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Le magazine des musiques actuelles

11ème année N°27/2006 Fondateur : Pascal Noël « LE PERD LE NORD » Rédacteur en chef : « LE JAZZ PERD LE NORD » Philippe Schoonbrood Quai Paul Van Hoegaarden 02/144 – 4000 Liège Les 07, 08 et 09 décembre derniers, le Centre Wallonie Bruxelles de Paris accueillait Téléphone & télécopie : (32)4/222.90.25. – neuf formations de la Communauté Française de Belgique, représentatives de la [email protected] diversité musicale qui s’y est développée depuis la fin des années 1980 : le duo Avec l’aide de la Communauté Française Jacques Stotzem et André Klenes, le groupe Qu4tre, Slang, Tricycle, Rêve d’Éléphant Wallonie – Bruxelles Orchestra, Mâäk’s Spirit, L’Âme des Poètes, le Guy Cabay Quartet et la formation de Phil Abraham dans un relecture du répertoire des Beatles. TEXTE : PHILIPPE SCHOONBROOD - PHOTOS : PIERREGROSBOIS.NET 300JAZ00 20/12/06 9:55 Page 2

INFOS CECI N’EST PAS

e Jazz Perd le Nord », formula- L tion surréaliste qui inspirera nos confrè- res de la presse française dans des articles publiés par le journal L’Humanité,Libération, le Nouvel Observateur ou encore Jazzman, rivali- sant ainsi du « Le jazz belge garde la frite » (L’Humanité) au « Lâcher de Wallons » (Jazzman). La formule qui souligne donc la situation géogra- phique de nos artistes remonte à 1989, comme titre d’une compilation réalisée par Wallonie Bruxelles Musiques, et sur lequel figuraient entre autres Pierre Vaiana et déjà Nathalie Loriers,

alors au sein du Félix Simtaine Quintet ! Parmi le public nombreux présent aux cours des soirées organisées dans la salle du Centre Wallonie Bruxelles de Paris, on comptait plu- sieurs confrères journalistes musi- caux, dont Franck Bergerot, rédac- teur en chef adjoint de Jazzman, le partenaire presse de l’événement, mais aussi des opérateurs culturels importants de Paris, Nancy,Avignon, Uzeste, Lille, Berlin et même de Constantine ! En journée, de rencontres infor- melles en réunions de travail, les représentants de labels soutenus par

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S DU JAZZ BELGE

la Communauté Française En plus du répertoire de leur dernier fut celle des brasseurs : Tricycle et son Wallonie Bruxelles envisa- cédé, « Colours of Turner », le titre Oasis nouveau répertoire « King Size », dominé geaient de nouvelles méthodes révélera même un Stotzem arabo-anda- par un lyrisme tout en velours, entre de promotion et d’exporta- lou ! Quant à Qu4tre,les « benjamins » de Daniel Mille et Richard Galliano, ensuite tion, notamment à l’occasion ce festival, ils continuent de produire un Rêve d’Éléphant Orchestra (« Lobster d’entretiens avec Jean-Paul jazz-pop-rock aéré où domine le sens Caravan ») nous confirmera les atouts Ricard, président des Allumés mélodique de Marco Locurcio (guitare) majeurs d’un travail collectif durable du Jazz, une association créée dont la présence scénique mériterait pour maîtriser l’univers de rythmes en 1995 qui regroupe aujour- plus d’aplomb. Pour clore la première contrariés, tandis que Mâäk’s Spirit, sans d’hui 42 labels indépendants étape, Slang entraînera son auditoire ses Gnawas, proposera une mise en (www.allumesdujazz.com). dans un univers urbain de sons « drum & musiques par une recherche permanen- bass » déchirés par le saxophone sopra- te du son dans l’espace avec Laurent Trois groupes, trois no de Manu Blondiau (trompette) soirées, Hermia, le tout jouant tantôt le long et de neuf dans une mise en des travées, Jean-Yves scène très Flower Evrard (guitare) assis Jeudi 19h00, ouverture de la Power et mis en au premier rang, dans première soirée avec le duo perspective par le la posture de l’obser- acoustique Jacques Stotzem travail graphique vant observé, ou enco- (guitare) et André Klenes réalisé en direct re Jeroen Van Herzeele (contrebasse) qui s’est montré par le Visual (saxophone) parcou- à la hauteur des défis de la Jockey de Slang, rant le plateau de long dynamique instrumentale Lucas Racasse. La en large, convaincant ! qu’impose une telle rencontre. deuxième soirée Samedi 09 décembre, dernière soirée, avec un one man show du maître ès calembours, Jean-Louis Rassinfosse (contrebasse) pour ses introductions aux titres de l’Âme des Poètes, paroles et musiques criblées de citations. Ensuite ce fut Guy Cabay (vibraphone), le grand retour ! A la tête d’un quartet composé de Bruno Castelluci (batterie), Jacques Pirotton (guitare), Benoît Vanderstraeten (basse électrique), Cabay contrebalance- ra les titres de « On the Jazz Side of My Street », véritable thésaurus de l’histoire du jazz, avec ses célèbres escapades bossa-wallonnes. Un set efficace qui lais- sera le public sur sa faim. Enfin, la relec- ture du répertoire des Beatles par Phil Abraham et Jazz Me Do, offrira une conclusion plaisante et divertissante d’une manifestation éloquente : le jazz belge ne perd pas le Nord.

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INTERVIEW REGGIE WASHINGTON, LE KID DE NEW Reggie Washington a baigné dans la musique depuis sa plus tendre enfance. Ses parents écoutaient aussi bien du gospel, du R&B que du jazz. Sa soeur, violoniste, est professeur de musique à New York et son frère est un batteur de renommée internationale. A 44 ans, le bassiste natif de Staten Island a croisé la route des plus grands: , Brandford Marsalis, , Lester Bowie, Roy Hargrove ou Ravi Coltrane. Depuis l’été 2005, il est devenu l’un des musiciens les plus sollicités dans notre pays. CLAUDE LOXHAY

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Concerts: Washington - Vann - Galland (Jazz Tour organisé par Les Lundis d’Hortense): Vendredi 5 janvier: Centre Culturel d’Ans (avec Nicolas EW YORK Kummert) Samedi 6 janvier: Salle Vous qui avez multiplié les Columban à Wavre expériences musicales aux États-Unis, Mercredi 10 janvier: Jazz comment vous est venue l’idée de venir Station de Bruxelles jouer ici en Belgique? Vendredi 26 janvier: L’amour d’une femme d’abord. Ensuite, la Kulturzentrum d’Eupen Belgique est un carrefour par rapport aux Samedi 27 janvier: N’8’Jazz à autres pays comme la France. Il y a ici un Mazy contexte très libre, une atmosphère propice Dimanche 28 janvier: Bondues à la création musicale: on peut plus facile- (France) ment laisser sa personnalité s’exprimer. Le public est réceptif, il apprécie la musique. découvrir ce morceau et j’ai tout de suite J’aime ce sens de l’écoute qu’on ne trouve pensé que nous pouvions l’intégrer à notre pas fatalement ailleurs. Quand je suis arrivé répertoire. Nous avons fait plusieurs à Bruxelles, durant l’été 2005, j’ai voulu ren- concerts avec ce trio en octobre 2005 et contrer les jeunes « cats » comme Nicolas nous allons refaire une tournée, pour le Jazz Kummert ou Robin Verheyen mais aussi les Tour, en janvier prochain. Pour certaines plus anciens comme Erwin Vann, Pierre Van dates, Nicolas Kummert, un très bon jeune Dormael, Michel Hatzigeorgiou ou Dré saxophoniste, remplace Erwin. Il s’est bien Pallemaerts. Quand on vient de New York, approprié notre répertoire et je l’aime beau- on peut trouver de l’énergie partout. coup aussi. Comment avez-vous rencontré Erwin Sur votre album « A Lot of Love, Vann et Stéphane Galland? Live », on vous entend aussi, en trio, J’ai rencontré Stéphane Galland, il y a avec Ravi Coltrane... quelques années, alors que je jouais avec au sein du Five Elements de Steve Coleman, à Bruxelles. Quand je l’ai entendu, je me suis dit: « Who’s this guy? ». Sa technique m’a vraiment impressionné. Erwin, je l’ai rencontré l’année dernière. Nous avons la même maison de management. C’est un excel- lent saxophoniste. J’avais entendu son album « Let’s call Ed », qu’il a enregistré avec Michel Hatzi, Jozef Dumoulin et Dré Pallemaerts. J’aimais beaucoup sa façon d’aborder le ténor. Nous avons décidé de développer un projet ensemble, avec Stéphane à la batterie. Nous jouons plu- sieurs de mes compositions, des thèmes d’Erwin, de Wayne Shorter ou de Marcus Miller mais aussi un répertoire moins conventionnel comme cette chanson de Serge Gainsbourg qui figure sur notre album live. C’est Stéphane qui m’a fait

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des compositions de Bob Stewart, Eric Person ou Baba Sissoko ainsi que Adventure, un thème que j’ai dédié au percussionniste Don Alias. Avez-vous d’autres projets ? Oui, j’ai formé le « Washington Trio Tree » avec Jozef Dumoulin mais aussi un trio avec le saxophoniste guadeloupéen Jacques Schwartz-Bart qui a fait partie du RH Factor de Roy Hargrove. Je voudrais aussi continuer à jouer avec David Gilmore et j’espère que nous aurons d’autres engagements avec Chris Joris et Bob Stewart. Enfin, je voudrais aussi former un groupe axé sur la basse, avec Gene Lake à la batterie et peut-être avec mon meilleur ami, le bassiste David Inniss : c’est grâce à lui et à Marcus Miller, qui venait souvent jouer à la maison avec mon frère Kenny, que je me suis tourné vers la basse électrique (1). Vous avez une très longue expérience musicale aux Etats-Unis, quelles ont été, pour vous, les rencontres les plus importantes? C’est une question difficile parce que j’ai eu des expériences musicales très variées et chacune était importante à sa façon. J’ai eu beaucoup de plaisir à jouer avec Oliver Lake comme avec Steve Coleman qui développe un tout autre langage et possède un univers très personnel. J’ai croisé la route de beau- coup d’autres musiciens: , Brandford Marsalis,Arthur Blythe, Roy Hargrove, Lester Bowie, Chico Hamilton avec qui j’ai joué pendant quinze ans. Chaque expérience a eu son importance et a nourri ma musique actuelle.

(1) D’étranges liens unissent le clan Washington à la Oui, c’est mon autre trio. Je connais Ravi quelques bons gigs à Bruwelles mais aussi, Belgique puisque Kenny Washington formait, avec le depuis très longtemps et Gene Lake est vrai- par exemple, à la galerie Arthome à Oupeye. contrebassiste Curtis Lundy, la rythmique du LP « Blues for Both » enregistré, en 1983, par Steve ment « mon » batteur. Nous avons joué Et puis je joue également en duo avec Chris Houben et Michel Herr pour le label Jazz Cats. ensemble à Washington et fait une tournée Joris. Infos : www.jammincolors.com en Europe. Les plages du disque ont été Vous faites aussi partie du septet de enregistrées au Sounds à Bruxelles. Nous Chris Joris avec Bob Stewart... jouons plusieurs de mes compositions mais Oui, le « Chris Joris-Bob Stewart Band », A écouter: aussi des thèmes de Wayne Shorter ou de un excellent groupe avec Eric Person au Chris Joris - Bob Stewart, Rainbow Bill Frisell. Ravi possède une énergie très saxophone et Baba Sissoko aux percussions. Country (De Werf/Amg) communicative. Nous avons enregistré l’album « Rainbow Steve Coleman Five Elements, En Belgique, vous avez souvent joué Country » pour le label De Werf et joué de Weaving Symbolics + On the Rising of en duo... très bons concerts lors du festival de Bruges, the 64 paths (Label Bleu/Bang) Oui, à différentes occasions, par exemple puis au H’nita et en Hollande. Chris est un Steve Coleman and Metrics, A avec Fabrice Alleman, un autre excellent des meilleurs percussionnistes en Europe. Il Tale of 3 Cities + The Way of the saxophoniste, quelqu’un de très occupé. a un univers musical très riche : pour Cipher (BMG) Roy Hargrove and the Rh Factor, Mais aussi avec des guitaristes: Pierre van « Rainbow Country », il a écrit de superbes Hard Groove + Distractions Dormael et David Gilmore. Nous avons fait thèmes mais le répertoire comprend aussi (Verve/Universal)

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CHRONIQUE

BAJA, ISBIN/GAUTHIER/WALTON, duction entièrement acoustique,on navigue,en Maps / Systemalheur (Stilll/Pias) Venice Suite (Jazz’Halo/www.jazzhalo.com) compagnie des trois cordes,entre rythmes vire- Premier album de Daniel Vujanic,multi-instru- La démarche de Jos Demol,au travers du label voltants (Shine) et mélodies lyriques à souhait mentiste et compositeur basé à Stuttgart,« Maps Jazz’Halo, n’est pas sans parallèle avec celle de (Why Was That).La rencontre avec Scott Walton /Systemalheur » est une découverte qui croise les Leo Feigin pour Leo Records :une même fidélité n’a rien de fortuit car l’univers de Gilbert Isbin influences et les genres avec talent et fluidité. à l’égard des musiciens invités, un même souci n’est pas sans parenté avec le travail de Nels Maps constitue la première partie de cet opus d’explorer les chemins de traverse. Révélateur Cline à la guitare acoustique auprès de Vinny Go- double. Chacune de cet esprit de découverte, son intérêt pour le lia sur l’album « The Entire Time » pour le label de ses huit pièces parcours atypique du guitariste autodidacte Gil- Nine Winds,de Los Angeles.Notons encore que est une suite avec bert Isbin,entre tradition classique et inspiration l’album se clôt sur Cute Movements qu’Isbin plusieurs dévelop- contemporaine, entre jazz acoustique et mu- avait composé avec Luiz Marques, la saxopho- pements où guita- sique improvisée.Après « Blue Sound and Tou- niste de « Blue Sound and Touches » et sur « River res, traitements ches » gravé pour le label anglais HWYL,un pro- Man »,une ballade de Nick Drake :la boucle est électroniques, jet de duo avec Philippe Deschepper, un autre bouclée. sons d’ambiance dédié à la musique de Nick Drake et puis ce «Wa- Claude Loxhay et autres instru- ter With a Smile » (Jazz’Halo) aux parfums brési- ments sont subtilement agencés.Daniel Vujanic liens,gravé en compagnie de la vocaliste Lea Van KANSAS CITY fait aussi office de chef d’un orchestre amical Loo,voici le résultat d’une rencontre avec deux FRANK MELROSE, captivant, à la fois séduisant et étonnant. Il est musiciens croisés à Los Angeles : le violoniste Bluesiana (Delmark/www.delmark.com) également mélodiste et arrangeur mature,ayant Jeff Gauthier avec Frank Melrose est un pianiste de Kansas City.Il parfaitement intégré l’héritage post-rock,électro- qui le guitariste est le frère de Walter et Lester Melrose,les agents nique, mais aussi jazz et contemporain. Syste- avait fait différents de Jelly Roll Morton, promoteurs des faces gra- malheur,l’autre partie – composée de six étapes concerts aux Etats- vées par ce dernier pour Victor Records.Frank a – de ce diptyque à la fois varié et cohérent (les Unis en février rencontré et fréquenté Morton dont il était sections s’enchaînent avec souplesse, comme 2004, puis Scott d’ailleurs devenu le disciple reconnu.Il en avait autant de séquences d’une déambulation « ciné- Walton, contrebas- assimilé toute la technique du jeu et les tours de musicale »),est plus rythmique (downtempo fa- siste que Jos De- mains,au point que çon Tortoise) et s’ouvre sur une pièce elle-aussi mol avait décou- ses solos de piano,à composée de sections,dont une enchantée par vert au sein du la fin des années l’apparition vocale hypnotique de Mariana Vuja- quintet du multi-instrumentiste Vinny Golia.Pour 1920, furent consi- nic.Mais,nous voici à peine sous le charme que cet album enregistré au studio Cryptogramo- dérés comme des Baja nous projette dans un autre court-métrage phone de Los Angeles, le répertoire comprend faces de Morton, sonore avec de délicats entrelacs de guitares The Venice Suite écrite à trois,avec Scott Walton publiées sous électriques et acoustiques.Une révélation et un au piano,The Brugge Suite jouée en duo violon- pseudonyme ! Ici doux plaisir pour les âmes voyageuses. Et si ce guitare,puis une série de thèmes composés par on a des faces gra- monde était beau..? Gilbert Isbin comme cet Open Mind qui traduit vées à Chicago, en 1940, pour Varsity et Signa- Philippe Franck si bien sa personnalité profonde.Dans cette pro- ture, mais restées inédites à ce jour.Seul le solo 300JAZ00 20/12/06 9:24 Page 8

CHRONIQUE

sur Boy In the Boat permet de se rendre compte avouer que, dans cette formule à trois, Kurt Van prestigieux que Steve Coleman, Roy Hargrove du style « mortonnien » de Melrose.Un autre solo Herck se révèle particulièrement incisif,Jacques ou OliverLake,Reggie Washington nous présente sur Body and Soul est bien plus moderne,tandis Pirotton électrique à souhait (un peu dans la li- une série d’instantanés enregistrés live, l’un au que les autres faces, avec l’orchestre de Pete gne de l’album Sounds, l’autre au Tavernier, avec deux de ses Daily le mettent moins en exergue.Il s’agit de là « Old Woes New trios personnels.En premier lieu,son trio améri- de parfaits exemples de revival du Chicago jazz Wall » du Pirotton- cain avec le bouillant Ravi Coltrane au ténor et le blanc, tendance Dixieland.A noter aussi,The Houben Incorpo- batteur Gene Lake au jeu subtilement décalé.Au World is Waiting for the Sunrise,une face en trio, ration) et Mimi répertoire, trois thèmes originaux du bassiste, qui sort du lot,où encore le travail de Bill Helgart Verderame, omni- mais aussi Fall de Wayne Shorter et Strange Mee- (trombone) et LeRoy Smith (clarinette) dans présent,assurant à ting de Bill Frisell.Tantôt à la contrebasse,tantôt Original Stomp,mais aussi celui du trompettiste lui seul une assise à la basse électrique, Reggie met parfaitement Pete Daily sur à peu près tous les titres,un festif rythmique précise en valeur les fulgurances déchaînées du ténor New Orleans Blues et surtout les morceaux et complexe : un (sur Jade Y Giada, chantés par June Davis comme Bluesiana, un vrai travail d’orfèvre.Autre originalité : le réper- Ravi se montre le beau blues classique, et le plus jazzy, Have You toire constitué de quinze compositions courtes digne successeur Ever Felt That Way, sans oublier le truculent If mais denses du guitariste anversois Karl Van de son père), in- You’re A Viper sur lequel Frank Melrose joue du Deun. Une succession d’atmosphères contras- staure, en compli- violon.Bref,une excellente tranche de jazz revi- tées naviguant entre blues (Blues for MG Jack- cité avec son bat- val des années 1940, avec une touche bienve- son),folk (Lina’s Gift),ballade au rythme de valse teur,les glissements nue de blues vocal et instrumental. (Le Mariage) et jazz moderne au climat élec- progressifs de ryth- Robert Sacré trique (Nasana Mood, Rules and Tools ou ce mes de Reuben’s 2 KURT VAN HERCK/ Question Mark dont le thème est exposé à l’u- Train ou installe, nisson entre ténor et guitare). Un album auto- avec vigueur, le lancinant leitmotiv funky de JACQUES PIROTTON/ produit qui mériterait une plus large distribu- Ledge. En deuxième lieu, le trio que Reggie MIMI VERDERAME, tion mais rien ne vous empêche de naviguer sur forme,depuis octobre2005,avec Erwin Vann et Le Mariage (www.kurtvanherk.com) la toile. Stéphane Galland.Au programme, un thème de Voilà un projet intéressant et original à plus Claude Loxhay Marcus Miller (Mr Pastorius) qui laisse beaucoup d’un titre. La formation d’abord : un trio com- de place aux qualités mélodiques de la basse prenant saxophone ténor,guitare et batterie sans REGGIE WASHINGTON, électrique,une composition d’Erwin (This One) A Lot of Love, Live: My Trios, contrebasse.Un peu à la manière de la triade Lo- (Jammin’colors/Bang!) avec effets d’écho en boucles, le nerveux Half vano-Frisell-Motian,comme le confirme ce One Position Woody composé par Reggie sur une for Bill Frisell, nostalgique à souhait. Mais il faut Après avoir été le sideman de solistes aussi superbe ligne de contrebasse et cette surpre- nante version de Re- quiem Pour Un Con, chanson de Gainsbourg sur une musique de Mi- chel Colombier,avec un ténor aux sonorités électriques. Pour clore cet album,un avant-goût d’un autre projet du bas- siste new yorkais, son Reuben’s Bass Choir axé sur la superposition de plusieurs lignes de bas- ses électriques.Voilà un album qui reflète bien la personnalité contrastée de Reggie Washington, cet équilibre parfaite- ment abouti entre ryth- mes funk, énergie du R&B et fulgurance du jazz moderne :un cock- tail explosif. Claude Loxhay

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