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CINÉMA (Aspects généraux) Les techniques du cinéma

Écrit par

Pierre BRARD : cinéaste diplômé d'État (E.N.P.C.), lycée Louis-Lumière, directeur de la photographie et conseiller technique pour le cinéma, lauréat de la Société d'encouragement pour la recherche et l'invention, expert judiciaire Jean COLLET : docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-V-René-Descartes, critique de cinéma Michel FAVREAU : ingénieur diplômé de l'École supérieure d'électricité, ingénieur en chef du département télévision de la société Thomson-C.S.F. Michel BAPTISTE : directeur technique à la Commission supérieure technique du cinéma Tony GAUTHIER : opérateur prises de vues, enseignant à l'École nationale supérieure Louis-Lumière professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne homme de lettres

e Avant de devenir un art et une industrie, le cinéma est une somme de techniques. Du XVIII siècle à e nos jours, mais surtout au XIX siècle, une suite de découvertes aboutit à la mise au point des premières caméras. Par un brevet en date du 13 février 1895, les frères Lumière, Auguste et Louis, devenaient les inventeurs du cinématographe.

On peut définir le cinéma comme l'ensemble des techniques qui permettent la reproduction du mouvement photographié par projection lumineuse. Trois techniques concourent à cette réalisation : la projection lumineuse ; l'analyse photographique du mouvement ; la synthèse du mouvement.

Avant l'invention des frères Lumière, les chercheurs avaient envisagé déjà le problème du cinéma sonore et parlant. L'enregistrement du son était possible (Edison). Mais il fallut attendre 1928 pour obtenir une solution pratique et industrielle au délicat problème de l'enregistrement et de la reproduction du son et de l'image synchrones, par impression photographique du son sur la pellicule image.

Cinéma parlant: premières tentatives

Dès le début du XXe siècle, de nombreuses techniques de sonorisation sont expérimentées pour permettre le couplage de l'image et du son. Parmi les procédés mis en place, celui où le son est capté au moyen d'un phonographe, simultanément à l'enregistrement de l'image par une caméra,...

Crédits : Collection des appareils/ Cinémathèque française

© Encyclopædia Universalis France 1 On peut considérer aujourd'hui que le cinéma muet était un infirme, attendant que lui soit rendue la parole. Les films du cinéma muet étaient projetés avec accompagnement musical dans la salle, et Dreyer, tournant sa Passion de Jeanne d'Arc, faisait parler ses acteurs comme si le son était déjà là.

Cinéma: la musique du muet

Le son au cinéma fait d'abord appel aux musiciens. Alors que le film est projeté sur l'écran, un orchestre ou, comme ici, un pianiste joue en simultané. L'art consiste à caler les effets musicaux sur l'action du film.

Crédits : Bettmann/ Corbis

De 1930 à 1950, les techniques du cinéma n'ont pas subi de perfectionnements décisifs. Puis les caméras sont devenues plus légères, les émulsions photographiques plus sensibles, ce qui a permis de réduire les éclairages (mais non leur répartition), leur définition s'est améliorée et les émulsions couleur ont atteint une grande fidélité. En 1953, à cause de la concurrence du « petit écran », le cinéma crée de nouveaux formats de projection et de prise de vues (panoramique et CinémaScope notamment). Le relief technique réalisable n'a jamais pu s'imposer dans les salles.

Depuis l'apparition du cinéma sonore, l'enregistrement et la reproduction se faisaient uniquement sous forme de pistes photographiques ; la qualité de la reproduction finale était très moyenne et souffrait d'un bruit de fond important. L'enregistrement magnétique apparaît au cinéma dans les années 1950 et modifie profondément les habitudes, tant à la prise de son qu'au mixage où il devient possible d'écouter instantanément ce que l'on vient d'enregistrer. À la même époque apparaissent des copies à pistes magnétiques (quatre pistes sur les copies 35 mm et six pistes sur les copies 70 mm), qui ont permis d'améliorer sensiblement la qualité de la reproduction sonore et de mettre en place des procédés de diffusion multicanaux dans les salles. Les copies 35 mm à pistes magnétiques ont aujourd'hui disparu au profit des copies à piste photographique enregistrées selon le procédé Dolby Stéréo. Les copies 70 mm à pistes magnétiques sont toujours exploitées, principalement en raison de la qualité qu'elles apportent sur le plan de l'image.

Une amélioration marquante apparaît avec la mise sur le marché, dans les années 1970, par la société Dolby, d'un procédé d'enregistrement et de restitution multicanaux appliqué au cinéma à partir de copies comportant une piste photographique double (deux canaux) compatible avec la reproduction standard (monophonique) employée jusqu'alors dans les salles. Ce procédé s'est rapidement imposé mondialement en raison de l'amélioration de qualité qu'il apportait. Le succès commercial du procédé réside à la fois dans ses performances et dans son universalité : les copies Dolby Stéréo peuvent être lues sur des équipements mono traditionnels sans aucune modification, avec bien sûr une qualité moindre, mais elles restent parfaitement audibles.

Récemment, dans les années 1990, le son numérique, déjà employé depuis quelques années pour les prises de son, est adapté à la reproduction dans les salles de cinéma.

© Encyclopædia Universalis France 2 © Encyclopædia Universalis France 3 Projection lumineuse et synthèse du mouvement

Lanternes magiques

Bien longtemps avant l'invention du cinématographe, on sut projeter des images grâce à la lanterne magique. Platon en avait eu l'idée avec son fameux mythe de la caverne (République, VII). Léonard de Vinci parle déjà de la chambre noire et dessine une lanterne de projection. En 1646, le jésuite e allemand Kircher construit une lanterne magique. Avant eux, le moine Bacon au XIII siècle, et sans e doute les Romains, avait déjà utilisé la lanterne magique. En tout cas, au XVII siècle, le mathématicien danois Wangenstein met au point une lampe de projection par lumière artificielle (1660). En 1798, on note à Paris des spectacles de projections animées (fantasmagories) réalisés par Robertson.

Mais ce n'est pas encore le cinéma. Deux problèmes sont à résoudre : l'analyse et la synthèse du mouvement. Paradoxalement, il fallut découvrir d'abord la synthèse du mouvement pour chercher ensuite les moyens de l'analyser photographiquement.

La persistance rétinienne et son utilisation

Cette synthèse n'est possible qu'en fonction de la limitation des sens humains. Il n'y a pas à proprement parler de machine capable de faire la synthèse du mouvement. C'est à partir d'une suite d'images fixes, d'une discontinuité, que l'œil crée du mouvant et du continu. « L'œil ne possède qu'un pouvoir de séparation étroitement limité dans l'espace et le temps. Un alignement de points très proches les uns des autres est perçu comme une ligne, suscite le fantôme d'une continuité spatiale. Et une succession suffisamment rapide d'images distinctes, mais peu différentes, crée, par suite de la lenteur et de la persistance des sensations rétiniennes, un autre continu, plus complexe, spatio-temporel, lui aussi imaginaire » (Jean Epstein, L'Intelligence d'une machine).

Si la limitation du pouvoir de séparation de l'œil permet la photographie, la fameuse persistance rétinienne permet le cinéma et la télévision. Une perception sensorielle persiste quand l'excitation disparaît. Cette persistance est de l'ordre d'un tiers de seconde. Pour l'œil, elle varie avec l'éclairement, la fréquence des excitations, le temps de perception. On admet qu'une impression de continuité est obtenue à partir de seize excitations par seconde. Le cinéma parlant portera cette cadence à vingt-quatre projections par seconde, et la télévision à vingt-cinq, pour des raisons de synchronisation des caméras et récepteurs avec la fréquence du courant d'alimentation (50 périodes/seconde).

En 1823, le docteur Paris, un médecin anglais, découvre ce phénomène. Il le met en évidence avec un jouet qu'on peut regarder comme l'ancêtre lointain du cinéma, le « thaumatrope ». Il s'agit d'un disque de carton tenu entre deux fils. Sur une face on dessine un oiseau. Sur l'autre, une cage. Avec les fils, on fait tourner le disque très vite : on a l'illusion de voir l'oiseau dans la cage.

© Encyclopædia Universalis France 4 Jeux d'optique et illusion de mouvement

Plusieurs appareils s'appuyant sur des jeux d'optique et la notion de persistance rétinienne sont mis au point au cours du XIXe siècle.Le thaumatrope, aussi appelé « prodige tournant » par ses créateurs, se présente comme un simple disque en carton que l'on manie au moyen...

Crédits : Encyclopædia Universalis France

De 1829 à 1900, cette invention reçoit de nombreux perfectionnements décisifs : on dessine sur des cylindres, puis sur des bandes, les phases successives d'un mouvement, et l'on parvient à reproduire le mouvement et à le projeter. C'est le principe du « phénakistiscope » de Plateau (1833) puis du « praxinoscope » de Reynaud (1877). Ce que nous appelons aujourd'hui le dessin animé est né ainsi, longtemps avant le cinéma. Émile Reynaud réalise de nombreux films d'animation.

Phénakistiscope de Joseph Plateau

Au cours du XIXe siècle, on voit apparaître toutes sortes de dispositifs qui tendent à la recherche du mouvement dans l'image. Un des plus sophistiqués est le phénakistiscope de Joseph Plateau, constitué de deux disques parallèles. L'un, divisé en secteurs, porte les images...

Crédits : Stéphane Dabrowski/ Cinémathèque française

Reste à découvrir l'analyse photographique du mouvement.

L'analyse photographique du mouvement

De très nombreux chercheurs, principalement des physiologistes, réussissent, dès 1852, à analyser photographiquement le mouvement, par une suite d'instantanés. Mais leurs techniques font appel à un matériel encombrant (plaques photographiques et installation de plusieurs appareils, ou plaques rotatives). Dans les deux cas (Muybridge, 1878, et Étienne Marey, « fusil photographique », 1882), on ne peut enregistrer qu'un phénomène de très courte durée.

Décomposition du mouvement, E. Muybridge

© Encyclopædia Universalis France 5 Une série d'images décompose le mouvement du saut de mouton. C'est une démonstration du zoopraxinoscope présenté en 1881 par l'Américain d'origine britannique Edward Muybridge (1830-1904).

Crédits : Hulton Getty

Eadweard Muybridge

Eadweard Muybridge (1830-1904), photographe britannique, se passionne pour l'étude du mouvement. Il est l'inventeur du zoopraxinoscope qui, par projection, permet la recomposition du mouvement. Son étude la plus célèbre est celle du cheval au galop réalisée en 1877 (couverture du...

Crédits : Corbis

Fusil photographique de Marey

Séquence d'un vol d'oiseaux prise par Étienne Jules Marey (1830-1904) grâce à son «fusil photographique» mis au point en 1882.

Crédits : Etienne Jules Marey/ Getty Images

Lorsque les pellicules photographiques de Celluloïd remplacent les plaques de verre, en 1869, l'invention du film devient possible. Imitant les bandes de papier perforé utilisées par Reynaud dans son praxinoscope, Edison enregistre en 1890 les premières vues photographiques sur film perforé (Kinetograph). Ce film de 35 mm de largeur restera le format standard de toutes les pellicules de type professionnel. Il lance aussitôt sur le marché ce que nous appellerions aujourd'hui une visionneuse pour ses films (le Kinetoscope).

Kinétoscope

© Encyclopædia Universalis France 6 Un kinétoscope de 1912 dont le modèle original a été déposé en 1891 par Dickson, un assistant de Thomas Edison…

Crédits : Hulton Getty

Dès lors, les inventions se succèdent très vite dans plusieurs pays. En 1893, le « chronophotographe » de Marey permet de projeter des films. Mais les images sont très instables.

C'est alors que les frères Lumière apportent une solution définitive, pratique et simple, à l'ensemble des problèmes : enregistrement, projection, analyse et synthèse du mouvement. Leur cinématographe est la première caméra fabriquée industriellement et qui permet sans modification de projeter les films. La première démonstration a lieu le 28 décembre 1895 à Paris. Aujourd'hui encore, les caméras les plus perfectionnées, ainsi que les appareils de tirage des copies et de projection, fonctionnent sur le principe de la caméra des frères Lumière.

Le Cinématographe Lumière

Aidé de son frère Auguste, Louis Lumière va porter à leur point de perfection les travaux de ses prédécesseurs - Marey, Demenÿ, Reynaud, Edison, entre autres - et rendre leur exploitation possible par l'utilisation de la pellicule perforée et un mécanisme simple d'enclenchement. La...

Crédits : Stéphane Dabrowski/ Cinémathèque française

© Encyclopædia Universalis France 7 Principe de la caméra

Découverte de la caméra et problèmes d'obturateur

Voici comment les frères Lumière présentent le fonctionnement de leur cinématographe : « Le mécanisme de cet appareil a pour caractère essentiel d'agir par intermittence sur un ruban régulièrement perforé de manière à lui imprimer des déplacements successifs séparés par des temps de repos pendant lesquels s'opère soit l'impression, soit la vision des épreuves [...] Les perforations de ce ruban, disposées sur les deux bords, à distance égale, peuvent être traversées par des pointes [...]. Le ruban est entraîné vers le bas par la descente de ces pointes qui, dans leur mouvement ascensionnel, se soulèvent au contraire pour le laisser au repos ».

La réalisation de cet entraînement saccadé du film perforé souleva beaucoup de difficultés, entre 1890 et 1894, et fut ensuite solutionnée au moyen de la came excentrée dite « en cœur », qui est un triangle curviligne aux sommets arrondis.

L'entraînement saccadé doit être synchronisé avec le passage, entre le film et l'objectif, d'un obturateur, semi-circulaire. En effet, si le film était exposé pendant le temps de descente, l'image enregistrée serait floue. L'exposition ne doit avoir lieu que pendant l'instant où le film est absolument immobile (au moment où la griffe d'entraînement remonte à sa position de départ). L'obturateur tournera à raison d'un tour par image, donc, dans le cas particulier du cinéma professionnel, 24 tours/seconde. On voit qu'un secteur de disque de 180 d'ouverture correspond à une exposition de 1/48e de seconde. En réduisant l'ouverture de l'obturateur (de 180 à 0), on réduit le temps de pose du film (principe de l'obturateur variable des caméras modernes).

Autres parties de la caméra

Une caméra se compose ensuite d'un moteur d'entraînement, d'un système de chargement (bobine débitrice et réceptrice), d'un système de visée, d'un ou plusieurs objectifs et d'organes de réglage et d'accessoires.

– Le moteur : la caméra des frères Lumière était actionnée à la main, par une manivelle. Plus tard, l'usage des moteurs, à ressort (type phonographe), puis électriques, fut généralisé. Dans le cas du cinéma sonore, le moteur de la caméra doit être rigoureusement synchronisé avec celui de l'appareil d'enregistrement du son.

Ces moteurs peuvent être de deux types : soit du type alternatif synchrone avec le réseau (dans ce cas, le problème du synchronisme avec la prise de son se trouve simplifié) ; soit du type continu, à vitesse stabilisée, mais réglable (dans ce cas, un dispositif spécial de synchronisme avec la prise de son doit être envisagé, tels le dispositif à fréquence sonore piloté de la caméra Arriflex ou le dispositif à impulsions synchrones de la caméra Éclair 16, ou encore par des régulations du type quartz, dont le dispositif, intégré simultanément à la caméra et au magnétophone, présente l'avantage de ne nécessiter aucune liaison par fil entre caméra et magnétophone).

– Le chargeur : dans les caméras de reportage, le chargeur contient très peu de film (de 30 à 120 m

© Encyclopædia Universalis France 8 en 35 mm) pour limiter le poids et l'encombrement. La caméra doit être rechargée fréquemment.

En studio, les caméras sur pied sont équipées de chargeurs de 300 mètres permettant onze minutes d'autonomie.

– La visée s'effectue dans les caméras modernes grâce à un miroir entre l'objectif et le film. Ce système, appelé visée réflexe, évite toute erreur de parallaxe : l'image obtenue dans le viseur est rigoureusement celle qu'enregistre le film.

— Pierre BRARD, Jean COLLET

La visée reflex

Deux systèmes de visée reflex sont en concurrence. Le premier, à prisme diviseur (Paillard-Bolex) ou à lamelle (Pathé Wébo, aujourd'hui disparu), semi-réfléchissant, renvoie d'une manière permanente vers le viseur une très faible partie de lumière provenant de l'objectif (environ 5 p. 100). Ce système assez peu lumineux a surtout l'inconvénient d'introduire sur le parcours des rayons lumineux servant à former l'image à impressionner, un élément optique inutile donc nuisible à la meilleure transmission possible ; il est moins onéreux que le reflex à obturateur tournant et donne une image sans scintillement, enfin, il est réservé aux caméras d'amateur. Le second système est à miroir incliné à 45, fixé sur l'obturateur, qui renvoie en totalité les rayons provenant de l'objectif. Il n'introduit aucun élément optique entre l'objectif et la fenêtre d'impression du film durant sa phase utile et est donc bien préférable aux combinaisons semi-transparentes. De plus, alternativement, l'impression du film et la visée bénéficient de la totalité de la lumière provenant de l'objectif ; quant au scintillement, il est compensé pour l'œil par la persistance rétinienne et a pour avantage de permettre, dans certains cas, de déceler des effets de stroboscopie susceptibles d'altérer parfois une prise de vues. Ces visées reflex, fixées sur obturateur tournant (caméras conçues par André Coutant) ou à guillotine (caméras Beaulieu, aujourd'hui disparues), sont d'une construction délicate et sont réservées aux caméras professionnelles.

Certaines caméras actuelles sont munies de viseurs électroniques (équipement vidéo en circuit fermé, réduit mais complet) donnant des images brillantes et de grandes dimensions, qui, selon le mode de captation des rayons qui les forment et la rémanence des tubes employés, ont un scintillement faible ou nul. Dans tous les cas de montage, ces systèmes ne dispensent pas de la visée optique qui doit être conservée soit en permanence, soit par basculement. La visée optique est nécessaire au directeur de la photographie pour juger des éclairages des scènes. Par ailleurs, la visée électronique permet d'envoyer d'autres images sur des moniteurs secondaires à la disposition du réalisateur, de la script, etc.

Les objectifs sont analogues à ceux des appareils photographiques. Sur les anciens modèles de caméras, ils étaient montés sur une tourelle, qui pouvait en recevoir deux ou trois et qui permettait un changement rapide.

Les objectifs de focale fixe vont du grand angle au téléobjectif. La distance focale qui conduit à un angle de champ moyen donnant la la plus agréable à l'œil est de 50 mm pour les films 35 mm, et de 25 mm pour les films 16 mm.

© Encyclopædia Universalis France 9 En toute rigueur, pour donner le maximum de confort à la projection, l'écran devrait être également vu sous ce même angle, de façon à réduire au minimum les distorsions de perspective. Ce n'est malheureusement jamais le cas pour la majorité des spectateurs.

Les autres distances focales sont employées dans des cas particuliers pour obtenir des effets d'isolements de personnages, de ralentissements d'action (longs foyers) ou au contraire d'accélérations avec effets de perspective accentuée (courts foyers). Les courts foyers pour le 35 mm commencent à 9,4 mm, les longs foyers vont jusqu'à un mètre ; pour le 16 mm, l'échelle va de 5 mm à 50 cm, et, en foyers variables, de 12 mm à 240 mm (cf. photos).

Orson Welles est célèbre pour son emploi fréquent du 18,5 mm (grand angle), Robert Bresson, au contraire, tourne tous ses films avec un objectif de 50 mm, correspondant à la vision normale de l'œil.

De plus en plus, on utilise des objectifs à focale variable, ou zooms, ce qui permet des effets de travelling optique. Aujourd'hui, les caméras 35 mm en sont fréquemment équipées ; en 16 mm, tout comme en vidéo, les zooms sont presque systématiquement employés. Cet emploi s'est d'abord généralisé aux films de type reportage, puis à la plupart des tournages en raison de leurs qualités intrinsèques qui, maintenant, sont tout à fait comparables à celles des objectifs de focale fixe. Les rapports des focales extrêmes sont compris entre 6 et 25. Un zoom dont la focale peut varier de 25 à 250 mm est désigné par 10 × 25 mm. L'emploi des zooms est également possible pour les prises de vues anamorphiques.

Toutefois, l'usage des zooms dans le but de réaliser des travellings continus n'est nullement comparable à celui du travelling réalisé par un déplacement de la caméra – munie d'un objectif à foyer fixe. En effet, le travelling optique (« zooming ») donne par définition des angles de champ variables, dans lesquels plus la focale diminue plus l'effet perspectif augmente et inversement, alors que l'objectif à focale fixe monté sur une caméra en mouvement conserve un angle de champ fixe dans lequel plus la caméra se rapproche du sujet plus l'objet grandit tout en conservant une perspective quasiment constante. Il en résulte que l'utilisation du zoom donne au spectateur l'impression que l'objet se rapproche de lui, alors que le travelling caméra lui donne l'impression qu'il s'intègre à la scène elle-même en s'en rapprochant.

L'accroissement de la luminosité de cet objectif fait l'objet d'un effort constant, de même que l'augmentation de la gamme des distances focales. C'est ainsi que, dans les premiers zooms, le rapport des distances focales extrêmes n'était que de 4 ; il est maintenant couramment de 10, de 16 et même de 20.

– Organes de réglage et accessoires. Après avoir choisi les angles de champ, les cadrages et le type de pellicules à utiliser pour une prise de vues donnée, sur les instructions du directeur de la photographie, l'opérateur devra régler l'exposition (temps et éclairement) du film, compte tenu de sa sensibilité et de l'éclairage du plateau.

Pour effectuer cette opération, il dispose du réglage du diaphragme de l'objectif, du choix d'un filtre neutre à placer en série dans le trajet optique (en général devant l'objectif), enfin du réglage de l'angle de l'obturateur variable.

L'action du diaphragme est limitée en général à un intervalle de luminosité de 100 à 150, ce qui n'est pas toujours suffisant dans les prises de vues extérieures. Elle a une influence directe sur la

© Encyclopædia Universalis France 10 profondeur de champ de l'objectif. Cela peut malheureusement aller quelquefois à l'encontre de certains effets artistiques voulus (par exemple, détachement des plans en profondeur).

La gamme courante des filtres neutres utilisables s'étend en pratique jusqu'à D = 4, soit un intervalle de luminosité de 10 000. L'emploi des filtres de densité n'affecte en aucune manière les qualités optiques de l'image.

Il est également possible de réduire l'angle d'ouverture de l'obturateur, ce qui correspond en fait à une réduction du temps d'exposition du film. Cela se traduit par une décomposition plus nette du mouvement qui peut donner, pour les mouvements rapides, une impression de saccadé, quelquefois gênante. Certains préfèrent réduire l'exposition par utilisation de filtres neutres.

L'obturateur variable reste cependant indispensable lorsqu'on veut atténuer progressivement l'exposition, jusqu'à l'annulation complète, pendant la prise de vues. Il est possible, ainsi, de réaliser des fondus noirs ou enchaînés. (L'intérêt de cette application est moins évident aujourd'hui, car on peut réaliser facilement les fondus par procédés de contretypage ou chimiques au moment du montage.)

Ces réglages étant faits, l'opérateur n'aura plus qu'à utiliser son viseur pour ajuster au mieux le cadrage et la mise au point. Celle-ci s'effectue en général directement sur les objectifs ou par l'intermédiaire de câbles, de manivelles et de boutons dans le cas des zooms.

Dans le but d'adoucir les commandes, les zooms les plus modernes sont équipés de servo- mécanismes permettant une mise en œuvre des plus aisées.

Parmi les autres réglages, l'opérateur dispose également de la commande de vitesse de défilement ; il n'a pas en général à l'actionner, sauf cas exceptionnels, pour les effets de ralenti ou d'accéléré.

Parmi les accessoires indispensables, on trouve un parasoleil extensible qui doit toujours être ajusté avec le plus grand soin et un compteur d'images, en général métrique et vue par vue.

— Michel FAVREAU, Michel BAPTISTE

© Encyclopædia Universalis France 11 Principe de la projection

Le cinématographe des frères Lumière était un appareil réversible. Il suffisait, pour le transformer en projecteur, d'ouvrir la face arrière de la caméra et d'y adjoindre une source lumineuse.

Le Cinématographe des fréres Lumière

Le Kinétoscope, mis au point par Edison en 1894, permet de visionner de courts films enregistrés à l'aide du kinétographe. Ces appareils de projection individuelle sont installés dans des Kinetoscope Parlors et rencontrent rapidement le succès. Une série de.12 images décomposant un...

Crédits : Encyclopædia Universalis France

Aujourd'hui, les appareils de projection sont conçus d'une manière bien distincte de celle des caméras. L'entraînement intermittent du film se fait par un mécanisme à croix de Malte (Continzouza, 1896). L'obturateur a une forme différente pour augmenter le nombre des obturations. En effet, une projection à 24 images/seconde, donnerait sur l'écran une impression de papillotement (scintillement). On y remédie par un obturateur à plusieurs pales.

Dans les projecteurs qui équipent les salles de cinéma, les lampes au xénon ont presque totalement remplacé les arcs charbon employés jusque dans les années 1970. Ces sources lumineuses ont des durées de vie de plusieurs milliers d'heures et procurent une lumière stable avec une température de couleur voisine de celle de la lumière du jour. Leur puissance s'échelonne entre 500 et 7 000 watts pour la projection des films 35 et 70 mm sur des écrans pouvant atteindre une surface de 200 mètres carrés (correspondant à une largeur de 20 m). Avec l'apparition des complexes cinématographiques, les constructeurs ont développé des équipements de projection automatiques, pour lesquels tout le programme (de 4 000 à 7 000 m) est disposé sur une seule bobine ou sur un plateau horizontal, permettant ainsi d'assurer une séance de plusieurs heures sans interruption ni intervention d'un technicien.

© Encyclopædia Universalis France 12 Films (types et formats)

Les supports

Depuis Edison jusqu'en 1950, tous les films professionnels étaient constitués par un support en nitrate de cellulose et par une émulsion photographique à base de gélatino-bromure d'argent. Le support en nitrate, vulgairement appelé « film-flamme », avait la redoutable propriété de s'enflammer à partir de 120 C. En 1950, ce support très inflammable a été remplacé par le triacétate de cellulose, aujourd'hui encore très utilisé. Plus récemment, le support polyester, plus stable dimensionnellement et mécaniquement beaucoup plus résistant, a fait son apparition pour les copies d'exploitation 16, 35 et 70 mm.

Les formats

Jusqu'en 1952, un seul format est réservé au cinéma professionnel : le format standard. Sur la pellicule de 35 mm de largeur, l'image occupe un rectangle de 22,05 mm sur 16,03 mm, soit le rapport 1,33/1. Il y a 24 images par seconde, et la vitesse de défilement du film dans les caméras et les projecteurs est de 0,456 mètre/seconde.

En 1952, les Américains lancent le CinémaScope. Grâce à un objectif spécial : l'hypergonar (composé de lentilles sphériques et sphéro-cylindriques), inventé par un Français, le professeur Chrétien, il devient possible à la prise de vues de comprimer l'image d'une vue panoramique dans l'emplacement réservé sur la pellicule à une image de proportion normale rectangulaire sans en modifier la hauteur. Il suffit en projection d'employer le même type d'objectif, mais en le décalant de 90 sur son axe horizontal, pour décomprimer l'image dans les mêmes proportions, et donc de restituer sur l'écran un format panoramique correspondant au format choisi pour la prise de vues. Le rapport global des dimensions est alors de 2,35/1. On appelle ce processus l'anamorphose à la prise de vues et la désanamorphose à la projection. Alors commence la guerre des formats. Pour rivaliser avec le CinémaScope, qui appartient à la Fox, d'autres compagnies réalisent le format panoramique. Cela consiste à prendre l'image standard et, en n'utilisant pas le haut et le bas, à la rendre plus allongée (rapport 1,66/1 et 1,85/1). Mais, comme on l'agrandit davantage, l'image est moins nette.

Depuis l'avènement du panoramique, beaucoup de films standards sont malheureusement projetés en panoramique, c'est-à-dire en amputant une partie de l'image, en haut et en bas, ce qui est inadmissible.

À cette époque, d'autres procédés font leur apparition.

En 1954, le procédé Vistavision : les images sont disposées horizontalement sur le film 35 mm (comme dans un appareil 24 × 36). Elles sont réduites optiquement lors du tirage des copies 35 mm à défilement vertical. Ce procédé, qui exigeait une caméra spéciale, n'est actuellement plus utilisé qu'exceptionnellement pour des effets spéciaux.

En 1955, dans le but d'élargir les écrans, le procédé Cinérama associait trois écrans accolés en arc

© Encyclopædia Universalis France 13 de cercle, et sur lesquels les images étaient projetées à partir de trois copies distinctes défilant en synchronisme (La Conquête de l'Ouest). Une des principales difficultés du procédé (jamais résolue) a été de faire disparaître les zones de raccordement entre les images. En raison de sa lourdeur, ce procédé n'a pas eu de suite.

En 1955, le procédé Todd-AO emploie une pellicule de 70 mm de largeur. Les images y sont enregistrées sans anamorphose au rapport 2,2/1. La qualité des projections est très bonne. (Preminger tourne en 70 mm Exodus ; Ford, Les Cheyennes ; Tati, Playtime.) Ce procédé représente un net progrès par rapport au CinémaScope, mais son prix de revient et la nécessité de mettre en place des projecteurs mixtes 35-70 mm en limitent le développement. Le film 70 mm est encore exploité aujourd'hui, bien que les copies soient généralement issues de tournages 35 mm agrandis, en raison de ses qualités d'image et de ses possibilités pour la reproduction sonore.

D'autres procédés ont depuis lors fait leur apparition : les procédés Imax et Omnimax mettent en œuvre du film 70 mm défilant horizontalement ; la surface de chaque image est sensiblement égale à dix fois celle enregistrée sur un film 35 mm. Ces procédés très particuliers permettent de projeter des images sur des écrans plans de 20 × 30 m (Imax) ou sur des écrans sphériques de plus de 25 m de diamètre (Omnimax) tels qu'à la Géode, à Paris, où la surface de l'écran avoisine 1 000 mètres carrés.

On peut se demander les raisons de cette évolution. Peut-être est-ce une réaction à la concurrence du petit écran dont le format s'élargit du rapport 4/3 au rapport 16/9 ou, plus vraisemblablement, un désir de satisfaire toujours mieux le spectateur ; le cinéma a voulu prendre en considération le besoin légitime de celui-ci de participer davantage à l'action, c'est-à-dire d'être au sein même du spectacle. Il ne s'agit plus de faire automatiquement coïncider le centre d'intérêt avec le centre de l'image, mais, bien au contraire, de procéder d'une façon plus libre, de ne plus limiter le champ de vision à un cadre rigide, éventuellement, même, de ne plus forcer l'œil à suivre un téléobjectif ou un zoom.

Plus raisonnablement, il faut considérer le grand format comme un moyen d'expression supplémentaire, et non comme un moyen de remplacement. Il élargit simplement la panoplie du réalisateur (à condition que son budget soit également élargi...), car le grand format panoramique à partir du 2,35/1 conduit à la nécessité de meubler les « vides inexpressifs » par des figurations plus nombreuses, des décors plus importants...

Émulsions, développement, tirage de films

Les films employés pour les prises de vues de cinéma sont analogues dans leur principe aux films employés en photographie : support d'acétate de cellulose + émulsion de gélatino-bromure d'argent.

Le film vierge est livré en boîtes de 30, 60, 120 ou 300 mètres. Après exposition dans la caméra, il est envoyé au laboratoire de développement et constitue le négatif. Immédiatement, un positif est tiré à partir de ce négatif. On y retrouve les scènes dans le désordre de la prise de vues. On appelle ce positif les rushes. Pendant le tournage, chaque jour, le réalisateur et ses collaborateurs visionnent les rushes. Le montage du film s'effectue sur ce positif qui devient alors la copie de travail.

© Encyclopædia Universalis France 14 Quand la copie de travail est définitivement montée (scènes dans l'ordre, élimination des longueurs, raccords précis correspondant au rythme désiré), on conforme le négatif qui est appelé « négatif original ». Pour des raisons de sécurité, on en établit un élément de tirage qui a même allure que le négatif et qui porte le nom d'« internégatif ». C'est à partir d'un ou de plusieurs internégatifs que seront tirées les copies standards projetées dans les salles. C'est également à partir d'un internégatif, analysé dans un télécinéma, que l'on établira un « master vidéo » qui sera à l'origine de la diffusion de l'œuvre cinématographique en télévision ou en cassettes.

© Encyclopædia Universalis France 15 Trucages, effets spéciaux

C'est Georges Méliès qui inventa le premier trucage. Et comme cela arrive souvent, ce fut par hasard : « Veut-on savoir comment me vint la première idée d'appliquer le truc au cinématographe ? Bien simplement, ma foi. Un blocage de l'appareil dont je me servais au début (appareil rudimentaire dans lequel la pellicule se déchirait ou s'accrochait souvent et refusait d'avancer) produisit un effet inattendu, un jour que je photographiais prosaïquement la place de l'Opéra ; une minute fut nécessaire pour débloquer la pellicule et remettre l'appareil en marche. Pendant cette minute, les passants, omnibus, voitures, avaient changé de place, bien entendu. En projetant la bande, ressoudée au point où s'était produite la rupture, je vis subitement un omnibus Madeleine- Bastille changé en corbillard et des hommes changés en femmes. Le truc par substitution, dit truc à arrêt, était trouvé... » (G. Méliès, Revue du cinéma, 15 octobre 1929).

Georges Méliès, illusionniste du cinéma

Le Français Georges Méliès (1861-1938), le roi de l'illusion, dans un film où il transforme une belle endormie en papillon (1901).

Crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Les trucages furent donc à l'origine obtenus par la caméra. Aujourd'hui, on distingue trois moyens de réaliser des trucages ou effets spéciaux : caméra, décor et laboratoire.

Les effets spéciaux de caméra sont : l'arrêt de caméra ou substitution, la marche arrière, l'accéléré et le ralenti, le tournage « vue par vue ».

Les effets spéciaux de décor n'ont cessé de se perfectionner depuis Méliès, qui en a inventé un grand nombre. Ce sont les maquettes, fixes ou animées, les procédés optiques permettant de mêler dans la même image une scène réelle et un décor (maquette ou photographie).

Parmi ceux-ci on distingue le procédé Shuftan. On filme sur un miroir dont plusieurs parties ont été désargentées. Le miroir renvoie l'image d'une photographie ou d'une maquette. À travers la partie transparente du miroir, on filme les acteurs de la scène. Une variante de ce procédé a été mise au point avec succès par Rossellini dans La Prise du pouvoir par Louis XIV (on y voit construire le château de Versailles, avec le chantier de l'Orangerie au premier plan d'une vue du château actuel). Le pictograph et le simplifilm sont d'autres procédés utilisant des lentilles à la place du miroir.

D'autre part, il y a ce qu'on appelle les fonds photographiques. Par agrandissement géant ou par projection, on obtient un fond de décor à partir d'une photo (paysage vu par une fenêtre ou une porte). Ce décor est dit une découverte. Son emploi est limité puisqu'il est rigoureusement immobile. C'est pourquoi on lui substitue souvent les fonds cinématographiques. Par projection d'un film à

© Encyclopædia Universalis France 16 l'arrière-plan d'une scène en studio, on peut, par exemple, voir le paysage défilant derrière la fenêtre d'un train en marche ou d'une auto. On appelle ce procédé une transparence. Son emploi est délicat parce qu'il est à peu près impossible d'accorder l'éclairage de la scène en studio et celui du décor généralement filmé en lumière du jour.

Enfin on utilise les caches de caméra. On peut faire jouer le même acte deux fois dans la même image en cachant la moitié de l'image (cache à bords nets ou à bords flous). On peut aussi déformer une partie de l'image. Mais ces effets sont aujourd'hui plus souvent obtenus au laboratoire qu'à la prise de vues.

Les effets spéciaux de laboratoire sont la truca et le banc-titre. La truca est une machine qui sert à tirer les films en réalisant un très grand nombre d'effets spéciaux : d'abord la plupart de ceux qui étaient obtenus autrefois à la caméra (accélérés, marche arrière). Les trucages les plus courants obtenus à la truca sont surtout les artifices de transition : surimpression (deux images se superposant) ; fondu enchaîné (une image s'efface pendant qu'une autre apparaît) ; ouverture en fondu (à partir du noir, une image apparaît) ; fermeture en fondu (une image s'assombrit jusqu'au noir complet) ; ouverture ou fermeture en iris (l'image apparaît ou disparaît à partir d'un point qui s'agrandit, devient un cercle) ; volets (une image en recouvre une autre, ou bien une image est balayée par un volet noir, tombant du haut de l'écran ou apparaissant latéralement) ; travelling optique, analogue au zoom, mais permettant des agrandissements ou rapetissements d'images de grande ampleur ; multiplication d'images (apparition d'une image dans une portion d'écran – ou plusieurs – réservée à cet effet, par exemple, dans une scène où l'on regarde un écran de télévision ou de cinéma) ; cache, contre-cache, permettant par des tirages successifs de juxtaposer des scènes diverses en faisant intervenir des contretypes masquant certaines parties de l'image qui sont impressionnées ultérieurement (scènes avec un acteur jouant plusieurs rôles, scènes acrobatiques ou vertigineuses dont le décor est rapporté...).

Le banc-titre : dans chaque laboratoire, une caméra travaille verticalement au-dessus d'une table éclairée. Elle fonctionne comme un appareil photographique, vue par vue. C'est la technique de l'animation : titres, schémas, dessins animés sont faits au banc-titre. Le banc-titre permet aussi de filmer tous les documents de petite taille (journaux, croquis, photos, peintures). Les films d'art sont entièrement faits au banc-titre.

Si l'évolution de l'informatique miniaturisée donne des résultats concrets dans la prise de vues sonores synchrone et sa restitution en salles, ainsi que nous l'avons déjà évoqué, et dans le montage accéléré des films, comme nous le verrons ensuite, elle permet de conquérir également d'autres domaines, qui vont de l'archivage des œuvres filmées en couleurs durant ces dernières années (les colorants des copies monopacks, obtenus par traitements chromogènes, sont éphémères !), à la prise et la restitution des images cinématographiques en relief par l'holographie (seul espoir valable de la restitution du relief « vrai ») et à leur stockage en ordinateur. C'est toutefois dans la production des « effets spéciaux programmés » que les techniques numériques rendent les plus grands services. Elles permettent en effet de piloter les trucas lorsqu'il est nécessaire de procéder image par image en filmant, par exemple, plusieurs maquettes animées de mouvements contrariés évoluant sur des fonds mobiles obtenus eux-mêmes par transparence, la caméra prenant diverses positions, toujours image par image. Ce genre de réalisation, extrêmement complexe, a été mis en œuvre dans La Guerre des étoiles de George Lucas, au cours de la scène de combat où des engins chasseurs se poursuivent et se croisent pour enfin piquer dans la tranchée étroite de l'Étoile noire. Avec les moyens conventionnels des maquettes animées, il aurait fallu des dizaines de mois pour réaliser de

© Encyclopædia Universalis France 17 telles scènes, alors que pour celle en question il n'a fallu que deux mois d'un travail d'équipe sans défaillance. Sait-on que pour la La Guerre des étoiles il y a eu 360 plans truqués en éléments composites, 560 plans effectués par la technique dite « masques et contretypages », permettant des surimpressions en couleurs et en mouvements, et enfin 900 effets spéciaux comportant des maquettes à échelles diverses. Il en est de même pour 2001, L'Odyssée de l'espace de , où le système des « transparences » a été utilisé en priorité et où la qualité de la lumière – et si l'on peut dire sa philosophie – a primé la technologie des effets spéciaux. Bref, la sensibilité créatrice de Stanley Kubrick reste apparente, elle n'est pas submergée par une technique effrénée. Un des gros problèmes auxquels le cinéma professionnel a toujours été très attentif est celui de la « finesse » de l'image au sens où l'entend le public des salles puisqu'il s'agit d'un spectacle collectif, bien différent de la distraction familiale distribuée par la télévision. La première évidence est que cette finesse est d'autant meilleure que le rapport entre la grandeur de l'image originale du film et celle de sa projection sur l'écran est plus faible. Un ordre de grandeur est éloquent : une image de cinéma en format standard de 22 mm de long sur 16 mm de haut (surface : 352 mm2) en format 1,37/1 peut être agrandie 150 000 fois en surface sur un écran de salle pouvant recevoir de 1 000 à 2 000 spectateurs. Pour que cette finesse d'image appelée techniquement « définition globale » soit conservée jusqu'en fin de chaîne, il faut savoir qu'elle dépend principalement de la combinaison du « pouvoir séparateur » de l'objectif de prise de vues et du « pouvoir de résolution » que peut fournir l'émulsion positive portant l'image à projeter. Si, en photographie petit format (24 × 36) et en cinématographie standard, il est possible d'atteindre une définition globale du plus petit détail atteignant le soixantième de millimètre autorisant un grandissement de projection tel que celui qui a été défini ci-dessus – et cela à la satisfaction des spectateurs –, le problème se pose différemment pour les téléspectateurs placés devant leur récepteur de télévision ou observant l'image restituée par un téléprojecteur d'une surface de 2 à 3 m2. L'image vidéo traditionnelle (625 lignes P.A.L. ou Sécam) contient environ 330 000 points analysés par persistance et confusion rétinienne en succession rapide et avec une sollicitation trois fois plus importante de la faculté physiologique de reconstitution de l'image, alors qu'en cinématographie l'image est présentée globalement et sans structure lignée. On conçoit alors que, en vidéo, on est très loin de la définition globale désirable, même si la reconstitution du mouvement favorise une impression de netteté. Il va de soi que les systèmes dits à haute définition avec un balayage à 1 250 lignes permettent de diffuser, au moyen de téléprojecteurs adaptés, des images de bonne qualité mais dont la définition et le contraste restent encore inférieurs à ceux des images projetées à partir d'un film 35 mm. Le film cinématographique 35 mm reste un support bien adapté pour la vidéo 625 lignes améliorée dont le rapport largeur- hauteur est de 16/9 (D 2 M.A.C., P.A.L.-plus ou autre). Ses qualités lui permettront par la suite d'être exploité en télévision à haute définition 1 250 lignes (T.V.H.D.).

Cinéma : montage d'un film

Depuis les années 1980, le montage cinématographique s'est affranchi des traditionnels bancs de montage où le technicien, utilisant ciseaux, colle et ruban adhésif, découpait, mixait, agençait, assemblait des bouts de pellicule. Le montage informatique représente un important gain de temps,...

Crédits : Jim Sugar/ Corbis

© Encyclopædia Universalis France 18 2001: l'Odyssée de l'espace , S. Kubrick

2001: l'Odyssée de l'espace (1968), de Stanley Kubrick (1928-1999), d'après le roman d'A.C. Clarke, qui collabora au scénario du film.

Crédits : Istituto Geografico De Agostini

L'arrivée de la vidéo numérique à haute définition (2 000 lignes ou plus) permet de disposer d'images vidéo d'une qualité comparable à celles des films 35 mm. Dans un avenir proche, il apparaît que le film cinématographique 35 mm restera le support de prise de vues privilégié, mais que les images film seront transférées par l'intermédiaire d'un télécinéma numérique de haute définition sur support vidéo numérique. Les opérations de postproduction (trucages, montage, etc.) seront effectuées entièrement en vidéo numérique. Il en résultera une « copie de travail vidéo numérique haute définition » à partir de laquelle il sera possible d'établir, par transfert vidéo sur film, un élément de tirage sur film 35 mm, comparable à un internégatif. Des copies standards 35 mm seront ensuite tirées à partir de cet internégatif pour être exploitées en salles. Ces techniques seront probablement opérationnelles dès 1995 si leur coût reste raisonnable.

Si le transfert de film sur vidéo est bien résolu grâce aux télécinémas modernes, dont certains modèles sont capables d'analyser, en haute définition, ou dans les deux formats vidéo 4/3 et 16/9, les images, il n'en est pas de même pour le transfert vidéo sur film. Des nombreux procédés mis en œuvre jusqu'à ce jour, très peu ont réellement donné satisfaction. Les deux paramètres qui limitent la qualité de ces transferts sont la définition, résultant du lignage des images vidéo, et le contraste. Avec les procédés mettant en œuvre la vidéo numérique à 1 250 lignes (T.V.H.D.), il n'est pas encore possible d'obtenir un résultat parfaitement comparable aux images cinématographiques. De plus, le coût toujours élevé des transferts les réserve à des cas bien particuliers tels que les effets spéciaux.

De bons transferts peuvent être obtenus avec les images de synthèse dont la définition excède 2 000 lignes. Ces techniques évoluent très rapidement et ne sont plus préservées aux dessins animés de qualité courante. Il est maintenant possible de mélanger des images de synthèse (vidéo) avec des images photographiques réelles. Ces techniques sont encore réservées aux œuvres vidéo où le décor est tout ou partie de synthèse, alors que les acteurs sont réels. Dans les cas d'effets spéciaux de cinéma, il est possible d'incruster dans l'image film – par des procédés de laboratoire – des images de synthèse provenant d'un support vidéo. De tels procédés sont mis en œuvre dans des films (fiction, publicité) pour, par exemple, créer des explosions, des déformations d'image ou de couleurs, des engins spatiaux ayant des trajectoires compliquées, etc. Ces effets, même s'ils ne sont pas toujours parfaitement restitués, doivent rester suffisamment brefs pour que les imperfections ne soient pas visibles. Mais le principal utilisateur d'effets spéciaux, film ou vidéo, reste la publicité.

© Encyclopædia Universalis France 19 Studios, éclairage, prises de vues

Lumière tournait ses films dans la rue. On dit aujourd'hui « en extérieurs » ou en décors naturels (intérieurs d'appartements réels, etc.). Méliès, homme de théâtre, construisait un studio, sorte de hangar où il installait ses décors. Aujourd'hui, le cinéma utilise concurremment ces trois méthodes, studio, décors naturels, extérieurs.

Studios

Ce sont d'immenses ensembles groupant tous les moyens de production de plusieurs films tournés simultanément. En France, les studios Éclair à Épinay, ceux de Billancourt, d'Arpajon, de Bry-sur- Marne, de La Victorine à Nice, comme à l'étranger ceux de Hollywood aux États-Unis, de Cinecittà à Rome, de Pinewood et d'Elstree dans les environs de Londres sont célèbres.

Chaque studio comprend plusieurs plateaux ou sets. Le plateau est un vaste hangar sans fenêtres et complètement isolé des bruits extérieurs. De lourdes portes complètent l'insonorisation. Elles sont munies de voyants lumineux rouges qui en interdisent l'accès pendant les prises de vues (« silence, on tourne »). Les dimensions d'un plateau sont très variables. Certains dépassent 10 mètres sur 50 mètres. Les plus courants ont de 30 à 40 mètres sur 25 mètres. En hauteur, ils sont équipés de passerelles sur lesquelles les machinistes et les électriciens fixent les projecteurs. On dispose d'une hauteur de 10 à 20 mètres sous les passerelles.

Éclairage des studios

L'éclairage en studio est totalement artificiel. Chaque plateau dispose d'un équipement électrique de grande puissance. On compte de 300 à 500 watts par mètre carré. Les rampes de branchement pour les projecteurs sont fixes ou mobiles. On les appelle des pianos.

Les projecteurs sont de types très divers. Ils sont destinés à fournir deux modes d'éclairage, la lumière d'ambiance est fournie par des dispositifs d'éclairage non directifs. Des rampes de lampes flood sont utilisées souvent en lumière réfléchie (panneaux blancs ou plafonds). La lumière d'effet doit pouvoir être dirigée sur le sujet. Le faisceau peut être concentré ou élargi à volonté. Elle est fournie par des projecteurs appelés spots. Leur puissance varie de 250 watts à 10 kilowatts. Le jargon technique les appelle aussi « casseroles ».

Pour éclairer les grandes scènes et donner des « effets jour », les arcs charbon ont laissé la place aux arcs en enceinte étanche du type Metallogen H.M.I., dont la puissance s'échelonne entre 500 et 12 000 watts. On emploie aussi ces arcs en extérieur pour éliminer les ombres trop noires dues à un soleil trop dur.

Tournage en décors naturels

© Encyclopædia Universalis France 20 Le tournage en décors naturels est handicapé par l'emploi d'un éclairage limité (puissance électrique disponible beaucoup plus faible qu'en studio), et par la nécessité de composer avec la lumière naturelle toujours variable : celle qui arrive par les fenêtres et qu'on peut difficilement maîtriser (on utilise souvent les gélatines collées aux fenêtres pour réduire la lumière naturelle qui arrive de l'extérieur).

Depuis 1959, le chef-opérateur français Raoul Coutard a développé les techniques de prises de vues en décors naturels. Et les réalisateurs du jeune cinéma ont fondé toute une esthétique sur l'utilisation du décor naturel, en respectant le plus possible la lumière naturelle. Les progrès importants dans la fabrication des émulsions de très haute sensibilité ont permis de réduire les sources d'éclairage artificiel. On peut, depuis plusieurs années déjà, tourner à la lumière de quelques bougies ( de Stanley Kubrick et La Chambre verte de François Truffaut). Dans Alphaville de Jean-Luc Godard (1965), le visage d'Eddie Constantine s'éclairait quand il tirait une bouffée de sa cigarette. Désormais, le film est presque aussi sensible que l'œil.

En revanche, le film supporte difficilement les contrastes de lumière. Et la plus grande partie de l'art de la prise de vues en extérieurs ou en décors naturels consiste à interpréter les contrastes de la nature, à les réduire, à éclairer les parties d'ombre pour que l'émulsion ne donne pas de grandes surfaces charbonneuses (sous-exposition) avec de grandes surfaces blanches (surexposition). Outre les installations des « plateaux », les studios disposent de salles de montage et de salles de projection des « rushes », équipés en « double bande » ; cela permet la vision de la copie de travail image en synchronisme avec la bande sonore magnétique perforée, « repiquée » à partir de la bande lisse originale, et conduit à un premier choix des prises jugées bonnes par le réalisateur.

Les salles de montage sont équipées de tables de montage recevant une ou deux bandes image et jusqu'à trois bandes sonores perforées. La synchronisation entre ces différentes bandes se fait mécaniquement à partir du « clap », du code temporel ou « au mouvement ». Tous les éléments sont coupés et assemblés à l'adhésif.

Cinéma : montage de la pellicule

Montage d'un film dans les années 1940. Jusqu'à une époque relativement récente, les opérations sont demeurées manuelles.

Crédits : Walter Sanders/ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

Avec l'évolution de l'informatique, il est devenu possible d'enregistrer les sons et les images sur le disque dur de micro-ordinateurs et de pratiquer le montage virtuel. Seules les adresses de début et de fin de chaque élément monté, son ou image, sont mémorisées. Après avoir conçu le montage sur l'écran de l'ordinateur, il est possible de visualiser, en vidéo, le montage en temps réel, sans avoir à faire aucun assemblage physique, puis de le modifier sans limite ; les séquences s'enchaînent automatiquement à partir des adresses d'entrée et de sortie.

© Encyclopædia Universalis France 21 La conformation du négatif original avec ces montages informatisés s'effectue à partir d'un code enregistré en manchette du négatif sous forme d'un code à barres (« K. code » Kodak) identique au « piétage », numéro de bord imprimé sur le négatif et augmentant d'une unité tous les pieds (30,4 cm).

© Encyclopædia Universalis France 22 Choix du format de film à la prise de vues et du type de caméra

Le choix du format de prise de vues d'un film, et donc du type de caméra, dépend souvent des lieux dans lesquels ce film se tournera : en studio surtout, ou moitié en intérieur naturel, moitié en extérieurs. Des raisons économiques, plus ou moins valables, sont à considérer. La qualité finale semble parfois secondaire à ce niveau.

Les formats de films et d'images ont entraîné les modifications des caméras elles-mêmes. C'est ainsi que dans un but d'économie bien illusoire en ce qui concerne le budget de production, mais aussi devant une certaine carence des constructeurs de caméras durant les années 1970, et enfin sous la poussée des chaînes de télévision, on a tenté, et on tente encore, de faire passer le film 16 mm (ancien format d'amateur avant 1939) pour un format professionnel. Or, sa définition globale ne peut être comparable à celle du 35 mm puisque la surface de réception de l'image, donc des informations qui la forment, est dans un rapport de 1 à 4,5 ; cela est dramatique dès qu'il s'agit de présenter en projection de grands espaces avec un détail significatif mais minuscule (par exemple, le « cavalier sur la colline » dans les westerns). Ce défaut est encore plus accusé si le film est présenté dans une grande salle. Pour remédier à ce manque de surface disponible en début de chaîne, un Suédois a imaginé vers 1970 le format super 16 (Runescope) dans lequel, en supprimant une rangée de perforations (et sans employer la surface ainsi libérée au couchage d'une piste sonore magnétique), il a obtenu un gain en surface de 30 à 40 p. 100 suivant que le format de fenêtre d'impression adopté est de 1,85/1 ou de 1,66/1. Le format super 16 est uniquement un format de prise de vues qui nécessite donc le « gonflage » (blow-up), c'est-à-dire l'agrandissement sur film 35 mm. Il existe maintenant de nombreuses caméras légères et autosilencieuses adaptées à ce format : Aaton 7 LTR- S, Arriflex 16-SR, etc. Ce format est de plus en plus utilisé en télévision car il est parfaitement compatible avec le nouveau format vidéo 16/9 et peut être transféré dans tous les standards actuels ou à venir. Pour le cinéma, les constructeurs ont enfin mis sur le marché des caméras « portables » et autosilencieuses en 35 mm. La plus appréciée est la Panaflex, généralement utilisée avec des objectifs anamorphoseurs, ainsi que l'Arriflex 35 BL (cf. photo) ; toutes les deux sont prévues pour recevoir une visée électronique et sont utilisables en studio avec des magasins de 300 mètres. À noter que la visée électronique est surtout utile au cadreur, et devient indispensable lorsque la caméra est télécommandée et donc contrôlée à distance par des moniteurs vidéo. Par contre, pour le directeur de la photographie, responsable de l'éclairage, la visée optique est toujours indispensable. La caméra Arriflex 35 BL présente l'avantage d'avoir en permanence les deux visées disponibles, simultanément, sans basculage de l'une ou de l'autre. La conception actuelle de la prise de vues, pour la plupart des réalisateurs, consiste à disposer d'une caméra très mobile qui peut s'adapter à toutes les positions imaginables. La plus légère de toutes est la Aaton 8/35.

Deux dispositifs facilitant les mouvements les plus complexes ont vu le jour ces dernières années. Le premier est la grue ultra-légère, Louma (cf. photo), d'invention française ; elle ne nécessite pas sur la plate-forme la présence du cadreur et de son assistant qui, restés à terre, peuvent télécommander aussi bien le cadrage (contrôlé par moniteur vidéo) avec tous les pivotements nécessaires, que le changement de focale d'un zoom ainsi que le suivi de la mise au point. Parmi les films qui ont utilisé fréquemment la Louma, citons Le Locataire de Roman Polanski et La Truite de Joseph Losey. L'autre dispositif, très apprécié pour réaliser en terrains variés et accidentés des mouvements complexes ou

© Encyclopædia Universalis France 23 des travellings « à la main », est constitué par le et la Panaglide. Ce sont des systèmes amortisseurs de secousses, d'une extraordinaire efficacité, mais qui exigent du cadreur une stature athlétique et une résistance physique sans défaillance, car le poids de la caméra plus celui du système atteint 20 à 25 kilogrammes. Ces appareils sont constitués d'un harnais fixé au tronc de l'utilisateur, ils mettent la caméra en suspension, comme si elle était en état d'apesanteur. Mais, en fin de journée ou d'une prise de vues, l'illusion de l'apesanteur disparaît pour celui qui en a supporté le poids. Par contre, la prise de vues est « bien coulée ». Le but est atteint ! Des utilisations intensives de la Panaglide ont été faites par Nestor Almendroz dans Les Moissons du ciel.

© Encyclopædia Universalis France 24 Techniques du cinéma sonore

L'enregistrement sonore

À l'origine du cinéma sonore, en 1928, le son était enregistré uniquement sous forme d'une piste photographique placée entre le bord des images et les perforations. À cette époque, l'enregistrement magnétique n'étant pas opérationnel, tous les enregistrements destinés au cinéma se faisaient sur un négatif son qui devait être tiré photographiquement sur une émulsion positive pour être reproduit. Les mixages s'effectuaient en faisant défiler plusieurs bandes optiques en synchronisme. Leur mélange était enregistré sur un nouveau négatif son qui était ensuite utilisé pour le tirage des copies standards (copies comportant, sur un même support, les images du film et la piste sonore). Depuis 1952, tous les enregistrements s'effectuent sur support magnétique analogique puis, plus récemment, en son numérique.

Les sons directs

Les sons directs sont enregistrés au moment de la prise de vues, généralement sur des magnétophones portatifs, tel le célèbre Nagra. Ces bandes comportent également une information de synchronisme sous forme d'une fréquence ou d'un code temporels permettant, par la suite, de synchroniser la bande sonore avec la bande image correspondante. En dehors des sons directs, l'ingénieur du son enregistre des ambiances, des sons seuls, le silence des lieux, etc., qui permettront au monteur de construire la bande sonore du film.

Le son direct exige de tourner avec des caméras parfaitement silencieuses. Depuis les années 1965, les constructeurs ont mis au point des caméras autonomes légères et silencieuses pouvant être tenues à la main (cinéma-vérité dans les années 1960) d'abord en 16 mm (Éclair, Aaton, Arriflex), puis en 35 mm (Aaton, Arriflex, Panaflex).

Pour tourner convenablement en son direct, il est également nécessaire que le niveau de bruit propre où a lieu le tournage soit inaudible, ce qui se trouve de plus en plus difficilement et empêche de tourner en son direct en décor naturel. Même les plateaux de prise de vues doivent faire l'objet de travaux très importants pour que leur niveau de bruit de fond soit compatible avec le son direct. Lorsque les conditions de bruit de fond ne permettent pas d'enregistrer un son direct, le son enregistré porte le nom de « son témoin » ; il sera utilisé comme référence lors de la postsynchronisation.

Tous ces enregistrements (son direct, sons seuls, ambiances, sons témoins, etc.) sont ensuite recopiés sur des bandes magnétiques perforées de même format que la bande image (16 ou 35 mm) et restent synchrones avec cette dernière grâce à l'information de code. Cette opération porte le nom de « repiquage ». Ce sont ces bandes perforées qui serviront pour le montage de la bande sonore du film et qui seront ensuite utilisées pour le mixage du film.

D'autres techniques sont également employées pour constituer la bande sonore d'un film : la postsynchronisation, le play-back, le doublage.

© Encyclopædia Universalis France 25 La postsynchronisation

La postsynchronisation est appliquée lorsqu'il n'a pas été possible de travailler en son direct lors du tournage (bruits parasites, acteurs ne parlant pas la même langue, etc.). En auditorium, les comédiens réenregistreront les mêmes paroles qu'au moment du tournage en se référant au son témoin. Pour conserver le synchronisme entre le son et le mouvement des lèvres, le texte que doit prononcer chaque comédien défile sous l'image à postsynchroniser. Ce texte est écrit sur une bande perforée spéciale défilant horizontalement et qui porte le nom de « bande rythmographique ».

Les bruitages

Si les sons directs n'ont pu être enregistrés, il en aura probablement été de même pour les effets synchrones (bruits de pas, portes, etc.). Ces effets devront aussi être réenregistrés en auditorium. La technique consiste à projeter les images en présence d'un bruiteur qui, à partir d'accessoires très divers, reconstitue les bruits en synchronisme avec les images qui lui sont projetées. Dans les cas simples, on peut faire appel à une sonothèque (bruits d'animaux, de voiture, etc.).

Le play-back

Dans certains cas, il est plus facile pour les comédiens de jouer sur un son déjà enregistré et diffusé lors du tournage. Cette technique est souvent appliquée pour les films musicaux (Les Parapluies de Cherbourg, Don Giovanni, etc.). Cette technique est aussi très utilisée en télévision.

Les Parapluies de Cherbourg, J. Demy

Catherine Deneuve et Nino Castelnuovo dans Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. Entièrement chanté sur une partition de Michel Legrand, le film obtint la palme d'or à Cannes en 1964.

Crédits : Hulton Getty

Le doublage

Le doublage est nécessaire dans le cas où les films sont tournés dans une langue différente de celle de leur exploitation. À partir d'une traduction des dialogues, un doubleur adapte le texte pour qu'il corresponde au mieux avec la durée et les mouvements de lèvres des comédiens à l'écran. Pour chacun des plans du film, les dialogues sont réenregistrés dans la langue souhaitée selon la technique de la bande rythmo précédemment décrite (post-synchronisation). Il est souvent

© Encyclopædia Universalis France 26 nécessaire de réenregistrer aussi les bruitages pour reconstituer intégralement la bande sonore du film doublé.

Les musiques

Sauf exception, les musiques sont enregistrées en dehors du tournage et, bien souvent, après le montage, de manière à en déterminer la durée avec précision. Les techniques mises en œuvre sont celles du disque, l'enregistrement se faisant dans un auditorium spécialisé.

Le mixage

Lorsque le montage du film est achevé, on se trouve en présence d'une bande image (la copie de travail) ainsi que de nombreuses bandes sonores synchrones (paroles, effets, bruitages, musiques, etc.). Le travail de l'ingénieur de mixage va consister à mélanger toutes ces bandes sonores sur une seule bande à une ou plusieurs pistes selon que le film sera diffusé en monophonie ou en multicanaux. Ce travail s'effectue en auditorium spécialisé, équipé de plusieurs défileurs pour bandes magnétiques perforées (jusqu'à une vingtaine) et d'une console de mixage comportant de nombreuses entrées (jusqu'à une soixantaine). Le mixage sera enregistré sur un film magnétique perforé de même format que l'image.

Le report optique

Les copies exploitées aujourd'hui comportent toujours une piste photographique semblable à celles des premières copies sonores. Pour établir cette piste sur les copies, il est nécessaire d'enregistrer un négatif son à partir du mixage qui vient d'être établi. Ce négatif son est enregistré dans une caméra sonore dont le modulateur fonctionne sur le principe de la loi de Laplace (caméras Westrex) ou de l'oscillographe de Blondel (caméras Picot). Les principales raisons du maintien de la piste photographique sont le faible coût des tirages et l'universalité du procédé.

Enregistrements numériques

Depuis le début des années 1990, le son numérique est entré au cinéma. La numérisation peut commencer dès la prise de son (direct ou non). Les repiquages se font alors sur des magnétophones multipistes numériques (au lieu des défileurs à bandes perforées) et le montage avec des systèmes de montage virtuels utilisant comme support de stockage des disques durs. La synchronisation entre les différents éléments se faisant à partir du code temporel.

La reproduction en salle

Dans ce qui a été exposé précédemment, les conditions de diffusion n'ont pas été abordées.

© Encyclopædia Universalis France 27 Reproduction multicanaux

C'est avec l'apparition du film 70 mm sur lequel étaient enregistrées six pistes magnétiques que la qualité de la reproduction sonore en salle a connu une amélioration marquante. Pour le procédé Todd-AO, la reproduction s'effectuait en six canaux : cinq canaux d'écran et un canal d'ambiance sous forme de nombreux haut-parleurs implantés dans la salle.

La stéréophonie au cinéma

La véritable stéréophonie, deux canaux, à gauche et à droite, seulement, n'a été que rarement mise en œuvre au cinéma en raison des problèmes de diffusion sonore qu'elle entraîne pour les spectateurs placés en avant de la salle. Il faut citer le film La Griffe et la Dent – bande sonore de M. Fano –, diffusé en véritable stéréophonie de phase, à partir de copies à piste photographique double.

Le procédé Dolby Stéréo

Avec l'évolution de l'électronique, Ray Dolby met au point un réducteur de bruit de fond qui porte son nom. Appliqué au son photographique, ce procédé réduit notablement le bruit de fond des pistes optiques et permet la reproduction, dans de bonnes conditions, d'enregistrements à pistes photographiques doubles (deux voies distinctes). Sur cette base, la société Dolby développe un procédé utilisant les équipements de diffusion sonore utilisés pour les films 35 et 70 mm magnétiques sous le nom de Dolby Stéréo. Ce procédé consiste à ramener quatre voies correspondant à trois canaux d'écran (gauche, centre, droite) et un canal d'ambiance, en deux informations par matriçage. Ces deux informations résultantes sont encodées par le système réducteur de bruit de fond Dolby A ou, plus récemment, Dolby SR, puis reportées sur un négatif son double piste. À la reproduction, ces deux informations sont décodées de la réduction de bruit de fond, puis dématricées par un circuit électronique spécifique pour redonner les quatre informations initiales, diffusées sur les quatre canaux correspondants de la salle.

Le son numérique en salle

Le premier procédé a été présenté par Kodak-O.R.C. Il consiste à remplacer la piste photographique analogique par une piste photographique numérique permettant d'attaquer six canaux de reproduction dans la salle. Le même type de piste peut être enregistré sur film 70 mm, ce qui permet d'associer le son numérique à la grande qualité d'image de ces copies.

Il semble que, pour l'avenir, on se tourne vers des procédés qui permettront de conserver aux copies leur compatibilité analogique numérique. Deux orientations sont proposées : dans l'une, les deux pistes, analogique et numérique, sont enregistrées sous forme photographique sur la copie 35 mm exploitée en salles (Dolby propose d'enregistrer la piste numérique entre les perforations d'entraînement du film : procédé Dolby S.R.D.), dans l'autre, un code temporel est enregistré photographiquement sur la copie (sous forme d'un code à barres), en manchette. Ce code permettra

© Encyclopædia Universalis France 28 de synchroniser un disque audionumérique (magnéto-optique dans le cas du procédé français L.C. Concept). Dans tous ces procédés numériques, la diffusion sonore dans la salle reste identique : trois voies d'écran, deux voies d'ambiance (stéréophonie possible), une voie de renfort des fréquences basses.

Les procédés de diffusion

Pour exploiter au mieux les possibilités des enregistrements sonores sur film, il est devenu nécessaire de rationaliser les matériels employés et d'adapter les caractéristiques acoustiques des salles à ce type de restitution. C'est ainsi qu'est né le système T.H.X. (Lucas-Films) qui propose un choix d'équipements de haut de gamme en matière d'amplificateurs et d'enceintes acoustiques, et impose la mise en place des enceintes dans un mur acoustique implanté derrière l'écran ainsi que des caractéristiques acoustiques pour la salle (temps de réverbération et bruit de fond). Ces caractéristiques de reproduction sonore sont garanties par un label T.H.X.

En France, la société S.T.S. propose également un équipement spécifique adapté aux salles de cinéma.

© Encyclopædia Universalis France 29 Techniques du cinéma en couleurs

Méliès a réalisé des films en couleurs conservés aujourd'hui à la Cinémathèque française. La couleur était obtenue en peignant à la main, au pochoir, chaque image, travail de bénédictin.

Aujourd'hui, la couleur est obtenue au cinéma par des procédés photographiques. Tous ces procédés reposent sur le principe de la trichromie, comme la télévision en couleurs et l'imprimerie ; avec trois couleurs primaires, vert, bleu, rouge, on peut reproduire toutes les couleurs, y compris le blanc et le noir.

Pour reproduire une lumière colorée quelconque par trichromie, il faut, d'une part, déterminer les valeurs de bleu, vert et rouge contenues dans le sujet (c'est l'analyse ou sélection), d'autre part, mélanger les trois couleurs préalablement analysées (c'est la synthèse). La synthèse peut se faire par addition de trois lumières colorées (synthèse additive), ou à partir d'une lumière blanche, en éliminant les couleurs complémentaires des trois couleurs primaires (synthèse soustractive).

Le Technicolor

Le Technicolor fut mis au point en 1928 par l'Américain Herbert T. Kalmus. Jusqu'à 1950, il fut à peu près le seul procédé industriel et assura la suprématie du cinéma hollywoodien. Il n'est plus employé aujourd'hui, mais il est important d'en rappeler le principe.

L'analyse trichrome du sujet était obtenue au moyen d'une caméra spéciale dans laquelle défilaient simultanément trois négatifs noir et blanc, dont chacun n'était impressionné que par une seule couleur primaire. À partir de ces négatifs, on établissait trois matrices sur film perforé dont chacune était utilisée comme cliché d'imprimerie pour déposer sur un support, qui deviendra la copie positive, un colorant complémentaire de la couleur correspondant à la matrice (synthèse soustractive). L'originalité et l'intérêt du procédé résidaient dans son mode de tirage des copies. De très nombreux films couleurs, encore visibles aujourd'hui, ont été tournés selon ce procédé maintenant dépassé.

Procédés couleurs actuels

Les procédés actuels sont dérivés du procédé Eastmancolor (Kodak), qui s'est répandu à partir de 1950. D'autres fabricants ont adopté depuis des procédés similaires (Agfa, Fuji) pour les films de prise de vues et de tirage des copies couleurs. Tous ces procédés proviennent de la mise au point du Kodachrome et de l'Agfacolor en 1936.

À la prise de vues, on a un seul film négatif (ou inversible) comprenant trois couches d'émulsion superposées qui ne sont impressionnées chacune que par une seule couleur primaire. Après un développement chromogène, on obtient un négatif en couleurs complémentaires : un bleu clair du sujet apparaît jaune foncé, un rouge foncé bleu-vert, un noir blanc. Ce négatif est ensuite tiré sur une émulsion positive semblable au négatif, également composée de trois couches sensibles. Les couleurs du sujet s'y trouvent donc restituées par synthèse soustractive. C'est ainsi que sont établis

© Encyclopædia Universalis France 30 actuellement, dans le monde entier, tous les négatifs et toutes les copies d'exploitation, y compris dans le cas de transfert vidéo sur film.

— Pierre BRARD, Michel BAPTISTE

© Encyclopædia Universalis France 31 Les images numériques

Numériser une image consiste à la décomposer en une multitude de points, ou pixels, dont chacun est caractérisé par sa luminosité dans le bleu, dans le vert et dans le rouge. Jusqu'ici, le principe est le même que celui qui est utilisé pour la télévision ou la vidéo analogique, mais, au lieu d'enregistrer directement le niveau électrique correspondant à chaque pixel, on attribue à chaque niveau de luminosité une valeur chiffrée allant généralement de 1 à 256 pour l'échantillonnage sur 8 bits, soit 256 niveaux, ou 1 024 niveaux pour les traitements sur 10 bits. Chaque chiffre est ensuite converti en numérotation binaire (suite de 0 et 1 ; par exemple : 200 devient 11001000). Pour une seule image vidéo standard de 440 000 pixels, plus de 10 millions de bits (soit 1,3 mégaoctet ou Mo) sont à véhiculer et à enregistrer. Et cette quantité d'informations sera bien supérieure encore pour une image de film 35 mm standard dont la définition dépasse les 3 millions de pixels.

Aujourd'hui, les images numériques peuvent se rencontrer à différents niveaux de la chaîne de production d'un film, dans l'attente de l'ère du « tout numérique ».

La prise de vue

En début de chaîne, les caméras de prises de vues numériques existent mais sont limitées à la qualité définie par les normes vidéo à 625 lignes ; néanmoins des caméras haute définition (H.D.) 1 125 lignes sont disponibles depuis le début des années 2000. La définition de l'image n'est pas encore comparable à celle d'un film 35 mm, bien qu'elle s'en rapproche. Les images tournées avec les caméras numériques et enregistrées sur des cassettes présentent l'avantage de pouvoir être retravaillées (trucage, étalonnage...), montées et dupliquées sans aucune perte de qualité.

Les trucages

Dans le cas où la prise de vues aurait été réalisée non pas en vidéo numérique mais plus classiquement sur un support film 16 mm ou 35 mm, il est tout d'abord nécessaire de numériser chaque image au moyen d'un scanner. Cette opération peut être effectuée à partir du négatif ou d'un positif. Le scanner décompose chaque image en 5 à 7 millions de pixels (en fonction des spécificités de l'appareil, l'idéal étant d'avoir une analyse dont la définition est supérieure à celle de l'image) et enregistre ces informations sur un support informatique sans avoir recours à un quelconque processus de compression. Ce traitement dure entre 5 et 20 secondes par image. Une fois numérisées, les images peuvent être modifiées à volonté en utilisant un puissant ordinateur et divers logiciels graphiques. Les possibilités n'ont pour limites que celles de l'imagination. Ainsi, on pourra incruster un personnage, vivant ou créé artificiellement, dans un décor qui pourra lui aussi être virtuel ou réel. Les caractéristiques colorimétriques et de luminosité de l'image seront modifiables, tout comme le sera sa géométrie. Les défauts de l'image comme les rayures, les taches ou les reflets parasites seront faciles à faire disparaître ou, au contraire, à ajouter à une image de bonne qualité pour lui donner l'aspect de l'ancien, etc. Après que l'artiste « truquiste » a défini l'ensemble des modifications à apporter aux images d'une séquence, l'ordinateur calcule et crée les nouvelles images. Cette opération peut parfois être assez longue, en fonction de la complexité du trucage.

© Encyclopædia Universalis France 32 Aussi est-ce généralement la nuit, pendant que les bureaux sont désertés, que les microprocesseurs calculent les paramètres des images.

Ces séquences sont ensuite enregistrées sur des cassettes vidéo numériques ou réinscrites sur un support argentique négatif grâce à un « imageur » pour être finalement insérées dans le reste du film. L'imageur est un appareil qui reproduit sur film des images électroniques. Sa vitesse de fonctionnement est relativement lente (jusqu'à 30 secondes par image), mais la définition des images est élevée, à l'inverse du kinescope qui est utilisé pour le report sur support film des images vidéo ou de télévision dont la définition est moindre, et qui, par conséquent, peut fonctionner à 25 images par seconde. On parle, dans ce dernier cas, de travail en « temps réel », le report se faisant à la vitesse normale de lecture du document vidéo. Cette opération de transfert sur film est appelée « shoot » dans le jargon des professionnels.

L'étalonnage

Dans la chaîne de production traditionnelle, l'étalonnage sert à compenser, lors du tirage, les variations colorimétriques (dominantes colorées) ou les écarts de densité (luminosité de l'image) qui existent sur le négatif. Ainsi, la copie positive présentera une bonne continuité de la qualité de l'image, d'un plan à l'autre. Ces corrections sont donc obtenues physiquement en modifiant, pour chaque plan, les quantités de lumières bleue, verte et rouge de la lanterne de tirage. Cette lumière impressionne le film positif vierge au travers du film portant l'image négative. Cette modulation de lumière se modifiera avec chaque changement de plan. Par ce réglage, confié à l'étalonneur travaillant au laboratoire, il sera possible d'assombrir ou d'éclaircir un plan dans les limites imposées par la sensitométrie. De même, une dominante colorée pourra être supprimée ou créée.

Modulation numérique de la lumière

Techniques de cinéma. Principe de la modulation de la lumière par des matrices de micro- miroirs (DMD, Digital Micromirror Device) commandées par un signal numérique. Par souci de simplification, le principe de la modulation numérique de la lumière par modulation de la durée de l'impulsion ou...

Crédits : Encyclopædia Universalis France

Le recours à l'étalonnage numérique s'est développé depuis le début des années 2000. Des films comme Le Petit Poucet d'Olivier Dahan (2001) ont été intégralement étalonnés par ce nouveau moyen. La prise de vues est réalisée de façon traditionnelle avec une caméra cinématographique 35 mm (ou super 16), puis les images du négatif correspondant aux plans retenus par le montage sont numérisées et stockées sur un disque dur. Les corrections d'étalonnage se feront ensuite électroniquement en contrôlant les images ou l'enchaînement des plans sur des écrans de contrôle appelés moniteurs. Ce système permet bien sûr d'apporter des modifications sur la luminosité de l'image (réglage de la densité) ou sur les dominantes colorées de l'image (réglage colorimétrique), mais offre aussi des possibilités nouvelles par rapport à l'étalonnage standard. Il est désormais

© Encyclopædia Universalis France 33 envisageable de faire varier les corrections d'étalonnage pendant le plan ou d'effectuer des modifications sur une zone déterminée de l'image, cette zone étant fixe ou mobile. Il est également possible d'augmenter ou de réduire le contraste de l'image ou encore de modifier la saturation des couleurs de l'image pour les rendre plus ou moins vives. Ce ne sont là que quelques exemples d'intervention sur le rendu de l'image, mais le domaine des possibilités peut s'élargir en fonction des idées des utilisateurs.

Une fois ce travail d'étalonnage effectué, les images du film sont recopiées du disque dur sur une cassette vidéo, pour une exploitation télévisuelle, ou sur un support film argentique en utilisant un « imageur », pour une distribution dans un réseau de salles cinématographiques.

Malheureusement, le coût de ce processus d'étalonnage demeure élevé. Aussi, à défaut de traiter l'intégralité du film, il peut n'être utilisé que pour une ou plusieurs séquences spécifiques. Après retour de ces images sur un support film argentique, les plans viendront s'insérer dans la bobine de film négatif avant tirage des copies d'exploitation.

Le montage virtuel

Le montage virtuel s'est perfectionné rapidement et s'est largement imposé comme le système le plus pratique pour les montages de documents vidéo ou cinématographiques. Les rushes issus du tournage, qu'ils soient dès l'origine sur cassette vidéo ou transférés d'après le film négatif original par le passage sur un télécinéma (sorte de projecteur transformant l'image d'un film en signal vidéo enregistrable sur une cassette), sont numérisés et inscrits sur un ou plusieurs disques durs informatiques. Grâce à un logiciel de montage, on pourra ensuite mettre les plans bout à bout dans l'ordre souhaité. L'opération de montage, qui consiste traditionnellement à « couper » dans la pellicule ou à recopier un plan d'un magnétoscope à un autre, a ainsi été dématérialisée, permettant plus de souplesse, de liberté et de rapidité dans les recherches de montage. Ce nouveau système permet de concevoir simultanément plusieurs montages d'une séquence, de raccourcir, rallonger ou déplacer un plan en quelques manipulations de la souris. Le montage de la bande-son bénéficie des mêmes avantages. Une fois achevé, le montage est directement reporté sur une cassette vidéo. Sinon, la machine de montage fournit une edit list (liste de montage indiquant les codes temporels des début et fin de chaque plan) qui servira de base au travail de conformation du négatif original.

L'enregistrement des images numériques

L'ensemble des caractéristiques constituant chaque pixel de l'image représente une masse d'informations considérable qui prendra beaucoup de place si l'on souhaite les enregistrer dans leur totalité sur une cassette ou un disque dur. Il ne serait pas possible actuellement d'enregistrer l'intégralité d'un long-métrage sur une cassette de taille raisonnable.

La plupart des procédés d'enregistrement d'images numériques vidéo s'appuient sur des systèmes de compression des informations parmi lesquels le plus connu est le MPEG 2 (du nom du groupe qui a dirigé la norme, Moving Picture Expert Group). En résumé, on peut réduire le « poids » d'une image en ne transmettant pas ses caractéristiques point par point, car de nombreux points sont identiques, par exemple ceux qui constituent le ciel, un mur ou toute autre surface uniforme. Des

© Encyclopædia Universalis France 34 algorithmes permettent de regrouper ces pixels pour ne transmettre qu'une information par groupe de points. Par ailleurs, ce système limite le nombre d'informations enregistrées en ne fournissant pas les données complètes de toutes les images. Une image sur douze, appelée image intra, comporte la totalité des informations. Une image sur trois, appelée image prédite, est recomposée à partir de la précédente image intra et d'un « vecteur de mouvements » qui spécifie les parties modifiées de l'image. Enfin, les autres images intermédiaires, appelées images bidirectionnelles, seront fabriquées en extrapolant les caractéristiques de l'image intra ou des images prédites qui les entourent.

Le MPEG 2 altère inévitablement la qualité des images originales, mais le résultat est tout à fait acceptable pour l'exploitation domestique des images. Il est utilisé pour les transmissions par satellite ou les enregistrements sur DVD.

D'autres procédés, comme le M-JPEG (Joint Photographic Expert Group et M pour Motion ou image animée), permettent de conserver une meilleure qualité de l'image, mais nécessitent un espace plus important pour son enregistrement.

© Encyclopædia Universalis France 35 La projection électronique

Même s'il faut du temps, il est de plus en plus envisagé, au cours de la première décennie du e XXI siècle, de remplacer la projection cinématographique, ayant le film comme support des images, par la projection d'images électroniques numériques et de haute définition.

Depuis les années 1950, on sait projeter les images de télévision (ou vidéo), mais la qualité de l'image est limitée à la définition de la norme T.V., laquelle est actuellement de 625 lignes. De plus, le signal est non pas numérique mais analogique.

La vidéo-projection

Le procédé le plus ancien, l'Eidophore, permet la projection d'images de télévision en utilisant la réflexion d'un puissant flux lumineux modulé par les déformations d'une couche visqueuse provoquées par le bombardement d'un faisceau électronique. Pour la projection d'images en couleurs, on utilise l'association de trois tubes Eidophore respectivement filtrés en bleu, vert et rouge.

Un deuxième procédé est fondé sur des tubes cathodiques dont la luminosité est surmultipliée. Ainsi, l'image lumineuse formée sur ces tubes est projetée au travers d'un objectif, sur un écran de bonne taille. Trois tubes monochromes, filtrés selon les trois couleurs primaires, et trois objectifs sont nécessaires pour obtenir la projection d'une image en couleurs.

Deux autres systèmes ont été développés à la fin des années 1990. Ils présentent l'avantage de ne nécessiter qu'un seul objectif, ce qui évite les fastidieux réglages de convergence des trois images qu'imposent les procédés plus anciens. De plus, la luminosité de l'image projetée est bien supérieure.

Le premier d'entre eux, le projecteur à LCD (liquid cristal display), utilise des matrices de cristaux liquides dont les milliers de pixels qui constituent la surface présentent la particularité d'être plus ou moins transparents en fonction des variations de niveaux électriques du signal vidéo analogique de l'image. Ces pixels modulent la lumière d'une puissante source de type lampe halogène ou arc xénon. Malheureusement, ce procédé ne donne pas toujours entière satisfaction en termes de contraste de l'image, car les points ne sont jamais totalement opaques et, par conséquent, les zones noires de l'image ne sont pas complètement sombres sur l'écran.

Le second système, palliant ce problème, est le premier procédé permettant la modulation directe de la lumière par un signal numérique.

Traitement numérique de la lumière

Ce procédé, encore appelé DLP (digital light processing), utilise les matrices de micro-miroirs, ou DMD (digital micromirror device), qui ont été mises au point par la société Texas Instruments. Il permet de projeter une image à partir d'un signal numérique sans le convertir en analogique, évitant

© Encyclopædia Universalis France 36 ainsi des altérations de l'image. C'est donc le dernier maillon de la chaîne du futur « tout numérique ».

Principe de fonctionnement du DMD

Chaque pixel de l'image correspond à un micro-miroir carré en aluminium de 16 micromètres de côté, fixé sur un axe charnière lui permettant de s'incliner de — 10 à + 10. Chaque micro-miroir est placé au-dessus d'une puce de silicium de type SRAM (static random access memory). Ce composant commande l'inclinaison du miroir par des forces électrostatiques en fonction des informations numériques qui lui auront été transmises et qu'il aura mémorisées. Ces forces inclinent le micro- miroir dans un sens ou dans l'autre, jusqu'à ce qu'il soit stoppé dans un angle précis (+ 100 ou — 10) par la butée de son bord contre le substrat. Par ce système, le micro-miroir est capable de basculer plus de 1 000 fois par seconde.

Lorsque l'appareil fonctionne, la matrice de micro-miroirs reçoit le flux lumineux provenant de la lampe de projection (généralement lampe de type « arc xénon »). Si le signal concernant un pixel donné est « 1 », le micro-miroir bascule en position + 10, dite on. Dans cette position, ce dernier renvoie toute la lumière reçue vers l'objectif de projection. Il se forme alors un point lumineux sur l'écran correspondant à ce pixel de l'image. En revanche, si le signal est « 0 », ce micro-miroir bascule en sens inverse vers sa position — 10, dite off. Le flux lumineux est alors réfléchi vers un piège à lumière qui l'absorbera. L'inclinaison 0 est la position de repos du système.

Le micro-miroir n'est qu'un élément d'une matrice composée de 2 359 296 miroirs fonctionnant indépendamment mais sur le même principe. Dans le cas d'une matrice haute définition, ils sont disposés sur 1 152 lignes contenant chacune 2 048 micro-miroirs espacés d'1 micromètre. L'ensemble de ces éléments va permettre de moduler tous les pixels constituant l'image. Néanmoins, cette matrice ne peut fournir qu'une image en noir et blanc.

Pour obtenir la couleur, trois solutions sont proposées. Elles fonctionnent toutes sur le principe de la synthèse additive.

– Le mono-DMD n'utilise qu'une seule matrice de micro-miroirs, associée à une roue porteuse de trois filtres (rouge, vert et bleu) tournant à 120 tours par seconde. Cela rappelle les premiers e projecteurs Gaumont pour le cinéma en couleurs du début du XX siècle.

– Le bi-DMD est une solution de compromis. La lumière verte est modulée par un DMD affecté uniquement à la composante verte de l'image. Parallèlement, une roue portant les filtres bleu et rouge tourne devant le deuxième DMD qui composera l'image bleue puis rouge. L'œil du spectateur fait naturellement la fusion de ces images projetées sur l'écran et les perçoit en couleurs.

– Le tri-DMD est la meilleure solution. Le flux de lumière blanche est divisé en trois flux (aux couleurs primaires rouge, verte et bleue) qui sont modulés séparément par un DMD puis rassemblés, avant l'objectif, pour projeter l'image en couleurs sur l'écran.

© Encyclopædia Universalis France 37 Principe de la modulation numérique de la lumière

Chaque miroir renvoie la lumière selon le principe du tout ou rien. Or une image est composée de toute une gamme de gris et même de milliers de nuances colorées pour l'image en couleurs. Rappelons qu'un échantillonnage sur 8 bits fournit 256 niveaux par couleur, soit un total de plus de 16,7 millions de couleurs (2563).

La modulation de la luminosité de chaque pixel est temporelle. Ce n'est pas la quantité de lumière envoyée sur l'écran qui va varier, mais le temps pendant lequel le flux de lumière constant est projeté. Pour un point blanc, le micro-miroir concerné va renvoyer la lumière pendant la durée totale de l'image, alors que, pour un ton de gris, le miroir renverra la lumière pendant une fraction de la durée de l'image puis la déviera vers le piège à lumière pour ne rien projeter sur l'écran. Cette durée de projection va directement être commandée par le signal numérique. Ce procédé est appelé « modulation de la durée de l'impulsion » ou PWM (pulse width modulation) [fig.10].

Rappelons que, dans toute base de numérotation, le chiffre de gauche correspond à la valeur la plus importante, alors que celui de droite, l'unité, représente la plus faible valeur. Pour un signal numérique, le premier bit est appelé MSB (most signifiant bit) et l'unité LSB (least signifiant bit).

Dans le principe du PWM, le premier bit (MSB) va commander le miroir pour une période égale à la moitié du temps d'une image, le second bit pour la moitié du temps image restant (ce qui correspond au quart du temps total de l'image) et ainsi de suite jusqu'au dernier bit, le moins signifiant (LSB).

Dans la pratique, ce système simple se complique par l'application de multiplexages destinés à améliorer la perception des images par l'œil humain, mais le principe demeure.

© Encyclopædia Universalis France 38 Les procédés de cinéma-spectacle des parcs d'attractions

Parallèlement aux techniques classiques utilisées pour l'exploitation des films cinématographiques, se développe un genre de cinéma différent qui utilise une filière d'exploitation adaptée : ce sont les films à effet spectaculaire. Ceux-ci sont liés, en Europe, au développement, depuis les années 1990, de parcs à thèmes destinés aux loisirs. Parmi les attractions proposées, de nombreuses sont fondées sur le principe cinématographique, mais en privilégiant les sensations ou la grandeur des images, parfois même en alliant des techniques de manège forain aux images animées. Ces procédés sont aussi exploités à l'occasion des expositions universelles ou à proximité des grands sites touristiques.

Le cinéma en relief

Ce procédé n'est pas l'apanage des parcs d'attractions. Il a été utilisé à plusieurs reprises pour des films de fiction, comme le célèbre Dial M for Murder (Le crime était presque parfait) d'Alfred Hitchcock (1954), mais la dimension ajoutée par le relief à un film narratif n'a pas été ressentie comme indispensable au public des salles obscures. De ce fait, les sociétés de production n'ont pas généralisé ce système. La sortie d'un film en relief, ou à effet 3D, est donc restée exceptionnelle. Les parcs à thèmes ont remis ce procédé au goût du jour avec des films de plus courte durée. Plusieurs techniques permettent la perception, par le spectateur, des images en relief, mais elles font toutes appel à la vision binoculaire. Chacun de nos deux yeux voit en effet l'objet sous un angle légèrement différent. Ces deux images sont transmises au cerveau qui les fusionne en restituant la sensation de relief. Le cinéma 3D est donc constitué de couples d'images enregistrées sous deux points de vue légèrement différents, écartés théoriquement de moins d'une dizaine de centimètres. Tous les procédés utilisant ces couples d'images sont appelés procédés stéréoscopiques.

Lors de la projection, pour que l'image destinée à l'œil droit ne puisse être vue que par celui-ci, et de même pour l'œil gauche, un premier procédé, surtout exploité dans les années 1930, est celui des anaglyphes. Il utilise l'effet sélectif de deux couleurs complémentaires. Le spectateur doit porter des lunettes pourvues d'un verre rouge et d'un autre vert (ou turquoise). L'image destinée à l'œil gauche sera colorée par un filtre de la même couleur que celle du verre de lunette placé devant cet œil, qui percevra ainsi tous les dégradés de l'image bien que de façon monochrome, alors que le verre coloré de l'autre œil ne laissera passer aucune information, et réciproquement. Ce procédé fonctionne avec des images en noir et blanc et n'est pas adapté aux films en couleurs.

Pour permettre la sélection œil droit-œil gauche, un deuxième procédé utilise la polarisation. Chacune des deux images est projetée au travers d'un filtre polarisant dont les axes de polarisation sont décalés de 90 l'un par rapport à l'autre. Le spectateur porte des lunettes équipées de deux verres polarisants dont les axes sont eux aussi croisés. Chaque verre ne laissera donc passer que l'image polarisée selon le même axe ; ainsi, chaque œil ne verra que l'image qui lui est destinée. C'est le procédé le plus couramment employé, car le plus simple et le plus économique à exploiter. Outre la cabine de projection adaptée à la diffusion des couples d'images, un écran métallisé spécial (qui conserve l'effet de polarisation) et, bien sûr, un film tourné en stéréoscopie, cette technique ne nécessite que la distribution aux spectateurs de lunettes peu coûteuses, jetables ou recyclables.

© Encyclopædia Universalis France 39 Un troisième procédé, qui s'est développé au cours des années 1990, consiste à projeter alternativement les images destinées à chacun des yeux. Des lunettes équipées de verres à cristaux liquides assureront successivement l'obturation de l'œil auquel l'image projetée n'est pas destinée. Ces lunettes, technologiquement complexes, sont pourvues d'un système de captation infrarouge, pour se synchroniser avec la projection, d'une batterie, pour fournir l'énergie nécessaire au fonctionnement, et de deux verres contenant des cristaux liquides.

En plus de l'effet de relief apporté par la troisième dimension, certaines salles proposent parfois une « quatrième dimension » en ajoutant les sensations qu'offrent le principe du cinéma dynamique (cf. infra, Le cinéma dynamique) ou d'autres effets comme le vent, les vibrations du siège, le passage d'objets poilus près des jambes, les pulvérisations ou les projections d'eau.

e Au cours du XXI siècle, des évolutions dans les techniques de restitution d'images animées en relief pourront permettre d'éviter l'utilisation de lunettes stéréoscopiques. Plusieurs inventeurs ont déjà tenté de mettre au point des procédés de projection stéréoscopique où le relief serait visible à l'œil nu. Ainsi ont été expérimentés, mais jamais développés, le système Savoye à trame tronconique tournante ou le système Ivanov à trame dioptrique. Mais leur réalisation pratique s'avère trop complexe. Les images holographiques animées pourraient être la solution d'avenir, mais nos connaissances technologiques actuelles ne permettent pas encore de faire apparaître ces images aux dimensions d'un écran de cinéma.

Le cinéma grand écran ou sur écran hémisphérique

Dès les années 1950, afin de réagir à la concurrence naissante de la télévision, les films ont été projetés sur des écrans larges, grâce aux procédés Vistavision, Cinérama, Todd-Ao ou CinémaScope. En 1970, le procédé Imax, aussi appelé 70-15 (car utilisant un film de 70 mm de largeur où une image s'étend sur quinze perforations), a permis de projeter des images sur des écrans presque plats mesurant plus de 20 mètres de hauteur et près de 30 mètres de largeur (soit plus de 600 m2). Dans les salles conçues pour ce type de projection, les sièges sont installés sur des gradins très inclinés, plaçant le spectateur relativement près de cet immense écran. Cette proximité impose une image de grande qualité obtenue sur un film de format 70 mm défilant horizontalement (taille de l'image : 70,4 mm × 52,6 mm). Pour bien se rendre compte du gain de définition, on comparera la surface de 3 700 mm2 de cette image à celle des images du cinéma standard, qui est en moyenne de 300 mm2.

Une première variante du procédé Imax consiste à compléter l'écran frontal par un second écran localisé au fond d'une fosse située sous les sièges du public et visible au travers des plaques de verre constituant le plancher de la salle. Cette technique, donnant l'impression au spectateur que son fauteuil flotte au-dessus de l'image, est appelée « tapis magique » (fig. 11). Malheureusement, le catalogue de ce type de films est extrêmement réduit.

Techniques du cinéma. Coupe d'une salle «Tapis-magique»

© Encyclopædia Universalis France 40 Cette variante du procédé Imax (cinéma sur grand écran) consiste à compléter l'écran frontal par un second écran localisé dans une fosse, sous les pieds des spectateurs pour leur donner l'illusion de «flotter» au-dessus de l'image. D'où le nom de Tapis magique donné à cette variante.

Crédits : Encyclopædia Universalis France

Une autre variante, appelée Omnimax ou Dôme-Imax, permet de projeter ces images de grand format sur un écran hémisphérique (en forme de demi-sphère) d'une surface proche de 1 000 m2. Le spectateur est alors immergé dans l'image qui se prolonge ainsi de chaque côté et au-dessus de lui, hors de son champ de vision frontal. Pour permettre cette projection sur écran courbe, le projecteur doit être placé au centre de la salle et être équipé d'un objectif courte focale dit fish-eye (œil de poisson). La prise de vues aura été réalisée spécialement pour ce type d'exploitation, en utilisant un objectif couvrant aussi un champ de presque 180. Tout comme pour le système Imax, le film utilisé a une largeur de 70 mm et défile horizontalement.

L'Imax Solido est la version en relief de ce système de projection sur écran hémisphérique, tout comme l'Imax 3D associe l'effet de la troisième dimension à l'image géante de l'Imax. Les lunettes à cristaux liquides sont généralement les mieux adaptées à ces procédés, qui peuvent néanmoins fonctionner avec de simples lunettes polarisantes (cf. supra, Le cinéma en relief).

Il n'est pas exclu d'associer à ces types de projection les techniques du cinéma dynamique.

Le cinéma haute définition (H.D.)

D'autres procédés, moins spectaculaires, développés au cours des années 1980, consistent à améliorer la synthèse du mouvement pour rendre ce dernier encore plus réaliste en évitant tout effet de saccade du mouvement, souvent improprement appelé stroboscopie. La méthode est simple, mais malheureusement coûteuse. Elle consiste à augmenter le nombre d'images par seconde, à la prise de vues comme à la projection. Pour ne citer que les plus connus, l'Imax H.D. défile à une cadence de 48 images par seconde et le Showscan à 60 images par seconde, chiffres à comparer à celui de 24 images par seconde pour le cinéma conventionnel. L'augmentation de cadence induit aussi une amélioration apparente de la finesse de l'image ; toutefois, ces gains de qualité ne sont pas toujours flagrants et ces procédés restent cantonnés aux images fortement mouvementées comme celles qui sont utilisées dans les salles de cinéma dynamique.

Le cinéma dynamique

Le principe du cinéma dynamique est similaire à celui des simulateurs. Le siège du spectateur bouge selon presque tous les axes de façon à lui faire ressentir tous les effets d'accélération, de chutes, de virages et de secousses qui correspondent au film projeté. Ces mouvements sont obtenus par des systèmes de vérins hydrauliques pilotés par un ordinateur asservi à la projection du film. Selon les

© Encyclopædia Universalis France 41 salles, il y a des différences de mise en œuvre de cette technologie. Les vérins peuvent, selon les cas, animer un siège ou un groupe de sièges, l'ensemble des gradins ou encore la totalité de la salle contenant une quarantaine de personnes. Dans ce dernier cas, la salle prend souvent l'aspect d'une navette spatiale pour ajouter à la mise en condition du public.

Le cinéma 360

L'idée de base était de ne pas limiter le spectateur à la vision de ce qui était devant la caméra, mais de lui montrer aussi ce qu'il y avait derrière ou sur les côtés, supprimant ainsi la quasi-totalité de ce que les cinéastes appellent le « hors-champ ». Raoul Grimoin-Sanson (1860-1941) fut un pionnier dans ce domaine, malgré les déboires de son Cinéorama. Ce procédé, installé pour l'Exposition universelle de Paris en 1900, devait permettre aux spectateurs de « vivre » un voyage en ballon. Mais le système s'avéra dangereux à cause de l'important dégagement de chaleur des projecteurs, et la salle fut fermée.

L'image est projetée sur un écran couvrant tout le tour d'une salle circulaire. Le spectateur a ainsi la possibilité de voir l'image sur 360 en tournant la tête ou en se retournant, et a réellement l'impression de se trouver au cœur de l'action.

Le procédé le plus couramment utilisé pour ce type de films consiste à projeter neuf films, nécessitant neuf projecteurs, sur neuf écrans couvrant chacun 40. Les fenêtres de projection sont situées dans les barres noires qui séparent deux écrans, de façon à positionner chaque projecteur dans l'axe de l'écran qui lui fait face. L'ensemble des projecteurs est situé dans une cabine annulaire, entourant la salle, et un système de synchronisation contrôle leur fonctionnement simultané.

Le cinéma interactif

L'interactivité est un vieux rêve qui permettrait au public d'influer sur le déroulement de l'histoire qui lui est projetée. Plusieurs expériences ont déjà été réalisées sur support film et surtout en vidéo, où, à intervalles réguliers, des propositions de suites possibles de l'histoire sont soumises aux spectateurs. La projection du film reprend après la formulation du choix du public. Ainsi, à chaque séance, l'histoire diffère. Ce genre de performance est plus facilement réalisable avec des images vidéo numérisées et stockées sur un disque dur informatique, un CD-ROM ou un DVD-ROM.

— Tony GAUTHIER

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POUR CITER L’ARTICLE

Pierre BRARD, Jean COLLET, Michel FAVREAU, Michel BAPTISTE, Tony GAUTHIER, « CINÉMA (Aspects généraux) -

© Encyclopædia Universalis France 43 Les techniques du cinéma », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 05 décembre 2018. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/cinema-aspects-generaux-les-techniques-du-cinema/

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