. Quarante ans après nous sommes vrai aujourd’hui pour la Banque centrale de modifier la nature budgétaire de nos en crise de dépenses souveraines… européenne. C’était déjà le cas pour la ressources urbaines ? Dans ce contexte, la ville est un concept Banque de France auparavant. Je prends fabuleux, totalement étranger à la pen- ma part de culpabilité, parce que nous Michel Rocard// Jusqu’en 1973 envi- sée financière, qui ne comporte pas de avons pris conscience de cela un peu tard. ron, la plupart des États finançaient leur spécialisation. La pensée financière La monnaie, dans les grands systèmes trésorerie avec des avances sans intérêt a oublié de regarder le monde. Parce privés, est créée par les banques privées. de leur banque centrale. Tous nos équi- qu’au moment où cette révolution Il faut donc gagner beaucoup et vite. Cet pements datent de cette époque. Les s’amorce, le prix Nobel d’économie est impératif est contradictoire avec toute théoriciens monétaristes trouvaient cela attribué à Milton Friedman, en 1976 idée de ville. L’assassinat de la ville, vous scandaleux parce que, disaient-ils, cela – personnellement, j’aurais plutôt vu ce pouvez, d’une certaine façon, le lire dans enlevait une partie de sa surface poten- dernier devant la Cour pénale interna- la pensée de Milton Friedman, qui oublie tielle possible de compétence à la zone tionale pour crime contre l’humanité ! qu’il puisse y avoir des spécificités de ter- dite du profit. Quatorze Nobel ont, par la suite, validé ritoires présentant des besoins de finan- Or c’est le profit, selon eux, qui est le la même façon de penser. Par leurs pré- cement plus importants et à long terme. moteur de l’activité. Ils ont eu cette idée conisations, les théoriciens monéta- Nous sommes là dans le crime de société. naufrageuse de chercher à remplacer ristes tarissent les ressources des États l’argent public par l’argent privé dans et offrent une rente formidable à la RGP// Voyez-vous une solution à cela ? tous ces gros financements d’inves- puissance financière. Les banques centrales doivent-elles refi- tissement - parce que les mécanismes Ils ont, depuis, passé une deuxième nancer les États gratuitement ? d’allocation de ressources seraient meil- étape. Selon eux, il faut interdire aux leurs d’après eux -, et ont commencé par banques centrales non seulement de MR// Nous ne sommes plus à ça près, il INTERSECTION Entretien avec Michel Rocard//03

faut d’abord qu’on en réchappe. Une y avons gagné soixante ans de stabilité RGP// Vous créez des bassins de réten- telle mesure n’est pas une mesure financière mondiale ! Soixante ans après, tion financiers en quelque sorte… « re »constructrice d’un éventuel futur. cette sage mais brutale réglementation Le futur n’est pas le problème. Pour le est abandonnée. Les grandes crises MR// Si vous enlevez du flot monétaire moment il faut survivre. Et pour cela, les financières se succèdent tous les cinq ans. – les deux tiers ou la moitié des dépôts sociétés tout entières, donc leurs États, Nous avons le même problème, sauf que dans l’économie –, vous sauvez des → doivent nous mettre à l’abri de l’explo- David Cameron cède le sion de bulles financières. premier, Angela Mer- Or c’est sur les bulles que les banquiers kel cède ensuite, Barak font fortune… Après la crise de 1929, Obama cède– moins, la ville, son Roosevelt, arrivé au pouvoir en 1933, fait mais il est vaincu passer le Glass-Steagall Act, qui sépare chez lui par le Sénat –, écologisation, les deux métiers de la finance. Sarkozy cède aussi, et Le premier consiste à gérer les dépôts des nous nous préparons et son gens et des entreprises, ce métier exige à de nouvelles bulles… l’absolue sécurité, il n’est pas tolérable Je plaide pour que la développement qu’il soit exposé au risque. même mesure soit Le deuxième métier consiste à finan- prise par précau- dépendent d’un cer le risque, l’incertain, les investisse- tion pour limiter le ments. Qui dit « incertain » dit « mar- volume du flot, et retour à la santé ché » et donc « spéculation », qu’il faut donc les dégâts sur les traiter autrement. gens, quand le barrage de la finance Toute la société financière américaine a cédera. hurlé, mais Roosevelt a tenu bon. Nous publique. INTERSECTION 04//Entretien avec Michel Rocard

diction est là. Alors, je nous avons ne suis pas un anthro- pophage des pauvres eu une capitalistes, mais je commence à mordre décentralisation quand je m’aper- çois qu’on tue le long terme. Ça vaut aussi -revanche pour la recherche scientifique. des élus contre Mais je ne peux pas tout suivre. Comme les préfets. sur la plupart des pro- blèmes, le commen- → choses quand même. C’est une bataille taire est d’une banalité stupéfiante, je politique de première grandeur. Le n’entre pas là-dedans. pouvoir bancaire a une influence telle que, pour le moment, il a gagné partout. RGP// Vous êtes d’accord tout de même Les plus malins sont les Anglais. Ils ont pour dire que les réalisations impor- mis le vice de la financiarisation dans le tantes sont venues d’une impulsion, jeu du système mondial, mais, chez eux, d’un leadership politique qui n’est pas ils sont en train de séparer les métiers forcément technocratique ou savant ? bancaires, pour protéger en partie leur économie des bulles qu’ils préparent. MR// Cela amène une autre démarche, Empêcher les banquiers de faire les trois qui est d’affaiblir l’État central dans le quarts de leurs profits en dehors de la concept de souveraineté nationale actuel. gestion des dépôts, on n’y arrive pas. L’État central affaiblit tout, la ville doit C’est une belle bataille politique, mais avoir son existence et son poids. qui ne peut se gagner que par la péda- L’histoire de la commune en France est gogie. Il faut que les gens comprennent. grande aussi longtemps que la commune Or la plupart des gens ne connait rien à a le pouvoir de décision sur ce qui fait MICHEL ce que je vous raconte là. La malédic- vivre les gens économiquement. Ensuite, ROCARD tion médiatique fait que, dès que l’on ça se perd dans l’immensité que crée le Ancien Premier tient un discours de ce genre, on devient capitalisme. ministre, ministre techno et donc inaudible. C’est une des raisons pour lesquelles je d'État, ministre En ce qui concerne la ville, son écologi- suis aussi régionaliste, et à l’origine de du Plan et de sation et son développement dépendent la « décolonisation de la province* », en l'Aménagement du d’un retour à la santé de la finance 1966. C’est à partir de ce moment que territoire, ministre de l'Agriculture, publique, et, en tout cas, d’une place s’est ouvert le débat régional. député, député nouvelle et redéfinie du long terme dans Mitterrand a demandé à Gaston Def- européen, sénateur, les financiarisations. ferre, vieux jacobin, de faire la réforme maire de Conflans- régionale, et pas à moi, son ministre Ste-Honorine et RGP//Le long terme est-il obligatoire- de l’Aménagement et du Territoire ! Il conseiller régional ment incarné par la puissance publique ? m’avait dit à l’époque : « Defferre y tient d'Île-de-France, il est aujourd'hui tellement… » ambassadeur de MR// Le long terme peut parfaitement Voilà pourquoi nous avons eu une décen- France chargé être incarné par les sociétés aéronau- tralisation-revanche des élus contre des négociations tiques ou spatiales. La SNCF, lorsqu’elle les préfets, une pile d’assiettes, plutôt internationales a inventé les trains rapides, a pris du qu’une nouvelle pensée administrative relatives aux temps, afin de les rentabiliser. Mais il sur la structuration du territoire. C’était pôles Arctique et se trouve que, à l’époque, l’entreprise plus compliqué, plus difficile à imaginer, Antarctique pour assurer la sécurité était publique, et elle a pris ce temps mais il aurait fallu le faire. Il faut retrou- de la navigation et parce qu’elle n’avait pas d’actionnaires. ver cela. Et je prétends que c’était cela préserver l'équilibre Dès qu’il y a des actionnaires privés, ils que je souhaitais. Parce qu’il n’y a pas thermique de la veulent du profit plus vite, et la contra- de ville sans son arrière-pays. calotte glaciaire. INTERSECTION Entretien avec Michel Rocard//05

Je suis, intellectuellement, le créateur de La ville de Conflans voyait sa population teur par le Budget : panique de Bérégo- l’outil régional en France. Administra- disparaître, l’emploi stagnait, nous nous voy d’abord, colère ensuite – le déficit tivement, c’est Gaston Deferre, et poli- demandions quoi faire… Il fallait inévi- était déjà gênant. tiquement, François Mitterrand… qui tablement laisser passer des convois de J’invente donc l’idée d’une agence opé- n’en voulait pas. J’ai inventé le Contrat 4 500, 5 000 tonnes, mais, pour les petits ratrice, les Finances refusent. Ce sera de plan aussi. Depuis, j’ai changé de canaux, c’était fichu. donc le budget de l’État : Seine-Nord est champ d’application. Je ne suis donc pas François Mitterrand devient Président une nécessité. Panique, car les milliards un architecte-urbaniste, et je n’ai pas de de la République et me donne l’Amé- à sortir tout de suite étaient bien plus pensée parisienne ! Mais, de temps en nagement du territoire ; Charles Fiter- nombreux, à tel point qu’on me laisse temps, il est possible de faire certaines man devient ministre des Transports. mettre en place l’agence. Voilà com- choses. J’espère être en vie dans deux Il ne songe pas à ajouter la voie d’eau ment est né Voies Navigables de France ! ou trois ans - j’ai 81 ans, je ne me porte à son schéma directeur des transports Les vocations se sont réveillées chez des pas mal, merci ! -, lorsqu’on va poser la en France. Je finis par le convaincre de ingénieurs qui s’ennuyaient. On a pris la première pierre du canal Seine-Nord. Ce la nécessité d’un schéma directeur des mesure du potentiel de la plaisance flu- canal est une idée que j’ai eue en 1978 ! voies navigables. Première victoire. Il viale. Le patrimoine français était revi- Il sera inauguré quarante ans après la faut ensuite faire ce schéma directeur. goré. Et VNF a creusé Seine-Nord, ça a naissance de l’idée. Le mythe à l’époque, c’était le canal mûri, l’a annoncé. C’est Rhin-Rhône, plus grand, plus écolo- un peu prétentieux de dire cela, mais, RGP// Les Belges reprochent aux Fran- gique... Dans notre situation, cela signi- sans moi, il n’y aurait pas eu de canal çais de manquer d’ambition à ce sujet, fiait ouvrir un boulevard navigable for- Seine-Nord. par exemple de ne pas prévoir des ponts midable pour les flottes allemandes Il faut donc une intuition, mais après, assez hauts pour laisser passer de plus et suisses, éventuellement belges et c’est épouvantablement difficile. Le gros tonnages. Quel est votre avis ? néerlandaises, et connecter un bout du fait que je n’aie pas quitté ce front-là Rhône et du Sud avec le réseau Rhin- pendant trente-cinq ans - et aussi que MR// Le seul Français qui soit capable Main-Danube, Mer Noire-Mer du j’aie toujours occupé des fonctions, ou de tenir ce discours en ce moment, c’est Nord, qui était en train de se terminer. au moins un rôle tel que ma voix porte bien moi ! Et ça, je ne le savais pas… L’idée d’ouvrir un boulevard de plus à encore - a été complètement décisif La voie d’eau, au début, n’intéresse ces flottes-là, sans qu’en France aucun pour faire aboutir de tels projets. personne. Le plan Freycinet** s’ar- bateau, aucun marinier ne puisse profi- Maintenant, le phénomène urbain a rête vers 1906 ou 1907, et, depuis, on ter de cette chance, était naturellement besoin de ces intuitions-là en France, n’a plus rien fait. C’est à peine si l’on imbécile. Réveillez-les ! Mais chacun son boulot, remplace une écluse en ruines tous les En revanche, la juxtaposition de la zone ce n’est pas le mien, j’en ai suffisamment quinze ans. On n’a même pas préservé du bassin du Nord et de la Belgique, avec ailleurs. M un corps dédié d’ingénieurs pour s’en la sidérurgie, le charbon, et de la région occuper sérieusement, comme il n’y a parisienne avait de la puissance. Je gagne * En 1966, dans un rapport présenté au cours d’un col- loque à Saint-Brieuc, Michel Rocard a montré dans plus eu de disponibilité dans les cer- cette deuxième bataille : la priorité ira à quelle vision économique et sociale pouvaient s’ins- velles des puissances publiques, parle- Seine-Nord. crire les premiers projets de décentralisation. http:// mentaires, ministérielles ou adminis- Ensuite, je démissionne. Puis Mitterrand www.revuesocialiste.fr/2010/02/16/decoloniser-la- province-1966/ tratives, pour s’y intéresser. Lorsque, en me nomme Premier ministre en 1988. **Programme de travaux publics lancé en 1878 par le 1977, je suis devenu maire de Conflans- Entre-temps, je suis resté maire, les ministre des Travaux publics , qui Sainte-Honorine, capitale de la batelle- bateliers trouvent le schéma directeur prévoyait la construction de chemins de fer, de canaux et d’installations portuaires. rie, les six premiers mois, tout ce que la très joli, mais il n’y a pas un sou. Le canal France comptait de bateliers est venu Seine-Nord n’est même pas déclaré, rien dans mon bureau. ne se passe. Comme Premier ministre, J’ai alors découvert que, en Belgique, en je décide de financer le schéma direc- Hollande, au Luxembourg, en Suisse, en Allemagne, le pondéreux transporté par voie d’eau mangeait des parts de trafic, aux dépens de la route et même Je suis, du rail, parce qu’il était moins cher, plus écologique. En France, au contraire, la intellectuellement, SNCF faisait du dumping vis-à-vis de la voie d’eau pour se venger de sa défaite le créateur de l’outil permanente face à la route, dans les décisions du pouvoir public. régional en France. 06//UN ŒIL SUR

CDT LA CRéation entre dans le cadre

Le 16 janvier 2012, le Premier ministre, François Fillon, a signé, à la Cité du Cinéma, en Seine-Saint-Denis, le premier accord-cadre du Grand Paris, préalable au futur Contrat de Développement Territorial du « Territoire de la culture et de la création ». Cet accord établit un cluster des industries de la création desservi par le réseau de transport du Grand Paris PATRICK LA FORê t PATRICK Express (dont le hub majeur de Saint-Denis Pleyel). Il porte Quelque part au nord de Paris, cette promenade aussi sur la construction de Crash test montre que les chemins de l’enfer sont bétonnés 4 200 nouveaux logements de bonnes intentions. Il fallait, coûte que coûte, que cette liaison « douce », cette cicatrice par an sur Plaine Commune « verte », existe au regard d’un Agenda 21, d’une « solution durable pour la ville ». Coincé entre et Saint–Ouen, dès 2015. C’est le périphérique, une zone industrielle et la déchetterie, le passage est marqué par un bruit une nouvelle étape pour les dix assourdissant, qui interdit les promenades trop longues. Les grillages défoncés et l’éclairage territoires de projet du Grand aveuglant en nocturne compromettent la quiétude espérée. | Patrick Laforet est photographe. Paris et les 18 CDT en cours Grand Parisien, il porte son regard sur ces espaces « entre deux », sans destination particu- d’élaboration entre l’État lière, qui font partie de notre univers urbain.| et les Collectivités territoriales du Grand Paris.

Paris est la 2e ville d’Europe la plus attractive après Londres et devant Francfort en immobilier d’entreprises* étude annuelle Cushman & Wakefield 2011

La Confluence Seine-Oise secteur fluvial (hausse de 22 % du trafic FAC dans le bassin de la Seine de 1994 à à la Sorbonne 2004) et à l’ouverture du canal Seine- Nord-Europe. Le Grand Paris place par Dans le cadre d’un atelier de Master 2 Paris-Normandie et la tangentielle ailleurs les éco-activités au cœur de Urbanisme et Aménagement, ouest, la Confluence polarisera les ce territoire. Il prévoit ainsi un projet en partenariat avec la Mission mobilités quotidiennes de la frange d’écopôle dans la boucle de Chanteloup Métropole du Grand Paris de Veolia métropolitaine en raison des projets (500 000 mètres carrés dédiés à la Environnement, quatre étudiants* de transport ferroviaire, mais aussi « green economy »). | *Eleonor Lopez, de Paris I Panthéon-Sorbonne mènent les flux de transport de marchandises Alix Cariou, You-Mi Kim et Jean Teiller. actuellement une étude sur les enjeux grâce au projet du port fluvial « Seine Cet atelier est encadré par Xavier de la Confluence Seine-Oise en lien Métropole ». Ce territoire constituera Desjardins, maître de conférences à avec les projets initiés dans le cadre à l’avenir une plate-forme logistique l’université Paris I Panthéon-Sorbonne du Grand Paris. Bientôt desservie majeure et un pôle économique et par Francis Beaucire, professeur à par le RER E, la Ligne Nouvelle nouveau grâce au développement du l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.| UN ŒIL SUR//07

Droit nous avons rendu deux études. L’une, de questions conduite à la demande du Havre, du comité de l’estuaire et de l’AURH**, Achères traite de l’articulation de la vallée de la Seine avec la mer, via le Grand mis en seine Parc de l’estuaire ; l'autre, conduite pour l’EPAD et l’EPAMSA***, traite Les ports du Havre, de Rouen, de de l’aménagement de la Défense à Paris se sont regroupés, la LNPN est Mantes. Jean Robert Mazaud, de S’Pace, sur les rails : votre rêve devient-il spécialiste de développement durable, réalité ? a piloté pour nous un grand dossier sur Antoine Grumbach, architecte et les changements de culture en matière urbaniste// Si vous ajoutez le port industrielle ou de transport. d’Achères, la ligne Eole jusqu’à Mantes et le canal Seine-Nord, je suis très D’autres points importants restent- optimiste. L’action sur Paris-Rouen et ils à traiter, selon vous ? Le Havre est devenue aussi importante AG// Oui. Je pense à l’implication

que le projet de transport Grand Paris du département de l’Eure, au © An toi ne G r umb ac h e t Ass oci és Express. développement de l’ensemble industriel et portuaire de Rouen, ou | *Présenté en 2010 pour la consultation Quel rôle avez-vous aujourd'hui à l’organisation de l’ensemble côtier sur le Grand Paris initiée par l’AIGP, dans le développement de l'axe de Caen à Fécamp. À cet égard, toutes le projet Seine Métropole d’Antoine Seine ? les CCI de la région parisienne et des Grumbach fait de la Seine la plaque AG// Nous venons d’être retenus par deux Normandie se sont regroupées tournante de l’économie mondiale. les Ports de Paris pour la préparation dans le GIE Axe Seine et sont un relais | **Agence d’Urbanisme de la Région du débat public sur la création du port formidable pour le développement du Havre et de l’Estuaire de la Seine d’Achères, à la confluence de la Seine économique du projet. Nous allons | *** Établissement public et de l'Oise, au débouché du canal collaborer avec elles, afin d’associer les d’aménagement du Mantois Seine-Nord. Depuis Seine Métropole*, grands opérateurs à nos travaux. en Seine Aval |

LES INdégivrables

SGP sur le terrain Étienne Guyot, président du directoire de la Société du Grand Paris, a annoncé, le 25 janvier dernier, que le début d'année sera consacré à la reconnaissance des sols sur les sites des gares et sur le tracé du futur métro. La première enquête publique sera lancée, cet été, sur le tronçon situé entre Pont- de-Sèvres et Noisy-Champs. D'autres suivront, de décembre 2012 à avril 2013. Les premières acquisitions foncières auront lieu également cette année, avec, dès février, l'attribution du marché concernant les 1 800 parcelles du tronçon Pont-de- Sèvres/Noisy-Champs. Xavier Gorce Le Grand Paris fait face à un double enjeu : la qualité de vie de ses habitants, avec le développement des solidarités qui s’y rapportent, et son insertion dans la compétition économique mondiale, à partir de son statut de ville-monde. PERSPECTIVES Le Grand Paris sur mer//09

la vallée de la Seine est UN TERRITOIRE La double perspective du Grand Paris doit être considérée à toutes D'EXCEPTION les échelles : celle des quartiers, des clusters, celle de l'agglomération L’ouverture maritime du Grand Paris est la condition sine qua non de son francilienne, celle des régions, et, statut de ville-monde. Pour Antoine Rufenacht, commissaire général au enfin, celle de l’Europe. développement de la vallée de la Seine, elle est aussi le terrain d’expres- Le Grand Paris sur mer repositionne sion des initiatives locales sur et aux abords du fleuve. le territoire francilien-normand au sein du schéma maritime et fluvial européen. La revue du Grand Paris// Peut-on ganiser de manière plus forte les trois LLes développements industriels dire que vous êtes entrés dans la phase ports pour faire face à ce défi. En ce et commerciaux, autour de la concrète du projet ? qui concerne le port d’Achères, nous circulation de marchandises gérée Antoine Rufenacht// Nous remet- sommes évidemment très favorables par un système portuaire pertinent trons notre rapport* début février au à la confluence. Ce port est un enjeu au plan des échanges mondiaux Premier ministre. Nous y faisons des très important. La réalisation du bou- comme régionaux, se comprennent propositions assez concrètes au gou- clage complet de l’autoroute A104 est dans de grandes articulations vernement, en vue à la fois de mettre en une condition indispensable de son bon avec les autres zones portuaires place des moyens, d’imaginer des pro- fonctionnement. d’Europe. Mais ces développements cédures, de proposer un mode de gou- s’envisagent aussi dans le cadre vernance et la mise en place de struc- RGP// Pensez-vous que la Ligne Nou- des solidarités intrarégionales tures ou d’organismes permettant velle Paris-Normandie (LNPN) sera normandes, appréhendées par les d’assurer, dans de bonnes conditions, suffisamment dimensionnée pour élus régionaux, par les géographes ou le développement de ce territoire excep- les plates-formes logistiques, qu’on les développeurs. tionnel. annonce très importantes ? La barre est haute, mais les enjeux Ar// D’abord, cela comblera, dans le sont clairement identifiés : il s’agit, RGP// Cela comprend le regroupement domaine ferroviaire, un retard histo- par exemple, de concevoir le canal des ports du Havre, de Rouen et de Paris rique considérable. La LNPN permet- Seine-Nord non pas dans une lecture au sein d’un GIE… tra de désengorger le Mantois et rendra de menace, mais d’opportunité. Ar// Le GIE est une initiative intéres- possible un acheminement ferroviaire « Les ports normands ont un rayon sante. Il va dans le sens d’une néces- du fret dans de bonnes conditions. La court et manquent de voies fluviales, saire coopération entre les trois ports, part modale du fret ferroviaire s’est ils sont coupés du Benelux et de qui n’était pas évidente jusqu’à présent. dégradée de façon dramatique ces der- l’Allemagne », souligne Dominique C’est une étape intéressante dans la nières années. Elle doit être aujourd’hui Dhervillez, directeur de l’Agence mesure où le GIE va mutualiser les res- autour de 5 ou 6 %. La part fluviale a d’Urbanisme de la Région du Havre sources. Mais ce n’est qu’une étape. Il augmenté de manière significative, et de l’Estuaire de la Seine (AURH). faudra sans doute aller plus loin dans mais elle n’est pas suffisante. « En y ajoutant les voies ferroviaires une coopération encore plus intégrée. (la Ligne Nouvelle Paris-Normandie) RGP// À votre avis, la part fluviale sera- jusque-là mal raboutées, on obtient RGP// Avec une influence également t-elle plus difficilement exploitable un hub de distribution avec un sur le port d’Achères, voire sur le canal dans le sens Le Havre-Paris ? nouveau trafic : l’avenir est aux flux Seine-Nord ? Ar// Non, malgré les écluses et malgré massifiés qui vont de hub en hub. » Ar// Le projet Seine-Nord est mainte- la lenteur du trafic, le coût est tellement Le Grand Paris sur mer, alors, sera à nant en voie de lancement. Il représente bas et les avantages pour l’environne- même de nourrir un élan de relance pour la vallée de la Seine, notamment ment sont tellement importants qu’une durable de ses territoires. pour les ports du Havre et de Rouen, un grande partie de la marchandise ache- défi très important en raison de l’ac- minée à partir du Havre en direction de cès qu’il ouvre vers Anvers. Il faut réor- l’Île-de-France doit pouvoir passer → ALAIN BAUDRY PERSPECTIVES 10//Le Grand Paris sur mer

→ par des containers. Par exemple, 95 % des marchandises destinées au groupe Monoprix, vers Bonneuil, passent par la voie fluviale. Les études de Voies Navigables de France (VNF) dans le cadre de l’ouver- ture Seine-Nord ont précisé quel était le potentiel d’accroissement du fret par voie fluviale. Sur la Seine, entre l’Ile-de- France et la Normandie, il est possible br e ard de doubler le volume de fret à l’horizon 2050, selon les estimations de VNF. « Le projet de développement de la vallée Pour les matériaux lourds, mais aussi les de la Seine sur lequel nous travaillons déchets – y compris les boues d’épura- tion –, tous ces matériaux à faible valeur est le deuxième volet naturel du projet ajoutée et à forte densité, le transport du Grand Paris. » ANTOINE Rufenacht fluvial est le transport idéal. À condi- tion que la flotte soit renouvelée et que l’activité puisse se développer. Le pro- blème de l’exploitation de la Seine est Qui pouvait penser que la Norman- ler ensemble et pour qu’on puisse pro- aussi d’ordre foncier. Il faut pouvoir die était le troisième territoire national poser les moyens d’une gouvernance développer des activités qui ne soient en matière d’aéronautique, d’énergie, partagée entre ces trois entités. pas trop éloignées du fleuve. d’automobile ? Il y a toute une nouvelle Il faudra également proposer un outil dynamique à créer, une confiance à ins- pour que l’État puisse mettre en œuvre RGP// Ne craignez-vous pas que le déve- taurer, une mise en réseau à faire, qui, je des moyens financiers significatifs, loppement de la ligne de transport de crois, répondent à une attente. comme cela a été le cas pour l’ANRU. voyageurs favorise la transhumance de la Normandie vers Paris, au lieu d’une RGP// Ne craignez-vous pas que, sous RGP// Cela inclut-il un partage de gou- résidentialisation en région ? couvert d’ouverture maritime, le rôle de vernance avec le Grand Paris ? Ar// C’est un des enjeux auxquels la région normande se réduise à appro- Ar// La loi sur le Grand Paris fait pré- sont notamment confrontées les deux visionner la capitale ? cisément référence, à deux ou trois métropoles normandes de la vallée de Ar// Non. La vocation des ports de reprises, au développement du Grand la Seine, Le Havre et Rouen : il leur faut Rouen et du Havre n’est pas seule- Paris vers sa façade maritime et vers la attirer des activités tertiaires sur leur ment d’assurer l’approvisionnement vallée de la Seine. territoire, sous peine de risquer de deve- de la région capitale. Le fleuve couvre la Au fond, le projet de développement de nir des villes-dortoirs. Pour cela, elles Normandie et l’Île-de-France. Lorsque la vallée de la Seine sur lequel nous tra- disposent d'atouts : une bonne qualité le canal Seine-Nord sera en service, il vaillons est le deuxième volet naturel du de vie et du foncier disponible beau- sera possible d’atteindre le nord-ouest projet du Grand Paris. Le Grand Paris tel coup moins coûteux qu’à la Défense ou de l’Europe. Mais si vous voulez aller qu’il se met en place aujourd’hui pré- au centre de Paris. à Strasbourg, à Dijon, à Bordeaux, à sente un certain nombre d’avancées, il Milan ou à Bâle, ça ne peut se faire que installe un certain nombre de structures, RGP// Cela ne risque-t-il pas de poser par la voie ferroviaire : les marchandises prévoit un certain nombre de finance- des problèmes de gouvernance ? prennent le train. D’où l’importance de ments et de procédures, mais c’est un Ar// Il y a une synergie évidente. Il s’agit l’aménagement du réseau ferroviaire. projet qui intéresse un territoire limité et en effet d’un même bassin d’emploi, Il faut assurer la fiabilité du trafic fret, qui ne s’inscrit pas dans cette ambition d’un même bassin agricole, d’espaces donc dédier la ligne actuelle au fret et la d’un Grand Paris sur sa façade maritime. naturels et d’un patrimoine historique et nouvelle ligne aux voyageurs. Le volet 1 du Grand Paris n’a pas de sens culturel communs. Je crois qu’il y a une s’il n’y a pas le volet 2 de la vallée de la attente assez forte de pouvoir créer des RGP// Avez-vous déjà un projet de gou- Seine, qui lui permet de se positionner liens qui, autrefois, étaient inexistants. vernance ? comme ville-monde dans la durée. M Dans cette perspective de réindustria- Ar// Nous ne proposons pas de struc- *L’interview a eu lieu le 10 janvier 2012, alors que les lisation de notre territoire, la vallée de ture à mettre en place, mais il faudra conclusions du rapport n’étaient pas encore remises au la Seine est un laboratoire, un territoire que l’État, les collectivités territoriales Premier ministre. d’exception, qui peut être un exemple et le monde économique se mettent de sortie de crise. autour de la table pour réussir à travail- PERSPECTIVES Le Grand Paris sur mer//11 le port au service du TERRITOIRE

La vocation d’un port ne se limite pas à être une plate-forme logistique de Lorient, que la CEP gère en partena- et industrielle. Autour de la Seine, l’intégration dans l’environnement riat avec une société d’économie mixte. L’exploitation représente entre 3 000 et économique, social ou culturel répond à la fois à des objectifs de déve- 3 500 emplois directs et indirects, non loppement durable et aux besoins de l’ensemble des acteurs installés délocalisables et situés directement sur son territoire. dans le bassin du port. Le développe- Olivier Breuilly, directeur général de la Compagnie ment est basé sur l’intégration d’une d’Exploitation des Ports, filiale de Veolia Environnement. filière autour du port. Vingt-sept mille tonnes de marchan- dises sont traitées chaque année dans Depuis longtemps, la Seine offre la tion d’intégrer systématiquement l’en- le port de Lorient, soit l’équivalent de possibilité de développer un chapelet semble des acteurs de son développe- 1 % du trafic marchandises du Havre. de petits ports sur les 200 kilomètres ment. En appliquant ce modèle à vingt ports de fleuve séparant Paris du Havre et fluviaux, on pourrait accroître de 20 % de Rouen. D’une capacité de 20 000 un impact économique le trafic qui transite par Le Havre. à 30 000 tonnes par an de marchan- Une vingtaine de sites épousent la vie Aujourd’hui, 5 ou 6 % des marchan- dises, ces ports « à taille humaine » économique du fleuve : Val-de-Reuil, dises du Havre transitent par la Seine : s’accordent bien avec les besoins des Les Mureaux, Mantes-la-Jolie, Ver- on triplerait ainsi l’utilisation du fleuve. industries locales, notamment automo- non, Conflans-Sainte-Honorine, Cette ambition vaut pour l’axe Seine bile et agroalimentaire. Ils réinventent Poissy… Autant de projets portuaires et le canal Seine-Nord. Pour l’instant, une histoire avec le territoire, à condi- dont le potentiel est à l’image du port quatre structures intermodales ont été définies dans ce projet, pour lesquelles DPour Olivier Breuilly, les ports permettent de développer un territoire nous allons proposer des développe- et son économie tout en prenant en compte l'environnement. ↓ ments locaux, y compris dans le cadre de partenariats avec des Chambres de commerce et d’industrie. Afin de lutter contre la concurrence d’autres modes de transport ou d’autres villes portuaires, il faut renforcer la différenciation en met- tant en exergue le savoir-faire local.

un potentiel culturel Pour utiliser cette force des territoires, l’économie seule ne suffit pas. Leur développement passe aussi par la valo- risation du patrimoine fluvial local. La CEP contribue à la découverte du canal du Midi en proposant des mini- croisières au départ de ses ports. Une offre similaire est bien sûr envisageable pour l’axe Seine, riche de l'empreinte des impressionnistes, de l’histoire de Rouen comme de celle de Conflans- Sainte-Honorine, capitale de la batel- lerie. La plaisance a aussi un rôle à jouer

SINDBAD BONFANTI dans la valorisation du fleuve. → PERSPECTIVES 12//Le Grand Paris sur mer

v r e P ort Le H a DR

↑ Le port du Havre pourra traiter jusqu’à 5 millions ↑ Le développement du transfert modal en faveur du train vise à de conteneurs par an grâce à de nouvelles infrastructures. délester le transport routier des marchandises, aujourd’hui majoritaire.

→ À l’accueil des plaisanciers doit s’ajou- ter la volonté de favoriser l’accès du plus « La modernisation grand nombre aux loisirs nautiques, grâce à des partenariats intégrés à la des relations ferroviaires pratique portuaire. La navigation sans permis à bord de bateaux électriques est avec Paris est une un exemple de services développant un nécessité économique » tourisme écoresponsable. Philippe Duron, député-maire de Caen, président de la Ces pratiques répondent à des objec- communauté d’agglomération Caen la mer tifs de développement durable car elles permettent de développer un territoire et son économie tout en intégrant l’en- La Conférence des exécutifs de Basse- vironnement, la biodiversité et le patri- Normandie a défini une position collé- moine. La CEP rejoint à cet égard les giale le lundi 23 janvier 2012 concernant quatre priorités qui ont été définies par la Ligne Nouvelle Paris-Normandie l’Agence de l’eau pour la Seine : la qua- (LNPN). Si le scénario AB (et sa variante lité des eaux - Veolia Environnement est AB+) répondait aux principales fonc- en première ligne sur l’assainissement tionnalités identifiées en 2010 (Caen- des eaux fluviales et maritimes ; la pré- Paris en 1 h 15, Caen-Rouen en 45 mn, servation de la biodiversité aquatique ; effet réseau, égalité de traitement entre la réduction de l’empreinte sur l'envi- Caen et Le Havre), il reste à confir- ronnement par l’utilisation des voies de mer les temps de parcours. Ce scéna- navigation, et l’anticipation des crues, rio, construit par RFF pendant le débat notamment à travers l’entretien des Lpublic, a certes l’intérêt d’acter un large berges. M compromis au niveau des acteurs bas- normands, voire haut-normands. Mais ce compromis n’a d’intérêt que s’il La CEP, de Lorient à Deauville garantit la réalisation du tronçon Ber- La Compagnie d’Exploitation des Ports (CEP), filiale de nay-Lisieux. C’est à RFF de nous le pré- Veolia Environnement, a la charge de la gestion portuaire ciser. Caen la mer considère que ce pro- de ports de commerce, de ports de pêche et de ports de jet doit avancer. plaisance, maritimes et fluviaux. La CEP gère aujourd’hui La modernisation des relations ferro- une dizaine de ports. Parmi ceux qui intéressent le Grand viaires avec Paris est une nécessité éco- Paris, on peut citer le port de pêche de Lorient (2e port nomique et sociale ; elle est aussi indis- français), avec des débouchés commerciaux via Caen, pensable pour redonner un avantage au l’Île-de-France, et le port de Deauville. train, dans le cadre des politiques de

DR transfert modal. PERSPECTIVES Le Grand Paris sur mer//13

La LNPN conditionne également la question du développement portuaire de l’agglomération caennaise, véritable défi pour les vingt prochaines années. C’est un sujet porté par le syndicat mixte PNA (Ports Normands Associés), qui gère les ports de Caen-Ouistre- ham et de Cherbourg avec les conseils

généraux de La Manche et du Calvados. DR Aujourd’hui, PNA travaille en partena- riat avec Le Havre sur un projet de fee- dering, soutenu par Caen la mer. Ce « La question partenariat est attendu non seulement parce qu’il concrétise la réalité des liens financière est économiques que nous devons dévelop- per avec Port 2000*, mais aussi parce décisive » qu’il montre que la vocation portuaire Laurent Fabius, président de La CREA, Communauté de de Caen n’appartient pas au passé. Le l’agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe GIE rassemble des ports au statut très particulier, qui auront besoin de par- Le développement de la vallée de la tégie de développement durable vers tenaires pour construire leur straté- Seine passe nécessairement par le déve- ces axes prioritaires. Nous attendons gie. Je souhaite qu’ils comprennent loppement de la CREA (Communauté un soutien national réel et des moyens la nécessité d’un véritable partena- de l’agglomération Rouen-Elbeuf- pour les mettre en œuvre. riat avec Caen-Ouistreham et Cher- Austreberthe). Nous abritons, à Rouen, À cet égard, nous avons interpellé l’État bourg, sans lequel le renforcement de le seul port français en croissance, et, depuis longtemps au sujet de l’urgence la façade maritime du Grand Paris res- étant donné la taille de notre agglomé- ferroviaire. Notre mobilisation a per- tera un projet inachevé. M ration*, nous n’avons pas vocation à mis que le débat public autour du pro- jouer les « banlieues interstitielles ». jet de la LNPN ait lieu dès 2011, ce qui *Projet de création, au Havre, d’un nouveau port exté- rieur assurant l’accueil et le traitement rapide des grands Afin d’accélérer ce développement, n’était initialement pas envisagé par le porte-conteneurs. nous avons donc constitué, dès 2010, gouvernement. un « pack » des collectivités sur l’axe LParis-CREA-CODAH, avec de nom- désaturer le secteur breux élus locaux et l’ensemble des du mantois forces vives de notre région. Ce rassem- Avec de nombreuses collectivités, blement marque notre volonté d’agir, notamment la région Haute-Normandie, de construire une démarche concertée, les villes de Paris, du Havre, de Rouen, d’être force de proposition et acteurs de les départements de Seine-Maritime notre développement. et de l’Eure, nous avons déposé notre L’axe Seine, dont tout le monde parle contribution commune à ce débat public. désormais, n’a pas besoin d’un énième Elle rappelle nos priorités : la désatura- rapport ou d’une nouvelle agence ou tion du secteur du Mantois, une nouvelle commission. Les sujets sont connus : le gare à Rouen Saint-Sever. Nous espé- développement économique et indus- rons être entendus. triel, alors que de nombreux et impor- Mais la question financière est déci- tants sinistres menacent ; la mise en sive. Dans son ensemble et quelles que réseau de nos infrastructures por- soient les variantes, le coût du projet tuaires et logistiques - dont la création est important. Cela suppose un sou- du GIE interportuaire constitue une tien national qui soit à la hauteur. Nous étape bienvenue ; le développement devons donc nous concentrer sur l’es- des infrastructures, notamment ferro- sentiel. C’est la seule voie possible pour viaires et fluviales ; le soutien à l’inno- un développement réel de l’axe Seine. M a ge n ce F ran ck C AST E L vation, à la recherche, à l’enseignement * La CREA n’a que deux ans d’existence et regroupe un ↑ La mise en réseau des infrastructures supérieur ; la valorisation touristique portuaires et logistiques est cruciale demi-million d’habitants sur 71 communes. pour le développement de l’axe Seine, de notre riche patrimoine. comme pour celui de la façade Atlantique. La CREA a d’ores et déjà orienté sa stra- PERSPECTIVES 14//Le Grand Paris sur mer

Projet A LE GRAND PARIS À LA CARTE Projet B Le Grand Paris affiche l’ambition mondiale d’un territoire qui réunit localement les collectivités normandes, régionalement la Normandie et l’île-de-France. Un territoire qui relie la capitale à l’Atlantique, la ville- monde à la Chine, aux Amériques, à l’Afrique, côté mer, et à l’Europe, côté terre. Attentes et enjeux. Daniel Béhar, géographe

La véritable vocation du Grand Paris est d’affirmer la place de la France dans le

monde. Pour traiter cette question, le

Grand Paris devient « Paris-Le Havre ». ROTTERDAM Mais doit-on forcément passer par un ANVERS changement d’échelle ? La globalisa- tion est au coin de notre rue. La consis- tance de ce territoire, c’est l’estuaire de Paris : c’est un système intégré histo- riquement, entre Paris et la Norman- PARIS die, avec une série de couches de fonc- tions qui n’ont pas forcément de liens au Lniveau local. Comment faire cohabiter ROUEN ces fonctions – production en aval, ser- vices et logistique en amont – présentes sur le territoire avec l’exigence de pro- tection d’un écosystème fragile ? L’His- toire s’est construite sur Le Havre, sur LE HAVRE la Normandie, sur Paris et la Norman- LE HAVRE CAEN die – lien qu’on ne retrouve pas entre Paris et la Bourgogne ou entre Paris et la Picardie. Comme la mondialisation

ne concerne pas que des métropoles Le triangle normand maritimes, ce projet devient d’une autre Pour que le système Paris/Normandie, nature, il est fondamentalement géopo- inscrit dans un grand système nord NANTES litique, et, de ce point de vue, il a du sens. européen, soit le plus efficace possible, RENNES il faudrait que tous les sous-systèmes (le Grand Paris, l’estuaire de la Seine, Le Havre, Géopolitique versus Rouen, Caen…) s’assurent leur propre économique ? développement métropolitain. Le Havre, E Les collectivités territoriales semblent Rouen, Caen – villes portuaires – ont des N

s’intéresser au projet Paris-Le Havre fonctions complémentaires qui devraient S O à travers son développement écono- servir de bases au sous-système normand. mique européen, alors que la volonté de l’État est logistique : développer les flux de marchandises. À une question réussir à faire système économique on adjoint une question Aux questions économique et géopo- géopolitique, en réhabilitant un pro- litique s’ajoute la question territo- jet qui date de Louis XIV. D’où une ten- riale. Autrement dit : comment pense- tions portuaire et industrielle créent-ils sion entre une réponse économique qui t-on les systèmes ? Pour que l’estuaire des liens entre eux ? L’avantage métro- serait européenne (axe Paris-Anvers- devienne un territoire métropoli- politain, c’est justement d’associer des Rotterdam) et une réponse géopoli- tain, il faut qu’il y ait de l’hybridation choses différentes et de les croiser grâce tique qui serait nationale (axe Paris-Le locale entre les fonctions métropoli- à l’impulsion des acteurs locaux. Dans Havre). Alors, on fait les deux. taines. Comment le tourisme, les fonc- ce cas, un plus un égale trois. M Projet A Projet B

La Ligne nouvelle paris normandie Pour le Grand Paris, la LNPN débloque le fret via Confluence Seine-Oise Achères. Pour les Normands, l’accessibilité à la Le projet est d’établir une plate-forme logistique à l’ouest du Grand Défense est importante. La ligne nouvelle pourrait Paris. Aujourd’hui, l’essentiel de l’approvisionnement transite par libérer des sillons pour le système écorésidentiel Roissy /Marne-la-Vallée/Melun-Sénart. Avec Roissy Confluence et permettre aux Parisiens de chercher du foncier (Roissy/Achères/Gennevilliers), on dispose de tous les modes moins cher. D’autre part, si l’on ne privilégiait que le logistiques, de l’entrepôt à la combinaison des frets, des matériaux, transport de personnes, on renforcerait l’idée que les des produits manufacturés. Normands viennent travailler à Paris.

ROTTERDAM

ANVERS

PARIS

ROUEN

LE HAVRE CAEN Le lien européen Paris est sur une pointe excentrée du pentagone nord-ouest européen (Londres-Paris-Milan-Munich- Hambourg). Grâce à l’estuaire, il est possible de faire système à toutes les échelles. Paris s’accroche davantage. La vallée de la Seine crée un lien nodal communautaire, ouvre l’Europe au Grand Ouest, forme la base d’un triangle logistique Anvers- RENNES NANTES Rotterdam/Paris/Le Havre, renforcé par le canal Seine-Nord. La question économique et la question géopolitique se rejoignent.

E N

S O Le Grand Ouest Le système Le Havre – Rouen – Caen crée le lien entre le Grand Paris d’une part et le grand système Rennes/Nantes d’autre part. La Normandie peut jouer sur les deux systèmes en constitution et joue le rôle de charnière, notamment via Caen, qui est presque aussi proche de Rennes que du Havre ou de Rouen. Les flux se sont inversés : depuis trois recensements, on assiste à un basculement vers le littoral et notamment vers Nantes. C H E DIDAPIX / JA C QU E S PARTOU PERSPECTIVES 16//Le Grand Paris sur mer Les ports normands à la conquête DU MONDE Olaf Merk, Administrateur de la Direction de la Gouvernance publique et du développement territorial de l’OCDE

Le développement de l’axe Seine, la nécessaire, mais elle reste insuffisante temps, la politique portuaire fran- construction du port d’Achères, la per- pour améliorer la performance por- çaise a plus ou moins ignoré les acti- cée du canal Seine-Nord vont encoura- tuaire. Cette réforme tant attendue a vités commerciales. À l’inverse, les ger une concurrence attendue face aux transféré les activités de manutention concurrents comme Anvers et Rotter- géants belge et néerlandais que sont au secteur privé et va sans doute facili- dam ont mené des stratégies commer- Anvers et Rotterdam. Les ports nor- ter les relations de travail. Elle a mis fin ciales pro-actives, conclu des partena- mands et franciliens ne manquent pas à l’un des désavantages concurrentiels riats avec des ports étrangers, bénéficié de potentiel, mais ils doivent se mettre des ports français face aux autres ports d’un transport ferroviaire plus libéra- au diapason des grands ports européens. européens, où des réformes similaires lisé, et noué des coopérations avancées La performance des ports de l’axe Seine avaient été introduites il y a longtemps. avec le secteur privé. est paradoxale. Au cours de la dernière Cependant, les ports de l’axe Seine Les ports du Havre et de Rouen, et décennie, les taux de croissance ont doivent faire plus pour espérer rega- les industries liées à leurs zones por- Lété différents suivant les ports : quasi gner des parts de marché. tuaires, ont une influence importante nul pour Le Havre, au-dessous du taux Les politiques devront se concen- sur la Normandie : ils représentent un moyen des ports du nord-ouest de l’Eu- trer davantage sur la compétition et cinquième de la valeur ajoutée régio-

rope pour Rouen et Paris, au-dessus de l’esprit commercial. Pendant long- nale et un dixième de l’emploi régional. SINDBAD BONFANTI ce même taux pour Caen. Globalement, les ports de l’axe Seine ont perdu des parts de marché au sein de l’ensemble La voie fluviale est aujourd'hui le mode de transport des marchandises le moins nord-ouest de l’Europe, et ce malgré cher et le plus écologique.↓ des atouts considérables, comme une bonne infrastructure et une grande connectivité maritime.

faire face à la concurrence Le Havre, port le plus important de l’axe Seine, est confronté à une concurrence de plus en plus forte. Alors qu’il a été pendant longtemps le gateway mari- time incontournable pour une grande partie de la France, il a perdu ce rôle en raison de la concurrence des autres ports. Anvers, Zeebruges et Rotter- dam ont ainsi réussi à capter une par- tie de l’hinterland naturel du Havre. Cette compétition va encore s’intensi- fier quand le canal Seine-Nord-Europe sera finalisé, en 2017, car il permettra

un accès encore plus large des ports étrangers à l’arrière-pays français. v r e P ort

La réforme portuaire de 2011 était Le H a PERSPECTIVES Le Grand Paris sur mer//17

La coopération entre les ports de l’axe Seine en est seulement à ses débuts. Le conseil de coordination interportuaire ne constitue qu’une première étape, il doit être suivi d’autres initiatives. À l’exemple de ce qu’ont fait les ports d’Anvers ou de Shanghai, qui ont réussi à créer des réseaux de ports maritimes, de ports intérieurs, de centres logis- tiques et d’installations multimodales.

nouer des partenariats industriels La coopération portuaire devrait être ancrée dans une stratégie d’essor éco- nomique de l’axe Seine. Cela pourrait aider à mieux intégrer les ports dans l’économie régionale. Par exemple, le mélange d’industries dans les clusters portuaires du Havre et de Rouen ouvre des possibilités de développement des énergies renouvelables, même si des ports comme Rotterdam sont déjà en compétition sur de tels créneaux. Des partenariats avec les industries et la recherche sont essentiels pour assurer le succès du projet de l’axe Seine. Certes, l’implication des politiques est indis- ↑ Pour Olaf Merk, l’influence des ports du Havre et de Rouen s’étend bien au-delà de la Normandie. pensable au développement des ports. Mais, plus important encore, il s’agit, pour ces derniers, de nouer des liens Cependant, la plupart des effets éco- que celle existant entre Paris et Le Havre : avec les entreprises et de développer la nomiques indirects s’observent dans Pékin et Tian Jin, Sao Paulo et Santos. coopération avec les universités et les d’autres régions. Ce sont, par exemple, Mais la différence est que Le Havre est instituts de recherche. Contrairement les effets produits sur les autres sec- plus petit et moins dominant vis-à-vis à de nombreuses villes portuaires dans teurs économiques par chaque de Paris que ne le sont ces autres villes le monde, Le Havre n’est pas un centre supplémentaire dépensé dans les clus- portuaires par rapport à leurs métro- d’études important sur les ports. Si la ters portuaires. Nos études montrent poles. Cela a une conséquence : plus recherche autour des ports existe bel ainsi que certains de ces effets s’ob- que d’autres villes portuaires, Le Havre et bien en France, la plupart des cher- servent en Île-de-France et dans voit les services maritimes avancés et les cheurs sont dispersés et peu impliqués d’autres régions françaises, alors qu’ils emplois à forte valeur ajoutée localisés dans les choix stratégiques des villes restent marginaux sur d’autres secteurs ailleurs, en l’occurrence, à Paris. portuaires. M en Normandie. Au sein de l’axe Seine, les ports sont *Olaf Merk est l’auteur d’un rapport sur la compétiti- complémentaires. Ils ont des fonctions, vité des villes portuaires co-écrit avec César Ducruet miser sur des spécialisations, des liens maritimes (CNRS – Université Paris I Panthéon-Sorbonne), Patrick Dubarle, Elvira Haezendonck (Vrije Universiteit Brussel) la Complémentarité et des arrière-pays assez différents : Le et Michael Dooms (Vrije Universiteit Brussel). des ports Havre est ainsi un hub mondial diver- Merk, O., et al. (2011), « Compétitivité des villes por- L’axe Seine est une constellation assez sifié ; Rouen, un port spécialisé dans les tuaires : Le cas de l’axe Seine (Le Havre, Rouen, Paris, unique au monde. Il est constitué d’une niches sur le marché mondial ; Caen, un Caen) - France », Éditions OCDE. http://dx.doi. org/10.1787/5kg58xpjvvxt-fr grande métropole – Paris – et d’une ville port pour le vrac et les passagers, avec assez petite, dotée d’un grand port (Le une importance régionale ; et Paris, un Havre). Il existe dans le monde d’autres port intérieur servant la métropole. Cela exemples de métropoles terrestres signifie qu’ils ne rivalisent guère entre connectées à des ports importants, dont eux, mais qu’ils peuvent profiter de leur elles sont séparées par la même distance proximité et de leurs synergies. PERSPECTIVES 18//Le Grand Paris sur mer DR

↑ La cimenterie sur le port de Halkis, près d’Athènes, en Grèce. Le site SINDBAD BONFANTI réconcilie les problématiques urbaines et portuaires. ↑ Thierry Bogaert

nuisances : trafic, pollution chimique, olfactive et visuelle… Où est cet ail- RÉCONCILIER LE PORT leurs que l’on aurait le droit de pol- luer ? Notre terre est limitée. Tôt ou tard, le développement urbain rattrape les zones industrielles que l’on a excen- trées (AZF à Toulouse). La réalité indus- ET LA VILLE trielle est partie intégrante du dévelop- Pour éviter la relégation des ports en marge des grandes aggloméra- pement urbain. Les villes portuaires, tions portuaires, il faut que l’industrie regagne le cœur des villes afin de plates-formes d’échanges à l’échelle préserver les activités économiques au sein de la cité. La fonction por- mondiale, ont à résoudre cette diffi- tuaire y gagnera en efficacité, en répondant notamment à ses objectifs cile équation d’une cohabitation maî- trisée entre ville, port et industrie. Des de développement durable. solutions existent. Les industriels ont Thierry bogaert, Architecte industriel, membre de leur part de responsabilité et peuvent l’Association Internationale des Villes Portuaires (AIVP) intégrer cette contrainte comme l’oc- casion de valoriser leur image et l’en- vironnement. Les villes sont grilles hermétiques, contrariant ainsi nées des ports les schémas urbains d’origine et cou- garder des industries Les plus grandes villes du monde sont pant irrémédiablement la ville de son intra-muros nées des ports. Elles se sont densifiées, accès à l’eau, comme à Naples ou à La façade Atlantique du Grand Paris urbanisées, bien au-delà de leur seule Valence. Le port s’étend quand l’espace n’est pas un mur. Elle est pour Paris une vocation portuaire. Aujourd’hui, elles le permet, comme à Anvers. Il se pro- ouverture vers le monde, et l’ouverture semblent subir ou renier leur passé por- jette au large quand l’espace terrestre ne de Paris au monde, car la réalité n’est pas tuaire. Les causes ? Un espace limité ; suffit plus, comme à Gênes ou à Copen- que centrifuge. Chacun d’entre nous se le développement du trafic, qui rend hague. La ville portuaire ne risque- voit au centre de la carte et se pense donc la cohabitation difficile voire conflic- t-elle pas de perdre définitivement son au centre du monde. Pour un Chinois de tuelle ; une gouvernance bicéphale, qui âme ? Le nouveau port, espace inter- Chongqing, le centre de la carte, c’est conduit la ville et son port à s’organiser mittent ceinturé de grilles, incarne ce Chongqing. différemment ; l’exigence sécuritaire divorce entre la ville et l’activité. La planète fonctionne comme une vaste et les réglementations douanières, qui cuisine mondialisée qui propose ses plats poussent les ports à s’isoler du monde Vers une aseptisation sous vide à réchauffer et à consommer public ; enfin, la nouvelle exigence des des villes portuaires localement. Dans le domaine cimentier, habitants pour un cadre de vie aseptisé. L’industrie lourde est rejetée au loin le plus rentable des sites de production Désormais, le port s’isole derrière des pour préserver les populations des est celui qui est situé en bord de voie PERSPECTIVES Le Grand Paris sur mer//19

navigable et qui pourra exporter sa pro- duction vers le marché le plus deman- « LE HAVRE-PARIS : deur. Les bateaux chargés de ciment ou de clinker sillonnent les océans pour un axe de développement acheminer leur marchandise au gré des qu’il faut réussir » développements urbains, des tsunamis Édouard philippe, maire du havre et des tremblements de terre. La pollu- tion se fait ailleurs. Mais le ciel n’a pas

de frontière hermétique au CO². Le pro- L’objectif pour Le Havre, c’est d’être nous le subirons, alors que nous avons duit nous arrive apparemment aseptisé à une heure quinze minutes de La toutes les raisons d’en profiter. et vient concurrencer les industries qui Défense et de Saint Lazare en direct, Il est d’ailleurs indispensable, pour résistent encore, malgré les contraintes et de bénéficier d’un branchement moderniser le port du Havre, de réglementaires, économiques et sociales. facile vers Roissy. Toutes les villes qui lui offrir l’atout commercial qui lui Les ports parisiens bataillent pour garder ont été « rapprochées » de Paris par manque et de soulager un certain intra-muros des centrales à béton. Pour- une desserte ferroviaire de qualité ne nombre d’infrastructures et d’habi- quoi ? Un camion toupie chargé ne peut se sont pas appauvries, mais, bien au tants de Normandie. rouler qu’une heure avant que le béton contraire, développées. C’est vrai pour Pour Le Havre, la Normandie, Paris ne se solidifie. En une heure à Paris on Lyon, Le Mans, Rennes, Lille... et la France, c’est là un sujet essen- ne va pas loin ! Les agrégats (cailloux et En outre, le port du Havre est en train tiel, un axe de développement qu’il ne sable), qui entrent pour beaucoup dans de se doter d’infrastructures qui vont faut pas rater, sous peine de prendre la composition du béton, peuvent être Llui permettre de passer de 2 à 4– voire du retard par rapport à ce que font acheminés soit par barge soit par camion. 5 – millions de conteneurs dans les d’autres pays. Parce que l’idée de l’ou- Une barge, c’est trente camions ! On années qui viennent. Si le fret ferro- verture de la capitale vers la mer est comprend mieux le bénéfice que repré- viaire ne suit pas, ce sont 85 %, voire une idée qui est déjà mise en œuvre sente, pour la quiétude et la fluidité de 90 %, de 4 à 5 millions de conteneurs aujourd’hui en Chine, entre Pékin et l’agglomération, la présence des cen- qui prendront la route tous les ans. le port de Tian Jin ; c’est une idée qui trales à béton dans les ports parisiens. Quant au transport fluvial, s’il se est mise en œuvre à Séoul, en Corée du Concevoir et accepter ces installations développe assez vite, il permettra de Sud, un pays assez similaire au nôtre comme des commerces de proximité, desservir dans de bonnes conditions par la taille. Et puis il faut aller au-delà c’est préférer la ville active à la seule des- la région parisienne. Nous avons inté- de Paris, et essayer de desservir toute tinée de ville-musée. rêt, au Havre, à faire en sorte d’être l’Europe centrale par Le Havre, plutôt prêts pour le moment où le canal que par Anvers ou par Rotterdam. Il développer les Seine-Nord sera construit, sinon n’y a aucune fatalité, il faut se battre. M activités de pointe Il est probable que nous verrons plus de ← Édouard Philippe : « Les villes reliées bateaux remonter la Seine que la des- par les trains à grande vitesse ne se sont jamais appauvries. » cendre. Les ports de Normandie offri- ront Paris au monde. Nous sommes là sur des terrains politiques et écono- miques qui ne sont pas simples à inté- grer. L’axe Paris-Le Havre représente pourtant un fort potentiel de dévelop- pement économique si on ne voit pas en lui qu’une sinusoïde pittoresque. Il convient de développer des activités de pointe, fortes d’un savoir-faire d’ex- cellence, de concevoir des aires indus- trielles attractives, valorisées et valo- risantes pour l’environnement, où les industriels prennent la mesure d’une opportunité, au-delà des contraintes. Ceci n’exclut pas le loisir, au contraire. À la croisière ludique il sera intéressant d’adjoindre le tourisme industriel :

comprendre c’est accepter. M E . HOURI PERSPECTIVES 20//Le Grand Paris sur mer

ports. Les collectivités et les ports sou- haitent développer des implantations qui soient complémentaires les unes des autres. Grâce à la création de ce GIE, il s’agit d’avoir une autre réflexion et une autre action que celles de trois ports qui ont été partiellement concurrents, mais qui ne le sont pas dans leurs trafics. Nous voulons, de Paris au Havre, être plus pertinents vis-à-vis de nos clients.

RGP// Incluez-vous les autres ports normands ?

G PMR - Ré mi H ondi e r PhD// Cette coordination est née d’un ↑ Pour Philippe Deiss, l’axe Seine doit construire son identité portuaire. souci de regroupement des ports dont l’actionnaire est l’État, ce qui n’est pas le cas de Caen, de Dieppe ou de Cher- bourg. Pour autant, nous avons tous Un pour tous, intérêt à travailler ensemble. Il existe un partenariat entre Caen-Ouistreham et Le Havre, mais également entre Cher- bourg et Rouen. Dieppe aussi est un port tous pour un partenaire de tous les jours pour Rouen, Le port du Grand Paris a un nom : HAROPA, dévoilé le 19 janvier 2012 par Le Havre et désormais Haropa. Philippe Deiss, président du GIE regroupant les ports du Havre, de Rouen et de Paris. Cette coordination très attendue des grands ports de l’axe RGP// Vous incluez aussi le Grand Paris. Pensez-vous contribuer à son dévelop- Seine mise sur la LNPN et sur le canal Seine-Nord-Europe pour relever le pement international ? défi des ports belges et néerlandais. PhD// Nous sommes aussi sur une problématique ferroviaire, qui est, par essence, internationale. La Ligne Nou- La Revue du Grand Paris// Un GIE RGP// HAROPA s’est-il déjà fixé des velle Paris-Normandie va nous per- interportuaire : il était temps, devrait- objectifs ? mettre de développer une liaison fret on dire… PhD// Nous avons établi une straté- performante sur la ligne historique. Philippe Deiss// L’idée d’une coordi- gie d’ensemble qui comprend quatre Nous suivons par ailleurs avec inté- nation Le Havre-Rouen-Paris a précédé axes prioritaires, dont le premier est rêt la création du canal Seine-Nord- celle du Grand Paris, et la loi de juillet de reconquérir des parts de marché Europe, notamment la façon dont les 2008 portant la réforme portuaire a pré- sur l’axe Seine en Europe. Nous vou- ports vont pouvoir s’implanter le long conisé la coordination des grands ports lons également favoriser le développe- du canal. Ces deux problématiques sont par façade maritime ou par axe. Progres- ment d’une logistique propre, contri- au cœur de notre action. sivement, l’idée a germé d’une structure buer au développement durable des plus institutionnelle qui devait être un territoires et asseoir l’identité portuaire RGP// Vous voulez étendre votre terri- véritable outil pour agir et pour porter de l’axe Seine. toire au canal Seine-Nord ? une parole, et non plus une simple orga- PhD// Absolument. Les trois ports nisation de filières. C’est de là qu’est né RGP//Avez-vous des points précis de constituant HAROPA et le port de le GIE HAROPA. Les trois ports for- développement ? Dunkerque ont signé un partenariat ment un ensemble portuaire qui pèse PhD// Le problème n’est pas seulement avec Voies Navigables de France sur le entre 120 et 130 millions de tonnes, ce spatial. Nos clients actuels veulent un financement des plates-formes multi- qui le place au quatrième ou cinquième interlocuteur unique, qui traite la mar- modales le long du canal Seine-Nord- rang européen. Aujourd’hui, pris isolé- chandise de bout en bout. Jusqu’à pré- Europe. Nous ne pouvons, en tant ment, aucun d’entre nous ne présente sent, ils avaient trois ports en face d’eux qu’outil de transport, qu’être favo- un poids décisif sur le plan international. et, au moins, autant d’interlocuteurs rables à l’ouverture d’une voie telle que Séparés, nous ne sommes pas suffisam- chez les opérateurs privés. Les arma- celle-ci. Bien sûr, cela induit une pos- ment lisibles pour afficher la vraie place teurs, de leur côté, espèrent une cohé- sible concurrence, mais cela représente de notre complexe portuaire. rence dans les pratiques des différents surtout un grand potentiel. M TERRITOIRES//21

DOMINIQUE DRON, déléguée interministérielle au développement durable et commissaire générale au développement durable au ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. stratégie

doit offrir aux habitants des conditions d’accès Comment faire direct ou de mobilité optimale pour accéder à la culture, aux services, au travail, tout en facilitant les échanges au sein de la région Île-de-France du Grand Paris un et vis-à-vis de l’extérieur, jusqu’à l’international. Mais l’enjeu de la mobilité est aussi social, car l’accessibilité des territoires de l’agglomération territoire durable ? conditionne le prix du foncier et de l’immobilier. Le manque d’accessibilité contribue ainsi à ren- Dès les prémices du projet, en 2008, l’appréhension du dévelop- forcer les inégalités. pement durable apparaissait comme le moyen de concilier dyna- Les réponses à apporter ne sont pas seulement en termes d’infrastructures, mais aussi d’inno- misme économique et exigences environnementales, ville-monde vations technologiques, sociales, organisation- et ville de proximité, compacité urbaine et besoin de nature. Alors nelles. L’utilisation des TIC permettra de favo- que le Grand Paris entre dans une phase pré-opérationnelle, il riser l’information en temps réel, et soutiendra s’agit de l’inscrire dans cette définition d’un territoire durable. les systèmes de guidage dynamique. L’auto-par- tage, la mobilité active (marche, vélo) pour des déplacements de proximité changent la façon de es projets lauréats du concours voir la ville et les relations entre ses utilisateurs. international d’architecture Il s’agit également de penser la mobilité en lien s’inscrivaient tous dans la pro- avec l’urbanisme, en intervenant de manière blématique de territoire durable. volontaire sur le foncier, ou en favorisant la Ils proposaient ainsi des réponses mixité fonctionnelle. diversifiées, s’inscrivant dans la Lvision d’une ville post-Kyoto. S’ajoutaient à cet Repenser les relations ville-nature aspect les interactions entre formes et fonc- Prendre en compte le Grand Paris comme un tions urbaines, conception des espaces urbains territoire durable amène à dépasser l’opposi- et du bâti, gestion du foncier et fonctionnements tion frontale entre espaces construits et espaces sociétaux. ouverts « naturels », pour aller vers ce que Chris- Quatre dimensions me paraissent essentielles du tian de Portzamparc appelle une « hybridation point de vue du développement durable. nature-urbanité ». Sur le plan de l’aménagement, nombreux sont Traiter la mobilité sous l’angle les exemples qui montrent comment une conti- de l’accessibilité et de la fluidité nuité végétale ou un fleuve peuvent contribuer sociale. à créer du lien et à structurer un espace urbain. L’enjeu de la mobilité est économique : en effet, C’est le cas à Bordeaux (aménagement des pour rendre attractif le territoire, la métropole berges de la Garonne), ou à Nantes (aménage- ment de l’estuaire de Nantes-Saint-Nazaire). « Les réponses à apporter De même, les ceintures vertes, ou, plus récem- ment, les projets engagés à la lisière des villes ne sont pas seulement en termes pour entremêler sciemment rural et urbain, visent à contenir l’étalement urbain. d’infrastructures, mais aussi À l’échelle intra-urbaine, les nombreux projets d’innovations technologiques, d’écoquartiers – dont certains dans la région francilienne – montrent comment la création de sociales, organisationnelles. » parcs urbains, l’insertion d’espaces végétaux → 22//Comment faire du Grand Paris un territoire durable ? ué VEOLIA STéph a n e lavo

↑ Sous Napoléon III, la construction du parc des Buttes-Chaumont, à Paris, a été la première initiative moderne d'insertion d'un espace végétalisé dans un îlot densifié.

→ dans des îlots denses, l’installation de points limiter les déplacements. L’essor des AMAP** d’eau (bassins, fontaines), répondent à une et autres circuits visant à renforcer le lien pro- préoccupation environnementale tout en consti- ducteur/consommateur montre qu’une dyna- tuant des éléments de qualité de vie, voire de ser- mique sociale, économique et environnemen- vices urbains (lagunes, roselières). tale est aujourd’hui enclenchée. On commence d’ailleurs à mesurer la valeur de l’agriculture urbaine à la périphérie des villes. Rendre le territoire Dans la région Île-de-France, les terres agri- du Grand Paris plus résilient coles représentent 47 % du territoire. Une oppor- Dans une perspective de développement durable, tunité à saisir pour l’agriculture, qui dispose à il ne me paraît pas possible d’engager le projet proximité immédiate d’un bassin de 12 mil- du Grand Paris sans s’interroger sur les condi- lions de consommateurs. L’agriculture urbaine tions nécessaires à la préservation de son « capi- représente un instrument de maîtrise du fon- tal naturel » et à son adaptation au changement cier, et, selon les pratiques culturales utilisées, climatique. de la biodiversité et des paysages. D’un point Je veux parler en premier lieu de la préservation de vue économique, outre la possibilité de créer des ressources naturelles, de la responsabilité des emplois, c’est également le moyen de favo- collective face à l’existence de ressources pré- riser des circuits de distribution courts, donc de cieuses, fragiles et épuisables. Sont principale- ment concernés : les ressources en eau, avec une « La nécessité de s’adapter réduction de la consommation ou la captation et l’utilisation des eaux de pluie pour couvrir une au changement climatique appelle plus grande partie des besoins domestiques ; l’énergie, avec toutes les mesures et dispositifs des changements radicaux sur mis en œuvre pour économiser l’énergie ou sou- le plan des transports, du bâtiment, tenir les énergies renouvelables et, à un niveau plus global, les démarches volontaires (telle la mais aussi de l’urbanisme. » Convention des maires) qui engagent des villes, TERRITOIRES Comment faire du Grand Paris un territoire durable ?//23 comme Paris, à atteindre des objectifs ambitieux au plan énergétique et climatique ; la biodiversité, Du territoire durable avec notamment la nécessité d’assurer des conti- nuités écologiques ; les matériaux et les habitats à la ville durable qu’ils impactent, avec la nécessité d’un recyclage Le territoire a été identifié comme échelon de proximité pour la mise en accru et d’une écoconception des bâtiments et œuvre du développement durable depuis le Sommet de la Terre de Rio, des infrastructures. en 1992. Les agendas 21, dont le rôle est réaffirmé dans le Grenelle de Il faut également aborder la question de la ges- l’Environnement, et la Stratégie Nationale du Développement Durable tion des risques, notamment des risques natu- constituent aujourd’hui les outils privilégiés de mise en œuvre d’une rels. Je rappellerai le rôle que peut jouer la nature stratégie de développement durable à l’échelle territoriale. pour faire face aux risques liés à l’activité humaine Pour ce qui concerne plus spécifiquement la ville, au niveau européen, et au réchauffement de la planète : végétalisation la Charte de Leipzig, signée en 2007, met en avant le concept de des espaces perméables ; captage du CO2 par des développement urbain intégré*. Dans les faits, s’il n’existe pas de modèle forêts ; développement des espaces verts en ville ; de ville durable, on peut souligner quelques points de passage à prendre en prévention des inondations par l’entretien des compte : la réduction des émissions de CO2, la sobriété dans l’utilisation des zones d’expansion des crues... ressources (l’eau, l’énergie, les matériaux et l’espace), la maintenance des Plus généralement, la nécessité de s’adapter au services écosystémiques (trame verte et bleue, notamment), l’attractivité changement climatique appelle des change- pour les entreprises, la prévention des risques, la qualité de vie pour les ments radicaux sur le plan des transports, du habitants, la gouvernance partagée et l’ouverture sur l’avenir. bâtiment, mais aussi de l’urbanisme. Les lois * Le développement urbain intégré met l’accent sur une approche globale de la ville, sur les syner- Grenelle ont donné un cadre législatif, des outils gies entre les différentes politiques urbaines et sur la nécessité de prendre en compte les quartiers aussi bien financiers que fiscaux ou réglemen- défavorisés. taires. Le Grand Paris s’inscrit dans ce cadre, et les projets qui se développent aujourd’hui tant premier pas, mais elle doit porter plus largement dans le transport que dans les pôles de dévelop- sur d’autres sujets qui intéressent l’ensemble des pement pourraient certainement aller plus loin parties prenantes. en ce sens. C’est notamment le cas du transport Enfin, la nécessité d’imaginer de nouvelles de marchandises, qui représente près de 30 % formes de partenariat public-privé. L’exemple des émissions de CO2 à Paris, ou de la produc- de villes comme Stockholm ou Amsterdam tion d’énergie décentralisée. montre que la mise en œuvre de projets inno- La robustesse d’un territoire dans toutes ces vants (télétravail et téléservices, réseaux « intel- fonctionnalités constituera de plus en plus un ligents », péage urbain…) oblige entreprises et atout déterminant pour son attractivité. collectivités publiques à collaborer de manière beaucoup plus étroite tant dans la conception Mettre en œuvre de nouveaux que dans la gestion du projet. modes de gouvernance Dans tout projet de territoire durable, il y a une Le développement durable ne se réduit pas à la vision de l’avenir de ce territoire. Cette préoc- dimension environnementale, et les agendas 21 cupation de la pertinence à long terme, qui était rappellent l’importance des questions de gou- présente dans les projets d’architectes-urba- vernance à trois niveaux : nistes retenus dans la consultation internatio- En premier lieu, la question des échelles de nale, doit se retrouver dans le projet du Grand gouvernance. De ce point de vue, le Grand Paris Paris tel qu’il se dessine et se structure. En effet, est particulièrement intéressant, par exemple les espaces et les projets conçus aujourd’hui quand on observe comment les communes du auront des durées de vie de l’ordre du demi- territoire de Saclay se sont regroupées pour faire siècle au moins, sinon davantage : ils devront du plateau un cluster de dimension mondiale. donc être capables de fonctionner dans le monde De même, les contrats de développement terri- de 2060, ou du moins être conçus pour ne pas torial qui devraient être prochainement signés handicaper la capacité d’adaptation du Grand se situent à une échelle intercommunale qui est Paris aux grands déterminants de notre milieu celle du projet de développement économique et de siècle, au premier rang desquels le climat, les urbain, et ce dans une recherche de soutenabilité. fonctionnements du vivant, la sobriété en res- Deuxièmement, la gouvernance partagée, que sources et le désir d’habiter ensemble. M l’on retrouve dans le Grenelle. Dans le domaine des transports, la concertation engagée autour ** Association pour le maintien d’une agriculture paysanne ayant pour objectif de préserver l’existence et la continuité des fermes de du projet de réseau Grand Paris Express est un proximité dans une logique d’agriculture durable. 24//TERRITOIRES

gouvernance

territoire a une cohérence. « L’important, dans Cela prouve que c’est bien à l’échelle de ce territoire que doit se prendre un certain la Confluence, c’est la nombre de grandes déci- sions d’aménagement.

cohérence du territoire » RGP// La communauté d’agglomération de Cergy- Entre le futur port d’Achères et le canal-Seine-Nord-Europe, la Confluence Seine- Pontoise apparaît en marge Oise vient confirmer la cohérence du territoire incarnée, depuis trente-cinq ans, de la métropole franci- lienne. Comment la situez- par la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise. vous aujourd’hui dans le Grand Paris ? DL// Les villes nouvelles La Revue du Grand Paris// Comment voyez- comme Cergy-Pontoise ont constitué une phase vous l’intégration de la Confluence dans votre de l’histoire de l’aménagement du territoire projet de territoire comme dans le Grand Paris ? d’Île-de-France, ce qui a créé chez nous une Dominique Lefebvre// Cergy-Pontoise fait forte culture de la gouvernance. Depuis trente- partie de ces territoires émergents qui ont la cinq ans, nous sommes en intercommunalité, taille critique pour pouvoir exister à la fois dans nous n’en avons plus peur. Il est possible qu’un des projets d’infrastructure de transport et des jour nous ayons une intercommunalité de la projets de développement de l’habitat et de déve- Confluence, avec des compétences en matière de loppement économique, ce qui peut aboutir, à développement économique, de transport, voire terme, à des gouvernances renforcées. de développement urbain, parce que les défis Aujourd’hui, la Confluence est une association ; de l’Île-de-France se gèreront à cette échelle-là. demain, elle pourrait être un établissement de Nous avons intérêt à essayer d’élaborer des pro- coopération intercommunale, avec des compé- jets communs et à faire en sorte que les dévelop- tences qui pourront se gérer à cette échelle. Ce pements sur ces territoires se coordonnent et s’ar- jour-là, dans le dialogue avec les élus du Grand ticulent, parce que nous avons besoin les uns des Paris, nous existerons davantage dans les ter- autres. Dans le Grand Paris de demain, on peut ritoires. Il faudra aussi que de grandes polari- choisir de traiter tous les territoires en confettis, tés métropolitaines émergent. La Confluence, ou alors de les associer en complémentarité. qui représente aujourd’hui 350 000 habitants Que la Confluence soit perçue aujourd’hui et 150 000 emplois, pourrait, dans les trente comme la rotule d’articulation entre le déve- ou quarante années qui viennent, accueillir loppement du Grand Paris, l’axe Seine avec son 500 000 habitants et garder son équilibre d’em- accroche en Île-de-France, c’est une idée qui a plois. C’est le seul moyen de faire contrepoids à émergé et qui va largement être prise en compte. DR cette hypercentralité du Grand Paris. Nous, ça nous intéresse, sinon nous serons un Dominique territoire de relégation, au lieu d’être un espace lefebvre, RGP// Vous ne craignez pas de faire partie d’un de respiration et d’ouverture au carrefour de la maire de Cergy, président de la projet déconnecté de la réalité de votre territoire ? Seine et du canal Seine-Nord-Europe. M Communauté DL// Ce qui est impor- d'agglomération tant dans la Confluence, de Cergy- c’est de regarder la cohé- « Dans le Grand Paris de demain, Pontoise, Vice- président de Paris rence du territoire. Quand, on peut choisir de traiter tous les Métropole dans une contribution pour Antoine Rufenacht, territoires en confettis, ou alors de nous montrons la réalité les associer en complémentarité. » humaine, historique, éco- nomique, touristique de ce paysage de la Confluence, nous soulignons que ce CITIES//25

Le Museum aan de Stroom. ©Sarah Blee. Le mondel'ANVERS à Philip Heylen, échevin d’Anvers, chargé de la culture et du tourisme

onçu comme une pro- une histoire versels, porteurs d’une histoire à la fois menade verticale, le à la fois anversoise profondément anversoise et planétaire. Museum aan de Stroom et universelle Anvers est un exemple d’intégration (MAS) est devenu le Le MAS raconte l’histoire d’Anvers dans d’un site portuaire dans une ville animée. point de rencontre entre le monde et celle du monde à Anvers. Dans le quartier du Eilandje et dans cer- le nord et le sud, l’est et Nous avons relevé un défi énorme en tains quartiers du nord de la ville, d’an- Cl’ouest, la ville et le port, les habitants répartissant 470 700 pièces provenant de ciens entrepôts ont été transformés en et les visiteurs, les hommes d’affaires différents musées, non pas en fonction lofts ou en sièges sociaux de grandes et les touristes : la vocation de la ville de l’époque ou du genre, mais selon un entreprises. On y voit aussi s’ouvrir des d’Anvers. Ces dernières années, le port classement thématique. Pour autant que commerces d’articles liés au port ou à la a exercé une forte poussée dans la ville je sache, ce choix est unique au monde. navigation de plaisance. en y étendant ses « valeurs douces » et Nous voulons relater des récits univer- Nous avons transféré les archives muni- en se donnant un visage. Cette collabo- sels, indépendamment de l’origine, du cipales, c’est-à-dire toute l’histoire de ration, incarnée par le MAS, en est le plus genre ou du matériau des œuvres d’art. la ville, dans un entrepôt superbe, le bel exemple, parce qu’elle ramène le port « La métropole », « le port international », Felixpakhuis, entièrement reconverti à au cœur de la ville, au plus près des habi- « la manifestation de puissance », « la vie sa nouvelle fonction. Ce qui fut autre- tants, et qu’elle leur rappelle son attrait. et la mort » sont, de fait, des thèmes uni- fois un quartier abandonné, un no man’s CITIES 26//Le monde à l'Anvers

Les architectes Willem Jan Neutelings et Michel Riedjik ont conçu le MAS comme un entrepôt, une tour de 60 mètres de haut, un empilement de 10 valises géantes en pierre naturelle de grès rouge provenant d’Agra, en Inde du Nord. D’où le nom de « Stapelhuis » pour décrire la forme du bâti- ment (stapel : tas, empilement ; huis : maison). Les « valises », en rotation sur elles-mêmes, abritent le boulevard du MAS, un escalier en colimaçon ouvert sur l’extérieur par un gigantesque rideau de verre ondulé d’Italie. ©Filip Dujardin, Jeroen Verrecht.

land entre le port et le cœur battant de la contemporain – ou le réaménagement partir des quatre faces de l’imposant ville, est aujourd’hui un passage obligé, des quais de l’Escaut, qui métamor- musée et à travers les vitres ondulées, le faisant office de porte reliant le port et phosera en profondeur l’espace public public capte une vue à chaque fois diffé- la ville. Avec le projet du MAS, la renais- le long du fleuve. La municipalité table rente du fleuve et du port. Tout en haut, sance du nord de la ville a connu une sur des projets horizontaux, qui cou- la terrasse panoramique offre une vue à véritable accélération, qui va se pour- vrent l’ensemble de la ville et trans- 360 degrés, illustrant la volonté du MAS suivre avec l’ouverture, en 2013, du cendent le politique. de s’ouvrir sur l’extérieur, sur la ville et musée Red Star Line. La ville continue Pour le MAS, le choix de l’édifice, remar- sur l’Escaut, sa porte sur le monde. ainsi son extension en direction du port. quable, s’est toutefois opéré dans le cadre Au début, le projet s’est heurté à la d’un concours d’architecture. L’entre- méfiance générale. Pas le moindre une « promenade pôt des architectes Neutelings et Riedijk enthousiasme. Pas même du gouver- verticale », ouverte se situe très précisément à l’endroit où nement flamand. Sur les 57 millions sur l’extérieur s’érigeait autrefois la Maison des Hanses, d’ de budget, 43 étaient pris en Anvers a beaucoup à offrir, et, en marge un symbole de la prospérité anversoise charge, à parts égales, par le gouverne- du MAS, désire miser sur différents au XVIe siècle. Ce qui fut un entre- ment flamand et par la ville d’Anvers. Il aspects, comme le Parc Spoor Noord pôt de marchandises à cette époque est fallait trouver les 14 millions restant. La - un ancien terrain ferroviaire désaf- aujourd’hui une réserve de collections. vente des bâtiments municipaux nous a fecté de 24 hectares, près du quartier de La « promenade verticale » offre à notre rapporté 7 millions d’euros. Parallèle- l’Eilandje, transformé en parc urbain ville quelque chose qui lui manquait : à ment, des contacts ont été noués avec CITIES Le monde à l'Anvers//27

Philip Heylen // Anvers (Antwerpen) signifie « la main jetée ». Selon l’explication la plus répandue, le nom de la ville vient de la légende du géant de l’Escaut, qui demandait un droit de passage à tous les bateaux. À ceux qui refusaient de payer, le géant coupait la main. Jusqu’au jour où un soldat romain, Silvius Brabo, tua le géant. Il coupa sa main et la jeta dans l’Escaut, libérant ainsi le trafic maritime et fluvial. La main a donc une signifi- cation toute particulière et a servi de prétexte pour la souscription publique en vue du financement du MAS. Pour 1000 euros, que vous soyez anver- sois ou non, il est possible d’acheter une main, qui est ensuite accrochée sur la façade du musée. © Donald Woodrow, Filip Dujardin, Michel Wuyts.

de grandes entreprises de la ville, afin Umicore, KBC Banque & Assurance et pôles que constituent le port d’un côté de les convaincre que le MAS serait plus SD Worx, la GHA a investi 800 000 euros et la cité de l’autre : alors que chacun tend qu’un musée, que le fait d’investir en sa dans le projet. Cette participation de la à considérer Anvers comme une grande faveur servirait leur image. GHA paraissait peut-être la plus évi- ville, elle semble soudain disparaître dente, car Anvers entretient un lien sécu- dans le néant, par rapport à l’immen- un Lien séculaire avec laire avec son fleuve, l’Escaut, et avec son sité du port qui la jouxte. De ce point de son fleuve et son port port. La cité et le port sont indissociable- vue, il n’existe pas de ville comparable à Nous sommes ainsi parvenus à réu- ment liés, même si, pour beaucoup, ils Anvers dans le monde. nir 6,3 millions d’euros de parrai- sont éloignés l’un de l’autre. Notre ville est riche d’une identité aux nage. Les citoyens ont aussi contribué En misant sur la force attractive du MAS, multiples facettes. Elle contient un à la construction du musée : trois mille nous avons réussi à ramener le port centre historique très ancien, qui abrite mains – la main est le symbole de la ville dans la ville de différentes manières. notamment de splendides façades de d’Anvers – destinées à orner la façade du Le sixième étage du musée est entière- l’époque de Rubens. Mais elle est aussi musée ont été mises en vente. Jusqu’à ment consacré à l’histoire du port et à la une plaque tournante de la mode inter- présent, nous en avons vendu plus de façon dont il a contribué à donner corps nationale. C’est une cité à la fois tou- mille, à mille euros pièce. Parmi les à la ville. Au pied du musée, à l’extérieur ristique et portuaire. Il faut qu’Anvers quatre partenaires fondateurs du MAS de l’édifice, a été aménagé un pavillon demeure Anvers, avec tous ses atouts figure le Port d’Anvers, la Gemeentelijk qui présente le port actuel. Un immense internationaux et ses joyaux culturels Havenbedrijf Antwerpen (GHA). Avec plan reflète les proportions des deux cachés. M CITIES 28//Le monde à l'Anvers

La Revue du Grand Paris// Lorsqu’on prise communale autonome. La ville ne vous dit qu’Anvers est le premier port gère plus le port, elle a créé une autorité français, ça vous fait sourire ? portuaire, dont elle est l’unique action- Marc Van Peel// Non, mais lorsqu’il y naire. La gestion du port est faite par a eu, l’an passé, des problèmes sociaux des professionnels qui agissent pour dans quelques ports français, le Prési- le compte de l’autorité publique por- dent Nicolas Sarkozy a dit aux syndicats : tuaire : à nous l’infrastructure, au privé « Faites attention, parce qu’Anvers va la superstructure (les grues, les magasins, devenir le premier port de France. » J’ai etc.), dans le respect de nos conditions précisé dans la presse belge : « Monsieur économiques et écologiques. Les entre- le Président de la République se trompe, prises privées veulent un arbitre neutre nous sommes déjà depuis longtemps le pour la gestion du port. Ils ne veulent pas premier port de France. » Nous sommes qu’un concurrent gère l’infrastructure. le premier port en volume, plus impor- tant que Le Havre ou Marseille. RGP// Vous avez ce même esprit de concurrence-complémentarité avec Le RGP// À quoi attribuez-vous cette pre- Havre ? mière place ? MVP// Tous les investissements qui s’ef- MVP// Notre productivité est connue fectuent dans les ports du nord-ouest de dans le monde entier. Nous sommes l’Europe, pour la croissance de nos ports donc très compétitifs dans une concur- et pour le bien public, sont une bonne rence accrue entre ports du nord-ouest chose. Nous traversons une crise finan- de l’Europe : Hambourg, Rotterdam, etc. cière, certes, mais à long terme, comme Le port d’Anvers a cet avantage de colla- nous l’avons vu depuis trente-cinq ans borer avec l’ensemble des partenaires sur avec la globalisation des échanges, le le site : le public et le privé, les entreprises commerce international ne va pas dégé- et nous, en tant qu’autorité publique. nérer. Il va croître, et nous devons donc Nous sommes concurrents, mais des nous tenir prêts à recevoir tous ces car- concurrents qui s’en- gos de manière efficace. Concernant Le tendent, notamment Havre, le développement du port dans le sur le plan européen. cadre du Grand Paris m’intéresse beau- « Nous sommes Anvers fait d’ail- coup. Sur le plan de la compétitivité, c’est leurs partie de l’Euro- stimulant, et cela nous remet en question. le premier pean Sea Ports Orga- Nous devons être prêts à relever ce défi. nisation. Notre atout port de France » majeur est certai- RGP// Y compris en allant jusqu’à inves- nement notre posi- tir dans le canal Seine-Nord-Europe ? Marc Van Peel, président du Port tion géographique, à MVP// Non, nous n’allons pas le faire. d’Anvers ET échevin de la ville 80 kilomètres dans Nous allons évidemment tenter de l’hinterland. Du point conserver notre position logistique de vue économique, vis-à-vis de la région parisienne. En mais aussi écologique, c’est une excel- revanche, nous suivons de près ce pro- lente position, avec cinq autoroutes rac- jet en ce qui concerne la hauteur des cordées et le canal Albert. Quarante pour ponts, la largeur des écluses, par exemple. cent des conteneurs qui arrivent à Anvers Nous avons l’impression que les Fran- ou qui en partent sont livrés par mode çais ne sont pas assez ambitieux. Sur le fluvial. canal Albert, entre Anvers et Liège, il y L’autre clé de notre succès réside dans a plus de 40 ponts, qu’on surélève pour notre mode de gestion. Il y a une quin- pouvoir faire passer des barges com- zaine d’années, le port était municipal. prenant 4 niveaux de conteneurs. Une Le secteur privé, très critique, trouvait barge comme ça représente au moins ce système trop lent, trop bureaucra- 200 camions qui ne prendront plus la tique. En face, il ne fallait pas toucher au route. Je ne sais pas si le projet du canal bien public. Nous sommes arrivés à un Seine-Nord-Europe envisage d’évoluer consensus qui a permis de créer l’entre- vers ces mêmes proportions. M BIBLIO

| Seine Métropole, Liens Paris Rouen Le Havre, le diagnostic prospectif * de l’agglomération utiles parisienne Les bases | Antoine Grumbach & Associés www.societedugrandparis.fr | Archibooks, 2009. www.ateliergrandparis.com www.ville.gouv.fr www.parismetropole.fr www.villemondeviedequartier. com Les références www.havre-port.fr Roman fleuve www.paris-ports.fr L’ouvrage date de 2009, mais il n’en constitue pas moins une référence lorsque www.rouen.port.fr www.caen.port.fr l’on s’intéresse au développement de la vallée de la Seine, dans la mesure où www.lehavre.fr il concentre les constats et les aspirations actuels en matière d’aménagement www.rouen.fr du corridor séquanais. Le projet « Seine Métropole » d’Antoine Grumbach & www.la-crea.fr Associés a été l’un des dix projets présentés à la demande du Président de la www.agglo-lehavre.fr République à l’occasion de la consultation « Le Grand Pari de l’agglomération www.caenlamer.fr parisienne », qui a donné naissance à l’Atelier international du Grand Paris www.gouvernement.fr www.ville-cergy.fr (AIGP). L’idée directrice de ce rapport, très complet, est de souligner les atouts www.cergypontoise.fr qui font de Paris – Rouen - Le Havre un grand projet de développement à Les entreprises l’échelle internationale, projet dont la France a besoin. Elle s’inpire de la www.exploitationports.com proposition de Nicolas Sarkozy de faire du Havre le port de Paris, et de la Seine www.bogaert-architecture.com « l’axe nourricier autour duquel la métropole a vocation à s’ordonner ». Les projets www.debatpublic-lnpn.org www.vnf.fr | Paris Paris, métropole www.port-seine-metropole.fr Métropole www.seine-nord-europe.com sur Seine sur Seine Les dossiers | Ouvrage Ce numéro 40 de la revue-livre www.insee.fr collectif de (mot clé : cahier d’aval) Paris Projet replace l’évolution l’Atelier Parisien www.oecd.org/regional/ de l’occupation des berges dans villesportuaires d’Urbanisme l’histoire qui unitParis à son www.mon-grandparis.fr/ (Apur) fleuve, et présente les projets confluence-seine-oise | Éditions d’aménagement en cours sur Les comparaisons Textuel, 2010 les bords de Seine. www.portofantwerp.com/ www.antwerpen.be www.mas.be Paris et la mer Les agences À lire également, comme une référence sur les enjeux soulevés par le d’urbanisme développement de l’axe Seine et la vocation internationale du Grand Paris. www.aurh.asso.fr www.aurbse.org www.aucame.fr | Paris et la mer, la Seine est Capitale www.audas.fr | Ouvrage collectif sous la direction de , www.apur.org avec le concours de Philippe Aghion, Cyrille Arnould, www.iau-idf.fr Hervé Crès, Antoine Grumbach, Hervé Le Bras, Les facs / Marc Levinson, Erik Orsenna et Jack Short, les écoles | Éditions Fayard, 2010. www.univ-paris1.fr www.dauphine.fr www.college-de-france.fr À lire également www.ifu.univ-mlv.fr/ | Anvers, faire aimer la ville *sélection non exhaustive et | Ariella Masboungi, renouvelée à chaque édition. | Édition Le Moniteur, 2011. À suivre…

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