Senat De Nice
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SÉNAT DE NICE Sous-série 02 FS RÉPERTOIRE NUMÉRIQUE DÉTAILLE dressé par Simonetta TOMBACCINI-VILLEFRANQUE Attaché de conservation du patrimoine sous la direction de Jean-Bernard LACROIX Directeur ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DES ALPES-MARITIMES 2002 INTRODUCTION 1. L’institution Au lendemain de la défaite de Napoléon et du retour du roi de Sardaigne sur son trône, le rétablissement des institutions sardes de l’ancien régime s’imposa. En effet l’édit royal du 21 mai 1814 restaurait les royales constitutions et un billet royal du 1er juillet de la même année invitait le sénat à publier dans sa juridiction toutes les dispositions adoptées depuis 1792 jusqu’au 23 juin 1800. De ce fait les Magistrats suprêmes prenaient la relève en matière judiciaire. Parmi ces Magistrats figurait le sénat de Nice qui, ayant quitté la ville en septembre 1792 à la veille de l’entrée des Français dans le comté, après maintes pérégrinations à Saorge, Borgo San Dalmazzo, Carmagnola et Turin avait été supprimé par lettres patentes du 13 décembre 1796. Le sénat réintégra donc son emplacement de jadis, situé dans la rue dite du sénat, au bout du Cours, dans un immeuble jouxtant l’église des pénitents rouges. Selon quelques contemporains, ses salles étaient bien décorées grâce aux portraits des rois de la maison de Savoie et du bienheureux duc Amédée IX accrochés au mur. Une communication interne permettait d’accéder aux prisons sénatoriales, jugées « très aérées, très salubres et en même temps très sûres » et capables d’héberger environ quatre-vingt personnes. Avec ses locaux il retrouva son rôle et son rang de cour souveraine au sein de la hiérarchie judiciaire sarde et ces attributs extérieurs destinés à lui donner de l’éclat, à commencer par le cérémonial d’ouverture des sessions, lorsque, à la mi-novembre, les sénateurs conduits par le président, tous en toge rouge et perruque, après la messe et à huis clos prêtaient serment dans la salle des audiences comme le prévoyaient les royales constitutions, en présence des avocats et des actuaires, de noir vêtus, qui attendaient leur tour. À vrai dire, en 1823 ils déposèrent les perruques mais le cérémonial n’en fut pas moins fastueux pour autant, la « masse » et les autres signes de la dignité sénatoriale continuant à être exhibés au moment des grandes occasions. Par rapport à l’Ancien Régime son ressort géographique s’était élargi vers l’est, le congrès de Vienne ayant sanctionné la disparition définitive de la République de Gênes au profit du royaume de Sardaigne. Ainsi, outre le comté de Nice et les anciennes possessions en Ligurie, à présent la circonscription du sénat englobait tous les territoires allant de Vintimille à Oneille. De ce fait les litiges récurrents qui tout au long du XVIIIème siècle avaient ameuté les communautés frontalières et troublé les relations sardo-génoises venaient à disparaître. Désormais une seule frontière subsistait, celle du Var avec la France, la principauté de Monaco mise à part. À la tête du sénat, en juin 1814, fut placé un Niçois, Carlo Anselmo Martini di Castelnuovo, nommé également au poste de président du Magistrat de santé et de Réformateur des écoles royales. Martini, sénateur déjà avant la Révolution, fut choisi probablement pour sa connaissance des rouages de l’institution, essentielle en une période où il fallait des hommes expérimentés pour la remettre en marche. Mais, même après son éloignement et l’arrivée des successeurs, Valentino Pilo en août 1815 et Cambiaso en juin 1817, il continua à diriger les sessions ordinaires et extraordinaires et à inaugurer les années judiciaires, le 16 novembre, jusqu’à sa mort en 1822, à cause des fréquentes mutations des présidents titulaires et des vacances qui s’ensuivaient. Le fait est que, fonctionnaires désignés par le roi, ces présidents pour la plupart venaient des contrées éloignées du royaume, comme Valentino Pilo qui était sarde, Cambiaso génois et Peyretti di Condove turinois et, tantôt retenus sur leurs terres, tantôt dans la capitale par des soucis personnels et professionnels, étaient souvent absents. Par conséquent les responsabilités de direction retombaient sur les plus hauts magistrats qui, résidant dans le comté d’une façon permanente, assuraient l’intérim. Pour cela Martini di Castelnuovo et plus tard Ilarione Spitalieri di Cessole, sénateur dès le commencement de la Restauration et président, d’abord intérimaire puis effectif de 1831 jusqu’à 1845, sont des figures incontournables pour l’histoire du sénat niçois. Parmi les sénateurs, les autochtones étaient en nombre (comme l’indiquent les noms des Milon, Guiglia, Cauvin et Toesca) et ceux originaires des pays d’au delà des Alpes peu représentés. Jouissant d’un statut enviable, en général ils n’étaient pas tentés par des situations plus en vue ailleurs, cependant certains, après avoir fait leurs premières armes à Nice, s’en éloignaient pour obtenir de l’avancement, à l’instar de Benedetto Andreis di Cimella devenu d’abord auditeur général de guerre, puis conseiller d’État et enfin président du sénat de Casale. En revanche les avocats fiscaux généraux, c’est-à-dire ceux qui remplissaient les fonctions de ministère public, venaient de l’extérieur, peut-être en raison de l’importance de leur rôle qui s’accrut au fil du temps et du lien étroit avec la Grande Chancellerie et le Garde des sceaux. Ainsi changeaient-ils souvent. Un seulement demeura en place dix ans : Tommaso Geranzani de 1833 à 1843. Quant aux avocats et procureurs des pauvres chargés de l’assistance judiciaire gratuite, l’élément local aussi prédominait. Preuve en est la présence du comte Cornillon di Massoins, de l’ancien intendant Fighiera, d’Ilarione Cauvin ou, encore, du brigasque Gerolamo Sassi, qui fut procureur durant trente ans. Toutefois les apports extérieurs ne manquaient pas, comme celui du comte Augusto Avet, le fils du ministre de Charles-Albert, venu à Nice en 1854 en tant que substitut de l’avocat fiscal général et nommé avocat des pauvres de 1858 à 1860. Malgré la volonté affichée de rétablir les structures institutionnelles du passé, le redémarrage du sénat fut laborieux à cause de la difficulté de trouver des personnalités qui offraient en même temps des garanties de compétence professionnelle et de fiabilité politique, les fonctionnaires napoléoniens étant pour l’instant écartés. De ce fait, pour parer au plus pressé, au sommet de la cour niçoise on désigna des éléments locaux, rescapés du sénat d’ancien régime et non compromis, destinés à assurer l’administration de la justice pendant qu’à Turin on procédait à la remise en route du système judiciaire. À titre d’exemple Ignazio Milon qui, n’ayant rempli aucune fonction officielle entre 1792 et 1814, fut gratifié du titre de sénateur et chargé de l’intérim de l’avocat fiscal général. La période transitoire prit fin en 1816, après la nomination des titulaires à tous les postes et l’adoption d’un édit royal qui définissait le ressort juridictionnel du sénat et en donnait la répartition en provinces et mandements. Lors des premières années l’organisation du sénat était assez légère : six sénateurs secondaient le « presidente capo », le président en chef, quatre substituts entouraient l’avocat fiscal général, quatre substituts aidaient l’avocat et le procureur des pauvres, cinq actuaires et deux secrétaires veillaient au bon déroulement des affaires. Limité aussi le collège des hommes de loi admis à plaider : en 1817 on dénombrait quinze avocats et douze procureurs avoués. Mais peu à peu le nombre des sénateurs augmenta, d’abord huit en 1827, puis neuf en 1846 et, pour finir, seize en 1859 pendant que les avocats et procureurs avoués frisaient la centaine. Parallèlement autour de l’avocat fiscal général s’était constitué un véritable bureau qui, en 1850, était composé de cinq substituts, un secrétaire solliciteur du fisc royal et inspecteur des prisons et un commis. L’évolution était identique pour l’avocat des pauvres, dont le bureau en 1859 comptait sept personnes. Cette progression numérique suivait probablement le volume grossissant des procès, de telle sorte que la structure institutionnelle assez légère du début dut s’adapter en se dotant de sections. C’est en 1845 que l’on voit paraître deux sections, chacune avec son président, une direction bicéphale qui gardait au président en chef le titre et le grade de premier président. Le décret du 23 décembre 1848 attribuait à l’une d’elles la connaissance des affaires pénales tout en préconisant une ou deux séances hebdomadaires pour l’expédition des cause civiles. Le même décret prévoyait l’instauration d’une section d’accusation et d’une chambre de vacation, cette dernière étant chargée des affaires criminelles ou correctionnelles en appel et des affaires civiles urgentes. Paradoxalement, tandis que le personnel du sénat prenait de l’ampleur et sa structure s’articulait, ses compétences allaient en diminuant d’une façon, bien entendu, graduelle et diluée dans le temps. En 1814 elles étaient intactes et, comme par le passé, touchaient aux domaines politico-administratif, ecclésiastique et judiciaire. En ce qui concerne le premier, le sénat retrouva la prérogative d’entériner les édits et les lettres patentes émanant du roi et le droit de remontrance qui en résultait lorsqu’il voulait marquer sa différence. Un droit rarement appliqué par la magistrature niçoise connue pour son légitimisme et sa loyauté. Il put à nouveau approuver les statuts politiques et les bans champêtres des villes et communautés et les statuts des confréries de métier et, par le biais de l’exequatur, permettre aux consuls étrangers d’exercer leurs fonctions. Il recouvra également sa compétence en matière de frontières, (et les patentes royales du 11 mars 1817 en confirmèrent le caractère exclusif), son rôle de dépositaire des testaments des particuliers, la gestion des prisons et la surveillance des prisonniers.