Richard Strauss - Éléments De Style Jacques Amblard
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Richard Strauss - Éléments de style Jacques Amblard To cite this version: Jacques Amblard. Richard Strauss - Éléments de style. 2019. hal-02314490 HAL Id: hal-02314490 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02314490 Preprint submitted on 12 Oct 2019 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Richard Strauss Éléments de style Jacques Amblard, LESA (EA-3274) Abstract : le compositeur Richard Strauss, souvent taxé de « postromantique » et échappant ainsi à l’histoire, n’en fut pas moins, probablement, le plus important musicien allemand du premier XXe siècle. L’examen détaillé de son parcours nous permet de déceler un romantisme en réalité modernisé, dès la fin du XIXe siècle. La densité n’est plus celle de Wagner mais double chez ce « Richard II ». On pourrait parler de « poly-romantisme ». Ce dernier style se mélange ensuite, d’une façon originale, à partir du Chevalier à la rose, avec un néoclassicisme mozartien. Comment l’équilibre entre une telle densité lyrique et la légèreté mozartienne est-il possible ? Ce miracle dialectique culmine pourtant dans Capriccio. Ce texte fut rédigé en 2014, publié en 2016 dans Brahms (encyclopédie en ligne de l’IRCAM). En voici une version révisée. Résumé biographique Richard Strauss naît à Munich le 11 juin 1864. Précisons d’emblée qu’il est sans lien de parenté avec les deux Johann Strauss (père et fils, compositeurs viennois). Son père est cor solo au Théâtre Royal de la ville bavaroise, conservateur farouche qui abhorre la musique de Wagner, mais ce dernier lui pardonnera toujours cette aversion, en raison de sa musicalité incomparable. Dans ce contexte, Richard apprend le piano dès l’âge de quatre ans, le violon à six, la composition à onze. Enfant prodige, il écrit à douze ans un Festmarsch pour grand orchestre. Tout en étoffant un répertoire de piano et de pièces symphoniques, il entre à seize ans à l’Université de Munich, y suit des cours de philosophie, d'histoire de l'art. Hans von Bülow, premier mari de Cosima Wagner (fille de Liszt), dirige en 1884 la Sérénade pour instruments à vent d’un jeune compositeur qu’il appelle avec tendresse « Richard II ». L’année suivante, il invite ce dernier à être son assistant de direction à Meinigen. Strauss s’y lie à Alexandre Ritter, le violon solo, familier des cercles lisztiens. Ritter l’initie à l’univers théâtral, à « l’œuvre d’art total » de Wagner, dont son père, jusqu’alors, l’avait tenu éloigné. Il quitte Meiningen avec von Bülow. Le 1er novembre 1885, il est nommé directeur de la musique à la cour bavaroise. Il quitte ce poste l’année suivante, voyage en Italie, est troisième chef à l'Opéra de Munich, repart en Italie en 1887. Naît un poème symphonique, Aus Italien, premier d’une longue lignée occupant principalement les années 1890 : Don Juan, Macbeth, Mort et Transfiguration, Till l'espiègle, Ainsi parlait Zarathoustra, Don Quichotte, Une vie de héros, puis la Sinfonia Domestica et Une symphonie alpestre. Il se lie avec Pauline de Ahna, soprano qu’il épousera le 10 septembre 1894. Durant un demi-siècle, celle-ci sera une source d’inspiration continuelle, pour l’écriture de plus de deux cents lieder, mais aussi pour les rôles féminins, rôles clés des nombreux opéras. Assistant à l'Opéra de Bayreuth, puis second chef au théâtre de la cour à l’automne 1889, il repart à Bayreuth comme chef de chant. Guntram, son premier opéra, est créé à Weimar en 1894, sans succès (Feuersnot, le second opéra, n’en obtiendra guère davantage en 1901). Il est nommé second, puis en 1896, premier chef à l’Opéra de Munich, mais aussi du Philharmonique de Berlin (à la suite de von Bülow). C’est à la tête du grand orchestre berlinois qu’il dirigera notamment ses propres poèmes symphoniques, lors de tournées européennes, puis américaines (en 1904). En 1900, il rencontre Hugo von Hofmannsthal à Paris. Le poète deviendra l’ami fidèle (une correspondance nombreuse en atteste), puis, quelques années plus tard, le librettiste des opéras Elektra, Le Chevalier à la rose, Ariane à Naxos, La Femme sans ombre et Arabella. En 1905, le troisième opéra, Salomé, d'après Oscar Wilde, est créé à Dresde. Le succès est considérable, corrélé au scandale du livret érotique et violent. Naît ainsi ce second Strauss, célèbre musicien de théâtre, qui composera finalement seize grandes œuvres lyriques, dont un nombre conséquent entreront au grand répertoire. Le Chevalier à la rose connaîtra le plus grand succès, mondial, en 1910. Son argument léger « d’opérette géante » (selon l’expression de Vuillermoz) engendrera une longue lignée de drama giocoso au parfum néo-mozartien, qui culmineront dans Arabella (1932-1933) et Capriccio (1941-1942). Après avoir cumulé les directions d’orchestre à Munich, Berlin, Vienne, donc les plus hauts lieux de la musique germanique, Strauss abandonne ces activités en 1924. Il se consacre à la composition. Mais Hofmannsthal, complice irremplaçable du Chevalier à la rose, des succès lyriques, meurt en 1929, il n’assistera pas à la première d’Arabella. Strauss est anéanti. Une crise de l’inspiration s’ensuit. Cette crise est aggravée par la montée du nazisme. Strauss ne se retire cependant pas, durant les années 1930, 2 de la vie musicale. Ses opéras continuent d’être créés jusqu’en 1942. Il dirige la Reichmusikkammer (Chambre de musique du Reich) de 1933 à 1935. Il remplace Toscanini à Bayreuth en 1933. L’Italien se refuse à diriger sous le régime nazi. Strauss, lui, compose un hymne pour les Jeux olympiques de 1936. En 1940, il sera au Japon, pour fêter les vingt-six siècles de l'empire nippon. Une photo fameuse montre une poignée de main avec Joseph Goebbels. Pour autant, Strauss travaille aussi avec Stefan Zweig au livret de La Femme silencieuse. L’opéra est créé en 1935. Le nom du librettiste, juif, disparaît de l'affiche trois jours avant la création, mais le compositeur réussit à l'y faire réapparaître, contre l’avis de Zweig lui-même. Strauss doit abandonner, peu après, la présidence de la Reichsmusikkammer. Une lettre adressée à Zweig a été saisie par la Censure et remise à la Gestapo. Dans ce courrier, le musicien montrait clairement qu’il ne croît pas à l’aryanisation de l’art. Les Nazis, dès lors, le tiendront relativement à l’écart, d’autant plus que sa bru, Alice, est juive : ses petits enfants sont juifs. Durant les dernières années de guerre, après la création de Capriccio (1942), Strauss tente de revenir, comme durant son adolescence, à une musique « pure ». Des œuvres concertantes naissent, lesquelles font culminer la tendance à l’allègement néo-mozartien (amorcée depuis trente ans dans Le Chevalier à la rose). Le Concerto pour hautbois et petit orchestre résulte en 1945 d’une amitié avec le hautboïste John de Lancie, alors officier américain de la CIA. En janvier de l’année suivante est créée à Zurich une commande de Paul Sacher pour son orchestre à cordes, les Métamorphoses. La partition est un adieu désespéré au vieux monde détruit par le conflit mondial, destruction symbolisée par celles de la maison natale et de l’opéra de Munich (la glorieuse demeure du père, cor solo). Strauss est jugé coupable, lors des procès de dénazification, de ne pas avoir quitté la vie culturelle de son pays durant les années de guerre. Lui qui était assigné à demeure par les Nazis, l'est désormais par l'occupant américain, mais pour une courte durée. En 1947, sur l'invitation de Sir Thomas Beecham, il se rend à Londres pour y assister à de glorieuses rétrospectives de ses œuvres. Les Quatre Derniers Lieder (1948), sur des poèmes de Hesse et Eichendorff, seront créés au Royal Albert Hall, sous la direction de Furtwängler, le 22 mai 1950. Mais le compositeur s'est éteint, auparavant, le 8 septembre 1949. Enfant prodige, puis musicien d’une rare longévité créatrice, il aura composé durant plus de soixante-dix années. 3 Éléments de style Survivant près de quarante ans à Mahler, c’est sans doute pour Richard Strauss qu’on a le mieux parlé de « post- romantisme ». Même si, un temps, d’aucuns l’auront cru « démodé1 » après 1918, il restera finalement, notamment grâce à « l’été indien » des années 1940, le plus imposant compositeur allemand de la première moitié du XXe siècle, avant que Stockhausen ne s’installe dans la seconde d’une toute autre manière. Strauss invente, et c’est une gageure, une longue coda à Wagner. Von Bülow l’a d’ailleurs surnommé « Richard II2 » dans ses jeunes années. Mais sous son haut-de-forme, que les avant-gardes trouveront hâtivement désuet, se cache un moderne discret. Un romantisme « modernisé » : les poèmes symphoniques Discret ? La page la plus fameuse de l’Allemand, très largement diffusée par le film 2001, L’Odyssée de l’espace (1968), n’est pas discrète. L’introduction de cet Ainsi parlait Zarathoustra (1896), d’après l’ouvrage éponyme de Nietzsche (1883-1885), clame un orchestre renforcé, « optimisé ». Le compositeur a intégré les nouveaux alliages du Traité d’orchestration de Berlioz (dont il publiera même une révision), mais aussi l’émancipation wagnérienne des cuivres, enfin les augmentations sonores de Liszt (passage d’un orchestre « par 2 » à « par 3 ») et au-delà (désormais plutôt « par 4 »).