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HISTOIRE DE LA NEUROLOGIE

Edouard Brissaud, grande figure du 19e siècle Neurologue,mais aussi artiste,intellectuel,politique...

Comme le dit avec pertinence Achille Souques (1860-1944) dans l’éloge funèbre de son maître Edouard Brissaud (1852-1909) (1) : « Pour comprendre ses aptitudes merveilleuses et sa personnalité il faut regarder du côté de son origine et de son milieu ■ Là est en puissance toute sa destinée » ■ C’est ce que nous allons tenter de faire dans le but de décrypter, d’expliquer, de comprendre Edouard Brissaud, l’homme et son œuvre, sans que nous soyons capables de distinguer ce qui revient à la génétique et à l’environne- ment, ou au fructueux mélange des deux, et sans gommer la part de son génie propre ■ Jacques Poirier*

UN PARCOURS MÉDICAL Charcot (1825-1893), Brissaud est SANS ASPÉRITÉS… avant tout neurologue et ses élèves les plus proches le sont BRISSAUD EST AVANT TOUT aussi : Achille Souques (1860- NEUROLOGUE… 1944), futur médecin des hôpi- Rappelons d’abord, dans ses taux, Henry Meige (1866-1940), grandes lignes, le parcours médi- futur professeur d’anatomie ar- cal d’Edouard Brissaud. Né à tistique à l’Ecole des Beaux-Arts, Besançon le 15 avril 1852 et mort Jean-Athanase Sicard (1872-1929), à le 19 décembre 1909, sa futur médecin des hôpitaux, pro- carrière médicale, hospitalière et fesseur à la faculté de médecine. universitaire, se déroule sans as- Avec Pierre Marie (1853-1840). périté. Il est successivement ex- Brissaud fonde la “Revue terne (1872), interne des hôpitaux Neurologique” (1893) et participe Figure 1 - Portrait de Brissaud jeune (dû de Paris (1875), chef de clinique à la création de la “Société de neu- à l’amabilité du Dr Bernard Roussel). (1882), médecin du Bureau cen- rologie de Paris” (1899). A la mort tral (1884), agrégé (1886), chef de de Charcot, il assure l’intérim de la … MAIS AUSSI ANATOMO- service à l’Hôpital Saint-Antoine Chaire de clinique des maladies du PATHOLOGISTE,PATHOLOGISTE (1889), puis à l’Hôtel-Dieu (1900), système nerveux de la Salpêtrière GÉNÉRAL,HISTORIEN professeur d’histoire de la méde- (1893-1894). DE LA MÉDECINE… cine (1899) puis de pathologie Mais Brissaud n’est pas seulement médicale (1900), membre de Ses travaux sont innombrables neurologue, il est aussi anatomo- l’Académie de médecine (1909), et, pour beaucoup d’entre eux, pathologiste, pathologiste géné- chevalier de la Légion d’honneur mémorables (2). Rappelons seu- ral, historien de la médecine (6), (1894). Elève de Paul Broca (1824- lement ses”Leçons sur les mala- expert près les tribunaux spécia- 1880), de Charles Lasègue (1816- dies nerveuses” (3), “L’hygiène des liste des accidents du travail. Il crée 1883) et surtout de Jean-Martin asthmatiques” (4), “ L’anatomie le concept de “sinistrose” (7). Il di- du cerveau de l’homme” accom- rige ou participe à de nombreux *Professeur Honoraire à l’Université Paris-6,Ancien Chef de service à l’Hôpital de la Salpêtrière,Paris pagnée d’un magnifique atlas (5). ouvrages médicaux : le “Traité de

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médecine” en six volumes (8), “La Pratique Médico-Chirurgicale” (9). Il est l’un des directeurs de la Revue de médecine, membre du Comité de rédaction de la “Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie” et collaborateur régu- lier du “Progrès médical”. Il meurt le 19 décembre 1909 d’une affection cérébrale (tumeur ou abcès ?) rapidement évolutive, malgré l’intervention neurochi- rurgicale pratiquée par le célèbre chirurgien britannique Sir Victor Horsley (1857-1916). Il est enterré dans le cimetière de Saint-Pierre- Figure 2 - Buste de Brissaud (dû à lès-Nemours (Fig. 2). l’amabilité de Pierre-Yves Berveiller).

ces cordes qui s’attachaient à son Figure 3 - Caricature de Brissaud, ENTOURÉ D’ARTISTES arc, pour être plus qu’un banal mé- tirant subrepticement son mouchoir ET D’INTELLECTUELS decin des hôpitaux-professeur à de la poche de son ami Reclus (due à Dès son plus jeune âge, Edouard la faculté, mais une personnalité l’amabilité de Mme Caroline Roussel). Brissaud baigne dans un milieu fa- exceptionnelle, malheureusement milial privilégié, fourmillant d’ar- trop tôt disparue. lissait de sa fenêtre, à coups de re- tistes, de comédiens, d’acteurs ly- volver,“ces fâcheux récipients”.Les riques, de peintres, de musiciens, visiteurs étrangers, guidés par lui, d’intellectuels, et Souques le voit ÉDOUARD BRISSAUD, apprenaient d’extraordinaires dé- comme un artiste : « De l’artiste, COMÉDIEN ? tails sur une nouvelle maladie,ap- il avait peut-être le dehors, certai- Edouard aurait pu, comme des di- parue depuis peu, terriblement nement le dedans, je veux dire zaines de membres de sa famille, contagieuse et dont il leur décri- l’amour du beau,le goût sûr,l’ima- devenir comédien. Il en avait vait minutieusement les sinistres gination riche,tout enfin,même le toutes les capacités. Facétieux, symptômes, de façon à leur don- brin de fantaisie.S’il eût suivi la car- farceur, mystificateur, il est à l’aise ner la chair de poule.Un soir d’hi- rière des arts ou des lettres, il y eut dans les plaisanteries dites de salle ver rigoureux,où les médecins sué- brillé aux premiers rangs.Il eut été de garde (Fig. 3). On l’aurait très bien dois, russes et allemands, réunis un artiste renommé au seizième vu sur les planches. Les étudiants chez Charcot,préparaient je ne sais siècle,un encyclopédiste fameux au adorent ses cours qui regorgent quel congrès de neurologie, dix-huitième. » (1) Effectivement, de bons mots et de formules théâ- Brissaud nous persuada de cacher Edouard Brissaud, aurait aussi trales. Son ami Léon Daudet se les snow-boots qu’ils avaient lais- bien pu être comédien (comme souvient : « On racontait de lui des sés dans l’antichambre.Ce fut,à la nombre de ses ancêtres), norma- farces fameuses.Ennemi du direc- sortie, une longue recherche sans lien agrégé, professeur de lycée teur de l’hôpital, alors qu’il était résultat - car nous n’osions plus (comme son père et son beau- interne à la Salpêtrière, il s’inju- avouer notre forfait - pendant la- père), dessinateur ou peintre riait lui-même sur les murs : quelle Brissaud proposait à ces (comme trois de ses cousins et “Brissaud est une brute et un doctes personnages, navrés et fu- deux de ses fils), écrivain (comme ivrogne”, puis courait se plaindre retant,les explications les plus sau- beaucoup de membres de sa fa- chez ce haut fonctionnaire,l’accu- grenues (…). » (10). mille), mais aussi homme poli- sait de favoriser ces outrages. tique, militaire ou tout bonnement Quand les vieilles gâteuses allaient • Ses grands-parents maternels médecin (comme son oncle), mais le matin laver leurs pots à la fon- sont Auguste Second dit Féréol n’était-il pas, en définitive, un peu taine, et les disposaient en rangs (1795-1870), acteur, ténor à tout cela, mettant à profit toutes d’oignons pour les sécher,il démo- l’Opéra Comique et peintre, et sa

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femme Eugénie Boutet de Monvel (1800-1832), fille aînée de Noël- Barthélémy Boutet de Monvel et de Cécile Anselme. Claire Brissaud a écrit ses souvenirs (11), qui don- nent de multiples informations sur sa famille (Fig. 4) et donc sur celle de son fils Edouard.

• La famille de sa belle-mère, Louise Nourrit (1826-1883), baigne dans l’art lyrique. Louis (1780-1832), son grand-père, est premier ténor de l’Opéra de Paris. Son fils Adolphe Nourrit (1802- Figure 4 - Arbre généalogique simplifié de Brissaud. 1839) (12), le père de Louise, suc- cède à son père comme premier ténor de l’Opéra ; il épouse la fille Marie mène une vie tumultueuse. du régisseur de l’Opéra-Comique. Il a trois femmes et des enfants Allant de triomphe en triomphe, des trois, à qui il donne son nom, Adolphe crée de nombreux que les mères soient ou non des grands rôles, écrit des livrets et de- épouses légitimes. Expatrié en vient professeur de déclamation Suède pour des raisons obscures, lyrique au Conservatoire. Il est cé- il devient lecteur auprès du roi lèbre et admiré dans l’Europe en- Gustave III (1746-1792) et direc- tière. L’engagement par l’Opéra teur du Théâtre français de de son rival le conduit à démis- Stockholm. En 1786, il épouse sionner et à s’installer à Naples, Catherine Victoire Le Riche de mais les succès alternent avec les Cléricourt, actrice connue sous le déconvenues, et, déprimé, il se nom de Madame Monvel. Deux défenestre. Il est enterré au ans plus tard, il revient à Paris avec Cimetière Montparnasse. Auguste sa nouvelle femme et leurs deux Nourrit (1808-1853), le frère ca- enfants nés en Suède, Théodore Figure 5 - Buste de Jacques-Marie det d’Adolphe, est lui aussi ténor ; et Joséphine (14). Jacques-Marie Boutet de Monvel (dû à l’amabilité après avoir débuté à l’Opéra- continue sa carrière d’acteur et de Pierre-Yves Berveiller). Comique, il prend la direction du devient un des premiers profes- Théâtre français de La Haye, puis seurs du Conservatoire d’Art fille des comédiens Jacques-Marie du Théâtre d’Anvers et, enfin, du Dramatique de Paris. Il adhère aux Boutet de Monvel et Marguerite Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. idéaux révolutionnaires : en 1791, Salvetat, dite Madame Mars, est il fonde avec Talma Le théâtre de une des plus célèbres actrices de • Né d’un père comédien protégé la République ; il fait l’éloge de la première moitié du XIXe siècle par le roi de Pologne, Stanislas la Raison en 1793. En 1795, il de- (15). Entrée à la Comédie Française Leszczynski, son trisaïeul, vient membre de l’Institut dans à vingt ans, elle y reste quarante Jacques-Marie Boutet de Monvel la section des Beaux-Arts. Il meurt ans. En 1830, elle crée le rôle de (1745-1812) (Fig. 5) - qui est aussi le à Paris le 13 février 1812. Lunéville, Doña Sol dans Hernani de Victor bisaïeul de sa femme - entreprend sa ville natale, a donné son nom Hugo (1802-1885). Son hôtel par- une carrière d’acteur et devient à une rue et à un lycée. ticulier est situé rue de la Tour des sociétaire de la Comédie- dames au cœur de la Nouvelle Française (13). Il écrit des pièces • Deux arrière-grand-tantes Athènes. Très belle, spirituelle, en- de théâtre, qui ont du succès. d’Edouard Brissaud sont des ac- jouée, aimable, elle est appréciée Mais, quels que soient ses talents trices illustres du XIXe siècle. de Napoléon Ier. Marie Dorval de comédien et d’auteur, Jacques- Mademoiselle Mars (1779-1847), (1798-1849) est une petite-cousine

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du côté des Anselme-Baptiste, tous comédiens. Elle épouse un maître de ballets, Allan Dorval, puis, après son veuvage, le directeur du théâtre de la Porte Saint-Martin. Elle est très amie avec Alexandre Dumas (1802-1870) et George Sand (1804-1876), ce qui, compte tenu des penchants saphiques de cette dernière, ne manque pas de faire jaser. Pendant six ans, de 1832 à 1848, elle entretient avec Alfred de Vigny (1797-1863) une liaison passionnée et tumultueuse. Elle entre à la Comédie-Française et son talent lui vaut de très grands succès dans de nombreuses pièces du théâtre romantique. Sa créa- tion du rôle de Kitty Bell dans Figure 6 - Croquis de Charcot en salle Chatterton (1834) fait date. d’autopsie, par Brissaud Déprimée après la mort d’un de (Bibliothèque Charcot). ses petits-fils, elle meurt dans la Figure 7 - Une planche de l’Atlas misère (16). du cerveau de Brissaud, rile et honnête” et “Les fables de la « dessiné tout entier de sa main… ». Fontaine”, réédités, tant en ÉDOUARD BRISSAUD, qu’aux Etats-Unis. Il illustre éga- tecte Louis Süe (1875-1968), à la ARTISTE PEINTRE, lement deux livres d’Anatole France fondation du style Art Déco. Après DESSINATEUR ? (1844-1924), “Filles et garçons” et la guerre de 1914-1918, au cours Edouard aurait pu, comme son “Nos enfants, scènes de la vie et des de laquelle il est aviateur, observa- beau-frère,son neveu,ses fils,de- champs”. Son “Jeanne d’Arc”, livre teur bombardier dans l’armée venir artiste peintre ou dessina- novateur publié en 1896, est consi- d’Orient, il s’installe au Maroc. De teur. Il possédait en effet un réel déré comme l’aboutissement de nombreuses toiles datent de cette talent de dessinateur, dont nous son œuvre. Sa toile “Apothéose ou période marocaine. En 1921, connaissons deux réalisations : le le triomphe de la canaille”, accro- Bernard Boutet de Monvel épouse croquis de Charcot en salle d’au- chée au Musée des Beaux-Arts Delfina Edwards Bello (1896-1974), topsie (Fig. 6) et “l’Atlas du cerveau” d’Orléans, témoigne de son horreur guitariste émérite, jeune et belle (5) (Fig. 7). Cet atlas est « dessiné tout de la Commune (17, 18). héritière chilienne. Il mène une vie entier de sa main avec un art par- • Bernard Boutet de Monvel (1881- de rève : c’est un dandy, royaliste, fait, œuvre monumentale qui re- 1949) (19), fils de Maurice Boutet mondain, élégant, aimant la com- présente un labeur prodigieux, et de Monvel, est peintre, dessina- pagnie des jolies femmes, riche, dont j’ai ouÏ dire à Charcot qu’il teur, illustrateur, aquafortiste, amateur d’étui à cigarettes en or était fier de l’avoir inspirée » (1). sculpteur, décorateur. Il est surtout et d’œillets rouges sur ses habits connu, en France comme aux de soirée, à New-York où il a un du- • Maurice Boutet de Monvel (1850- Etats-Unis, après ses expositions plex, il dépense sans compter et 1912), le plus jeune frère de la de 1926 et 1932 à New-York, pour invite avec prodigalité dans les femme d’Edouard, est surtout ré- ses portraits mondains. Il travaille meilleurs restaurants. Il meurt le puté comme illustrateur de livres aussi pour des magazines de mode 28 octobre 1949 dans le “crash des pour enfants. Ses ouvrages les plus et de haute couture, comme Vogue, Açores”, accident d’avion dans le- connus sont les albums, “Chansons “La Gazette du Bon Ton” ou le ma- quel périssent également la célèbre de France pour les petits français”, gazine américain “Harper’s violoniste Ginette Neveu (1919- “Vieilles chansons et rondes pour Bazaar”. Il participe ainsi, dans les 1949) et le champion de boxe les petits enfants”, “La civilité pué- Années folles, avec son ami archi- Marcel Cerdan (1916-1949).

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• Charles Boutet de Monvel (1855- 1913), fils de Paul Boutet de Monvel (frère d’Eugénie et de Benjamin Boutet de Monvel) est peintre, gra- veur et surtout joaillier concepteur de bijoux « ingénieux,originaux de lignes et de souplesse » (20).

Jacques Brissaud (1880-1960), l’aîné des fils d’Edouard, est peintre, aquarelliste et graveur ; Pierre Brissaud (1885-1964) (21), le dernier fils d’Edouard (Fig. 8), est peintre, illustrateur, graveur. Il s’adonne particulièrement au po- choir, à l’aquarelle, aux eaux- fortes. Il collabore régulièrement à la “Gazette du Bon Ton” ainsi qu’à divers journaux de mode, Figure 8 - Deux de ses fils, Jacques et Pierre, tous deux peintres comme Vogue. Il réalise des pu- (dû à l’amabilité du Dr Bernard Roussel). blicités, en particulier pharma- ceutiques, et surtout illustre de (1882-1971), petite-fille de César Besançon (ville dans laquelle ses très nombreux livres. Il est Franck, professeur de piano, trois enfants sont nés), de membre du Club des Mortigny épouse Jean Chopy (1877-1963), , de Paris (lycée Saint- qui regroupe de nombreux ar- fils aîné du docteur Henri Chopy, Louis, puis Charlemagne), est un tistes et habitués de la vie pari- beau-frère d’Edouard. En 1890, un enseignant remarquable. Il en- sienne, dont le célèbre couturier an après la mort du père seigne également au cours privé (1879-1944). d’Edouard, César Franck, victime de la rue de Jouy dont son collègue d’un accident de fiacre, est soigné Benjamin Boutet de Monvel, de- par le docteur Félix Féréol, puis par venu son ami, est le directeur. Il ÉDOUARD BRISSAUD, Edouard, et passe sa convales- est membre, puis président, de MUSICIEN ? cence à Nemours (23) chez Claire la Commission d’examens d’ad- Comme tous les Boutet de Monvel Brissaud, sœur du docteur. Franck mission à Saint-Cyr. En 1882, il de- et les Féréol, comme son cousin le lui dédiera deux mélodies, “Le vient maître de conférences de célèbre compositeur et organiste Sylphe” et “Robin Gray”. géographie à l’école normale de César Franck (22), Brissaud aurait Sèvres. Il publie plusieurs livres pu devenir musicien. Il joue du pédagogiques d’histoire. Dans son piano comme tout le monde dans ÉDOUARD BRISSAUD, “Histoire contemporaine 1789- la famille. Les enfants d’Edouard PROFESSEUR 1881” (26), on perçoit que l’auteur, font, en famille, de la musique de D’HISTOIRE ? s’il est républicain, est loin d’être chambre. Les liens avec César Edouard aurait pu, comme son sympathisant de La Commune. Franck sont étroits. En 1848, César père Désiré Brissaud (24), deve- Outre son père, la famille Franck (1822-1890) épouse l’ac- nir professeur d’histoire. Tout l’y d’Edouard Brissaud compte de trice Félicité Desmousseaux (1826- destinait : « La tournure de son es- nombreux enseignants. Son 1918), petite-cousine de Claire prit, son érudition, les études his- beau-père, Benjamin Boutet de Brissaud, la mère d’Edouard. Les toriques auxquelles il avait été pré- Monvel (1820-1898) est le frère parents de Félicité, ses grands-pa- paré dès l’enfance » (25). Désiré d’Eugénie (1800-1832), grand- rents, toute la lignée des Anselme- Brissaud (1822-1889), normalien, mère maternelle d’Edouard. Baptiste sont acteurs à la Comédie professeur agrégé d’histoire et de Benjamin est normalien, profes- Française. La mère d’Edouard géographie, en poste successive- seur agrégé de physique et de chi- Brissaud, a appris le piano avec ment dans le collège de Reims et mie au lycée Charlemagne. Il pu- César Franck. Thérèse Franck d’Orléans, puis dans les lycées de blie de nombreux ouvrages

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scolaires de chimie et de phy- bon-enfant, plusieurs piques iro- vain et publie notamment une vie sique. Sa femme, Louise Nourrit niques sur les médecins et la mé- de Lord Byron (35), un Saint- (1826-1883), dirige à Paris rue de decine, et quelques propos désa- François d’Assise (36), un Jouy, avec son mari et ses deux busés et prémonitoires : « Mais Cervantès (37). Louise a un frère, sœurs Juliette et Cécile, un cours la santé la plus florissante ne pré- Robert Nourrit, docteur en droit, complémentaire privé d’instruc- sage pas la plus longue vie. On a qui épouse Marie Plon (1840- tion pour les jeunes filles. Elle écrit beau éviter les fautes d’hygiène, se 1930). La Librairie Plon et Nourrit, une “Petite histoire ancienne pour garder des imprudences,et surtout maison d’édition prospère, pro- les enfants” (27). Charles Lebaigue des vices qui hâtent la vieillesse,ce- cède de cette union. (1820-1903), le père de l’épouse pendant la maladie survient en dé- de son beau-frère Maurice, est pit de tout. Un de nos maîtres - agrégé de grammaire et profes- hypochondriaque, il est vrai - n’a- ÉDOUARD BRISSAUD, seur de Lettres classiques au ly- t-il pas défini la santé “un état pré- MILITAIRE ? cée Charlemagne à Paris. caire, transitoire et qui ne présage Comme la plupart des jeunes mé- rien de bon ?” Par une sorte d’iro- decins de sa génération, Edouard BRISSAUD,PROFESSEUR nie de la nature,les mieux portants Brissaud a fait son “volontariat” D’HISTOIRE DE LA MÉDECINE sont quelquefois les plus durement d’un an, dans le 19e de ligne, en Edouard Brissaud ne devient pas frappés et les plus vite abattus. » (6) 1873, mais rien ne laisse à penser professeur d’histoire dans un ly- qu’il ait pris goût à la vie militaire, cée, mais professeur d’histoire de malgré les glorieux états de service la médecine à la Faculté de méde- ÉDOUARD BRISSAUD, de plusieurs membres de sa fa- cine de Paris. Sa leçon inaugurale ÉCRIVAIN, POÈTE ? mille : le colonel Anselme (baron est un morceau d’anthologie (28). Edouard Brissaud aurait pu, d’Empire), son fils le général Léon Dans le champ de l’histoire de la comme ses aïeux Jacques-Marie Anselme (38) et Paul, le fils de ce médecine, il publie plusieurs vi- Boutet de Monvel (voir plus haut) dernier, jeune officier mort des gnettes, sur Paul Scarron (1610- et Noël-Barthélémy, ou comme suites d’un coup de pied de che- 1660) (29), sur les écrouelles (30), son neveu Roger, ou encore val à l’école de Saumur (11). Louis sur la mort de Charles de Guyenne comme son jeune ami et protégé Féréol (1795-1870), officier devenu 1446-1472) (31), sur Théophile de Henry Franck (1888-1912) ou sa un célèbre chanteur d’opéra-co- Bordeu (1722-1776) (32), et sur- patiente et amie la comtesse Anna mique, épouse Eugénie (1800- tout sa passionnante “Histoire de Noailles (1876-1933) (voir plus 1832), la fille ainée de Noël- des expressions populaires en loin) devenir un auteur littéraire, Barthélémy. Ils ont un fils Félix et médecine” (6), ouvrage très ap- un poète. Brissaud, qui écrivait une fille Claire (la mère d’Edouard). précié par Anatole France (33). des vers dans sa jeunesse, est en Deux des fils d’Etienne Brissaud, Bien qu’il s’en défende avec une effet « un fin lettré qui écrivait une Jean (1917-1945) et Henri (1919- grande modestie, Brissaud fait langue limpide et savoureuse. 1945), meurent pour la France du- preuve, dans cet ouvrage, d’une Friand d’étymologies, philologue rant la Seconde Guerre mondiale vaste culture et d’une érudition à ses heures » (1). (39). poussée, basée sur de très nom- Noël-Barthélémy Boutet de breuses lectures, mais aussi d’un Monvel (1767 ou 1768-1847), fils solide bon sens (notamment dans de Jacques-Marie, épouse Cécile ÉDOUARD BRISSAUD, la dénonciation formelle des char- Anselme (1780-1858). Secrétaire MÉDECIN ! latans), d’une grande finesse d’es- au ministère de la Justice, il de- Finalement, plutôt que comédien, prit et d’une bonne dose d’hu- vient le secrétaire de Jean-Jacques artiste peintre, musicien, profes- mour, avec une permanente Régis de Cambacérès (1753-1824). seur d’histoire, écrivain ou mili- délicatesse et jamais aucune gros- Chevalier de l’Empire par lettres taire, Edouard Brissaud est de- siéreté ou vulgarité. L’ouvrage se patentes du 11 septembre 1813, venu médecin. Sa famille compte clôt par un très utile vocabulaire il bénéficie d’un blason (34). Il est de nombreux médecins. des mots ou expressions popu- l’auteur d’une tragédie et de nom- • Le docteur Félix Féréol (1825- laires classés par ordre alphabé- breuses poésies et odes. Roger 1883), frère de sa mère et cousin tique. On peut percevoir, de-ci de- Boutet de Monvel, dandy comme germain de sa femme, est à l’ori- là, un rien d’anticléricalisme son frère Bernard, devient écri- gine de sa vocation médicale.

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Edouard apprécie beaucoup son la famille Brissaud. ÉDOUARD BRISSAUD, oncle Féréol, ancien interne des • Etienne Brissaud (1882-1951), HOMME POLITIQUE ? hôpitaux de Paris, médecin de le deuxième fils d’Edouard, an- Sous la IIIe République, Brissaud l’Hôpital de la Charité à Paris, cien interne des hôpitaux de Paris, a tout pour devenir un homme membre de l’Académie de méde- soutient sa thèse en 1911 sur “La politique de premier plan : sa po- cine, et lui rend publiquement coagulation du sang mesurée sition sociale (les médecins sont hommage dans sa leçon inaugu- dans le plasma salé”. Il participe, nombreux parmi les élus aussi rale en 1899 (40). avec Pierre Abrami (1879-1945) et bien au niveau de la commune, • Sa sœur Louise (1851-1945) Fernand Widal (1862-1929), à la que du canton ou du départe- épouse le docteur Henri Chopy célèbre expérience réalisée en ment), son charisme et son talent (1850-1932), qui accueille artistes, 1914 à l’Hôpital Cochin, démon- de tribun, la qualité de son im- musiciens et poètes dans sa mai- trant l’existence de l’allergie res- plantation locale, tant à Paris qu’à son de Nemours, ville qui don- piratoire (39). Etienne épouse Nemours et dans le Béarn, ses nera son nom à une rue. Suzanne Franck (1890-1950) (sans convictions fermement républi- • Le docteur Robert Halmagrand rapport avec la famille du com- caines, notoirement libre-pen- (1851-1924), médecin à Meung positeur César Franck) dont il a seuses, et le courage de son enga- sur Loire, beau-frère d’Edouard, quatre enfants (47). gement déterminé pour la cause est témoin à son mariage avec • Henri-Edouard (1913-1981), le dreyfusarde (51, 52) : « Bien qu’il Hélène Boutet de Monvel, en dernier fils d’Etienne Brissaud, restât étranger aux luttes poli- 1879, à Paris (39). En 1929, le ancien interne des hôpitaux de tiques et religieuses de notre pays, conseil municipal d’Orléans dé- Paris, est pédiatre, médecin des il ne craignit pas de manifester cide de donner son nom au quar- hôpitaux en 1951, chef de service tout haut les révoltes d’une tier des Champs-Elysées. à la Salpêtrière. Il n’a pas d’enfants. conscience inaccessible à la peur, • Son fils aîné Jacques épouse dans des circonstances émou- Denise Galliard (1887-1955), la fille Comme de nombreux médecins vantes, quand le droit et la jus- du docteur Lucien Galliard (1852- de son époque, et notamment tice lui parurent violés. Candidat 1936), médecin des hôpitaux de Joseph Babinski (48), Brissaud à la Faculté et à l’Académie de mé- Paris, chef de service à Lariboisière. est préoccupé par les phéno- decine, il ne s’inquiétait guère si Henri Galliard (1891-1979) (41, 42), mènes paranormaux,de télépa- son attitude serait de nature à le frère de Denise, est professeur thie,de médiumnité. Il participe compromettre ses intérêts. » (53). de parasitologie et d’Histoire na- en 1901 à la mise en place d’un Il a aussi l’exemple de plusieurs turelle médicale à la Faculté de mé- groupe d’étude des phénomènes de ses maîtres, collègues et amis decine de Paris en 1949 (43), an- psychiques dans le cadre de devenus sénateurs, comme Paul cien directeur de la Faculté de l’Institut Général Psychologique, Broca, ou députés, comme Désiré médecine de Hanoï, membre de aux côtés d’autres sommités Bourneville (1840-1909) ou son l’Académie de médecine. Renée scientifiques, notamment de ami de cœur Paul Reclus. Galliard, sœur de Denise et Arsène d’Arsonval (1851-1940), Edouard Brissaud cède aux pres- d’Henri, épouse en 1907 Emile Gilbert Ballet (1853-1916), Henri sions de son voisinage et accepte Brumpt (1877-1951), à l’époque Bergson (1859-1941), Edouard de devenir conseiller général du agrégé de parasitologie, futur pro- Branly (1844-1940), Jules Courtier canton de Sauverterre en Béarn, fesseur titulaire de la chaire de pa- (1860-1938), Pierre (1859-1906) mais ensuite il ne sollicite pas le rasitologie et histoire naturelle mé- et Marie (1867-1934) Curie, Emile renouvellement de son mandat dicale de la Faculté de médecine Duclaux (1840-1904), Charles (53). de Paris (44). Leur fils Lucien Richet (1850-1935) (49). La dé- Décidément, Brissaud n’a pas en- Brumpt (1910-1999) (45) devient marche qui sous-tend cette ini- vie d’être un homme politique. également professeur de parasito- tiative est la suivante : « Quelle est Mais ses engagements n’en sont logie en 1962, puis de pathologie la part de réalité objective et quelle pas moins forts pour autant. Il fait exotique en 1966 (46). C’est ainsi est la part d’interprétation sub- partie du Conseil d’administra- que les Galliard-Brumpt, qui jective dans les faits décrits sous tion de l’Ecole alsacienne (54, 55), comptent trois professeurs suc- les noms de suggestion mentale, école libre et laïque, ouverte aux cessifs de parasitologie à la Faculté télépathie, médiumnité, lévita- enfants de tous les cultes. Il de- de médecine de Paris, entrent dans tion, etc. » (50). mande que ses obsèques ne

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soient pas religieuses, mais son mais la tuberculose aura raison Cazalot, que Brissaud avait acquis souhait n’a pas été exaucé, car de lui à la fleur de l’âge. Les Franck en 1895, à l’instigation de Paul l’ensemble de la famille était ca- sont une famille juive alsacienne, Reclus, près de Salies-de-Béarn tholique. Brissaud est le médecin non religieuse, dont le père est un et d’Orion, à Olliure, dans les de Dreyfus, à son retour de l’île du ami ancien de Désiré Brissaud ; Basses-Pyrénées (que l’on diable. Alfred Dreyfus a dédicacé les trois fils d’Edouard, Jacques, nomme maintenant Pyrénées- son livre “Cinq années de ma vie” Etienne et Pierre fréquentent les Atlantiques), sont l’occasion de (1901) : « A monsieur le Docteur trois petits Franck, Henri, retrouvailles familiales et ami- Brissaud, en témoignage de ma Suzanne et Lisette, et le cousin cales, entre les Brissaud, les grande reconnaissance et de ma Emmanuel Berl (1892-1976). Reclus, les Franck, parents et en- vive affection, A Dreyfus » (56). Suzanne épouse Etienne. Lisette fants. Tout ce petit monde œcu- Brissaud est aussi le médecin (1896-1982) épouse Claude ménique, mêlant catholiques, d’Emile Duclaux (1840-1904), di- Ullmann (1889-1936) puis protestants et juifs, s’entend à recteur de l’Institut Pasteur, ar- Fernand de Brinon (1885-1947) merveille. Brissaud se plaît dans dent dreyfusard. A la fois comme (47). ces paysages reposants. médecin et comme intellectuel • La famille Reclus occupe dans • Curieusement, Léon Daudet, militant, il est en contact étroit la vie de Brissaud une position bien que farouchement antisé- avec une constellation d’amis, privilégiée. Jacques Reclus (1796- mite et antidreyfusard, est ami de écrivains, poètes, artistes, méde- 1882) est pasteur de l’Eglise pro- Proust, de Brissaud et de Reclus cins, tous engagés dans le com- testante Evangélique libre (10). bat pour innocenter Alfred d’Orthez. Plusieurs de ses enfants Dreyfus. La place qu’ils occupent sont illustres. Son fils Elie (1827- dans la vie de Brissaud mérite 1904), brillant ethnologue (et son ÉDOUARD BRISSAUD, quelques développements. fils Paul (1858-1941), militant UNE PERSONNALITÉ anarchiste (à ne pas confondre RICHE ET COMPLEXE UNE CONSTELLATION D’AMIS, avec son oncle le docteur Paul Tous ceux qui ont écrit sur ÉCRIVAINS,POÈTES,ARTISTES, Reclus), Elisée (1830-1905), Brissaud s’accordent à recon- MÉDECINS l’illustre géographe contraint de naître ses qualités humaines de • (1872-1922) est s’exiler, Onésime (1837-1916), générosité, de bonté, de cordia- le malade et l’ami de Brissaud qui géographe à l’origine du concept lité, de bienfaisance, de bien- a été le modèle (ou plutôt un des de francophonie, et Paul (1847- veillance, d’indulgence, d’honnê- modèles) du docteur du Boulbon 1914). Ce dernier est pour teté, de droiture, de modestie, de et peut-être aussi du Professeur Edouard Brissaud, « l’ami fidèle, noblesse, de courage, de bravoure, E... que l’on voit au chevet de la entre tous, et le confident de ses de justice, de simplicité (1, 10, 33, grand-mère de Proust dans “Du pensées. » (53). Il est interne à 62), et son caractère ferme, « un côté de Guermantes” (57, 58). l’Hôpital de la Pitié durant la des caractères les plus admirables Proust, ayant bien repéré que Commune de Paris en 1871. Il par- qu’il nous ait été donné de rencon- Brissaud n’est pas que médecin, ticipe aux combats et essaie de ré- trer » (63). le qualifie de « notre cher “Médecin organiser l’enseignement à la fa- Son intelligence retient particu- malgré lui”celui qu’il faut presque culté de Paris. Chirurgien des lièrement l’attention : « une intel- battre pour le faire parler méde- hôpitaux de Paris, professeur à la ligence hors de pair » (63), une cine » (59). Faculté de médecine, franc-ma- « haute intelligence » (64), « une • La comtesse Anna de Noailles çon, communard, dreyfusard, intelligence merveilleuse » (10), (1876-1933) (60) est également la pionnier de l’anesthésie locale, « une intelligence supérieure » (65), malade et l’amie de Brissaud. inventeur de la fameuse “pom- « une des plus belles intelligences C’est lui qui lui présente son jeune made de Reclus”, pommade anti- qui fut » (63). ami et protégé, Henri Franck septique, il est le découvreur de Son charisme, le charme et la sé- (1888-1912), ancien élève de la maladie kystique du sein qui duction qu’il dégage, impression- l’Ecole normale supérieure, poète, porte son nom. Les Reclus possè- nent. « Il émanait de toute sa per- auteur de “La Danse devant dent le château d’Orion, propriété sonne ce je ne sais quoi qui attire, l’Arche” (61). Anna de Noailles et de la femme de Paul Reclus. Les qui charme et qui retient. » (1). Henri Franck deviennent très liés, vacances dans le domaine de Comme le dit Proust, « Brissaud,

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plus beau et plus charmant que au fond,un préoccupé et un triste, jamais » (59). Brissaud est insen- “tenaillé par la terreur des préci- sible aux exigences de la mode. pices que le destin aveugle peut se- Contrairement à ses collègues mer sous les pas de ceux qu’il ai- professeurs à la faculté, il rem- mait’’.Que de fois, à l’Hôtel-Dieu, place le haut de forme par le cha- après une de ces causeries d’une peau mou, et comme costume de intarissable verve où il apparais- ville il abandonne la redingote et sait heureux, insouciant, ne la jaquette au profit du veston l’avons-nous pas entendu,en gra- (65). vissant le long escalier qui menait Brissaud ne dédaigne pas les plai- à nos salles, nous dire ses craintes sirs de la bouche : « il savait aussi sur sa santé qui, pourtant, n’était toutes les ressources culinaires de pas mauvaise,et ses appréhensions Paris, et causait en dilettante des du lendemain qui l’obsédaient mets locaux de nos provinces » (63). plus que de raison. Il nous semble Il sait également apprécier les aujourd’hui qu’il ait eu la pres- Figure 9 - Lettre de Brissaud à sa mère, voyages. Les lettres qu’il adresse cience de sa fin prématurée. » (63). 1895 (due à l’amabilité de à sa mère et à ses fils, alors qu’il sé- Mme Olivier Chauveau). journe en Espagne et au en témoignent (voir plus loin). Il ÉDOUARD BRISSAUD : ne semble pas non plus insensible « MOI, JE SUIS Anatole France relate que : « (…) aux charmes du corps de ballet LE JARDINIER » ! un jour,pendant qu’il cultivait des de l’Opéra. Léon Daudet le dé- Brissaud affectionne la nature, ses violettes pour Madame Brissaud peint au foyer de la danse de jardins de Nemours et surtout de dans la cour de l’hôpital dont il l’Opéra : « Je rencontrais là des mé- Cazalot, dans le Béarn (Fig. 9) : « (…) était le médecin en chef, une dé- decins, le bon Brissaud notam- mes plantations de la Toussaint putation de médecins anglais lui ment, qui se reposait du faisceau sont très brillantes. Sur une tren- demandèrent où ils trouveraient pyramidal en lorgnant les gracieux taine de plantes que m’avait don- le docteur Brissaud pour lui pré- petits mollets et les petits ripatons nées Maxime, il y en a au moins senter leurs hommages. Je ne sais cambrés de ces demoiselles, avec vingt qui sont déjà couvertes de pas, leur dit-il ; moi, je suis le jar- ce sourire bienveillant et jovial feuilles.Les autres périclitent,tou- dinier. » (33). ■ collé, sur sa mélancolie naturelle, jours à cause de la sécheresse.Mais comme un masque (…).Les petites je ne sais pas trop si ce climat leur Remerciements J’adresse tous mes remerciements aux membres de la fa- danseuses l’entouraient et l’as- conviendrait. J’avais fait la chose mille d’Edouard Brissaud pour l’accueil chaleureux qu’ils m’ont réservé et pour les informations et documents qu’ils saillaient, pour lui arracher des avec soin ;nous aurons,en tout cas, ont eu l’amabilité de me communiquer : sa petite-fille Madame Olivier Chauveau née Marika Brissaud,ses arrière- consultations (…) » (66). une récompense. (…) Je me suis li- petits-enfants Laure et Isabelle Brissaud,Renaud d’Herbais, Pierre-Yves et José Berveiller, Catherine Chauveau, Marc Malheureusement, derrière cette vré hier soir et ce matin à des ar- Chauveau,le docteur Pierre Chauveau,Geneviève Roussel, le docteur Bernard Roussel et sa belle-fille Caroline, ses façade de gaieté, de joie de vivre rosages dont le besoin se faisait sen- petits-cousins François Boutet de Monvel, Louis Boutet de Monvel,Professeur à l’Université Paris-6,le docteur Guillaume et d’humour primesautier, se dis- tir.Nous avons beaucoup de fleurs, des Mazery, médecin des Armées, le docteur Nicolas Halmagrand, Nicole d’Herbais de Thun, ainsi qu’à Madame simule en réalité une profonde des géraniums, des giroflées, des Marguerite Labbé, veuve d’un petit-fils de Paul Reclus. Je tiens également à remercier pour son aide Véronique angoisse et une tendance dépres- soucis à profusion, des roses en Leroux-Hugon, conservateur de la Bibliothèque de Neurosciences Jean-Martin Charcot, Université Pierre et sive que n’ont repérées que ses quantité sur les deux grands rosiers Marie Curie-Paris 6. plus intimes amis : « comme l’a de la porte du salon, des glycines rappelé un de ses meilleurs amis, même en belles grappes, sur le pe- Mots-clés : Paul Reclus, celui qu’on prenait tit bout de glycine rapporté de Histoire de la neurologie, pour un railleur et pour un in- Nemours et qui court comme un fil Histoire de la médecine, domptablement gai,était souvent, sous ta fenêtre (…) » (67). Son ami Edouard Brissaud

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46 Neurologies • Janvier 2009 • vol. 12 • numéro 114