MESSAGES 2015 REVUE ANNUELLE DE L’ASSOCIATION DES GLIÈRES POUR LA MÉMOIRE DE LA RÉSISTANCE

ÈME LE 27 B.C.A. DANS LA RÉSISTANCE

Créé en 1871, le 27 ème B.C.A. a écrit ses premières pages de gloire pendant la Grande Guerre. Arrivé sur en 1922, le bataillon fait partie du paysage annécien lorsqu’éclate le deuxième conflit mondial. Pourtant ce seront les années de clandestinité, les événements des Glières et de la libération qui seront le véritable creuset de l’intégration du 27 dans son en- MESSAGES vironnement haut-savoyard. L’implication des cadres ÈME du bataillon dans les maquis, la complicité des popu- LE 27 B.C.A. lations des vallées qui leur procurent abris et nourri- ture, au péril de leur vie, ont tissé entre eux des liens DANS LA RÉSISTANCE de cœur et de sang. 2015 L’inscription “ Les Glières 1944 ” dans les plis du drapeau des chasseurs est un vibrant hommage à cette intimité née entre le 27 et sa région. 50 ans de conscription ont depuis renforcé cet at- tachement mutuel.

Professionnel depuis près de 20 ans, essentielle- SOMMAIRE ment tourné vers les opérations extérieures, le batail- Éditorial p. 7 lon a trouvé dans son ancrage local un pivot du lien Armée-Nation. À l’heure d’un nouvel engagement • Le 27 ème B.C.A. des années noires p. 11 massif, dans le cadre de l’opération Sentinelle, sur 1940-1944 p. 17 le territoire national et notamment dans les pays de • Georges Aragnol, maquisard des Glières, p. 37 , ce lien né en 1944 montre à nouveau toute sa rescapé des camps valeur. Vivre la Mémoire p. 45 Lieutenant-Colonel Frédéric Vola Nécropole nationale de Morette, p. 47 65 ème chef de corps du 27 ème B.C.A. • • Collège des Allobroges, La Roche-sur-Foron p. 49 • Randoglières p. 51 • Commémoration de l’Appel du 18 juin 1940 p. 53 • Glières fête la Liberté p. 55 • Centenaire de la naissance de Tom Morel p. 56

De nouvelles publications p. 59 • Le maquis des Glières en 20 questions p. 61 • “ Pour des cerisiers en fleurs ” p. 63

In memoriam • Jean-Louis Crémieux-Brilhac p. 65 • Joseph Eusèbe p. 67

Un détachement du 27 ème BCA en tenue de parade Association des Glières rend les honneurs à la Nécropole Nationale de Morette pour la mémoire de la Résistance ÉDITORIAL

Cette édition 2015 de notre revue “ Messages ” est cen- se réfugier dans nos mon- trée sur le rôle du 27 ème Bataillon de chasseurs alpins dans la tagnes alors que rien n’avait Résistance en Haute-Savoie, à Glières en particulier, et dans pu être prévu pour les rece- la libération du département. voir. Leur nombre n’a cessé En effet, alors que rares sont désormais parmi nous les de croître jusqu’à dépasser ultimes acteurs 1, il faut rappeler le devoir de reconnaissance les 5000 au cours l’été 1943. qui leur est dû. À part ceux qui venaient par des filières de la Résistance, ces jeunes arrivaient sou- vent avec l’idée d’attendre quelques mois en sécurité dans une région accueillante Depuis sa création présentant l’avantage d’être il y a soixante et onze ans, occupée par les Italiens et non l’Association des Glières par les Allemands. Comme n’a eu de cesse de trans- une majorité de Français, ils mettre le message légué espéraient bien que les Alliés par les hommes du Plateau. débarqueraient en Elle s’est efforcée de faire avant l’automne. On com- connaître et respecter leur prend qu’une bonne partie histoire, notamment par cette d’entre eux ait quitté la région revue “ Messages ”. Pourtant, à la fin de l’été, au moment où quand on parcourt nos mul- arrivait l’armée allemande. tiples publications et déclara- C’est donc d’abord tions et qu’on essaie de mesu- pour faire face à cet afflux rer l’impact que nous avons incontrôlable que les respon- eu sur l’opinion de nos conci- sables du mouvement Com- toyens, on peut se poser une bat demandèrent au chef de question : l’image lumineuse bataillon Vallette d’Osia de de ces jeunes maquisards les rejoindre et de prendre prenant les armes pour libé- en mains l’organisation des rer notre patrie, si largement “ maquis ”. Utilisant le réseau justifiée soit-elle, ne laisse-t- des anciens de son bataillon, elle pas dans l’ombre le travail le Commandant se mit aus- de ceux qui leur ont appris à sitôt à la tâche avec toute “ faire la guerre ”? l’énergie qu’on lui connaît. N’oublions pas que, à la Ce ne fut pas une suite des décisions du gou- tâche facile. Tous les “ réfrac- vernement de Vichy sur “ la taires ” n’avaient pas “ pris le Relève ” puis le “ Service du maquis ” pour devenir des Travail obligatoire ”, les pre- combattants. La majorité miers Résistants de Haute- d’entre eux n’avaient jamais Savoie se sont trouvés face à eu la moindre formation un problème difficile à gérer : militaire, ni l’entrainement l’afflux de jeunes gens venant à la clandestinité. Certains

1/ Citons tout particulièrement Élie Muffat, sergent dans le bataillon Vallette d’Osia, chef de la section A.S. de Groisy, en soutien du maquis des Glières, libérateur de Thorens et d’Annecy aux côtés de Louis Mo- rel comme lieutenant dans la compagnie Le Chamois, aujourd’hui âgé de 97 ans et toujours présent pour témoigner.

6 La fanfare du 27 au plateau des Glières 7 avaient tendance à confondre attaques de l’armée d’oc- ils ont non seulement appris fut le cas notamment à Thuy la frontière des Alpes, où, sion le service de la France leur séjour dans nos mon- cupation ou des forces de à se battre mais auxquels ils (sur la commune de Thônes), tout au long de l’hiver 44-45, par les armes. Devenus des tagnes avec des vacances. Ils police françaises contre les ont insufflé la volonté de le Pouilly (près de Saint-Jeoire), se déroulèrent de durs com- “ professionnels ”, absorbés n’ont guère apprécié que des premiers maquis en 1943. faire au nom d’une “ certaine Saint-Gingolph. Bref, dans bats, pour aboutir à la vic- souvent par des “ opérations anciens du 27 viennent leur im- En témoignent ses rappels idée ” de la France et de la une guerre, il y a forcément toire du 8 mai 45. extérieures ”, ils peuvent poser les règles élémentaires à l’ordre énergiques (qu’on Liberté et dans la continui- des erreurs et toute erreur se Ce qu’on peut surtout trouver dans la mémoire des de la vie en groupe ( à com- trouvera dans ses Mémoires) té de ce qu’avait été “ le 27 ” paie … Mais, tout compte fait, en retenir c’est que, grâce à Glières et de la Résistance mencer par celles de l’hygiène adressés aux premiers res- dans ses heures de gloire reconnaissons que la popu- ceux qui ont encadré, formé, haut-savoyarde un champ indispensable ) et celles de la ponsables des camps. Il est comme dans ses moments lation de la Haute-Savoie a conduit les volontaires ayant de réflexions et d’inspiration sécurité collective en situation clair que les maquis haut- d’épreuves. La Haute-Savoie été plutôt épargnée. Tel était rejoint la Résistance, notre pour les valeurs morales de guerre. Ce sont ces prin- savoyards avaient bien be- ne doit pas l’oublier. bien le souci de ceux qui département a pu jouer un qu’ils doivent représenter et cipes élémentaires autant que soin du “ métier ” que pou- Mais nous devons aussi ont mené les grandes opé- rôle remarquable dans la libé- défendre. Leurs relations avec les techniques de combat qu’il vait leur enseigner la pléiade mieux mesurer que cet enca- rations de la Résistance - y ration de la France et la victoire la population haut-savoyarde, fallait leur apprendre à respec- de sous-officiers et d’officiers drement des maquis haut- compris lors des combats finale, en évitant largement le concrétisées dans les jume- ter. Malheureusement l’impres- qui les ont rejoints après la savoyards par des “ profes- des Glières - contre les occu- pire pour sa population. lages de leurs compagnies sion trompeuse de protection dissolution de l’Armée d’Ar- sionnels ” a épargné bien pants et leurs supplétifs. Il était donc nécessaire avec nos cités, accompagnées que leur donnait l’espace mistice. En fait, ces “ chas- des vies dans notre dépar- Ce fut surtout vrai de retracer l’histoire du 27 ème par leur remarquable Fanfare, montagnard leur faisait souvent seurs ” avaient, depuis 1940, tement non seulement au lors de la libération du dépar- Bataillon de Chasseurs Alpins sont essentielles pour leur trouver inutiles les exigences un objectif : recruter et en- long des mois de combat tement qui fut relativement dans la Résistance à la lumière éviter de devenir de simples de ces “ militaires ” qui vou- traîner “ l’Armée de la Libéra- clandestin, mais surtout lors peu coûteuse en vies hu- de tout ce que nous avons instruments au service d’ob- laient faire d’eux des soldats. tion ” dans la continuité de ce de la libération. Les chefs de maines, par rapport à ce qui compris avec le recul du temps. jectifs qui les dépasseraient. Ils Les interventions de l’armée qu’était leur bataillon. Leur ré- l’Armée Secrète ont parfois s’est souvent passé ailleurs Nul mieux que Jean-René sont les héritiers de ces “ chas- italienne et des forces de po- compense fut le jour où des été accusés “ d’attentisme ”. et qui aurait pu se passer ici. Bachelet ne pouvait le faire, lui seurs ” de tous grades, immer- lice françaises leur ont rappelé officiers ennemis sont venus, Mais la tentation était grande La raison de ce fait est évi- qui est en permanence un lien gés clandestinement voici plus cruellement que la guerre était portant un drapeau blanc, pour des jeunes recevant dente : la libération a été le indispensable entre le monde de soixante-dix ans dans la bien présente jusque dans nos pour se rendre à leurs vain- leurs premières armes de résultat, non pas d’un sou- de l’Armée où il a œuvré toute population à laquelle ils vou- alpages et que faire la guerre queurs : le 19 août 1944. Un prendre des risques inu- lèvement général incontrôlé, sa vie et cette Haute-Savoie laient rendre la liberté et la paix. contre nos ennemis de 1940 jour unique en France : non tiles. Les manques de “ pro- mais d’une opération conçue dont il est devenu depuis long- À leur tour, ils ont une mis- exigeait un réel apprentissage. pas simplement celui d’une fessionnalisme ” ont été ici en termes de stratégie et de temps le fils adoptif, mais aussi sion : faire que des hommes On comprend la nécessité qu’il libération où des maqui- comme ailleurs payés dra- tactique militaires et destinée lui qui, à plus d’un titre, notam- puissent vivre dans la liberté, y avait à créer une “ école ” pour sards entrent dans une ville matiquement par ceux qui à neutraliser les garnisons ment comme lieutenant au la dignité et la paix. Souhai- former des cadres de base, ce abandonnée par l’occupant en ont été responsables et ennemies une par une, sans 27 ème BCA en 1965 et chef de tons que l’esprit des Glières qui fut fait en décembre 1943 à ( comme il y en a eu bien par les populations sur les- risquer de faire massacrer la corps 22 ans plus tard, porte les accompagne ! Manigod. d’autres ) mais le jour où plus quelles nos ennemis se sont population de nos villes. de longue date l’héritage des Jacques Golliet 2 On n’est pas surpris de la de 3500 soldats de l’orgueil- vengés. La Haute-Savoie Rétrospectivement, Glières. colère du commandant Val- leuse Wehrmacht et leurs n’a pas eu un Oradour-sur- ce plan semble évident, en- Cette histoire pourra 2/ Universitaire, ancien maire de lette d’Osia, devenu chef de officiers, bloqués sur place Glane, ni les pendaisons de core fallait-il, pour le conce- nous faire réfléchir lors de Thônes, ancien sénateur de la Haute- l’Armée secrète, face aux né- dans ce département par les Tulle. Mais elle a eu Saint- voir et le mettre en œuvre, avoir nos visites à la Nécropole Savoie, ancien conseiller général, a été le premier président de l’associa- gligences qui ont facilité les “ hors-la-loi ” qu’ils mépri- Eustache, Habère-Lullin et les l’expérience militaire de celui de Morette ou sur le Plateau. tion des Glières (1989-2005), créée en saient, ont dû capituler sans villages du Vuache incendiés. qui allait devenir le chef de Ceux qui en ont été les ac- 1989 par l’association des Rescapés condition devant eux. Oui, On peut penser, rétrospective- corps du 27 ème BCA recons- teurs et lui ont survécu ont su des Glières pour en prendre le relais. c’est un cas unique en France. ment, que ces drames auraient titué, le capitaine Godard, et vivre ensemble dans la paix Il appartient à la famille qui était la Il avait fallu plus que l’enthou- pu être évités sans les impru- l’autorité, alliée à la sagesse, retrouvée et préserver l’unité plaque tournante de l’A.S. à Thônes. Adolescent, il a vu se succéder au lo- siasme de jeunes volontaires dences qui ont déclenché la des deux responsables dé- qu’ils avaient construite sur gis familial les clandestins qu’étaient pour mettre hors de com- répression de nos ennemis partementaux : “ Nizier ” chef le Plateau : celle, entre autres, les lieutenants Pierre Bastian ou bat des troupes allemandes ou facilité leur intervention. des FFI et “ Ostier ” chef du de notre Association. Louis Jourdan ou encore le capitaine aguerries. Ce “ plus ” c’était la Dans d’autres villages ce sont Comité de Libération de la Mais cette histoire Yves Godard. En janvier 1945, le ca- pitaine Jourdan, alias Joubert, devait capacité à faire la guerre que des actions non concertées Haute-Savoie. est faite aussi pour éclai- épouser sa sœur ainée, Madeleine, des “ militaires ” ont su trans- qui ont abouti à des repré- On connaît la suite rer ceux qui, dans “ le 27 ” elle-même agent de liaison et infir- mettre à ces jeunes auxquels sailles sur la population : ce qui a conduit le bataillon sur d’aujourd’hui, ont pour mis- mière de la Résistance.

Le drapeau des chasseurs à la Nécropole Nationale de Morette. 9 Il porte l’inscription “ Les Glières 1944 ”. LE 27 ème B.C.A. DES ANNÉES NOIRES, 1940-1944

Le thème central de ce numéro de Messages est constitué par l’apport du 27e Bataillon de Chasseurs Alpins à la Résistance en Haute-Savoie et au maquis des Glières en particulier. Pour cela, le texte ci-après est une version développée d’un chapitre plus synthétique d’un historique du 27 ème B.C.A. à paraître. Ce chapitre traite strictement de la période qui s’ouvre avec l’armistice de juin 1940 et se clôt avec la libération du département par les seules forces de la Résistance en août 1944. N’y sont donc pas traités, ni le baroud d’honneur du bataillon sur le canal de l’Ailette en juin 1940, ni la campagne de l’hiver 1944-1945 en Haute Tarentaise du bataillon reconstitué à partir des F.F.I..

son appellation sous les territoire métropolitain. ordres du chef de bataillon Ses effectifs ne sont plus Le colonel Louis Jourdan lors de l’inauguration du Monument national à Godard, c’est une seule et fournis par la conscription, la Résistance le 2 septembre 1973 même histoire. mais par volontariat. Notons qu’alors un très grand Dans l’armée d’armistice, Le colonel Louis Jourdan, nombre de cadres d’active seul officier rescapé des un seul objectif : font partie des 1 200 000 Glières sous le nom de “ lieu- la revanche. prisonniers incarcérés en tenant Joubert ” a dit un jour Aux termes des conven- Allemagne. C’est dire si cette dans son grand âge : tions d’armistice, le territoire armée est encadrée a minima “ …dans le cas de notre batail- français est partagé entre dans le même temps où son lon, nous avons appartenu non une zone occupée au Nord 1, armement est réduit. pas à une armée d’armistice sous administration directe de Pour les bataillons de chas- mais à une armée de résis- l’envahisseur et une zone “ libre ” seurs alpins, seuls sont alors tance. ” au Sud 2, avec un gouvernement recréés le 6 ème B.C.A. pour Par la parole de ce témoin qui s’installe à Vichy. Celui-ci l’Isère, le 13 ème B.C.A. pour essentiel, nous comprenons est autorisé à disposer de la Savoie et le 27 ème B.C.A. ainsi qu’au-delà des appa- forces militaires, strictement pour la Haute-Savoie. rences, entre les deux années contingentées, pour “ main- Ce dernier, comme toute pendant lesquelles le 27 ème tenir l’ordre ” et assurer l’in- l’armée dans cette période, est B.C.A., reconstitué en juillet tégrité de “ l’Empire ”. “ professionnalisé ”, comme on 1940, fait partie de “ l’armée Ainsi se constitue “ l’ar- dirait aujourd’hui. De fait, bien d’armistice ”, et le même laps mée d’armistice ”, pour l’es- que se situant dans l’appa- de temps pendant lequel il sentiel outre-mer, notam- rente continuité du bataillon a été dissous à partir de no- ment en Afrique du Nord, et qui venait de se sacrifier sur le vembre 1942, il n’y a pas rup- avec un régiment ou batail- canal de l’Ailette, il est profon- ture, mais continuité, nombre lon par département sur le dément renouvelé. de ses cadres, à commencer par le chef de corps, rejoi- 1/ Cette vaste zone est située au nord de la Loire et borde tout le littoral gnant alors la Résistance. atlantique. Par ailleurs, l’Alsace-Lorraine est annexée au Reich et les Depuis le 9 août 1940 départements du Nord et du Pas-de-Calais sont rattachés à une admi- quand, au quartier de Galbert, nistration couvrant la Belgique. 2/ La France de l’époque, c’est aussi “ l’Empire Français ” (Maroc, Algé- le chef de bataillon Vallette rie- composée de départements français-, Tunisie, Afrique occidentale d’Osia prend le commande- française- A.O.F.-, Afrique équatoriale française- A.E.F.-, Madagascar, ème ment du 27 B.C.A. recréé, Indochine, Océanie, Antilles, Guyane, pour l’essentiel) auquel s’ajoutent er jusqu’au 1 décembre 1944, les territoires sous mandat du Liban et de Syrie. Ces vastes territoires quand le bataillon, formé à restent sous administration française. Ils seront un enjeu pour la France partir des maquis, reprend Libre du général de Gaulle.

Plaque commémorative éditée en 1988 par le 27 ème Bataillon de Chasseurs Alpins 11 Parmi ses cadres, seuls fait Chevalier de la Légion Or, dès le 30 octobre Ainsi se dessine toute la ment l’armement, le batail- quelques officiers et sous- d’Honneur sur le champ 1940, au lendemain de sa funeste ambiguïté du régime lon doit en restituer une part officiers rescapés en sont de bataille et avait terminé brève rencontre avec Hitler de Vichy. importante, notamment des issus. C’est le cas du lieu- la guerre de 14-18 avec à Montoire 8, le maréchal Mais, au 27 éme B.C.A., pas armes lourdes. Le maximum tenant Théodose Morel, fait 3 blessures et 6 citations Pétain, chef de l’ “ État Fran- d’ambiguïté : la voie tracée possible est caché dans chevalier de la Légion d’Hon- dont la dernière, à l’ordre de çais ” 9 déclare : “ …j’entre par le commandant Vallette tout le département, avec le neur à 24 ans, après ses l’armée, commence par ces dans la voie de la collabora- d’Osia, celle que lui dictent concours des brigades de 13 faits d’armes à la tête de la mots : “ Jeune officier d’une tion ”. son patriotisme intransigeant, gendarmerie . Le lieutenant Section d’Éclaireurs Skieurs bravoure légendaire ... ”. Mais, pour Vallette d’Osia, son énergie indomptable, Théodose Morel, avec pour 14 face à l’offensive italienne en C’est dire si le 27 ème comme pour ses cadres, il est son courage légendaire et adjoint l’adjudant Ducrettet , Haute Tarentaise. B.C.A. est alors placé sous clair que ce n’est là que ruse de son autorité inflexible, exi- est chargé de cette non moins Il s’y ajoute nombre de le commandement d’un chef guerre et rideau de fumée : on geant pour les autres comme délicate mission. ème cadres du 7 B.C.A., le- d’exception. Tout ce qui va Le chef de bataillon Valette d’Osia, fait confiance au maréchal et, pour lui-même, est limpide, Le bataillon, composé uni- quel n’est pas recréé, tels le suivre en découle. chef de corps du 27 ème B.C.A. lorsqu’un serment de fidélité droite et exaltante. quement d’engagés volon- sous-lieutenant Bastian, ou sera demandé aux officiers, taires, doit être apte à remplir Un objectif La voie Vallette d’Osia. les aspirants Jourdan et de 5 Dès lors, celui-ci a, comme comme à tous les hauts toutes les missions éventuelles Griffolet, dont on reparlera clairement défini il le disait, le sentiment d’avoir fonctionnaires, on n’aura pas Un bureau clandestin de imaginées par son chef, tout 10 dans la Résistance. En juillet 1940, après sa “ reçu sa mission ”. Une mis- de réticence . mobilisation est créé: il s’agit en gardant une activité appa- Mais certains ne sont pas deuxième évasion, le chef de sion qui lui est confirmée au D’ailleurs, lorsque le gé- de faire passer le bataillon de rente qui ne puisse susciter 11 des Alpins. Ainsi du capi- bataillon Vallette d’Osia était siège de la Région militaire à néral Frère , commandant 1 à 4 bataillons, le 27 fournis- les réclamations de la com- 15 taine Anjot, commandant en résolu à poursuivre la lutte , dont le chef d’état-ma- la Région, viendra en ins- sant tous les spécialistes né- mission d’armistice italienne second. et, pour cela, à rejoindre le jor est son camarade de pro- pection au 27 éme B.C.A. en cessaires aux unités à mettre dont le siège est à Annecy ; 7 Enfin, plusieurs, faits pri- général de Gaulle à Londres. motion de Linarès . Sous le avril 1941, il réunira tous les sur pied. On dresse la liste de très vigilante, elle n’est toute- sonniers en juin 1940, sont Il s’en ouvre au général en sceau du secret, celui-ci ex- officiers et leur déclarera, en tous les hommes mobilisables fois pas tout à fait dupe. des évadés. Le lieutenant de chef, le général Weygand, plique à Vallette d’Osia que, réclamant la plus stricte dis- dont on prévoit la convocation Exercé à travailler sur de 3 Witasse , qui rejoint début 1942, qu’il rencontre à Clermont- dans le commandement qui crétion, qu’il leur revient de pour le jour de l’insurrection. grands fronts, à concentrer est de ceux-là, tout comme les Ferrand. Ce dernier lui fait va lui être donné, celui du faire en sorte que le bataillon Le capitaine Anjot a reçu cette rapidement ses forces, et à lieutenants Lalande, Ruche ou valoir que, si “ l’heure de la 27 ème B.C.A., à Annecy, il puisse “ devenir l’instrument délicate mission. disparaître aussi vite, le batail- 4 6 Gaucher . À cette dernière revanche viendra ” , il est doit orienter toute son action de la future libération du Les conventions d’armis- lon est rompu à agir en mon- 12 catégorie appartient le chef en cet instant impossible de vers la reprise de la lutte, en pays ” . tice contingentant stricte- tagne par petits éléments, à de corps, le chef de bataillon poursuivre la lutte, mais que organisant notamment une Jean Vallette d’Osia. cette revanche est à prépa- mobilisation clandestine vi- 8/ Le 24 octobre 1940, sur instigation de Pierre Laval, une rencontre entre Pétain et Hitler est organisée sur Après avoir fait partie du rer par tous les moyens et sant à transformer le batail- le trajet de retour d’un entretien que ce dernier vient d’avoir à Hendaye avec Franco. Sans résultats concrets corps expéditionnaire de que, dans ce but, on aura lon en une demi-brigade à immédiats, elle reste tristement fameuse par l’image de la poignée de mains échangée entre le maréchal et le Führer. Narvik, nommé chef d’état- besoin, sur le territoire natio- quatre bataillons. Pour cela, 9/ Le 10 juillet 1940, le maréchal Pétain avait reçu du Parlement pleins pouvoirs “ pour donner une nouvelle major d’une division mobili- nal, d’hommes tels que Val- il ne recevra pas d’ordres constitution à la France ”. Sans que cette constitution voie jamais le jour, à la faveur de ce que l’on dénomme sée, il avait été fait prisonnier, lette d’Osia dans les postes écrits, et il ne sera pas cou- la “ Révolution Nationale ”, “ l’État Français ” se substitue alors de fait à la “ République Française ”, la devise s’était évadé, avait été repris, de commandement. vert. “ Travail, famille, patrie ” à la devise “ Liberté, égalité, fraternité ”. 10/ Sur ce point, le 20 mai 1943, Vallette d’Osia écrira au général Delestraint, chef national de l’Armée Secrète pour s’évader à nouveau. Il 3/ Cavalier, le lieutenant de Witasse rejoindra la France Libre après la dis- (A.S.): “ …Je suis Français tout court, et comme tel je désire ardemment bouter le Boche hors de France. n’était pas un inconnu dans solution de l’armée d’armistice. Il commandera une compagnie de chars à Aussi, dès juin 40, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour préparer cette action. Mais je ne suis pas le soldat d’un les troupes alpines : au 6 ème la 2ème DB. homme, que cet homme s’appelle de Gaulle, Giraud, Pétain, voire Frenay, je ne suis pas disposé à signer un B.C.A., il avait été, avant la 4/ Tous trois passeront à la Résistance. Lalande ne survivra pas à son arres- serment de fidélité à un homme quel qu’il soit, quand nous, les officiers, nous avons eu tant de peine à nous guerre, un chef de section tation après Glières. Gaucher, arrêté et déporté dès janvier 1943, reviendra. estimer déliés du serment de fidélité à la personne de Pétain. ” 5/ Ce qui suit se réfère, outre aux mémoires du général Vallette d’Osia, 11/ Chef respecté entre tous, le général Frère deviendra, après la dissolution de l’armée d’armistice, le chef d’éclaireurs et un comman- (Quarante deux ans de vie militaire, Tome 2, Éditions lyonnaises d’art et de l’Organisation de Résistance de l’Armée (O.R.A.). Déporté, il disparaîtra au camp du Struthof. dant de compagnie qui s’était d’histoire 1988 ), aux entretiens que l’auteur a pu avoir avec celui-ci, de son 12/ Témoignage du colonel Jourdan. signalé comme l’un des meil- vivant, ainsi qu’avec des acteurs de l’époque tels, notamment, le colonel 13/ Ces dispositions se révéleront funestes lors de la dissolution de l’armée d’armistice : la plupart de ces leurs spécialistes de la guerre Jourdan (alors aspirant), le commandant Buchet ou Élie Muffat (tous deux dépôts d’armes ne résisteront pas alors au légalisme de la gendarmerie. sergents dans ces années-là). 14/ En août 1944, à quelques jours de la Libération, il sera fusillé à Sacconges. en montagne. 6/ Propos rapporté par le général Vallette d’Osia dans ses mémoires. 15/ Pour les départements alpins, ce sont les Italiens qui dirigent les commissions d’armistice, en dépit de De surcroît, en 1918, à 7/ Le colonel de Linarès deviendra, plus tard, l’un des prestigieux “ maré- l’échec patent de leur agression de juin 40. On les retrouvera comme occupants entre novembre 1942 et moins de 20 ans, il avait été chaux ” du général de Lattre. septembre 1943, où ils céderont la place aux Allemands.

12 13 attaquer des objectifs limités, dant la traversée, deux mor- Allemands, le commandant à exécuter des coups de main, tiers de 81 millimètres tombent Schmückel, qui avait succé- à agir sur les axes de commu- au fond de la rivière. C’est du dé au commandant Vallette nication, en préparation à la moins ce qu’affirme un rap- d’Osia à la tête du bataillon, guérilla envisagée pour le jour port signé du chef de corps. installe celui-ci en centre de de la reprise de la lutte. Ces deux mortiers, dû- résistance dans la région de Au cours des exercices ment camouflés, vont gros- Vovray, près d’Annecy. et des manœuvres, chaque sir le stock des armes non Trois jours plus tard, le 11, cadre est appelé à exercer un déclarées que le 27 tient en l’ordre est donné de rentrer commandement du niveau réserve pour la reprise de la au quartier où le bataillon est hiérarchique immédiatement lutte. Le bataillon ayant droit consigné. 16 supérieur à son grade . à trois mortiers, la naïve Une large zone frontière commission italienne auto- est démilitarisée, et par suite, rise, par prélèvement sur les interdite à toute notre activi- dépôts sous son contrôle, té militaire. Le commandant le remplacement des deux Vallette d’Osia y envoie les mortiers soi-disant perdus. cadres par groupes de 5 ou 6, Le 16 mars 1942, le com- en civil, déguisés en simples mandant Valette d’Osia quitte touristes. Ils peuvent ainsi le commandement du batail- parcourir les montagnes de lon 17 pour devenir chef d’état- l’Oisans et de Maurienne, se major de la Subdivision Mili- renseigner au passage sur taire de Haute Savoie. Son les effectifs italiens et sur les ordre du jour se termine par ouvrages frontières. ces mots : “ Soyez prêts à Tous les anciens de 40 à foncer,…… à foncer jusqu’à 42 se souviennent par ailleurs l’extrême limite de vos forces, des longues marches et des jusqu’au sacrifice de votre dures manœuvres exécutées vie que tous, nous devons avec le chargement de cam- faire d’avance. ” pagne complet : Annecy- De fait, le 27 était physi- Chambéry en une étape par quement et moralement prêt le col de Plainpalais, soit 57 à reprendre la lutte. kilomètres ; ou encore Anne- cy-Cruseilles, le tour du Salève, et retour à Annecy, en trois La dissolution étapes, tout le bataillon à skis. de l’armée d’armistice En septembre 1941, au cours d’une manœuvre, toutes Le 8 novembre 1942, le dé- les compagnies passent le barquement allié en Afrique Fier en amont du barrage de du Nord provoque la rupture Vallières, à la nage ou par des de la convention d’armistice moyens de fortune, avec tous par l’Occupant qui envahit la leurs mulets et tout le matériel. zone “ libre ”, sans que le gou- Le Fier est large à cet endroit vernement de Vichy réagisse. Avril 1942. Passation de commandement d’une soixantaine de mètres, Le soir même, pour faire du chef de bataillon Vallette d’Osia et profond de vingt-cinq. Pen- face à une arrivée subite des au chef de bataillon Schmückel.

16/ 50 ans plus tard, le général Vallette d’Osia rappelait encore volon- Le chef de bataillon Vallette d’Osia tiers ces dispositions, en soulignant qu’elles s’étaient révélées fécondes à skis dans la cour du quartier de Galbert. lorsqu’il a fallu encadrer les maquis. 17/ En exécution d’une décision qui ramène le temps de commande- ment de chef de corps de 2 ans à 18 mois 15 Le 27 novembre, alors l’existence, pour lui transfé- Résistance, armes qui l’anime, plus que pour convaincre les officiers donner à la période autant que la flotte française se rer l’armement, sans résultat. Glières, tout autre : une éthique mar- et les sous-officiers qui vont d’inflexions majeures : saborde à Toulon, parvient Le 28 novembre, l’arrivée Libération. quée au sceau du culte de la suivre leur ancien chef dans • à partir de la fin novembre l’ordre de démobilisation des Allemands, bientôt sui- mission dans l’honneur et la cette voie. Ils s’inscrivaient 1942, à la suite du débarque- totale. En cette sombre jour- vie de celle des Italiens, ini- L’entrée “ en Résistance ”: discipline, pour le service de dans le droit fil de leur enga- ment allié en Afrique du Nord, née, le lieutenant Monnet, tialement puissance occu- l’accomplissement la France. gement jusque-là. le département est occupé officier adjoint du chef de pante, coupe court à ces de la mission, La mission ? Précisément, Ainsi des capitaines Anjot par l’armée italienne. Cette corps, a raconté comment il ultimes tentatives. Le batail- dans son esprit. “ l’esprit ” de la mission qu’il ou Reille, les deux adjoints occupation, même si elle se avait caché le drapeau des lon est dissous, les hommes Lorsque le chef de ba- pense avoir reçue, exige de des années 40-42, des lieu- traduira par des arrestations Chasseurs, à la garde du 27 démobilisés. taillon Vallette d’Osia entre reprendre la lutte, dès lors tenants Godinot, Lalande, et quelques opérations mar- depuis le 29 août 18 : “ …Tan- Toute la journée, on avait fait en dissidence, entraînant que l’ennemi l’a lui-même Monnet, Ruche, Gaucher ou quantes en fin de période, 22 dis qu’autour de nous tout disparaître le maximum de derrière lui nombre de ses reprise de facto . D’ail- Morel, des sous-lieutenants n’aura jamais le caractère im- 24 s’écroulait, il m’apparaissait matériel, habillement, lite- anciens subordonnés, qui leurs, n’est-ce pas le cas pour Bastian ou Jourdan , de pitoyable et barbare de l’oc- que d’immortels espoirs, rie, et surtout armement et deviendront des chevilles les unités d’Afrique du Nord l’aspirant de Griffolet, des cupation allemande qui lui que des principes invisibles, munitions. Le matériel est ouvrières de la Résistance après les confusions qui ont adjudants-chefs Louis Mo- succédera. Seul le service de 25 demeuraient attachés à cet caché dans les fermes des en Haute-Savoie, il n’a en suivi le débarquement allié ? rel ou Onimus , des adju- renseignement aura quelque emblème sublime. Il était environs ; une partie de l’ar- rien le sentiment de rompre Ainsi, pour Vallette d’Osia, dants Conte ou Ducrettet, du efficacité, dont profiteront les devant moi comme une mement est dissimulée dans avec l’éthique du métier des la seule alternative qu’il sergent-chef Mégevand, des Allemands. flamme exigeante, comme la grotte de La Diau, dans la conçoit désormais est celle- sergents Aragnol, Buchet, • le 16 février 1943, est ins- le cri même de nos morts. vallée de Thorens. ci : faut-il gagner l’Afrique du Muffat, Poirson ou Wolf, pour tauré le “ service du travail Je n’avais pas une minute Nord ou organiser la lutte sur ne citer que les plus connus obligatoire ” (S.T.O.) 26, qui fait à perdre. Cette flamme de Vallette d’Osia, avec un état- place ? parmi les futurs Résistants. obligation à tous les hommes nos vies, les Allemands pou- major réduit, est chargé de L’honneur ? Sa lettre au De la dissolution des classes 40, 41 et 42 de préfet est très claire à cet vaient nous l’arracher, la pro- liquider les questions en à la recréation : partir travailler en Allemagne. faner. Un peu comme un fou, suspens. égard. L’honneur lui com- Cette mesure allait avoir pour les étapes je me jetai avec lui dans l’au- Le 16 décembre, à l’injonc- mande précisément de ne conséquence, imprévue par tomobile du commandant… tion qui lui est faite par le pas se soumettre au diktat de la Résistance ses auteurs, de susciter de 23 Dans la cachette où je l’avais préfet de livrer les 30 dépôts de l’adversaire . en armes. très nombreux refus de la part enseveli ce matin-là, nul n’est d’armes constitués en 1940, La discipline ? Il constate Entre cette fin d’année de “ réfractaires ” qui vont, venu le chercher… ” 19 il oppose un refus formel. Sa que le gouvernement est 1942, qui voit donc la dis- pour y échapper, gagner les Au niveau départemental, Val- lettre au préfet est un mor- désormais sous contrôle de solution du 27 ème B.C.A., zones traditionnelles de re- lette d’Osia met alors toute ceau d’anthologie : “ …Évi- l’ennemi. Il s’estime de ce fait entrainant la dispersion de fuge que sont les régions de son énergie pour orienter vers demment, en adoptant cette délié de tout devoir d’obéis- ses cadres rendus à la vie montagne 27. Ainsi vont naître la seule voie qui lui parait im- attitude, je sais les risques sance vis-à-vis d’instances civile et sa recréation à partir ce que l’on appellera les “ ma- posée par les circonstances, auxquels je m’expose. Je ne politiques privées de leur des maquis le 1er décembre quis ”. la reprise de la lutte. puis avoir une autre ligne de liberté d’action. 1944, consécutive à la libéra- • le 8 septembre 1943, l’Ita- Il envisage le transfert du conduite sous peine - à mes On ne sache pas d’ailleurs tion du mois d’août, il importe lie chasse Mussolini et se bataillon en Afrique du Nord, yeux - de forfaire à l’hon- que des efforts de persua- de bien distinguer les événe- retire de la guerre, aussitôt se rend en moto à Lyon, puis neur. ” sion aient dû être déployés ments significatifs qui vont envahie par le Reich nazi. En à Vichy, en vain. Il prend Le 17 au soir, il bascule 21 contact avec le mouvement dans la clandestinité . 22/ C’est bien l’attitude du général de Lattre à Montpellier, qui sera emprisonné et condamné par Vichy pour “ Combat 20”, dont il connaît Dans la grotte de La Diau, Thorens cela, avant de s’évader vers l’Afrique du Nord. 23/ Il n’est pas fortuit que la devise de la famille Vallette d’Osia soit : “ Honneur passe honneurs ”. 18/ Comme on le sait, depuis leur création en 1830, les bataillons de Chasseurs ont un seul drapeau, qui 24/ À la dissolution, Jourdan venait tout juste d’être nommé sous-lieutenant après un stage d’activation. est confié pour une année à chaque bataillon à tour de rôle. Cette tradition s’est maintenue jusqu’à nos 25/ L’adjudant-chef Onimus, qui commandera une compagnie à Glières, n’était pas issu du 27 ème BCA. jours. 26/ À l’automne précédent, une tentative avait été faite pour susciter des volontariats, en échange de quoi 19/ Dans le maquis de Haute-Savoie, par le capitaine Jean Monnet, Gardet Éditeur, Annecy. Le drapeau des des prisonniers seraient libérés au prorata (c’était « la relève »). L’échec de cet appel conduit les Allemands Chasseurs allait rester caché au cœur d’Annecy jusqu’à la Libération. à exiger de Vichy l’instauration du S.T.O. À noter par ailleurs que la loi, comme le décret, ne parlent que 20/ “ Combat ” est l’un des premiers mouvements de Résistance, créé par Henri Frenay, qui était capitaine d’astreinte à un « service du travail », sans préciser que c’est en Allemagne. d’active. Il avait fusionné dès 1941 avec le mouvement “ Liberté ”, créé fin 1940 par François de Menthon. 27/ Les filières des Jeunesses Catholiques jouent pour cela un rôle important, avec, à Annecy, l’abbé Camille 21/ Vallette d’Osia sera condamné par contumace par le tribunal militaire de Lyon à 10 ans de prison pour Folliet, jusqu’à son arrestation en juin 1943, et, notamment, Alphonse Métral, responsable J.O.C., que l’on “ Abandon de poste en présence de l’ennemi ” ! retrouvera à Glières.

16 17 Haute-Savoie, l’occupation al- occupés. Le bataillon Godard, si cette dernière option doit François de Menthon et santes d’une Résistance qui quis ”, d’autre part, articulés lemande se substitue à l’occu- héritier des Glières et préfigu- prévaloir, avec quels objec- Jean Vallette d’Osia sont vient d’être unifiée par Jean par “ trentaines ” auxquels il pation italienne. Il faudra peu ration du 27 ème B.C.A. bien- tifs ? camarades de collège. Le Moulin au sein des Mouve- entend donner une formation 37 de temps pour que s’organise tôt reconstitué, en est l’acteur La réponse tardera et, château de Menthon devient ments Unis de Résistance militaire . 35 une répression impitoyable principal lorsqu’elle parviendra, Valette ainsi tout naturellement l’un (M.U.R.) . des refuges du clandestin. contre la Résistance. Vallette L’année 43 : d’Osia la jugera totalement ir- S’agissant de l’Armée d’Osia, quant à lui, devenu, réaliste et, comme telle, inap- Parmi ceux-ci encore, la Secrète, le chef régional en efforts d’organisation. 32 comme on le verra, chef de plicable. villa Fournier , à Chavoire est le général Delestraint l’Armée Secrète, est arrêté. Devenu clandestin, alors Entre temps, il avait été (hameau de Veyrier du Lac), avec lequel il noue des rela- • à partir du 31 janvier 1944, que rien ne l’avait préparé contacté par les réseaux est une véritable plaque tions confiantes. En ce qui le maquis des Glières est le à une telle situation, Vallette existant alors dans le dépar- tournante de la Résistance. concerne l’Organisation premier grand point d’orgue d’Osia va d’abord s’efforcer tement, notamment autour La famille tout entière y est de Résistance de l’armée 36 de la période, conclu tragi- d’inscrire son action dans un du mouvement “ Combat ”, très active, à commencer (O.R.A.) , il a contact avec 33 quement par sa dispersion cadre politique, au sens où qui avait été créé à Lyon par par Marcel Fournier . ses camarades de promo- 30 • le 26 mars. Durant ce temps, il ne saurait y avoir d’action Henri Frénay et qui avait C’est ainsi que Vallette tion Descours, chef régional, Glières, sous l’autorité du militaire sans une politique fusionné en 1941 avec le d’Osia se voit sollicité, au et de Virieu en Isère. lieutenant Théodose Morel, qui l’oriente. mouvement “ Liberté ”, lan- domicile annécien de l’ar- Localement, il rencontre 34 devenu “ Tom 28 ”, puis du Aussi recherche-t-il le cé dès l’automne 1940 par chitecte belge Neyrinck , les Républicains Espagnols capitaine Maurice Anjot, alias contact avec ce qui lui ap- François de Menthon 31. membre du groupe formé passés au maquis ; il les “ Bayart 29 ”, sera le symbole parait alors comme l’autorité entre autres par les précé- tient en grande estime pour de la France combattante, légitime, désormais installée dents, pour prendre la tête leurs qualités militaires. Ses orchestré par la radio de à Alger, sous la double di- de l’Armée Secrète, en cours contacts avec les Francs Londres. rection, politique, du géné- de constitution. Tireurs et Partisans (F.T.P.), • après un parachutage ral de Gaulle, et militaire, du Il accepte et développe émanation du parti commu- d’armes massif, le 1er août général Giraud, imposé par alors une activité à la mesure niste clandestin, ne s’ins- 1944 sur le même plateau les Alliés. Par l’entremise du de son énergie pour multi- crivent pas, pour lui, dans le des Glières, la Haute-Savoie consul anglais à Genève, il plier les contacts régionaux, même climat de confiance. Chateau de Menthon mettre en place des struc- Plus généralement, ses rela- Jean Moulin sera libérée par les seules adresse une demande d’ins- Henri FRÉNAY forces de la Résistance entre tructions à ce dernier, qu’il tures départementales et, tions avec les “ politiques ” le 14 et le 19 août. C’est le avait accueilli quelques mois lorsque se constituent les sont souvent difficiles. deuxième point d’orgue, qui auparavant à la frontière maquis après l’instauration Il cherche à parfaire voit la capitulation des 3500 suisse après son évasion du S.T.O., se procurer des l’ébauche d’organisation es- hommes des forces d’occu- rocambolesque de la forte- armes et des subsides. quissée par l’Armée Secrète pation, alors même que le resse de Colditz. Sous le pseudonyme : un maillage du territoire avec débarquement de Provence La question posée est de “ Faure ”, s’étant rendu des “ Sédentaires ”, d’une vient tout juste d’être effec- celle de l’alternative entre méconnaissable, il sillonne part, et, suite à l’afflux des 37 tué et qu’Albertville, Cham- gagner l’Afrique du Nord et la région, cherchant à ren- “ Réfractaires ” au S.T.O. , béry ou Lyon sont toujours organiser la lutte sur place ; François de MENTHON contrer toutes les compo- avec la constitution de “ Ma- 28/ Le lieutenant Morel choisit ce pseudonyme à partir de son surnom d’enfant (Tho) et de l’initiale de son nom. 32/ Outre un refuge pour Vallette d’Osia, la villa Fournier est le lieu de fréquentes réunions de la Résistance 29/ Le capitaine Anjot est Saint-Cyrien de la promotion Bayard. C’est le nom qu’il choisit comme pseudo- tout au long de la période. Le 19 août 1944, là se rencontreront les chefs de la Résistance et les plénipoten- nyme, mais orthographié avec un “ t ”. Ce type de “ faute ” intentionnelle était, dans la clandestinité, destiné tiaires allemands en préalable à la capitulation de l’occupant. à authentifier une signature. 33/ Marcel Fournier est aujourd’hui universellement connu pour avoir été, bien après la guerre, l’inventeur de 30/ Henri Frénay est Saint-Cyrien du grade de capitaine. La confiance initiale qu’il accorde au maréchal ne la grande distribution moderne, avec les magasins Carrefour. résiste pas à l’épreuve des faits et le 24 janvier 1941, il demande une mise en congé pour entrer dans la clan- 34/ Neyrinck sera, après la Libération, l’architecte de la Nécropole de Morette et de son monument. destinité et devenir l’un des chefs de la Résistance à la tête du mouvement Combat. 35/ Jean Moulin a séjourné au château de Menthon. À François de Menthon, il confie la charge d’un Comité 31/ Celui-ci, universitaire, héritier d’une famille installée depuis un millénaire au château du même nom sur la Général d’Études chargé de préparer l’après-guerre, ce qui préfigurera le programme du Conseil National de rive Est du lac d’Annecy, était l’un des dirigeants nationaux des Jeunesses Catholiques ; il avait notamment la Résistance (C.N.R.). Vallette d’Osia, quant à lui, n’aura aucun contact avec Jean Moulin. été l’un des fondateurs de la branche ouvrière, la J.O.C. Dès novembre 1940, il crée un journal clandestin 36/ L’O.R.A. est créée après la dissolution de l’armée d’armistice dans le droit fil d’une organisation préexis- “ Liberté ”, qui se démarque nettement de la politique vichyssoise. Dans le département très catholique tante dans les services de renseignement de celle-ci. Le général Frère, qui en prend la tête, sera déporté et qu’est la Haute-Savoie, les mouvements de Jeunesses Catholiques, qui y sont très développés, deviennent disparaitra au Struthof. ainsi un vivier pour la Résistance, notamment par le biais de réseaux d’accueil des Réfractaires au S.T.O. 37/ Parmi les Réfractaires, sur la base d’une motivation commune de refus de partir en Allemagne, Vallette lorsque celui-ci sera instauré. d’Osia cherche à valoriser ceux dont on pourra faire de véritables combattants.

18 19 Pour cela, il peut comp- sur leur bicyclette avec des l’est pas moins. À la faveur Lieutenant Jourdan ments qu’ils exploitent systé- maquisards firent preuve de ter sur les cadres du 27 ème messages cachés dans le de plusieurs passages en matiquement. la forme la plus désintéres- B.C.A. qui l’ont rejoint et qui guidon ou franchissant le lac Suisse, il parvient à rencon- C’est dans ce contexte que sée et la plus pure du com- ont souvent reçu un emploi à la rame, passant la frontière trer l’attaché militaire améri- survient l’arrestation de Val- bat de la Résistance : pas de couverture dans diverses suisse pour acheminer des cain à Berne : il obtient l’attri- lette d’Osia le 13 septembre. d’arrière-pensées, pas de administrations telles les messages, récupérer des bution d’une aide financière Torturé, il reste impavide. calculs personnels, pas de Eaux et Forêts 38, les P.T.T., fonds, voire escorter des fu- régulière et substantielle. Transféré à Lyon puis embar- visées partisanes, mais la voire l’administration préfec- gitifs, elles font preuve d’une Au fur et à mesure que les qué dans un train, il s’évade France, rien que la France, torale 39. vaillance et d’une détermina- maquis s’étoffent du fait de dans la nuit menottes aux qui méritait bien, pour eux, Des secteurs sont consti- tion qui forcent l’admiration. l’afflux des Réfractaires 47, mains dans des conditions cet absolu dévouement. tués avec plusieurs de ces On y trouve, entre autres, l’attention de l’occupant ita- Louise Péries Lieutenant Bastian d’une extrême audace. Il ne En se faisant l’âme d’une cadres à leur tête : le lieute- les deux sœurs Louise 41 et lien est attirée, notamment pourra reprendre son poste communauté fortement unie nant Bastian à Thônes, l’ad- Colette 42 Périès, Elizabeth lorsque sont effectués des et devra gagner Alger via par les circonstances et par judant-chef Louis Morel à Lalanne 43, “ Poupée ” Four- coups de main pour récupé- Londres ; on le retrouvera l’idéal, “ l’esprit Glières ” Thorens, le lieutenant Ruche nier 44, Georgette Peyrot, dite rer des équipements ou de à la Libération pour la cam- devint un élan fraternel unis- à Saint-Julien, le lieutenant “ Zette 45 ”. l’armement. pagne des Alpes. sant des hommes qui se Lalande à Bonneville. Le problème des armes Cela se traduit par plu- Lui trouver un successeur sentaient responsables d’un L’une des initiatives de Val- est crucial. sieurs opérations de disper- n’est pas chose aisée. Le même avenir. lette d’Osia mériterait d’être Vallette d’Osia fait pour sion de ces maquis, qui occa- choix régional se porte sur Cet “ esprit Glières ”, ce mieux connue. cela le siège de Londres sionnent des pertes, à Droisy, le chef de l’A.S. de l’, le fut la volonté au service de Il met sur pied une équipe grâce au concours d’une au désert de Platé, à Viry (Me- capitaine Romans Petit, issu l’espoir, l’enthousiasme de Colette Péries Adjudant-chef Louis Morel d’agents de liaison départe- organisation qui bénéficie gève), aux Dents de Lanfon, à de l’armée de l’air, qui va la jeunesse pour la liberté mentaux composée exclusi- d’une liaison radio 46: il n’a Montfort, aux Confins. cumuler quelque temps ces reconquise, la mystique de vement de jeunes filles. Il fait de cesse de réclamer l’ar- Mais la situation prend une deux fonctions. la libération en vue d’une appel pour cela à Antoinette mement des maquis en voie nouvelle dimension quand les Il lui revient de prendre France fraternelle qui serait Reille, épouse du capitaine de constitution. Allemands succèdent aux Ita- une décision qui sera fé- comme une vaste extension Reille 40 et chef d’une troupe Celui du ravitaillement et liens en septembre 1943. Ils conde : la création au camp de la communauté du Pla- scoute de “ Guides aînées ”. de l’équipement, donc des recueillent de ces derniers de La Cola, à Manigod, teau “. Sillonnant le département ressources financières ne une masse de renseigne- d’une école de cadres pour Ajoutons que l’exception- l’A.S.. Elle est confiée au nelle symbiose entre le ma- 38/ C’est le cas de l’adjudant-chef Louis Morel, à la tête du secteur de Thorens, d’où son pseudonyme de 48 “ Forestier ”, ou encore du sergent Élie Muffat, chef de la section A.S. de Groisy. lieutenant Louis Jourdan , quis et une population géné- Élisabeth Lalanne Lieutenant Ruche 39/ Il existe parallèlement un “ noyautage des administrations publiques ” (N.A.P.) à la faveur duquel la Résis- alias Joubert. Elle se greffe reuse et courageuse préfigure tance est renseignée et peut agir. Telle est la situation, à la préfecture, du lieutenant Godinot. sur un maquis qui avait été aussi ce qui sera vécu par les 40/ Le nom du capitaine Reille est oublié car, traqué, il devra quitter prématurément le département. Mais, constitué avec des Réfrac- maquisards des Glières dans avant cela, il joue un rôle déterminant au P.C. clandestin du commandant Vallette d’Osia. 41/ Louise Périès, dite Loulette, est fiancée avec le lieutenant Idier, du 27ème B.C.A., prisonnier en Allemagne, taires issus des filières des les bourgs et villages environ- camarade de promotion de Tom Morel. Elle épousera après la guerre cet officier alpin émérite qui finira sa jeunesses catholiques, sous nants. carrière comme général commandant la 17ème Brigade Alpine. la direction d’Alphonse Mé- Ainsi, dans cette période, 42/ Colette Périès aura notamment à faire passer en Suisse dans des conditions d’une extrême témérité un tral, jeune dirigeant régional sans qu’on le sache encore, officier pilote anglais abattu à Meythet, le squadron leader Griffith, puis le capitaine Humbert Clair, chef de l’A.S., capturé puis évadé de la prison Montluc à Lyon à la faveur de l’évasion de Raymond Aubrac. de ces mouvements. Glières est en gestation. Les deux sœurs Périès se verront décerner conjointement la croix de guerre. Au cours de ses quelques Les appels réitérés à 43/ Élizabeth Lalanne est fiancée avec le lieutenant Pascal, du 27ème B.C.A., lui aussi prisonnier en Alle- semaines d’existence, en Londres pour obtenir de l’ar- magne. Elle l’épouse par procuration. Il sera plus tard chef de corps du bataillon. Georgette Peyrot, Lieutenant Lalande dite Zette décembre 1943 et janvier mement reçoivent alors une 44/ Après que Vallette d’Osia, prisonnier, se soit évadé du train à hauteur de Gevrey-Chambertin, le 19 sep- 1944, “ l’école de cadres de suite : une mission, dénom- tembre 1943, c’est “ Poupée ” qui viendra assurer sa récupération dans la région de Château-Chinon. 45/ « Zette » sera secrétaire de Lambroschini, dit Nizier, chef des F.F.I. du département pour la période de la Manigod ” sera la véritable mée “ Musc ”, composée d’un Libération. Elle apparaît sur la photo historique du 20 août 1944, aux côtés des chefs de la Résistance face matrice de ce qu’Alphonse officier britannique, le lieute- au monument aux morts d’Annecy, en avant d’une foule en liesse. Métral appellera “ l’Esprit nant-colonel Richard Heslop, 46/ Cette organisation, le réseau Buckmaster, émanation des services secrets anglais, était connue du lieu- des Glières ”, qu’il qualifiera alias Xavier, et d’un officier de tenant Morel, alors qu’il avait été nommé instructeur à Saint-Cyr replié à Aix-en-Provence à l’été 42. 47/ Ceux-ci, venus notamment de l’agglomération lyonnaise par diverses filières, se répartissent, parfois comme suit : “ …, ces jeunes la France Libre, le capitaine de façon aléatoire, entre les maquis de l’A.S., dans tout le département, et ceux des F.T.P., ces derniers se 48/ Bien qu’il n’ait été alors formellement que sous-lieutenant, il est développant principalement en Chablais et Faucigny. identifié sous le nom de “ lieutenant Joubert ”.

20 Aspirant de Griffolet Lieutenant Godinot 21 d’Aurimont Jean Rosenthal, alias Can- Le maquis des Glières : les hommes en traversant tinier, est parachutée pour “ Vivre libre ou mourir ”. Thônes puis en empruntant la évaluer la situation. Après un vallée du Borne jusqu’au che- aller et retour sur Londres, la Le 30 janvier 1944, Tom min d’accès aux Glières de- décision est prise d’armer les Morel donne l’ordre à Louis puis Petit Bornand. La mon- maquis de Haute-Savoie. Jourdan de se porter dans la tée s’effectue ensuite à pied Pour le parachutage mas- nuit au plateau des Glières dans une épaisse couche de sif envisagé, il faut pouvoir avec 150 hommes des neige. disposer d’un terrain adapté. camps de Manigod et du Le lieu n’est pas ici de Romans-Petit choisit Bouchet de Serraval afin d’y réécrire l’histoire du maquis le plateau des Glières. La recevoir “ des parachutages des Glières. On se référera décision est logique : à mi- importants ” destinés à ar- pour cela avec profit à la réé- distance du lac d’Annecy et mer toute la région. dition, titrée “ Vivre libre ou du lac de Genève qui brillent Il n’y aurait pas vérita- mourir, Plateau des Glières tous les deux sous la pleine blement urgence puisque la Haute-Savoie 1944 ”, du livre lune nécessaire au vol de- période de pleine lune favo- écrit dès 1945 par les Resca- puis l’Angleterre, invisible rable à l’opération est pour pés 52. des vallées environnantes, la mi-février. On se contentera de pro- sans chemins d’accès Toutefois, depuis plu- poser les éléments de ré- autres que muletiers et aisé- sieurs jours, des renforts de ponse à une question simple : ment défendables, c’est le police affluent dans le dé- comment des événements terrain de parachutage idéal. partement : Garde 49, G.M.R. d’une ampleur somme toute Mais il faut y acheminer (Groupes Mobiles de Ré- modeste au regard du cata- des effectifs nombreux, sus- serve) 50 et 51, soit près clysme planétaire qu’est la ceptibles de recueillir et de de 3000 hommes à la fin du Deuxième Guerre Mondiale transporter l’important ton- mois. Un colonel de gen- peuvent-ils avoir été célébrés, nage d’armes attendu pour darmerie en retraite, Lelong, dès l’origine et ce, jusqu’à nos la pleine lune de février. nommé “ intendant de po- jours, non seulement comme Romans-Petit confie la lice ” est chargé du “ main- l’une des plus belles pages de mission au lieutenant Théo- tien de l’ordre ”. Il décrétera gloire du 27 ème B.C.A. au point dose Morel, alias Tom, dans “ l’état de siège ” le 31 janvier. de justifier l’inscription “ Glières le même temps où il doit Tom Morel décide donc de 1944 ” sur le drapeau des rejoindre ses maquis de l’Ain précipiter l’opération avant chasseurs, mais aussi comme qui ont à faire face à une que les accès au plateau par “ un ces hauts lieux qui ont fait vigoureuse offensive des la route soient sous contrôle la France ”, comme le titrait il forces de répression. policier. y a quelques années un grand C’est ainsi que dans la hebdomadaire national ? nuit du 30 au 31 janvier, des En effet, Glières n’aurait véhicules fournis par la Ré- pu être que l’histoire d’un pa- sistance locale acheminent rachutage qui a mal tourné.

49/ Avec le régime de Vichy, la Garde Républicaine, composante de la Gendarmerie, aujourd’hui Gendarmerie mobile, est devenue “ la Garde ”. 50/ Les G.M.R. sont des unités de police constituées par Vichy sur le mo- dèle de la Garde. Contrairement à celle-ci, elles n’ont pas de statut militaire, ce qui permet de contourner les dispositions des conventions d’armistice qui limitent les effectifs militaires, donc ceux de la Gendarmerie. 51/ La Milice, avec ses Francs-Gardes, est une force paramilitaire, po- lice politique destinée au maintien de l’ordre. Créée le 30 janvier 1943, sous l’autorité de Joseph Darnand, elle est fortement idéologisée en faveur de la “ Révolution Nationale ”. 52/ Édité en 2014 ; diffusion “ La Fontaine de Siloé ”. ème Le colonel ROMANS-PETIT Le sous-lieutenant Théodose Morel, futur “ Tom ”, à son arrivée au 27 B.C.A. 22 Les 150 hommes conduits le plateau. Il faut donc prolon- Pourtant, dès l’époque, par “ Joubert ” retrouvent, le ger d’un mois. Glières est magnifié à la 31 janvier, sur le plateau, un Pendant ce temps, l’étau radio de Londres par Mau- groupe de l’A.S. de La Roche- des forces de répression de rice Schumann, porte-parole sur-Foron, déjà sur place. Vichy se resserre autour du de la France Libre. En effet, Dès le lendemain, ils sont plateau. Celles-ci sont partout comme l’a montré Jean-Louis rejoints par 56 maquisards repoussées et tenues en échec. Crémieux-Brilhac 55, témoin espagnols, anciens soldats Les Allemands entrent essentiel, ce premier ras- de l’armée républicaine au alors en lice, dès le 12 mars semblement d’hommes en cours de la guerre d’Espagne, avec l’aviation, et à partir du nombre et en armes dans la réfugiés en France en 1939 et 22 mars, avec l’arrivée des France occupée revêt d’em- en contact depuis longtemps premiers éléments de la blée, pour le général de Gaulle, avec l’Armée secrète. 157 ème Division de la Wehr- un intérêt politique majeur. macht, alors même que, Face aux Alliés, notam- dans la nuit du 10 au 11 mars, ment aux Américains, il avait pu être effectué le para- montre par là, qu’au-delà chutage massif tant attendu. des unités de la France Libre, Tom Morel venait de trouver existe, sur le territoire natio- la mort à Entremont 53 la nuit nal, une Résistance effective précédente, et le capitaine An- et déterminée. jot, qui lui succède le 18 mars, Mais surtout, peut-être, prend, le 26 mars au soir alors Glières est alors identifié, à que viennent d’être lancés, destination des Français eux- par la Wehrmacht, les prélimi- mêmes, comme le symbole Espagnols devant leur chalet naires de l’attaque à partir du même de la France à libérer Petit Bornand 54, la décision et à relever. Avec le renfort d’autres judicieuse qu’impose l’énorme effectifs de l’A.S. et de deux disproportion des forces : il groupes F.T.P., le dispositif donne l’ordre de dispersion, s’étoffera jusqu’à atteindre de sorte que l’attaque alle- 320 hommes à la fin février mande tombera dans le vide. puis environ 450 un mois Tués, fusillés ou morts en plus tard à la veille de la dis- déportation, 129 maquisards persion du maquis. y laissent la vie, dont tous les Pour la pleine lune de fé- officiers à l’exception du seul vrier, la météo est défavorable Louis Jourdan. et le parachutage, qui est ef- Tels sont les faits, dans fectué dans la nuit du 13 au 14 leur exposé brut. Rien là qui février, ne permet d’armer que semble justifier l’orchestra- les seuls effectifs présents sur tion qui en est faite. Maurice SCHUMANN

53/ Apprenant que le P.C. des G.M.R. vient de s’installer à Entremont, Tom Morel décide de s’en emparer. L’opération est parfaitement menée dans la nuit du 9 au 10 mars. Mais alors que le chef des G.M.R., préala- blement désarmé, est amené devant Tom, il tue celui-ci avec une arme qu’il avait dissimulée. 54/ Une première tentative au col du Lavouillon est repoussée par la section Liberté Chérie. Une deuxième, à Monthiévret, se solde par la mort du chef de section, André Guy. La confusion qui en résulte donne à penser que les Allemands ont tourné le dispositif. En fait, ils se sont repliés. 55/ Jean-Louis Crémieux-Brilhac, fait prisonnier en juin 1940, s’évade par l’U.R.S.S. Ayant rejoint Londres, il est, au P.C. de la France Libre, le témoin direct des événements de Glières, tels qu’ils sont vécus à Londres. Devenu un historien reconnu, membre de l’Institut, il en témoigne dans un document qui fait référence, “ Glières et la guerre psychologique ” et dans la préface qu’il signe en 2014 à la réédition du livre des Rescapés précédem- ment cité. Il décède en 2015 à 97 ans. Le capitaine Maurice ANJOT, dit “ BAYART ” 24 Pour cela, sur le terrain, et sous-officiers du 27 ème mais impliquant la livraison maquis, ils ont vécu là leurs Sur ce registre, comment permanents partagent leurs l’élan donné par Tom Morel y B.C.A., avec ceux des Francs des “ Rouges ”, il oppose une plus belles heures. ne pas souligner l’ampleur des maigres ressources. concourt puissamment. Tireurs et Partisans d’ins- fin de non-recevoir méprisante. Cela reste un exemple responsabilités assumées ? Mais les bourgs et vil- Il choisit une devise ar- piration communiste, avec Ainsi, deux mois durant, pour aujourd’hui, tout par- Un lieutenant – Théodose lages environnants ne le dente comme une flamme les Républicains Espagnols, en février-mars 1944, Glières ticulièrement pour ceux qui Morel, dit Tom- commande cèdent en rien, fournissant dans la nuit de l’Occupation : avec les Réfractaires au Ser- est, selon le mot de Tom servent sous les couleurs du ce bataillon ; un lieutenant les vivres acheminés par “ Vivre libre ou mourir 56”. vice du Travail Obligatoire, Morel, “ le premier coin de 27 ème B.C.A. alors même hier encore aspirant -Louis des ravitailleurs prenant Il lance des mots qui font venus de toute la France, de France libéré ”, comme une que le monde a plus changé Jourdan, dit Joubert-, mais mille risques pour cela, mouche : “ Ici il n’ya plus ni tous milieux, de toutes opi- image de la France dans ce en quelques décennies qu’au aussi des adjudants-chefs – sous la direction avisée du A.S., ni F.T.P., il y a l’armée nions, de toutes religions, les qu’elle a de meilleur. long des siècles antérieurs. Louis Morel, dit Forestier- et lieutenant Bastian. française ”. C’était dire, dans hommes des Glières relèvent Ceux qui ont vécu l’aven- Ils y trouvent l’image de Henri Onimus, dit Humbert, Ces mêmes habitants au- la France de Vichy qui discri- les valeurs de la France, alors ture n’ont cessé d’en témoi- la France qu’ils ont choisi commandent des compa- près desquels, à l’heure de la minait entre les Français 57, bafouées et trahies. gner : au-delà des difficultés de servir par les armes, une gnies ; des sergents – André dispersion, les fugitifs trou- que l’armée française, donc Le capitaine Anjot ne le matérielles, des rigueurs d’un France libre, généreuse et Wolf, Georges Buchet- com- veront aide et assistance au la France, se définit au-delà cédera en rien à son charis- hiver particulièrement ennei- fraternelle. mandent des sections. On est risque, pour leurs bienfaiteurs, de toutes catégories. matique prédécesseur : à la gé, d’un ravitaillement chiche- Mais ils y trouvent aussi là dans le droit fil de l’impul- de la mort ou de la déporta- De fait, avec ceux de l’Ar- proposition qui lui est trans- ment mesuré, au-delà des l’exemple, donné par Tom sion donnée en son temps tion. mée Secrète, largement issus mise par la Milice d’une red- risques courus, notamment Morel, d’un exercice de l’au- par Vallette d’Osia. Au 27 ème B.C.A. d’au- des Jeunesses Catholiques dition accompagnée de man- à l’heure des mitraillages aé- torité sans faille, fait de rela- Exemplaire encore, l’étroite jourd’hui, Glières enseigne et encadrés par les officiers suétude pour ceux de l’A.S., riens puis de la dispersion du tions hiérarchiques fondées, symbiose entre ces soldats ainsi qu’il n’est pas d’ar- certes sur une nécessaire fer- de l’ombre et des populations mée qui vaille sans liens 56/ Ce choix a été suggéré à Tom par Alphonse Métral. Il pouvait lire cette devise inscrite sur le socle du meté, mais aussi et peut-être courageuses sans lesquels ils étroits avec les populations monument érigé, à Annecy, à la mémoire des Savoyards morts pour la France au cours de la guerre de 1870- 1871 devant lequel il passait régulièrement. Ce monument se trouve aujourd’hui au carrefour de l’avenue de surtout, sur une indéfectible n’auraient pu survivre. C’est civiles, faits de solidarités Genève et de la rue de l’Intendance. confiance entre tous, fruit de le cas sur le plateau même partagées, d’estime et de 57/ Dès le 3 octobre 1940, hors toute pression de l’occupant, une « loi portant statut des Juifs » tournait le l’exemplarité des chefs. où les quelques habitants confiance réciproques. dos à tout ce qui avait fait la France depuis des siècles.

Mars 1944, rassemblé devant le mât central érigé sur le Plateau, le Bataillon des Glières présente les armes.

26 27 Ainsi donc, ces événe- Dès le 20 avril, ils re- voie, le chef militaire en est tage massif des armes de la Les garnisons allemandes Entre temps, une opéra- ments des Glières de février- montent au plateau pour Joseph Lambroschini, dit liberté. sont alors successivement tion audacieuse avait été lan- mars 1944, qui auraient pu récupérer les armes qui Nizier. Un ordre de mobilisa- réduites, Saint-Julien, Évian, cée par le groupe A.S. de la n’être que l’épisode, marginal, peuvent encore s’y trouver. Pour ce qui est de l’A.S., tion est lancé le 11 août par Thonon, Le Fayet, Cluses, Mandallaz, sous les ordres d’un parachutage malheu- Le 2 mai, le corps de Tom un homme d’exception, le Nizier, depuis son P.C. du enfin Annecy le 19 août. de Lucien Mégevand se- reux, restent, dans l’histoire Morel, qui avait été inhumé capitaine Yves Godard en Grand Bornand. Ce 19 août 1944, à 7h du condé par Georges Buchet, du 27 ème B.C.A., un héritage le 13 mars au pied du mât prend le commandement Le plan de manœuvre conçu matin, à Chavoire, dans la vil- tous deux anciens sous-of- lumineux, en dépit de leur des couleurs à Glières, est dans cette période. Mon- par Godard est simple : après la Fournier aujourd’hui rebap- ficiers du 27 ème B.C.A. À la issue tragique de la fin mars. discrètement transféré dans tagnard et skieur émérite avoir cloisonné l’espace de tisée villa Liberté, les chefs tête de 200 hommes, après Mais précisément, cette ce qui deviendra la Nécro- avant-guerre dans les rangs manœuvre du département de la Résistance, au premier un véritable coup de bluff, ils issue n’est pas l’épilogue et pole de Morette 58. du 27 ème B.C.A., il com- en interdisant tout accès aux rang desquels le comman- avaient obtenu la reddition on ne doit pas en rester là. En mai, le chef départe- mande la compagnie d’ap- renforts allemands qui pour- dant Nizier et le capitaine de 600 Allemands, soit l’es- En effet, dans les se- mental de la Milice peut écrire pui pendant la campagne de raient venir d’Aix-les-Bains, Godard, signifient aux offi- sentiel de la garnison d’An- maines et les mois qui suivent, que “ la situation est pire 1940 où il se distingue par un faire tomber les garnisons ciers allemands représentant necy, retranchés au quartier les maquis se reconstituent qu’avant les événements ”. héroïsme qui ne lui épargne- les unes après les autres le colonel Meyer, comman- de Galbert 59. et le département sera libéré De fait, en juin et en juil- ra pourtant pas la captivité. puis concentrer les efforts dant les forces d’occupation par les seules forces de la let, les opérations coup de Après deux tentatives sur Annecy. en Haute-Savoie, fortes de Résistance dès la mi-août. poing du maquis se multi- d’évasion infructueuses, la Le 14 août, la compagnie plus de 3000 hommes, une C’est le deuxième point plient, contraignant les 3500 troisième le ramène en Haute- Glières, au départ de Thônes, mise en demeure de reddi- d’orgue de l’histoire du 27 ème hommes des forces d’occupa- Savoie où il va prendre une se porte sur la coupure du tion sans conditions. B.C.A. dans la Résistance. tion à se resserrer sur les gar- part déterminante aux opé- Chéran à hauteur d’Alby. Au Trois heures plus tard, la nisons des villes principales. rations de la libération, à la prix de durs combats, le 15 capitulation est signée au La liberté reconquise Le 14 juillet, Louis Morel tête d’un bataillon dont le fer août à Balmont, qui coûtent siège de la Kommandantur La répression qui suit la défile en armes à la tête de de lance est “ la compagnie la vie au lieutenant Godinot, installée à l’hôtel Splendid, dispersion du maquis des la compagnie Le Chamois, Glières ”, commandée par elle y intercepte l’ennemi quai Eustache Chappuis, à Glières est cruelle. dans Thorens dont il prend Louis Jourdan. venu en renfort. Annecy. er Tous les officiers, sauf le contrôle. Le 1 août, 3000 hommes, 19 août 1944 : 2 SS abattus devant le quartier de Galbert. Lucien Mégevand Lucien MÉGEVAND Louis Jourdan, y laissent la vient d’être grièvement blessé. vie, certains véritablement assassinés comme les lieute- nants Lalande et Bastian. Les adjudants Conte et Ducrettet sont fusillés. Le sergent Ara- gnol est déporté ; il survivra. Mais ce n’est pas l’anéan- tissement dont on a parfois parlé. Louis Jourdan à Thônes, Louis Morel à Thorens, cha- cun dans son secteur, re- Le 14 juillet 1944, la compagnie “ Le Chamois ”, avec à sa tête Louis constituent leurs forces. Pour Morel, défile à Thorens le premier, ce sera la “ com- L’union des forces de la issus de tous les mouve- pagnie Glières ”, pour le se- Résistance, A.S. et F.T.P. est ments de Résistance du cond, la compagnie “ Le Cha- réalisée au sein des Forces département, sont rassem- mois ”, qui seront des acteurs Françaises de l’Intérieur blés pour recevoir en plein majeurs de la libération. (F.F.I.). Pour la Haute-Sa- jour, à Glières, le parachu-

58/ Là avaient été inhumés le 1er avril, dans une prairie en bord de route, 25 maquisards des Glières, les uns tombés dans une embuscade dans la gorge de Morette dans la nuit du 27 au 28 mars, les autres fusillés au 59/ Lucien Mégevand, dit Pan-Pan, faillit y laisser la vie. Alors même que les soldats allemands venaient de Villaret, près de Thônes. Le maire, Louis Haase, s’était courageusement opposé à l’ouverture d’une fosse déposer les armes, a surgi une voiture de la Gestapo. Dans l’échange de tirs qui s’en est suivi, les interve- commune exigée par l’occupant. nants ont été tués. Mégevand, grièvement blessé, se rétablira.

28 29 Le 20, les maquisards vallées de Tarentaise et de le capitaine Jourdan, alias défilent à Annecy au milieu Maurienne. Joubert. La 2ème, issue des d’une foule en liesse. Pour cela, le bataillon F.T.P., est commandée par le Albertville, Grenoble, Lyon Godard est restructuré pour capitaine Maurice Herzog 60. sont encore occupés.La engerber, à parité, les unités Ensemble, sous les Haute-Savoie est libérée de l’A.S. et celles des F.T.P. ordres du chef de bataillon par les seules forces de la Le 1er décembre, à la Godard, ils vont écrire, sur Résistance. C’est un cas faveur d’une prise d’armes les crêtes frontières de Haute unique en France. Les sacri- organisée sur le Pâquier, à Tarentaise, durant l’hiver 44- fices consentis n’avaient pas Annecy, pour laquelle le ba- 45, le premier chapitre de la été vains. taillon a momentanément été renaissance de l’armée des Mais si la Haute-Savoie relevé sur le front de Haute Alpes à partir des maquis, est libérée, il n’en est pas Tarentaise, celui-ci reprend en pleine lumière. C’est une de même de la Savoie à l’appellation 27 ème B.C.A. autre histoire. laquelle, dans la foulée, on La 1ère compagnie, issue va prêter main forte pour de l’A.S. est la “ compagnie refouler l’ennemi dans les Glières ”, commandée par Général Jean-René Bachelet

60/ Futur vainqueur de l’Annapurna puis haut commissaire aux sports du général de Gaulle, Maurice Herzog, à la tête d’une formation F.T.P., illustre le fait que les clivages politiques n’avaient pas l’acuité que l’on pourrait penser. 20 août 1944, Annecy, rue du Pâquier, dans la liesse populaire, les agents de liaison à bicyclette et l’équipe médicale de Le bataillon des Glières de la libération défile devant le chef de bataillon Godard sur l’avenue d’Albigny à Annecy. campagne, avec le docteur Marc Bombiger et Madeleine Golliet, infirmière.

31 Le même bataillon des Glières de la libération sur le Pâquier à Annecy. Jean Carraz, combattant des Glières, devenu lieutenant, porte le drapeau. 71 ans plus tard, le président d’honneur de l’Association des Glières, Jean Carraz, (section Lyautey) remet à une section de jeunes recrues le fanion qui marque son baptême du nom de celle de ses anciens. GEORGES ARAGNOL, MAQUISARD DES GLIÈRES, RESCAPÉ DES CAMPS

Engagé volontaire au 99 ème Régiment d’Infanterie Alpine en 1938, Georges Aragnol est affecté au 6 ème B.C.A. à l’issue de la campagne de 1939-1940. Nommé sergent le 15 mars 1941, il rejoint le 27 ème B.C.A. le 10 août, sous les ordres du chef de bataillon Vallette d’Osia. Après la dissolution de l’armée d’armistice, il entre dans la clandestinité dans les rangs de l’Ar- mée Secrète à Bonneville. Maquisard des Glières à la compagnie Joubert, il en est un des rescapés. Chef du corps-franc de Bellevaux il est arrêté le 5 avril 1944 à Vailly. Interné successivement au Savoie-Léman à Thonon, au quartier Dessaix à Annecy puis à la pri- son Saint-Paul à Lyon, il est du convoi de déportation du 29 juin 1944 pour Dachau. Son récit, dont nous publions ci-après de larges extraits du manuscrit retrouvé par sa fille en 2006, commence au jour de son arrivée au camp, le 2 juillet 1944, lorsqu’il devient le matricule 75666. De retour en France après sa libération, il quittera le service en 1969 comme capitaine.

Dimanche 2 juillet 1944 petits isolateurs. Cela ne nous méro ; à présent c’est par ce DACHAU inspire guère confiance, il ne numéro que nous serons ap- va pas falloir s’y frotter. Nous pelés, le nom ne servira plus Après un dur voyage de voilà sur une grande place. à rien. quatre jours, par une cha- De tous côtés des hommes …… leur torride, le convoi fait son en pyjama, drôle de tenue ; Les moments où nous au- entrée à Dachau. Ce nom ne mais cette fois nous ne se- rons un peu de plaisir, ce sera nous est pas inconnu, mais rons pas longs à comprendre, pendant les alertes. Heureu- nous ne saurions dire où et à ce doit être les fameux camps sement, elles seront nom- quelle occasion, nous avons de concentration, et cette fois, breuses. Les Alliés bom- entendu ce nom. on se rappelle de ce que c’est, bardent sans relâche Munich …… pour l’avoir entendu à Radio et ses environs. Du plaisir, Soudain, des hurlements Londres, lorsque dans le Ma- parce que tout d’abord pen- plutôt que des commande- quis nous écoutions les infor- dant l’alerte, on rentre dans ments, parmi lesquels nous mations et commentaires de le Block, on peut s’étendre distinguons l’impératif “ Alles la B.B.C. qui nous apportaient sur la paillasse ; et puis nous raus ”. On dégringole plutôt tant d’espoir. plaçons tant d’espoir dans qu’on ne descend des wa- …… ces forteresses, c’est là qu’est gons. Un SS à chaque porte Sur la gauche, une usine, notre Libération. se charge d’activer l’opéra- avec sa grande cheminée et Un seul, parmi tous ces tion. En quelques minutes, d’où parfois se dégage une valets à la solde d’un litre nous sommes rassemblés par odeur âcre. Nous appren- de soupe supplémentaire, a groupe de cinquante ; et bien drons plus tard que c’est gardé le sens de l’humanité. encadrés, nous traversons aussi la cheminée du grand C’est le chef de Block, un an- une cour de caserne. Nous four crématoire. cien député communiste al- enregistrons une petite satis- Les cuisines forment lemand enfermé depuis onze faction : la R.A.F. est passée l’autre côté avec sur la toi- ans. Son matricule cent six par là, les bâtiments ont si- ture des inscriptions non en dit long, car nous sommes nistre allure sous les amas de moins ironiques que sur le échelonnés dans les soixante- poutres et de pierres. Nous terrain de sport : “ La pro- quinze mille ; et dans ces nu- sommes contents de voir que preté c’est la santé ”, “ Le méros, ceux qui en arrivant le coin n’est pas ignoré, et travail rend libre ”, et bien prirent le chemin du four cré- nous espérons bien avoir une d’autres du même genre. Ici matoire ne sont pas compris ; prochaine visite. même, la propagande ne aussi quel défilé d’hommes Devant nous, un grand por- perd pas ses droits et tous allant vers la mort. tail s’ouvre, et nos regards cu- les prétextes sont bons. …… rieux voient bien vite que les …… Vingt jours après notre ar- Georges Aragnol, sergent au 27 ème B.C.A.en 1941. barbelés sont posés sur de On nous distribue un nu- rivée, c’est le délai qui est laissé

37 à chaque convoi pour s’as- ICI, C’EST LEITMERITZ Nous nous sommes toujours jour que nous avons froid. testation serait notre mort surer qu’il ne se déclare pas SUR ELBE demandé à quoi avaient pu Progressivement la mé- certaine. Pour ma part, j’es- d’épidémies, nous sommes servir toutes ces formalités, moire s’en va, j’ai l’impression saie de me remonter le moral, rassemblés, les spécialistes Nous sommes quelque car les hernieux ont toujours de devenir fou. Tout d’abord de raisonner, mais c’est alors mis de côté, les autres em- peu frappés par l’attitude des travaillé à n’importe quelle de petits détails que j’oublie ; que l’âpre réalité m’appa- menés sur la grande place où civils, qui rentrent précipitam- tâche tant qu’ils ont pu tenir ; puis des noms de camarades raît. Que sommes-nous : de nous attendons pendant de ment chez eux ou ferment et ceux qui avaient eu des dont je n’arrive plus à me rap- simples numéros, dont il faut longues heures. leurs fenêtres à notre pas- bronchites ou autres n’eurent peler ; même des noms de vil- tirer le maximum avant d’avoir sage. Est-ce par dégoût pour jamais de traitements spé- lages que je connais pourtant cessé de souffrir. DÉPART DE DACHAU nous, ou par crainte des SS ciaux. Finalement, il est près bien, et dont je me souvenais, …… qui nous escortent ? de dix-huit heures, lorsque la il y a quelques jours seule- À Dachau, nous avions une À la tombée de la nuit, Nous ne sommes pas les visite est terminée et nous at- ment. Ce n’est qu’avec beau- certaine fierté à porter les ha- nous partons et à travers les premiers arrivés. Derrière un tendons un peu de nourriture. coup de peine, que je parviens bits rayés, mais ici, maintenant faubourgs de la ville, nous re- bâtiment, en plein vent, est …… à force de m’y absorber, à me qu’ils commencent à être dé- joignons la gare où une rame installée une étuve, et contre Ici la vie s’avère très dure. remémorer ce que je viens chirés nous avons honte de de wagons à bestiaux nous le mur quatre douches. Là, La nourriture est insignifiante ; de vivre, il y a quelques mois nous-mêmes. Quel avilisse- attend. Par bonheur, nous une centaine de squelettes le matin un peu d’eau noire, à seulement. Je deviens insen- ment subissons-nous ! On ne serons pas trop serrés se pressent sous quatre jets midi trois cents grammes de sible à toutes les cruautés qui nous a abaissés à un tel ni- n’étant que cinquante par pour se réchauffer. C’est une pain qui est plutôt une pâte se font autour de moi. Même veau que parfois nous nous wagon. Deux sentinelles ont bousculade générale où les fabriquée avec de la fécule de lorsque je reçois des coups, il demandons si nous sommes pris place avec nous, et à eux plus forts restent sous le jet pommes de terre mêlée à de me faut quelques secondes vraiment des hommes, si deux, ils occupent bien un chaud, puis au bout d’une la betterave. Ce n’est pas cuit, avant de réagir et à chercher nous sommes encore supé- peu trop de place, … dizaine de minutes, l’eau il en ressort un goût d’aigre à les éviter. Le cerveau ne rieurs aux bêtes. Plus aucun …… froide jaillit en même temps qui donne mal à l’estomac. Le commande plus. Lorsqu’un respect pour des êtres hu- Encore quelques heures que le Kapo intervient avec sa soir, un litre de soupe claire fruit se trouve à ma portée, mains. Pour ces bourreaux, d’attente, et nous quittons les Schlag. Lui se charge de les où nagent quelques pommes il se passe un temps assez une seule chose compte, le wagons. Toujours par groupe réchauffer. Il frappe à tour de de terre et petits pois. Puis, en long avant que les nerfs me travail. Peu leur importe si le de cinquante, nous sommes bras sur les dos aux os sail- plus, il y a le travail. L’emploi du poussent à le ramasser. Je soir nous ne pouvons plus rassemblés, et sommes bientôt lants. On leur distribue une temps est bien chargé : réveil à ne suis plus qu’un automate tenir debout pour rentrer au heureux de marcher un peu chemise et un caleçon, et quatre heures ; appel jusqu’à sans volonté. Pendant près camp. Nous nous rendons pour nous réchauffer. Les cla- transis de froid, presque pa- six heures ; ensuite douze de trois semaines, le mal va bien compte maintenant que quettes ne sont vraiment pas ralysés, ils rejoignent le Block. heures de travail. Le soir, à six en s’aggravant, puis reste nous sommes ici pour mourir pratiques pour la marche, et Leur dos est zébré de traces heures à la rentrée au camp, stationnaire, et je suis dans au travail ; que tant que nous pour pouvoir suivre et s’éviter violacées faites par la Schlag. appel dont la durée minimum un état de demi-inconscience. serons vivants, il faudra souf- les coups de crosse, on les L’un d’eux en a reçu un coup sera toujours d’une heure. À Je ne suis pas le seul, et je frir de la faim et recevoir prend à la main, et allons en pleine figure, et son front vingt et une heures de nou- vois des camarades qui sont des coups. C’est l’extermi- pieds nus sur la chaussée hé- saigne. Un autre groupe lui veau, appel, après quoi seu- beaucoup plus atteints que nation lente par l’épuisement rissée de petits cailloux qui succède, et l’opération re- lement, nous pouvons nous moi, qui ne réagissent absolu- qui va commencer. Un peu nous blessent les pieds. Nous commence, aussi bien, mais coucher. Cela fait donc dix- ment plus sous les coups, et chaque jour, les forces vont traversons la ville ; et nous par- aussi brutale sous ce vent qui sept à dix-huit heures pas- il faut les prendre par le bras nous quitter, et un beau jour, venons, grâce aux poteaux in- nous fait grelotter, bien que sées au travail ou debout. pour les enlever de dessous quand il ne restera plus assez dicateurs à nous fixer sur notre nous soyons vêtus pour une Six heures de repos seule- les coups des Kapos. À quel d’énergie pour rester debout, nouvelle résidence : Prague à saison normale. ment, et quel repos, sur des niveau sommes-nous des- ce sera la rentrée à ce qu’ils soixante kilomètres. Dresde à …… planches, car ce n’est que cendus ? À quoi pouvons- appellent l’infirmerie, et d’où quatre-vingt-douze. Là, nouvelles formalités, trois semaines plus tard que nous nous comparer ; même l’on ne ressort presque ja- Nous sommes au centre nom, matricule, puis il faut se nous aurons enfin des pail- pas à des forçats, à des bêtes mais vivant. de l’Europe déshabiller. Deux docteurs lasses, mais pas de cou- peut-être et encore. Une bête …… passent la visite, s’enquièrent vertures. Heureusement, le qui serait ainsi battue finirait De nouveaux convois sont si nous avons eu des pleuré- temps s’est remis au beau, et par se défendre, tandis que venus grossir l’effectif qui - at sies, bronchites ou hernies. ce n’est que vers le lever du nous, un simple geste de pro- teint maintenant huit à neuf Août 1939, en manœuvre au Mont Froid 38 39 mille hommes. Pensant ob- avions été autorisés à envoyer nous y parvenons, sans qu’il force supérieure, quand tant de douceur, pas une bonne Le matin, en arrivant au tenir un meilleur rendement, une carte en France avec ces ait apporté un changement de cruautés se commettent parole, si ce n’est les sou- camp, un autre convoi a pris la le directeur des travaux envi- quelques mots écrits en alle- quelconque à notre triste vie chaque jour autour de vous ? haits de bonne fête du sous- même direction que ceux de la sage la journée de huit heures mand : “ Suis en bonne santé, de galérien. Le soir au tra- Nos bourreaux ne veulent officier d’appel, mais c’était veille. Où sont-ils allés ? L’appel avec un roulement de trois envoyez colis ” suivait une vail, après nous être en- pas être en retard à fêter tellement ironique ! dure longtemps. Déjà quatre équipes. Les Kommandos ex- brève nomenclature. Depuis, quis de l’heure, tournés vers Noël. Chaque chef de Block, …… heures que nous sommes térieurs sont diminués afin de rien. Pas de réponse. Par- l’Ouest, nous nous décou- chef de chambre, certains Dès que je me sens triste, là debout après une nuit permettre la mise sur pied de fois, nous nous croyons ou- vrons tous trois en pensant à Kapos organisent leur arbre je fredonne un de nos chants passée au travail. Soudain, trois équipes qui travailleront bliés des nôtres, dans cet ce joyeux 11 novembre 1918 de Noël. Il est frappant de voir de Maquis. Je pense aux ca- telle une explosion, l’ordre à l’intérieur de l’ancienne mine isolement du monde civilisé. qui avait mis un terme à de ces brutes devenir subite- marades laissés en France ; arrive, tout le camp doit être où se construit une usine sou- Notre espoir de revivre un jour grandes souffrances, mais si ment humaines, ou bien est- beaucoup ne sont plus, fu- évacué. terraine. diminue au fur et à mesure peu comparables aux nôtres. ce de l’hypocrisie. Un grand sillés avant mon départ. Je Le silo de pommes de terre que l’hiver se fait plus mena- Nous pensons à ceux qui ont sapin est planté au milieu du pleure en pensant qu’eux ne est là tout près, aujourd’hui Nous sommes en novembre. çant. Chaque jour nous ap- le bonheur de prendre leur re- camp, illuminé par des am- verront jamais la Victoire, et pas de Polizei qui le garde. Le vide s’est fait rapide- prenons une nouvelle mort vanche en luttant pour libérer poules multicolores. Un haut- je réagis en me disant qu’ils Au lieu de regagner le Block, ment parmi notre groupe. parmi notre convoi, et nous le sol français ; et les larmes parleur est installé à côté, et doivent être vengés, que je je bondis à travers une petite Sur les cent soixante-treize pensons à notre prochain tour nous viennent aux yeux. Nous, un phono nous envoie l’ac- n’ai pas le droit de me laisser ouverture de barbelé. J’ai une Français arrivés le vingt-trois qui avance à grands pas. Ce nous sommes des inutiles et cent de quelques marches abattre ; mais vivre ainsi seul, couverture ; avidement je juillet, une quarantaine tout n’est plus qu’une question cela nous fait mal au cœur. teutonnes. Pourtant, nous c’est dur. puise dans le tas, il y a aussi au plus sont encore en capa- de semaines, de jours peut- avons repos et comme c’est …… des choux-raves, et sans cité de travailler. Les autres être, et nos souffrances et Nous voilà à Noël. un samedi, nous espérons perdre une seconde, j’en- se traînent épuisés à l’infir- notre humiliation s’achèveront Ce Noël que nous n’au- qu’ainsi nous aurons deux Nous voilà au mois de mars. tasse le butin ; mais d’autres merie ou nous quittent pour sans pouvoir réagir contre ce rions jamais cru passer dans jours de détente. Quelle er- m’ont suivi, nous sommes Flossenbürg. Beaucoup sont destin qui nous attend tous si de pareilles conditions. Nous reur, le lendemain nous al- Les arbres sont en fleurs, une vingtaine. Un SS monte morts. Parfois le moral très près. pensons à ceux qui vont le lons au travail, mais les civils on se disait toujours : “ Nous du Block ; c’est le moment bas a eu plus vite raison d’eux fêter dans l’ivresse de la vic- ont congé, et la nuit se pas- avons vu tomber les feuilles, de déguerpir. En repassant que le manque de nourriture. Le 11 novembre. toire, aux familles qui at- sera sans que nous ayons pourvu qu’on ne les voie par le barbelé, la couver- Nous avions espéré la fin Ce 11 novembre que l’on tendent vainement une nou- touché au travail. La nourri- pas fleurir ”. Et voilà que les ture s’accroche, les patates de ce cauchemar pour la fin croyait passer en France ar- velle des leurs, à ceux qui, ture a été quelque peu amé- oiseaux chantent, la cam- tombent. Enfin, j’arrive à m’en septembre, puis nous nous rive. Beaucoup désespèrent, n’ayant pas la possibilité de liorée ; un supplément de pagne reverdit, et l’on se tirer, mais j’en ai perdu une faisions l’idée d’une coïnci- le moral faiblit et ce sera la le fêter amplement, le fêteront sauce où nagent quelques sent diminuer de jour en jour. bonne moitié. Il était temps. dence possible avec l’Armis- cause de la mort rapide de tout de même, parce qu’ils brins de choux-fleurs, c’est Cette fois, c’est une ques- Le SS est là, il reste encore tice de 1918. certains. sont libres. Quel sera notre tout ce que nous aurons, car tion de semaines pour nous, deux hommes de l’autre côté. Les uns après les autres, Cependant, nous, nous Noël ? Un jour comme les les chefs de chambre, fai- de jours peut-être. Quand Un coup de feu retentit, et l’un tous nos espoirs se sont ef- gardons bon espoir, et es- autres ou presque, peut-être sant provision pour plusieurs nous ne pourrons plus mar- d’eux s’écroule, tandis que fondrés. Maintenant, en re- sayons de redonner espoir un peu moins de travail, mais jours ont soigneusement re- cher, qu’adviendra-t-il ? La l’autre reçoit force coups de gardant les dernières feuilles aux défaillants. C’est peine toujours ces barbelés qui tiré les légumes et les bouts réponse vient aussitôt à l’es- bâton, car un Polizei a aussi tomber, nous formulons l’es- perdue, on se sent trop seul. nous interdisent l’accès du de viande. Puisque c’est prit. Ce sera une balle dans fait son apparition. Derrière poir de ne pas voir ces arbres Le 10 au soir pendant notre monde civilisé, nous enten- Noël, il faut marquer le coup, la peau. le grand Block, j’allume un fleurir ici. Nous nous ren- travail, nous pensons à ce drons toujours les hurlements le sous-officier d’appel n’est …… feu, et je peux faire cuire mon dons trop compte de notre 11 novembre 1918 qui avait de nos gardes-chiourmes, pas pressé, et nous passons butin, trois ou quatre kilos de C’est l’évacuation. abandon. Pour nous, la Croix- apporté tant de joie dans nous recevrons leurs coups près de deux heures à gre- pommes de terre. Les choux- Rouge n’est qu’un vain mot. le monde entier ; mais pour sans pouvoir opposer une dé- lotter, en attendant le bon On nous a dit, information raves sont trop longs à cuire, Pas une parole de réconfort nous l’attente continue. fense ; et pendant ce temps, vouloir de monsieur. Il est plus ou moins erronée que les et je les mangerai crus. venue du monde civilisé pour …… le monde entier fêtera l’avè- vrai que nous avons repos, Russes sont à Dresde à quatre- Vers midi, Kapos et Po- nous redonner du courage. Nous avions fait tant de nement de Celui qui prêchera et puis il y a la musique pour vingt-dix kilomètres de nous, lizei sont en chasse à tra- Pas de nouvelles des nôtres, projets pour le 11 novembre, l’amitié entre les hommes. nous faire prendre patience. que les Alliés sont à Prague. vers les chambres. On nous aucune aide, rien ne viendra croyant le passer, sinon en On prétend que la souf- C’est tout simplement cela Autant de bruits fantai- rassemble par groupe de adoucir notre triste vie de ga- France, du moins libérés france pousse à être croyant, qui nous rappellera que c’est sistes. L’équipe de nuit ne cent. Là, je retrouve trois lérien. À notre arrivée ici, nous du joug nazi. Mais voilà que mais comment croire à une Noël ; même pas un peu plus sera peut-être pas évacuée. camarades du convoi du

40 41 vingt juillet. Je demande ra- trouvé quelques orties et des les sentinelles qui ne sont la Liberté leur est rendue. il fait à peine jour. Que signifie quatre kilomètres. Devons- pidement des nouvelles des pissenlits. La halte ayant été pas en retard pour s’appro- Quelle explosion de joie. donc cela ? Nos cœurs se nous y croire, c’est invrai- autres. Il s’avère bientôt que assez longue, nous avons pu prier les gâteaux. Cependant L’un d’eux a retrouvé sa femme. serrent, les paroles que l’of- semblable. sur les cent soixante-treize, les faire cuire ; mais c’était bien que nous ne soyons Ils pleurent tous deux, heureux ficier a prononcées hier nous …… nous ne sommes plus que bien amer, un bouillon noir qui pas rassasiés, l’estomac fait de se revoir. J’ai peine à retenir reviennent à la mémoire, On quitte le wagon, beau- quatre. Tous les autres sont irritait l’estomac, un Russe moins souffrir. Vers seize mes larmes ; l’émotion nous serait-ce vrai ? Cet armistice coup nous imitent. Le train re- morts de faim ou disparus nous a proposé un peu de heures, on quitte la gare, et empêche de s’exprimer. Je que depuis plus d’un an nous part, mais cette fois il n’y a pour toujours. Nous par- sel moyennant quelques cuil- à la tombée de la nuit, on pense au jour où je retrouverai attendons avec impatience, plus personne aux canons. tons à travers les champs ; lérées de notre soupe ; ainsi, stoppe près d’une demi- les miens ; car il n’y a plus de pliant sous le joug des brutes Quelques pièces sont jetées ça prend une drôle de tour- c’est à peu près mangeable. heure dans une autre gare. doute, c’est la fin. Le profes- nazies. dans les champs. Certains nure, cependant nous n’irons Cette fois finis les pommes La population a été avertie de seur nous informe que nous …… peut-être plus clairvoyants pas loin. La petite gare en de terre et les rutabagas. notre passage. De grandes devons aller à Prague, où Au fur et à mesure que que nous déguerpissent à construction est là, et une …… bassines de soupe, du pain, nous serons libérés. Beau- le soleil s’élève, un vrai so- travers champs ; nous, nous rame de wagons. On nous Samedi vingt-huit avril. nous attendent sur le quai. Il coup de Russes se sont fau- leil de printemps celui-là, le ne réalisons guère. On a l’im- entasse dans des wagons y aura bien quelques coups filés avec les Tchèques, et ils nombre de drapeaux aug- pression d’être victimes d’une à charbon non couverts À la tombée de la nuit, de crosse, mais beaucoup partent maintenant sans gar- mente. Bientôt presque hallucination pourtant, nous par soixante-dix ou quatre- le convoi s’ébranle, les SS d’entre nous mangeront ce- diens prendre une douche. toutes les maisons sont pa- voilà seuls autour de notre feu vingts. Nous aurons tout de restent là. Seuls les Volks- pendant une bonne soupe Peu après midi, nous repar- voisées. Un avion américain où cuit notre dernière pitance même un peu de paille. Il turm nous accompagnent. chaude. tons avec Prague comme desti- survole le convoi, les canons de bagnard. tombe à présent une pluie On roule toute la nuit à tra- Au moment du départ, un nation. Quelques heures après ne tirent pas ; et nos cœurs Nous sommes libres, fine et froide ; le temps est vers la Bohême. Au petit jour, civil arrive avec une soupière, nous y voilà. Cette fois, ce sont se gonflent à l’idée de la Li- enfin. On devrait chanter, bien gris et nous sommes le on stoppe dans une gare. et je récolte encore une des corbeilles de gâteaux, de bération. mais nous avons la gorge vingt avril, époque où il ne fait Passe un train de voyageurs ; pleine gamelle de pâtes, pas sandwiches au jambon qui …… serrée ; on pourrait s’em- pas encore bien chaud. Un des bouts de pain, des ciga- très cuites, mais chaudes et nous sont apportés par les Vers midi, nous arrivons brasser, mais nous n’avons peu avant la nuit, le convoi rettes tombent dans le wagon ; bien grasses. «Ce n’est plus femmes de la “ Charita ”. Des dans une grande ville. Le pas encore réalisé. s’ébranle, on roule une partie c’est la ruée, la bagarre pour le temps des pissenlits» me soldats Tchèques infirmiers convoi stoppe longuement. Le cœur frappe à grands de la nuit très lentement. Au quelques miettes. Timidement, dit mon coéquipier. pénètrent dans les wagons, Les civils organisent rapide- coups ; on dirait qu’il va sauter, matin, on stoppe ; une qua- quelques femmes Tchèques La nuit se passe en rase emportent les malades ; les ment le ravitaillement, pains, les yeux sont gonflés, mais rantaine de kilomètres nous apportent du ravitaillement. campagne, et vers les huit faibles, qui malgré l’affluence pommes de terre, chacun pas une larme ne vient. Nous séparent seulement du camp. On saute des wagons ; on heures du matin, on arrive de vivres ne peuvent plus se donne ce qu’il a sous la mangeons avidement, et Dans l’après-midi, nous leur arrache le pain des à une gare importante. Le mouvoir ; ils sont à bout. Un main. Un jardinier donne les seuls cette fois, sans escorte, faisons demi-tour ; et nous mains. Les gardiens ne mot d’ordre a été transmis. À grand wagon de pain nous est pommes de terre qu’il est d’un pied mal assuré sur des sommes bientôt à Lobositz disent rien, ils n’interviennent peine le convoi est-il arrêté, distribué et l’on entasse le butin en train de planter. Braves jambes qui ont de la peine à à dix kilomètres du camp. que pour dégager les mal- que de tous côtés, passant dans un coin. Tchèques, on ne vous ou- nous porter, comme des en- Le convoi est rangé le long heureuses femmes, on croi- par-dessus les barrières, des …… bliera pas, vos gestes si fants nous faisons nos pre- rait plutôt des bêtes que des d’une route sur une voie de femmes et des hommes ar- Le 5 mai au soir. spontanés, nous amenaient miers pas d’hommes libres. garage. Bientôt apparaissent hommes. C’est le neuvième rivent les bras chargés. Cette bien souvent les larmes de jeunes SS au sourire mo- jour que nous n’avons pas eu fois-ci, c’est l’abondance. On …… aux yeux ; mais voulant être Georges ARAGNOL queur. Ce sont eux qui vont de ravitaillement. se permet même de fumer Bientôt nous traversons fort, on les refoulait et c’est libéré à Kaplice le 25 mai 1945. nous garder toute la semaine. Enhardis, les hommes vieux une cigarette. Un Tchèque de grandes forêts, où biches à peine si dans nos gorges Un triste souvenir que nous ou jeunes ne sont pas en re- apporte même quelques har- et chevreuils s’arrêtent pour parvenait à s’exprimer, un emporterons de ces brutes tard pour nous satisfaire. Des monicas et un peu de mu- nous regarder. Comme nous mot de remerciement. qui crient de tout cœur à corbeilles de pain, des cruches sique va égayer le convoi. Un les envions ; eux libres de …… chaque crime qu’ils com- de lait, de café ; même du professeur de français nous courir et de manger à leur Bientôt on croise un dé- mettent. chocolat ; de la bonne soupe dit que l’armistice est sur le guise ; eux sont les civilisés tachement de la Wehrmacht Déjà trois jours que nous épaisse, rien ne manque, point d’être signé. nous les bêtes féroces que à pied, sans fusil. Le train sinon la quantité. Le convoi avons quitté le camp, trois Nous sommes le trente avril. l’on garde. stoppe, il y a des explications jours que nous n’avons pas comprend plus de quatre …… avec nos gardiens ; puis des eu à manger. Hier, avec un de mille cinq cents hommes Les détenus Tchèques Quelques drapeaux civils passent nous disant mes camarades, nous avons plus trois cents femmes, et sont rassemblés, et bientôt Tchèques flottent et pourtant que les Américains sont à Janvier 1943, au Semnoz 42 43 “ VIVRE LA MÉMOIRE ! ” 15 MARS 2015 NÉCROPOLE NATIONALE DE MORETTE

… “ Nombreux sont ici ceux qui ont gardé en mémoire les mots impérissables lancés le 2 septembre 1973 par André Malraux lors de l’inauguration du monument national à la Résistance érigé par Émile Gilioli au plateau des Glières : “ Passant va dire à la France que ceux qui sont tombés ici sont morts selon son cœur ”. Oui, sur le plateau sublime, comme en cette nécropole, bat le cœur de la France. Et c’est bien pourquoi le message de ceux des Glières est plus que jamais actuel : il nous parle de la France. Il nous dit ce qu’est la France, ce qu’à l’époque elle n’aurait jamais dû cesser d’être, ce qu’aujourd’hui elle doit être.…” général Jean-René Bachelet, Président de l’Association des Glières 27 MAI 2015 LA ROCHE-SUR-FORON LE COLLÉGE DES ALLOBROGES ET LA MÉMOIRE DES GLIÈRES Brigitte Cavet, principale du En effet, la cour s’ouvre collège, de placer la salle entre de hauts bâtiments La journée nationale de de rencontres de l’établisse- et des pentes herbeuses la Résistance, le 27 mai der- ment sous le patronage des coupées d’escaliers qui mé- nier, a été célébrée au col- Glières, en lui donnant le nagent une sorte d’amphi- lège des Allobroges, à La nom de salle “ Morel Anjot ”. théâtre naturel. Roche-sur-Foron, avec un C’est tout naturellement Tout le collège était donc faste particulier, dont le sou- que le 27 mai avait été choisi rassemblé là autour de la cour venir demeurera. pour son inauguration. devenue une vaste scène où il Il est vrai que cet établis- Loin de toute cérémonie revenait à la fanfare du 27 ème sement entretient, avec la mé- compassée entre notables BCA de créer l’ambiance. On moire et les valeurs de la Résis- et initiés, ce fut un grand connaît le talent de celle-ci à tance, une relation privilégiée. moment de ferveur collective. combiner les classiques du Ainsi, depuis de nom- Mme Cavet avait tenu en effet répertoire et les fantaisies les breuses années, c’est dans à y associer l’ensemble des plus débridées, ce qui fut fait, son enceinte qu’est présenté, enseignants et des élèves, déchaînant l’enthousiasme chaque année, aux ensei- dans sa préparation et dans de ces garçons et de ces gnants du département et son déroulement. filles, de la bouche desquels aux associations de mémoire, Il revenait ainsi, bien sûr, à on n’avait jamais entendu, sur le spectacle organisé sous la “ classe Défense ” de pré- le registre patriotique, plus égide du Conseil Départe- parer une intervention aux vibrants Chant des Partisans, mental et mis à disposition côtés des officiels pour l’inau- Chant des Glières, Hymne des collèges et des lycées guration même. des Allobroges et Marseillaise. en accompagnement du Mais, et ce ne sont que Oui, nous avons vécu là concours national de la Ré- des exemples, le profes- un grand moment. sistance et de la Déportation. seur d’espagnol avait intégré L’un de ceux qui illustrent Le terrain était donc fer- l’histoire des Républicains la vocation de la mémoire tile pour qu’y ait été créée, espagnols des Glières dans des Glières et de la Résis- voici cinq ans, une “ classe son programme, une classe tance dans notre départe- Défense ” sur l’initiative de plus spécialement orientée ment à nourrir l’éducation M. Guillaume Yout, profes- vers les disciplines corres- à la citoyenneté des géné- seur d’histoire. Cette classe, pondantes avait réalisé une rations nouvelles, en leur qui regroupe des élèves de reproduction à l’échelle du transmettant les valeurs au troisième, a noué des rela- monument à la Résistance de nom desquelles nous vou- tions étroites avec la 1ère Glières, œuvre de Gilioli, et les lons vivre ensemble au-delà compagnie du 27 ème B.C.A., élèves des métiers de la res- de nos différences. la compagnie Glières, ainsi tauration s’étaient inspirés du En toute cohérence avec qu’avec un bâtiment de la même thème. l’esprit qui animait ainsi cette marine nationale, le Forbin. En point d’orgue, après manifestation, le premier À la faveur de ces partenariats, l’inauguration de la salle temps en salle avait ménagé elle a multiplié les initiatives même en présence de M. une présentation du livre si- qui ont valu à son professeur Pascal Clément, adjoint du gné de Nicole Baud-Bévillard, de nombreuses distinctions, la directeur académique dé- “ le maquis des Glières en 20 dernière en date étant le “ Prix partemental empêché, des questions ”, ouvrage péda- du soldat de montagne ” qui représentants des familles gogique s’il en est, préfacé lui a été remis dernièrement à Anjot et Morel, ainsi que des par l’inspecteur d’académie, Grenoble. associations, l’ensemble du M. Christian Bovier, dans une Cette dynamique a reçu collège était rassemblé à coédition Association des un surcroît de vigueur avec la l’extérieur dans le site ex- Glières/CANOPE, dont il est décision prise par madame ceptionnel dont il dispose. rendu compte par ailleurs. 9, 11, 12 et 16 JUIN 2015 Voilà dix neuf ans que le Conseil départemental, aidé de l’USEP RANDOGLIÈRES et UGSEL, réunit chaque mois de juin un nombre important d’élèves de CM2 sur le Plateau des Glières. Cette année, 80 classes encadrées par 240 adultes (enseignants, parents d’élèves accompagnateurs) ont participé à cette manifes- tation. 2015 enfants ont emprunté comme d’habitude les différents chemins qui mènent au Plateau. Tout au long de cette journée, différentes activités liées directement au lieu qu’ils venaient découvrir leur étaient propo- sées (histoire, faune, flore, …) L’après-midi s’est clô- turée par un rassemblement devant le monument pour prendre part à une évocation historique, à une lecture de mes- sages et à des chants toujours aussi émouvants. 18 JUIN 2015 PLATEAU DES GLIÈRES COMMÉMORATION DE L’APPEL DU GÉNÉRAL DE GAULLE

“ … 75 ans après, nous qui avons dit OUI au général de Gaulle, il nous appartient toujours et encore de faire mieux comprendre aux jeunes générations l’extraordinaire mes- sage d’espoir contenu dans son Appel historique dont vous venez d’entendre la lecture et que le passant pourra lire sur cette stèle du Plateau des Glières, symbole du courage, de l’unité et de l’esprit de sacrifice des Résistants de la Haute- Savoie. Extrait du discours prononcé par Monsieur Roger Buquin, vétéran de la France Libre GLIÈRES FÊTE LA LIBERTÉ

tions mémorielles du dépar- tour, sans omettre Annecy, tement. (À cet égard, depuis capitale départementale, et Après une édition 2014 quelques années, existait au le 27 ème B.C.A., acteur his- qui avait dû être annulée en plateau une commémora- torique majeur, toutes géné- fin de matinée pour cause de tion du 18 juin à l’initiative de rations confondues. tempête annoncée, l’édition la commune de Thorens : la 4/ Il fallait pour cela imaginer 2015 a été un franc succès. décision était prise, en accord un programme festif, avec Pour autant, à la veille du avec le préfet, le président du un très large éventail d’acti- dixième anniversaire de sa C.G. et les maires concernés vités susceptibles de mobi- création, cette manifestation d’en faire la cérémonie dépar- liser tous ces acteurs, sans mérite de se voir donner un tementale, organisée par la omettre une “ séquence émo- nouveau souffle. communauté de communes tion ” où serait rappelé ce qui Alors que se prépare dans du Pays de Fillière. On devait donnait sens à cette fête. cette perspective l’édition en rester là en matière de “ cé- Une modalité s’est imposée 2016, il n’est pas indifférent rémonie ”). d’emblée, issue de “ Rando d’en rappeler les fondements. 2/ Or, ce qui était à célébrer, Glières ” : en ouverture de Genèse c’était non seulement l’épi- la journée, la montée au Lorsque la décision est sode historique de février- plateau par divers chemin prise, à l’automne 2005, de mars 1944 avec les symboles de mémoire, en provenance créer un événement au pla- et l’issue que l’on connaît des bourgs et villages du teau des Glières, cela vou- mais aussi le coup d’envoi tour du plateau. lait répondre à un manque de la libération du départe- Il en découlait une orga- évident, qui s’expliquait par ment par les seules forces nisation s’articulant en une le fait que le plateau était de la Résistance, marqué matinée d’activités centra- resté longtemps sans ac- par le rassemblement, sur le lisées et une après-midi cès routier, la mémoire des plateau et alentour, de 3000 festive autour d’un espace Glières se concentrant alors maquisards venus de toute la aménagé au cœur du pla- sur Morette. Les visiteurs Haute-Savoie pour accueillir, teau à l’extrémité de la route. du plateau, de plus en plus le 1er août 44, en plein jour, Au fil des années, c’est nombreux, s’étonnaient ain- le parachutage massif des sur ces bases que se sont si que rien ne s’y passe, sur armes de la liberté. construites les diverses acti- ce registre. À cela s’ajoutait Ainsi s’imposait un thème : vités proposées et se sont l’impression d’abandon don- celui de la Liberté, une liberté imposés un dispositif et un née à la fois par l’interrup- pour laquelle on avait consenti programme. tion prolongée des travaux initialement bien des sacri- Telles sont les bases de construction du bâtiment fices, mais une liberté fina- qui ne sont en aucun cas à d’accueil et la dégradation lement reconquise. Et cette remettre en cause mais sur de l’état du monument. liberté était à fêter. C’était donc lesquelles il faut désormais, Principes une fête que nous allions orga- après un examen attentif De la réflexion alors niser : ainsi naquit “ Glières fête de nos dernières éditions, conduite dans une large la liberté ”. imaginer de quoi donner un concertation avec un 3/ Se situant dans le droit nouveau souffle à GFLL. très grand nombre d’ac- fil de l’héritage du maquis Ce nouveau souffle pas- teurs du plateau des Glières des Glières, cette fête devait sera notamment par une allaient ressortir un certain associer tous les acteurs du implication des bourgs et nombre de principes : plateau des Glières, sans ex- villages du tour du plateau 1/ Il n’était pas question de ception, ceux qui y vivent et des Glières derrière le mot créer une “ cérémonie ” s’ajou- y travaillent, ceux qui le fré- d’ordre : “ Montons tous tant à celle de Morette et aux quentent, ceux qui habitent au plateau des Glières par très nombreuses manifesta- les bourgs et villages alen- les chemins de la Liberté ”.

55 CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE TOM MOREL

Cette année 2015 est celle du centenaire de la naissance de Tom Morel. ni Francs Tireurs Partisans, donné son âme, Tom Morel. souvent, la compassion pour Son petit-fils, Ivan, qui avait pris le relais de son grand-père voici plus de 10 ans comme ni Républicains Espagnols, Ainsi, depuis lors, Glières les victimes l’emporte sur le lieutenant au 27e BCA, aujourd’hui lieutenant-colonel au 13e BCA, s’est lancé avec l’éner- il y a l’armée française “. et Tom Morel, son chef cha- culte des héros, dans nos éta- gie qu’on lui connaît dans l’orchestration de l’événement, convaincu que Tom, plus que C’était dire que l’armée, rismatique, son fédérateur, blissements scolaires, Tom jamais, reste un exemple pour la jeunesse de notre temps. donc la France, se définit nous disent ce qu’est la Morel est l’un de ces héros Il en est résulté une exposition itinérante, présentée à Lyon, à Coëtquidan, bientôt à Pa- au-delà de toutes catégories, France, ce qu’elle n’aurait dont l’exemple concourt à ris. sociologiques, idéologiques, jamais dû cesser d’être, ce l’éducation citoyenne. Le 12 septembre elle était inaugurée à l’hôtel de ville d’Annecy. politiques ou religieuses. qu’elle doit être. Il en est de même dans Au nom de l’Association des Glières, son président a alors pris la parole en ces termes: Et voilà, face aux hon- 71 ans plus tard, dans les armées. teuses discriminations qui tra- notre département, nul ne Je veux, à l’appui de cette Centenaire de Tom Morel… héros qui jalonnent l’histoire qu’elle a de meilleur. hissaient tout ce qui avait fait s’y trompe. Tout particuliè- affirmation, évoquer un fait Pour ceux qui sont fami- de France pour l’édification Leur jeune chef, le lieu- la France depuis des siècles, rement le monde enseignant méconnu. liers du chef charismatique des générations successives. tenant Théodose Morel, leur relevée la France de l’égalité qui a compris que l’édu- 2002 a été l’année du bi- du maquis des Glières, l’ex- S’il en est ainsi, on le doit déclare solennellement : “ Le de tous en dignité et en droit. cation des futurs citoyens centenaire de Saint-Cyr. pression est insolite. très largement à Tom Morel plateau est le premier coin de Dès l’époque, la France trouve là une inspiration plus En janvier, une cérémo- En effet, comment cet lui-même. France libéré. Notre devise Libre ne s’y trompe pas : que jamais actuelle. nie nocturne présidée par le éternel jeune homme dont Reportons-nous 71 ans sera désormais Vivre libre ou chaque jour des mois de fé- Nous avons pu encore président Jacques Chirac, le portrait lumineux semble en arrière. mourir ”. vrier et mars 1944, à la radio le mesurer en mai dernier marquait, à l’École Militaire à tout droit extrait du trombi- En février 1944, nous Et voilà, face à l’oppres- de Londres, son porte-parole, lorsqu’au collège des Allo- , l’ouverture des mani- noscope des lieutenants du sommes au plus profond de sion, face à la servitude, Maurice Schumann, célèbre broges à La Roche.sur-Fo- festations de ce bicentenaire. 27 ème BCA d’aujourd’hui la nuit de l’Occupation. La rappelé le pacte multisé- le maquis des Glières comme ron, l’inauguration d’une salle L’essentiel du décor était pourrait-il être centenaire ? France, sous le joug d’un culaire de la France avec la la vraie France qui s’affirme baptisée du nom de Tom constitué par quatre ori- Tom Morel est des nôtres, occupant barbare, n’est plus liberté. Une liberté qui vaut les armes à la main face à une Morel, auquel on avait asso- flammes qui couvraient la plus que jamais. la France. bien qu’à 20 ans on donne France asservie et dévoyée. cié celui de son successeur, façade du pavillon central Ivan a rappelé l’être d’ex- Et voici que, sur le pla- sa vie pour elle. Et lorsque Tom tombe le capitaine Anjot, a donné côté cour, depuis le faîte, ception qu’il était et ceci teau des Glières, deux mois À cet ensemble disparate à Entremont le 10 mars, le lieu à une mobilisation de jusqu’au pied du mur. explique cela, sans aucun durant, quelques centaines de maquisards de toutes ori- même Maurice Schumann l’ensemble des élèves der- Sous les feux des pro- doute. de jeunes hommes sont ras- gines et de toutes opinions, révèle au monde que cette rière leur principale et leurs jecteurs trouant la nuit, en Pourtant, ce n’est pas semblés, comme un micro- Tom lance par ailleurs : “ Ici, France portée par Glières professeurs. arrière-plan des rangs des suffisant et il en est de Tom cosme de la France dans ce il n’y a plus ni Armée Secrète, a son héros, celui qui lui a Oui, dans un monde où, Saint-Cyriens d’aujourd’hui, comme de Glières. casoars au vent, apparais- Glières n’aurait pu être saient quatre grandes figures qu’une péripétie locale, historiques de Cyrards em- somme toute modeste, d’une blématiques : de la gauche deuxième guerre mondiale vers la droite, le maréchal cataclysmique. Lyautey, le Général de Gaulle, De même, le lieutenant le général Leclerc …et le Théodose Morel aurait pu lieutenant Tom Morel. rester au rang de ces jeunes Tom Morel centenaire ? officiers émérites qui nour- Tom Morel n’a pas d’âge. rissent l’histoire de nos ré- Pour aujourd’hui et pour giments et bataillons sans demain, comme à ses ma- pour autant dépasser ce quisards de l’époque – Jean cercle de notoriété. Carraz, Jean Isaac-Tresca, Or voici que le plateau Joseph Dalmasso, André des Glières a pu être quali- Richarme, à mes côtés, fié de “ haut lieu qui a fait la peuvent en témoigner-, il France ”. nous dit ce qu’est la France. Quant à Tom Morel, il est entré au panthéon de ces Général Jean-René Bachelet

56 57 DE NOUVELLES PUBLICATIONS LE MAQUIS DES GLIÈRES EN 20 QUESTIONS PAR NICOLE BAUD-BÉVILLARD

à l’éducation à la citoyen- neté des élèves des écoles, collèges et des lycées.

Dès l’abord s’affirme cette vocation : une coédi- Avec ce livre, nous bou- tion Canopé 2/Association clons notre programme édi- des Glières, une préface torial du 70 ème anniversaire. signée par M. Christian Bo- Celui-ci se donnait pour vier, inspecteur d’académie, objectif la transmission aux directeur académique des générations nouvelles. services de l’Éducation na- Pour cela, le point d’orgue tionale de Haute-Savoie, une aura été la réédition du livre auteure, Nicole Baud-Bévil- des Rescapés ; sous le titre lard 3, dont la carrière d’en- “ Vivre libre ou mourir, Pla- seignante l’a conduite, des teau des Glières, Haute-Sa- années durant, à présen- voie 1944 ”, celle-ci revivifie ter ses élèves au Concours un ouvrage qui a vocation National de la Résistance et à faire référence, enrichi de la Déportation, avec des notamment d’une préface résultats signalés. du regretté Jean-Louis Cré- mieux-Brilhac et d’une post- Quant à la conception face de l’historien Jean-Ma- de l’ouvrage, son carac- rie Gillon qui, ensemble, font tère didactique, avec ses 20 justice de tous les procès en questions qui peuvent être révision. consultées indépendamment les unes des autres dans une “ Le maquis des Glières en présentation attrayante, de- 20 questions ” 1 vient, quant vrait lui valoir un large lectorat à lui, couronner la démarche. qui pourra trouver là l’essen- Dans la forme et sur le tiel de l’histoire d’un maquis fond, il répond en effet à la magnifié dès l’époque sur le vocation de l’héritage du ma- ton de l’épopée et s’impré- quis des Glières à concourir gner de “ l’esprit des Glières ”.

1/ Édition et diffusion Canopé /Association des Glières 10€ 2/ Réseau d’accompagnement pédagogique de l’éducation nationale, anciennement centre de documentation pédagogique 3/ Nicole Baud-Bévillard, membre du Bureau de l’association des Glières, est issue d’une famille profondément investie, dès l’origine, dans la Ré- sistance de la vallée de Thorens.

61 “ POUR DES CERISIERS EN FLEURS ” SOUVENIRS DE MADELEINE JOURDAN, NÉE GOLLIET

refour de vallées hauts-lieux Sans larmoiements, elle de la Résistance. Famille nous fait percevoir l’âpreté elle-même d’exception qui des conditions de vie de ces témoigne de ce que pouvait gens de condition modeste. être “ l’ascenseur social ” de Tout comme, sans osten- ce temps-là. tation, elle nous révèle la Son frère aîné, Pierre Gol- force morale qui habite ces liet, Normalien puis prêtre hommes et ces femmes Oratorien, est l’un des co- dont la volonté et l’espé- auteurs – à vrai dire le fédé- rance se nourrissent d’une rateur - du livre écrit par les foi profondément enracinée Au premier trimestre 2015, Rescapés des Glières dès dans ces bourgs et villages un nouveau livre est venu 1945. très catholiques. enrichir les témoignages des Son frère cadet, Jacques En ces temps funestes, ultimes acteurs de la Résis- Golliet, sera sénateur maire s’ils ont la passion de la li- tance des vallées de Thônes de Thônes et, dix-sept ans berté, c’est qu’ils croient fer- dans les années 1940-1945. durant, président de l’Asso- mement qu’ils ont été créés Publié sous le titre “ Pour ciation des Glières, créée par libres. des cerisiers en fleurs, mé- les Rescapés au tournant S’ils portent spontané- moires d’une Résistante ”, il des années 90 pour prendre ment assistance aux pour- a été rédigé en toute spon- le relais de leur propre asso- chassés - réfractaires au tanéité voici dix à vingt ans ciation et assurer la péren- STO devenus maquisards, par un être d’exception dont nité de la mémoire. juifs en détresse, Résistants la richesse humaine n’avait traqués - c’est qu’en cha- d’égale que son extrême Ses souvenirs, tout de cun de ceux-là ils voient le humilité, mais qui a voulu fraîcheur et de spontanéité, visage du Crucifié. laisser ce témoignage à ses traitent bien sûr des années S’ils s’engagent dans ce petits-enfants . noires 40-44 pendant les- qui devient la Résistance et Madeleine Jourdan, tel quelles, à l’instar de sa fa- y accueillent tous ceux qui est son nom, est décédée mille, et dès l’adolescence, sont alors discriminés par la voici deux ans. elle a été d’instinct une Ré- “ Révolution Nationale ”, au Elle est la veuve du colo- sistante, sans imaginer que premier rang desquels les nel Jourdan - lieutenant Jou- ce mot pouvait la qualifier. Rouges, c’est qu’il n’est pas bert, du maquis des Glières, Mais elle est consciente d’homme pour eux qui ne seul officier rescapé des que tout ce qu’elle a pu soit un frère en Jésus-Christ. combats de la fin mars 1944, faire alors trouvait sa source Le témoignage de Ma- devenu capitaine Joubert de dans le terreau familial et so- deleine Golliet nous donne la libération de la Haute-Sa- cial qui avait été celui de son ainsi accès à ce qui a été la voie par les seules forces de enfance. matrice de ce qu’on a appe- la Résistance cinq mois plus C’est pourquoi elle livre lé “ l’esprit des Glières ”. tard. un témoignage sans pareil Et cette matrice était in- Elle est issue d’une fa- sur le monde rural de la tensément chrétienne, loin mille ouvrière de Thônes qui première moitié du XX ème de tout sectarisme, vérita- a été la plaque tournante de siècle, en l’occurrence celui blement catholique, c’est-à- l’Armée Secrète en ce car- des vallées de Thônes. dire portée à l’universel.

1/ Il n’avait pas été rédigé aux fins de publication et son titre n’est pas un choix de l’auteur, pour qui il ne s’agissait là que de souvenirs dont elle minimisait l’intérêt au-delà du cercle familial.

62 63 JEAN-LOUIS CRÉMIEUX-BRILHAC 1917-2015

cès en révision, s’agissant pseudonyme de Brilhac. Il de Glières. Le 6 mars 2014, devient secrétaire du Comi- il avait été des nôtres pour té à la propagande, puis chef la présentation de l’ouvrage du service de diffusion clan- à Paris, dans les salons du destine de la France Libre et Gouverneur de Paris, aux In- officier de liaison auprès de valides. Il avait alors impres- la BBC pour les émissions sionné tous les assistants de Radio Londres à destina- Le 8 avril 2015, Jean- par la vigueur de ses propos tion de la France. Louis Crémieux-Brilhac s’est et par la disponibilité dont il Après la Libération il est éteint à Paris à l’âge de 98 avait fait preuve pour appo- le cofondateur de la Docu- ans. ser sa dédicace en réponse mentation Française qu’il di- Avec lui disparaît l’un des aux très nombreux sollici- rige jusqu’à sa retraite, puis ultimes témoins de l’épopée teurs. conseiller d’Etat. Il est l’au- de la France Libre, dans l’en- Tous ceux qui portent teur de plusieurs livres sur la tourage proche du général l’héritage des Glières, lui Deuxième guerre mondiale de Gaulle. garderont une très fidèle re- qui font autorité, notamment À ce titre, il avait eu à connaissance. Les Français de l’an 40 et La connaître, au jour le jour, des Le texte ci-après repro- France Libre. De l’appel du événements de Glières de duit la note biographique qui 18 juin à la Libération, dont février-mars 1944, tels qu’ils accompagne sa préface. un chapitre est consacré à étaient alors suivis et relayés Glières, auquel on peut ajou- à Londres, notamment par Jean-Louis Crémieux ter, pour ce qui concerne la Maurice Schumann, porte- est né en 1917 à Colombes, Haute-Savoie, un article de parole de la France Libre. près de Paris. Mobilisé en la Revue d’Histoire de la Fort de cette expérience, 1939, il participe en qualité Deuxième guerre mondiale l’historien renommé qu’il était d’aspirant aux combats de de 1975, intitulé “ La Bataille devenu avait, en 1975, publié juin 1940 ; il est fait prison- des Glières et la Guerre Psy- dans la Revue d’histoire de nier et envoyé dans un camp chologique ”. Il a présidé à la deuxième guerre mondiale de Poméranie d’où Il s’évade l’édition française du livre de un article intitulé “ La bataille au jour de l’an 1941 en direc- Michael R.D. Foot Des An- des Glières et la guerre psy- tion de la Russie. En vertu du glais dans la Résistance, Le chologique ” qui avait alors pacte germano-soviétique, il Service Secret Britannique fait date. y est emprisonné comme d’Action en France 1940- C’est donc tout naturel- un certain nombre de Fran- 1944. lement que nous avons fait çais cherchant à rejoindre le Correspondant de l’Insti- appel à lui pour préfacer la général de Gaulle. À la suite tut (Académie des sciences réédition du livre écrit par les de l’attaque allemande de morales et politiques), il est Rescapés dès 1945, publiée juin 1941, ces Français de- Grand officier de la Légion en 2014 sous le titre “ Vivre viennent les alliés de l’Union d’Honneur, Croix de guerre libre ou mourir, Plateau des Soviétique. Il peut ainsi, en 1939-1945, Médaillé de la Glières Haute-Savoie 1944 ”. septembre 1941, rejoindre Résistance, Commandeur de Dans un texte lumineux, il les Forces Françaises Libres l’Ordre de l’Empire britan- y fait justice de tous les pro- à Londres où il prend le nique. Jean-Louis CRÉMIEUX-BRILHAC était in- tervenu à Annecy lors du 50 ème anniversaire 65 des combats des Glières. JOSEPH EUSÈBE 1932-2015

entreprise de Thônes avant va en lui un correspondant de pouvoir s’établir à son bénévole disponible en per- compte, se marier et deve- manence pour veiller sur le nir père de famille. Entre cimetière de Morette et y in- temps il avait fait son ser- tervenir en cas de besoin. Membre de l’Association vice militaire en Allemagne, Pour lui, travailler pour des Glières, sans cesse à puis fut “ rappelé sous les Glières c’était un honneur et son service, notre ami “Jo- drapeaux ” au moment des une fierté. son ” nous a quittés pré- événements d’Algérie qui lui À la mort de Léon Roffino, maturément le 8 mars 2015, valurent d’être envoyé en porte-drapeau de l’Associa- victime d’une maladie pro- Kabylie. tion, Rescapé non seulement fessionnelle qui affecte trop Revenu à Thônes, il des Glières mais aussi des souvent les menuisiers tra- devint bientôt le président camps de concentration na- vaillant des bois traités de de l’association locale des zis, c’est bien sûr à Joseph produits toxiques. Il était Anciens d’A.F.N., à laquelle Eusèbe que nous avons fait membre de notre Comité et il s’est dévoué jusqu’à sa appel. Cette charge était le de notre Bureau ainsi que mort. plus grand honneur qu’on notre porte-drapeau. Par ailleurs, sa maîtrise du pouvait lui faire. Son dévoue- travail du bois selon les tech- ment inlassable et souriant Il était né à Serraval, près niques traditionnelles fit rapi- fut finalement reconnu et de Thônes, le 11 novembre dement de lui un spécialiste récompensé par la croix de 1932. des chalets. C’est ainsi que chevalier de l’Ordre National Son enfance avait été les Rescapés des Glières du Mérite. Il la reçut avec rude comme l’était encore firent appel à lui pour trans- toute la modestie de ceux la vie en ce temps-là dans former le chalet destiné à pour qui entretenir la mé- nos montagnes. devenir leur musée et, par la moire de la Résistance était Dès sa sortie de l’école suite, en assurer l’entretien un devoir venant du cœur. primaire, il avait été mis au et les réparations, notam- Il s’y consacra dans le travail. C’était le moment où ment pour refaire la toiture souvenir de ceux qu’il avait Serraval et le Bouchet étaient en “ tavaillons ”. connus en des temps tra- un refuge pour les premiers Joseph - que tout le giques où beaucoup allaient maquisards. Sa rencontre monde appelait “ Joson ” - donner leur vie pour la avec ceux qui montèrent se consacra sans compter France. ensuite aux Glières, lui avait à ces multiples tâches tou- L’association des Glières laissé des souvenirs précis jours avec bonne humeur gardera envers lui et sa fa- et chaleureux. et sans jamais facturer les mille une immense dette de Après la libération, il heures qu’elles lui coûtaient. reconnaissance. était devenu apprenti char- Rapidement le Service des I pentier-menuisier dans une Nécropoles Nationales trou- Jacques Golliet

67 LE COMITÉ DE L’ASSOCIATION 2014-2017

ASSOCIATION DES GLIÈRES Pour la Mémoire de la Résistance

BUREAU MEMBRES DU COMITÉ

Président Général d’armée (2 e son) Jean René BACHELET M. Christian ANSELME Président d’honneur M. Jean CARRAZ (Rescapé) Mme Nicole ARAGNOL Vice-Président M. Gérard MÉTRAL Mme Laurence AUDETTE Vice-Président M. Camille SYLVESTRE M. Albert BARAT Secrétaire Général M. Serge BARAT M. Pierre BARRUCAND Trésorière Mme Monique RICHARD Mme Sylviane BAUD M. Pierre BIBOLLET Membres M. Jean Paul AMOUDRY M. Jean BOCHARD Mme Françoise BARAT M. Marc CHUARD Mme Nicole BAUD-BEVILLARD M. Luc EMIN Général Jean Marc de GIULI M. Jacques ENCRENAZ M. Joseph EUSÈBE M. André FARAMAZ M. Jean EXCOFFIER M. Christophe FOURNIER M. Eric MISSILLIER M. Georges GARCIA M. Jacques PERRISSIN-FABERT M. Michel GERMAIN M. Denis VIGNON M. Jacques GOLLIET M. Claude GROSJEAN M. Claude JACOB Mme Martine LAURENT Mme Isabelle LEBOURG M. Eric LELONG M. Paul MATHEVON M. Jean MONIN Lieutenant-Colonel Ivan MOREL M. Constant PAISANT Rescapé M. André PERRILLAT-AMÉDÉ M. Jean-Pierre PERRILLAT-BOITEUX M. Cyril PROST M. Pierre RICHARD M. Bruno SONNIER M. Miguel VERA Mme Catherine VERNAZ-LAFONTAINE

GLIÈRES 1944 PREMIÈRE BATAILLE DE LA RÉSISTANCE FRANçAISE

SURSAUT DE RÉVOLTE ET D’ESPOIR DE LA JEUNESSE DE FRANCE DANS LE PAYS ASSERVI. UN MOMENT DANS LA LONGUE HISTOIRE DE L’INCESSANT COMBAT DES HOMMES POUR LEUR LIBERTÉ. L’ESPRIT DES GLIÈRES SOUFFLERA TOUJOURS.

68 - ASSOCIATION DES GLIÈRES - Pour la Mémoire de la Résistance

- BP 142 -74004 ANNECY - [email protected] glieres-resistance.org

Conception et réalisation : ASSOCIATION DES GLIÈRES. Crédits photographiques : Collections départementales 74, fonds Association des Glières p. 14, 16, 18, 23, 25, 29, 30; Gérard MÉTRAL / ASSOCIATION DES GLIÈRES Couverture, p. 1, 2, 4, 6-7, 8, 10, 11, 19, 34-35, 44-45, 46-47, 48, 50-51, 52-53, 54, 58-59, 60, 62, 64, 66; Raymond PERRILLAT / Association des Glières p. 24, 26-27, 56-57; Fonds Nicole Beaud-Bévillard p. 28 Fonds Jean CARRAZ p. 31, 32-33; Fonds Nicole ARRAGNOL p. 15, 36, 39, 43;

© Novembre 2015

PRIX : 5 € ISBN: 978-2-9548009-4-3

EAN 9782954800943