Nicolas Poirel, « Entre Coopération Et Compétition : Un État Des Lieux Des Relations Entre Animalistes Et Vétérinaires En France Du Xixème Siècle À Nos Jours », 2021
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Nicolas Poirel, « Entre coopération et compétition : un état des lieux des relations entre animalistes et vétérinaires en France du XIXème siècle à nos jours », 2021. Nicolas Poirel, « Entre coopération et compétition : un état des lieux des relations entre animalistes et vétérinaires en France du XIXème siècle à nos jours », 2021. [Accéder à la version publiée de l’article | Référence : Nicolas Poirel, “Between Cooperation and Competition: Insights into the Relationships between Animal Advocates and Veterinarians in France from the 19th Century to the Present Day”, Review of Agricultural, Food and Environmental Studies, online first, 2021, https://doi.org/10.1007/s41130-021-00139-x.] Ce document est un preprint d’un article publié dans la Review of Agricultural, Food and Environmental Studies sous le titre “Between Cooperation and Competition: Insights into the Relationships between Animal Advocates and Veterinarians in France from the 19th Century to the Present Day”: https://doi.org/10.1007/s41130-021-00139-x. Nous vous saurions gré de bien vouloir vous référer à la version publiée dans vos discussions de cet article. This is a preprint of an article published in the Review of Agricultural, Food and Environmental Studies. The final authenticated version is available online at: Poirel, N. Between cooperation and competition: insights into the relationships between animal advocates and veterinarians in France from the nineteenth century to the present day. Rev Agric Food Environ Stud (2021). https://doi.org/10.1007/s41130-021-00139-x. Please refer to the published version of this article in your discussions of this article. Résumé Cet article étudie les relations entre les animalistes et les vétérinaires à partir du XIXème en France. En raison de leur nature de groupe militant ou de groupe professionnel, animalistes et vétérinaires sont étudiés indépendamment les uns des autres. Au-delà des désaccords qui peuvent parfois les opposer, ces deux groupes sociaux revendiquent pourtant de prendre en compte les intérêts des animaux et partagent de nombreuses préoccupations communes en matière de condition animale. A partir de l’analyse secondaire de la littérature consacrée aux animalistes et aux vétérinaires, nous questionnons l’existence et la forme des relations entre ces deux groupes sociaux. Nous mettons au jour quatre types d’intersections qui nous permettent de rendre compte de l’existence de relations multiples entre animalistes et vétérinaires. L’accord entre les animalistes et les vétérinaires au milieu du XIXème laisse place dès la fin du XIXème siècle à une situation de conflit, puis de concurrence entre eux. Au milieu du XXème siècle, le renouveau des débats autour de la condition animale et de l’élevage donne lieu au développement de relations équivoques entre des vétérinaires travaillés par les enjeux sanitaires et des animalistes partagés entre « welfarisme » et abolitionnisme ». En ce sens, la mise au jour de l’histoire croisée des animalistes et des vétérinaires permet de mettre en évidence la multi-dimensionnalité de leurs relations qui oscillent entre coopération et concurrence. Keywords Animal Advocacy; Animal Rights; Animal Welfare; Social Movements; Veterinarian; Veterinary Profession 1 Nicolas Poirel, « Entre coopération et compétition : un état des lieux des relations entre animalistes et vétérinaires en France du XIXème siècle à nos jours », 2021. « Le vétérinaire, plus que jamais est devenu une sentinelle du bien-être animal. […] Les réflexions et les débats conduits par les élus de l’Ordre [des vétérinaires] amènent dès aujourd’hui à un consensus professionnel […]. Tout animal abattu doit être privé de conscience d’une manière efficace, préalablement à la saignée et jusqu’à la fin de celle-ci. » Michel Baussier, président de l’ordre national des vétérinaires lors du colloque « Vétérinaire, le professionnel garant du bien-être animal » le 24 novembre 2015 au Sénat. « Pouvez-vous imaginer la détresse et l’angoisse des veaux qui voient leurs congénères mourir sous leurs yeux avant d'être eux-mêmes tués ? La terrible souffrance de ceux qui reçoivent plusieurs coups de pistolet pneumatique ou reprennent conscience la gorge tranchée ? Le supplice des veaux abattus sans étourdissement et qui agonisent parfois pendant de très longues minutes ? […] Que font les services vétérinaires ? » Sébastien Arsac, directeur des enquêtes de L214, dans une lettre d’information datée du 21 février 2020. Alors même que les animalistes comme les vétérinaires affirment prendre en compte les intérêts des animaux, les interpellations qu’adressent les militants de L214 aux services vétérinaires de l’Etat esquissent en toile de fond les divergences qui persistent entre eux. Affirmer que ces divergences ne résulteraient que de la différence des registres discursifs mobilisés par les membres d’un groupe professionnel et les militants d’un mouvement social est une réponse insatisfaisante. Elle oublie que les animalistes, terme par lequel nous désignons ici l’ensemble des militant·es qui se sont engagé·es au sein des différents fractions du mouvement pro-animaux, et les vétérinaires partagent aujourd’hui un ensemble de positions communes visant à faire cesser la corrida, l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques itinérants ou encore à systématiser l’étourdissement avant la mise à mort des animaux dans les abattoirs. Elle oublie surtout que cette situation est aussi le produit de la longue histoire de ces groupes sociaux complexes et hétérogènes. C’est pourquoi nous proposons dans cet article de questionner l’existence d’interfaces et de relations méconnues entre animalistes et vétérinaires à partir du cas français. En France, ces deux groupes sociaux émergent dans une relative proximité temporelle, entre la fin du XVIIIème siècle pour les vétérinaires et le milieu du XIXème siècle pour les animalistes. Au-delà d’une préoccupation commune pour la « question animale », ils partagent un certain nombre de traits communs qui les conduisent d’abord à s’investir au sein la Société 2 Nicolas Poirel, « Entre coopération et compétition : un état des lieux des relations entre animalistes et vétérinaires en France du XIXème siècle à nos jours », 2021. Protectrice des Animaux (SPA) fondée en 1845-1846 (Traïni 2011 ; Carrié 2015b). Mais depuis leur émergence, ces groupes sociaux ont tous deux connus de multiples inflexions amenant à transformer les caractéristiques sociales de leurs membres, leurs savoirs et leurs représentations, mais aussi leurs pratiques et leurs modes d’actions. Cette situation nous amène à questionner l’existence d’intersections dans l’histoire des animalistes et des vétérinaires et l’existence (éventuelle) de relations entre eux. Dans quelle mesure les vétérinaires et les animalistes ont- ils entretenu des relations, aussi ambivalentes soient-elles, et se sont-ils influencés mutuellement au cours de leur histoire ? L’histoire des animalistes et des vétérinaires s’entrecroise-t-elle, ou bien s’agit-il au contraire de deux histoires parallèles ? Dans un contexte où les mobilisations animalistes participent pleinement à la (re)construction du problème public de la condition animale et invitent plus que jamais les vétérinaires à se positionner à ce sujet, nous souhaitons montrer comment l’histoire des animalistes et des vétérinaires est ponctuée d’une succession de préoccupations communes et de conflits qui donnent lieu à l’existence de relations ambivalentes, méconnues et en perpétuelle recomposition. Après avoir présenté le cadre théorique et les méthodes employées, nous identifions trois moments clefs de (re)composition de l’histoire croisée et des relations entre les militants pro-animaux et les vétérinaires en France : l’accord entre les vétérinaires et les animalistes « réformateurs » du milieu du XIXème siècle qui cherchent à réformer les pratiques des classes populaires envers les animaux, la rupture puis la concurrence produites par l’émergence d’un animalisme « sensibiliste » au moment où les vétérinaires se rapprochent des milieux scientifiques et médicaux à la fin du XIXème siècle, et les relations complexes qui se manifestent à partir du milieu du XXème siècle entre les vétérinaires exerçant dans les élevages et des animalistes partagés entre « welfarisme » et « abolitionnisme ». (Re)construire l’histoire croisée des animalistes et des vétérinaires : cadre théorique (Re)construire l’histoire croisée des animalistes et des vétérinaires implique de dépasser la frontière essentialisante qui viserait à faire des groupes professionnels ou militants des espaces imperméables les uns aux autres. La sociologie des professions a d’ailleurs montré qu’un groupe professionnel n’opère pas en vase clos. Une profession est susceptible de se reconfigurer en fonction des mandats lui sont accordés par la société et par l’État (Abbott 1988 ; Bonnaud & Fortané 2018). En parallèle, la sociologie des mouvements sociaux souligne que l’« espace des mouvements sociaux » (Mathieu 2012) est en interaction constante avec des univers sociaux 3 Nicolas Poirel, « Entre coopération et compétition : un état des lieux des relations entre animalistes et vétérinaires en France du XIXème siècle à nos jours », 2021. qui lui sont externes et qui sont loin de se résumer au champ politique comme le montrent, par exemple, les travaux sur l’insider activism (Briscoe & Gupta 2016). Avec le concept de « configuration », Norbert Elias (Elias 1978) invite lui à dépasser les frontières qu’impliquent parfois la notion de groupes sociaux pour s’intéresser