« Je Chante Pour Passer Le Temps...» Louis Aragon Une Enquête Sur La Chanson
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Fondateurs : Jacques Decour (1910-1942), fusillé par les nazis, et Jean Paulhan (1884-1968). Directeurs : Aragon (1953-1972), Jean Ristat. Les Lettres françaises du 2 septembre 2006. Nouvelle série n° 29. « Je chante pour passer le temps...» Louis Aragon Une enquête sur la chanson Lithographie de Valerio Adami, 1981. Entretien avec Jean Ferrat SOMMAIRE ÉDITORIAL Jean Ristat : À nos lecteurs (Éditorial). Page II Dossier : Jean-Pierre Siméon : Avant la parole. Page III Alexandre Bergamini : L’air du temps. Page III À nos lecteurs Jean Lacouture : Une affaire de couple. Page III Jean-Noël Jeanneney : Clio et les chansons. Page III Chantal Golovine : Des faiseurs de mots. Page IV Armand Mélies : Entre les lames. Page IV Par Jean Ristat Lia Loria : Cécibon pour Yves Montand. Page IV Roger Grenier : Tout ce que j’ai écrit pour une chanson. Page IV Claude Schopp : Chemins buissonniers. Page V a composition de ce numéro des Lettres l’un des fondateurs de France Culture. Il Jean-Jacques Viton : Fond sonore. Page V françaises demande quelques explica- m’avait permis de travailler à France Culture, Christiane Baroche : Je t’attendrrrai... Page V Daniel Arsand : Souvenirs, souvenirs. Page V Ltions. Nous avions prévu de publier dans dans un atelier de création radiophonique, au Nicola L. : Ma vie en chansons. Page VI notre livraison d’été les textes d’un grand début des années soixante-dix. On a raison de Démosthènes Davvetas : Du latin cantio... Page VI Olivier Barbarant : Du gris que l’on prend dans sa voix. nombre d’écrivains, de poètes, d’artistes, d’in- souligner l’extraordinaire espace de liberté que Page VI tellectuels, en réponse à notre questionnaire sur fut l’ACR : liberté d’inventer, de jouer, de tra- Éric Dussert : D’un air qui n’en a pas l’air. « De quoi ? la chanson : « Quand on dit le mot chanson, à vailler le son comme un matériau inépuisable. Y’a pas de pourquoi ! » Page VII Benoîte Groult : Pour Léo. Page VII quelles chansons pensez-vous ? Quels souvenirs, En 1977, les exigences de l’Audimat lui sem- Raphaël Boccanfuso : Des chèvres au pays des 300 fromages. quels sentiments, quelles émotions, quelles sen- blent insupportables et il quitte Radio France. Page VII sations éveillent-elles en vous ? » Trente ans plus tard, Alain Beuve-Méry s’in- Shoshana Rappaport-Jaccottet : Composer. Page VII François-Marie Banier : Confidences. Page VIII On le sait, l’Humanité connaît de graves dif- terroge dans le Monde sur la place de la littéra- Serge Fauchereau : La culture est une. Page VIII ficultés financières et, par mesure d’économie, ture sur les chaînes de télévision : « Où sont pas- Roger Somville : Un certain air. Page VIII n’a pas paru les samedis d’août. Il n’était, évi- sées les émissions littéraires ? » Christophe Mercier : Pierre Perret et moi. Page IX À bâtons rompus avec Jean-Louis Murat. Page IX demment, pas question pour nous de ne pas Alain Trutat fut le secrétaire de Paul Eluard, Patricia Reznikov : Une chanson signée K. Page IX nous associer à cette mesure. Aussi avons-nous l’ami de Michaux et d’Artaud : il aimait les écri- José Moure : Le génie cinématographique de la chanson. Page X décidé de reporter en septembre ce fort dossier, vains et les poètes, et sa générosité était pro- aujourd’hui proposé à votre lecture. fonde, pudique. Nombreux sont ceux à qui il a Claude Schopp : Journal d’un cinémateur (chronique). 30 août. tendu la main, qu’il a encouragés, aidés. Ne Page XI Gaël Pasquier : Du film social au film noir. Page XI Je viens d’apprendre le mort d’Alain Trutat, l’oublions pas. Jean-Pierre Han : Avignon et son futur. Page XII Jean-Pierre Han : Mimos, en attendant le vingt-cinquième anniversaire. Page XII Françoise Hàn : Voyages et quêtes (chronique). Page XIII Claude Glayman : Promenades musicales estivales. Page XIII Marianne Lioust : La poésie de Marguerite Duras, les vérités de l’historien. Page XIV François Eychart : Un intellectuel engagé. Page XIV Gérard-Georges Lemaire : À la recherche des avant-gardes perdues. Page XV Franck Delorieux : Les songes véridiques de Claude Lévêque. Page XV Jean Ferrat, Jean Ristat, Franck Delorieux : Conversation à Antraigues avec la montagne pour témoin. Page XVI Mahfouz Naguib Mahfouz a quitté le Café des Miroirs, Retrouvez les Lettres françaises où il avait ses le premier samedi de chaque mois. habitudes, le vieux Prochain numéro : le 7 octobre 2006. quartier de Gamaliyya où il est né en 1912, la ville du Caire qu’il a aimée superlativement Les Lettres françaises, foliotées de I à XVI et dont il a magnifié dans l’Humanité du 2 septembre 2006. Fondateurs : Jacques Decour, fusillé par les nazis, et Jean Paulhan. la vie dans ses romans. Directeurs : Aragon puis Jean Ristat. De Passage Directeur : Jean Ristat. des miracles au Palais Rédacteur en chef : Jean-Pierre Han. Responsables de rubrique : Gérard-Georges Lemaire (arts), du désir, ce conteur Claude Schopp (cinéma), Franck Delorieux (lettres), hors pair va encore Claude Glayman (musique), Jean-Pierre Han (spectacles), longtemps rester Jean Ristat (savoirs). Conception graphique : Mustapha Boutadjine. présent avec Correspondants : Gerhard Jacquet (Marseille), des œuvres liant Fernando Toledo (Colombie), Olivier Sécardin (USA), la mythologie du petit Marco Filoni (Italie), Gavin Bowd (Écosse), Rachid Mokhtari (Algérie). 32, rue Jean-Jaurès, 93928 Saint-Denis CEDEX. monde cairote Téléphone : (33) 01 49 22 74 09. Fax : 01 49 22 72 51. et la vision d’une E-mail : [email protected]. Copyright Les Lettres françaises, tous droits réservés. culture arabe La rédaction décline toute responsabilité JACQUES ROBERT/GALLIMARD ressuscitée. quant aux manuscrits qui lui sont envoyés. Les Lettres françaises . Septembre 2006 (supplément à l’Humanité du 2 septembre 2006) . II CHANSONS Pour célébrer la rentrée en chantant, les Lettres Françaises ont demandé à des artistes, poètes, romanciers, historiens, critiques, peintres, plasticiens, etc... d’évoquer les chansons qui avaient jalonné leur vie. Avant la parole Une affaire de couple La chanson ? Pour beaucoup, c’est affaire de jeunesse, de bandes, de militantisme, d’aventure. Pour moi – je devrais dire nous –- c’est affaire de couple. Ma femme chante juste, sans voix. Moi, faux, avec voix. Dans Aux marches du palais, nous étions, un peu avant minuit, incomparables. Dans la Mauvaise Réputation, il ne nous a manqué que les applaudissements de Brassens, le cher Georges que nous aimions. Le Temps des cerises, c’était quand nous revenions de voter… Jean Lacouture, grand reporter, écrivain Aux marches du palais Aux marches du palais Y a une tant belle fille lon la, Y a une tant belle fille. Elle a tant d’amoureux Elle a tant d’amoureux, Qu’elle ne sait lequel prendre lon la, Qu’elle ne sait lequel prendre. Dessin de Gianni Burattoni. Clio magine-t-on un monde sans chan- est le corps lyrique de la parole. Et toute Il faudrait, certes, regarder de près sons ? Non. Pas même, à en croire chanson (même la plus niaise) la mani- mais je parierais volontiers que, parmi les et les chansons IPrimo Levi, dans le monde effondré festation de l’extension à l’infini de cette chansons qui durent, qui nous durent et d’Auschwitz. Là même il arriva qu’on se origine lyrique. Voilà pourquoi assuré- nous entêtent, il n’en est pas une qui ne ’avoue un effet de ma vocation d’historien : tout le regroupât, hagards, autour de la flamme ment, quant à la chanson et au rebours du soit d’une manière ou d’une autre fondée plaisir, grand, que je tire des chansons prend sa pleine mourante d’un chant. « Ce dont on ne poème, l’élaboration de la langue et du sur l’émotion d’une absence, l’aveu du Jdensité grâce au recul que crée le mouvement de la pen- peut plus parler, il faut le chanter » disait discours valent moins, in fine, que l’ex- vide : attente et appel d’amour ou ressas- sée lorsqu’elle s’attache à restituer le paysage politique et so- Heiner Müller (1). Peut-être même fau- pression au plus vrai, au plus juste, de sement de la perte, toute chanson (de Que cial spécifique où sont nées les paroles et les mélodies qui ont drait-il dire : ce dont on ne peut pas en- l’émotion native dont le souffle, la voix, sont mes amis devenus… à Où est passée porté de la sorte. core parler, on le chante. Car chanter, la sueur du corps et de l’âme sont des ré- Mirza ?) est à notre cou une écharpe de Considérez, par exemple, pour l’entre-deux guerres fran- avant même d’être le recours ultime de la vélateurs décisifs. De là, je crois, l’adhé- nostalgie pour l’hiver. Comment échap- çais, Damia, Fréhel, Marie Dubas, la môme Piaf, Léo Mar- parole exténuée de son impuissance, est sion par exemple d’Elsa Triolet au phé- per à ça, échapper à nos chansons ? jane, Gilles et Julien, Lucienne Boyer, Mireille et Jean Sa- sans doute la condition première de sa nomène Hallyday. De là l’universalité Nous portons tous en nous, tous autant blon, le premier Chevalier, le premier Trenet, tant naissance. On a dû chanter avant de par- de l’emprise d’Édith Piaf. De là le bou- que nous sommes, un-soir-qui-attend- d’autres… et laissez surgir ce qu’à la ronde suscitent ces ler : le souffle et le son qui en vient, inar- leversement prévisible de qui écoute, Madeleine-qui-ne-viendra-pas. Made- vieux disques qui tournent, les tensions, les formes uniques ticulé, balbutiant, sans syntaxe – sans lo- sans y rien comprendre, Vissotsky, Yu- leine : la femme à Godot. Et plus vaste et pérennes du bonheur et du malheur.