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SoSmommmaiarie re

La Vie de la Fondation Revue d’information Le mot du président 1 trimestrielle de la e Fondation de la 70 anniversaire de la Libération 1 Libre Réunion des délégués de la Fondation de la France Libre 2 Parution : Juin 2014 Numéro 52 Hommage national aux « dissidents » antillais et guyanais 2 Le 18 juin à 3 En couverture : 5 juin 1944, à Rome, le drapeau tricolore flotte au balcon du palais Farnèse, hissé par le 2 e classe Paul Histoire Poggionovo, Corse de vingt ans Le corps expéditionnaire français en Italie engagé dans le bataillon d’infan- 4 terie de marine et du Pacifique (BIMP), au sein de la 1 re division Félix Éboué, de l’engagement colonial au combat pour la France Libre 9 française libre (1 re DFL), tué dans la forêt de Ronchamp, dans les La querelle des Glières : Une certaine « réalité » contre le « mythe » ? 15 Vosges, le 29 septembre 1944 (photo de l’Office français Le débarquement de Normandie 18 d’information cinématographique, coll. Bongrand Saint Hillier). Hommage à Émile Bouétard 22 En bas, de gauche à droite : un détachement de la 13 e demi- brigade de Légion étrangère (13 e DBLE) sous les ordres du commandant Paul Arnault (à droite) présente les honneurs au général de Gaulle, accompagné du Livres 24 général Juin, commandant du corps expéditionnaire français en Italie, à la villa Médicis, à Rome, le 28 juin 1944 (ECPAD) ; Charles de In memoriam 26 Gaulle accueilli par le gouverneur général Félix Éboué, sans date (Office of War Information Photograph Collection, Library of Congress) ; le général de Gaulle Carnet 28 dans les rues de Bayeux, avec le général Antoine Béthouart (1889- 1982), chef d’état-major de la défense nationale, et Pierre Viénot 29 (1897-1944), ambassadeur du Dans les délégations Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) auprès du gouvernement britan - e nique (DR). Chez nos amis 3 de couverture © Fondation de la France Libre

N° commission paritaire : 0212 A 056 24 N° ISSN : 1630-5078 Reconnue d’utilité publique (Décret du 16 juin 1994) Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la présente publication – loi du 11 mars 1957 – sans autorisation de l’éditeur. RÉDACTION, ADMINISTRATION, PUBLICITÉ : 59, rue Vergniaud - 75013 Paris MISE EN PAGE, IMPRESSION, ROUTAGE : Tél. : 01 53 62 81 82 - Fax : 01 53 62 81 80 Imprimerie LA GALIOTE-PRENANT - 01 49 59 55 55 E-mail : [email protected] Dépôt légal 2 e trimestre 2014 VERSEMENTS : CCP Fondation de la France Libre DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Général Robert BRESSE Paris CCP La Source 42495 11 Z Prix au N° : 5 Euros RÉDACTEUR EN CHEF : Sylvain CORNIL-FRERROT Abonnement annuel : 15 Euros CONCEPTION GRAPHIQUE : Bruno RICCI

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LA VIE DE LA FONDATION

Le mot du président

Suite au vœu exprimé lors de la convention générale des participants de la Fondation de la France Libre le 7 décembre 2011 et transmis au Président de la République, une plaque en hommage au maréchal Koenig sera apposée aux Invalides en 2015, symétriquement à celles consacrées aux maréchaux Juin, de Lattre et Leclerc, à une date anniversaire de la bataille de Bir Hakeim. Notre Fondation assurera sa réalisation, en harmonie avec le Gouverneur des Invalides et la Fondation Maréchal Leclerc. En cette année de commémoration, la Fondation a décidé de s’investir tout particulièrement sur les commémorations des libérations de et Strasbourg, sur la jonction des divisions françaises libres à Nod-sur- Seine, et, à Sennecey-le-Grand, sur la célébration de l’action des parachutistes SAS. Avec le décès de Claude Mademba-Sy, la Fondation voit disparaître un grand Français Libre et une belle figure de l’Afrique francophone. Je tiens à exprimer notre sympathie à sa famille et à ses proches.

Général Robert Bresse

70 e anniversaire de la Libération 3 septembre : Lyon La Fondation participera aux commémorations de la libération de la capitale des Gaules, le 3 septembre 1944, par la 1 re DFL et les parachutistes du Special Air Service .

4 septembre : Sennecey-le-Grand Le jeudi 4 septembre, la mairie de Sennecey-le-Grand organise, en partenariat avec la Fondation, le Regimental Special Air Service , la préfecture et le commandement des opérations spéciales, des cérémonies commémorant le soixante-dixième anniversaire de la libération de Sennecey et des opérations engagées par le Special Air Service au cours de la Seconde Guerre mondiale. Après un service religieux en l’église de Sennecey à 8h30, un hommage sera rendu, dans la matinée, au monument aux morts, au monument des fusillés, au mur de la Résistance puis devant la stèle Guy de Combaud. Après le déjeuner, la journée se poursuivra avec une cérémonie, à 16h30, au Mémorial international du Special Air Service , suivie à 19 heures d’une volée des cloches de l’église rappelant la Libération.

12 septembre : Nod-sur-Seine La Fondation s’associe à la Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque et au délégué national des communes « Compagnon de la Libération » pour organiser les manifestations sur l’emplacement de la jonction des hommes de la 2 e DB, venus de Normandie, et ceux de la 1 re DFL, débarqués en Provence.

23 novembre : Strasbourg La Fondation, en partenariat avec la Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque, s’associe aux commémorations organisées par la municipalité pour commémorer la libération de la ville par la 2 e DB, le 23 novembre 1944, et sa défense par la 1 re DFL, en janvier 1945.

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LA VIE DE LA FONDATION

Réunion des délégués de la Fondation de la France Libre

e mercredi 16 avril dernier se tenait rue Vergniaud la réunion annuelle des délégations de la France Libre. Une soixantaine de participants, dont L 48 délégués, étaient présents pour évoquer, avec les membres du bureau, les évolutions apportées dans l’organisation de la Fondation, la principale étant la cessation d’activité du Club de la France Libre à la fin de décembre 2013, et les perspectives d’avenir de la Fondation.

Le général Robert Bresse, L’assistance, attentive, écoute la présentation du président de la Fondation de la président (photo Michel Guyllierminetti). France Libre, répond aux interrogations des délégués. À ses côtés, le vice-président, Plusieurs points ont été développés : la Christophe Bayard, et le présentation du projet d’acquisition et secrétaire général, Thierry d’implantation du futur siège de la Terrier (photo Michel Guyllierminetti). Fondation à Gentilly, qui disposera d’espaces de réunion et doit permettre la création d’un centre de recherches et de documentation ; la présence active des délégués dans les jurys départementaux du CNRD ; l’avenir des délégations, qui passe par le recrutement de nouveaux participants, l’organisation locale de manifestations à destination de la jeunesse et le maintien de relations avec les autorités locales. La réunion s’est achevée par un buffet froid très apprécié de nos représentants.

La rédaction

Hommage national aux « dissidents » antillais et guyanais

fin de rendre un hommage particulier aux anciens combattants de la « Dissidence » en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, à l’occasion du 70 e anniversaire du débarquement des forces alliées en Europe, six d’entre eux ont été invités à la A cérémonie commémorative organisée le 6 juin sur la plage de Ouistreham : la Guyanaise Jeanne Catayée-Duton, les Guadeloupéens Salinière Ségor et Léopold Léon, et les Martiniquais Alexandre Lepasteur, Eugène Jean-Baptiste et Rémy, notre délégué, accompagnés par des formateurs du Service militaire adapté. Le dimanche 1 er juin, ils ont été reçus au palais de l’Élysée, où le film d’Euzhan Palcy, Parcours de dissidents , a été projeté ; puis le président de la République a remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à Jeanne Catayée, Alexandre Lepasteur et Rémy Oliny. Le lundi 2 juin, une cérémonie militaire co-présidée par George Pau-Langevin, ministre de l’Outre-mer, et Kader Arif, secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense, chargé des anciens combattants, a été organisée dans la cour du Dôme de l’hôtel natio - nal des Invalides, au cours de laquelle a été dévoilée une plaque commémorative en hommage « aux dissidents de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane » qui, « refusant la défaite » , « ont bravé les océans pour rejoindre la France Libre et se sont battus en héros pour sauver la patrie » .

François Hollande, entouré, George Pau-Langevin et de gauche à droite, Kader Arif dévoilent la d’Harlem Désir, Kader Arif, plaque commémorative en Christiane Taubira, hommage aux dissidents Euzhan Palcy et George antillais et guyanais avec Pau-Langevin, prononce Rémy Oliny, Alexandre une allocution devant les Lepasteur et Jeanne trois récipiendaires, Rémy Catayée, et le général Oliny, Alexandre Lepasteur Charpentier, gouverneur et Jeanne Catayée, au militaire de Paris (coll. B. premier rang (DR). Bongrand-Saint Hillier).

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LA VIE DE LA FONDATION

Le 18 juin à Paris

n ce 70 e anniversaire de la libération du territoire national, les commémo - rations du 74 e anniversaire de l’appel du 18 juin furent l’occasion de rap - E peler cette vérité irréfragable : la justesse de l’analyse du général de Gaulle et sa volonté que pas un jour la France ne fût absente du combat contre les forces de l’Axe ont permis à notre nation de sortir de la nuit de l’occupation et de retrouver, avec la libération de son territoire, sa pleine souveraineté et un rang parmi les nations digne de son histoire. Cette journée de mémoire commença par l’hommage traditionnel aux morts des Forces françaises libres et à leur chef, organisé comme chaque année par la Fondation de la France Libre devant la statue de la France Libre, sur l’esplanade du Palais de Tokyo, à 11 heures, puis devant celle du général de Gaulle, au rond- point des Champs-Élysées, à 11 h 45. Thierry Terrier, secrétaire général de la Fondation de la France Libre, et Catherine Vieu-Charier, maire adjointe au maire de La cérémonie officielle, préparée par le Conseil national des communes Paris, chargée de la mémoire et du monde combattant, viennent « Compagnon de la Libération » , sa présidente, Anne Hidalgo, maire de Paris, et de déposer les gerbes de la Fondation et de la Ville de Paris, au son délégué national, le colonel Fred Moore, eut lieu à 16 h 30 au Mémorial de pied du monument des Français Libres. la France Combattante, au Mont-Valérien, en présence du président de la Crédit photo : Yves Ropars République. Elle fut suivie, à 18 h 15, du ravivage de la flamme, au pied de la tombe du soldat inconnu, à l’Arc de Triomphe. Enfin, le dimanche 22 juin, une messe à la mémoire des morts des FFL fut célébrée à 11 heures en l’église du Val-de-Grâce.

La cérémonie du conseil national des communes Thierry Terrier prononce une brève allocution, avant le dépôt des « Compagnon de la Libération » au Mémorial de la France gerbes. Dans l’assistance, on reconnaît, de gauche à droite, Combattante, au Mont-Valérien, dans l’après-midi. Le Bernard de Gaulle, Guy de Kersabiec, vice-président du conseil colonel Fred Moore et Anne Hidalgo accueillent le président général de Morbihan, avec son écharpe tricolore, Jacques Anferte, de la République au pied de la Croix de Lorraine, après le délégué de la Fondation dans l’Oise, le contrôleur général Gérard ravivage de la flamme. Derrière eux, les porte-drapeaux et Delbauffe, président du Souvenir Français et administrateur de Thierry Terrier dépose la gerbe de la les familles de compagnons de la Libération. la Fondation, deux anciens de la France Libre : André Casalis et Fondation au pied de la statue du © Présidence de la République - L. Blevennec Roger Nordmann, le représentant du chef d’état-major aux général de Gaulle . armées, Catherine Vieu Charier, Alain Bataillon-Debès, président Crédit photo : Yves Ropars national du Club du 18 Juin, et Christian Debril, président des Témoins de l’histoire à la RATP. Crédit photo : Yves Ropars

Les archives de la France Libre

La mémoire de la France Libre passe par la conservation et la mise en valeur de ses archives. Or, pour une grande part, celles-ci demeurent méconnues et inexploitées, isolées dans des collections privées, sans classement.

Afin de soutenir le recueil des archives de la France Libre, la Fondation de la France Libre se dote d’un centre de documentation et de recherches, destiné à les accueillir, les trier, les inventorier et les mettre à disposition des chercheurs.

À terme, ces archives feront l’objet d’un dépôt au Service historique de la Défense.

Les anciens Français Libres et leurs familles qui s’interrogent sur le devenir de leurs archives et souhaitent assurer leur préservation peuvent prendre contact avec la Fondation :

à l’adresse électronique suivante : [email protected] par courrier postal à : Fondation de la France Libre 59 rue Vergniaud 75013 Paris

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HISTOIRE

Le corps expéditionnaire français en Italie

i l’histoire du corps expéditionnaire de la population – une proportion consi - Tunisie et des évadés par l’Espagne français en Italie est aujourd’hui peu dérable –, sont appelés sous les drapeaux, impose une rupture plus nette avec Vichy. Sconnue du grand public, en portant au risque de désorganiser l’économie. Elle suscite en effet un véritable élan pour la première fois depuis la défaite de Afin de libérer des hommes pour le d’enthousiasme et provoque une série 1940 l’étendard tricolore sur le continent combat, les femmes françaises sont pour d’engagements dans les FFL en mai et juin européen, cet ensemble de taille modeste la première fois mobilisées en vertu du 1943. Ces trois à quatre mille accomplit un geste capital pour le décret du 11 janvier 1944. La mesure n’est « changements de corps volontaires » selon relèvement national. guère appliquée en raison du tollé provo - les gaullistes, ou « désertions » selon les qué dans la population, et l’immense giraudistes, renforcent la position du La force du symbole ne saurait toutefois majorité des 5 000 femmes recrutées en général de Gaulle dans ses négociations occulter ses vicissitudes. Entre le débar - Afrique du Nord est volontaire, mais le avec Giraud et ne cessent qu’avec la quement allié en Afrique du Nord le symbole est fort et témoigne de la volonté fusion de l’ensemble des troupes fran - 8 novembre 1942 et la libération de Rome du Comité français de libération nationale çaises entérinée le 31 juillet 1943. Avec en juin 1944, la reconstruction de l’armée d’engager l’ensemble des ressources l’arrivée à Alger du général de Gaulle, française est longue et ardue. Comment, disponibles dans la lutte contre l’Axe. débute également l’épuration de l’armée. sans armes et avec des ressources en En Algérie, au Maroc et en Tunisie, Respectueuse des principes républicains, hommes européens limitées édifier un 233 000 indigènes, volontaires ou mobilisés, comme le souhaite François de Menthon, instrument de reconquête efficace ? La viennent de plus gonfler les effectifs des commissaire à la Justice, l’épuration est confusion politique qui règne en Afrique forces françaises renaissantes. L’effort clémente. Elle vise avant tout à faire des du Nord et la persistance d’un attache - demandé aux populations d’Afrique du exemples, en éliminant les symboles du ment au maréchal Pétain et à Vichy parmi Nord est ainsi particulièrement lourd. Si la vichysme et de l’antigaullisme comme les les cadres de l’armée d’Afrique, surtout, mobilisation se déroule globalement dans généraux Noguès, Mendigal ou Prioux. menacent la nécessaire union avec la l’ordre et ne suscite pas de troubles pro - Elle épargne à l’inverse les subordonnés, France Libre. fonds, elle ne suscite pas d’union sacrée. en raison notamment de l’importance du Dès le départ, l’état-major s’inquiète du principe d’obéissance pour les militaires. Après les combats de Tunisie et ceux de « peu d’enthousiasme montré par certains Les exigences de la reprise des combats Corse, les rudes affrontements dans Européens et indigènes pour répondre aux par une armée souffrant déjà d’une lesquels le corps expéditionnaire du ordres de rappel 1 ». En effet, le prestige de pénurie de cadres invite également à une général Juin est engagé en Italie offrent à la France auprès des populations coloni - certaine mansuétude. la France l’opportunité de jouer un rôle sées a été écorné par la défaite de 1940 accru dans la lutte contre l’Axe et, dès lors, et par le débarquement allié de 1942, de réaffirmer la position française sur la souvent interprété comme une seconde scène internationale. L’enjeu, de taille, est défaite. Partout, les mouvements nationa - à la hauteur du défi, particulièrement listes s’affirment, tandis qu’en Tunisie, les relevé. violences de la libération ajoutent à la Une genèse houleuse confusion. Les populations européennes, quant à elles, ne témoignent pas d’une Lorsque les Britanniques et les ferveur sans faille à l’idée de combattre Américains débarquent en Afrique du pour la libération d’une métropole qui Nord le 8 novembre 1942, l’armée fran - semble parfois bien lointaine, et ce çaise est réduite à une peau de chagrin. En d’autant plus que le contexte politique est vertu des conventions d’armistice de troublé. e 1940, elle est limitée à 100 000 hommes Soldats de la 3 DIA en poste à l’observatoire 784, De fait, l’amiral Darlan, haut-commissaire au-dessus de San Elia, dans le secteur du Belvédère, dont seulement 4 % d’officiers. Les trois photographiés par Jacques Belin en février 1944 jours de combat menés contre les Alliés en Afrique du Nord jusqu’à son assassinat (ECPAD). sont en outre révélateurs du malaise de le 24 décembre 1942, puis le général l’armée d’Afrique tiraillée entre son sens Giraud qui lui succède, tardent à rompre Dans ce contexte troublé, le comman - de l’obéissance à l’égard du régime de nettement avec Vichy. Ce n’est que le dement du corps expéditionnaire français Vichy et le souhait de libérer la France. 14 mars 1943 que Giraud, contraint par les est attribué au général Juin. Fils de Si la mobilisation générale est déclarée le Américains et Jean Monnet, prononce un gendarme né à Bône en Algérie, militaire 11 novembre, la reconstruction de l’armée discours dans lequel il s’engage à restaurer de premier plan sorti major de sa promo - 2 française est encore longue. les libertés républicaines . Ce discours, tion à Saint-Cyr, Juin jouit en effet du indispensable à l’union avec le gouverne - profond respect des cadres de l’armée La mobilisation de toutes les forces vives ment de la France Libre, encore à Londres, d’Afrique. Camarade de promotion à d’Afrique du Nord est tout d’abord com - sème le trouble parmi de nombreux Saint-Cyr du général de Gaulle, il bénéficie plexe car les ressources en hommes euro - cadres de l’armée d’Afrique qui demeurent par ailleurs de la confiance du chef de la péens, qui structurent les unités, sont attachés au maréchal Pétain ainsi qu’aux France Libre, qu’il est un des seuls à limitées. Au total, entre 1942 et 1945, valeurs de la Révolution nationale. Seule tutoyer. En dépit de sa rencontre avec 176 500 hommes européens, soit 16,4 % l’arrivée des Forces françaises libres en Goering en décembre 1941 et de ses

1 Rapport résumant la mise sur pied de l’armée de l’Algérie dans la 19 e région à la suite des événements des 8-10 novembre, le 30 novembre 1942, SHD DAT 5P51. 2 Jean Monnet, Mémoires , Paris, Fayard, 1997, p. 223 sq.

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HISTOIRE

tergiversations entre le 8 et le 11 novembre 1942, de Gaulle fait fi des doutes de ses fidèles de la première heure et confie à Juin le commandement du corps expédi - tionnaire français en Italie, car il sait que celui-ci est non seulement l’un des meilleurs généraux en activité mais aussi le mieux à même de lui assurer le soutien de l’armée d’Afrique. À partir de l’été 1943, Juin prépare ainsi le corps expéditionnaire français à reprendre le combat grâce aux armes fournies par les Américains en vertu des accords d’Anfa de janvier 1943. Alors que celles-ci arrivent lentement, au gré de périlleuses rotations transatlantiques, l’exigeant entraînement imposé témoigne de la volonté de démontrer que l’armée française n’a rien perdu de sa valeur. Mais le plus dur reste à faire. Faire ses preuves Lorsque le corps expéditionnaire français, commandé par le général Juin, débarque Le général de Gaulle sur le front d’Italie. À ses côtés, on reconnaît, de gauche à droite, le général Béthouart, le général Juin et le général Brosset, une carte en mains. Photo de Bernard Saint Hillier, à gauche de l’image en Italie le 25 novembre 1943, aucun chef (coll. B. Bongrand St Hillier). allié ne prend la peine de venir l’accueillir à l’aéroport de Naples. Il est vrai que Si les débuts du corps expéditionnaire chaque piton. Sur ce relief escarpé, l’enlisement du front préoccupe le général français sur le Pantano en décembre 1943 l’essentiel de l’effort de guerre repose sur Clark, commandant de la V e armée améri - dans le cadre de l’offensive coordonnée les fantassins car les blindés ne peuvent caine, et le général britannique Alexander, par le général américain Lucas sont difficiles, progresser tandis que l’efficacité de l’avia - commandant du XV e groupe d’armées et frôlent l’échec, tant par manque d’orga - tion est réduite. La rigueur de l’hiver alliées en Italie. Mais cette absence nisation que par volonté de trop bien italien accroît encore le calvaire des d’égards s’explique surtout par le fait que faire, le CEF montre dès le départ sa hommes. En plaine, les cours d’eau ont le corps expéditionnaire français repré - pugnacité. Juin est d’ailleurs récompensé débordé, la boue colle au corps et, lorsque sente alors bien peu de choses. La défaite par l’obtention du commandement d’un les soldats gagnent les sommets, ils de 1940 a fait émerger des doutes sur la secteur le 3 janvier 1944. De janvier à s’enfoncent dans la neige. « Plus encore valeur réelle de l’armée française dans les mars, le corps expéditionnaire français que celle du feu ennemi, les tirailleurs ont rangs américains et le CEF est alors réduit désormais renforcé par une deuxième subi l’épreuve du froid contre laquelle ils e 3 à une seule division, la 2 e division d’infan - division, la 3 division d’infanterie algé - étaient très mal défendus », observe ainsi terie marocaine du général Dody, soit un rienne du général de Monsabert, est le colonel Laparra. Au cours des brefs peu plus de 15 000 hommes, ce qui chargé essentiellement de missions de moments de répit, les hommes trompent correspond à environ 6 % des effectifs de soutien dans le cadre des grandes offen - l’ennui par des jeux de cartes et des par - sives lancées sur Cassino, d’abord le la V e armée américaine. Les Français sont ties de football. Faute de moyens, en dépit 15 janvier 1944 dans le cadre de la prépa - de plus cantonnés dans une position de la générosité américaine, les distrac - ration du débarquement d’Anzio et subalterne. Habillés, réarmés, nourris par tions sont rares et les permissions à Nettuno, puis les 15 février et 15 mars avec les Américains, ils sont très dépendants Naples trop peu nombreuses. L’hiver froid les attaques frontales du monastère de de ces derniers. Bien que plus âgé et plus et humide semble dès lors terriblement Monte Cassino menées par le corps du expérimenté que Clark, Juin est tenu à long. général néo-zélandais Freyberg. Ces l’écart de la préparation des opérations. opérations de soutien sont éprouvantes et Des succès probants Les troupes françaises sont mises à dispo - souvent frustrantes mais le CEF accomplit sition des Américains qui décident de leur Lorsque se prépare la grande offensive de sa tâche avec beaucoup d’abnégation et emploi. Le CEF ne dispose pas de canal mai 1944, les Français ne sont au départ remporte même des victoires probantes radio propre pour communiquer avec pas plus associés à la conception des comme lorsqu’il s’empare du Belvédère Alger, ce qui traduit une certaine défiance opérations. Alexander, comme à son en février 1944. des Américains, et l’utilisation même du habitude, fixe les lignes directrices de terme de corps expéditionnaire français, Les combats en Italie sont particulièremen t l’opération Diadem qui, comme son nom préféré pour des raisons d’opportunité à âpres. Arc-boutés sur les solides défenses l’indique, est destinée à couronner de celui d’armée témoigne de la fragilité de la érigées aux sommets des Abruzzes, la succès l’ensemble des efforts accomplis position française dans la coalition alliée. ligne Gustav , les Allemands imposent une jusqu’alors par les Alliés dans la péninsule Ce n’est que progressivement, en montrant épuisante guerre de positions aux Alliés. et charge Clark pour la V e armée améri - sa valeur sur le terrain que le corps expé - Des hauteurs, leur artillerie pilonne les caine et Leese pour la VIII e armée britan - ditionnaire français parvient à gagner la assaillants qui doivent batailler sans nique d’élaborer plus précisément leurs confiance des Alliés et à faire sa place. relâche pour chaque promontoire, pour plans. Lorsque Juin prend connaissance

3 Rapport sur le moral du 4 e RTM par le colonel Laparra, le 7 janvier 1944, SHD DAT 12P66.

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HISTOIRE

les Alliés butaient depuis l’hiver, rompt ment à l’avis d’Alexander, de privilégier la enfin et la route de Rome s’ouvre. Les prise de Rome à l’encerclement des Américains y pénètrent le 4 juin 1944 troupes de Kesselring a de plus permis à et les Français le lendemain. celles-ci de se replier vers le nord. Très vite, les Alliés repartent donc à l’assaut de Avec la libération de Rome, les Alliés la Wehrmacht . À la tête d’un corps com - remportent un premier succès d’enver - posé de la 1 re DFL/DMI et de la 3 e DIA, gure dans la péninsule depuis la renforcé de chars américains, le général libération de Naples en octobre 1943. de Larminat s’engage le 9 juin 1944 à la Symboliquement, la victoire est d’impor - poursuite des X e et XIV e armées alle - tance : l’ancienne capitale du fascisme, la mandes. En dépit de la fatigue de ses Des Français dans les ruines de Pontecorvo, détruite lors capitale du catholicisme, la Ville Éternelle troupes, le corps gêne la retraite alle - des combats entre le corps expéditionnaire français et les sont enfin entre les mains alliées. « Rome Allemands, en mai 1944 (ECPAD). mande, et s’empare sans destruction de est bien plus qu’un objectif militaire. […] Sienne le 3 juillet puis atteint l’Arno, son du plan décidé par la V e armée, il s’émeut La première des capitales de l’Axe est objectif final. La lenteur de la progression du rôle secondaire dévolu au corps expé - conquise, et d’une, le tour des autres alliée permet cependant aux Allemands ditionnaire français. Il a en effet l’impres - 7 viendr a », rappelle ainsi le président de se réfugier une nouvelle fois derrière sion que le CEF ne serait employé que Roosevelt le 4 juin 1944. Ce succès permet une solide ligne de défense : la ligne pour rompre la ligne Gustav , puis protéger de faire cesser, un temps, les railleries de e gothique qui impose de nouveau une le flanc gauche de la VIII armée, pendant la propagande allemande sur la lenteur de e e guerre de positions. La volonté améri - que les VIII et V armées se réserveraient la progression alliée en Italie et, à l’honneur de marcher sur Rom e4. Or, Juin caine d’entreprendre le débarquement de l’inverse, de présenter les Alliés comme Provence sonne cependant le glas de nourrit d’autres ambitions pour le corps des libérateurs et des vainqueurs. expéditionnaire français, désormais l’aventure italienne pour le CEF, progres - Les Français paradent ainsi avec fierté composé de quatre divisions : la 2 e DIM, sivement retiré du front à partir de juillet devant le Colisée ou le monument re la 3 e DIA, la 4 e division marocaine de mon - 1944 afin de rejoindre la 1 armée du Victor Emmanuel II, rappels de la gran - tagne du général Sévez et la 1 re DMI du général de Lattre de Tassigny. deur historique de Rome. La réouverture général Brosset, héritière de la 1 ère division du palais Farnèse et la réception par le Les victoires du CEF sont toutefois ternies française libre, et de trois groupements pape Pie XII au Vatican sont autant de par les viols et pillages perpétrés après la de tabors, soit au total environ signes de la renaissance diplomatique rupture de la ligne Gustav . Les troupes 100 000 hommes. Juin conçoit donc une de la France. coloniales se comportent comme des manœuvre qu’il juge plus audacieuse, conquérants. Pillant les habitations, destinée à surprendre les Allemands en Cette parenthèse glorieuse est cependant violant les femmes rencontrées sur leur attaquant là où ils s’y attendent le moins, de courte durée. Dès le 6 juin, le débar - chemin, elles terrorisent une population à savoir à travers les monts Aurunci, qui quement allié sur les côtes normandes démunie et préparée par la propagande s’élèvent entre 900 et 1 500 mètres, et sont replonge le théâtre d’opérations italien fasciste à craindre les hommes de couleur. réputés infranchissables. En cas de dans l’ombre. Le choix de Clark, contraire - Ce déferlement de violences est favorisé succès, cela offrirait en outre une revanche sur les Allemands qui avaient eux aussi surpris les Français en 1940 en attaquant par des Ardennes réputées infranchissables. Juin bataille ferme pour convaincre les Alliés de la pertinence de son plan mais finit par obtenir gain de caus e5. Il y perçoit « l’estime profonde en laquelle le commandement de la V e armée tenait les Français depuis qu’il les avait vus à l’œuvre au cours de la campagne d’hive r 6 » et savoure déjà une victoire symbolique. Surtout, la stratégie voulue par Juin s’avère payante : le CEF franchit le Garigliano et, après deux jours d’âpres combats, s’empare du cœur du dispositif défensif allemand sur les monts Majo et Feuci puis poursuit la Wehrmacht à travers les monts Auruci et fait sauter le 17 mai le verrou d’Espéria. Grâce à la vivacité des troupes françaises et en parti - culier des goumiers marocains, spécia - listes des combats de montagne, le 18 mai, la ligne Gustav , sur laquelle Des éléments du BIMP défilent dans Rome, en juin 1944. Photo OFIC (coll. B. Bongrand Saint Hillier).

4 Charles Molony (ed.), The Mediterranean and Middle East , t. 6 : Victory in the Mediterranean , vol. 1 : 1st April to 4 th June , London, Her Majesty’s Stationery Office, « History of the Second World War » , 1984, p. 91. 5 Compte-rendu d’une conversation entre Juin, Devers et Wilson, le 6 avril 1944, PRO WO 204/5677. 6 Alphonse Juin, La Campagne d’Italie , Paris, Guy Victor, 1962, p. 97. 7 Déclaration du président Roosevelt, le 4 juin 1944, Ministère des Affaires étrangères, Guerre 1939-1945, Londres-Alger : 1400.

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Ces succès permettent en outre à l’armée française de regagner confiance en elle après la terrible défaite de 1940. Elle avait beaucoup à prouver aux Alliés et à se prouver à elle-même, ce qui explique l’intensité avec laquelle elle jeta ses forces dans le combat. Kesselring lui-même reconnaît le rôle joué par les Français dans la percée alliée de la ligne Gustav : « la tactique des Américains et des Anglais, observe-t-il le 17 mai 1944, a été cette fois encore dans l’ensemble très méthodique. Les succès locaux ont été rarement exploités. En revanche les Français (notamment les Marocains) ont attaqué avec un mordant extraordinaire et exploité à fond chaque succès en y concentrant aussitôt des effectif s 12 », observe-t-il au cœur du combat. L’armée française gagne également la reconnaissance des Alliés. Mark Clark estime que le CEF vient d’écrire « un autre chapitre glorieux à la longue et noble 13 tandis 5 juin 1944, sur la place Saint-Pierre noire de monde, les Romains acclament le pape et les alliés. Photo OFIC histoire des armées de la Franc e » (coll. B. Bongrand Saint Hillier). qu’Eisenhower salue le 24 mai « la valeu - reuse performance en Italie du corps par les frustrations provoquées par la guère Diégo Brosset qui notait le 1 er avril expéditionnaire françai s 14 . » La prise longue guerre d’attrition de l’hiver. La 1944 dans son journal : « Qu’allons-nous d’armes organisée à Sienne, le 14 juillet, guerre de razzia constitue de plus une faire en Italie ? Piétiner ? Et on nous y en présence des généraux et diplomates pratique coutumière pour certaines tribus enfournerait en voie de garag e8 ». Mais alliés constitue d’une certaine manière la marocaines et en particulier pour les après avoir côtoyé Juin, Brosset reconnaît consécration symbolique de la renais - goums, utilisés pour la première fois sur le sa valeur militaire : « Je regretterai Juin qui sance de l’armée française. Certes, ce statut lui a toujours été officiellement sol européen. Enfin, le commandement est un chef sérieu x 9 », écrit-il le 21 juin. refusé au cours de la campagne d’Italie, français, affaibli par l’insuffisance de ses De même, Gabriel Brunet de Sairigné, mais au moment de son départ, ce sont cadres, obnubilé par la quête de lieutenant qui gagne l’Angleterre avec le précieuses victoires et aveuglé par son bien des hommages dignes d’une armée corps Béthouart fin juin 1940 et s’engage qui lui sont rendus. Au-delà du symbole, ressentiment à l’encontre de l’Italie, s’est, dans les Forces françaises libres, est malgré l’intransigeance affichée au som - les victoires remportées en Italie permet - conquis par le commandant en chef du met, parfois accommodé de violences tent au général de Lattre, qui commande CEF. « Le père Juin me plaît de plus en re trop souvent jugées inévitables. Ces nom - la 1 armée française pendant la cam - plu s10 », note-t-il dans ses carnets. Aussi, breuses exactions ajoutent encore au pagne de France, de bénéficier d’une plus dans Rome libérée, Juin célèbre la victoire contentieux franco-italien. grande autonomie, et précisément d’une armée française réunifiée, comme il d’utiliser le terme d’armée française. Restaurer le prestige national le déclare lors de la cérémonie organisée La participation du CEF en Italie et les au palais Farnèse le 7 juin 1944 : « Notre Si les victoires remportées par le corps victoires remportées renforcent par armée d’Italie, c’est l’armée de la France, expéditionnaire français en Italie jouent ailleurs le poids de la France sur la scène c’est une armée bien française. On y trouve in fine un rôle modeste pour la victoire diplomatique. D’abord simple spectateur, finale des Alliés à l’ouest, elles n’en sont des gens de toutes provenances. Je citerai le Comité français de libération nationale pas moins d’importance pour l’armée d’abord ceux qui sont venus de très loin est progressivement associé à la politique française. Elles concrétisent tout d’abord sous leur labarum : la croix de Lorraine. Je italienne des Alliés. En septembre 1943, l’unité retrouvée de l’armée française. n’oublie pas la vieille armée d’Afrique, qui les Français ne sont informés qu’une Des tensions subsistent certes parfois n’avait jamais perdu le sens de ses heure avant l’annonce radiophonique de entre gaullistes et membres de l’armée traditions, le sens de l’honneur, et qui est l’armistice conclu le 3 septembre 1943 d’Afrique en Italie mais les épreuves venue avec ses drapeaux, portant des noms avec le roi Victor Emmanuel III. De la partagées au front renforcent les liens de victoires remportées un peu partout à même manière, ils sont alertés a posteriori entre les deux unités. Ainsi, la perspective travers le monde et qui portaient déjà des de la signature de l’armistice long de rejoindre le CEF n’enthousiasmait noms d’Itali e 11 . » le 29 septembre 1943 ou encore de la

8 Diégo Brosset, Carnets de guerre , in Guillaume Piketty (éd.), Français en résistance. Carnets de guerre, correspondances, journaux personnels , Paris, Robert Laffont, 2009, pp. 103-412, entrée du 1 er avril 1944, p. 350. 9 Diégo Brosset, ibid. , entrée du 21 juin 1944, p. 370. 10 Gabriel Brunet de Sairigné, Carnets de guerre , in Guillaume Piketty (éd.), Français en Résistance , op. cit. , pp. 457-523, entrée du 22 au 26 juin 1944, p. 519. 11 Discours prononcé par le général Juin au palais Farnèse le 7 juin 1944, retranscrit par Le Petit Marocain , le 14 juin 1944. 12 Rapport de Kesselring sur la tactique ennemie dans les combats qui se sont déroulés depuis le 12 mai, le 17 mai 1944, cité par Pierre Le Goyet, La Participation française à la campagne d’Italie (1943-1944) , Paris, Imprimerie nationale, 1969, p. 182. 13 Télégramme personnel de Clark à Juin, le 13 mai 1944, SHD DAT 10P1. 14 Message de remerciements du général Eisenhower au général de Gaulle le 24 mai 1944, AN 3AG1/275.

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décision d’accorder à l’Italie le statut imposent un lourd tribut : de novembre de co-belligérant le 13 octobre 1943. 1943 à juillet 1944, le CEF déplore plus de René Massigli, commissaire aux Affaires 6 500 morts et 25 000 blessés 16 . Les étrangères dénonce régulièrement cette Marocchinate ternissent de plus les « politique du fait accompli » . Les Alliés brillants faits d’armes remportés sur sont assez réticents à l’idée d’associer les le terrain. Rapidement ceux-ci sont Français à la préparation de la gestion des éclipsés par la Libération de la France et territoires libérés et plus largement de la ils demeurent encore, trop souvent paix, car ces négociations s’avèrent déjà méconnus. bien difficiles à trois. Churchill parvient néanmoins à convaincre des Américains Pour autant, les terribles combats du CEF réticents de l’impératif de ne pas écarter ne sont pas vains, bien au contraire. En les Français. Le Premier ministre britan - associant dans la victoire membres de nique estime en effet que « ce serait une l’armée d’Afrique et Français Libres, ils terrible gifle pour les Français si leur contribuent à la réunification de l’armée candidature [à la commission de contrôle française. Ils permettent également à la alliée] était déboutée, […] Ils ont un corps France de mieux figurer à la table des au front qui se bat bie n15 ». Aussi les vainqueurs et jouent dès lors un rôle Français participent-ils aux travaux du majeur dans le relèvement national. conseil consultatif pour l’Italie et sont admis à siéger à la commission de Le général Clark décore le général Brosset sur le front Julie Le Gac contrôle alliée où ils ne disposent d’Italie, après la prise de Rome. Photo OFIC (coll. B. Bongrand Saint Hillier). néanmoins que d’un rôle consultatif. privilégié en Tunisie. Forte de son statut Au lendemain de la guerre, les victoires de puissance victorieuse, elle participe de Notice biographique remportées par le corps expéditionnaire plus aux négociations sur le traité de paix français permettent de renforcer la posi - avec l’Italie, glanant ce faisant une rectifi - tion tricolore dans les négociations de cation symbolique de la frontière alpine, Julie Le Gac est agrégée d’histoire et paix. La France dicte ainsi à l’Italie ses avec le rattachement des communes de docteure en histoire moderne et conditions pour rétablir les relations Tende et La Brigue. contemporaine. Elle a publié Vaincre diplomatiques entre les deux sœurs sans gloire. Le corps expéditionnaire Les victoires remportées dans la péninsule latines : elle exige la dénonciation offi - français en Italie (novembre 1942-juillet cielle de l’agression de 1940 et abroge italienne par le corps expéditionnaire 1944) aux Belles Lettres en 2013. unilatéralement la convention de 1896 français sont chèrement acquises. qui conférait aux Italiens un statut Les intempéries et l’artillerie ennemie

15 Télégramme de Churchill à Roosevelt, le 30 janvier 1944, PRO CAB 101/250. 16 Robert Forissier, « Le corps expéditionnaire français dans la campagne d’Italie et son service de santé (décembre 1943-juillet 1944) » , in Médecine et armées , 1994, 22-8, pp. 635-672. Aidez-nous à compléter la liste des Français Libres

Le 18 juin 1940, le général de Gaulle lance son Appel historique, fondateur de la France Libre. De cette date jusqu’à la clôture des engagements dans les Forces françaises libres, le 31 juillet 1943, quelque 54 000 volontaires s’engagent sous l’étendard à croix de Lorraine. Depuis des années, Henri Écochard, ancien des Forces françaises libres, se consacre à l’établissement d’une liste recensant ces 54 000 Français Libres. Cette liste a été mise en ligne sur Internet en 2005, afin de permettre à des contributeurs éventuels de l’aider à la compléter. Vous pouvez la consulter sur les sites de la Fondation de la France Libre ( www.france-libre.net ) et de la Fondation ( www.charles-de-gaulle.org ). Cette liste est encore incomplète. Si vous disposez de renseignements pouvant améliorer son contenu, vous êtes cordialement invités à les communiquer à Stéphane Longuet, responsable actuel de la liste, à l’adresse suivante : [email protected] Vous pouvez également nous transmettre les éléments à votre disposition à l’adresse postale suivante :

Fondation de la France Libre Liste des Français Libres La rédaction 59 rue Vergniaud 75013 Paris

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Félix Éboué De l’engagement colonial au combat pour la France Libre

escendant d’une famille d’esclaves prendre parce que les Blancs ont déserté pays des droits de l’Homme, source de de Guyane, devenu administrateur une colonie qui était déjà difficile à l’égalité et de la liberté, des valeurs à Dcolonial, rien ne prédestinait Félix exploiter avec des esclaves. Certains défendre entre toutes pour d’anciens Éboué à devenir gouverneur général à deviennent cultivateurs propriétaires, esclaves. Brazzaville en 1940. Intellectuel humaniste, comme l’oncle du père d’Éboué ; d’autres En 1901, Félix Éboué est reçu au concours proche des radicaux et des socialistes, accèdent à des places de cadres, de des bourses ; il part poursuivre sa scolarité franc-maçon, membre de la Ligue des fonctionnaires grâce à l’instruction qu’ils au lycée de Bordeaux. Plusieurs tendances droits de l’Homme, il a été un homme qui ont acquise. Ainsi, le père de Félix a pu s’affirment en lui : son intérêt pour devenir un homme important, sous- dérange. Quand il choisit de Gaulle en l’Afrique, pour le droit et la justice, sa pas - directeur puis directeur d’un placer juin 1940, il prépare le ralliement du sion pour le sport dans lequel il s’illustre à aurifère. Quand il décède prématurément Tchad avec le plus grand soin ; nommé l’échelle régionale et nationale. Pour lui, le le 15 juillet 1898, Aurélie, sa mère, une gouverneur général, il se consacre sport est bien plus qu’un enjeu physique : femme de caractère, est intransigeante entièrement à l’effort de guerre. Après son respecter les règles et ses adversaires est sur l’instruction des cinq enfants. Dans décès au Caire le 17 mai 1944, il devient l’apprentissage même de la vie sociale. En l’entourage de la famille Éboué, deux un mythe et entre au Panthéon en mai 1905, parti pour Paris, il brigue l’École hommes ont compté pour le jeune Félix : 1949. Puis son souvenir s’efface des coloniale, fondée en 1889, et où une sec - Maximilien Liontel et Léon Maran. mémoires. Il apparaît nécessaire tion africaine a ouvert en 1892. Nul besoin aujourd’hui de revenir sur ce qu’ont été Félix Éboué considérait Liontel comme pour lui de sortir dans un bon rang 2 : l’homme, son parcours, ses idées, ainsi un « oncle » . Substitut du procureur de la voulant retrouver « le berceau de ses que son rôle et sa place dans la France République, puis procureur général, il s’est ancêtres » , il est sûr d’obtenir un poste Libre. opposé aux grands békés martiniquais ; il a dans l’une des colonies peu prisées soutenu Hégésippe Légitimus, le premier d’Afrique noire. Il se cultive, noue des député noir, fondateur du parti socialiste relations, forme son esprit. En décembre guadeloupéen. Défenseur des Noirs, il a 1908, Félix Éboué part pour le Congo. transmis au jeune Félix Éboué sa volonté de faire respecter l’égalité républicaine et De 1908 à 1931, l’Oubangui- ses idées socialistes. Léon Maran 1, proche Chari, la dure école de lui aussi du père d’Éboué, devenu secré - l’Afrique taire général de l’Oubangui-Chari, a été pour l’adolescent un autre modèle qui lui On peut distinguer deux moments : a montré le chemin de la réussite dans le premier, de 1909 à 1918 correspond au l’administration coloniale. Par son temps de l’apprentissage et de l’initiation ; entourage familial, Éboué a connu les de 1918 à 1931, il s’affirme et s’oppose à injustices de la société post-esclavagiste ; ses chefs. il a compris très tôt que, si tous les Guyanais sont libres et citoyens, ils sont Éboué arrive à Brazzaville en janvier 1909 ; Le général de Gaulle décore le général de Larminat et le la fédération de l’Afrique équatoriale gouverneur général Éboué, Brazzaville, 1941 (FCDG). victimes de discrimination raciale. Ils ne bénéficient pas des mêmes droits ni des française (AEF) vient d’être créée. Il est De 1884 à 1908, une famille mêmes devoirs que les Français de envoyé dans l’Ouham, une région à l’ouest de l’Oubangui-Chari, en grande d’anciens esclaves de Guyane métropole, d’où la revendication très forte de l’assimilation qui s’exprime dans ce partie ignorée, où les populations dissé - minées dans la forêt équatoriale sont à Né en 1884, Félix Éboué trouve ses valeurs milieu après les années 1880. peine contrôlées, se livrent des guerres et l’origine de son engagement politique C’est ainsi que l’école est perçue comme constantes et luttent contre ceux qui dans le milieu de la petite élite noire à un outil d’ascension sociale qui permet incarnent la colonisation. Il apprend son laquelle sa famille appartient. l’intégration et l’assimilation. Le jeune métier : contraindre les populations au Il a eu connaissance du passé de sa famille Éboué a été façonné dans cette certitude travail pour obtenir des matières premières par sa grand-mère paternelle qui vivait que seule l’instruction permettrait d’égaler (ivoire, caoutchouc), maintenir ou rétablir dans la maison familiale de Cayenne. En les Blancs. En même temps, l’école l’ordre. Il se déplace partout, parfois fort Guyane, après la libération de 1848, républicaine est à l’origine du sentiment loin et longtemps, exécutant des levées l’évolution du statut social des « nouveaux national et patriotique d’Éboué. Il est topographiques pour ouvrir des voies de libres » a pu être rapide. Les places sont à resté attaché à l’idée que la France est le communication ; il participe aux palabres,

1 Léon Maran est le père de René Maran, ami d’enfance d’Éboué et écrivain. 2 Archives nationales d’outre-mer (ANOM), FR EEII4094. En fin d’études, il a été reçu 23 e sur 27 et en section africaine, 14 e sur 17.

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rend la justice, procède au recensement connaissance des langues et des coutumes ; grandes chefferies. En 1924, il prend le pour fixer l’impôt. Il circule avec des pour entrer en communication avec les parti de généraliser la culture du cotonnier gardes ou des tirailleurs et sait se défendre groupes rebelles, il utilise une sorte de dans sa circonscription alors que le gou - les armes à la main. Très vite, il comprend tam-tam double, le linga. À son congé de verneur général, lui, favorise la culture du que l’usage de la force n’est pas le meilleur 1917-1918, il fait publier un manuel des café. Au même moment, les journalistes moyen et reprend une méthode déjà pré - Langues Sango, Banda, Baya et Mandjia , multiplient les critiques : la culture du conisée par Lyautey ou Mangin : l’entente avec une grammaire et un vocabulaire, coton affamerait l’Africain alors que, pour avec des chefs locaux qui peuvent appor - des ouvrages jugés très utiles pour les Éboué, le coton est un moyen d’augmenter ter une aide précieuse. Pour faciliter les fonctionnaires et les colons. Il réprime les les ressources des populations, ce qui leur relations avec les différents peuples, révoltes, ramène les fuyards, emprisonne. permet de payer l’impôt et d’autres biens. il étudie leurs langues 3, une pratique rare Pourtant, il a beau briser les foyers de Le résultat de son indépendance d’esprit a parmi les administrateurs. Les résultats résistance, la soumission est de courte été que les récompenses et promotions se qu’il obtient font qu’il est tout de suite durée ; des noyaux de réfractaires se sont faites attendre ; sa note apprécié par ses chefs 4 : « obtient facile - reforment, attaquent ceux qui récoltent le administrative a été baissée avec des ment la soumission des chefs établis dans caoutchouc et massacrent ceux qui se critiques renouvelées. Le gouverneur de la partie ouest de la circonscription de soumettent. Aucune répression n’est effi - l’Oubangui-Chari a dû le proposer trois l’Ouham » , « a fourni un travail utile et cace. Si ses supérieurs directs (chef de fois pour qu’il reçoive les Palmes acadé - rendu des services appréciés, s’acquitte de circonscription et gouverneur de miques en récompense de son ouvrage ses fonctions avec zèle et intelligence » . l’Oubangui) le proposent « au grand paru en 1918 5, et c’est seulement le choix » pour le grade d’administrateur de 31 décembre 1930 qu’il est admis au grade 3e classe, le gouverneur général Merlin à d’administrateur en chef. Il espérait alors Brazzaville se contente d’écrire sur son pouvoir envisager l’avenir sous un jour rapport : « mérite promotion au choix » . meilleur. Éboué ne fait plus l’unanimité : il s’est forgé des idées personnelles et une De 1932 à 1940, les confron - méthode d’administration ; ses positions ne rencontrent plus les faveurs de sa tations transatlantiques hiérarchie. Une place semée d’embûches : Au lendemain de la guerre, les difficultés la Martinique, 1932-1934 sont nombreuses : aux révoltes qui se multiplient, s’ajoutent la famine et les Le 23 février 1932, Félix Éboué est reçu à maladies (béribéri, grippe espagnole, Fort-de-France avec les honneurs dus à un typhus, maladie du sommeil). C’est alors secrétaire général ; en réalité, les préven - que les autorités décident de mettre en tions sont fortes contre un administrateur œuvre les programmes de construction de noir dont les idées sont connues. routes et du chemin de fer Congo-Océan. Depuis 1929, la Martinique est touchée Sur le terrain, il n’y a pas d’autre solution par la baisse des prix du sucre, la diminu - que l’emploi de la force. Éboué contraint tion des salaires, l’extension du chômage. les populations à intensifier les cultures La situation est tendue entre les patrons 6, vivrières, afin d’assurer l’alimentation, et les petits planteurs et les ouvriers agri - les incite à cultiver le coton, une culture coles. La tendance officielle, comme dans commerciale qui peut assurer des revenus les autres « vieilles colonies 7 », est à l’assi - pour compenser la baisse du caoutchouc milation, une position paradoxale dans et de l’ivoire. Il dirige avec beaucoup un pays où une petite aristocratie blanche d’autorité et de fermeté les circonscrip - domine, où le préjugé de couleur est tions qui lui sont confiées, mais il sait que ancré depuis longtemps, où les groupes Félix Éboué, avec l’emblème de la croix de Lorraine sur la violence ne résout pas tout et que la la poitrine (DR). sociaux vivent côte à côte sans se mélanger. bienveillance, le respect envers les chefs Des dossiers difficiles l’attendent. Quand la guerre éclate en Europe en août qui collaborent est une nécessité. C’est en 1914, il demande à s’engager. Lui qui toute logique qu’il prend parti en 1921 Éboué se lance dans plusieurs projets : considère la conscription comme un pour son ami René Maran qui, dans son la poursuite de l’électrification, des travaux devoir incontournable pour être assimilé, ouvrage, Batouala. Véritable roman nègre , d’assainissement concernant l’extension il est maintenu à son poste. Pendant les dénonce les exactions de l’administration du réseau d’eau, la rénovation des quartiers quatre années de guerre, il accomplit les coloniale. En août 1923, il délègue de plus insalubres de Fort-de-France, dont il fait instructions : par le travail forcé, il obtient en plus de pouvoirs aux chefs dans raser les taudis. Dans une idée novatrice plus d’hommes pour le portage ou les lesquels il a confiance, en particulier le de brassage social, il veut étendre les contingents indigènes, plus d’impôt, plus prestigieux sultan Hetman. Or, à activités sportives à de larges couches de de vivres pour les troupes qui opèrent au Brazzaville, les gouverneurs généraux la société. L’attention d’Éboué pour la Cameroun allemand. Il perfectionne sa sont plutôt favorables à la destruction des question sociale, sa popularité sont loin

3 Il s’agit des langues banda, baya, mandja. 4 ANOM, dossier personnel d’Éboué , appréciations du chef de circonscription, 2 mai 1910. EE/JI 4094/1. 5 Langues Sango, Banda, Baya et Mandjia , 1918. 6 La principale entreprise sucrière de la Martinique appartient à la famille Aubery. 7 Les « vieilles colonies » sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion.

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de plaire au gouverneur ; ses tentatives heurtent les préjugés. Ses adversaires vont utiliser contre lui plusieurs affaires. Pendant le premier intérim de gouverneur exercé par Éboué (juillet-août 1932), de jeunes intellectuels martiniquais avaient rapporté de métropole des exemplaires de Légitime défense , une nouvelle publication d’influence marxiste contenant quelques articles anti-colonialistes. Mus par la peur des rouges, les créoles accusent Éboué de laxisme à l’égard des auteurs. Pour avoir côtoyé ce monde à Paris, il savait qu’ils n’étaient pas de dangereux communistes mais, à son retour, le gouverneur l’accuse de ne pas avoir compris le danger. Le bal du 11 novembre 1933 est apparu tout aussi dérangeant pour l’ordre public. De nouveau gouverneur par intérim, il avait invité, sans discrimination aucune, des Le conseil d’administration de l’Afrique française libre à l’été 1942. Assis au premier rang, de gauche à droite : Pierre- Olivier Lapie, gouverneur du Tchad en poste, le gouverneur général Félix Éboué, avec la croix de la Libération, Henri notables blancs et des notables noirs. Très Sautot, nouveau gouverneur de l’Oubangui-Chari, avec les croix de la Légion d’honneur et de la Libération, et Henri bien préparée, la fête a été une réussite Laurentie, secrétaire général du gouvernement général de l’AFL. Debout, au second rang : Castel, procureur général, mais a fait scandale : de nombreuses André Latrille, nouveau gouverneur du Tchad, Charles Assier de Pompignan, gouverneur du Gabon, Gabriel Fortuné, gouverneur du Moyen-Congo, entourés de hauts fonctionnaires de l’AFL. personnes ont refusé de venir et un plan - Photo n° 4806 du service photo et films du commissariat national à l’Information (FFL). teur s’est laissé aller jusqu’à insulter Éboué. Le bal est resté un événement. Ce La mise à l’écart au Soudan indigène » . Son arrêté d’avril fixe avec tour de force est peu apprécié du gouver - français, avril 1934-octobre 1936 précision les responsabilités de chaque neur titulaire qui met à profit le drame de chef de village et chef de canton ; il rend Éboué arrive à Bamako le 23 août 1934. janvier 1934 : André Aliker 8 est retrouvé un rôle aux conseils de notables. Il entend Le gouverneur le reçoit chaleureusement ; soumettre les nomades à une organisation noyé, les mains ligotées avec des traces de et pourtant Éboué découvre que ce vieux qui doit permettre de mieux les contrôler. coups sur le corps. Aux yeux de camarade de lycée avait fait savoir Pour la première fois, l’occasion lui est l’Administration, il incarnait le commu - au gouverneur général de l’Afrique donnée d’organiser et de contrôler la niste révolutionnaire, opposant virulent à occidentale française (AOF) que « confier population selon ses idées. Surtout, ici au la politique coloniale, militant pour l’in - l’intérim à un noir serait une grande Soudan, il affirme qu’il peut compter sur dépendance. Journaliste à Justice , fondé maladresse » . les chefs et que ceux-ci ont montré qu’ « ils en 1920, il a été le seul à révéler que le nous ont accordé […] l’appoint d’un propriétaire de l’usine Aubery était Éboué, secrétaire général, reçoit en charge concours qui a secondé utilement nos impliqué dans une affaire de fraude fiscale . le secteur de l’économie. Son idée est efforts et permis les résultats obtenus 10 ». toujours la même depuis l’Oubangui- Éboué est doublement mis en cause : par Les chefs restent des subordonnés, asso - Chari : l’essor de l’économie conditionne les amis d’Aliker qui l’accusent de n’avoir ciés mais soumis aux ordres des adminis - l’augmentation du niveau de vie qui pris aucune mesure pour le protéger ; par trateurs. Il ne s’agit pas d’une administra - permet le progrès social. Il encourage les ses adversaires qui voient là l’occasion de tion indirecte, mais cet arrêté contient en cultures vivrières pour l’alimentation et tirer profit d’une éventuelle faute. Au nom germe la reconnaissance d’une classe les cultures industrielles pour payer de la liberté d’expression et de pensée, supérieure d’autochtones instruits l’impôt. Le sort des paysans reste sa Éboué n’a jamais condamné l’action com - désignés parfois d’ « évolués » . C’est dans préoccupation au moment où se met en muniste. Pour lui, un homme a le droit cette logique qu’Éboué organise pour place l’aménagement du Niger dans le but d’appartenir au parti politique de son toutes les écoles la session du certificat de produire plus de riz et de coton. Il veille choix. d’études primaires tenant lieu de aussi à promouvoir des autochtones concours d’admission à l’école primaire Le désaccord avec le gouverneur est quand il fixe les listes électorales des supérieure et d’apprentissage « Terrasson devenu total. Le 19 avril 1934, le ministre chambres de commerce et de la chambre de Fougères » , ce qui doit permettre des Colonies, Pierre Laval met fin aux d’agriculture, quand il affecte le personnel d’accroître l’élite autochtone. fonctions d’Éboué et l’envoie au Soudan technique de différents services français. Seuls quelques journaux 9 (agriculture mais aussi douanes, postes, expriment le sentiment d’une partie de la gardes méharistes, agents de police, Le 1 er juillet 1936, Éboué part en congé. La population : « Pas un Martiniquais gardes de cercle). Gouverneur intérimaire victoire du Front populaire lui ouvre une aimant son pays qui ne voit partir ce grand à partir de janvier 1935, il reprend toute nouvelle étape : en septembre, il est honnête homme sans un regret » . l’organisation de « l’administration nommé gouverneur de la Guadeloupe.

8 André Aliker est le frère aîné du Dr Pierre Aliker, l’adjoint d’Aimé Césaire. 9 Le journal socialiste, La Résistance ; le journal radical L’Action nouvelle ; le journal syndicaliste Le Ralliement . 10 Fondation Charles de Gaulle (FCDG), fonds Éboué, F 22/3.

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HISTOIRE

Un poste de choix : joue double-jeu entre les dockers et les Pointe-à-Pitre. Les travaux d’adduction la Guadeloupe, patrons. d’eau en Grande-Terre ne seront pas terminés ni la construction d’une cité septembre 1936-juillet 1938 Dès décembre 1936, les élections munici - ouvrière, qui restera un projet utopique pales et cantonales sont le théâtre des faute de moyens financiers. Éboué a Le 20 octobre, quand il arrive à Pointe-à- mêmes affrontements. En octobre 1937, regretté ce combat perdu puisque nombre Pitre, Éboué découvre une île qui ne s’est les adversaires d’Éboué portent le désor - de maladies étaient dues à la mauvaise pas remise des dévastations causées par le dre jusqu’à la salle du Conseil général et, qualité de l’eau ; poursuivre les grands cyclone de 1928 et qui est durement par les incidents créés, poussent le gou - travaux, améliorer le cadre de vie de la touchée par la crise. À cela s’ajoute la verneur à bout : le président de séance fait population était une nécessité pour lutter révolte qui gronde : en septembre, à appel aux gendarmes après qu’Éboué, contre « la profonde misère des classes Marie-Galante, deux hommes ont été tués excédé, ait contresigné la réquisition. Le laborieuses » . au cours d’une élection et le gouverneur, vote qui permet d’élire le président se rendu responsable, a été rappelé à Paris. déroule en présence des forces de l’ordre. Il a bataillé pour faire appliquer les lois L’inquiétude des patrons égale l’enthou - Dans l’après-midi, Éboué reçoit Satineau concernant les congés payés, les quarante siasme d’une population qui espère tout qui exprime son indignation : « La salle de heures, les conventions collectives, des du nouveau gouverneur. Éboué fait délibérations du Conseil général vient lois qui « constituent de réels progrès entendre son credo et veut rassurer : d’être envahie par la force armée. […] Je sociaux 14 ». Par sa manière d’arbitrer « légalité, neutralité, équité sont à la base proteste énergiquement contre ce procédé lui-même les conflits avec les représentants de mon administration » ; il s’engage à anti-démocratique que pratique seule - des travailleurs, il a contribué à l’essor régler les conflits par un « arbitrage ment un gouvernement totalitaire » . et à l’organisation du syndicalisme impartial dans le respect des lois et l’ordre Éboué se défend en s’appuyant sur le guadeloupéen. républicain » , à « ramener le calme dans règlement intérieur du Conseil général, les esprits, procéder aux élections dans la mais son empressement à contresigner Dans le domaine politique, l’action d’un plus stricte neutralité, appliquer les lois l’appel aux gendarmes est interprété gouvernement de gauche était attendue sociales dans l’ordre, éviter par tous les comme ayant eu une influence sur le vote dans un pays où la fraude et le désordre moyens une nouvelle effusion de sang » . puisque c’est un homme proche d’Éboué étaient habituels. Parlant de sa « lourde Mais le programme à appliquer est vaste qui a été élu. Toute tentative de défense tâche de gardien vigilant de l’ordre et le gouverneur n’a pas encore pris la reste vaine. républicain » , Éboué a souvent rappelé mesure de l’absence de scrupules de dans ses discours que son devoir était certains élus. Au ministère des Colonies, Georges « d’assurer le respect des lois et des libertés Mandel vient de remplacer Moutet, et les républicaines » et il a été intransigeant sur Mouvements sociaux manipulés ennemis d’Éboué ont l’impression d’être ce point. et fraudes électorales écoutés : le 15 juillet 1938, Éboué est rappelé. Ceux qui tenaient, quelques Le 14 juin 1938, Éboué adresse à son Les grèves s’enchaînent sans laisser aucun semaines auparavant, des propos d’une ministre un véritable rapport/bilan. Sans répit au gouverneur. Il a eu beau repren - violence inouïe ont gagné. Éboué quitte la être incrédule (une campagne de rumeurs dre sa vieille méthode expérimentée en Guadeloupe le 26 juillet 1938 sans avoir annonce son départ), il note un certain Oubangui-Chari (se déplacer longtemps, achevé les réformes entreprises. apaisement. Le 15 juillet 1938, pourtant, discuter, expliquer, convaincre), il s’aper - Georges Mandel, le nouveau ministre des çoit que, lorsqu’il a terminé un arbitrage, L’action réformatrice du gouverneur Colonies depuis avril 1938, le rappelle à Paris. Le 26 juillet, Éboué quitte la lorsqu’il propose d’entamer des Envoyé à la Guadeloupe pour faire 11 Guadeloupe sur le Cuba , porté jusqu’au discussions sur les réformes pour appliquer les réformes votées par le gou - bateau par « une population délirante qui ramener le calme, brusquement, la grève vernement de Front populaire, Éboué a couvre de fleurs et de pleurs les pas du repart. Il prend alors conscience des liens effectué une grande partie de la tâche gouverneur […]. Tous les chars portent des qui existent entre les mouvements qu’on attendait de lui. sociaux et l’action d’hommes politiques. inscriptions élogieuses avec : Vive Papa Ses adversaires, liés au député socialiste Dans le domaine économique, il défend Éboué » . La rupture est brutale et doulou - Satineau, poussent au conflit pour prou - avec énergie les petits producteurs reuse. Arrivé au Havre le 5 août, Éboué est ver qu’il est un incapable. Jusqu’au bout, agricoles. Il s’engage dans les travaux reçu par Mandel qui l’a affecté au Tchad. Éboué exhortera les ouvriers : « ... Depuis publics pour relancer l’économie aussi La mise en demeure d’accepter « ce poste que je suis en Guadeloupe, les choses se bien que pour lutter contre le chômage. peu séduisant » est vécue comme une passent exactement comme si, honteux de Il s’agit d’embaucher les chômeurs, créer « véritable déchéanc e 15 », mais Éboué se voir un Noir à la tête du pays, vous, les des équipements collectifs, rassembler plie au devoir. ouvriers industriels et agricoles, vous aviez sur un projet politique. Les besoins juré de me faire partir dans la honte et ne manquent pas : adduction d’eau, Félix Éboué gouverneur dans le sang. [...] Je n’appellerai pas la gen - aménagement des quartiers ouvriers de du Tchad, de janvier 1939 darmerie car, ce qu’on veut, c’est faire cou - Pointe-à-Pitre, œuvres sociales, chemins à décembre 1940 ler le sang 12 ». Le conflit avec les dockers vicinaux, équipements sportifs, réfection du port de Pointe-à-Pitre est tout aussi de la route coloniale, des travaux Dans la perspective de la guerre, la tâche révélateur parce que le député Satineau d’hygiène 13 et les travaux du port de qui attend Éboué est considérable.

11 Le Journal officiel de la République française publie le 17 décembre les trois décrets du 14 décembre qui adaptaient à la colonie les lois des 20, 21, 24 juin 1936 relatifs au congé annuel payé, la semaine de 40 heures, les conventions collectives de travail. 12 Discours prononcé à l’usine Le Boucan le 3 avril 1938. 13 Archives départementales de la Guadeloupe (ADG), SC 6300. Il s’agit d’assainissement de terrains. 14 FCDG, F 22/9, télégramme 286, de Moutet à Éboué. 15 FCDG, F22/16. Lettre d’Éboué, 3 juin 1939, à Lionel Méloir, avocat à Pointe-à-Pitre, Guadeloupe.

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Surveiller la population et mobiliser Pour financer les importations, payer les les homme s 16 salaires et le matériel, il encourage les exportations, l’extraction de l’or et Au Tchad, le nord du pays et les régions augmente les impôts. sahariennes sont contrôlés par les mili - taires ; Éboué est le chef civil ; il dépend Le choix et la préparation du ralliement, du gouverneur général Boisson à juin-août 1940 17 Brazzaville. Le colonel Marchand est le L’annonce de la défaite de juin 1940 est chef militaire. Éboué entend que les civils reçue avec stupéfaction, tant par les et les militaires collaborent. Dès novem - civils que par les militaires. Au Tchad, bre 1939, la surveillance des caravanes cerné par les Italiens au nord, les vers la Libye est renforcée : les hommes Britanniques à l’est et à l’ouest, la ques - avaient l’habitude de se rendre dans les tion se pose très vite : accepter l’armis - oasis de Koufra ou de Mourzouk pour tice et céder aux exigences italiennes ou vendre leur bétail et, là, ils étaient en continuer à se battre avec les contact avec les Italiens. Afin d’empêcher Britanniques. Les hésitations du gouver - le transit des armes, Éboué fait contrôler neur général Boisson à Brazzaville aug - l’activité des tirailleurs réservistes et de mentent la confusion. Entre le 19 et certains commerçants syriens et grecs. Le le 25 juin, Éboué multiplie les télé - gouverneur s’empresse de reprendre une grammes avec Brazzaville pour essayer politique d’association avec les chefs tra - d’obtenir une réponse précise. En même ditionnels dont il attend qu’ils participent temps, avec une certaine hardiesse, Le gouverneur général Félix Éboué avec le général au recrutement des hommes. Il doit aussi Paul Legentilhomme, commissaire national à la il prend contact avec les Britanniques, Guerre du Comité national français, à l’aérodrome de trouver sur place ce dont il a besoin. sous couvert de régler des échanges Brazzaville (DR). commerciaux. Puis, prudemment, il Mobiliser les ressources économiques « missionnaires » précipite les événe - du Tchad utilise le même moyen pour correspondre avec de Gaulle à Londres. Ce n’est ments. Pleven est chargé d’aller au Le Tchad est encore isolé par manque Tchad accompagné de Colonna qu’après le 10 juillet, quand Pétain 18 d’équipements et de travailleurs. Éboué devient le chef de l’État français, et le 13, d’Ornano ; seul ce militaire pouvait fait ouvrir des chantiers pour les routes quand la nomination de Boisson comme lever les dernières hésitations de 19 stratégiques au nord, vers la Libye, et il haut-commissaire pour toute l’Afrique Marchand. Le ralliement est proclamé démarre l’aménagement des pistes noire est officielle, qu’Éboué peut mener officiellement le 26 août au matin. d’aviation. Le ravitaillement du Tchad à son terme le ralliement du Tchad. Le ralliement du Tchad a une portée s’avère aussi une question essentielle Prudemment, il s’assure de la position de considérable. Il est suivi, le 27, par l’action pour un pays enclavé. Éboué compte sur chaque responsable civil et militaire, afin de Leclerc au Cameroun ; le 28, par le les chefs pour développer cultures d’éviter l’affrontement entre Français. Il coup de main militaire de Larminat à vivrières et élevage, et il doit recourir aux lui faut encore obtenir l’accord du colonel Brazzaville. Le 29 août, le gouverneur de importations du Cameroun et du Nigéria. Marchand. L’envoi par de Gaulle de Saint-Mart proclame le ralliement de l’Oubangui-Chari. De Gaulle a obtenu ainsi un immense ensemble (2,5 millions de km 2) d’un intérêt stratégique certain, même si le ralliement du Gabon n’est réa - lisé que par l’action militaire de novem - bre. Les Britanniques reconnaissent 20 que leurs avions peuvent suivre rapidement leur route vers le Moyen-Orient par le Nigéria et le Tchad. Fort-Lamy devient la plaque tournante pour la circulation ter - restre et aérienne et un élément impor - tant pour le contrôle du canal de Suez. De Gaulle acquiert aussi une légitimité poli - tique : l’organisation politique de la France Libre sur une terre française en Afrique devient possible. Parti de Londres le 31 août, le Général arrive au Tchad le 13 octobre ; le 24, il est à Brazzaville. C’est là qu’il affirme sa souveraineté et met en place les différents organes du pouvoir. Le 12 novembre, Larminat devient haut- Le 19 septembre 1942, à l’aérodrome de Brazzaville, le gouverneur général Félix Éboué parle avec le général de commissaire des territoires africains de la Gaulle (à droite). À gauche, on reconnaît le général Leclerc. En arrière-plan, les hommes du bataillon de tirailleurs du Moyen-Congo (BTMC) présentent les honneurs (DR). France Libre ; Éboué est nommé gouver - neur général à Brazzaville et le colonel

16 ANOM, AEF GGAEF 5D/196 : le Tchad, 1939-1944, affaires diverses . Lettre d’Éboué du 4 mai 1940. 17 Pierre Marchand (1893-1971), affecté en 1935 au RTST (régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad), en devient le commandant en avril 1940. 18 Le lieutenant-colonel Colonna d’Ornano, officier saharien, bénéficiait d’un prestige considérable au Tchad. 19 Archives de l’ordre de la Libération et FCDG, fonds Éboué, F22/17, dossier 4. 20 FCDG, F 22/17, dossier 1, article paru dans le Times , « The rise of Free France » , 3 novembre 1941.

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Marchand devient commandant des chefferies 21 , le respect des coutumes et maniste proche des plus défavorisés et de troupes. Sans doute, Félix Éboué n’a pas des civilisations africaines ; d’autre part, le ses frères de couleur. Rien ne rappelle été le premier administrateur résistant, choix d’une administration plus efficace alors ce que fut la violence de la pacifica - mais il a été le premier des gouverneurs faisant appel au sens des responsabilités. tion et de la colonisation ni les échecs ren - africains à donner l’impulsion. Chaque administrateur doit laisser com - contrés. Dans l’esprit de rassemblement mander les chefs qui auront été instruits qui suit l’immédiat après-guerre, chacun, De 1940 à 1944, et formés pour devenir de véritables asso - dans les nouveaux départements d’outre- le gouvernorat général à ciés de l’Administration. Dans les villes, mer (DOM), en Afrique noire, en métro - Brazzaville et le mythe des communes indigènes doivent être pole, peut adhérer, s’identifier à l’image créées et administrées par des « notables d’un personnage bienveillant, chaleureux, Le gouverneur général Éboué évolués » . Les coutumes concernant l’or - fraternel. ganisation familiale et l’organisation au cœur de l’effort de guerre Avec les décolonisations, avec la démythi - sociale doivent être respectées et les ques - fication de la départementalisation, avec Le 30 décembre, Éboué est accueilli à tions qui peuvent apparaître relèvent des le questionnement sur les « années som - Brazzaville, devenue la capitale de la juges indigènes seuls. L’enseignement, bres » , l’heure n’est plus aux héros. Le France Libre en Afrique. Il stimule inlassa - toujours considéré comme un des piliers mythe d’Éboué s’estompe avec les réalités blement la production, multiplie les de la « mission civilisatrice » des adminis - qui ressurgissent. La reviviscence du sou - missions afin de régler sur place les trateurs, donne une formation de base qui venir de Félix Éboué date des années problèmes. Il s’efforce en permanence de peut servir à tous et permettre aux meil - 1980. Depuis trente ans, grâce à l’ouver - rassembler, malgré les difficultés créées leurs de se perfectionner. ture de nouvelles archives, des travaux parfois par les Alliés anglo-américains et d’historiens ont examiné l’action d’Éboué malgré les rivalités qui se manifestent La deuxième étape des réformes fut la dans sa globalité. Ils ont effacé l’aspect entre les hauts responsables civils et mili - conférence de janvier-février 1944. Le légendaire et montré le personnage com - taires français. Il contrôle l’information et projet a été discuté à Londres, accepté par plexe qu’il a été dans son temps et parfois la propagande. le Général et annoncé par Pleven en octo - bre 1943. La conférence s’est tenue à en avance sur son temps. Il est désormais Brazzaville du 30 janvier au 8 février 1944 présenté comme un homme représentatif et devait déboucher uniquement sur des de l’élite noire et de l’élite coloniale de la avis concernant la doctrine coloniale III e République, un Guyanais et un répu - française en Afrique. Le texte qui conclut blicain, tiraillé entre son désir de réussite la conférence montre que le courant favo - sociale et son combat pour des réformes rable à l’assimilation reste le courant qui permettraient d’améliorer le sort de dominant : les institutions politiques tra - ceux qui restent tenus pour inférieurs, ditionnelles doivent être maintenues. Les descendants d’esclaves ou Noirs soumis à chefs restent soumis, dépendant des fonc - la colonisation. tionnaires. Une forme d’administration Aujourd’hui, évoquer le personnage de qui est loin du système britannique. Les Félix Éboué doit permettre de rappeler le idées d’Éboué en faveur d’une évolution passé sans repentance ni culpabilité ; faire des territoires africains vers plus d’auto - comprendre ce qu’a été l’action d’un nomie n’ont pas été suivies. homme avec ses réussites et ses échecs, Le gouverneur général Éboué avait fait avec son ambition et ses ombres. Il a été face aux nombreuses obligations offi - un rouage de la République et un homme cielles qui lui incombaient alors que son des Lumières à la recherche de plus d’hu - état de santé se dégradait rapidement. Il manité et d’égalité pour tous. obtient de Pleven une autorisation de « congé de trois mois pour les États du Levan t 22 » et quitte Brazzaville avec sa Arlette Capdepuy femme et sa fille, pour se reposer au Le gouverneur général Félix Éboué à son bureau (DR). Liban. Arrivé en Égypte, le 17 mai au soir, ses dernières forces l’abandonnent et il Éboué au cœur d’une réforme du décède. système colonial de l’AEF Il entre rapidement dans la légende et Il faut distinguer deux étapes et deux devient un mythe. Notice biographique niveaux. Entre 1944 et les années cinquante, plu - Les réformes destinées aux colonies de sieurs témoignages et une multitude Arlette Capdepuy est agrégée l’AEF et qui relèvent de l’autorité du d’hommages construisent une mémoire d’histoire-géographie et a soutenu une gouverneur général sont prises par trois embellie de Félix Éboué. Le panégyrique thèse sur « Félix Éboué, 1884-1944. circulaires et deux discours entre janvier se dessine avec les trois linéaments du Mythe et réalités coloniales » à l’univer - 1941 et décembre 1942. Deux points mythe : l’excellent administrateur, le pre - sité de Bordeaux 3 sous la direction de essentiels : d’une part, le choix d’une mier gouverneur à avoir eu un rôle déter - Bernard Lachaise. politique qui tend vers une administra - minant pour le rassemblement des parti - tion semi-indirecte en s’appuyant sur les sans de la France Libre en Afrique, l’hu -

21 Cette proposition d’Éboué a été diversement accueillie. Certains y ont vu une copie de l’ indirect rule . 22 ANOM, Gouvernement général AEF GG, Série 5B, Télégrammes. Décision n° 116, Alger le 18 février 1944.

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La querelle des Glières Une certaine « réalité » contre le « mythe » ?

Aux Glières, le Barbier frappe toujours le mot d’Antoine Fouchet dans La Croix début de février et la fin de mars 1944 ? deux fois. du 7 mars) récidive donc : « Cette bataille Peut-on passer sous silence ce que, dans n’a pas eu lieu. […] Le mythe de la bataille sa magistrale étude parue dans la Revue La première fois, c’était en novembre 2011, est né sur fond de guerre psychologique d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale lorsque Claude Barbier a soutenu sa thèse entre Vichy et la France Libre de deux télé - (n° 99, juillet 1975), Jean-Louis Crémieux- en Sorbonne devant un jury d’historiens, grammes envoyés par un agent des services Brilhac appelait « l’affirmation collective présidé par Jean-Pierre Azéma, spécialistes secrets français dont le contenu était tota - d’une révolte » ? de la Seconde Guerre mondiale – mais, lement imaginaire. » soit dit en passant, aucun spécialiste des Dès 1946, paraissait un ouvrage rédigé sur maquis, encore moins de l’histoire des la base des témoignages de survivants du Glières. Claude Barbier, qui a effectué son maquis, intitulé Les Rescapés . Il vient service militaire dans le 27 e BCA, sous les d’être fort opportunément réédité par ordres du futur général Jean-René l’Association des Glières sous le titre Vivre Bachelet – aujourd’hui président de libre ou mourir – la devise de « Tom » – l’Association des Glières – n’a, depuis ces augmenté de deux contributions temps lointains qu’une idée en tête : en majeures : une préface de Jean-Louis finir avec « la belle légende de Glières » . Crémieux-Brilhac et une postface de Il s’ensuivit vingt années de recherches l’universitaire Jean-Marie Guillon, spécia - dans les archives locales et nationales à liste de la Résistance dans le Sud-Est. Les l’appui de cette thèse – dans les deux sens témoignages des combattants et les du mot : travail universitaire et aussi a synthèses de ces deux grands historiens priori , sur lequel vient se greffer une font justice du procès en révision intenté documentation et une argumentation en par Claude Barbier. apparence inattaquables. Pour le premier, aucun doute : À l’époque, Barbier résumait ainsi son tra - vail : « Ce qui est appelé la bataille de « Ce qui s’est passé aux Glières est sans Glières, le 26 mars 1944, ce sont deux exemple dans l’histoire de la résistance maquisards tués et un autre blessé lors Maurice Schumann, porte-parole de la France Libre, armée. […] C’est bien une épopée qui s’était anime l’émission « Honneur et patrie » sur les ondes de d’une reconnaissance offensive d’un déta - déroulée en ces lieux. Choisi d’abord pour la BBC (DR). chement allemand de 30 à 50 hommes. […] être une aire de parachutage et un refuge, Et, quand les Allemands montent sur le Il n’est, bien sûr, pas question de nier que le plateau, gardé par son manteau de plateau, le lendemain, les maquisards ont la portée symbolique des Glières – ampli - neige, a été pendant deux mois, en pleine fui. » Vous avez bien lu : « ont fui » . Il aurait fiée par le verbe enflammé de Maurice occupation ennemie, la première et la seule pu écrire : « ont décroché » , par exemple. Schumann à la BBC – l’emporte sur l’im - parcelle libre du sol de France. […] Glières Non : seuls les combattants décrochent ; portance réelle de la bataille, si l’on s’en illustre l’échec éclatant de Vichy. Malgré les 1 les lâches, eux, fuient . Vous avez bien lu tient aux seuls effectifs engagés et aux renforts successifs de police et de GMR , aussi le bilan de la fausse bataille : deux strictes répercussions militaires sur la l’appui de la dirigée par le chef de la morts, un blessé (il n’avait pas fui assez suite des événements. Mais ne peut-on en région R2 (Rhône-Alpes), Vaugelas 2, et la vite, probablement). dire autant du Vercors ? Faut-il pour présence impérieuse, impatiente, du secré - autant réduire cette bataille au seul taire d’État au Maintien de l’ordre, « L’affirmation collective d’une révolte » accrochage entre les maquisards de Darnand, toutes les tentatives des ‘‘forces Claude Barbier vient donc de frapper une Monthiévret et la section de reconnais - de l’ordre’’ françaises se sont soldées seconde fois, en tirant de sa thèse un livre sance allemande ? Peut-on compter pour jusqu’au dernier jour par des échecs coû - destiné au grand public, sous le titre aussi rien la montée au plateau de 450 maqui - teux. La date butoir du 10 mars avait été banal qu’accrocheur : Le Maquis de sards, sous le commandement de « Tom » fixée par le commandement allemand Glières, mythe et réalité (Perrin) – curieu - Morel, qui y laissera la vie, comme 210 de pour qu’elles liquident le réduit. Il a fallu, sement soutenu et financé par le minis - ses hommes tués lors des nombreux pour en finir, la mobilisation autour du tère de la Défense. Ce « récidiviste » (selon affrontements qui eurent lieu entre le plateau de trois bataillons de

1 Groupes mobiles de réserve : unités de police créées en zone Sud sur le modèle des « unités de réserve mobile » existant avant 1939 dans la région pari - sienne. Rattachés à la Direction générale de la Police nationale, composés de 7 000 hommes, répartis en petits groupes de 220 policiers, dotés de tenues noires, avec béret et insigne représentant une tête de lion rugissant en bronze, ils jurent « fidélité à la personne du Chef de l’État, promettant de lui obéir en tout ce qu’il commandera dans l’intérêt du service de l’ordre public et pour l’intérêt de la Patrie » et ont comme devise : « Ordre, tenue, dis - cipline » . Chargés de rétablir l’ordre public troublé en milieu urbain, les GMR sont ensuite chargés d’opérations de répression contre les maquis, où ils se signalent par un zèle implacable contre les « terroristes » – notamment aux Glières et dans le Vercors (1944). 2 Jean de Vaugelas (1913-1950). Directeur de l’école des cadres de la Milice à Saint-Martin d’Uriage, il commande ensuite le détachement de la Milice envoyé contre le maquis des Glières (mars 1944), puis il est nommé directeur du Maintien de l’ordre pour la région de Limoges (avril 1944). Dans ces deux dernières missions, il montre des « talents éminents de chef et d’organisateur » , aux termes de la citation qui lui est décernée (8 juillet 1944), autrement dit : d’une implacable détermination à venir à bout de ces maquis. Envoyé sur le front de l’Est, adjoint du général Edgar Puaud à la divi - sion Charlemagne , fait prisonnier des Soviétiques en Lituanie, il s’évade avec son ami Jean Bassompierre et se réfugie en Italie, puis en Argentine (1948), où il trouve la mort dans un accident de la route.

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communiste, associés dans une même nationale des déportés et internés, résis - ‘‘vision gaullo-communiste’’ ...! » tants et patriotes, de l’Association natio - nale des anciens combattants de la Bien sûr, le plateau des Glières ne fut pas Résistance et de l’Amicale des anciens de le théâtre d’une bataille au sens classique l’Armée secrète, mais aussi, plus récem - du mot : on n’y vit pas deux armées s’af - ment, du ministère de la Défense, où l’on frontant jusqu’à la victoire de l’une d’elles. a songé un moment à pilonner le stock Peut-on dire, pour autant, que « Glières ne d’exemplaires du Maquis de Glières achetés fut pas une ‘‘bataille’’ », comme l’affirme à l’éditeur, enfin – the last but not the least – Olivier Wieviorka – directeur de thèse de de Jean-Pierre Azéma soi-même, prési - Barbier – dans son Histoire de la dent du comité historique de la Mission Résistance ? « Nous savons bien qu’il n’y a interministérielle des anniversaires des pas eu une grande bataille aux Glières, que deux guerres mondiales, qui s’est associé les combats ont été exagérés par la suite, y à la protestation de l’Association des compris par certains maquisards » , recon - Glières en écrivant au général Bachelet : naît le général Jean-René Bachelet, ancien « Je regrette – beaucoup – d’avoir, lors de sa commandant du 27 e BCA et président de soutenance de thèse, cédé au forcing de son l’Association des Glières. Mais, même si directeur de thèse, Olivier Wieviorka, qui ces combats ont été magnifiés, même s’ils en avait fait un de ses poulains. » Un prési - ont nourri une légende, dont, entre dent de jury se plaignant d’un directeur autres, Malraux, fut le lyrique vecteur, Vivre libre ou mourir, réédition des Rescapés, par de thèse ? C’est, semble-t-il, une grande l’Association des Glières (DR). faut-il pour autant les traiter par le première dans l’histoire de l’Université mépris ? Dans La Résistance française : la 157 e division allemande, responsable de française… Qualifié de « petit révision - une histoire périlleuse (Seuil/Points, la sécurité dans les départe ments du Jura et niste insupportable » par un autre mem - 2005), Laurent Douzou rappelle que la des grandes Alpes, renforcés d’un détache - bre du jury (non identifié), Claude Barbier Résistance fut perçue par ses acteurs ment de la Schutzpolizei , avec appui d’ar - persiste et signe : « Quel que soit le camp comme « une lutte de caractère épique » : tillerie et d’aviation. Ce n’était pas la pre - dans lequel on se trouvait , a-t-il déclaré, « Dès lors, ajoute-t-il, aucune étude cri - mière intervention de la division alle - chacun pouvait commettre n’importe quoi tique ne peut ignorer ce phénomène, si dif - mande, ce ne fut pas la dernière, mais pour n’importe quel motif, voire sans ficile qu’il soit à penser et à intégrer dans nulle part ailleurs elle n’a eu d’autre tâche motif, avec ou sans ordre, le plus souvent une démarche de caractère scientifique. » que pourchasser des ‘‘bandes de terro - en toute impunité. C’est ce qui rend cette ristes’’ , éventuellement tenter de les encer - Malheureusement pour Claude Barbier, période de la Seconde Guerre mondiale cler. La mise en œuvre par l’état-major un petit éditeur savoyard (La Salévienne, à plus effroyable qu’héroïque. » divisionnaire d’un dispositif de siège, puis Saint-Julien-en-Genevois) a publié en Le témoignage de Jean-Claude Carrier d’assaut, avec recours à des bombardiers mars dernier un autre de ses ouvrages : ne s’est imposée qu’ici. » Crimes de guerre à Habère-Lullin, Auteur – en collaboration avec Robert 26 décembre 1943, 2 septembre 1944 . Il y Amoudruz – d’une remarquable enquête « Une conception arbitraire du combat retrace deux sanglants épisodes qui publiée en 2012 ( Dimanche fatal aux clandestin » eurent pour théâtre ce village de la Vallée Glières, 26 mars 1944 , éditions Cabédita, Pour le second, l’affaire des Glières est à Verte, en Haute-. Dans la nuit du Divonne-les-Bains), Jean-Claude Carrier, replacer dans le cadre plus général de la 25 au 26 décembre 1943, des policiers fils du compagnon de la Libération Jean- remise en cause de la Résistance intérieure, allemands massacrèrent 25 jeunes gens Claude Carrier, responsable de l’Armée qui semble être devenue, depuis quelques participant à un bal au château, tandis secrète en Haute-Savoie, organisateur et années, l’étape obligée de tout chercheur : que 8 étaient déportés (seuls deux survé - chef des maquis de la vallée du Giffre, chef curent). Huit mois plus tard, le 2 septembre départemental des groupes francs des « La remise en question de la Résistance et 1944, un groupe de FFI fusilla 40 prison - MUR, rappelle que l’affaire des Glières fut des résistants est le fait de quelques milieux niers allemands, à quelques dizaines de préparée par la mission Musc , première qui suivent et flattent un ‘‘air du temps’’ où mètres du lieu du premier massacre. « Un mission « contact maquis » en France, et la le soupçon prévaut vis-à-vis de presque ouvrage vaseux et difficilement défendable direction générale maquis R1 : tout. Ils ne manquent pas de relais qui met sur le même plan deux crimes hor - d’influence dans l’opinion. La vulgate « Cette mission, dans un premier temps ribles mais peu comparables » , écrit Éric qu’ils diffusent tend actuellement à margi - franco-britannique, est renforcée ensuite Conan dans Marianne du 7 avril. « Claude naliser le phénomène Résistance en France par des officiers américains et des agents de Barbier fait la démonstration qu'il ne maî - et son statut de référence. […] Sans remettre l’OSS. Elle deviendra interalliée précisé - trise pas son sujet, se noyant dans un en question l’existence de la Résistance, ment après les événements des Glières, car, impressionnant travail d'archives dont il cette vulgate relativise son rôle et son depuis les événements d’Oyonnax le tire une glose insensée sur la violence, écri - influence, elle remet en question sa repré - 11 novembre 1943 organisés par Henri vant que celle de certains résistants ‘‘paraît sentativité, son enracinement dans la Romans-Petit, chef des maquis de l’, et être l’écho, pas forcément atténué, de population ou même la diversité des Henri Jaboulay, chef régional maquis de la celle dont les nazis étaient les auteurs sur formes qu’elle a pu revêtir. À partir d’une Région R1 (qui seront tous deux compa - notre territoire’’ . […] Cette Haute-Savoie conception arbitraire, volontairement gnons de la Libération), il fallait persuader où ‘‘les violences étaient généralisées’’ et restrictive, du combat clandestin, l’état-major américain et donc l’état- qu'il résume d'une symétrie : ‘‘violence ‘‘la Résistance’’ n’apparaît plus que major interallié, de l’importance de la allemande, violence française’’ . » comme une fabrication de la Libération, Résistance intérieure française pour la une légende proposée au bon peuple, Les Crimes de guerre de Claude Barbier libération de la France. Il fallait les persua - notamment par les deux producteurs ont achevé de faire déborder le vase d’une der – et c’était partiellement vrai – qu’une principaux de ce qui ne serait qu’un récit indignation à peu près unanime : celles de véritable armée française de Libération édifiant, le général de Gaulle et le parti l’Association des Glières, de la Fédération nationale se constituait dans la clandesti -

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HISTOIRE

nité afin que les maquis reçoivent armes, d’Osia (ORA) ; 150 maquisards de la Vallée hommes : « Il y a soixante-dix ans, alors matériel et financement, ce qui n’était pas du Giffre, organisés par Jean-Claude que les hurlements des Stukas allemands le cas jusque-là, mis à part quelques para - Carrier, de Libération-Sud/courant SFIO- assourdissaient les vallées de Haute- chutages britanniques pour l’armement de CGT (MUR) ; 40 maquisards de Thorens, Savoie, la clameur de la liberté avait groupes de combat travaillant de concert organisés par Louis-René Morel, de trouvé refuge dans le cœur de quelques avec le SOE. » Libération-Sud/courant CFTC (MUR), hommes, sur un plateau non loin d’ici. 60 républicains espagnols organisés par Soixante-dix ans après, dans le silence Le rassemblement des Glières a été orga - Richard Andres, du Coq Enchaîné-Franc retrouvé des Glières, nous entendons l’écho nisé pour prouver aux Américains que les Tireur (MUR) ; le reste de l’effectif FTP de l’appel des combattants de Tom Morel. trois courants principaux de Résistance organisé par le Front national communiste Ils étaient quelques centaines. Des milliers intérieure française (pour la zone Sud) : de soldats hitlériens allaient les encercler. l’OMA puis l’ORA (Organisation de résis - et tous ces maquisards encadrés par des e Longtemps armés de leur seul courage, tance de l’Armée), composées de mili - militaires de carrière du 27 BCA (bataillon de chasseurs alpins) d’ dirigé par le mais animés par l’esprit de Résistance, qui taires de carrière pour la plupart deviendrait bientôt le souffle de la « vichysto-résistants » , les gaullistes des chef départemental maquis le lieutenant Théodose Morel dit Tom (futur compa - Libération, ils étaient alors l’honneur de la MUR et les FTP communistes, pouvaient France. » être unis contre l’ennemi commun. gnon de la Libération) puis, après sa dispa - rition dans la nuit du 9 au 10 mars 1944, Cette opération des Glières ne se concré - « Le rassemblement des Glières , poursuit par le capitaine Maurice Anjot. » tise certes pas par un grand combat de Jean-Claude Carrier, organisé par Henri terrain, mais elle est, sans contestation Romans-Petit et Jean Rosenthal (eux aussi Le 6 avril dernier, à Morette (où ont été possible – à part pour ceux qui se conten - futurs compagnons de la Libération), et installés la nécropole des Glières et le tent de survoler les archives –, la première Richard H. Heslop, du SOE britannique Musée départemental de la Résistance), le grande victoire stratégique de la dans le cadre de la mission Musc , réussit ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Résistance intérieure. totalement cette performance d’union : Drian (qui n’a pas hésité à citer Malraux) a trouvé de magnifiques accents pour évo - 120 maquisards de la Vallée de Thônes, François Broche organisés par le commandant Jean Valette quer le combat de Tom Morel et de ses

Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense (extraits) : « Nous sommes tous les enfants des Glières »

Durant ces soixante jours d’une aventure épique, et pour finir tragique, le plateau des Glières a pris la figure de la France. Gardée dans la rigueur de l’hiver par l’héroïsme de quelques hommes, cette parcelle du territoire français fut la première libérée, sous les regards de l’occupant et des Alliés. Qu’importe que les forces hitlériennes l’aient ensuite repris pour quelques semaines, car c’est bien Tom Morel qui, du ressac de l’Histoire, est sorti victorieux. Par l’exemple qu’il a donné, il a transmis aux maquisards de ces vallées le souffle de la liberté. Par l’action qu’il a menée, il a éveillé une lueur qui ne devait pas s’éteindre, en permettant à la Haute-Savoie de se libérer bientôt par elle-même. La bataille des Glières est entrée dans l’histoire avant même son issue dramatique. Tandis que les maquisards affrontaient les forces de Vichy, Maurice Schumann, la voix de la France Libre, et Philippe Henriot, l’homme de Radio-Paris, portaient ce combat sur le terrain des ondes. La voix d’André Malraux domine ici les autres : « Presque chaque jour, les radios de Londres diffusaient : ‘‘Trois pays résistent en Europe : la Grèce, la Yougoslavie, la Haute-Savoie.’’ La Haute-Savoie, c’était les Glières. Pour les multitudes éparses qui entendaient les voix du monde libre, ce plateau existait à l’égal des Balkans. Pour des fermiers canadiens au fond des neiges, la France retrouvait quelques minutes d’existence parce qu’un Savoyard de plus avait atteint les Glières. » Ainsi, parce qu’il incarnait, pour les oreilles du monde libre, cette France qui ne veut pas mourir, et cette Résistance qui prendrait bientôt part à la Libération, le maquis des Glières est entré de plain-pied dans notre mémoire nationale, et continue, aujourd’hui encore, de nous parler intimement. Les combattants des Glières n’avaient réclamé ni la gloire ni les larmes. Ensemble, en scellant leur destin à celui de la France, ils avaient simplement fait le choix de « vivre libres ou de mourir » , de mourir pour que nous puissions toujours vivre libres. Ce souffle fraternel d’un pays pour sa liberté, c’est ce que les hommes de Tom Morel nous ont laissé en partage. Ce matin, alors que nous entendons à nouveau leur appel, nous sommes tous les enfants des Glières.

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HISTOIRE

Le débarquement de Normandie

Ce passage est extrait des Mémoires de Georges Ménage, intitulés : De la « Marchande » à la « Royale » : Itinéraire d’un jeune marin, 1940-1945 . Arrivé en Angleterre le 19 juin 1940, à dix-huit ans, il s’engage dans les FNFL et sert comme lieutenant à bord du PLM 27 puis du Joseph Duhamel , avant de rejoindre, en 1941, la marine de guerre, avec le grade d’enseigne de vais - seau de deuxième (EV2) puis de première classe (EV1), essentiellement sur la corvette Renoncule et le sous-marin Morse en Atlantique Nord et sur les côtes de Norvège. En juin 1944, il est impliqué, avec l’équipage de la Renoncule , dans les opéra - tions du débarquement allié en Normandie.

Nous ne pouvons plus douter maintenant Cet engin était destiné à couler rapidement nous à Plymouth. Francis Leboucher, qu’un vaste redéploiement des forces des navires endommagés qui eussent pu officier canonnier à bord, vint prendre un navales alliées a été décidé en vue d’une devenir un danger pour la navigation. pot sur la Renoncule et m’emmena visiter opération d’envergure qui ne peut être Directeur de tir de la pièce de 102 mm, je cette super corvette dont les premiers qu’un débarquement sur les côtes ouest de devins assez vite expert dans ce genre de exemplaires étaient apparus en mer il y l’Europe, mais où et quand ? Nous espé - tir qui amusait tout le monde. Hélas nous avait à peine un an. J’enviais un peu mon rons que ce sera en France, à la rigueur en n’eûmes jamais l’occasion de nous en ami de disposer de toutes ces récentes Belgique, peut-être même en Bretagne, servir par la suite. améliorations techniques et ressentis mais nous ne pouvons croire que l’action Le 20, nous étions de retour à Greenock, quelques regrets, vite dissipés d’ailleurs est si proche, à peine trois semaines. déserté par la plupart des escorteurs amis. dès que je fus de retour à mon bord. Dans la baie de Brodick ou aux environs, 22 mai - La Renoncule appareille seule à 24 mai - Nous quittons Plymouth pour nous sommes restés sept jours pleins destination de Plymouth. Fowey. Peu avant l’appareillage, un lieute - pour effectuer un entraînement au tir nant RN 2 est monté à bord et a remis au 24 mai - Par le travers du cap Lizard, 2h00 contre but de surface et au tir contre commandant, en présence de notre du matin. Je suis de quart et le radar 3 avion, de jour comme de nuit. Un entraî - BNLO , un gros sac étanche cadenassé. signale plusieurs échos dans le 230, se nement tel, que je n’ai jamais eu l’occa - Ce sac contient, paraît-il, tout ce dont rapprochant rapidement. Nous avons été sion depuis d’en subir d’aussi intense. nous aurons besoin bientôt. avertis de raids possibles de vedettes Aussitôt les plus folles hypothèses sont Le poste de combat surface était notre lance-torpilles allemandes qui aiment envisagées, un débarquement sur la côte état normal dès l’appareillage. Au bout de s’embusquer entre les îles Scilly. J’appelle nord de Bretagne, juste en face, paraît le peu de temps les hommes étaient sourds, aux postes de combat et à peine plus probable. mais hilares, et se congratulaient entre sommes-nous parés que des signaux de deux passages de l’avion remorqueur de reconnaissance trouent la nuit. Ce sont Fowey, c’est à l’ouest de Plymouth, un la Manche, les plus fréquents, ou du bien des vedettes lance-torpilles mais estuaire de petite rivière absolument remorqueur du but de surface. Nous anglaises et qui font un exercice de nuit. charmant. Là, nous retrouvons plusieurs avons certainement consommé ces jours- En fin de matinée, nous nous amarrons autres escorteurs au mouillage, dont là plus de munitions que pendant les trois dans l’arsenal. l’ Aconit . Tout est calme et sérénité dans ce havre de paix. années écoulées. Juste retour des choses, L’arsenal de Plymouth, à cette époque, c’étaient bien les canonniers et les ser - comportait de nombreux pontons en bois Dès notre arrivée nous recevons les plans vants des pièces qui avaient le beau rôle, auxquels s’amarraient les navires. Ces du nouveau camouflage. Ce camouflage face à nos spécialistes de la guerre sous- pontons dégageaient une odeur de gou - est beaucoup plus foncé et plus compli - marine qui jusqu’alors avaient tenu le dron chaud bien sympathique qui rappe - qué à réaliser que le précédent bleu et haut du pavé. lait la marine en bois et les calfatages que blanc, qui faisait « très enfants de Marie » , Le « debriefing » avait lieu le soir au j’avais connus autrefois sur les grèves de il faut l’avouer, mais qui s’est révélé si effi - mouillage avant les exercices de nuit. chez nous. J’appréciais l’ambiance cace sur les bancs de Terre-Neuve. L’efficacité de chacun était notée, joyeuse et l’activité qui régnaient sur les Il fait un temps superbe. Avant tout, un net - Tobermory avait fait des émules 1. pontons et sur les bâtiments, tous en tran - toyage général s’impose, ensuite viendra la Quant à la fameuse arme nouvelle, le sit, et qui ne se connaissaient pas la plu - peinture et les cuivres. Tout le monde s’y fameux obus-torpille, livré peu avant part du temps. On échangeait des impres - met et avec tout son cœur, la Renoncule notre départ de Greenock, je dois à la sions, des nouvelles, on s’invitait entre doit être la plus belle sur zone. C’est, pen - sons-nous, la meilleure façon, après tous vérité de dire que nous nous sommes bien « carrés » . Chacun se préparait à un événe - ces exercices et cet entraînement intensif, amusés avec cet engin : l’obus, plus lourd ment important, le débarquement ne de nous préparer maintenant à ce que nous que les munitions standards sortait assez faisait de doute pour personne. pensons devoir être une bataille décisive. lentement du tube pour qu’on puisse le L’arsenal était « plein comme un œuf » et distinguer durant sa course, et après une nous ne devions y rester que quarante- 2 juin - Ordre de nous rendre à Torbay qui courbe majestueuse pénétrait dans l’eau huit heures, le temps de compléter notre est en fait la baie de Torquay, la grande où il était supposé continuer sa trajectoire plein de mazout et les approvisionne - cité balnéaire de la côte sud. C’est de jusqu’aux œuvres vives du bâtiment qu’il ments prévus dont un lot de peinture l’autre côté par rapport à Plymouth. fallait couler ; d’où la nécessité de tirer destiné à un nouveau camouflage. Nous devons, avec l’ Aconit , y conduire un court, mais pas trop (environ vingt yards), L’Aventure , une des récentes frégates petit convoi, à prendre en charge à la pour que l’obus ne passe pas sous la coque. armées par les Français, relâchait comme sortie de Falmouth.

1 Port de l’île de Mull, dans les Hébrides, au sud-ouest de l’Écosse, site à partir de juillet 1940 d’une base d’entraînement de la Royal Navy, HMS Western Isles (NDLR). 2 Royal Navy (NDLR). 3 British Naval Liaison Officer : officier de liaison de la marine britannique (NDLR).

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En arrivant dans l’après-midi à Torbay, ler les documents, en corriger certains Jamet calcule qu’il nous faudra trente-six nous trouvons cette très large baie que nous possédons déjà, et sans tarder heures à 5-6 nœuds pour atteindre notre ouverte à l’est, couverte de navires de reporter sur les cartes les chenaux, les plage de débarquement située à l’est de toutes sortes : des destroyers et des escor - nouvelles bouées et toutes les informa - Sainte-Mère-l’Église, tout à la base du teurs, mais surtout des engins de débar - tions nécessaires. Les timoniers, les Cotentin, nom de code Utah Beach . Le quement, LST, LSI, LCT, LCI 4 que nous radios, les codeurs non de quart, tout le jour « J » sera le 5 Juin. autres, gens du Nord, découvrons à peine. monde est finalement mobilisé. À 6h00 du matin, Fenwick monte me rem - Beaucoup de ces navires spécialisés Sur tous les navires participant à l’opéra - placer et je descends prendre connais - paraissent déjà chargés de troupes et de tion, à la même heure, le même travail est sance de tout ce qui doit me concerner matériel, et prêts à appareiller. en cours. directement. La météo est moins bonne et le régime de En ce qui nous concerne, nous apparte - Peu après, nous recevons l’ordre de cesser beau temps qui était bien établi depuis nons, avec l’ Aconit , à la force « U » (améri - notre patrouille et de reprendre notre plusieurs semaines se disloque. caine) dont tous les navires sont actuelle - ancien mouillage justement à proximité Le commodore en charge du secteur nous ment rassemblés à Torbay, à Brisham et à de l’ USS Meredith . a assigné pour la nuit une zone de Dartmouth. Après avoir vu se former au large les patrouille à l’ouvert de la rade, et c’est à La force « U » sera la première à se mettre convois de la première vague d’assaut, 3h00 du matin cette même nuit, qu’arrive en route car elle est la plus éloignée des nous appareillons à notre tour à 22h30, à bord le message codé qui nous autorise plages de débarquement en Normandie. par vent de nord-ouest force 3 à 4, mais le à briser les scellés des paquets de docu - (La Normandie ! Tant pis pour ceux qui baromètre baisse trop vite pour que ce ne ments secrets contenus dans le sac reçu à auront perdu leur pari !). soit pas sérieux et, malgré l’abri de la côte, Plymouth. quand je prends mon quart à minuit, la Notre chef d’escorte est le destroyer amé - mer est déjà formée. 3 juin - 3h00. Pour nous, l’opération ricain USS Meredith . Outre l’ Aconit et « Overlord » commence. nous, l’escorte se compose de trois chalu - 4 juin - À 2h00 du matin, en Manche, la situation est la suivante : vent ouest-nord- C’est Griffith, notre BNLO, qui a déchif - tiers armés anglais et de six petits escor - ouest force 5 à 6. Ciel couvert, creux d’un fré lui-même ce fameux message et qui, teurs américains. Nous escorterons seize à deux mètres, forcissant. aussitôt, est allé le porter au commandant. gros LST et six Rhino-ferries 5 remorqués. L’ordre de faire demi-tour est reçu à bord Mithois me téléphone la nouvelle à la Tous les navires de la force « U » devront à 7h30 et notre convoi commence péni - passerelle et me demande de conserver se former en plusieurs convois qui appa - blement à virer de bord pour mettre cap à mon quart le temps qu’il faudra après reilleront avec leur escorte à tour de rôle, l’ouest. Les autres devant nous et sur 4h00 pour que Fenwick et lui-même en fonction de l'heure prévue pour leur notre arrière font de même. Il nous sem - puissent prendre connaissance de l’en - arrivée sur zone. ble vraiment impossible de remettre à semble des instructions contenues dans La navigation se fera suivant des chenaux terre tout ce monde, et nous plaignons les fameuses enveloppes. Griffith et dragués au préalable, de la zone de départ sincèrement les troupes embarquées sur Drouin les assisteront, et Boshet et Jamet jusqu’à un rond-point virtuel nommé les LCT et les LCI. reporteront sur les cartes de la Manche Picadilly Circus, dont le centre sera maté - et de la côte de France que nous venons Et cela va durer près de vingt-quatre rialisé par une bouée. À partir de cet heures dans un silence radio pesant, de recevoir toutes les informations endroit, d’autres chenaux dragués mène - nécessaires. durant lequel nous allons tracer sur la mer ront les convois jusqu’aux plages de une piste d’hippodrome en huit, à la Au carré, on s’active. Il faut ouvrir chaque débarquement qui leur sont affectées. La queue les uns des autres entre Start Point enveloppe, chaque paquet, lire et assimi - précision de la navigation est primordiale. et le Cap Lizard. Le vent qui a soufflé en tempête toute la nuit et qui a mis en difficulté plus d’un petit bâtiment, se calme un peu avec le jour et la pluie cesse. 5 juin - À 5h25, ordre de reprendre les opérations comme prévu. Chacun sur la passerelle a épelé le message reçu en scott 6 par projecteur Aldis 7 et manifeste sa joie à sa façon. Le jour « J » sera donc le 6 juin. Nous sommes à nouveau cap à l’est, des convois semblables au nôtre nous précé - dent, d’autres nous suivent, et au fur à mesure que nous progressons la mer se couvre de files de navires en routes paral - lèles qui finissent par boucher l’horizon dans toutes les directions. Tous les gros navires marchands et les LST ont filé les Quelques bâtiments de l’armada alliée vus de la Renoncule , le 5 juin 1944 (coll. Georges Ménage). ballons anti-aériens dont ils ont été

4 Landing Ship Tank : bâtiment de débarquement de chars ; Landing Ship Infantry : bâtiment de débarquement des troupes d’assaut ; Landing Craft Tank : barge de débarquement de chars ; Landing Craft Infantry : barge de débarquement de troupes (NDLR). 5 Pontons automoteurs de déchargement (NDLR). 6 Système de communication optique tout temps (NDLR). 7 Projecteur pour signaux lumineux (NDLR).

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HISTOIRE

pourvus récemment, ce qui forme un quelques heures auparavant sont étroits ; lutiers anglais. À part cet incident, rien à troupeau de « saucisses » argentées du les bouées qui les jalonnent, espacées de signaler jusqu’à ce que les îles Saint- plus heureux effet sous le soleil qui se quelques miles, peu visibles, et même Marcouf soient en vue. Depuis que le jour montre avec parcimonie. manquent quelquefois ; ces bouées ont s’est levé, pas un avion ennemi, pas une En fin de journée, nous sommes dépassés pu chasser sous la violence des courants vedette lance-torpilles du Havre ou de sur tribord par deux croiseurs lourds, un traversiers qui, en vive eau, peuvent Cherbourg, ne sont venus voir ce qui se anglais et un américain, il s’en dégage une atteindre de deux à trois nœuds suivant passait. La surprise des Allemands semble impression de force assez étonnante. Puis, l’heure de la marée, et nous-mêmes déri - avoir été totale. surprise, ce sont deux croiseurs français, ver pour la même raison car si nous avons Vers 14h15 nous sommes pris en charge la Gloire et le Montcalm qui après une accéléré l’allure, nous ne marchons au passage par le commandant maritime refonte complète en Amérique rallient cependant que huit à neuf nœuds. Pour local, installé sur un navire marchand juste à temps la zone des combats. Ils arri - en juger nous observons avec intérêt l’in - mouillé au large entre Omaha Beach et vent à bonne vitesse et nous les admirons clinaison de chaque bouée que nous ren - Utah Beach et nous recevons pour ins - sans arrière-pensée. Mithois, euphorique, controns. truction de conduire notre section vers le a le temps de faire sonner un « garde à Notre convoi est maintenant sur deux files secteur d’ Utah Beach qui lui est affecté. vous tribord » quand ils passent à quelque fractionnées en sections conduites par un La mer est encore force 2 à 3 avec un vent trois cent mètres par notre travers. escorteur et la section de tête doit prendre de sud-ouest de 15 nœuds, mais, en Salut auquel il ne sera pas répondu. Sur garde à ne pas rattraper le convoi qui nous approchant, cela se calme car Utah est les passerelles et sur les ponts des deux précède, nous sommes à la fois guide et orientée face à l’est et relativement bien croiseurs tous nous observent, personne « chien de berger » , c’est un peu plus diffi - abritée au sud par la côte. Quand nous ne fait un geste amical. cile qu’en Atlantique. donnons liberté de manœuvre à nos LST, Fenwick lui-même est étonné de cette Un peu avant minuit commence le sourd nous sommes encore loin de la plage qui attitude dédaigneuse et cherche des expli - grondement des escadres de Boston et de nous semble couverte d’engins mais cations qui ne convainquent personne. Liberator qui partent bombarder les plutôt calme. Depuis notre passage à Gibraltar et surtout objectifs et les villes de la côte. Nous ne à Casablanca, notre second a certainement pouvons nous empêcher d’avoir une pris la mesure de ce qu’il pouvait faire ou pensée pour nos compatriotes, mais qu’y ne pas faire et il a changé d’attitude, nos faire ? relations sont plus franches et l’équipage, 6 juin - 5h40 du matin. Brusquement les s’il reste sur ses gardes a certainement premiers coups de canon parviennent reconnu sa compétence, qui est réelle, et jusqu’à nous, puis les bombardements décidé de « faire avec » . Nous avons d’ail - suivent, et le bruit va en s’amplifiant leurs, en ce moment, d’autres préoccupa - jusqu’à devenir un roulement presque tions qui font que nous repoussons ce continu, ponctué d’explosions plus genre de problèmes à plus tard. sourdes. Le bombardement des plages a Tous ces navires, grands et petits, avan - commencé. Des vagues d’avions nous cent très lentement à cinq nœuds, et cette survolent sans discontinuer. lenteur même donne à leur progression 12h35 - Le phare de Barfleur est en vue un air solennel, obstiné, très convaincant. dans le 230 à quelque 15 nautiques. Le La mine réjouie des hommes, leur entrain commandant fait mettre aux postes de pour exécuter tout ce qui leur est com - combat et nous hissons le petit pavois, mandé, montre à l’évidence qu’ils pensent, soit un grand pavillon national en tête de eux aussi, que cette fois nous ne pouvons mât ; les timoniers ont choisi le plus neuf pas perdre la partie. et le plus grand. Peu après l’allure se Dans la soirée, nous atteignons enfin ralentit. Picadilly Circus et nous mettons cap au Une même émotion nous étreint tous. Sud. Jusqu’ici, nous avons longé les côtes Voilà plus de quatre ans que la majorité anglaises et notre route, quoiqu’au large, d’entre nous a quitté la France. Pendant ne comportait pas plus de risques que tout ce temps nous n’avons pensé qu’à ceux des convois côtiers habituels, mais une chose : la revanche, et voici que maintenant tout change. Chaque heure l’heure est arrivée. Certes, nous avons À bord de la Renoncule dans l’après-midi du 6 juin 1944 qui passe nous rapproche de l’ennemi et bien conscience que notre part va sans (coll. Georges Ménage). de l’engagement qui va suivre. Nous dési - doute être bien modeste aujourd’hui, si À 15h 00, nous mouillons à 5, 7 miles dans rons tous ce moment, même si un peu on la compare à celle de tous ces braves le 075 du feu de Saint-Marcouf à proxi - d’appréhension vient parfois se mêler à types qui affrontent déjà, ou vont affron - mité de notre chef de groupe USS notre désir d’action. ter les Allemands sur les plages, mais Meredith . Peu après, l’ Aconit et les chalu - La veille est renforcée. En fait, nous fai - enfin nous avons, nous aussi, fait de notre tiers anglais mouillent dans les environs, sons le quart par bordées, soit une moitié mieux durant toutes ces années, pour que suivis par les PC américains. de l’équipage en haut et une moitié au ce jour arrive et beaucoup de nos cama - Deux bâtiments de ligne et un monitor 8 repos en bas. rades y ont laissé leur peau. sont en position depuis le matin entre les La navigation devient prioritaire pour Vers 13h00 une mine dérivante est signa - deux plages américaines d’ Omaha et de plusieurs raisons : les chenaux dragués lée devant nous et coulée par un des cha - Utah et tirent sporadiquement, sans

8 Petit cuirassé armé de canons lourds (NDLR).

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HISTOIRE

furent coulés sur l’ensemble de la zone américaine. Un message d’alerte aux mines fut diffusé ultérieurement à tous, car on craignait que les Allemands n’aient largué des mines dérivantes. 8 juin - La situation sur zone reste sérieuse toute la matinée. Mines et bombes planantes larguées sporadique - ment par des Heinkel 177 font quelques dégâts au sein de cette considérable concentration de bâtiments. Un remor - queur heurte une mine non loin de nous et disparaît dans l’instant. Quant à notre chef de groupe USS Meredith , il est atteint et coulé non loin de nous, par une bombe planante à 12h50, Les survivants sont récupérés par des bâtiments voisins qui envoient leurs LCVP 11 . Revenus à notre mouillage en fin de matinée, nous appareillons à 14h30 en compagnie de l’ Aconit pour escorter 15 LST vides et le monitor Erebus à desti - nation de Portland. 9 juin - Arrivés à 8h35 à Portland avec notre convoi. Repartis le soir en compa - gnie de l’ Aconit à destination de Falmouth L’équipage de la Renoncule à Utah Beach , quelques jours après le 6 juin 1944 (coll. Georges Ménage). où nous mouillons le lendemain matin. doute assez loin à l’intérieur des terres, La journée se passe comme la veille à * car nous ne pouvons distinguer les arri - observer les renforts amenés par les À partir du 10 juin et jusqu’au 30, nous vées. Par contre, nous percevons le gron - Américains sur les deux plages en des effectuerons, toujours en compagnie de dement des bombardements de plus petit convois incessants de LCI et de LCT qui l’ Aconit , cinq allers et retours entre calibre et les rafales d’armes automa - passent à proximité venant de Liberty Falmouth, Portland et la zone tiques qui n’arrêtent pas du côté ships mouillés plus au large. Plusieurs « Grandcamp - Utah Beach » , sans pouvoir d’ Omaha , tandis que, vers l’ouest et Utah , vagues de planeurs nous survolent dans marquer un temps d’arrêt en Angleterre un certain calme semble s’être établi. De l’après-midi. autrement que pour mazouter et faire de l’eau et des vivres. grandes colonnes de fumée montent par - Et ce fut cette nuit-là que la Luftwaffe se tout dans le ciel normand. réveilla. Vers la France, nous escortons des cargos ou des LST chargés à couler bas ; au Bien que temporairement sans emploi, Patrouillant en ligne de front et à petite retour, ce sont des bâtiments à lège et des nous devons évidemment conserver le vitesse, nous devions éviter de nombreux engins de débarquement parfois très poste de veille par bordée de jour comme bâtiments au mouillage ou faisant route endommagés. Chaque fois, il faut organi - de nuit, mais l’incessant mouvement des tous feux éteints ; de plus le danger prove - ser le convoi, rassembler les retardataires, barges et autres engins de débarquement nant de mines dérivantes échappées des vérifier que le « leader » est capable de sur la mer encore houleuse, et des avions, champs de mines allemands ou libérées naviguer avec une précision suffisante en tous alliés, dans un ciel bien dégagé, et par les dragages des jours précédents ne l’absence de la corvette de tête. À notre surtout l’inspection de la côte entre Saint- pouvait être négligé. surprise, nous découvrons très vite que Martin-de-Varreville et Quineville, main - Vers minuit, les avions ennemis se pré - certains cargos américains ou étrangers tiennent les hommes sur le pont le reste sentèrent et cette première alerte fut sui - sont dépourvus des cartes marines de la de la journée, qu’ils soient de quart ou pas. vie de plusieurs autres sur différents sec - Manche et n’ont pour naviguer qu’un Vers 21h00, deux formations de planeurs, teurs de la zone américaine. « routier » de l’Atlantique Nord ; en consé - remorqués, passent encore au-dessus de Il s’agissait de bombardiers légers et peut- quence, lorsque, pour une raison ou une nous en direction de Sainte-Mère-l’Église. être d’avions torpilleurs, mais ils n’étaient autre, ils perdent le convoi, ils mouillent sur place et attendent patiemment qu’on 7 juin - Les petits PC américains ont appa - pas accompagnés de chasseurs. Les vienne les chercher. reillé dans la nuit et les chalutiers anglais avions qui nous attaquèrent furent enga - nous quittent ce matin. Nous en sommes gés par le « pom-pom 9 » et nos quatre à nous demander si on ne nous a pas Oerlikons 10 , pendant que l’ Aconit , sur Georges Ménage oubliés, USS Meredith et nous, les deux ordre d’ USS Meredith , manœuvrait pour corvettes françaises, quand nous recevons remonter au vent et recouvrir notre enfin un ordre d’opération. Nous devrons secteur d’un épais rideau de fumée. patrouiller tous les trois de 19h30 au lever À notre connaissance, aucun avion ne fut du jour en baie de La Capelle. abattu cette nuit-là, mais plusieurs cargos

9 Surnom du canon de marine de deux livres Quick-Firing (à tir rapide), en raison du bruit particulier de son tir (NDLR). 10 Canon antiaérien (NDLR). 11 Landing Craft Vehicle and Personnel : péniche de débarquement (NDLR).

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HISTOIRE

Hommage à Émile Bouétard

Caporal parachutiste de la France Libre, premier mort de l’opération « Overlord », seul parachutiste à avoir reçu les honneurs d’un détachement allemand lors de ses obsèques

ennemies et de faire sauter les voies Bouétard de rester en protection du maté - ferrées pour empêcher les renforts riel radio en compagnie de l’équipe radio, allemands de rejoindre la Normandie. pendant qu’il poursuit les recherches avec Hunter-Hue et les autres parachutistes. Dans la nuit du 5 juin, vers 22 heures 30 (heure solaire), l’homme qui est de garde Alertés par les gardes de l’observatoire, les sur l’observatoire que les Allemands ont postes allemands situés à proximité ont installé sur un ancien moulin à vent à La immédiatement organisé les recherches. Grée, près de Plumelec, petite ville des Parmi eux, des Géorgiens du 285 e groupe Landes de Lanvaux située à une vingtaine cycliste de l’Est, commandés par le sous- de kilomètres de Vannes, entend le bruit lieutenant allemand Hermann Haas, en d’un avion et aperçoit, à son grand éton - poste à Locminé. Ces Russes blancs, ou nement, une dizaine de parachutes qui « Cosaques » comme les appelait la popu - atterrissent à moins de 2 km de son obser - lation locale, avaient été recrutés par vatoire. Il alerte immédiatement les unités l’armée allemande. Répartis en détache - qui stationnent à proximité. ments encadrés par des Allemands, ils se déplaçaient souvent sur des chevaux ou à C’est le du lieutenant Marienne qui stick bicyclette. Responsables de nombreux vient d’arriver sur le sol de France, assassinats, viols, incendies et exactions pendant que le Stirling qui l’a transporté de toutes sortes dans le département, ils continue sa route en direction de Duault, étaient très redoutés de la population dans les Côtes-du-Nord, avec le stick du civile. lieutenant Botella. Il est plus de 23 heures 30 quand les Émile Bouétard, peu avant son parachutage Pierre Marienne a lui-même choisi ses (coll. Musée de Plumelec). Géorgiens arrivent à travers champs à équipiers parmi les SAS de sa section de la proximité du chemin où est entreposé le e ans la nuit du 5 au 6 juin 1944 3 compagnie du capitaine Puech-Samson matériel sous la garde d’Émile Bouétard et e commençait l’opération Overlord . du 4 SAS (commandant Bourgoin). Il y a des radios. Le caporal Bouétard s’était DUne armada de navires quittait la là le sergent-chef Loïc Raufast, les capo - légèrement éloigné pour protéger le côte anglaise en direction de la Normandie. raux Émile Bouétard et François Krysik et groupe. Il engage immédiatement le le parachutiste Jean Contet, auxquels se Depuis le 27 mai, le 4 e bataillon du Special combat, mais les forces en présence sont sont joints trois radios : Maurice Sauvé, inégales. Après avoir vidé plusieurs char - Air Service , sous les ordres du comman - Pierre Étrich et Louis Jourdan, et un dant Pierre Bourgoin et constitué de para - geurs avec sa Sten , il est grièvement blessé Anglais du Special Operations Executive à l’épaule. À court de munitions, les radios chutistes de la France Libre, était au secret (SOE), André Hunter-Hue, plus connu dans un camp situé à proximité de la base se rendent. Des Géorgiens s’approchent sous le nom de « capitaine André » , qui de Fairford dans le Gloucestershire. d’Émile Bouétard, l’un d’eux le retourne appartient aux services de renseigne - avec le pied et l’assassine d’une rafale Le 1 er juin, les lieutenants Pierre ments anglais qui participent au finance - dans la tête. Les radios seront sauvés par Marienne, Henri Déplante, André Botella ment des groupes de la Résistance. Il a l’arrivée du sous-lieutenant Haas, et Charles Deschamps sont désignés pour avec lui une malle en osier qui contient l’officier allemand qui commande le constituer quatre sticks qui sauteront, les son uniforme et une forte somme d’argent. détachement. Ils seront traités comme deux premiers dans le Morbihan et les Cette malle est la première à quitter des prisonniers de guerre. deux suivants dans les Côtes-du-Nord l’avion suspendue à un parachute. Elle est (aujourd’hui Côtes-d’Armor). Ils ont pour C’est donc vers 23 heures 50, ce 5 juin immédiatement suivie de Hunter Hue, du mission de prendre contact avec la 1944, que le caporal Émile Bouétard, lieutenant Marienne, de Loïc Raufast, des e Résistance locale et d’organiser deux parachutiste français du 4 SAS, premier trois radios et des trois SAS. Tous arrivent bases : Dingson dans le Morbihan et mort de l’opération Overlord , est tombé relativement groupés près du village de Le Samwest dans les Côtes-du-Nord, qui près de Plumelec. Halliguen, à près de trois kilomètres de accueilleront les Cooney parties consti - Émile Bouétard était né le 4 septembre l’endroit prévu. tuées de 58 SAS qui seront parachutés sur 1915 à Pleudihen, non loin de Dinan, dans la Bretagne dans la nuit du 7 au 8 juin, Le matériel est rapidement retrouvé, à les Côtes-du-Nord, dans « une famille répartis en 18 équipes de sabotage l’exception de la malle en osier. Le lieute - d’ouvriers où le salaire du père avait de la chargées de détruire les installations nant Marienne demande à Émile peine à couvrir les dépenses familiales » .

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HISTOIRE

qui navigue entre les territoires de population qui tenait à rendre hommage l’Afrique restés fidèles à Vichy et les États- au courage de ce parachutiste de la France Unis. Le 8 novembre, en escale à La Libre venu participer au combat pour la Nouvelle-Orléans, il quitte son bateau, libération de son pays. rejoint Halifax, où il embarque sur un Pierre Oillo convoi qui arrive en Angleterre le 13 janvier 1943. Il s’engage dans les Forces Délégué départemental du Morbihan françaises libres et rejoint l’infanterie de l’air à Camberlay. En avril, il est déjà dans la section du lieutenant Marienne. Il va subir le rude entraînement physique des parachutistes à Largo puis Ringway. Après un stage commando toujours avec les « Marienne’s boys » , il revient à Camberley. L’entraînement est de plus en plus intense. Le lieutenant Marienne apprécie son calme, son courage, son sens de la discipline aussi ; c’est tout naturelle - ment qu’il le choisit, lui, le Breton de Pleudihen, pour l’accompagner avec le groupe qui sera le premier à retrouver le sol de la mère patrie.

La Croix Bouétard au Halliguen En mai 1944, Émile Bouétard qui savait (coll. Pierre Oillo). que le moment du départ était proche,

écrivait à une famille anglaise qui le Médaille commémorative du parachutage À l’école, c’est un enfant studieux et disci - recevait lors de ses permissions : « Inutile du 5 juin 1944 pliné. Il n’a pas encore 13 ans en 1928 de vous dire que nous n’avons qu’un désir : (coll. Pierre Oillo). quand il obtient son certificat d’études prendre une part active afin de libérer qui marque la fin de sa scolarité. Comme notre cher pays le plus tôt possible. ses cinq frères et sœurs plus âgés que lui, Espérons que ce temps ne saurait tarder. De Sources il faut travailler pour apporter sa contri - durs combats nous attendent mais nous D’après les témoignages des parachu - L bution aux dépenses de la famille. Il veut e n’avons pas peur car nous sommes là pour tistes du 4 SAS : Maurice Sauvé, de d naviguer et travaille dans une ferme en venger tous les crimes faits pendant les l’équipe radio du lieutenant Marienne, attendant d’embarquer comme mousse longues années d’occupation » . fait prisonnier au Halliguen, de Guy Le A dans la marine marchande, ce qu’il réalise Citol, du stick du sous-lieutenant Les Allemands rendent les honneurs e le 2 février 1929. Il trouve un poste de Richard, fait prisonnier au Roc-Saint- novice en mars 1932 sur le Washington , un à un parachutiste en uniforme André (Morbihan) qui fut dirigé sur À cargo mixte. En 1935, il fait son service Alors que les troupes alliées arrivent sur l’Allemagne avec l’équipe radio du militaire dans la marine où il passera les plages normandes, le corps du caporal lieutenant Marienne et de Joseph Jégo, L 30 mois. Ses obligations militaires Émile Bouétard, baignant dans son sang, résistant de Plumelec qui permit la p terminées, il embarque sur plusieurs est allongé sur la terre de sa Bretagne jonction des sticks des lieutenants bâtiments de la Compagnie Générale natale. Le sous-lieutenant Haas ordonne Marienne et Déplante. Transatlantique avant d’être mobilisé en de le transporter à Locminé. novembre 1939 et affecté sur le pétrolier Garonne puis à la base de Beyrouth, où il Revêtu de son uniforme de parachutiste, il Bibliographie est placé dans un cercueil et conduit au se trouve lors de la signature de l’armis - Henri Déplante, La Liberté tombée du tice. cimetière sur un chariot par une escorte d’honneur allemande de dix hommes. ciel , Éditions Ramsay, 1977. De retour en France en août 1940 et François Souquet, Émile Bouétard, Seul le curé doyen de Locminé est auto - démobilisé, il refuse l’occupation de son caporal dans les Free French risé à accompagner le cercueil. pays et décide de rejoindre l’Angleterre. Paratroops , 2006. Il trouve un embarquement à Marseille et Une demi-heure après le départ des Extrait du cahier de juin 1944 de la se retrouve à Casablanca en février 1942. Allemands, la tombe d’Émile Bouétard paroisse de Locminé. En avril, il embarque sur le cargo Île de Ré était couverte de fleurs apportées par la

ERRATUM Plusieurs erreurs se sont glissées dans l’article « De l’Alsace à la base aérienne de Blida (extraits) » , paru dans le numéro 51 de la revue. Albert Baradel a été incorporé au Reicharbeitsdienst le 22 novembre et non le 22 janvier 1943. De même, Vasco Falaschi, qu’Albert Baradel a rencontré dans la ferme « La Dispensa » , où l’un et l’autre étaient réfugiés, ne combattait pas auprès des Allemands, mais était un résistant réfractaire à la mobilisation dans l’armée italienne reconstituée en 1944 par Mussolini qui devait combattre contre les Alliés. Enfin, précisons qu’Albert Baradel, Charles Greder, Louis Richard et Henri Rubly s’étaient tous les quatre évadés avec pour objectif de rejoindre les Forces françaises libres du général de Gaulle.

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LIVRES

La France Libre fut africaine

Le ralliement de l’AEF, en août 1940, fut le fait d’une minorité active, favorisée par la dépendance de ces territoires vis-à-vis de l’Angleterre, avec une part de bluff et de ruse. Rupture inédite avec la métropole, il est le fruit d’une rencontre entre une conjoncture locale, marquée par la politique intérieure française et le contexte colonial de l’AEF et du Cameroun, et la volonté de De Gaulle à Londres. Avec la campagne du Gabon en novembre 1940, toutefois, la « dissidence » tourne à la guerre civile. Ces territoires, une fois ralliés, assurent à la France Libre une légitimité, un territoire où exercer sa souveraineté, avec une capitale, un Bulletin officiel , une presse officielle, une radio à prétention mondiale, une devise, outre des projets de monumentalisation. Les masses africaines font l’objet d’une attention toute particulière, à travers un effort de propagande, des campagnes de dons plus ou moins volontaires et une militarisation des populations. L’Afrique française libre (AFL) doit alors faire face à l’hostilité de l’AOF vichyste, mais aussi, en AEF, des vichystes réfractaires, des soldats faits prisonniers lors des ralliements et des déserteurs, sans compter la hantise des espions nazis. Mais il faut aussi compter avec les conflits internes au mouvement, entre administration centrale et postes ruraux, administration civile et militaire, républicains et non républicains, gouverneur général et haut-commissaire. Il en découle une impression de chaos dont sont bien conscients les Français Libres, mais aussi les Alliés. Enfin, perdurent des tensions propres à la stratification et à l’iniquité de la société coloniale. Grâce aux troupes levées en AFL, la France Libre peut passer à l’offensive dès 1941 contre la Libye italienne, avec la prise de Koufra, malgré un dénuement matériel qui perdure jusqu’en 1943 et la vulnérabilité de l’AFL par rapport à ses voisins. Sans doute embarrasse-t-elle d’abord plus qu’elle ne rapporte, mais cette première conquête aiguise un certain expansionnisme français libre. Plus de 17 000 tirailleurs, chauffeurs et travailleurs auxiliaires sont levés entre 1940 et 1943, non sans dérapages dans le recrutement, minoritairement volontaire, organisé par l’administration coloniale avec les chefs coutumiers ou élus de la population sur des bases ethniques et sociales. Mais en dépit de réticences initiales, la France Libre promeut des Africains au rang de sous-officier, voire d’officier. Si les noirs de la Force L sont remplacés par des Européens et des Nord-Africains lors de la formation de la 2 e DB en 1943, ceux de la 1 re DFL poursuivent le combat en Europe jusqu’au remplacement des tirailleurs par des FFI, fin 1944. Sur le front de l’Atlantique, en 1945, encore, le régiment AEF et Somalie et le BM2 prennent une grande part dans la libération de Royan. Outre son importance symbolique et son apport militaire, le ralliement de l’AEF et du Cameroun s’avère essentiel dans la recherche de matières premières par les Alliés, particulièrement en caoutchouc, dont la production croît entre 1942 et 1944, après la perte des colonies d’Asie du Sud-Est. Même s’il est rémunérateur et permet des enrichissements, cet effort conduit à une surexploitation du caoutchouc sylvestre et à un épuisement des cueilleurs, contraints autant qu’incités à faire un travail qu’ils jugent pénible. Le même problème se pose pour les mines d’or, dont la production, inutile pour l’effort de guerre allié, s’inscrit dans une stratégie d’autonomie financière de la France Libre. La France hérite en 1940 des pratiques coloniales passées : le fichage des populations, la censure du courrier et de la presse, qu’elle perfectionne, et le travail contraint, notamment pour le développement du réseau routier, qu’elle tente d’organiser, créant des offices du travail afin d’améliorer la productivité. En réaction, cette politique suscite des flux migratoires, des tentatives pour ruser avec le système colonial et des flots de plaintes adressées à un gouverneur général supposé plus à l’écoute des noirs. La conférence de Brazzaville, de janvier à février 1944, constitue une rupture par rapport aux pratiques passées, en dépit de l’insatisfaction des nationalistes et des colons, comme en La France Libre fut africaine témoignent les émeutes de Douala en septembre 1945. Même si sa mémoire demeure, par- delà les aléas, l’après-guerre jette un certain voile sur la geste des Français Libres africains, qui Éric Jennings ne comptent que onze combattants et cinq civils compagnons de la Libération, et dont bien Perrin, mars 2014, 384 p., 23 € peu de monuments honorent le sacrifice. Ma participation à la guerre de 1939-1945

Réfugié avec sa famille dans le Limousin, Henri Parisot s’évade de France par l’Espagne, à la suite de l’occupation de la zone Sud par les Allemands en novembre 1942, et rejoint Londres où, après un passage par Patriotic School , il s’engage dans les Forces françaises libres.

Affecté au BCRA, il est parachuté dans l’Allier au début de 1943, après une formation d’agent secret et un stage de parachutisme auprès des services britanniques, et œuvre au sein du réseau « Vector » , chargé des liaisons aériennes avec l’Angleterre. Il est aussi amené à assurer des opérations en liaison en sous-marin sur la côte méditerranéenne. Cette mission se prolonge jusqu’à son rembarquement pour Londres, dans la nuit du 13 au 14 juillet 1943, afin d’effectuer une formation complémentaire.

De retour en France en août 1943, il est désigné pour assister les réseaux « Confrérie Notre-Dame » , « Alliance » et « Phratrie » , largement touchés par les arrestations, dans des opérations de liaison aérienne. En octobre 1943, « Vector » devient la Centrale « Amarante » , avant d’éclater, un mois après, en trois sous- réseaux régionaux. Grillé à la suite d’une arrestation à Lyon à la fin de 1943, il est évacué en Lysander dans la nuit du 3 au 4 mars 1944, affecté au bureau R3 du BCRA et adjoint au colonel Rémy pour former à la sécurité les agents devant être parachutés en France. Ma participation à la guerre Rentré à Paris après la Libération, il est détaché auprès de l’OSS et sert pendant deux ans en de 1939-1945 Allemagne occupée, avant de rentrer dans la vie civile en 1947. Claude et Henri Parisot Un petit livre de souvenirs, sans plus de prétention, écrit à quatre mains et achevé par sa Autoédition, février 2014, 63 p. femme après le décès d’Henri Parisot en juillet 2000, à partir des notes qu’il avait laissées.

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LIVRES

De Gaulle, la République et la France Libre 1940-1945

Tout autant qu’une aventure militaire, la France Libre fut une entreprise politique. C’est ainsi que se comprend l’effort mené par de Gaulle et les Français Libres pour convaincre, informer et mobiliser, et ce, dès les appels de juin 1940. Illustré par les émissions françaises de la BBC, le propagandisme mondial de De Gaulle se signale par l’éclatement des moyens, qui nécessite la mise en place de structures efficaces, sous la houlette de Jacques Soustelle à partir de 1942, jusqu’à l’unification avec les services d’Afrique du Nord au moment du CFLN. Dans le même temps, Vichy se compromet dans une politique collaborationniste de plus en plus massivement rejetée par la population, favorisant l’émergence puis le développement d’une Résistance, bientôt rassemblée sous l’égide du général de Gaulle par les soins de Jean Moulin. Profondément marqué par les débats du XIX e siècle sur la légitimité, de Gaulle formule la nécessité de refonder l’État et de réinventer la République. Dès avant le « virage démocratique » s’affirme une fidélité républicaine dont une étape essentielle sera la « République française d’Alger » . Le rôle de René Cassin est manifeste sur la démocratisation progressive des institutions de la France Libre, la « question juive » , le rétablissement de la légalité républicaine dans la France libérée et le combat en faveur des droits de l’Homme. Malgré leurs divisions entre gaullistes et antigaullistes, les socialistes, nombreux au CNF surtout à partir de 1942, contribuent aussi à cette reconstitution d’un État républicain, dont l’élément le plus singulier est peut-être l’Assemblée consultative provisoire, qui œuvra à Alger entre novembre 1943 et juillet 1944. L’union nécessaire à la libération du territoire et à la prise du pouvoir par le GPRF ne s’est pas faite sans heurts. Elle est marquée par la figure de Jean Moulin, déterminant dans l’affirmation de De Gaulle comme le seul chef de la Résistance, et dont l’arrestation a sans doute pesé lourdement sur l’évolution de la situation en France occupée en 1943-1944. Durant cette période a lieu notamment la bataille des Glières, dont la constitution en « réduit » , que personne n’avait planifié, aboutit à un drame, mais qui est élevée au rang de mythe par la lutte radiophonique entre Maurice Schumann et Philippe Henriot. Le rôle accordé à la Résistance – diversement prise en compte par les Alliés – dans les opérations de débarquement fait l’objet d’instructions préparées par le Bloc Planning du BCRA, qui De Gaulle, la République et la prévoit un échelonnement des actions, en opposition avec le leitmotiv communiste de France Libre 1940-1945 l’ « insurrection nationale » dès le débarquement. Ces temps de tensions ont pu déboucher sur des polémiques d’après-guerre, ainsi les attaques sans fondement de Jean-Louis Crémieux-Brilhac Frenay contre Moulin. Ils ont également trouvé leur expression monumentale dans les Perrin, collection Tempus, avril 2014, Mémoires de guerre de Charles de Gaulle, chef-d’œuvre littéraire autant qu’historique, qui demeure une référence, même avec le développement des études sur l’histoire de la 493 p., 11 € France Libre depuis les années 1990. Radio libre 1940-1945

OS dans une usine d’Aubervilliers au début de la guerre, Maurice de Cheveigné connaît l’Exode, avant de faire le choix de se battre avec les Anglais, après l’armistice de juin 1940. Évadé de France par l’Espagne en septembre 1940, où il connaît deux mois les geôles franquistes, avant d’être libéré, grâce aux Britanniques, en échange de pétrole, il rejoint l’Angleterre, où il s’engage dans les FAFL, avant d’apprendre qu’une pleurésie contractée en prison lui interdit de voler. En raison de ses connaissances en TSF, on le nomme instructeur en radio au camp de Camberley, mais il est bientôt recruté par le BCRA et parachuté en France en mai 1942 en qualité de radio de Jacques Soulas, chef d’une mission pour le commissariat national à l’Intérieur. Quelques mois plus tard, on le transfère du CNI au BCRA pour épauler le secrétariat de la Délégation générale – dirigé par Daniel Cordier, qu’il avait connu à la Special Training School n° 52, à Thame Park, et qu’il a retrouvé par hasard à Lyon –, confronté à un manque de liaisons radio. Il assure aussi les transmissions du réseau Brandy, près de Chalon-sur-Saône, en échange de points d’émission. Il connaît alors la solitude et la précarité matérielle de la vie clandestine, la menace que font peser les services allemands de radiogoniométrie, les imprudences des agents de Londres et des résistants, les frictions avec un état-major de Londres dont les rappels des règles de sécurité sont jugés déconnectés de la réalité ou des mouvements de la Résistance intérieure jugés peu enclins à aider les envoyés de Londres, mais aussi la camaraderie des combattants de l’ombre. Fin 1942, un service central des transmissions est finalement organisé par Daniel Cordier, à l’initiative de Jean Moulin. Cheveigné en prend la tête, quand Cordier part à Paris, en mars 1943, pour y organiser le secrétariat de la délégation. Juin 1943, retour à Londres, via Alger et Gibraltar. Après cet entracte, il accompagne Raymond Fassin, DMR dans la région A, où il organise les transmissions du BOA Nord de Radio libre 1940-1945 Jean-Pierre Deshayes. Maurice de Cheveigné Arrêté à Lille le 4 avril 1944 par des hommes de la Geheime Feldpolizei , il est interné à la prison de Loos, avant d’être déporté en Allemagne, le 31 août. Pour lui commence alors Préface de Daniel Cordier l’enfer du camp de concentration de Sachsenhausen-Orianenburg et de ses Postface de Sébastien Albertelli Kommandos , jusqu’à son évacuation, le 21 avril 1945. Au terme d’une marche de la mort, lui et ses compagnons de souffrance sont abandonnés par les SS le soir du 2 mai, près de Le Félin, mars 2014, 224 p., 20 € Crivitz, et libérés le lendemain par les Soviétiques. Le périple prend fin avec son rapatriement vers Paris, « cinq ans, presque jour pour jour » , après son départ, en juin 1940. AVIS À NOS ABONNÉS Sauf avis contraire de notre part, les ouvrages faisant l’objet d’un compte-rendu dans notre revue ne sont pas disponibles à la vente à la Fondation de la France Libre.

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IN MEMORIAM

Pierre Bouquerod à Polytechnique, il embarque avec prépondérante à la défense héroïque du d’autres taupins à Saint-Jean-de-Luz à village de Rossfeld qui a résisté à tous les C’est avec émotion que la France bord du paquebot polonais Batory à furieux assauts de l’ennemi » . Libre du Jura a appris le décès de destination de l’Angleterre et s’engage Aide de camp du général de Gaulle de M. Pierre Bouquerod, notre ami, notre le 1 er juillet dans les Forces françaises 1966 à avril 1969, le colonel camarade. Nous présentons à toute sa libres. famille nos condoléances les plus d’Escrienne reste à ses côtés jusqu’à Nommé aspirant le 1 er mai 1941 après attristées, les plus sincères. sa mort en novembre 1970 et publie des cours d’élève-officier d’artillerie, il chez Plon Le Général m’a dit… 1966-1970 En août 1940, âgé de vingt ans, il est affecté à la défense du port de en 1973 puis De Gaulle, de loin et de près répond à l’appel du 18 Juin, signant un Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, où il en 1978. Il était commandeur de la engagement dans les Forces navales arrive en novembre. Muté en juin 1943 Légion d’honneur. françaises libres, et sert sur l’aviso à l’état-major d’un groupe d’artillerie Commandant Duboc , à bord duquel il à Madagascar, il parvient à rejoindre combat sur toutes les mers du globe en septembre 1944 des éléments Claude Mademba-Sy pour défendre la patrie, la liberté et les isolés de la 1 re DFL à Oran et intègre le valeurs de la République. 1er régiment d’artillerie le 12 décembre, Pour nous, c’était « Claude » . Pour moi surtout. Car tous deux avions fréquenté, Toute sa vie Pierre Bouquerod aura été alors qu’il est en partance pour la sans nous connaître, ce même lycée fidèle à l’esprit de l’Appel, au général poche de La Rochelle. Carnot à Tunis en 1941-1942, énorme de Gaulle et aux valeurs de la France Le 26 décembre 1944, suite à l’offensive boîte de plus de six mille élèves (le Libre. On gardera le souvenir d’un allemande dans les Ardennes, son deuxième de l’Empire, disait-on à homme de conviction et de valeur, et régiment est dirigé vers l’Alsace, à l’est l’époque, après Louis-le-Grand). de ses qualités humaines, en n’oubliant d’Obernai, où il participe à la défense pas ce qu’il a fait pour la France, en de Strasbourg. Après la réduction de la Après mon passage dans l’armée sauvant son honneur. Son engagement poche de Colmar en février 1945, la d’Afrique et la guerre de Tunisie, j’aurais dans les Forces françaises libres lui a 1re DFL est envoyée le 11 mars 1945 sur pu le rencontrer, pendant notre « exil valu la médaille commémorative des le front des Alpes. en Tripolitaine » , car nous étions deve - services volontaires dans la France nus tous deux ce dont nous sommes le Entré à Polytechnique en octobre Libre. plus fier : des Français Libres, par 1945, il fait carrière dans l’industrie notre engagement derrière le général Pierre Bouquerod, Français Libre, pétrolière. Il était décoré de la Légion de Gaulle. Il participa ensuite aux soldat du général de Gaulle, repose en d’honneur, de la croix de guerre 1939- campagnes de la 2 e DB du général paix ! 1945, de la médaille de la Résistance et Leclerc, pendant que je ne quittai les Bruno Raoul de la médaille de la France Libre. rangs de la 1 re DFL qu’à la fin de la Délégué FFL du Jura guerre. Jean d’Escrienne Jean Duchêne Né à Meursault, en Côte-d’Or, en 1922, Jean Né en 1921 à Mayence, Jean Duchêne d’Escrienne entend parler, le 22 juin 1940, est le fils d’un officier mort pour la d’un général français qui refuse l’armistice France à Lille en mai 1940. Le 21 juin, et l’écoute le soir même sur les ondes de la alors qu’il est déclaré sous-admissible BBC. Évadé de France par l’Espagne en jan - vier 1942, il rejoint Londres, via le Portugal et Gibraltar, et s’engage à Londres dans les Forces françaises libres le 10 juin suivant. Après l’École des Cadets de la France Libre, promotion « Bir Hakeim » (juillet-novem - bre 1942), dont il sort aspirant, il part au début de 1943 pour l’Égypte et combat dans les rangs de la 1 re DFL en Libye, en Afrique du Nord et en Italie. Débarqué en Provence, il prend à Hyères, le 21 août 1944, la tête de sa section, son lieutenant ayant été tué, mais est blessé d’une balle à la poitrine, lors de la progression de son unité, et doit être hospitalisé à Casablanca. En janvier 1945, de retour auprès de ses camarades lors des combats d’Alsace, le sous-lieutenant d’Escrienne se voit cité à l’ordre de l’armée pour avoir, à la tête de sa section anti-chars, « par son allant et par l’exemple continuel Claude Mademba-Sy lors d'un débat pour la décristal - lisation des pensions civiles et militaires des anciens L’aspirant Jean Duchêne (coll. Duchêne). qu’il a donné à ses hommes, pris une part combattants africains (coll. particulier).

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IN MEMORIAM

Et puis, un jour, lors d’une réunion Claude Pot régionale des FFL, le président Mauran m’interpella : « Dis, il y a un Né le 25 août 1922 à Marnes-la- gars qui a fréquenté le même lycée Coquette, Claude Pot est le cinquième que toi ; c’est le grand là-bas, un et dernier enfant de Joseph Pot (1883- ambassadeur ». Bigre ! Je n’ai pas l’ha - 1949), ancien officier de marine, bitude de ces relations ! Bien m’en prit administrateur financier des Établis - d’aller au-devant de lui, car depuis… sements Cail, et de Marie Le Chatelier. il n’y eut pas une occasion de rencon - Il passe son enfance dans le 6 e arron - tre qui ne fût aussi celle de nous dissement de Paris. réjouir de nos souvenirs communs : le Après l’entrée en guerre, Mme Pot et lycée Carnot, ses élèves, ses profes - ses enfants s’installent dans la maison seurs, la vie et l’ambiance à Tunis en familiale d’Auxerre ; Claude Pot, alors 1941-1942, les plages, les sports (il fut en terminale, fait son année au lycée un très bon joueur de basket, je jouais Jacques Amyot. Lors de la débâcle de au rugby à l’ASF), les vedettes de juin 1940, la famille se réfugie en l’époque : Micheline Ostermeyer, Zizi Auvergne, près de Clermont-Ferrand, Taïeb Naccache… Nous n’en finission s où Claude Pot passe avec succès son pas. Faire équipe pour nous rendre baccalauréat. De retour à Paris, il dans les lycées et collèges apporter commence des études de médecine. notre témoignage aux élèves candi - dats au concours de la Résistance et En décembre 1942, il s’engage dans la de la Déportation était une occasion Marcel Ollivier en uniforme des FNFL et son épouse Résistance et devient agent de liaison (coll. J.-P. Ollivier). supplémentaire d’évoquer notre dans la centrale de renseignements Prométhée, sous les ordres du capi - jeunesse… Et nous avons continué, ration sur Dakar et de la campagne au taine Duboys. Arrêté le 13 mai 1943, il pendant des années, même quand, Gabon. Marin de métier, il rejoint le est interné dans la prison de Fresnes après une intervention chirurgicale, il Commandant Duboc après quelques de mai 1943 à janvier 1944. Transféré se trouva, définitivement hélas, cloué mois et débarque en mars 1941, alors au camp de Compiègne, il est dans un lit par une hémiplégie. s’étant porté volontaire pour les sous- déporté en Allemagne, d’abord au marins. Il retourne en Angleterre sur La chambre de Claude. Je lui apportais camp de Buchenwald de janvier à le RMS Narkunda puis sert sur le des journaux ; nous en discutions, août 1944, ensuite au camp de Witten- Surcouf , avant d’être hospitalisé pour comme de la vie de notre association. Annen de septembre 1944 à mars tuberculose pulmonaire. Il est ensuite Autour de nous, des photos des siens, 1945. Le 1 er avril 1945, profitant de la affecté à la base des chasseurs à mais comment ne pas être impres - débâcle allemande, il parvient à Cowes, à l’équipe volante, sur la sionné par celle où notre camarade s'échapper avec quatre de ses compa - vedette rapide n° 12 puis sur les chas - était décoré par le général de Gaulle gnons et rejoint les lignes alliées. en personne, par ce portrait peint de seurs 13 et 41 jusqu’à la capitulation De retour à Paris, il reprend ses études son grand-père, le chef africain allemande. de médecine et rédige des Mémoires de affichant fièrement sa Légion d’hon - Entré au Ministère des affaires étran - captivité et déportation . Le 23 juillet neur, par cet oriflamme du 1 er RMT et gères en janvier 1946, il sert dans dif - 1946 à Saint-Étienne (Loire), il épouse tous ces témoignages de son amour férents consulats et ambassades en Marie Paul, née en 1923, dont il aura de l’Afrique, de Tunis, de la France… Belgique, au Panama, au Pérou, au cinq enfants : une fille puis quatre Lors de mon avant-dernière visite, Paraguay et en Espagne. D’août 1962 garçons. il fut obligé de me répondre par écrit. à la fin 1964, il participe activement à l’organisation du Consulat général En 1950, après avoir obtenu son Ses obsèques ont dû paraître grandioses d’Alger et à l’évacuation de nos com - diplôme de médecin, il s’installe dans à la population de Briatexte. Un patriotes. Il sert ensuite au Canada, la maison familiale d’Auxerre, où il piquet d’honneur du 8 e RPIMA, deux en Sierra Leone, de nouveau au exerce la médecine, comme son généraux en tenue (j’en ai reconnu Canada, puis en Australie, avant de arrière-grand-père, pendant toute la deux autres en civil) parmi les officiers finir consul général à Vancouver. seconde moitié du vingtième siècle. présents, les caméras de la télévision, Il est décédé le 15 mai 2014 à Auxerre les parkings saturés, l’hommage Fervent Français Libre toute sa vie, il a à l’âge de 91 ans. Il était croix de rendu à l’intérieur de l’église puis sur été membre de l’Association des guerre 1939-1945, commandeur de la le parvis… FNFL depuis sa création. En 1956, il Légion d’honneur et officier de l’ordre Maurice Paulhiès avait répondu à une invitation de national du Mérite. Secrétaire de l’ATA FFL celle-ci, alors qu’il était chargé d’affaires à Panama, pour saluer le MariePot général de Gaulle en route pour la Marcel Ollivier Polynésie. Né en 1915 à Paris, Marcel Ollivier est Marcel Ollivier était officier de la décédé le 19 avril 2014 à Bruxelles. Légion d’honneur et du Mérite. Il avait également la médaille militaire Engagé dans les Forces françaises et la croix de guerre avec une citation. libres à la fin de juin 1940, il sert dans la compagnie des chars lors de l’opé - Jean-Pierre Ollivier

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CARNET

DÉCÈS

BEZZINA Pierre (BM5, 1 re DFL), GOUZÈNES Jean-Pierre PICARD Charles (SAS), le 21 avril 2014 à Hyères (83) (BIMP, 1 re DFL), le 19 avril 2014 à Besançon (25) en février 2014 BOUQUEROD Pierre (FNFL), PINEAU Barthélemy (1 re DFL), en avril 2014 à Montain (39) HOUÉ Maurice (FNFL), le 18 juin 2014 au Lamentin (972) le 14 mai 2014 à Saint-Doulchard BOUSSEL Louis Henri (réseau), (18) POT Claude (réseau Prométhée), le 19 janvier 2014 à Paris (75) le 15 mai 2014 à Auxerre (89) JAEGER Charles CARAGE Jacqueline, née Serpette (groupe Alsace, FAFL), RAILLANT Robert (BCRA), e (veuve de Michel, RMT, 2 DB), le 17 mai 2014 à Paris (75) le 13 février 2014 à Châtillon-sur- le 6 mars 2014 à Neuilly-sur-Seine (92) Seine (21) LORCET Jean-Paul (FNFL), DANON-BOILEAU Henri le 30 mars 2014 à Pornic (44) ROBIN Odette (RMT, 2 e DB), (veuve de Jean, 1 er RFM, 1 re DFL), le 1 er mai 2014 à Paris (75) MADEMBA-SY Claude le 14 juin 2013 à Saint-Martin-de- (RMT, 2 e DB), Bréhal (50) e DELGUEL Jean (RMSM, 2 DB), le 8 avril 2014 à Biriatexte (81) le 24 mars 2014 à Domme (24) ROSEREN Michel (FNFL), MARTIN D’ESCRIENNE Jean le 28 janvier 2014 à Grasse (2014) DESPOIX Henri (FNFL), (Cadets, 22 e BMNA, 1 re DFL), le 30 janvier 2014 à Cannes (06) le 6 mai 2014 à Millay (58) ROTALIER Henry de (FNFL), le 30 mars 2014 à Loctudy (29) DREYFUS Jeannine, née Cassin MILLER William David (RAF), (veuve de Gilbert, le 7 janvier 2014 à Paris (75) ROY Christian (train, 1 re DFL), services généraux), le 18 juin 2013 à Nantes (44) le 19 mars 2014 à Paris (75) MOUFLIN Michel (SAS), le 14 mai 2014 à Vallauris (06) SEMPLE Jr, Lorenzo (GSD, 1 re DFL), er re DUCHÊNE Jean (1 RA, 1 DFL), le 28 mars 2014 à Brentwood le 22 mai 2014 à Versailles (78) OLLIVIER Marcel Jean (FNFL), (Californie, États-Unis) le 19 avril 2014 à Bruxelles e FEREC Jean (CDCC, BM8, 22 GFTA), (Belgique) SITH Yim (1 re DFL) le 12 avril 2014 à Morlaix (29) le 7 mars 2013 à Clichy-la-Garenne FIFIS Louis (501 e RCC, 2 e DB), (92) le 16 avril 2013 à Pont-sur-Yonne (89)

Légion d’honneur :

Grand’croix : Émile Chaline Officier : Jean Papazow Chevalier : Alexandre Lepasteur Commandeur : Robert Bennes Chevalier : Andoche Antourel Chevalier : Roger Ludeau Commandeur : Jacques Lévis Chevalier : Georges Brouet Chevalier : Henri Maslin Commandeur : Louis Monguilan Chevalier : Jeanne Catayée-Duton Chevalier : Charles Millot Commandeur : Paul Tolédano Chevalier : Salvatore Cipolla Chevalier : Rémy Oliny Commandeur : Paul Wolfrom Chevalier : Ferdinand Courtot Chevalier : Marcel Orhan Officier : Louis Aublant Chevalier : André Deschamps Chevalier : Antoine Serra Officier : Lucien Bousson Chevalier : Manuel Gonzalez Chevalier : Marcel Streiff Officier : Marcel Heuzel Chevalier : Georges Goulancourt Chevalier : Roger Tanguy Officier : Robert Lasnier Chevalier : André Lemée Chevalier : Louis Treguer

Ordre national du mérite : Chevalier : Noël Houssaye

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DANS LES DÉLÉGATIONS

Alpes-Maritimes dépôt de gerbes. Jura 74 e anniversaire de l’appel du 18 Marie-Christine Fix Présentation à la presse de la juin à Nice Déléguée de Nice dotation de deux livres dans les collèges et lycées du Jura À Nice, sous l’ombre bienveillante de la statue du général de Gaulle, Jean Samedi 19 avril 2014 à Saint-Claude avait Grimaldi, élève de terminale et lauréat Brésil lieu la présentation à la presse locale de la départemental du Concours National dotation de deux livres, le Dictionnaire de de la Résistance et de la Déportation 2014 Le 8 mai, le Brésil commémorait la la France Libre et L’Épopée de la 1 re DFL , a lu le célèbre appel du 18 juin, appel qui, victoire des Alliés en Europe au qui seront distribués dans les collèges et entendu en 1940 par ceux qui refusaient Monument aux morts de la Seconde lycées publics et privés du Jura. Bruno la défaite et la capitulation du régime Guerre mondiale, à Río de Janeiro. Le Raoul, délégué FFL du Jura, qui en est de Pétain, a permis, après une lutte ministre de la Défense, Celso Amorim, les l’initiateur, a présenté son projet à la deplusieurs années, de libérer la France. commandants des forces armées, le chef presse quotidienne et hebdomadaire De nombreux Niçois sont venus sur la d’état-major de la Défense et le Dr Ari départementale et à L’Hebdo du Jura , place du Général de Gaulle pour ce Matos, secrétaire général du ministère, le journal de Saint-Claude. 74 e anniversaire. ont déposé une gerbe sur la tombe du soldat inconnu avec trois anciens com - Parmi les invités, on notait la présence de battants : le lieutenant Melchisedech Gilbert Mégard, officier de la gendarme - Afonso de Carvalho, de la marine, le rie, en retraite, délégué du Souvenir capitaine Osias Machado da Silva, de la Français, du docteur Gilotte, de Franck force aérienne, et le lieutenant Dalvaro, de Guillaume, délégué Défense, de Gino la Force expéditionnaire brésilienne Lazzarotto, Résistance intérieure, maquis (FEB). du Haut-Jura. À la sonnerie Silêncio succéda Vitória , interprétées par les clairons de la cavalerie de la Garde, tandis qu’un navire de la marine, à l’ancre devant le monu - ment, tirait une salve de dix-neuf coups de canon et que deux avions F-15 du 1er groupe de chasse survolaient le site de la cérémonie.

De gauche, à droite, le docteur Gilotte, ami de la France Libre, Bruno Raoul, délégué FFL, Franck Guillaume, délégué Défense et ami de la France Libre. M. Bruno Raoul a indiqué que cette action s’inscrit dans le cadre d’actions deman - Marie-Christine Fix, déléguée de la Fondation, Gérard dées par la Fondation de la France Libre, Lacoste, président de l’association Les Amis de la Fondation de la France Libre des Alpes-Maritimes, en direction de la jeunesse, pour servir la Geneviève Morissée, porte-drapeau de la délégation et transmission du devoir de mémoire. Ces trésorière de l’association, et le colonel Jean-Paul deux livres qui se trouveront prochaine - Andreoli, commandant de la base 943, DMD des Alpes- ment dans les CDI des collèges et lycées Maritimes, avec la gerbe de la Fondation. du Jura, permettront aux élèves de mieux Le capitaine Pascal Gras, le sergent Carlos Vasconcelos et le caporal Jose Augusto Francisco, connaître l’histoire de l’épopée de la La cérémonie a débuté par l’évocation avec Akiba André Lévy France Libre. Ils seront un atout pour la historique de ce moment d’histoire, lue (Assessoria de Com Social – Casa da FEB). préparation du Concours National de la par la déléguée départementale de la Résistance et de la Déportation ou pour fondation de la France Libre. Parmi les anciens combattants français, leur culture générale. emmenés par Roland Melo leur prési - Puis le député-maire de Nice, Christian Cette action a eu le soutien de l’inspecteur dent, on comptait Akiba André Lévy, qui Estrosi, et les autorités présentes ont salué régional de l’Éducation nationale, M. l’action des Français Libres, connus ou servit en 1944-1945 à bord du croiseur Kronisky, chargé des CDI pour la région inconnus, mais tous solidaires de cet élan Jean Bart et de l’aviso La Boudeuse , ainsi Franche-Comté, du président de la d’unité croissant. que trois anciens combattants de la Fondation de la France Libre, le général La cérémonie s’est ensuite poursuivie Légion étrangère : le capitaine Pascal Robert Bresse, de Mme Blandine par la remise de nombreuses gerbes, Gras et le sergent Carlos Vasconcelos, du Bongrand Saint Hillier, vice-présidente re en particulier celle de la FFL, en forme 2e régiment étranger de parachutistes, et de l’amicale de la 1 DFL, fille du général de croix de Lorraine pour se terminer, le caporal Jose Augusto Francisco, du 1 er Bernard Saint Hillier, Français Libre, régiment étranger de cavalerie. Par leur compagnon de la Libération, et les encou - par le chant de la Marseillaise , entonnée me par une soprano niçoise mais reprise présence, ils rendaient un double ragements de M Anne Brossolette, fille en cœur par toute la foule présente. de Pierre Brossolette, Français Libre, hommage à leurs compatriotes morts compagnon de la Libération, mort en « Une cérémonie émouvante » a confié soixante-dix ans plus tôt et au sous-lieu - martyr, mort pour la France. Elle a Julie, élève de quatrième venue accompa - tenant du 2 e REP tué la veille au Mali, bénéficié des soutiens financiers de gner, comme plusieurs de ses camarades, dans un même combat pour un monde l’entreprise Rivoire-Jacquemin, de Mme les autorités du département lors du libre. Dalloz, députée du Jura, du conseil

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DANS LES DÉLÉGATIONS

général du Jura, des mairies de Poligny et l’un et l’autre d’origine jurassienne, ont durant quinze jours, 32 000 soldats de Morez, du Crédit Mutuel de Saint-Claude. refusé la défaite pour continuer le combat Hitler et Mussolini. Ils ont résisté à tous contre l’occupant nazi. Avec les autres les assauts, aux bombardements inces - Français Libres, ils sont des exemples sants d’artillerie et d’aviation et, le 11 juin, Le 8 mai à Montain vivants qui nous invitent au refus du ils ont rejoint les forces alliées en brisant fatalisme et à la certitude que nous l’encerclement. Ils ont perdu plus d’un En marge de la cérémonie commémora - pouvons agir sur notre avenir commun. millier des leurs, mais, en immobilisant tive du 8 mai 1945, la délégation de la les effectifs ennemis, ils ont donné aux France Libre du Jura rendait hommage à Bruno Raoul deux Français Libres qui reposent au Délégué du Jura Britanniques un répit qui a sauvé l’Égypte. cimetière à Montain. Un verre de l’amitié était offert à toutes les En présence du maire de la commune, Lot-et-Garonne personnes présentes en fin de cérémonie. Michel Brutillot, du président du syndicat 8 mai des trois clochers, Jacques Combettes, du maire du Louverot, Michel Gris, de La commémoration du 69 e anniversaire M. Vital Godin, porte-drapeau de la de la victoire du 8 mai 1945 a gardé toute France Libre du Jura, c’est avec une sa solennité en Lot-et-Garonne et la grande émotion que la France Libre du représentation de la Fondation de la Jura a déposé une gerbe en mémoire de France Libre a pu se manifester par la pré - Pierre Dargent et du général de Larminat. sence, auprès des autorités civiles et mili - taires, du délégué départemental Francis Le délégué FFL du Jura a relaté le parcours Ruffier-Monet à Villeneuve-sur-Lot et de de Pierre Dargent, né à Dole, élève de son adjoint, Bertrand Solès, à Agen. Sciences-Po. Engagé dans les Forces françaises libres en 1940, cet enfant du Dépôt de croix de Lorraine en compagnie Jura est mort pour la France à Bir Hakeim d’élèves de lycées et discours en le 8 juin 1942, à l’âge de 20 ans, en com - mairie permirent de rappeler les diverses Francis Ruffier-Monet et Nicole Bernadet entourés battant pour défendre les valeurs de la actions menées par les Forces françaises des porte-drapeaux lors de l’inauguration de la France, les valeurs de la République. libres de terre, de mer et de l’air unies à plaque (photo Rose Pons). celles des Alliés sous l’impulsion du géné - ral de Gaulle, dont fut lu l’ordre du jour du 9 mai 1945. Rose Pons Extrait de Sud Ouest Le traditionnel vin d’honneur a clôturé ces rencontres dans la perspective du mémo - rable 18 juin 1940, qui reste pour toujours Collège Joseph-Chaumié le symbole de la France Libre. Le souvenir du 6 juin 1944 reste celui de Francis Ruffier-Monet l’espoir et de la libération. C’est ce jour J de 2014 que le résistant lot-et-garonnais, Francis Ruffier-Monet, invité par M. le Plaque Bir Hakeim Président de la République, se rendra avec Le jeudi 15 mai après-midi, le Souvenir son épouse à Ouistreham. Fier mais sur - Français de Casteljaloux, présidé par pris, c’est pour lui un honneur dont il ne Annie Bourgade, a dévoilé, en présence cache pas l’importance. Dix-sept fois du président départemental, Francis médaillé, ce Narbonnais de naissance Hommage à Pierre Dargent et Edgard de Larminat s’était engagé en rejoignant l’Afrique et les au cimetière de Montain. Ruffier-Monet, la plaque du souvenir de la bataille de Bir Hakeim. troupes du général de Gaulle, où il servit dans l’artillerie au nom de la France Libre. Puis les autorités et la population, venues Cette annonce passe presque inaperçue nombreuses, se sont rendues sur la tombe dans la salle du collège Joseph-Chaumié, du général de Larminat, où Bruno Raoul a où Francis, dans un cadre pédagogique, évoqué le parcours de cette grande figure raconte l’histoire à des élèves de troi - de la Résistance, ancien combattant de la sième. Déjà sensibilisés, il s’agit pour eux Première Guerre mondiale , qui a rejoint de découvrir l’histoire vraie par le récit dès juin 1940 le général de Gaulle avant de raconté d’un vécu local. jouer un rôle déterminant dans le ralliement du Moyen-Congo à la France C’est à la fraternité qu’il rend un hom - Libre, haut-commissaire et commandant mage, puisqu’il rappelle l’importance cru - des troupes de l’Afrique française libre ciale que les Africains, mais aussi nombre puis successivement commandant en d’étrangers solidaires de la France, ont chef au Levant, des Forces françaises constitué dans la Libération. À 91 ans, il libres en Libye, où il organise les défenses explique qu’il n’existait pour lui qu’un de la position de Bir Hakeim, avant seul parti, celui de la solidarité, du partage Dépôt de la croix de Lorraine accompagné de jeunes et du patriotisme. Le combat s’est orga - l’offensive des troupes germano- lycéens. italiennes, de la 1 re DFL pendant la nisé autour de confessions et de nationa - lités multiples sous la même idée, celle campagne de Tunisie, d’un corps de Nicole Bernadet, maire de Labastadie- poursuite du corps expéditionnaire fran - que « nous étions tous des frères » . Le plai - Castel-Amouroux, a prononcé un dis - çais en Italie, du 2 e corps d’armée lors sir, pourtant douloureux, est visible chez cours, tout comme Francis Ruffier-Monet du débarquement de Provence et des cet homme qui raconte au nom du devoir qui a retracé cette bataille de 1942 où, près troupes françaises sur le front de de mémoire et insiste sur le partage de l’Atlantique en octobre 1944. de l’ancien point d’eau de Bir Hakeim, en cette victoire. Invité sur la tribune d’hon - plein désert de Libye, 3 723 combattants neur par François Hollande, il avait lui- Pierre Dargent et le général de Larminat, de la France Libre ont tenu en échec, même, le 15 août 1944, participé au

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DANS LES DÉLÉGATIONS

débarquement de Provence. Cela sera l’armistice fait résonner la clameur de sou - Nouette, élevé en hommage aux parachu - donc pour lui une véritable émotion, et lagement de millions d’hommes et de tistes du 4 e SAS et aux maquisards de trois Bertrand Solès insiste « sur la poignée de femmes. Pour les Français, il signifie la fin bataillons FFI qui combattirent en ces héros qu’il reste à la France, et sur la néces - d’une période terrible d’infortune et d’ad - lieux le 18 juin 1944. De très nombreux sité de leur rendre hommage » . versité. Et pour la Terre, c’est l’espérance drapeaux encadraient le monument, dont d’un meilleur monde, d’une paix libérée du celui de la Fondation de la France Libre, Chloé Dubois totalitarisme et de la haine. Nous ne pour - porté par Hugo Le Hénanff, lauréat du Extrait du Petit bleu rons, cependant, jamais oublier que cette collège Saint-Julien de Malestroit, 1 er prix date marque aussi la fin d’un conflit terri - dans la catégorie collège devoir indivi - Mexique ble, dont aucune partie du monde n’a été duel.

e épargnée : de Bastogne à Stalingrad, de La commémoration du 69 anniversaire Monte Cassino à Okinawa, de Narvik à Bir de la fin des combats de la Deuxième Hakeim et d’Auschwitz à Hiroshima. La Guerre mondiale en Europe, organisée mémoire de ces événements continue de par la Fédération des associations patrio - rester vivante, […] ils ont toujours un sens tiques, en collaboration avec la mission de pour le présent et ils doivent avoir une défense de l’ambassade et le consulat force d’enseignement pour l’avenir... » général, s’est déroulée le 8 mai dernier, comme les années précédentes, au cime - Après le dépôt de la gerbe, la Sonnerie aux tière français de la Piedad. morts par deux clairons de la marine mexicaine fut suivie par une minute de Ont assisté Mme l’ambassadeur de France silence puis l’hymne mexicain et la au Mexique Élisabeth Beton-Delègue, le Marseillaise . capitaine de vaisseau Christophe Suard, attaché de défense de l’ambassade de Rodrigo Hernández France au Mexique, le colonel Yves Rols, Notre délégué remet son prix à Claire Pérot, du Morbihan lycée Joseph-Loth de Pontivy, 2 e prix devoir attaché de défense adjoint au Mexique, individuel lycée. des représentants des différentes associa - Remise des prix du CNRD tions françaises et danciens combattants, Pour le 70 e anniversaire de la Libération, Après l’historique fait par le colonel Joly, attachés militaires des différents pays, délégué général du Souvenir Français et représentants des associations patrio - Saint-Marcel, l’un des hauts lieux de la Résistance dans le département, a été délégué général adjoint de la Fondation tiques, Camerone A.C., le Souvenir de la France Libre, quatre gerbes furent Français, la Fondation de la France Libre. choisi pour accueillir la remise des prix du Concours National de la Résistance et de déposées au pied du monument, grand la Déportation. phare qui domine la campagne environ - nante, qui fut baptisée la 400 lycéens et collégiens ont participé « Petite France » , zone libérée par le cette année au concours 50 lauréats maquis sous les ordres du capitaine de avaient été retenus pour recevoir un prix. vaisseau Chenailler et du commandant Bourgoin du 6 au 18 juin 1944. Chaque Très belle cérémonie organisée par Mme nuit des avions parachutaient sur la Yvette Lecomte, inspectrice d’académie dropping zone « Baleine » armement et honoraire, présidente du Comité de liai - munitions qui permirent d’équiper près son du CNRD et membre de notre asso - de 3 000 FFI. ciation, présidée par M. Jean-François Savy, préfet du Morbihan, qui était Après le repas offert au restaurant accompagné des maires de Sérent et de « Le relais du maquis » aux lauréats et à Saint-Marcel et des autorités civiles et leurs professeurs par les associations militaires, dont M me Françoise Favreau, patriotiques, les participants se rendirent directrice départementale des services à la salle polyvalente où se déroula la académiques de l’Éducation nationale, cérémonie officielle de remise des prix. M. Arnaud Bayeux, directeur départe - mental de l’ONAC, du colonel Pierre, Pierre Oillo commandant le 3 e RIMa, du colonel Toulon-Var Laniel, commandant le groupement de gendarmerie du Morbihan, du député et Le 7 mai 2014, à la préfecture du Var, nous du conseiller général, avec la participa - avons récompensé les lauréats 2013-2014 tion effective des associations patrio - du Concours National de la Résistance et tiques et du personnel du Musée de la de la Déportation sur le thème « La Résistance de Saint-Marcel. Libération du territoire et le retour à la Madame l’ambassadeur de France au Mexique. République » . Avec 250 élèves cette année, Après une visite du musée et la reconstitu - le Var devient l’un des départements fran - Cette cérémonie commença par un dis - tion d’un combat du maquis par une asso - çais à la plus forte implication d’élèves du cours de Mme Élisabeth Beton-Delègue : « ciation, les lauréats ont participé à la céré - public et du privé pour ce concours, le Le 8 mai 1945, il y a 69 ans, l’annonce de monie patriotique au monument de la plus important de l’Éducation Nationale, Visitez notre site : www.france-libre.net

Juin 2014 • N° 52 l 31 p29x32_Delegations_NEW_- 08/07/14 15:55 Page32

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avec une distinction pour l’Institut l’épopée des Évadés de France par Toulon-Var. Stanislas de St-Raphaël, avec le premier l’Espagne. Nos anciens résistants ont par - prix devoir individuel lycée pour Hadrien ticipé à la remise des prix aux différents Le 8 mai 2014, Morgan Maginot a lu à Voillot, et l’Externat St Joseph d’Ollioules, lauréats : M. Canut, président de la Toulon l’ordre du jour du général de avec le premier prix devoir individuel col - Société des amis de Jean Canailles, figure Gaulle aux armées de terre, mer et de l’air lège pour Dan Boileau. de la Résistance, le docteur Angelin du 9 mai 1945 et remis la gerbe de la FFL avec Brice Hoarau. Le même jour, Michel L’inspecteur pédagogique d’histoire de German, médecin des maquis du Var, Magnaldi a lu le même ordre du jour au l’Académie du Var envisage de faire parti - presque centenaire, et MM. Morin, de Beausset, à l’invitation de son nouveau ciper les élèves de troisième du Var au bre - l’AFMR, Meyer, président varois du maire, Georges Ferrero, et remis la gerbe vet blanc et ceux de terminale au bacca - Mouvement uni de la Résistance, et de la Fondation avec trois jeunes lauréat blanc sur un sujet proche du pro - Laurent, de la FNDIRP, avec Mme Preau, Beaussétants : Emma et Gaëlle chain thème 2014-2015 afin d’assurer la directrice de l’ONACVG. Derougemont, et Noah Magnaldi. pérennisation du concours tout en prépa - rant les étudiants aux conditions d’exa - Michel Magnaldi a invité les lauréats à lui men. Le jury et les enseignants du CNRD remettre leurs coordonnées à l’issue du souhaiteraient la mise en place nationale goûter dans la salle de réception préfecto - de cette idée. rale pour développer l’Association natio - nale des lauréats en restructuration, dont Cette année, le maître de cérémonie à la le président national, Morgan Maginot, préfecture était Michel Magnaldi, de la jeune étudiant en master droit à Fondation de la France Libre, et le prési - l’Université du Sud-Toulon-Var, est aussi dent du jury, le commandant André participant de la FFL. Depuis Khelil Lemaire, des Évadés de France par Mehenni, lauréat 2013, les lauréats volon - l’Espagne. M. Emmanuel Dupuis, taires intègrent sans cotisation la FFL du sous-préfet du Var et directeur de cabinet Var pour différentes activités : jury accom - du préfet, représentait le gouvernement. pagnant ou suppléant, remise de gerbes, M. Noailles, inspecteur pédagogique correspondants établissements. Des d’histoire-géographie représentait informations leur sont communiquées l’Éducation Nationale. Gaëlle et Emma Derougemont, Noah et Michel par mail. Leur copie numérisée va leur Magnaldi, lors de la remise de la gerbe de la Le président du jury 2014 a rappelé être envoyée par mail par la délégation Fondation le 8 mai 2014 au Beausset.

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32 l Juin 2014 • N° 52 COUV 52_cor_- 08/07/14 16:54 Page3 CHEZ NOS AMIS

Louis Monguilan commandeur de la Légion d’honneur

e lieutenant-colonel Louis Monguilan a reçu la cravate de commandeur dans l’ordre national de la Légion d’honneur des mains de M. Paul Brès au site Mémorial du camp L des Milles, près d’Aix-en-Provence, le 4 mai dernier, « à la veille de l’anniversaire de la libération du camp de Mauthausen » comme l’a rappelé son épouse, Hélène Monguilan. Né le 16 avril 1926 à Lyon, il rejoint le réseau français libre « Goélette » à Nîmes, qui le charge, « après l’occupation de la zone sud par les Allemands, du relevé des défenses côtières allemandes en construction entre Les Saintes-Maries-de-la-Mer et le Grau-du-Roi » , comme le signale son fils, Jean-Louis Monguilan, sous-délégué de la Fondation à Aix-en-Provence. Arrêté par la Gestapo le 17 octobre 1943 sur dénonciation, il est emprisonné aux Baumettes, avant d’être transféré à Compiègne puis déporté à Mauthausen, où il est détenu du 25 mars 1944 au 5 mai 1945. Après la guerre, lui qui rêvait de devenir chirurgien « poursuit naturelle - ment une carrière militaire qui l’a conduit en Indochine et en Algérie où il a continué à se dis - tinguer » . Pilote d’aviation et d’hélicoptère, il découvre l’histoire du camp d’internement des Milles, au hasard d’une affectation, s’investissant en faveur de sa conservation, il s’adonne, à sa retraite, à sa passion pour l’archéologie aérienne et subaquatique, préside l’Association des Louis Monguilan avec la cravate de com - Français Libres de PACA des années 1980 aux années 2000 et œuvre à la création de la sec - mandeur de la Légion d’honneur tion locale de l’association des Croqueurs de pommes, dont il assure la présidence de 1992 (coll. Monguilan). à 2004.

Le feu du débarquement Cris d’attaque et de douleurs se répondaient, Dans un bruit de tonnerre aux fureurs déchaînées, À l’aurore d’un matin de juin enfiévré, À l’assaut des falaises au chemin écorché, L’impensable débarquement est arrivé, Traversant le mur de l’aveuglante fumée. Noircissant l’horizon de barges surchargées, Si intrépides sur cette mer démontée. Aujourd’hui, les plages au sable trop endeuillé, Se souviennent toujours de ce fameux D-Day De l’eau jusqu’au ventre, les soldats avançaient, Où tant de braves courageux ont succombé, Malgré les rafales abattant les blessés, Au nom d’un idéal épris de liberté. Comme si le diable de l’Enfer les tourmentait, Entourés des copains flottant à leurs côtés. Line Noël

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