NANTES DE

D'AUTEUR Comment gagner le prix Pritzker ? D'ARCHITECTURE Quel est le point commun entre Philip Johnson et Wang Shu ? En 1979 DROIT et en 2012, ils ont tous deux été récompensés par le plus prestigieux des prix Comment gagner le prix Pritzker ? d’architecture, le Prix Pritzker. Un jury constitué des plus grands noms de AU l’architecture et de la culture a décidé que leur œuvre entière avait apporté un regard sur les évolutions du milieu architectural depuis 1979 une contribution significative à l’humanité. Pourtant, tout oppose ces deux architectes. Il ne s’agit pas seulement d’une différence d’âge, de nationalité, de style architectural. Récompensant à 33 ans d’intervalles un architecte- stratège, véritable businessman de la culture, et un architecte-artisan, proche des traditions chinoises, le Pritzker semble être le plus imprévisible SOUMIS des prix. SUPERIEURE Quel architecte célèbre, arrivé au sommet de sa carrière, ne rêve pas de gagner le prix Pritzker ? C’est l’ultime consécration. Pour les autres — l’immense majorité des architectes —, le prix est une preuve de plus du fossé qui les sépare de ce que l’on appelle «star-system». Les 37 lauréats du Pritzker seraient les architectes les plus connus de leurs générations respectives. Gagner le prix Pritzker, c’est accéder à ce petit cercle de noms célèbres internationalement Comment gagner le prix Pritzker ? En répondant à cette question,DOCUMENT nous expli- querons la naissance du star-system et la mise en placeNATIONALE des mécanismes de sélec- tion d’une élite architecturale. Plus de 35 ans après sa création, nous avons le recul nécessaire pour porter, à travers ce prix, un regard critique sur l’évolution du milieu de l’architecture.

Rosalie Robert Rosalie Robert - sous la direction de Marie-Paule Halgand ECOLE NANTES DE

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ECOLE Sommaire

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Avant-propos p.1 Introduction p.3 Partie 1 : Le prix Pritzker Chapitre 1 : Un «prix Nobel de l’architecture» p.8 Chapitre 2 : Création et financement, la famille Pritzker D'AUTEUR p.10 Chapitre 3 : Les lauréats p.14 Chapitre 4 : Le jury p.20 Chapitre 5 : La cérémonie D'ARCHITECTURE DROIT p.32 Chapitre 6 : Tapis rouge AU p.39 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ? Chapitre 1 : Architecture et star-system p.42 Chapitre 2 : La publication de SOUMISl’architecture p.47 Chapitre 3 : Les écolesSUPERIEURE d’architecture p.64 Chapitre 4 : Concours internationaux et commandes prestigieuses p.73 Chapitre 5 : Expositions : promotion et autopromotion p.86

Partie 3 : l’architecture au risque du star-system Chapitre DOCUMENT1 : Comment gagner le prix Pritzker en 10 leçons p.98 NATIONALEChapitre 2 : «Qu’importe l’oeuvre»... p.100 Chapitre 3 : Pronostics p.102 Chapitre 4 : L’architecture au risque du star-system p.106 ECOLE Annexes Un entretien avec François Chaslin p.111 Grand Tableau des lauréats Table des illustrations p.132 Médiagraphie p.133 NANTES DE

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ECOLE 1 Avant-propos

NANTES DE Ce travail est basé sur une comparaison objective de ce que nous appellerons les « C.V. » des lauréats. Cette comparaison est retranscrite, pour une part, dans le tableau situé en annexe. Ce tableau ne peut pas prétendre à l’exhaustivité (hélas !), puisque chaque architecte ne laisse filtrer que ce qu’il veut de son travail, c’est d’ailleurs un sujet que nous aborderons. Dans la Partie 2, les graphiques associés à chaque architecte ont seulement valeur d’illustra- tion et ne sont en aucun cas des documents d’étude à part entière.D'AUTEUR Ces graphiques permettent de visualiser rapidement auquel des mécanismes abordés chaque architecte doit sa célébrité. Les dessins représentant les architectes sont tirés du Domus n°956. Les codes « PP 96 » ou « PP 00 » qui suiventD'ARCHITECTURE les nomsDROIT des lauréats sont des abréviations pour « prix Pritzker 1996 » ou « prix Pritzker 2000 ». AU

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ECOLE 3 Introduction

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« Honorer un architecte vivant, dont l’oeuvre construite démontre talent, innovation, engagement, et qui a apporté une contribution significative à l’humanité et à l’environnement construit par son architecture.»1

Quel est le point commun entre Philip Johnson et Wang Shu D'AUTEUR? En 1979 et en 2012, ils ont tous deux été récompensés par le plus prestigieux des prix d’architecture, le Prix Pritzker. Un jury constitué des plus grands noms de l’architecture et de la culture a décidé que leur œuvre entière avait apporté une contribution significativeD'ARCHITECTURE à l’humanité.DROIT Pourtant, tout oppose ces deux architectes. Il ne s’agit pas seulement d’une différence d’âge, de nationalité, de style architectural. Récompensant à 33 ans d’intervalles un architecte-AU stratège, véritable businessman de la culture, et un architecte-artisan, proche des traditions chinoises, le Pritzker semble être le plus imprévi- sible des prix.

Créé en 1979, le prix Pritzker SOUMISa pour ambition de récompenser chaque année un architecte pour l’ensemble de sa carrière.SUPERIEURE En tant que prix international, parmi les mieux dotés, ne représen- tant ni une nation, ni une vision spécifique de l’architecture, le prix Pritzker occupe une place de choix. Si chacun des architectes récompensés porte une vision du métier qui lui est propre, suit une tendance de l’architecture particulière, la liste complète des lauréats du Pritzker exprime la volonté du prix : refléter le monde de l’architecture depuis 1979, dans toute sa complexité. Pour cette raison, la valeur du prix est incontestée par les architectes du monde entier. Il retient chaque DOCUMENT annéeNATIONALE l’attention de toute la profession. Même le grand public n’y est pas indifférent. En un peu plus de 30 ans, le prix Pritzker est devenu la partie la plus visible du monde de l’architecture. Jurés triés sur le volet, cérémonies dans les endroits les plus prestigieux du monde, et lauréats au sommet de leur gloire, tout est conçu pour attirer les regards de tous, amateurs et experts réunis. ECOLE Quel architecte célèbre, arrivé au sommet de sa carrière, ne rêve pas de gagner le prix Pritz- ker ? C’est l’ultime consécration. Pour les autres — l’immense majorité des architectes —, le prix

1. «To honor a living architect whose built work demonstrates a combination of those qualities of talent, vision, and commitment, which has produced consistent and significant contributions to humanity and the built environment through the art of architecture.» Pritzker prize website 4 Introduction

est une preuve de plus du fossé qui les sépare de ce que l’on appelle star-system. Les 37 lauréats du Pritzker seraient les architectes les plus connus de leurs générations respectives. Gagner le prix Pritzker, c’est accéder à ce petit cercle de stars, de têtes d’affiche. Les architectes lauréats sont à la tête des agences les plus connues, les plus demandées du monde. Comment gagner le prix Pritzker ? Cette question est donc forcément liée à une réflexion sur le star-system en architecture et plus globalement, dans l’histoire de la culture.

1979, année de naissance du prix Pritzker, est la date à laquelle l’architecture bascule dans le star-system. C’est cette année-là que la Biennale d’architecture de Venise est créée à partir de la Biennale d’art. C’est aussi à ce moment que naissent les prestigieuses revues monographiquesNANTES El Croquis, dont la première publication paraitra en 1982. C’est en 1979 également queDE se tient au MoMA l’exposition « Transformations in Modern Architecture ». La pensée postmoderne est alors admise, la mondialisation s’amplifie, le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui est en train de naître. Le prix Pritzker et les 37 noms qu’il a récompensés depuis 1979 semblent être un symbole de cette transformation. Aujourd’hui, on dit que la Biennale de Venise « tourne en rond », que la publication d’architecture est à un moment clé. Plus de 30 ans après la mise en place des systèmes contemporains, nous avons le recul nécessaire à la critique.D'AUTEUR À l’heure du bilan, le moment semble idéal pour porter sur l’architecture un regard rétrospectif, au travers du prix Pritzker.

Comment gagner le prix Pritzker ? C’est à travers cetteD'ARCHITECTURE questionDROIT provocatrice que nous abor- derons le domaine de l’architecture de 1979 à nos jours, afin d’en dresser un portrait critique. Très simplement, en analysant les cursus et personnalitésAU des lauréats du prix, il nous sera pos- sible de comprendre certains mécanismes de l’architecture, et de déterminer la manière d’accé- der au star-system. Notre analyse ne portera pas sur la production proprement dite des lauréats, si ce n’est en termes statistiques. Il s’agira plutôt d’étudier les parcours, les CV, et les relations des architectes, afin de comprendre commentSOUMIS se diffuse et se vend l’architecture aujourd’hui. « Les stratégies, le marketing SUPERIEUREet la diffusion de produits culturels sont souvent plus intéressants que les contenus eux-mêmes » écrit avec cynisme Frédéric Martel.1 Ces stratégies seront notre axe d’étude.

Dans un premier temps, nous nous pencherons sur l’histoire et le fonctionnement du prix. Au travers de ces donnéesDOCUMENT propres au Pritzker, nous comprendrons certains jeux d’influence. Il s’agit doncNATIONALE tout d’abord de relever des facteurs internes au fonctionnement du prix, qui peuvent jouer en faveur de l’un ou l’autre des candidats. Nous aborderons les faits et rumeurs qui tournent autour du jury, de la famille Pritzker ou de la cérémonie. En second lieu, nous comparerons les curriculum vitae des lauréats. En y identifiant les points ECOLEcommuns, nous pourrons déterminer des facteurs, concrets et objectifs, qui permettent d’accéder à la célébrité, et au prix Pritzker. Nous traiterons donc, au travers de ces 37 exemples, de cer-

1. Frédéric Martel, Mainstream, enquête sur cette culture qui plait à tout le monde, Flammarion, mars 2010, p.19 Introduction 5

tains éléments symptomatiques du star-system en architecture. Enfin, dans une dernière partie, nous nous efforcerons d’apporter une conclusion à cette analyse sous la forme de pronostics pour l’année à venir. Selon les facteurs énoncés précédemment, nous expliquerons quels candidats peuvent prétendre au prix. D’autre part, ce sera l’occasion de porter un regard critique sur le star-system et le prix Pritzker, et de s’interroger sur leur avenir.

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ECOLE Partie 1 Le prix Pritzker

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CHAPITRE 1 Un «prix Nobel» de l’architecture

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Le prix Pritzker est un prix remis annuellement et récompensant la carrière d’un architecte, sa production construite et théorique. Il existe en architecture d’autres prix du même type : la médaille du RIBA et celle de l’AIA, le Praemium Imperiale remis chaque année par le Japon, d’une valeur de 15 million de yens (182 000 $), le prix Carlsberg, qui offrait tous les trois ans à un architecte 300 000 $. Malgré cette concurrence, le prixD'AUTEUR Pritzker, d’une valeur de 100 000 $ est reconnu par tous comme la plus grande récompense du monde de l’architecture. Il est appelé par la presse grand public « prix Nobel de l’architecture ». En effet, il y correspond dans son fonctionnement et ses ambitions, mais il bénéficieD'ARCHITECTURE surtoutDROIT du même prestige. Le prix Nobel fut créé en 1901 pour récompenser la physique, la littérature, la diplomatie, la médecine et la chimie. Il fut suivi au XXe siècle par d’autres récompensesAU dans tous les domaines, celui de la culture particulièrement. Le théâtre a ses Molières (1987), le sport ses Jeux olympiques, la littérature a le Goncourt (1903) et le Renaudot (1926), le cinéma sa Palme d’Or (1946), etc. Il en existe de nombreux autres, mais ces quelques prix bénéficient d’un intérêt particulier du public amateur. Ceux qui s’en trouvent récompensésSOUMIS sont des « stars », ils représentent presque à eux seuls le domaine de la culture SUPERIEUREaux yeux du grand public. L’évolution de l’architecture, du fait de sa récente mondialisation, est donc désormais assimilable à l’évolution du sport, de la mode, du cinéma. On y retrouve comme dans ces domaines la publicité, le vedettariat, les podiums, et les « gossip columns ».

Parmi tous les domainesDOCUMENT qui forment dorénavant l’industrie de la culture, le cinéma est celui que l’on seNATIONALE plait le plus à rapprocher de l’architecture. Comme les actrices depuis plus de 50 ans, les architectes sont aujourd’hui désignés comme « divas », « stars », « bancables », et peut être bientôt « has been ». L’évènement le plus glamour de l’année cinématographique, et l’un des plus attendus, est le Festival de Cannes. Cérémonie où défilent les plus grandes personnalités ECOLEdu milieu, lauréats sélectionnés sévèrement parmi l’élite, jury de célèbres experts, remise du prix solennelle et discours enflammés... À Cannes, le glamour de la cérémonie fait oublier le marché du film qu’elle représente, les négociations et contrats qui en sont le véritable enjeu. De son côté, que cache véritablement le prestige du prix Pritzker ? Chaque année, le choix fait par le jury à Cannes est sujet à tous les pronostics avant son annonce, puis analysé, critiqué ou applaudi. Quoi qu’il en soit, après toutes ces années de com- Chapitre 1 : Un «prix Nobel» de l’architecture 9

pétition, la Palme d’Or comme le prix Pritzker font autorité dans leur domaine, même si c’est pour être mieux contestés. En 1979, le Festival de Cannes connaissait son premier scandale. La présidente du jury, Françoise Sagan, accusait le directeur du Festival, Robert Favre Le Bret, d’avoir « manœuvré » afin de récompenser le film de Francis F. Coppola, Apocalypse Now, qui obtint la Palme d’Or. Amitiés des jurés, pressions de la direction, influence des médias, campagnes des producteurs, à l’annonce des lauréats, les rumeurs courent. Qu’en est-il du côté du Pritzker ?

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CHAPITRE 2 Création et financement : la famille Pritzker

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L’histoire du prix Pritzker commence avec la naissance d’une des familles les plus puissantes des États-Unis, la famille Pritzker. En 1881, un immigrant juif ukrai- nien, Nicholas Pritzker1, ouvrait à un cabinet de droit. Plus de 100 ans après, c’est son petit fils, Jay Pritzker qui fut à l’origine du prix. Il était depuis 1957 avec son frère Robert à la tête des hôtels , grâce auxquels la fortune familiale n’arrêtait pas deD'AUTEUR croitre. Leur intérêt pour l’architecture naquit en 1967 lorsqu’ils firent l’acquisition du futur Hyatt Regency à Atlanta. Ce bâtiment dessiné par l’architecte John Portman devint, avec son atrium élancé, iconique des hôtels Hyatt. En vendant cette image d’innovation architecturale,D'ARCHITECTUREDROIT ils furent les premiers à utili- ser l’architecture pour leur publicité. La belle architecture pouvait pour eux devenir un moyen d’attirer le client. En 1978, Jay et sa compagne Cindy eurentAU l’idée de créer et de financer une récompense. Leur fortune, ainsi que la traditionnelle générosité de leur famille permirent au prix Pritzker d’être bien doté, et bientôt extrêmement connu.

Après la mort de Jay en 1999, c’est sonSOUMIS fils Thomas Pritzker, qui prit la direction de la Fonda- tion Pritzker et du prix. Il est égalementSUPERIEURE l’actuel directeur de la chaîne Hyatt. La famille Pritzker est, depuis Jay et aujourd’hui encore, une des familles les plus riches des États-Unis. Thomas est classé par Forbes « #410 Billionaire »2. Sa cousine, , est la 8e personne la plus puissante de Chicago3. En 2011, Forbes la classait 263e personne la plus riche des États-Unis.4 Elle fut présidente du comité de financement de Obama, avant de devenir membre du Barack DOCUMENTObama’s Economic Recovery Advisory Board, constitué par le président pour le conseillerNATIONALE sur le plan économique 5. En 1991, Penny Pritzker fondait lePritzker Realty Group, groupe d’investissement en immobilier. Son vice-président, Martin Nesbitt, est un ami proche de Barack Obama, et lie la famille Pritzker au chef d’état. Les Pritzker sont présents dans la plupart des grandes institutions américaines, ainsi qu’au ECOLE

1. http://www.britannica.com/EBchecked/topic/477277/Pritzker-family 2. http://www.forbes.com/billionaires/ 3. chicagomag.com 4. «The 400 Richest Americans: #263 Penny Pritzker». Forbes. September, 2011. Retrieved 2011-10-23. « Net worth: $1.7 billion » 5. http://www.whitehouse.gov/administration/eop/perab/members/pritzker Chapitre 1 : Un «prix Nobel» de l’architecture 11

sein de diverses Académies et universités de la côte est. Leur influence politique est visible au travers de leur implication dans les différentes campagnes politiques. Ainsi, soutenant tour à tour les partis démocrates et républicains, les Pritzker ont financé de nombreuses campagnes depuis 2000, dont celles de George W. Bush, John McCain (2000), Al Gore, John Kerry et Hillary Clin- ton1. En 2004, les Pritzker ont financé la campagne d’Obama pour le sénat américain, puis la campagne présidentielle de l’actuel président des États-Unis. 15 milliards de dollars, c’est le montant estimé de la fortune constituée par Jay et Robert au siècle dernier, que s’arrachent aujourd’hui leurs descendants. En 2005, la famille connut un scan- dale financier qui conduisit à la division de la fortune familiale en 11 parties. La famille Pritzker devint alors la plus représentée du classement Forbes, avec 10 Pritzker parmi les 400NANTES personnes les plus riches des États-Unis2. DE La fortune des Pritzker grandit sans cesse, et leur pouvoir s’étend. En se montrant généreux envers diverses organisations et institutions, ils assoient leur influence. On parle des « bonnes œuvres de la famille Pritzker », leurs dons se font dans tous les domaines : la santé, l’éducation, l’art et les zoos. Cette implication dans la recherche et la culture aux États-Unis, ainsi que leur présence dans la vie politique, donne à la famille Pritzker une importance considérable. Il est alors difficile d’analyser le prix Pritzker sans effleurer les D'AUTEURenjeux politiques et financiers qu’il porte. La position de la famille qui le finance et le dirige, ainsi que les ambitions interna- tionales du prix, donne à chaque nouvelle nomination une résonnance particulière. Ainsi cette année, le jury ayant récompensé à la surprise générale Wang Shu, un architecte chinois peu connu, la portée politique du prix semble pour D'ARCHITECTUREcertainsDROIT plus évidente que jamais. « Le lecteur sera pardonné s’il oublie momentanément qui est le lauréat du prix : la Chine ou Wang Shu, et de fait, qui représente qui. […]AU Pour certains chinois, au moins, la question est moins de savoir comment le travail est jugé mais plutôt s’il est jugé - c’est-à-dire, si une récompense comme le Pritzker ne représente rien de plus qu’une réprimande politique voilée ou une directive déguisée de l’occident » 3 rapportait The New Yorker. Les Pritzker ne peuvent ignorer la Chine, dorénavant « premier marché au mondeSOUMIS du secteur de la construction » 4 . Ainsi, la position impor- tante des Pritzker aux États-UnisSUPERIEURE transforme, aux yeux du monde, le choix du jury en un symbole de la décision « occidentale ». Il s’agit d’un des premiers motifs de critique du prix. Mais c’est par ailleurs ce qui permet au Pritzker d’être suivi avec attention par les architectes et les amateurs du monde entier.

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1. http://www.nndb.com/people/447/000122081/ 2. http://www.vanityfair.com/fame/features/2003/05/andrews200305 ECOLE 3. «The reader will be forgiven for momentarily forgetting who the prize-winner is: or Wang Shu, and indeed, who will be representing whom. [...] For some Chinese at least, the question is less how the work is being judged but rather if it is being judged at all—that is, if a reward like the Pritzker represents nothing more than a veiled political reprimand or dressed-up directive from the West» Jiayang Fan, «Prickly Pritzker: China’s Newly Crowned Architect», The New Yorker, 29 février 2012 4. Claude Lely, « Wang Shu, premier Chinois à gagner le “Nobel” d’architecture », Rue 89, 4 mars 2012 12 Partie 1 : Le prix Pritzker

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fig.1 : Penny Pritzker et Oba- ma au PresidentDOCUMENT Economic recoveryNATIONALE Advisory Board fig. 2 : cérémonie du Pritzker 1998, le President et Mme Clinton, Cindy et Jay Pritz- ker, et Mme Piano et Renzo ECOLEPiano fig. 3 : Barack Obama et Marty Nesbitt, vice président du Pritzker Realty Group fig. 4 : Thomas Pritzker, Mi- chael Moskow, ancien pré- sident et CEO de la Federal Reserve Bank de Chicago; et Gordon Segal. Chapitre 2 : La famille Pritzker 13

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fig.5 et fig.6 : hôtel Hyatt Regency à Atlanta, vue du célèbre atrium fig.7 : la médaille du prix Pritzker DOCUMENT NATIONALE

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Chapitre 3 Les lauréats

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Lors de la création du prix Pritzker, la procédure et la récompense furent copiées sur le prix Nobel, qui était déjà à l’époque le prix le plus attendu. Celui-ci fut créé en 1901, et récompense depuis chaque année les personnes « ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité »1, selon le vœu fait par Alfred Nobel dans son testament. Contrairement à d’autres prix, le Nobel n’a pas vocation à encourager une carrière naissanteD'AUTEUR ou une œuvre précise, mais bien à récompenser l’aboutissement d’une vie de travail. C’est également l’objectif du prix Pritzker. D'ARCHITECTUREDROIT Le lauréat choisi par le jury est annoncé chaque année au printemps, quelques semaines avant la cérémonie de remise du prix. Mais les réunions de délibérationsAU ont lieu dès le mois de janvier. Il s’agit pour le jury de choisir parmi les noms qui lui sont proposés. « On attribue le prix sans tenir compte de la nationalité, de la race, des valeurs, ou de l’idéologie. Les nominations sont acceptées internationalement de personnes issues de domaines divers ayant une connaissance et un intérêt dans l’évolutionSOUMIS de la grande architecture. »2 Certaines personnes sont sollicitéesSUPERIEURE pour proposer des candidats au Pritzker : les lauréats des années précédentes, les historiens de l’architecture, les critiques, les politiciens, et plus généra- lement tous les professionnels impliqués dans les domaines de l’architecture ou de la culture. Mais, tout architecte diplômé peut aussi proposer un candidat à la directrice du prix Pritzker, en lui envoyant simplement un e-mail ([email protected]). Les propositions sont acceptées jusqu’au DOCUMENT1er novembre de chaque année. Les nominations qui n’aboutissent pas à une récompenseNATIONALE (toutes sauf une, donc) sont automatiquement reportées à l’année suivante, et ainsi de suite.

À propos des candidatures, une anecdote amusante sur les débuts du prix fut rapportée par ECOLEBill Lacy, longtemps secrétaire du jury :

1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Nobel 2. «The prize is awarded irrespective of nationality, race, creed, or ideology. Nominations are accepted internationally from persons from diverse fields who have a knowledge of and interest in advancing great architecture» Pritzker Prize website Chapitre 3 : Les lauréats 15

«La preuve que n’importe quelle personne peut postuler est apparue en 1989 quand je reçus un appel d’une personne anonyme : — Comment puis je proposer quelqu’un pour le prix Pritzker ? demanda-t-il. — Donnez-moi son nom, dis-je. — C’est tout ? On ne doit pas remplir de formulaires, fournir une liste de réalisations, un portfolio et des lettres de recommandations ? Il ne faut pas être recommandé ? demanda-t-il incrédule. — Non, donnez-moi juste son nom, et je ferais le reste, dis-je. Si la personne est éligible, je rassemblerai le matériel et le présenterai au jury pour délibération. Une pause. NANTES — Alors, j’aimerais me proposer. — Et votre nom, monsieur ? demandais-je. DE — Je m’appelle Gordon Bunshaft, répondit-t-il. — Merci M. Bunshaft. Ce fut l’année où Gordon Bunshaft gagna le prix, qu’il partagea avec Oscar Niemeyer.1 »

Chaque année, des centaines de concurrents sont dans la course pour le célèbre prix. Et l’enjeu est de taille, puisque le lauréat remporte, en plus de la gloireD'AUTEUR qui accompagne cette ultime consécration, une récompense de 100 000 $(US). Depuis 1979 on remet lors de la cérémonie un objet symbolique. Les premières années, le lauréat recevait une statue réalisée par Henri Moore, un sculpteur anglais qui représentait alors l’avant-garde. Depuis 1987, on remet chaque année une médaille de bronze au bout d’un cordon rouge.D'ARCHITECTURE LeDROIT motif qui y est gravé est issu d’un dessin de Louis Sullivan, maître de l’École de Chicago au XIXe siècle. Le choix de cet architecte n’est pas anodin. Il montre d’une part les liens anciens AUde la famille Pritzker avec la ville de Chicago, et leur fierté d’en être originaires. D’autre part, Louis Sullivan est considéré comme un des inven- teurs du gratte-ciel, et Chicago comme la ville où naquit la modernité en architecture. Le motif présent sur la médaille est donc reconnaissable et évocateur, il est présent sur les immeubles construits par Sullivan. Ce symboleSOUMIS est entouré de l’inscription “Firmitas, Utilitas, Venustas”2, les trois célèbres principesSUPERIEURE de Vitruve, qui renvoient à un autre maître de l’architecture. Sullivan et Vitruve représentent l’idéal du Pritzker, puisque tous deux ont marqué leur époque, par une œuvre construite ou théorique qui a révolutionné l’architecture.

Il s’agit donc pour les Pritzker d’utiliser des symboles neutres et incontestables de la grande architecture,DOCUMENT afin de s’imposer comme un prix intemporel. La liste des lauréats indique cepen- dantNATIONALE que le Pritzker obéit aux tendances et aux mouvements de la profession.

De 1979 à 2012, le prix Pritzker a été remis 34 fois, à 37 architectes différents. Les lauréats proviennent de 19 pays différents, et expriment 37 conceptions différentes de l’architecture. Il ECOLEest cependant possible de reconnaitre en eux l’expression de 4 ou 5 tendances marquantes des dernières décennies. Nous ne parlerons ni de style, ni d’idées, mais bien de tendances, par analo- gie avec la mode. Les tendances répertoriées ci-dessous sont issues de sources de type “amateur

1. Colin Amery, The Pritzker Architecture Prize: The first twenty years, Harry N. Abrams, 1999 2. trad. : « Solide, Commode et Beau » 16 Partie 1 : Le prix Pritzker

éclairé” (Wikipedia, presse générale), puisque les publications spécialisées rechignent à catégori- ser si franchement les architectes.

Philip Johnson américain modernisme puis postmodernisme Luis Barragan mexicain modernisme James Stirling britannique “new brutalism”, postmodernisme Kevin Roche irlandais modernisme 2e génération Ieoh Ming Pei chinois-américain modernisme 2e génération Richard Meier américain minimalisme, “néo-corbusianisme” Hans Hollein autrichien postmodernisme NANTES Gottfried Bohm allemand expressionnisme DE Kenzo Tange japonais modernisme, métabolisme, high-tech Gordon Bunshaft américain modernisme Oscar Niemeyer brésilien modernisme américain postmodernisme, déconstructivisme Aldo Rossi italien nouveau rationalisme, postmodernisme Robert Venturi américain postmodernisme D'AUTEUR Alvaro Siza portugais modernisme, “régionalisme critique” Fumihiko Maki japonais modernisme, métabolisme Christian de Portzamparc français «hyperfonctionnalisme», postmodernisme Tadao Ando japonais modernisme,D'ARCHITECTUREDROIT « régionalisme critique » Rafael Moneo espagnol modernisme, postmodernisme Sverre Fehn norvégien modernismeAU scandinave Renzo Piano italien high-tech, architecture écologique Norman Foster britannique high-tech Rem Koolhaas néerlandais postmodernisme, déconstructivisme J. Herzog & P. de Meuron suissesSOUMIS minimalisme Glenn Murcutt SUPERIEUREaustralien modernisme, architecture écologique Jorn Utzøn danois modernisme Zaha Hadid irakienne déconstructivisme Thom Mayne américain déconstructivisme Paulo Mendes da Rocha brésilien brutalisme, modernisme brésilien Richard Rogers DOCUMENT britannique high-tech, architecture écologique Jean NouvelNATIONALE français postmodernisme, high-tech Peter Zumthor suisse « régionalisme critique » K. Seijima & R. Nishizawa japonais minimalisme Eduardo Souto de Moura portugais modernisme, « régionalisme critique » ECOLEWang Shu chinois « régionalisme critique »

Le classement de chacun de ces architectes est extrêmement difficile, car tous ont connu un parcours riche et sinueux. Certains ont une œuvre tellement complexe qu’on peut les assimiler à 2 ou 3 tendances différentes, d’autres ont un style tellement particulier qu’ils ne sont en fait Chapitre 3 : Les lauréats 17

apparentés à aucune tendance. Il n’y a donc que peu d’intérêt à les trier ainsi, si ce n’est pour avoir un aperçu de la grande diversité des courants et styles récompensés. Cependant, on remarque en survolant cette liste que certaines tendances disparaissent, comme le modernisme, alors que d’autres apparaissent, comme le déconstructivisme et l’architecture « high-tech ». Ces évolutions correspondent plus ou moins à celles du monde de l’architecture. Ainsi, dans l’ensemble, les lau- réats choisis sont en accord, à quelques années près, avec les tendances de leur époque.

À la lecture de la liste des lauréats, la particularité du prix Pritzker est son éclectisme. D’autres prix, au contraire, cherchent à récompenser une vision spécifique de l’architecture. Ainsi, le Ri- chard H. Driehaus Prize for Classical Architecture, créé en 2003, récompense chaqueNANTES année un architecte vivant dont l’œuvre représente une contribution majeure à l’architectureDE classique. Léon Krier en 2003, Andrés Duany en 2008, et Robert A. M. Stern en 2011 ont reçu ce prix, ainsi que les 200 000 $ de récompense. Le prix Driehaus a pour objectif de promouvoir et d’encou- rager le retour à l’architecture classique, et ne récompense que les architectes qui vont dans ce sens. Un autre, le prix Carlsberg récompensait de 300 000 $, tous les 3 ans, un architecte pour sa carrière. François Chaslin, qui fut membre du jury, témoigne : «notre point de vue a été de récompenser des architectes de notoriété moindre que les Pritzker,D'AUTEUR donc plus jeunes, et dont on pensait qu’ils incarnaient quelque chose sur le plan de l’éthique architecturale. À l’époque, cela correspondait dans notre esprit, à ce que Frampton avait appelé le “régionalisme critique” : des gens qui ne sont pas mondialisés, qui travaillent dans leur région, et qui font des choses sublimes.1» Le prix récompensa alors Tadao Ando, Juha Leiviskä,D'ARCHITECTURE puisDROIT Peter Zumthor en 1998.

Le prix Pritzker lui, ne se veut ni le témoin d’unAU style, ni le porteur d’une éthique. Il a pour seule ambition de récompenser l’architecture contemporaine, dans sa globalité. 37 architectes ont été lauréats, et tous portent une vision de l’architecture qui leur est propre. On aperçoit ici l’une des particularités du prix Pritzker : chaque année, le lauréat est une figure au moins représentative, au mieux emblématique,SOUMIS de son époque. En 34 années, le prix s’est donc imposé comme un témoin des tendancesSUPERIEURE et des mouvements qui agitent le monde de l’architecture. Avec ses décalages, ses écarts de route également, le prix est dans sa globalité un reflet intéressant des dernières décennies.

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

1. cf. annexe : Un entretien avec F.Chaslin 18 Partie 1 : Le prix Pritzker

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

fig.8 :Glass House, Philip Johnson, 1949 fig. 9 : Bergisel Ski jump, Zaha Hadid, 2002 fig. 10 : Xiangshan Campus, Wang Shu, 2004 Chapitre 3 : Les lauréats 19

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE fig.11 : Inmos microproces- sor factory, Richard Rogers, 1982 fig. 12 : La Nuova Piazza, Perugia, Aldo Rossi, 1986 fig. 13 : Zollverein School, SANAA, 2006 20

Chapitre 4 Le jury

NANTES DE

Le jury est constitué chaque année de 5 à 9 personnes, invitées par la famille Pritzker1. « Les membres du jury sont des professionnels reconnus dans leurs propres domaines, architecture, affaires, éducation, publication, et culture. » 2 D'AUTEUR On trouve parmi ces experts des historiens, des critiques, des directeurs de galeries, des prési- dents de multinationales, des rédacteurs de revues, mais également quelques architectes. À ces jurés est ajouté un « directeur exécutif »3, anciennementD'ARCHITECTUREDROIT appelé « secrétaire du jury »4, chargé de guider le jury et d’assurer le lien avec la famille Pritzker. Ce membre n’a pas droit de vote. Au sein du jury, on distingue aussi un « président duAU jury »5 et parfois un « consultant »6. Les jurés se réunissent trois fois par an. Une première fois pour un voyage à travers le monde pour visiter les œuvres architecturales concernées, puis pour deux réunions de délibération.7 Le jury est également présent lors de la cérémonie de remise du prix, et un de ses membres prononce alors un discours sur le lauréat. SOUMIS Les jurés siègent la plupartSUPERIEURE du temps au moins trois ans, afin d’assurer une transition en dou- ceur entre deux jurys. On ne peut ainsi pas prétexter un changement brutal de jury pour expliquer les différences dans les choix d’une année à l’autre. Il existe cependant au sein de chaque jury, un ou des membres plus influents, qui seraient susceptibles d’orienter les discussions. 7 architectes lauréats du prix ont été également membres du jury. Certains, comme Johnson ou Roche, le furentDOCUMENT l’année qui suivit leur prix. Un autre, Maki, fut juré avant de recevoir à son tour le prixNATIONALE Pritzker. Enfin, Gehry, Piano, Murcutt et Hadid furent admis au sein du jury bien

1. «Interview with Martha Thorne, Executive Director of the Pritzker Architecture Prize», Condi- tions, 23 aout 2010 ECOLE2. «The jury members are recognized professionals in their own fields of architecture, business, education, publishing, and culture » Pritzker Prize website 3. «executive director» 4. «secretary to the jury» 5. «chairman» 6. «consultant to the jury» 7. http://www.nytimes.com/2011/10/06/arts/design/stephen-breyer-pritzker-prize-jury-architec- ture.html?pagewanted=all Chapitre 4 : Le jury 21

après avoir été lauréats du prix. Le cas de Frank Gehry est particulièrement intéressant. Il fut en effet récompensé en 1989, alors qu’il avait peu construit et qu’il commençait à peine à être connu. C’est une dizaine d’années plus tard que sa célébrité a atteint des sommets. Le musée Guggenheim à Bilbao, ouvert en 1997, est l’œuvre qui le fit connaitre du grand public internatio- nal. Il était donc un des architectes les plus célèbres au monde, lorsqu’en 2003, il devint juré du prix Pritzker. Au sein des jurys successifs de ces années-là, Frank Gehry était LA star. Aurait-il été récompensé trop tôt ? Sa nomination en tant que juré venait alors comme une deuxième consécration. Comme le prouve l’exemple de Gehry, et comme le confirment Piano, Murcutt puis Hadid, depuis quelques années, l’architecte lauréat maintenu au sein du jury offre une légitimité au prix Pritzker. En effet, ces personnalités, déjà récompensées et toujours au centreNANTES du monde architectural, sont des preuves vivantes de l’importance du prix. Leurs exemplesDE accréditent le « bon choix » qui a été et va être fait. Il s’agit, pour le prix Pritzker, de la meilleure des publicités. On peut s’interroger sur la pérennité d’un système en circuit fermé, dont les nouveaux jurés sont les anciens lauréats. 8 ans de participation au jury pour Roche, 6 ans pour Gehry en deux périodes, 6 ans également pour Johnson. Et ces stars ne passèrent pas inaperçues. Ce sont eux bien sûr qui représentent la profession au sein du jury. Et le reste des jurés ne peut rester indifférentD'AUTEUR aux tendances de l’archi- tecture que ceux-ci représentent. On pourrait ainsi voir dans la liste des lauréats et des jurés qui les ont choisis comme des périodes d’influences. Ainsi, sous Johnson, pionnier du mouvement moderne américain, le jury rendait hommage aux derniers des modernistes (Barragan, Pei, Meier ou Roche en héritier de Saarinen). Sous Gehry,D'ARCHITECTURE championDROIT des prouesses techniques, le jury ré- compensait dans les années 2000 la branche high-tech avec Hadid, Mayne, Rogers. Mais les jeux de tendances architecturales peuvent exprimer uneAU influence des jurés, comme elles peuvent être la simple expression d’un style contemporain, indépendant du jury.

Ces jurés-lauréats ne sont qu’une infime partie des grands noms qui forment la liste des jurés depuis 1979. En 34 années, milliardairesSOUMIS et intellectuels, entrepreneurs et historiens se sont croi- sés au sein du jury. TousSUPERIEURE ces personnages, issus de milieux et de pays différents, sont officielle- ment liés par un goût pour l’architecture. Leurs autres caractères communs sont leur fortune et leurs relations. On pouvait donc trouver au sein d’un même jury un architecte coéquipier de tennis de Jay Pritzker et un industriel propriétaire de la Juventus de Turin. Il est intéressant de se pencher sur leurs cursus hors du commun, afin de deviner ce qui les a menés au sein du jury, ainsi que la manièreDOCUMENT dont ils ont influencé ses choix. NATIONALE

ECOLE 22 Partie 1 : Le prix Pritzker

emplacement de la année lauréat nationalité jury cérémonie

Dumbarton Oaks, Washington, J. Carter Brown (président), Lord Clark of 1800 - Museum for Pre- Saltwood, J. Irwin Miller, Cesar Pelli, Philip Johnson américain 1979 Colombian Art, Philip Johnson , Carleton Smith (secrétaire), Arthur 1963 Drexler (consultant)

Dumbarton Oaks, Washington, J. Carter Brown (président), Lord Clark of 1800 - Museum for Pre- Saltwood, Arata Isozaki, Philip Johnson, Luis Barragan mexicain NANTES 1980 Colombian Art, Philip Johnson , J. Irwin Miller, Cesar Pelli, Carleton Smith 1963 (secrétaire), ArthurDE Drexler (consultant)

J. Carter Brown (président), Lord Clark of National Building Museum, Saltwood, Arata Isozaki, Philip Johnson, James Stirling anglais Washington, Gen. Montgomery 1981 J. Irwin Miller, Cesar Pelli, Carleton Smith C. Meigs , 1887 (secrétaire), Arthur Drexler (consultant)

Art Institute J. Carter Brown (président), Lord Clark of Chicago, Shepley, Rutan and D'AUTEUR Saltwood, Arata Isozaki, Philip Johnson, irlandais Coolidge , 1893 - Howard Van Kevin Roche J. Irwin Miller, Cesar Pelli, Thomas J. 1982 Doren Shaw , S.O.M ., Tom américain Watson, Jr., Carleton Smith (secrétaire), Beeby , C.F. Murphy , Dan Kiley , Arthur Drexler (consultant) RenzoD'ARCHITECTURE Piano DROIT The Metropolitan Museum of Art, J. Carter Brown (président), Arata New York, Calvert Vaux et Isozaki, Philip Johnson, J. Irwin Miller, chinois AU 1983 Ieoh Ming Pei Jacob Wrey Mould , 1873 - Kevin Roche, Thomas J. Watson, Jr., américain McKim, Mead et White , 1913 - Carleton Smith (secrétaire), Arthur Roche, Dinkeloo & Ass. , 1971 Drexler (consultant)

J. Carter Brown (président), Giovanni SOUMISThe National Gallery of Art, Agnelli, Arata Isozaki, Philip Johnson, 1984 Richard Meier américainSUPERIEUREWashington, John Russell Pop e, J.Irwin Miller, Kevin Roche, Thomas J. 1941 - Ieoh Ming Pei , 1978 Watson, Jr., Carleton Smith (secrétaire), Arthur Drexler (consultant)

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Philip Johnson, Ricardo Bibliothèque Huntington Legorreta, Fumihiko Maki, J. Irwin Miller, Hans Hollein autrichien San Marino, États-Unis, Myron 1985 Kevin Roche, Thomas J. Watson, Jr., DOCUMENT Hunt and Elmer Grey , 1911 NATIONALE Brendan Gill (secrétaire), Arthur Drexler (consultant)

J. Carter Brown (président), Giovanni Worshipful Company of Agnelli, Ricardo Legorreta, Fumihiko Goldsmiths Gottfried Bohm allemand Maki, Kevin Roche, Thomas J. Watson, 1986 Londres, Royaume-Uni, Philip ECOLE Jr., Brendan Gill (secrétaire), Arthur Hardwick , 1820 Drexler (consultant)

J. Carter Brown (président), Giovanni Kimbell Art Museum Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo 1987 Kenzo Tange japonais Fort Worth, États-Unis, Louis Legorreta, Fumihiko Maki, Kevin Roche, Kahn , 1972 Jacob Rothschild, Brendan Gill (secrétaire), Stuart Wrede (consultant) Chapitre 4 : Le jury 23

emplacement de la année lauréat nationalité jury cérémonie Art Institute J. Carter Brown (président), Giovanni Chicago, Shepley, Rutan and Gordon Bunshaft Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo américain / Coolidge , 1893 - Howard Van / Oscar Legorreta, Fumihiko Maki, Kevin Roche, 1988 Doren Shaw , S.O.M ., Tom brésilien Jacob Rothschild, Bill Lacy (secrétaire), Niemeyer Beeby , C.F. Murphy , Dan Kiley , Stuart Wrede (consultant) Renzo Piano

J. Carter Brown (président), Giovanni canadien Tōdai-ji Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo Frank Gehry NANTES 1989 américain Nara, Japon, 752 Legorreta, Kevin Roche, Jacob Rothschild, DEBill Lacy (secrétaire)

J. Carter Brown (président), Giovanni Palazzo Grassi, Venise,Giorgio Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo Aldo Rossi italien 1990 Massari , 1740 Legorreta, Kevin Roche, Jacob Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

D'AUTEURJ. Carter Brown (président), Giovanni Palacio de Iturbide, Mexico City, Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo 1991 Robert Venturi américain Francisco Guerrero y Torres , Legorreta, Toshio Nakamura, Kevin 1785 Roche, Lord Rothschild, Bill Lacy D'ARCHITECTUREDROIT (secrétaire)

J. Carter Brown (président), Giovanni Harold WashingtonAU Library Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo Alvaro Siza portugais Chicago, États-Unis, Hammond, 1992 Legorreta, Toshio Nakamura, Lord Beeby and Babka , 1991 Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

J. Carter Brown (président), Giovanni SOUMIS Château de Prague Agnelli, Charles Correa, Ada Louise 1993 Fumihiko Maki japonaisSUPERIEUREPrague, République tchèque, Huxtable, Ricardo Legorreta, Toshio 885 Nakamura, Lord Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

J. Carter Brown (président), Giovanni Commons Center Christian de Agnelli, Charles Correa, Frank Gehry, français Colombus, États-Unis, Cesar 1994 Portzamparc Ada Louise Huxtable, Toshio Nakamura, DOCUMENT Pelli , 1973 NATIONALE Lord Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

J. Carter Brown (président), Giovanni Château de Versailles Agnelli, Charles Correa, Frank Gehry, 1995 Tadao Ando japonais ECOLE Versailles, , 1682 Ada Louise Huxtable, Toshio Nakamura, Lord Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

J. Carter Brown (président), Giovanni Getty Center Agnelli, Charles Correa, Ada Louise 1996 Rafael Moneo espagnol Los Angeles, États-Unis, Huxtable, Toshio Nakamura, Jorge Richard Meier , 1997 Silvetti, Lord Rothschild (membre émérite), Bill Lacy (secrétaire) 24 Partie 1 : Le prix Pritzker

emplacement de la année lauréat nationalité jury cérémonie

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Charles Correa, Ada Louise Musée Guggenheim, Bilbao, Sverre Fehn norvégien Huxtable, Toshio Nakamura, Jorge 1997 F.Gehry , 1997 Silvetti, Lord Rothschild (membre émérite), Bill Lacy (secrétaire)

J. Carter Brown (président), Giovanni Maison Blanche Agnelli, Charles Correa, Ada Louise 1998 Renzo Piano italien Washington, États-Unis, James Huxtable, Toshio Nakamura,NANTES Jorge Hoban , 1800 Silvetti, Lord Rothschild (membre émérite), Bill DELacy (secrétaire)

J. Carter Brown (président), Giovanni Altes Museum Agnelli, Ada Louise Huxtable, Toshio Norman Foster anglais Berlin, Allemagne, Karl Friedrich 1999 Nakamura, Jorge Silvetti, Lord Schinkel , 1828 Rothschild, Bill Lacy (directeur exécutif) D'AUTEUR J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Jorge Rem Koolhaas néerlandais Site archéologique de Jerusalem 2000 Silvetti, Lord Rothschild, Bill Lacy (secrétaire) D'ARCHITECTUREDROIT

Jacques Herzog AU J. Carter Brown (président), Giovanni Monticello, Charlottesville, Agnelli, Ada Louise Huxtable, Carlos & Pierre de suisse 2001 Thomas Jefferson , 1772 Jimenez, Jorge Silvetti, Lord Rothschild, Meuron Bill Lacy (directeur exécutif)

SOUMIS J. Carter Brown (président), Giovanni Le Capitole, Rome, Michel Ange , Agnelli, Ada Louise Huxtable, Carlos Glenn Murcutt australienSUPERIEURE 2002 1538 Jimenez, Jorge Silvetti, Lord Rothschild, Bill Lacy (directeur exécutif)

Académie royale des beaux-arts Lord Rothschild (président), Giovanni de San Fernando Agnelli, Frank Gehry, Ada Louise 2003 Jorn Utzon danois DOCUMENT Madrid, Espagne, 1752- Huxtable, Carlos Jimenez, Jorge Silvetti, NATIONALE Fernando Chueca Goitia , 1972 Bill Lacy (directeur exécutif)

Le Musée National de Lord Rothschild (président), Rolf irakienne l'Hermitage, Saint-Pétersbourg, Fehlbaum, Frank Gehry, Ada Louise 2004 Zaha Hadid ECOLE américaine Francesco Bartolomeo Rastrelli , Huxtable, Carlos Jimenez, Jorge Silvetti, 1754 Karen Stein, Bill Lacy (directeur exécutif)

Lord Palumbo (président), Balkrishna Pavillon Jay Pritzker Vithaldas Doshi, Rolf Fehlbaum, Frank 2005 Thom Mayne américain Chicago, États-Unis, Frank Gehry, Ada Louise Huxtable, Carlos Gehry , 2004 Jimenez, Victoria Newhouse, Karen Stein, Bill Lacy (directeur exécutif) Chapitre 4 : Le jury 25

emplacement de la année lauréat nationalité jury cérémonie

Lord Palumbo (président), Balkrishna Palais de Dolmabahçe Vithaldas Doshi, Rolf Fehlbaum, Frank Paulo Mendes 2006 brésilien Istanbul, Turquie, Garabet Amira Gehry, Carlos Jimenez, Victoria da Rocha Balyan , 1853 Newhouse, Karen Stein, Martha Thorne (directeur exécutif)

Lord Palumbo (président), Balkrishna Vithaldas Doshi, Rolf Fehlbaum, Carlos The Banqueting House, Londres, Jimenez, Victoria Newhouse, Karen Richard Rogers anglais NANTES 2007 Inigo Jones , 1619 Stein, Toshiko Mori , Renzo Piano, Shigeru Ban, MarthaDE Thorne (directeur exécutif)

Lord Palumbo (président) Shigeru Ban, Rolf Fehlbaum, Carlos Bibliothèque du Congrès Jean Nouvel français Jimenez, Victoria Newhouse, Renzo 2008 Washington, États-Unis Piano, Karen Stein, Martha Thorne (directeur exécutif)

D'AUTEURLord Palumbo (président), Alejandro Legislative Palace of the City of Aravena, Shigeru Ban, Rolf Fehlbaum, 2009 Peter Zumthor suisse Buenos Aires, Héctor Ayerza , Carlos Jimenez, Juhani Pallasmaa, 1930 Renzo Piano, Karen Stein, Martha D'ARCHITECTUREDROIT Thorne (directeur exécutif) Lord Palumbo (président), Alejandro Kazuyo Seijima AU Aravena, Shigeru Ban, Rolf Fehlbaum, Ellis Island, New York, Boring & Ryue japonais Carlos Jimenez, Juhani Pallasmaa, 2010 and Tilton , 1900 Nishizawa Renzo Piano, Karen Stein, Martha Thorne (directeur exécutif)

Lord Palumbo (président), Alejandro SOUMISAndrew W. Mellon Auditorium, Eduardo Souto Aravena, Carlos Jimenez, Glenn Murcutt, portugaisSUPERIEUREWashington D.C., États-Unis, 2011 Juhani Pallasmaa, Renzo Piano, Karen de Moura Arthur Brown, Jr , 1935 Stein, Martha Thorne (directeur exécutif)

Lord Palumbo (président), Alejandro Aravena, Stephen Breyer, Yung Ho Great Hall of the People, Pékin, Wang Shu chinois Chang, Zaha Hadid, Glenn Murcutt, 2012 Chine, Zhang Bo , 1959 DOCUMENT Juhani Pallasmaa, Karen Stein, Martha NATIONALE Thorne (directeur exécutif)

ECOLE 26 Partie 1 : Le prix Pritzker

Les membres fondateurs, présents en 1979, manifestèrent de la volonté première du prix : placer l’architecture dans le débat populaire. John Carter Brown III1 (1979-2002)2 fut membre du jury dés les débuts du prix, et le resta jusqu’à sa mort en 2002. Issu d’une des familles les plus riches de la côte est des États-Unis, Brown est surtout connu pour avoir été directeur de la National Gallery of Art de 1969 à 1992, et pour y avoir attiré les foules. C’est sous sa direction que la galerie a gagné sa popularité. Cela sans doute grâce aux expositions « blockbuster » qu’il a organisées durant 23 ans, mais plus sûrement grâce à ses connaissances parmi les politiques de Washington et dans la haute société new-yorkaise. En 1964, il avait supervisé les travaux du nou- veau bâtiment de la National Gallery conçu par I.M. Pei (PP 83)3. Par la suite, il se fit connaître du monde architectural par des prises de position publiques sur les grands travaux new-yorkais,NANTES soutenant par exemple en 2005 le projet de Frank Gehry (PP 89) pour la Corcoran DEGallery of Art. De 1971 à 2002, il fut également Chairman de la Commission of Fine Arts, où il put croiser Roche ( PP 82) et Bunshaft ( PP 88). Kenneth Clark dit Lord Clark of Saltwood4 (1979- 82) était un historien d’art britannique, protégé du plus célèbre critique d’art de l’époque, Ber- nard Berenson. En 1933, à 30 ans, il devint directeur d’une autre National Gallery, à Londres. Il prit position contre l’art moderne, puis contre le postmodernisme, soutenant néanmoins toute sa vie le sculpteur moderne Henry Moore (auteur de la sculpture offerte auxD'AUTEUR lauréats du Pritzker jusqu’en 1986). Kenneth Clark fut au cœur de la vie culturelle britannique, s’engageant pour que l’art devienne accessible au plus large public. Ainsi, en 1969, il présentait sur BBC l’émission Ci- vilisation, dans laquelle il racontait l’histoire de la civilisation occidentale à travers l’art. Joseph Irwin Miller (1979-85) était un industriel américainD'ARCHITECTURE et DROITmécène du mouvement moderne américain. En 1954, il établit la Cummins Foundation qui s’est engagée depuis 1957 à payer les honoraires des architectes construisant les édifices publicsAU de la ville de Columbus. Il permit ainsi à cette ville de devenir la « 6e plus importante du pays sur le plan architectural »5, puisqu’elle put s’offrir les services (entre autres) d’Eero Saarinen, Eliel Saarinen, I.M. Pei (PP 83), Kevin Roche (PP 82), Richard Meier (PP 84), Harry Weese, César Pelli, et Skidmore, Owings & Merrill. La maison de J. Irwin Miller, achevée en 1957,SOUMIS fut conçue par son ami Eero Saarinen. César Pelli (1979-82) est un architecte argentinSUPERIEURE américain, désigné en 1991 par l’ AIA comme « l’un des architectes les plus influents de sa génération. » Après des études en Argentine, il commença sa carrière chez Eero Saarinen puis ouvrit sa propre agence à New Haven en 1977. Depuis, il réalise des projets d’architecture de grande envergure (parmi lesquels une extension du MoMA en 1982), et des projets d’urbanisme. De 1977 à 1984, il fut doyen de l’École d’Architecture de l’Université de Yale.DOCUMENT Robert Carleton Smith (secrétaire du jury 1979-84) était le direc- teur de laNATIONALE National Arts Foundation et a dirigé l’International Awards Foundation pour établir des prix dans des domaines non récompensés par le prix Nobel. Ainsi, en plus de son implication dans la création du prix Pritzker, il joua un rôle important en 1974 dans la création du J.Paul Get- ECOLE

1. Michael Kimmelman, « J. Carter Brown, 67, Is Dead; Transformed Museum World», The New York Times, 19 juin 2002 2. (1979-2002) : il s’agit de la durée de participation au jury 3. (PP 83) : lauréat du prix Pritzker en 1983 4. http://en.wikipedia.org/wiki/Kenneth_Clark 5. déclaration de l’AIA, 1991 Chapitre 4 : Le jury 27

ty Wildlife Conservation Prize, financé par l’industriel anglo-américain J. Paul Getty1. Arthur Drexler2 (consultant du jury 1979-86) fut designer, rédacteur pour la revue Architectural Forum, puis directeur de la revue Interiors Magazine de 1948 à 1951. Il fut ensuite appelé par Johnson (PP 79) comme conservateur au Department of Architecture and Design du MoMA. En 1956, il succédait à Johnson pour 30 années à la tête de ce même département. Son rôle à ce poste fut décisif pour l’architecture post-moderne, puisqu’il organisa en 1975, sous l’influence de son mentor, l’exposition The Architecture of the Ecole des Beaux-Arts. Drexler sut utiliser le médium de l’exposition pour bouleverser le débat architectural. Les premiers membres du jury donnèrent donc la direction à suivre. Il s’agissait, avec le prix Pritzker, de poursuivre leur volonté commune d’une architecture populaire et intellectuellementNANTES accessible. En majorité américains, ces premiers jurés s’avéraient proches des mouvementsDE archi- tecturaux alors en vogue aux États Unis, proches aussi de leurs représentants.

Le premier architecte à intégrer le jury est le japonais Arata Isozaki (1980-84), formé par Kenzo Tange (PP 87). Puis dans les années 80, ce ne sont pas des critiques d’architecture exigeants qui rejoignent le jury, mais deux entrepreneurs, amateurs seulement, mais généreux. Thomas J. Watson, Jr. (1982-86) était un homme d’affaire D'AUTEURet politique américain, connu pour ses activités philanthropiques. Il fut jusqu’en 1971 le vice-président d’IBM, et de 1979 à 1981 ambassadeur des E.U. en Union Soviétique. En 1987, le magazine Fortune le désignait comme « le plus grand capitaliste de l’histoire»3. Il était à ce titre concurrencé par Giovanni Agnelli (1984-2003), industriel italien à la tête de la sociétéD'ARCHITECTURE FiatDROIT dont il fit la plus grande entreprise de son pays. À l’époque, il était l’italien le plus puissant et le plus connu à l’étranger, propriétaire entre autres de la Juventus de Turin. La fondationAU Giovanni Agnelli est aujourd’hui encore une des fondations familiales de philanthropie les plus importantes d’Italie, avec 2,6 millions de dol- lars de dons. Dans la même veine, l’architecte mexicain Ricardo Legorreta (1985-93) est issu d’une des familles les plus riches du Mexique, à la tête de la banque Banamex. Selon Anthony C.Antoniades4, cet architecte jouaitSOUMIS au tennis au Rancho Santa Fe, avec un certain Jay Pritzker. Ces trois jurés marquentSUPERIEURE l’histoire du prix dans la lignée de Jay Pritzker lui-même : il s’agit de personnalités internationales, issues de familles fortunées, et impliquées dans des activités phi- lanthropiques autant que politiques.

Dés 1985, les critiques d’architecture prennent la place qu’ils méritent au sein du jury. Bren- dan Gill ( DOCUMENTsecrétaire du jury 1985-87), tout d’abord, journaliste et critique de cinéma pour TheNATIONALE New Yorker, qui a également présidé à la Andy Warhol foundation for the Visual Arts. Il était alors l’une des figures publiques les plus appréciées de New York. Il a écrit de nombreux livres, dont une biographie de Frank Lloyd Wright, qu’il connaissait personnellement. Puis, Ada Louise Huxtable (1987-2005) prenait sa relève, écrivain et critique d’architecture qui avait ECOLE

1. J. Paul Getty est le célèbre auteur du livre How To Be Rich 2. Joseph Giovaninni, «Arthur Drexler, 61, authority on architecture», The New-York Times, 17 janvier 1987 3. «the greatest capitalist in history» http://money.cnn.com/magazines/fortune/fortune_ar- chive/1987/08/31/69488/index.htm 4. http://www.acaarchitecture.com/Mag63%281%29.htm 28 Partie 1 : Le prix Pritzker

reçu en 1970 le prix Pulitzer de la Critique. De 1946 à 1950, elle avait été assistante-curatrice du Département d’Architecture du MoMA. Elle avait ensuite participé à la revue Progressive Archi- tecture and Art in America jusqu’en 1953, puis elle devint la première critique d’architecture au New York Times. Elle y restera jusqu’en 1982. Elle est depuis critique au Wall Street Jour- nal. L’influence de sa critique est reconnue de tous, son remplaçant au NY Times, Goldberger déclarait : « Avant Ada Louise Huxtable, l’architecture ne faisait pas partie du débat public »1. Le rôle qu’elle a joué dans la publicité du débat architectural est donc majeur. Et en tant que membre du jury, elle donna au prix une nouvelle légitimité.

En 1987, le Pritzker s’adjoint un dernier milliardaire avec Jacob Rothschild (1987-2004)NANTES, banquier anglais, issu de la célèbre famille Rotschild. Philanthrope et amateur d’art DEreconnu, il entamait sa collection à 20 ans avec les sculptures de Giacometti. Son intérêt pour l’architecture s’est affirmé lorsqu’en tant que président du conseil d’administration de la National Gallery de Londres(1985-1991), il choisit Robert Venturi (PP 91), parmi Stirling, Pei, et d’autres, pour réa- liser l’extension du musée en 19862.

Pendant les 7 années qui suivirent, le jury fut rejoint par quelques intellectuels.D'AUTEUR Historiens, ar- chitectes étrangers et directeurs de revues internationales donnèrent à l’ensemble une crédibilité renforcée. À partir de 1992, la liste des lauréats se fit par ailleurs moins « select », on clôt la série des puissants. Stuart Wrede (Acting Consultant to the Jury 1987-88) est un architecte né en Finlande et étudiant à Yale jusqu’en 1970. ÉgalementD'ARCHITECTURE DROIThistorien d’architecture spécialiste de l’architecture Nordique, il fut directeur du département d’architecture du MoMA, de 1988 à 1991. Il fut auparavant directeur de l’École de Design d’Oregon,AU et enseignant depuis 1977 aux écoles d’architecture de Columbia, Yale, et au MIT. En 1975 et 1976, il fit partie de l’IAUS à New York. Le japonais Toshio Nakamura (1991-99) est rédacteur en chef de la revue A+U, et un des critiques d’architecture les plus réputés au monde. Il a, entre autres, rendu célèbre inter- nationalement son ami Ricardo Legorreta,SOUMIS qu’il côtoya deux ans au sein du jury. Charles Cor- rea (1993-98) est un architecteSUPERIEURE indien, pionnier de l’architecture contemporaine en Orient, et sensible aux problématiques du Tiers Monde. De 1970 à 1975, il fut l’architecte en chef du New Bombay, et en 1985 le premier ministre indien le nomma directeur de la Commission Nationale d’Urbanisation. Jorge Silvetti3 (1996-2004) est un architecte, professeur à l’école d’architec- ture de l’Université de Harvard depuis 1975, et directeur du département d’architecture de 1995 à 2002. En 1986, il reçutDOCUMENT le prix de Rome de l’Académie américaine. Son agence « Machado and Silvetti AssociatesNATIONALE » est décrite comme la plus influente de Boston. En 1993, il fut choisi pour réaliser la rénovation de la Villa Getty, un des deux espaces du Getty Museum. En 1996, la céré- monie du prix Pritzker eut d’ailleurs lieu dans le Getty Centre, alors que la Villa Getty fermait pour le début des travaux. Enfin, Carlos Jimenez (2001-11) est un architecte né au Costa ECOLERica, travaillant à Houston, États-Unis.

1. «Before Ada Louise Huxtable, architecture was not a part of the public dialogue» : Paul Gold- berger, «Tribute to Ada Louise Huxtable», The New-York Times, 25 mars 1996 2. Paul Goldberger, «Venturi chosen to design extension of the national gallery», The New-York Times, 25 janvier 1986 3. http://archrecord.construction.com/features/boston/emerging/new-1.asp Chapitre 4 : Le jury 29

Avec ces jurés d’origines diverses, le prix Pritzker prenait enfin un rayonnement international. C’est d’ailleurs à partir des années 1990 que les lauréats furent réellement sélectionnés dans le monde entier (Europe, Japon...).

En 2004, après le départ d’Agnelli, le suisse Rolf Fehlbaum1 (2004-10) apporta à son tour au jury sa fortune et ses relations. Entrepreneur intellectuel, fils de Willi Fehlbaum qui créa Vitra en 1934, il prit la tête de l’entreprise en 1977. Vitra produit des meubles de designers et architectes du XXe siècle, et édite les créations de designers actuels. Sous la direction de Rolf Fehlbaum, l’entreprise confia chacune de ses nouvelles constructions à un architecte célèbre. Ainsi, en 1989, le Vitra Design Museum fut réalisé par Frank Gehry (PP 89), en 1993,NANTES le pavillon de conférences par Tadao Ando (PP 95) et la caserne des pompiers par Zaha HadidDE (PP 04), un atelier de fabrication fut confié à Alvaro Siza (PP 92) en 1994, et le showroom Vitra à Herzog & de Meuron (PP 01) en 2010. Venu d’Angleterre cette fois, Lord Palumbo2 (Chairman 2005- 12) est un tout aussi riche promoteur immobilier. Collectionneur de voitures, de tableaux, puis de maisons, il devint propriétaire de la Farnsworth House de Mies Van der Rohe, de la Maison Jaoul de Le Corbusier et de Kentuck Knob de F.L. Wright. Il embaucha Mies peu avant sa mort pour le projet « No 1 Poultry » sur le site Mappin&Webb, mais c’est finalementD'AUTEUR James Stirling (PP 81) qui le réalisa. De 1988 à 1993, il fut directeur du Art Coucil of Great Britain, il est aujourd’hui directeur de la Galerie Serpentine. Parmi ses amis haut placés, on trouvait le Prince Charles, coéquipier de polo, avec lequel il rompit définitivement leur amitié en 1984 après un désaccord architectural, mais aussi Richard Rogers (PP 07).D'ARCHITECTUREDROIT

En 2004 et 2005, le jury du prix s’orientait versAU le monde de l’édition avec Karen Stein (2004-12), des éditions Phaidon, et l’auteure et historienne de l’architecture Victoria Newhouse (2005-08). À la même période, le consultant du jury Bill Lacy est remplacé par Marta Thorne (2006-12), auteure de nombreux ouvrages sur l’architecture. Cette améri- caine fut commissaire associée du SOUMISdépartement d’architecture de The Art Institute of Chicago de 1996 à 2005. Ayant ajoutéSUPERIEURE à ses diplômes d’urbanisme et d’art des études d’économie, c’est une spécialiste de l’industrie de la culture.

En 2005, l’arrivée de l’architecte indien Balkrishna Doshi (2005-07) annonçait une nouvelle tendance. Celui qui était alors le dernier collaborateur vivant de Le Corbusier fut dans son pays uneDOCUMENT figure phare du XXe siècle. Internationalement, il fut un pionnier de l’architecture durableNATIONALE et du logement à bas prix. Peu après lui, deux autres architectes devinrent membres du jury, apportant à cette assemblée l’humilité qui lui manquait. Shigeru Ban3 (2007-10) est un architecte japonais, connu pour ses travaux sur l’habitat d’urgence, et spécialiste de l’utilisation de matériaux pauvres. Il est conseiller pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ECOLE

1. Pascaline Cuvelier, «Rolf Fehlbaum se cache derrière les meubles, cet Allemand discret a fait de son musée un temple à la gloire du design industriel», Libération, 15 juin 1995 2. «Profile: Builder of dreams or monuments? Peter Palumbo, a visionary at the Arts Council», The Independent, 4 décembre 1993 3. http://www.archilab.org/public/1999/artistes/shig01fr.htm 30 Partie 1 : Le prix Pritzker

et membre du comité éditorial de la rédaction de L’Architecture d’Aujourd’hui1, copropriété de Jean Nouvel (PP 08). Deux années plus tard, c’est l’architecte chilien Alejandro Aravena (2009-12) qui fut appelé à participer. Bien que travaillant au Chili, il fut professeur à l’Université d’Harvard de 2000 à 2005. Il est aujourd’hui directeur de la société Elemental, qui travaille sur les questions du développement durable et du logement social. Issu de la classe moyenne chilienne, il revendique toujours une vie simple, loin du star-system et de l’architecture des Musées2. Après les milliardaires, les critiques, les directeurs de galeries, voici venue l’ère des champions du low-cost!

En 2012, un juré d’un type inédit intègre le groupe, Stephen Breyer3, membre NANTESde la Cour Suprême des États-Unis depuis 1994. Son intérêt pour l’architecture l’a mené DEà conduire la conception du Palais de Justice John Joseph Moakley à Boston (architecte I.M. Pei - PP 1983). Malgré cette expérience, et un sens incontestable de la justice, sa place dans le jury fait débat. Enfin, Yung Ho Chang est un artiste et architecte chino-américain. Il a enseigné 15 ans dans les plus prestigieuses universités américaines avant de retourner en 1997 à Pékin ou il a ouvert l’Atelier Feichang Jianzhu. Sa pratique de l’architecture est tournée vers l’écologie et la récon- ciliation de l’architecture moderne avec les principes traditionnels chinois.D'AUTEUR Avec Wang Shu (PP 2012), il est l’un de ceux qui font l’architecture contemporaine en Chine4. Sa démarche et son cursus le rapprochent de l’architecte lauréat cette année.

Les changements successifs dans la composition duD'ARCHITECTURE jury sontDROIT révélateurs eux aussi des muta- tions du domaine architectural. Alternant milliardaires, historiens, directeurs des plus grandes galeries du monde, architectes américains influents et architecteAU du tiers monde, le jury du prix Pritzker touche à tous les domaines. Il s’agit d’une volonté de la famille Pritzker : « Les membres sont invités au sein du jury par la famille Pritzker [...] Dans les discussions à propos des nouveaux jurés, on essaie toujours de former un jury équilibré, de penseurs indépendants représentant des points de vue différents. » 5 Chaque nomSOUMIS de juré est important, possédant une influence décisive sur l’image internationale du prix.SUPERIEURE Ce beau mélange de culture et d’argent assure au prix une visi- bilité incontestable. Tous les jurés sont des personnalités reconnues dans leurs domaines respec- tifs, et connues des élites de leur pays. Tous sont proches du pouvoir. Ce sont leurs seuls points communs. Issus de milieux éloignés, et liés à l’architecture pour des raisons singulières, les jurés possèdent des opinions forcément très différentes sur les architectes. Cette variété d’approches est maintenue dansDOCUMENT un certain équilibre. En effet, rares sont les années où l’un ou l’autre des domainesNATIONALE prédomine : 2012 est une année exceptionnelle, avec 5 architectes sur 9 jurés, pour un milliardaire collectionneur, une éditrice. Le jury est malgré tout maintenu dans cette diversité,

1. http://www.larchitecturedaujourdhui.fr/retro ECOLE2. http://claudiovergara.wordpress.com/2009/07/29/entrevista-a-alejandro-aravena-en-vd/ 3. Robin Pogrebin, «Breyer Invited to Make a Case for Architecture», The New-York Times, 6 octobre 2011 4. GA n°112 5. «The members are invited to join the jury by the . [...] In the discussions about who should join the committee, there is always an attempt to form a balanced jury of independent thinkers who represent different points of view.» : «Interview with Martha Thorne, Executive Direc- tor of the Pritzker Architecture Prize», Conditions, 23 aout 2010 Chapitre 4 : Le jury 31

cette absence de spécialisation. Est-ce significatif d’une profession qui se veut dorénavant poly- valente et intéressée par tous les domaines ? Les affaires, l’édition, l’écriture, le droit, la finance, l’art, les médias... Ou s’agit-il d’un moyen sûr de diriger le choix vers un lauréat mondialisé, « mainstream » ? La position du prix Pritzker est en effet significative. D’autres prix, comme le prix Carlsberg, sont décernés par des jurys plus restreints, et constitués seulement d’architectes ou de critiques et historiens d’architecture. C’est ce qu’explique François Chaslin, qui fut membre du jury du prix Carlsberg : « Dans le jury il y avait 4 ou 5 critiques et un architecte: un japonais, Frampton, moi, le plus grand architecte danois, Henning Larsen, Peter Davey, le rédacteur en chef d’Architectural Review. » 1 Ce choix oppose le Carslberg au Pritzker, puisque la sélection pointue desNANTES jurés du premier affirme une volonté critique, moins présente chez le second. Il s’agit DEpour le Carlsberg de personnalités porteuses de visions de l’architecture, et de la qualité architecturale, à peu près similaires. Au contraire, le prix Pritzker, remis par des personnalités influentes mais peu concer- nées par le débat architectural, bénéficie plus de leur image que de leurs idées. Les opinions divergentes des jurés concernant l’architecture, ainsi que le nombre important de membres au sein de chaque jury, assurent des choix peu radicaux, que certains pourraient dire consensuels. D'AUTEUR

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1. cf. annexe : Un entretien avec F.Chaslin 32

Chapitre 5 La cérémonie

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La remise du prix se fait lors d’une cérémonie désormais célèbre, qui se tient chaque année au mois de mai, dans un lieu symbolique. Il s’agit de rendre hommage par cet évé- nement unique à un lieu important du patrimoine mondial, où à un architecte déjà récompensé. Ainsi en 1997, la cérémonie eut lieu dans le Guggenheim de Bilbao récemmentD'AUTEUR ouvert, Frank Gehry avait été récompensé huit ans auparavant. Le choix de l’emplacement de la cérémonie est indépendant du choix du lauréat. Ce lieu est d’ailleurs révélé quelques semaines avant le nom du gagnant.D'ARCHITECTURE DROITCependant, ces éléments sont tous deux choisis par l’organisation Pritzker (et son jury). En 2012, il s’agissait d’honorer la Chine jusqu’alors délaissée par les cérémonies et récompenses.AU Le 3 novembre 2011, on annonçait donc « Pour la première fois, la cérémonie du Pritzker aura lieu en Chine »1. Puis, le 28 février 2012 : « Wang Shu est le premier architecte chinois à remporter le prestigieux Pritzker Prize »2. On relève deux coïncidences du même type. En 1990, l’italien Aldo Rossi reçut son prix à Venise, puis en 2007, la cérémonie récompensant l’anglaisSOUMIS Richard Rogers eut lieu à Londres. « Comme le lieu de la cérémonieSUPERIEURE est choisi chaque année avant la nomination du lauréat, il n’y a aucune connexion entre les deux. »3

On réunit à cette cérémonie le jury et quelques invités soigneusement choisis. La cérémonie se déroule toujours suivant le même rituel : un discours de bienvenue par un représentant du pays d’accueil, quelques DOCUMENTmots du président du jury puis de Thomas Pritzker afin d’annoncer le lauréat, et enfin unNATIONALE discours de remerciement du gagnant. Le plus souvent interviennent aussi des repré- sentants du pays récompensé, comme le ministre chargé de l’architecture, ou une personnalité éminente du monde de la culture. En 2011, Eduardo Souto de Moura s’est vu remettre son prix par Barack Obama. Après ces discours se tient un grand diner qui réunit des centaines d’invités. ECOLEEn fait, le pays d’accueil de la cérémonie semble presque aussi important que le pays récom- pensé au travers du lauréat. Ainsi, le portugais Eduardo Souto de Moura (PP 11) se fit voler la

1. «La cérémonie du prix Pritzker 2012 aura lieu à Pékin», Le Journal des Arts, 3 novembre 2011 2. «Pritzker 2012 : Wang Shu lie tradition et modernité», Le Monde, 28 février 2012 3. «As the ceremony locations are usually chosen each year before the laureate is selected, there is no intended connection between the two» Pritzker Prize website Chapitre 5 : La cérémonie 33

vedette par le charismatique président des États-Unis, dans une salle couverte pour l’occasion de drapeaux américains (fig.24).

Si elle n’est pas encore un événement mondialement suivi, cette cérémonie est de plus en plus médiatisée. Et puisqu’on y retrouve chaque année les personnes qui comptent dans le monde de l’architecture, les journalistes se font un plaisir d’y assister. En 2010, Aric Chen décrivait pour le New York Times the « architecture’s biggest night of the year »1

NANTES THE veterans debated over which was more memorable: the Versailles dinner,DE with foun- tains and all, for Tadao Ando, or the gilded reception for architecture’s queen bee, Zaha Hadid, in St. Petersburg. Rem Koolhaas had his shining moment beneath the Temple Mount in Jerusalem, while the Clintons brought out the White House welcome mat for Renzo Piano in that heady, pre-dot-com-bust year of 1998. But guests heading to the ceremony and dinner that awarded this year’s Pritzker Prize— often called the Nobel of architecture —to Kazuyo Sejima and Ryue Nishizawa of the Ja- panese firm Sanaa were greeted by an altogether different sign of D'AUTEURthe times: a line leading to airport-like security. On May 17, for the first time since 1983, when I. M. Pei was bestowed the honor at the Temple of Dendur at the Metropolitan Museum of Art, the Pritzker Prize ceremony took place in New York: specifically, on Ellis Island. AndD'ARCHITECTURE for theDROIT huddled masses yearning to partake in architecture’s biggest night of the year, head lice exams gave way to X-ray scanners, as design titans, masters of the universe and assorted well-coiffedAU others awkwardly deposited their Constructivist jewelry and Ferragamo belts in plastic bins on conveyors. « I wonder, just how much metal is Sejima wearing? » Anthony Vidler, the architecture dean at the Cooper Union, said jokingly about the night’s co-honoree as he waited patiently for the boat to depart for the island.SOUMIS Still, with bucklesSUPERIEURE readjusted and bangles back on wrists, any inconveniences were soon forgotten as the evening took on a lightness befitting Sanaa’s sublimely elegant buildings: the see-through Glass Pavilion for the Toledo Museum of Art in Ohio; the undulating slice of Swiss cheese that is the Rolex Learning Center in Lausanne; the mesh-clad New Museum on the Bowery. “Sanaa did my store on Crosby Street,” said the fashion designer Derek Lam, sipping red wine asDOCUMENT a string quartet played. « That’s why we’re here to celebrate them. » NATIONALEJan-Hendrik Schlottmann, Mr. Lam’s partner and the company’s C.E.O., said, “Actually, Sejima was our first customer when we started the business.” « She got a black double-breasted trench coat, » Mr. Lam said. « It was more like a Bordeaux red. » ECOLE « No, it was definitely black. » For her part, Ms. Sejima, who is doing double duty this year as director of the Venice Architecture Biennale, was standing with Mr. Nishizawa near the Peopling of America exhi- bition. A petite woman, she was coddled within the voluminous, definitely black, ruffle-dap-

1. Aric Chen, «Architects at Play, Dangling Medals», The New-York Times, 19 mai 2010 34 Partie 1 : Le prix Pritzker

pled dress that the Comme des Garçons designer Rei Kawakubo had made for her. « I am very pleased to be here, » Ms. Sejima said before flashing a warm smile and being whisked away for a cigarette break. Founded by the late Jay Pritzker and his wife, Cindy, of the Hyatt hotel fortune, the Pritz- ker Prize was started in 1979; Philip Johnson was its first recipient. It has become architec- ture’s most prestigious honor, its adjectival use signaling the subject’s place in the pantheon of living architects. In the first century B.C., Vitruvius assigned to great buildings the three attributes of firmitas, utilitas, venustas: firmness, commodity, delight. Pritzker winners receive a bronze medal inscribed with that motto and translation, and $100,000. NANTES But perhaps it’s the canonization of the Architectus Celebritatus, that exotic species also known as the starchitect — a crossbreed between temperamental artist and brilliant problem-DE solver, idealistic do-gooder and opportunistic megalomaniac, starchy geek and shameless gla- mour puss — that is the prize’s most enduring legacy. There, in one corner, were the lanky Thom Mayne (Pritzker, ’05) and Renzo Piano (’98), grazing not far from Christian de Portzamparc (’94) and the silver-haired Richard Meier (’84). Though not a Pritzker winner, Rafael Vinoly appeared, as he usually does, as the eight- eyed savant wearing three pairs of spectacles: on the nose, around the neck and propped on his head, all at the same time. D'AUTEUR Frank Gehry (’89), whose own Pritzker ceremony took place in Nara, Japan — “As a student, I learned how to make tatami mats and was in a gagaku orchestra,” he reminisced — could be spotted in head-to-toe black and, at 81, lookingD'ARCHITECTURE slimmer than before. “I go up and down,” he shrugged. DROIT At 8 p.m. it was feeding time, and the crowd of 400-plusAU was ushered into the soaring, barrel-vaulted Great Hall. Looking across the moodily lighted space blooming with peony table centerpieces, one could guess at the conversations taking place: about how shockingly few of the New Yorkers had been to Ellis Island. About how many Sanaa buildings one had visited. About anything but Atlantic Yards and Beekman Tower’s flying construction debris, if Mr. Gehry was within earshot. SOUMIS Perhaps too lubricatedSUPERIEURE by the wine and professional self-affirmation, the crowd seemed to dwell surprisingly little on how tough business has been. Then again, besides an affection for sushi, baseball and prepubescent pop icons, whether animated or human, the United States and Japan had something besides doldrums to share on this night. “In Japan, we’ve had problems with Toyota, with other companies, with politics,” said Keiko Sainowaki, a Tokyo magazine editor who had flown in for the event. “But this award DOCUMENT — NATIONALEit’s been very, very good news. »

ECOLEOn retrouvait donc, parmi les 400 personnes invitées à cette grande soirée, Anthony Vidler, plaisantant à propos des bijoux de Seijima, les déjà lauréats Thom Mayne, Renzo Piano, Christian de Portzamparc, Richard Meier, et Frank Gehry, Rafael Vinoly et les multiples paires de lunettes qu’il arbore toujours... La liste des invités suffirait sans doute à déterminer le cercle restreint des stars de l’architecture. Ce qui frappe dans l’article du New York Times, c’est que chaque archi- tecte est identifiable en quelques mots: «Richard Meier aux cheveux argentés», «Rafael Vinoly Chapitre 5 : La cérémonie 35

(...) comme le savant aux 8 yeux, avec ses trois paires de lunettes», «Frank Gehry (...) en noir des pieds à la tête», « Ms. Sejima (...) petite femme, (...) enveloppée dans la volumineuse robe, complè- tement noire, que le designer de Comme des Garçons, Rei Kawakubo, a faite pour elle »... Chacun possède une image qui lui est propre, qu’on peut résumer en quelques mots. C’est également ce que remarque François Chaslin lorsqu’il s’agit d’identifier les quelques stars de l’architecture : « Vous savez que les architectes se sont toujours déguisés. Par exemple, Le Corbusier, c’était évi- dent, il dessinait ses lunettes, son noeud papillon, etc. Auguste Perret, qui n’est pas un rigolo, s’est complètement dessiné, que ce soit sa barbe, que ce soit la sous-face de son canotier de paille qu’il avait peinte en blanc, etc. Il y a toujours eu une construction de soi même chez les architectes. Mais maintenant, c’est une chose tout à fait importante. C’est à dire, que les vêtements de ZahaNANTES Hadid comptent énormément, que les santiags de Libeskind comptent énormément, queDE les lunettes par- ticulières d’Eisenman comptent particulièrement, ou la barbe de sage de Renzo Piano tout autant. Renzo Piano c’est une espèce d’abbé Pierre, dans l’image qu’il veut donner. Ce qui est manifeste, c’est qu’ils y sont forcés dans un monde de marketing. » C’est le contrôle de leur image, de leur personnage qui permet aujourd’hui aux architectes d’être médiatisés.

Le côté pompeux du cérémonial respecté d’une année sur l’autre,D'AUTEUR ajouté à l’élitisme du cercle d’invités, rapproche le Pritzker du Festival de Cannes. On imagine les quelques vedettes de l’ar- chitecture se retrouver chaque année pour cette fête, qui sans leur présence ne serait rien. La cérémonie du Pritzker et ce qu’elle porte de glamour permet d’attirer les regards du public sur l’architecture. D'ARCHITECTUREDROIT AU

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ECOLE 36 Partie 1 : Le prix Pritzker

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DOCUMENT fig.14NATIONALE : 1982, Kevin Roche, Philip Johnson, I.M. Pei, James Stirling fig.15 : 1996, Rafael Moneo, Cindy Pritzker, Governor Pete Wilson gouverneur de ECOLECalifornie, Jay Pritzker, et Harold Williams, PDG du J. Paul Getty Trust fig.16 : 1997, cérémonie au musée Guggenheim de Bil- bao fig.17 : 1997, Jay et Cindy Pritzker et Frank Gehry Chapitre 5 : La cérémonie 37

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fig.18 : 2000, Tom Pritzker remettant le prix à Rem Koolhaas sur le site archéo- logique de Jérusalem ECOLE fig.19 : 2000, «Receiving line» : J. Carter Brown, Cin- dy Pritzker et Hans Hollein fig.20 : 2008, Jean Nouvel et Tom Pritzker fig.21 : 2008, cérémonie à la Bibliothèque du Congrès, Washington 38 Partie 1 : Le prix Pritzker

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fig.22 : 2010, Ryue Nishi- ECOLEzawa et Kazuyo Sejima dé- barquant sur Ellis Island fig.23 : 2011, Rafael Moneo, Kevin Roche et Hans Hollein fig.24 : 2011, discours d’ Eduardo Souto de Moura au milieu des drapeaux améri- cains 39

Chapitre 6 Tapis rouge

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L’histoire et le fonctionnement du prix Pritzker sont à ce point teintés d’argent, de relations, de célébrité, qu’ils sont à l’origine de toutes les critiques qui entourent les nominations annuelles. Comment ne pas imaginer en effet, que les jurés sont plus liés aux archi- tectes qu’à l’architecture ou que derrière le glamour de la cérémonie se jouent les commandes les plus importantes de l’année ? D'AUTEUR

L’ensemble des lauréats et des jurés, depuis 1979, est néanmoins instructif sur les ambitions du Pritzker. Le prix, en récompensant des architectesD'ARCHITECTUREDROIT porteurs de styles et de conceptions dif- férentes du métier, se veut éclectique. D’une année à l’autre, les lauréats ont rarement quelque chose en commun. C’est ce qui rend ce prix, hélas,AU imprévisible. Les lauréats sont choisis car ils représentent leur époque, à un moment donné. La constitution du jury, en accord avec cette ambition, fait du Pritzker un prix populaire et accessible. En effet, de 5 à 9 jurés, de milieux et de nationalités différentes, liés à l’architecture pour des raisons variées, doivent s’entendre chaque année sur un lauréat parmi des centaines.SOUMIS Le nombre important de jurés, associé à la connaissance superficielle de l’architectureSUPERIEURE de certains, est sans doute à l’origine du choix, que certains diront banal et consensuel. Nous préfèrerons dire que le prix Pritzker est « mainstream »1, ou unanime. Car le prix Pritzker est représentatif de notre époque, ce qui en fait un élément d’étude intéressant. Il s’agit en effet d’un échantillon incomparable de l’architecture depuis 34 ans. Les lauréats ne sont pas représentatifs de la profession d’architecte. L’écart entre l’une de ces stars et l’architecte moyenDOCUMENT est immense. Cependant, le prix Pritzker est une manifestation intéressante deNATIONALE l’évolution de cette profession. La fresque constituée par les architectes lauréats est instructive sur les mouvements des dernières décennies.

En tant qu’« évènement de l’année architecturale », le Pritzker est également représentatif. ECOLELa cérémonie de remise du prix, et les personnalités qui s’y rencontrent chaque année sont une manifestation des ambitions nouvelles de l’architecture. En effet, le jury, les lauréats, les invités

1. «courant principal », qui se rapporte à la culture de masse. « Le mainstream est l’inverse de la contre-culture, de la subculture, des niches ; c’est pour beaucoup le contraire de l’art. » Frédéric Martel, Mainstream, enquête sur la guerre globale de la culture et des médias, Flamma- rion, mars 2010, p.19 40 Partie 1 : Le prix Pritzker

et le décor se parent d’un côté glamour. Cette séduction est inhabituelle dans le petit monde de l’architecture. La prépondérance de l’image, et la médiatisation des architectes et de leurs œuvres sont des choses nouvelles, et le prix Pritzker en est le témoin.

Les relations, l’image, le pouvoir... L’analyse du fonctionnement du prix nous offre ces indices sur les lauréats. Comment gagne-t-on le prix Pritzker ? En maitrisant ces éléments, c’est à dire en intégrant le star-system. Comment devient-on une star en architecture ? C’est ce que nous essaierons de comprendre dans cette deuxième partie. NANTES DE

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ECOLE Partie 2 Comment gagner le prix Pritzker ?

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ECOLE 42

Chapitre 1 Architecture et célébrité

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Pouvoir et célébrité sont au cœur de la pratique de l’architecture. L’architecte est en effet une figure publique, exerçant pour les classes dirigeantes qui émettent la commande, sans forcément en faire partie. Faire connaître sa personnalité et son œuvre est souvent pour lui le seul moyen d’obtenir du travail. Une certaine notoriété est donc normale, pour ne pas dire nécessaire à sa survie. Dés le XVe siècle, dans une fable satyrique intituléeD'AUTEUR Momus, l’architecte philosophe Alberti mettait en scène la célébrité. Louange, fille de Vertu, est violée par Momus, et engendre un monstre, Fama, aux multiples yeux, oreilles et langues. Fama incarne la rumeur, et peut prendre l’aspect de la renommée, comme celui deD'ARCHITECTURE l’infamie.DROIT Alberti traçait alors la propaga- tion de la réputation depuis la Vertu à la Louange (méritée), puis à la Fama (douteuse)1. Selon Charles Jencks2, depuis l’Antiquité romaine, AUles architectes construisent pour rendre leurs clients célèbres. Ils leur offrent, par le biais du monument, une part d’immortalité. Et les beaux palais attirent la jalousie. Autant de choses qui font que l’architecture, un travail long, diffi- cile, précis, se transforme en un jeu démesuré dès lors qu’elle s’approche de la célébrité. SOUMIS Il y a de nombreux nomsSUPERIEURE dont nous nous souvenons aujourd’hui 3, associés à de grandes œuvres architecturales : Imhotep, architecte de la pyramide du pharaon Djoser, Ictinus et Calli- crates, les architectes du Parthénon, Vitruve, ingénieur de César et auteur de De Arquitectura. Mais le premier des architectes célèbres, au sens où nous l’entendons ici, arrive seulement à la Renaissance italienne. En 1434, Filippo Brunelleschi construisait le plus grand dôme du monde pour Santa Maria delDOCUMENT Fiore à Florence4 . Il était alors déjà un architecte célèbre, et se rebellant contre la NATIONALEGuilde de bâtisseurs à laquelle il appartenait, il refusa de leur payer sa « cotisation ». Il fut jeté en prison. L’Église l’en fit sortir au bout de 11 jours, afin qu’il puisse terminer le projet. La libération de Brunelleschi signait le début de la reconnaissance des artistes, de leur liberté et de leur statut dans la société. ECOLE

1. Paul Davies & Torsten Schmiedeknecht, An Architect’s Guide to Fame, Architectural Press, 2005, p.XV 2. Julia Chance and Torsten Schmiedeknecht, « Fame and Architects », Architectural Design, 2001, p.19 3. id. 4. ibid. p.20 Chapitre 1 : Architecture et célébrité 43

La suite de l’Histoire de l’architecture est pleine de grands noms, qui furent des acteurs de leur époque plus ou moins remarqués. Avec l’apparition du livre, la célébrité des architectes prit un premier tournant, chacun pouvant alors diffuser ses idées. Mais c’est au XXe siècle, alors que la communication changeait radicalement, que l’on vit les premiers architectes mondialement célèbres. Selon David Dunster 1, au XXe siècle, trois figures se sont imposées comme « géniales », en matière de médias : Frank Lloyd Wright, Le Corbusier, puis Philip Johnson.

Frank Lloyd Wright était essentiellement connu du public américain pour son allure étrange, sa voiture de sport, ses dettes et ses relations hors mariages. Son aura de génie lui donnaitNANTES une aisance folle, que les journaux de l’époque savaient apprécier. Wright était le plusDE célèbre archi- tecte de son époque et il en avait bien conscience. Charles Jencks rapporte cette anecdote : « (...)Quand il acheva la construction du Johnson Wax Buiding, Wright dit à son client, «Ecou- tez, je vous ai fait gagner la valeur de deux millions de dollars de publicité en étant en couverture du Time et de dix autres magazines. Ça vaut deux millions de dollars et je devrais vous les factu- rer. » 2 Il était ainsi le premier à insister sur la valeur marchande de laD'AUTEUR célébrité de l’architecte. Ce n’est que 50 ans plus tard que les maîtres d’ouvrages commencèrent à s’y intéresser.

Le Corbusier, intellectuel bohème, était extrêmement doué avec les mots, comme en atteste certaines de ses répliques : D'ARCHITECTUREDROIT « Question cardinale posée à tout voyageur au débarqué : “Que pensez-vous de New York ?” Froidement, j’ai répondu : “Les gratte-ciel sont tropAU petits” » 3 Il avait surtout compris l’importance d’être vu et entendu, et il choisit pour cela d’écrire et de publier ses idées. Celles-ci se répandirent rapidement, et il devint célèbre en France dans les années 30, en Europe dans les années 50, puis redécouvert aux États Unis dans les années 60. SOUMIS Philip Johnson, en digneSUPERIEURE successeur de Wright et Le Corbusier, marque une nouvelle aire dans l’histoire des architectes célèbres. Il a réussi à atteindre une renommée internationale, sans apporter d’innovations architecturales particulières. À la différence de ses deux prédécesseurs, la réussite de Johnson est liée à son charisme plus qu’à son architecture. L’originalité de ses créations architecturales est en effet contestée : «Comme peu d’autres architectes au talent aussi limité, il a réussiDOCUMENT à devenir un nom reconnu, pas seulement aux Etats-Unis.» 4. Mais il ne fait aucun douteNATIONALE qu’il fut le premier à maitriser si bien les médias. Johnson est le premier des lauréats du prix Pritzker, et c’est aussi la première « star » que l’architecture ait connue. Depuis 1979, le rapport ente l’architecte et la célébrité a donc changé. Les 37 lauréats du

ECOLE 1. ibid. p.10 2. «when he finished the Johnson Wax Building, Wright said to his client, “Look, I’ve given you two millions dollars worth of advertising by being on the cover of Time and ten other magazines. It is worth two million and I should charge you for it» ibid. p.17 3. Le Corbusier, Quand les cathédrales étaient blanches. Voyage au pays des timides,1937 4. «Like few other architects of such limited talent, he has succeeded in becoming a household name not just in America» Julia Chance and Torsten Schmiedeknecht, « Fame and Architects », Architectural Design, 2001, p.10 44 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

prix Pritzker en sont les témoins. Chacun d’entre eux, lors de la réception du prix, avait atteint une reconnaissance internationale, un statut de star qui ne peut être comparé avec la célébrité que connaissait Wright ou Le Corbusier à leur époque. Meier, Nouvel, Rogers, Pei... Le public connait certains de ces noms, de ces visages, et des bâtiments qu’ils ont conçus.

Au même titre que les artistes, les acteurs, ou les sportifs, les architectes mènent désormais une vie publique, se servent des médias, utilisent leur image pour faire leur publicité. L’archi- tecture connaissant aujourd’hui une popularité nouvelle, les figures des architectes stars font désormais partie de la culture contemporaine. Comme des stars d’autres domaines, ils sont imi- tés, épiés, interrogés, par les médias. Ainsi, on réalise aujourd’hui des films sur les architectesNANTES -How much does your building weigh, Mr Foster ? en 2011 ou Sketches of Frank GehryDE en 2005, et bientôt un documentaire de Wim Wenders sur Peter Zumthor- et l’un d’entre eux est même apparu dans les Simpsons - Frank Gehry, à peine caricaturé dans l’épisode 14 de la saison 16. Une génération plus tôt, l’architecte construisait son image et sa pratique sur le concept du génie persécuté et incompris, qui ne serait reconnu que par la postérité et l’histoire.1 En fait, nous savons aujourd’hui que pas un seul architecte resté dans l’histoire n’était pas déjà reconnu par ses contemporains. Bien que la publicité soit aujourd’hui encore un tabou, les D'AUTEURarchitectes stars savent qu’ils ne peuvent y échapper. Dès lors qu’elles ont atteint une certaine taille, les agences doivent faire parler d’elles. «Vous disparaissez 6 mois, et les gens pensent que vous êtes mort.» 2. Il s’agit alors de mener une vie publique et mondaine, tout en affectant de ne pas s’intéresser à la noto- riété. Il est possible, comme Peter Zumthor, de devenirD'ARCHITECTURE célèbreDROIT tout en se cachant des médias. Mais comme le dit Charles Jencks : «Greta Garbo devint célèbre, comme Charles Saatchi, en se cachant, et cela fonctionne seulement si les gens savent etAU vous voient vous cacher. » 3

Il existe une technique simple pour intégrer le petit milieu du star system. Oriol Bohigas en donne les ingrédients dans l’article « Haute-couture » and « prêt-à-porter ». SOUMIS « Être, avant tout, un SUPERIEUREbon professionnel, cultivé et efficace; savoir comment produire et expliquer une architecture distinguée, personnelle - autrement dit monumentale ; appartenir à plusieurs sphères d’élite différentes - politique, économique et culturelle - et avoir des relations institutionnelles et médiatiques bien menées. Naturellement, il est aussi important de savoir intervenir dans le dialogue commercial avec des connaissances suffisantes, et de savoir manipuler la culture comme une valeur ajoutée. »4 DOCUMENT NATIONALE

1. Dietmar Steiner, « Architecture as Spectacle », LOTUS, n°70, octobre 1991, p.73 2. Paul Davies & Torsten Schmiedeknecht, An Architect’s Guide to Fame, Architectural Press, 2005, p.17 3. «Greta Garbo became famous, like Charles Saatchi , by hiding herself and that works only if ECOLEyou are seen and known to be hiding yourself» 4. «To be, above all, a good professional, well-read and efficient; to know how to produce and explain distinguished, personalised - in other words monumental- architecture; to belong to seve- ral different elite spheres - political, economic and cultural - and have well-programed institutional and media relations. Also important, naturally, is the capacity to intervene in commercial dialogue with sufficient knowledge and skill to be able to manipulate culture as an added value.» Oriol Bohigas, « Haute-couture » and « prêt-à-porter », Quaderns d’arquitectura i urbanisme, n° 252, hiver 2006, p.14 Chapitre 1 : Architecture et célébrité 45

Ainsi la célébrité ne serait qu’affaire de relations et de publicité ? En comparant les car- rières respectives des lauréats du prix Pritzker, on constate facilement qu’il existe des éléments en commun : la publication des œuvres construites et théoriques, la présence dans les écoles d’architecture les plus prestigieuses, la participation à des concours ou l’obtention de commandes médiatisées, et enfin les expositions. Ces quatre éléments permettent de se faire connaître dans certains cas, dans d’autres ils viennent attester d’une position de star. Ils sont à la fois les critères et les symptômes de l’accès à la célébrité. Nous développerons ici ces quatre sujets, en nous appuyant sur les carrières des architectes lauréats. Notre propos n’est donc pas d’analyser l’œuvre construite de ces architectes, mais de s’intéresser exclusivement à leur C.V. Et puisque ce qui nous intéresse est la méthodeNANTES pour rece- voir le prix Pritzker, nous tenterons de nous limiter, pour chacun des lauréats, DEà la date d’obten- tion du prix. Il s’agit donc d’images figées à ces dates clés, et pas d’un regard exhaustif sur la carrière de ces architectes.

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE 46 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE Couvertures du Time : fig.25 : Frank Lloyd Wright, 17 janvier 1938 fig.26 : Le Corbusier, 5 mai 1961 fig.27 : Philip Johnson, 8 janvier 1979 47

Chapitre 2 La publication de l’architecture

NANTES DE

La médiatisation récente de l’architecture entraîne un rapport nouveau des architectes aux publications, et une importance accrue de celles-ci dans la sélec- tion des « stars ».

Livres et revues sont depuis toujours les principaux outils de promotionD'AUTEUR de l’architecture, à l’intérieur même du petit monde de la profession, comme à l’extérieur vers un public large et non initié. Cependant, depuis 1979, en même temps qu’augmentait la popularité de l’architecture, et que naissait le star-system, ces médiums se transformaient.D'ARCHITECTUREDROIT On remarque au travers de nos Pritz- ker, une évolution de la publication de l’architecture et surtout de nouvelles manières de l’utiliser. François Chaslin, critique d’architecture depuis plusAU de quarante ans, a assisté à ce changement, et le décrit très clairement1. Dans un premier temps, il fut témoin à la fin des années 60 d’« un mo- ment qui m’est paru extrêmement faste, c’est le moment où s’est développée une pensée critique ». Avec le développement des idées postmodernes, la publication architecturale retrouve un nou- veau souffle. Nous verrons ainsi quelleSOUMIS place a prise la publication des théories dans la promotion du débat architectural auSUPERIEURE travers de la production de trois architectes : Aldo Rossi, Robert Venturi et Rafael Moneo. En parallèle, François Chaslin insiste sur « la reconstruction d’un désir d’archi- tecture dans la presse générale ». Les polémiques propres au domaine de l’architecture trouvent ainsi un écho dans des revues s’adressant à un public amateur. Ce phénomène est symptomatique de la popularité nouvelle de l’architecture. Puis, « il y a quelque chose de nouveau aussi, auquel nous assistons,DOCUMENT actuellement, c’est l’effacement de tout ça », signale François Chaslin. Aujourd’hui, la NATIONALEcritique architecturale disparait et la publication d’architecture joue un rôle nouveau. Nous verrons ainsi, avec les lauréats Tadao Ando et Jacques Herzog, comment l’image s’est imposée comme l’élément fort de la publication d’architecture, et quel lien elle entretient avec la culture du star-system. Enfin, il existe un nouveau type de publication, auquel Chaslin fait allusion, ce ECOLEsont « les livres extraordinaires, que [les architectes] mettent 4 ans à faire, qui pèsent 2 kilos 7, qui sont des événements gigantesques ». L’exemple du livre de Rem Koolhaas illustre cette dernière mutation de la publication architecturale.

1. cf. annexe : Un entretien avec F.Chaslin 48 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Rossi, Venturi, Moneo et la diffusion des théories post-modernes

Tout d’abord, la première génération de lauréats est représentative d’une utilisation de la publication d’architecture qui vise à diffuser des écrits théoriques. Robert Venturi, Aldo Rossi et Rafael Moneo ont pris une place importante dans le débat architectural par le biais de la diffusion de leurs idées, à contre-courant des tendances. La publication se faisait alors revendicatrice, por- teuse d’une pensée critique. Elle était à ce moment-là l’outil principal du débat architectural. Les trois lauréats qui nous intéressent ici connurent la célébrité à la fin des années 60, à un momentNANTES clé de l’histoire de l’architecture. DE

L’italien Aldo Rossi, lauréat du prix en 1990, connut une carrière profondément liée au domaine de la publication, et à l’évolution des revues d’architecture en Italie. 30% expos Il fait partie des architectes lauréats dont l’œuvre construite est 35% écoles relativement mince. La majeure partie desD'AUTEUR projets qui furent réa- 35% publi. lisés est constituée d’installations ou d’architectures temporaires, de théâtres, ou d’écoles. La quasi-totalité de ces constructions est située en Italie. Jusqu’aux années 80, il était en fait surtout connu pour être un théoricienD'ARCHITECTURE et écrivainDROIT d’architecture. En 1959, Aldo Rossi obtint un diplôme d’architecte du Politec- nico di Milano. Il y a étudiéAU 10 années. « Je crois avoir été l’un des plus mauvais élèves du Politecnico de Milan », disait-il à propos de cette période dans son Autobiographie scientifique (p.63). En ef- fet, son intérêt se portait alors vers autre chose que l’architecture. Ainsi, à 23SOUMIS ans, on publia son premier article qui témoignait d’une SUPERIEUREcuriosité pour l’histoire. C’est donc avant même d’être architecte qu’il commença à écrire pour la revue Casabella-Continuita, alors dirigée par Ernesto N. Rogers. Ce dernier, architecte et critique d’architecture, devint au fur et à mesure de leur collaboration, le mentor et ami d’Aldo Rossi. Cousin de Richard Rogers (PP DOCUMENT07), il était associé de l’agence milanaise BBPR, auteure de la NATIONALE célèbre Torre Velasca (1958) véritable monument du nouveau rationalisme italien. Après avoir été rédacteur des revues Qua- drante, et Domus ( 1946-47), Ernesto Rogers participa, à la tête ECOLE de la revue Casabella-Continuita, aux polémiques architecturales qui agitèrent l’Italie à cette époque. En fréquentant cette figure expositions majeure du débat, Rossi se plaçait aux premières loges. Tout en commandes prestigieuses poursuivant sa collaboration à Casabella, il écrivit également pour écoles d’autres revues italiennes, parmi lesquelles Il Contemporaneo et publications Societa en 1959. Il développa ainsi une pensée critique et théo- Chapitre 2 : La publication 49

rique, sur la base des réflexions initiées par Ernesto Rogers et sa Torre Velasca, qui le mena à la publication d’un essai en 1966 : L’Architettura della città. Cet ouvrage, dans lequel Rossi portait un regard nouveau sur la ville existante, eut un retentissement qui dépassa largement l’Italie. La théorie de Rossi s’opposait en effet au courant du modernisme, jusqu’alors incontesté. Diffusé dans le monde entier, cet ouvrage devint une référence, et il servit de base aux théories postmodernes qui suivirent. En Italie, un cercle d’architectes se forma autour de Rossi, et de ses écrits. L’Archi- tettura della città devint le traité de ceux qu’on identifieNANTES comme la Tendenza. DE C’est donc d’abord par le biais de son traité qu’Aldo Rossi put toucher un public mondial. Ses écrits furent publiés aux États- Unis par Peter Eisenman. Dans les années 70, ce dernier invita Rossi à participer à l’IAUS (Institute for Architecture and Urban Studies)1, puis à enseigner à la Cooper Union à New York. Cela permit à l’italien de diffuser ses théories.D'AUTEUR Mais pour toucher le public américain, il lui fallait construire en Amérique. En 1986, Rossi ouvrit une agence à New York, dans l’espoir d’y travailler. Comme le rapporte Bernstein2, les projets tombèrent à l’eau les uns après les autres,D'ARCHITECTURE et DROITles deux seuls bâtiments qu’il put conce- voir aux États-Unis ne furent terminés qu’après sa mort3. Lorsqu’il reçut le prix PritzkerAU en 1990, Rossi devait donc sa célébrité quasi exclusivement à la publication de ses écrits.

L’année suivante, en 1991, c’est l’architecte américain Robert Venturi qui reçut le prix Pritz- ker. Contrairement à son prédécesseurSOUMIS Rossi, Venturi eut une œuvre construite fournie et assez connue. Cependant, commeSUPERIEURE l’italien, il est connu avant tout pour être un des théoriciens les plus importants du XXe siècle.

Diplômé en 1950 des Beaux-Arts de la , Ro- bert Venturi reçut une formation classique héritée des Beaux-Arts DOCUMENTfrançais, grâce à l’enseignement de l’architecte Jean Labatut. Entre NATIONALE10% comm. 1954 et 1956, le jeune Venturi partit à l’Académie américaine de 40% écoles Rome4 où il découvrit l’architecture maniériste et baroque. Riche 50% publi. de cette formation atypique à cette époque, il exprimait dix ans plus tard un regard neuf sur l’histoire de l’architecture, avec la pu- ECOLE

1. IAUS : lieu de formation et de réflexion pour l’enseignement et la pratique de l’architecture, où se développe la recherche d’une alternative au modernisme autour de Peter Eisenman et de la revue Oppositions 2. Fred A. Bernstein, «The House That Harry Potter Built», The Independent, 10 juillet 2000 3. un hôtel pour Disney et le Scholastic Building à New York 4. Pauline Percheron, L’affaire Venturi, La Cambre, Bruxelles, 2011, p.2 50 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

blication du livre Complexity and Contradiction in Architecture. Cet ouvrage parut la même année que l’Architettura della città de Rossi. Fondé sur une même remise en cause du mouvement moderne, l’ouvrage de Venturi eut un impact beaucoup plus im- portant sur ses contemporains que celui de Rossi. Alors qu’en Ita- lie, Rossi se plaçait au centre d’un groupe d’architectes partageant ses idées, Venturi fut perçu comme scandaleux aux États-Unis où l’architecture moderne était encore très présente. Bientôt, se réunit autour de lui une jeune génération d’architectes du monde entier, en attente d’une alternative au modernisme. Il confirmaNANTES sa position de chef de file d’un mouvement « postmoderneDE » en 1972 avec la parution du livre Learning from Las Vegas, écrit avec sa femme Denise Scott Brown et Steven Izenour. De 1960 à 1991, la production construite de Robert Venturi illustra les thèses de ses écrits. Quelques projets furent considérés comme de véritables manifestes du « symbolisme » en architecture, au même titre que les ouvrages publiés. D'AUTEUR

Ainsi, avec ses deux livres, et par le biais de constructions appliquant ses préceptes à la lettre, Robert Venturi se plaça à la tête d’une nouvelle tendance. S’il existe d’autres architectes du post- modernisme, Venturi resta avec deux ouvrages qui firentD'ARCHITECTURE officeDROIT de traités le théoricien proclamé de ce mouvement. AU L’espagnol Rafael Moneo, lauréat du prix en 1996, connut la noto- riété en tant que figure intellectuelle majeure de son époque. Sa formation académique se termina en 1961 avec l’obtention d’un diplôme d’architecteSOUMIS de l’Escuela Técnica Superior de Arquitec- 50% écoles SUPERIEUREtura de Madrid. Débutait alors pour Moneo une formation d’un 50% publi. autre ordre, par le biais de voyages. Jusqu’en 1962, il travailla au Danemark pour l’architecte Jorn Utzon (PP 03), qui concevait alors les plans de l’Opéra de Sydney. À son retour, il eut la chance d’être sélectionné pour résider à l’Académie d’Espagne à Rome. DOCUMENTPendant deux ans, il vécut grâce à cette bourse en Italie, liant des NATIONALE amitiés avec des artistes, des théoriciens et des architectes parmi lesquels Zevi, Tafuri, Portoghesi, eux-mêmes figures clés du débat postmoderne. Ces rencontres eurent une influence décisive sur l’architecture de Moneo, mais aussi sur sa volonté de se tourner ECOLE vers l’enseignement. En 1966, il commença à enseigner à l’école de Madrid, tout en écrivant beaucoup. À cette période, inspiré par le débat naissant en Italie, il participa à l’organisation de rencontres annuelles d’architectes, nommées « Pequeños Congresos ». Ces événements regroupaient la jeune génération d’architectes espa- Chapitre 2 : La publication 51

gnols, ainsi que des invités étrangers parmi lesquels : Siza (PP 92), Rossi, Aymonino, Giancarlo di Carlo et Gregotti, puis Eisenman. En 1974, Rafael Moneo fondait à Barcelone, avec les architectes Sola-Morales et Oriol Bohigas, la revue Arquitectura Bis. La publi- cation hebdomadaire de cette revue progressiste permit au groupe d’asseoir ses positions théoriques et de les diffuser internationale- ment : «La publication a légitimé et formalisé le travail du groupe et lui a donné un outil pour participer aux débats internationaux sur le future de l’architecture contemporaine. Elle les a mis en contact avec les groupes d’architecture de leur générationNANTES dans le monde entier, comme ces architectes, historiensDE de l’architecture et critiques associés aux journaux Oppositions (publié à New York par l’IAUS), Lotus et Contraspazio» 1 Grâce aux «Pequeños Congresos» et à Arquitectura Bis, Rafael Moneo rencontra des figures clés du discours architectural mon- dial, parmi lesquelles Peter Eisenman. Celui-ci devint son ami, et lui permit, à la fin des années 70, D'AUTEURde venir enseigner aux États- Unis.

Ainsi, prenant la place de meneur des débats, à la tête d’un petit groupe d’architectes, Rafael Moneo s’est imposé comme le plus grand intellectuelD'ARCHITECTUREDROIT et penseur des architectes espagnols de l’époque. Toutefois, on peut s’interroger sur cette position: « Ceux qui ont suivi sa carrière depuis les premières années peuvent sentir un certainAU opportunisme derrière ses mouvements pour réajuster ses projets et les adapter ou répondre au discours architectural en vogue.» 2 Ce serait grâce à ses connaissances des tendances que Moneo sut imposer ses projets construits comme des œuvres significatives de l’époque. L’œuvre théorique de Moneo servit donc de base à son travail comme architecte et commeSOUMIS enseignant. Sans la publication comme activité parallèle, aucun de ces deux visagesSUPERIEURE n’aurait pu être reconnu. C’est bien la diffusion de ses écrits qui lui ouvrit les portes de la célébrité. Parmi ces trois architectes, l’exemple de Venturi est le plus frappant. En effet, les deux ou- vrages qu’il a écrits ont suffi à le placer au centre du débat international de l’après-modernisme. Et sa production construite lui a permis de démontrer la pertinence de ses thèses. À l’inverse, Moneo et RossiDOCUMENT ont constitué leur célébrité autour de revues, Arquitectura Bis pour l’un, Casa- bella-ContinuitaNATIONALE pour l’autre. Chacun d’eux a été associé à cette publication en tant que leader.

1. «The publication legitimized and formalized the work of the group and gave it a vehicle for par- ticipating in international debates on the future direction of contemporary architecture. It brought ECOLE them into contact with architectural groups of their generation worldwide, such as those archi- tects, architectural historians and critics associated with the journals Oppositions (published in New York by the Institute for Architecture and Urban Studies), Lotus, and Contraspazio (both Italian progressive architectural magazines)» Valeria Koukoutsi-Mazarakis, Jose Rafael Moneo Vallies:1965-1985, MIT Libraries, 2001 2. «Those who have followed his career since the early years may feel some element of opportu- nism behind his moves in that he readjusts his projects to fit or respond to the current architectural discourse» 52 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

À l’époque de l’émergence d’une pensée critique, les architectes se sont regroupés autour de la publication, et celle-ci est devenue le vecteur principal du débat. La publication devint même, dans certains cas, un traité d’architecture, à l’initiative d’un mouvement. Les exemples de Rossi, Venturi et Moneo sont significatifs d’une importance renouvelée de la publication architecturale, à partir de la fin des années 60.

Architecture rubrique « tendance », Frank Gehry et Zaha Hadid NANTES DE Accompagnant le renouveau de la critique et du débat architectural par le biais de la revue spécialisée, l’architecture s’installe, depuis les années 70, dans les revues « grands publics ». En France, François Chaslin était à cette époque critique d’architecture dans les journaux quoti- diens : Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur. Pour lui, l’apparition d’articles traitant d’architecture est un symbole clair : « l’architecture qui était extrêmement peu appréciée autrefois a changé de place [...] On pouvait [dans ces journaux] alors faire des papiersD'AUTEUR parfois très longs sur la question architecturale », certains articles faisaient la Une. Cette évolution se fit dans les années 1970, au moment de l’apparition de la pensée postmo- derne, alors que le monde de l’architecture connaissait une euphorie créatrice qui ne l’avait pas touché depuis longtemps. Le monde de l’architecture D'ARCHITECTUREest en ébullition,DROIT et la nouvelle esthétique qui nait est en rupture avec les grands ensembles détestésAU du public. On assiste à engouement général pour l’architecture. La mondialisation et le marketing participent à la popularité naissante de l’architecture. Pour séduire le grand public, le marketing s’appuie sur le star-system.

Parmi les tendances nées de la penséeSOUMIS postmoderne, selon Dietmar Steiner1, le déconstruc- tivisme serait le plus populaire.SUPERIEURE Depuis le début des années 80, on cherche avec ce type de constructions spectaculaires à rendre l’architecture séduisante, et intéressante pour un large pu- blic. L’architecture est dorénavant un spectacle, les notions d’usage et de fonctionnement passant au second plan. De « Solide, Commode et Beau », le marketing a conservé le « Beau ».

DOCUMENTL’architecte américain Frank Gehry fut lauréat du prix en 1989. NATIONALE Né au Canada, il partit à 18 ans vers la Californie. Il y acheva 15% comm. des études d’architecture à 25 ans, à l’University of Southern Ca- 15% écoles lifornia, puis se rendit à la Harvard Graduate School of Design 35% publi. ECOLE où il étudia l’urbanisme. Il revenait en Californie en 1962 et y 35% expos ouvrait son agence. 10 ans plus tard, on entendit pour la première fois parler de Frank Gehry, grâce à la collection « Easy Edges », meubles réalisés en carton. L’utilisation de matériaux pauvres as- sociés à des formes innovantes devint la signature de l’architecte.

1. Dietmar Steiner, « Architecture as Spectacle », LOTUS, n°70, octobre 1991, p.73 Chapitre 2 : La publication 53

Sa réputation en tant que designer prit de telles proportions qu’il stoppa bientôt la production des meubles, préférant l’exercice du métier d’architecte. Il revint cependant au design dans les années 80, avec la série « Experimental Edges ». Les projets d’architec- ture de Frank Gehry étaient assez peu connus lorsqu’il reçut le prix Pritzker en 1989. Il s’agissait principalement de maisons en Californie, des projets de plus grande ampleur arrivant seulement dans les années 80. Parmi ceux-ci, le Vitra Design Museum à Weil am Rhein, inauguré en 1989 (fig. 29), est représentatif de l’image dont bénéficiait Gehry à l’époque. Il fut parmi les premiersNANTES archi- tectes choisis pour construire sur le site allemandDE de Vitra, fabri- cant suisse de mobilier design1. L’architecte irakienne Zaha Hadid, lauréate du prix Pritzker en 2004, eut également la chance de construire sur le campus de 15% comm. Vitra. Il s’agit d’ailleurs de l’un de ses premiers projets, le Vitra 25% expos Firestation, inauguré en 1993 (fig. 31). Ce bâtiment, tout de bé- 25% publi. ton, métal et verre, fit sensation. ToutD'AUTEUR comme Gehry, Zaha Hadid 35% écoles s’intéressa au design et à la peinture, avant de se faire un nom en tant qu’architecte. La présence de groupe d’artistes dans leur en- tourage influença notablement ces architectes. Ils abandonnèrent le dessin conventionnelD'ARCHITECTURE DROITcomme outil de projet, et réalisèrent ainsi des bâtiments qui sont de véritables prouesses techniques. Gehry et Hadid sont tousAU les deux associés au mouvement déconstructi- viste.

Cette tendance de l’architecture est une des plus connues du grand public. Il s’agit en effet d’une manière de concevoir l’architectureSOUMIS comme une expérimentation formelle, repoussant les limites techniques. AvecSUPERIEURE le déconstructivisme, l’architecture devint spectaculaire, et photogé- nique. Elle fut donc rapidement intégrée et diffusée par la presse grand public, comme une branche du design. À juste titre, la direction de Vitra choisit Frank Gehry et Zaha Hadid pour re- présenter la marque à Wiel am Rhein, et cela avant qu’ils ne soient consacrés par le prix Pritzker.

L’architectureDOCUMENT devient alors populaire, et entre dans la rubrique « tendance » ou « lifestyle » desNATIONALE magazines et journaux « grand public ». Dorénavant, l’architecture est un élément de la culture contemporaine, au même titre que le cinéma, la littérature, la mode, le design... Afin d’être comprise par tous, elle est vulgarisée. Certains mouvements de l’architecture sont plus photogéniques, « visuels » que d’autres, le déconstructivisme en fait partie, et Hadid et Gehry ECOLEsont ses prophètes. Comme souvent dans l’industrie de la culture, c’est la production la plus spec- taculaire qui est la plus diffusée et la plus connue. Le déconstructivisme serait à l’architecture ce que le « blockbuster » est au cinéma.

1. http://www.vitra.com/fr-fr/collage/campus/ 54 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

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SOUMIS SUPERIEURE

fig.28 : Zaha DOCUMENTHadid en cou- vertureNATIONALE du Vogue masculin italien, L’Uomo, avril 2009 fig.29 : «Bubbles Chaise» de la série «experimental edges», Frank Gehry fig.30 : Vitra design mu- ECOLEseum, Weil-am-Rhein, 1989, Frank Gehry fig.31 : «Banc Iceberg», Sawaya & Moroni, 2003, Zaha Hadid fig.32 : Vitra Fire Station, Weil-am-Rhein, 1993, Zaha Hadid Chapitre 2 : la publication 55

NANTES DE

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SOUMIS SUPERIEURE

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ECOLE

fig.33 : Koshino House, 1984, Tadao Ando fig.34 : Koshino House, 1984, Tadao Ando fig.35 : Church of the light, 1989, Tadao Ando 56 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Publication de l’architecture construite : El Croquis et Tadao Ando

Si dans les années 1970 les publications d’architecture étaient le vecteur du débat théorique, elles ont perdu aujourd’hui cette vocation. Dorénavant, les revues s’appuient presque exclusive- ment sur l’image.

La revue El Croquis, créée en 1982, est un bimensuel espagnol. Le prestige de cette revue est aujourd’hui tel qu’elle est considérée comme une monographie des architectes qui ont la chanceNANTES d’être publiés. Lors de sa création, la volonté des rédacteurs était de porter une attentionDE parti- culière aux détails constructifs, ce qui était alors peu présent dans la publication d’architecture. Avec un format généreux, un papier glacé, et une sélection très pointue des architectes publiés, la revue prend l’aspect d’un véritable livre. Elle a pris avec les années une valeur de consécration pour les agences d’architecture sélectionnées. Parmi celles-ci, on retrouve de nombreux lauréats du prix Pritzker (10), mais pas tous. La publication d’un architecte célèbre par El Croquis pré- cède en général l’attribution du prix Pritzker. Rafael Moneo est le premierD'AUTEUR futur lauréat à avoir été publié (n° 20).

Lauréat en 1993, Tadao Ando est également l’un des premiers architectes à avoir été D'ARCHITECTUREchoisi parDROIT El Croquis. Dans l’édition des numéros 44+58, Hajime Yatsuka pointe d’ailleurs cette singula- rité de l’architecte : «Architects,AU unlike painters or writers, cannot 40% expos produce works solely out of intent or creative volition : their suc- 60% publi. cess as creators is contingent upon having a «success story». There are, furthemore, few architectural success stories that can match Tadao Ando’sSOUMIS for drama and singularity. » L’auteur explique en- SUPERIEUREsuite que si Kenzo Tange, par exemple, a connu la célébrité dés ses débuts grâce à d’importants concours, on ne peut rien trou- ver de tel dans la carrière d’Ando. Il se fit connaitre par de très modestes projets : Azuma House, I House, Koshino House... Au Japon, il conçut des maisons, puis des boutiques, a priori pas de DOCUMENTquoi attirer les regards du monde entier. Pourtant, Ando devint NATIONALE rapidement le protégé des critiques et historiens d’architecture : Kenneth Frampton aux États-Unis, François Chaslin en France, etc. L’architecture de Tadao Ando est toute en ombres, en tex- ECOLE tures, en volumes nets. Comme Le Corbusier longtemps avant lui, il travaille le béton et l’on trouve dans les photographies de ses projets la lumière et les ambiances propres à ce matériau.

La Koshino House, construite en 1984, est particulièrement cé- lèbre pour les photographies de ses ambiances intérieures. La Chapitre 2 : La publication 57

Church of the Light, conçue en 1989, est également un projet marquant pour les effets de contraste lumineux très photogé- niques.

L’architecture de Tadao Ando est dans la lignée de l’architecture moderne de la première moitié du XXe siècle. Pourtant, sans être complètement novatrice, elle est aujourd’hui célèbre et rapidement identifiable à son architecte. L’exemple de Ando, comme celui de la publication El Croquis, est révélateur d’un changement dans la diffusion de l’architecture. L’image a au- jourd’hui une place plus importante que jamais. Les architectes contemporains l’ont compris, et ils s’associent désormais avec des photographes professionnels. C’est ce que remarqueNANTES François Chaslin : « Pour chaque projet, les architectes paient des photographes pour réaliserDE des photos qui donnent une idée un peu idéalisée du bâtiment ». Les images publiées ensuite par les revues sont celles que les architectes ont choisies. Rien n’est laissé au hasard.

Le contenu critique des articles a lui, régressé au profit de l’image. Aujourd’hui, la plupart des revues d’architecture ont suivi le ton donné par El Croquis. On ne montre plus l’architecture de la même manière. L’image photographique ou de synthèse prédomine.D'AUTEUR Les architectes sont attentifs à ce qu’elles vendent leur projet, et s’associent pour cela aux meilleurs professionnels. L’enjeu est de taille, puisque la publication des travaux des architectes est le premier moyen d’accéder à une relative notoriété, et à la commande qui va avec. Afin d’être publiées, les photo- graphies des projets sont manipulées, travaillées,D'ARCHITECTURE et deviennentDROIT des images idéales. Après avoir été le diffuseur d’idées d’avant-garde, ou le reflet critique de la production architecturale, la presse spécialisée joue aujourd’hui un nouveau rôle.AU En effet, les architectes ne rêvent plus que de la publication de l’une ou l’autre de leurs constructions, la presse devient « une autorité qui juge la qualité de l’œuvre »1. On ne parle plus de bonne ou mauvaise critique, le simple fait d’être publié suffit. Quelque soit le média (télévision, internet, magazine) un projet « publiable » est un projet photogénique, un projetSOUMIS d’image. Un architecte qui n’est pas publié, est-il encore un architecte ? SUPERIEURE

Mais quel fossé entre la réalité du labeur quotidien de l’architecte, la lenteur et la trivialité de la construction d’un bâtiment, et l’image lisse qui en est donnée sur papier glacé ! Cela donne à réfléchir sur la façon dont ce métier est connu du public. Si le travail des architectes est de plus en plus exposéDOCUMENT et reconnu, c’est en partie grâce à sa dématérialisation. L’architecture se réduit- elleNATIONALE à son image ?

ECOLE

1. Julia Chance and Torsten Schmiedeknecht, « Fame and Architects », Architectural Design, 2001, p.5 58 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Le cas particulier de Jacques Herzog

Lauréats du prix en 2001, Herzog et de Meuron étaient déjà parmi les architectes les plus publiés de leur génération. Ils sont les seuls Pritzker publiés par les éditions suisses Birkhäuser dans la collec- tion « Complete works“(volume 1 édité en 1997), et font partie 40% expos des rares publiés par El Croquis avant l’obtention du prix. Rien 60% publi. d’étonnant donc, à ce qu’ils sachent déjà parfaitement contrôler leur image. François Chaslin raconte d’ailleurs cette anecdoteNANTES in- téressante, pour évoquer la façon nouvelle dont les agencesDE gèrent maintenant leur communication :

” Dans les grosses agences, la communication est tellement maitri- sée, que par exemple si vous voulez obtenir des images d’Herzog & de Meuron pour faire un article sur eux dans une revue turque, ça m’est arrivé, c’est un vrai casse-tête. Je voulaisD'AUTEUR faire un papier sur le bâtiment à Madrid, la Caixa, comme Herzog & de Meuron ne connaissaient pas cette revue turque, c’était un véritable souk pour obtenir une autorisation de l’attachée de presse. Il fallait répondre à des questionnaires, “qu’allez-vousD'ARCHITECTUREDROIT dire ?” “combien de pages ?”, etc. Mais c’est un cas particulier d’agence très organisée, suisse, très à cheval sur ses droits.AU »1

Depuis leurs débuts en 1978, Herzog & de Meuron ne laissent filtrer que des images très maitrisées de leurs œuvres. Mais le plus révélateurSOUMIS de leur maitrise des médias, c’est la manière dont ils SUPERIEUREdiffusent des images de leurs propres visages, tout particulière- ment celui de Jacques Herzog.

Dans un article sur ce dernier, Julia Chance rapporte cet évène- ment révélateur : DOCUMENT« Pendant l’émission de 1996 sur Channel Four qui suivait les NATIONALE progrès de la Modern Tate gallery; on a vu Jacques Herzog deman- dant à un cameraman de ne pas le filmer sous l’angle qu’il avait adopté, parce que, dit Herzog, il n’était pas bien sous cet angle. »2 Il ne s’agit pas seulement d’exigences de diva. Pour l’agence ECOLE suisse, chaque détail compte, particulièrement ceux qui peuvent influencer notre regard sur ces architectes. Herzog et de Meuron ont réussi en quelques années à maitriser totalement les médias,

1. cf. annexe : Un entretien avec F.Chaslin 2. ibid. p.49 Chapitre 2 : La publication 59

que ce soit par des publications architecturales ou « dans une vaste gamme de magazines «lifestyle» de distribution mondiale ».

Ainsi, la séduction par l’image n’est plus réservée aux seuls bâtiments, elle utilise aussi do- rénavant le visage de l’architecte. Les photographies de l’architecte apparaissent ainsi dans la monographie consacrée à l’agence en 1997 (El Croquis n° 84),en couverture d’un numéro de Blueprint (mars 1995) ou dans le « Swiss Top 50 » de Wallpaper en mai 2001. Les dimensions en sont assez révélatrices, la photographie du créateur est souvent aussi grande, voire plus, que celles de ses créations. Rien de moins naturel que ces images, où les jeux de lumière mettent en scène le visage émacié et torturé de l’architecte. D’un magazine à l’autre, elles paraissent étrangementNANTES similaires, sans doute grâce à l’expression particulière qu’y affiche Jacques Herzog.DE Julia Chance relève d’ailleurs ce fait intéressant : si le visage de l’architecte reste le même, malgré les années qui séparent les photographies, ses réalisations elles, ne cessent de varier. Le travail de Herzog & de Meuron est connu pour une adaptation du style au contexte et la recherche d’effets plastiques. Comment alors, donner à voir une identité constante et forte, indispensable à la célébrité ? Il semble que la solution passe désormais par l’exposition de l’architecte lui même. Le visage de Jacques Herzog reste donc immuable, au-delà des modes, « prouvant,D'AUTEUR d’une manière rassurante, qu’en architecture il y a quelques vérités éternelles »1.

Aujourd’hui, Rem Koolhaas et leD'ARCHITECTURE livreDROIT hybride AU Depuis quelques années, on voit apparaitre un genre nouveau de publication. En homme de communication, l’architecte a assimilé les évolutions récentes de la publication : la pensée cri- tique, le livre comme traité d’architecture, le côté « tendance » de l’architecture, et l’importance de l’image. Ainsi apparait un nouveauSOUMIS type de publication hybride, où se décline dans le même ouvrage : livre, revue, carnetSUPERIEURE de croquis, bande dessinée, etc.

« The book spills over with graphs, charts, poems, scripts, revisions, essays, metaphors, panic, chronologies, plans, cartoons, Beckett, events, big men, big type, models, diaries, competitions, notebooks, disasters, artworks, dreams, manifestos, drawings, rants, lectures, cities, speculation, sex, inventionDOCUMENT and tragedies. » 2 NATIONALE Publié en 1995, S, M, L, XL est l’ouvrage le plus innovant du siècle dernier, et sans doute le modèle de ceux du siècle à venir. Ses ECOLE auteurs sont l’agence d’architecture O.M.A. , l’architecte Rem Koolhaas, et Bruce Mau, designer canadien. Sous une forme inédite mêlant photographies, croquis, schémas, et textes de ma- nière apparemment chaotique, l’ouvrage explique les projets de

1. ibid. p.53 2. (http://www.brucemaudesign.com/4817/97396/work/smlxl) 60 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

l’agence O.M.A. et expose les réflexions de Koolhaas sur la ville contemporaine. La prétendue meilleure agence d’architecture 15% comm. du monde (O.M.A.) s’associe à un des plus grands designers du 25% expos moment (Bruce Mau), et à un photographe réputé (Hans Wer- 25% écoles lemann) pour produire l’ouvrage de référence, 1300 pages et 35% publi. 2,7 kg. Sous l’aspect brouillon qui a fait son succès, donnant une part inhabituelle aux travaux de recherche, l’ouvrage présente le travail de O.M.A. avec une sincérité apparente. Tous les projets, depuis les débuts de l’agence, y sont repris et classés. La taille impressionnante de l’ouvrage contribue à donner cette impressionNANTES d’exhaustivité. En réalité, S,M,L,XL recrée une histoireDE à l’agence de Koolhaas, présentant par exemple, des premiers projets qui ne le sont pas. Même si l’architecte invente ici une « esthétique du défaut », l’ouvrage est méticuleusement fabriqué. Plus que jamais, l’image de l’architecte est maitrisée. « The book established for the first time a coquetry regarding imperfection and improvisation »1 L’architecte hollandais Rem Koolhaas fut lauréatD'AUTEUR du prix Pritzker en 2000. Son travail autour de la publication d’architecture com- mença en 1978 avec le manifeste : Delirious New York. Il y expo- sait sa théorie sur la ville, à travers une analyse du développement de Manhattan. Avant mêmeD'ARCHITECTURE deDROIT construire, Koolhaas se distinguait grâce à ce livre. Ce travail de recherche AUautour du livre d’architecture l’a mené jusqu’à S,M,L,XL, grâce auquel il fut proclamé « penseur » de l’architecture du XXIe siècle. Avec S,M,L,XL puis par la suite avec d’autres ouvrages, parmi les- quels ContentSOUMIS (OMA), Yes is More (BIG), les architectes prouvent SUPERIEUREqu’ils manipulent à présent parfaitement les médias.

Célébrité et diffusion de l’architecture

DOCUMENT Le rôleNATIONALE de la publication dans l’architecture est aujourd’hui très différent de celui qu’elle jouait au début du siècle dernier, dans le débat autour des avant-gardes. Le contenu idéologique et théorique semble en avoir progressivement disparu2, au profit d’une esthétisation et d’une ECOLEvalorisation de l’image. La revue d’architecture, si elle n’est plus le lieu exclusif du débat, possède une autorité nouvelle, en lien avec le star-system. Elle devient un outil de sélection du travail de certains architectes au sein de la production actuelle, et de diffusion de celui-ci. La revue d’archi-

1. Paul Davies & Torsten Schmiedeknecht, An Architect’s Guide to Fame, Architectural Press, 2005, p.111 2. Hélène Jannière, « Les revues d’architecture », Encyclopaedia Universalis Chapitre 2 : La publication 61

tecture devient le passage obligé vers la notoriété, puis vers la consécration du « starchitecte ». La publication participe à deux évolutions de l’architecture. D’une part, l’architecture est perçue comme une tendance, diffusée exclusivement par le biais de l’image. D’autre part, les transforma- tions de la revue d’architecture s’accompagnent de l’apparition de la monographie (avec El Cro- quis) et de l’ouvrage hybride (avec S,M,L,XL) qui attestent tous deux de l’apothéose de la relation des architectes aux médias. Ces « livres » semblent annoncer une nouvelle ère dans la publication spécialisée, marquée par l’appropriation de leur communication par les agences d’architecture elles-mêmes, et la production d’objets hybrides et complets. NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE 62 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

NANTES DE

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D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

fig.36 - 39 : Jacques Herzog sous son meilleur profil Chapitre 2 : La publication 63

NANTES DE

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D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

fig.40-45 : extraits de l’ou- vrage S,M,L,XL de Rem Koolhaas 64

Chapitre 3 Les écoles d’architecture

NANTES DE

Depuis la période moderne, les écoles d’architecture ont permis aux architectes d’asseoir leur influence et leur célébrité. Aujourd’hui, les stars sont absorbées par les écoles qui souhaitent développer leur réputation. « Grandes » écoles et « grandes » agences sont de plus en plus liées. D'AUTEUR Construire n’est pas pour un architecte, la seule manière d’accéder à la célébrité. L’architecte du XXe siècle est aussi une figure intellectuelle, un penseur de son époque. Sa recherche s’ex- prime dans l’écriture, mais aussi dans le débat et l’enseignement.D'ARCHITECTUREDROIT De grands architectes de notre temps se sont ainsi imposés à leurs pairs en tant que professeurs, critiques ou historiens. Ainsi, John Hejduk, figure majeure de la fin du postmodernisme,AU préférait dissocier « architecture » et « construction ». « I’m in my mid-fifties now and I feel I’m just ready to build... What I don’t agree with is the emphasis on building rather than architecture. The very thing an architect can do is to affect your psyche and spirit- that’s his job. It’s simply not enough for him to answer only to the physical. » 1 SOUMIS La publication des réflexionsSUPERIEURE de l’architecte2 est indissociable de l’enseignement. Les archi- tectes cités précédemment, célèbres pour leurs travaux théoriques, furent également reconnus en tant qu’enseignants. Parfois même, les ouvrages qu’ils produisirent étaient issus de recherches menées avec leurs étudiants. Ainsi, Robert Venturi, enseignant à Yale, écrivit l’ouvrage Learning From Las Vegas, après une étude du Strip menée avec ses étudiants. Rem Koolhaas, enseignant à Harvard, publia unDOCUMENT an après avoir reçu le prix Pritzker, Mutations, puis deux autres ouvrages3, tirés du studioNATIONALE « Project on the City » qu’il dirigeait depuis 1995. L’enseignement n’est donc pas considéré comme une activité supplémentaire, mais bien

1. Magali Sarfatti Larson, Behind the Postmodern Facade, Architectural Change in Late Twen- ECOLEtieth Century America, University of California Press, Los Angeles, 1993, p.105 2. cf. chapitre 2 3. Rem Koolhaas, S. Boeri, S. Kwinter, D. Fabricius, H. U. Obrist, N. Tazi, Mutations, Arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux, 2001 Rem Koolhaas, C. J. Chung, J. Inaba, S. Tsung Leong, The Harvard Design School Guide to Shopping. Harvard Design School Project on the City 2, Taschen, New York, 2002 Rem Koolhaas, B. Chang, M. Craciun, N. Lin, Y. Liu, K. Orff, S. Smith, The Great Leap Forward. Harvard Design School Project on the City, Taschen, New York, 2002 Chapitre 3 : Les écoles 65

comme l’un des « métiers » qu’englobe l’architecture. En effet, un poste de professeur peut suf- fire à subvenir aux besoins d’un architecte, sans qu’il ait besoin de construire. Ainsi, dans le cas de Thom Mayne (PP 05), «Enseigner nous a permis de sélectionner les travaux qui continueraient nos propres explorations, nos recherches, sans avoir à nous préoccuper de la charge de mener l’agence»1. Enseigner permet donc aux architectes d’aménager un temps indispensable au sein de leur parcours pour développer et enrichir une pensée architecturale qui leur est propre. Il est fréquent que les architectes célèbres aient enseigné. Parmi les prix Pritzker, on trouve : - des architectes ayant enseigné avant de construire : Tange (PP 87), Rossi (PP 90), Venturi (PP 91), ou Maki (PP 93) qui fut professeur aux États-Unis avant de s’installer à son compte au Japon. NANTES - des architectes qui ont su partager leur activité entre enseignement et constructionDE : Johnson (PP 79), Meier (PP 84), Gehry (PP 89), Koolhaas (PP 00), Herzog & de Meuron (PP 01), Hadid (PP 04), Mayne (PP 05)... - des architectes qui ont interrompu leur activité construite pour être professeur à l’étranger : Stirling (PP 81), Moneo (PP 96).

Le système universitaire tel que nous le connaissons aujourd’huiD'AUTEUR dans le monde entier semble avoir fusionné avec le star-system. Il existe des milliers d’écoles d’architecture dans le monde. Mais une vingtaine d’entre elles seulement sont connues et considérées comme « les meilleures ». Depuis les années 1970, certaines écoles se placent au centre du débat architectural. Elles ont les meilleurs professeurs, publient les meilleursD'ARCHITECTURE ouvrages,DROIT produisent les meilleurs travaux, et forment ceux qui seront les meilleurs architectes de leur génération : ces écoles sont incontour- nables. AA school of architecture, Harvard GraduateAU School of Design, Yale School of Architec- ture, Eidgenössische Technische Hochschule Zürich, Columbia Graduate School of Architecture Planning and Preservation, University of Southern California School of Architecture, Politecnico di Milano, Accademia di Architettura di Mendrisio... La cote des écoles augmente et diminue, et quelques-unes alternent sur le podium.SOUMIS SUPERIEURE

XXe siècle, « Notes on American architectural education »2

Si en FranceDOCUMENT l’enseignement de l’architecture fut institutionnalisé dés le XVIIe siècle, il faut attendreNATIONALE la seconde moitié du XIXe siècle pour voir apparaitre celui-ci dans les Universités Amé- ricaines. À partir de 1865, on enseigna l’architecture au Massachussets Institute of Technology (MIT), en 1867 à l’University of school d’Urbana, et en 1898 il existait neuf écoles d’archi- ECOLEtecture aux États-Unis. Auparavant, l’architecture de la jeune nation était aux mains d’une élite, formée à l’école des Beaux Arts de ou à Londres, puis était transmise par apprentissage. Ce sont donc les écoles européennes qui furent prises pour modèle lors de la constitution de

1. Magali Sarfatti Larson, Behind the Postmodern Facade, Architectural Change in Late Twen- tieth Century America, University of California Press, Los Angeles, 1993, p.136 2. Kenneth Frampton, Alessandra Latour, « Notes on American architectural education », LO- TUS, n° 27, 2e trimestre 1980, pp.5-39. 66 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

l’enseignement de l’architecture aux États-Unis. Dans les années 1920, des architectes français des Beaux-Arts prirent la direction des écoles américaines. Chaque école était alors menée par une personnalité : Jacques Carlu au MIT, Léon Arnal à l’University of Minnesota, Jean Labatut à Princeton... Les écoles furent ainsi associées aux célèbres professeurs qui les dirigeaient.

En Europe, c’est l’école du Bauhaus qui révolutionnait l’architecture, sa pratique et son ensei- gnement. Avant-gardiste, elle fut dissoute en 1933 car produisant un « art dégénéré » selon les nazis. Par l’intermédiaire de Philip Johnson (PP 79), les maîtres du Bauhaus furent alors invités à enseigner dans les écoles américaines, et à y diffuser l’architecture moderne. Ils y entamèrent une réorganisation radicale. Ainsi, à la demande de Joseph Hudnut, l’architecte allemand GropiusNANTES devint professeur à Harvard en 1937, puis devint directeur du département d’architectureDE de cette même école en 1938. Mies van der Rohe devint en 1938 directeur du département d’archi- tecture de l’Illinois Institute of Technology (IIT)1. Ces deux maîtres de l’architecture moderne furent bientôt rejoints par leurs anciens collaborateurs, parmi lesquels Breuer, Wagner... Les écoles américaines connurent en quelques années des transformations capitales qui menèrent au système d’enseignement actuel. Malgré la présence de deux architectes du Bauhaus, les relations entre l’école d’Harvard et l’IIT restèrent distantes. Les conceptions différentesD'AUTEUR de l’enseignement portées par Gropius et Mies van der Rohe mirent les deux écoles en position d’antagonisme, presque de concurrence. C’était donc le début de la rivalité propre aux stars que l’on trouve aujourd’hui entre les écoles d’architecture. Les diplômés des deux écoles développèrent égale- ment deux types de pratique. D’un côté les diplômés D'ARCHITECTUREd’Harvard,DROIT parmi lesquels, Philip Johnson (PP 79), Ulrich Franzen, Paul Rudolph ou I.M. Pei (PP 83), constituèrent une élite libérale, représentant l’établissement de l’hégémonie américaine.AU De l’autre, les diplômés du IIT, dont Skidmore, Owings & Merrill, et C.N. Murphy & Associates, devinrent des militants du mouve- ment moderne2. De plus en plus, l’école et son directeur en tant que « mentor », devenaient le centre névralgique du débat, le symbole d’une pensée et d’une pratique. SOUMIS Avec l’enseignement de GropiusSUPERIEURE déjà, la sensibilisation des étudiants au milieu profession- nel prenait une part importante dans l’enseignement. En effet, l’architecte allemand avait mis au cœur du fonctionnement des studios de projet le travail d’équipe, « team-work », et d’autres principes issus du Bauhaus. À partir de 1957, le grand architecte américain Louis Kahn devint enseignant à Philadelphia, University of Pennsylvania. Avec le soutien du doyen Holmes Perkins, Kahn tenta d’intégrerDOCUMENT la pratique professionnelle à l’enseignement de l’école. On choisit donc pour professeursNATIONALE de jeunes architectes peu connus, « qui étaient capables de créer une interaction entre l’école et le monde extérieur ». Ceux-ci se nommaient Romaldo Giurgola, ou Robert Venturi (PP 91). Louis Kahn tentait alors de faire pénétrer la ville dans l’école. La réciproque était déjà acquise, puisque Philadelphia profitait de l’influence de l’école et de son célèbre professeur. ECOLEL’importance de l’architecte rayonnait sur la ville entière, en faisant un des centres urbains les plus progressistes de la côte est3.

1. IIT qui était jusqu’en 1940, l’Armour Institute 2. Kenneth Frampton, Alessandra Latour, « Notes on American architectural education », LO- TUS, n°27, 2e trimestre 1980, p.17 3. ibid. p.25 Chapitre 3 : Les écoles 67

Dans les années 1960, c’est au tour de Colin Rowe de devenir par l’intermédiaire de l’ensei- gnement l’une des figures intellectuelles majeures de son époque. Après être devenu en Angle- terre un critique reconnu, il poursuivit sa carrière aux États-Unis à partir de 1953. Hamilton Harwell Harris, alors directeur de la University of Austin, au Texas, souhaitait modifier l’image de son école. Il décida alors de recruter « un groupe de jeunes radicaux »1, parmi lesquels on trouvait Colin Rowe, John Hejduk, Bernard Hoesli... L’expérience fut un succès. L’influence considérable que le directeur pouvait avoir sur l’image de l’école, en nommant tel ou tel type de professeur, fit des émules dans d’autres écoles. Colin Rowe fut lui invité à la , où il fut professeur à partir de 1962. L’influence de cet intellectuel fut alors immense, il initia un nouveau système. En effet, en tant qu’enseignant, Rowe devint le mentor à la fois des NANTESétudiants et des plus jeunes des professeurs. Au sein des élèves dévoués à sa cause apparurentDE alors des « star pupils »2, qui devinrent à leur tour enseignants, déjà convertis à la pensée de Rowe et qui purent, eux aussi, la diffuser. À la fin des années 1960, l’école ainsi transformée s’avérait être un outil de publicité inégalable.

Cet aperçu de l’histoire de l’enseignement de l’architecture aux États-Unis nous est livré par Kenneth Frampton et Alessandra Latour en 1980. On y voit naîtreD'AUTEUR l’école d’architecture telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les mécanismes du star-system s’y développent lentement, jusqu’aux années 1960 qui semblent annoncer un tournant. Aujourd’hui, l’image des écoles, l’in- fluence de ses professeurs et le noyau d’architectes qui se forme autour d’eux sont des dispositifs bien installés. D'ARCHITECTUREDROIT AU James Stirling, Yale School of Architecture

LauréatSOUMIS du prix Pritzker en 1981, l’architecte britannique était SUPERIEUREalors un des architectes les plus célèbres de sa génération. Il était devenu l’une des coqueluches du milieu intellectuel londonien 10% expos dans les années 1950, où il fréquentait les figures importantes de 10% publi. l’époque, parmi lesquelles Reyner Banham, les Smithsons, et sur- 80% écoles tout Colin Rowe. Il fut enseignant à la AA School dés 1956, alors DOCUMENTqu’il montait à peine sa propre agence, « Stirling & Gowan ». Dés NATIONALE ses premiers projets, il fut associé par Banham au « New Bruta- lism », représenté par Peter et Alison Smithson. Ce courant repré- sentait alors l’avant-garde, en rupture avec le Style International ECOLE en vogue aux États-Unis. Paul Rudolph était à l’époque un des architectes américains les plus connus et dirigeait la Yale School of Architecture. Il réunissait alors dans les jurys des critiques choisis pour leurs qualités et leurs opinions différentes, et il invita Stir-

1. ibid. p.27 2. ibid. p.31 68 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

ling à y participer à partir de 1959. Le jeune architecte se trouva confronté, lors des « crits »1 aux plus grandes figures de l’époque : Peter Eisenman, Philip Johnson (PP 79)... Ce fut l’occasion pour Stirling de vivre aux États-Unis, et de s’y faire connaître. Il accom- pagna à Yale des étudiants de la AA School : Su et Richard Rogers (PP 07), Norman Foster (PP 99), et Eldred Evans, qui devint sa petite amie. James Stirling semble avoir toujours été plus proche des étudiants et des jeunes diplômés que des professeurs. Son caractère excentrique, son mode de vie choquant, et ses liaisons avec des étudiantes étaient sans doute à l’origine de la sympathieNANTES que lui portaient ses élèves, parmi lesquels on trouvaitDE Charles Gwathmey, ou George Buchanan. C’est d’ailleurs parmi ses étu- diants que Stirling sélectionna les membres de son agence à New York. Il avait en effet décidé de profiter du poste de « Davenport professor of Architecture » qu’on lui offrit en 1966 pour s’établir en tant qu’architecte aux États-Unis. L’équipe de travail qu’il constitua était exclusivement constituée deD'AUTEUR jeunes diplômés de Yale ou de Princeton.

En 1977, lorsque Cesar Pelli devint doyen de Yale, James Stirling y était une star. Il étaitD'ARCHITECTURE l’un desDROIT professeurs les plus respectés de l’école, pas grâce à sa méthode de travail, mais grâce à l’attache- ment particulier qu’il avaitAU pour ses élèves. Pour les « crits », il invi- tait les personnes les plus puissantes du monde de l’architecture : Michael Graves, Philip Johnson, Peter Blake, Peter Eisenman, « a roomful of Who’sWhos »2. Il demeura professeur à Yale, au côté du doyen SOUMISCesar Pelli jusqu’en 1983. James souhaitait construire SUPERIEUREaux États-Unis, mais ses connaissances parmi les architectes ne lui servaient à rien dans un pays où ces derniers sont absents des jurys de concours. Yale ne lui a donc pas apporté de travail. Pourtant, c’est à cette époque qu’il connut la célébrité internationale. En tant qu’enseignant, il avait d’une part pu côtoyer les grands archi- DOCUMENTtectes de sa génération, mais il avait surtout su se faire apprécier NATIONALE de la génération suivante. Il fut ainsi considéré par tous comme une figure brillante et incontournable de la scène internationale.

ECOLE

1. « crits » : terme anglais pour désigner les jurys des projets d’étudiants 2. Mark Girouard, Big Jim: the life and work of James Stirling, Chatto Windus, Londres, 1998, p. 133 Chapitre 3 : Les écoles 69

Rem Koolhaas, Zaha Hadid, la AA School dans les années 1980.

Les écoles américaines étaient jusqu’aux années 1970 les plus célèbres, les années 1980 semblent avoir été dominées par une école britannique : la AA. C’est Alvin Boyarsky, directeur de l’école londonienne de 1971 à 1990, qui fit de l’Architectural Association School une institution puissante internationalement1. C’est sous sa direction que sortirent de cette école des architectes aujourd’hui célèbres : dont Rem Koolhaas, Zaha Hadid, Peter Wilson, Nigel Coates...

Rem Koolhaas, lauréat du prix Pritzker en 2000, fut diplômé de la AA School en 1972.NANTES Il avait eu pour professeur le désormais célèbre Elia Zenghelis, qui prodiguait alors l’unDE des enseigne- ments les plus radicaux. Après des études complémentaires aux États-Unis, à la Cornell Uni- versity, il fondait en 1975 à Londres son agence, O.M.A, avec son ancien professeur. La même année, il commençait à enseigner à l’école londonienne. Alvin Boyarsky, ne croyant pas alors à l’utilité d’un programme d’études, avait décidé de laisser aux professeurs la plus grande liberté pédagogique. Cette initiative attirait de grands noms de l’architecture de l’époque : Bernard Ts- chumi, Peter Cook, Dalibar Vasely, Joseph Rykwert ou Daniel Libeskind,D'AUTEUR et enfin Rem Koolhaas. Parmi eux, ce dernier bénéficiait d’une grande popularité. Venu de Hollande, Koolhaas adoptait en effet une position provocatrice par rapport aux architectes de son pays. Hertzberger, Van Eyck ou Weeber auraient pu être ses mentors, mais Koolhaas, depuis Londres, les critiquait et se moquait de leurs discours. Son attitude cynique,D'ARCHITECTURE réalisteDROIT par rapport à la profession, puis son par- cours brillant firent du jeune architecte le modèle de toute une génération. Parmi les étudiantes les plus brillantes de Koolhaas, on trouvait Zaha AUHadid (PP 04), jeune architecte irakienne. Elle reçut son diplôme en 1977, et commença immédiatement à travailler dans l’agence O.M.A. La même année, elle assista Koolhaas à la AA School, et en 1987 elle possédait son propre studio de projet. Zaha Hadid doit une partie de sa réputation à la AA School, car elle avait peu construit lorsqu’elle reçut le prix Pritzker. DansSOUMIS les années 1990, Zaha Hadid et Rem Koolhaas devinrent tous deux professeurs àSUPERIEURE Harvard. L’école de Londres était alors tellement célèbre que les écoles américaines se disputaient ses représentants.

Un architecte pouvait ainsi être adopté, plébiscité par des étudiants pour des qualités qui n’avaient pas forcément à voir avec une production construite. Il pouvait s’agir de son personnage, de son attitudeDOCUMENT provocatrice, de sa position atypique dans le milieu architectural... Sa réputation pouvaitNATIONALE ensuite prendre une ampleur internationale, au travers d’autres écoles d’architecture.

ECOLE

1. Paul Davies & Torsten Schmiedeknecht, An Architect’s Guide to Fame, Architectural Press, 2005, p.111 70 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Alvaro Siza, Eduardo Souto de Moura, l’école de Porto

Selon Frédéric Martel1, le développement de la culture américaine et sa diffusion, vont de pair avec l’éclosion de cultures nationales ou locales. Ainsi, en architecture, en même temps que s’imposaient de grandes écoles américaines comme Harvard, la Cooper Union, Yale, et que leur modèle se répandait (à la AA School par exemple), des écoles régionales constituaient leurs propres noyaux d’influence.

Le portugais Alvaro Siza fut lauréat du prix Pritzker en 1992. Cette année-là se terminait la construction de la FaculdadeNANTES de Arquitectura da Universidade do Porto (FAUP), son projetDE le plus 10% expos important, architecturalement et symboliquement. En effet, Siza 20% comm. fit ses études d’architecture à la Escola de Belas Artes do Porto dont il fut diplômé en 1955. Il y avait pour professeur un des ar- 70% écoles chitectes portugais les plus importants de l’époque moderne, Fer- nando Tavora. Une fois architecte, Siza travailla quelques années dans l’agence de celui que l’on considère commeD'AUTEUR son mentor, tout en développant sa pratique personnelle. À partir de 1966, Alvaro Siza rejoignit Tavora comme professeur d’architecture à la Escola do Porto. Il eut pour élève Eduardo Souto de Moura (PP 11), qu’il forma à travers l’école etD'ARCHITECTURE en agence.DROIT Celui-ci fut diplômé en 1980 et entama aussitôt une carrière prometteuse, au travers de projets 10% publi. AU 10% expos en collaboration avec Siza, et de projets personnels exprimant son 30% comm. influence. Dés 1981, Souto de Moura devint professeur assistant 50% écoles à la Escola do Porto. Autour de cette école, c’est donc Tavora, Siza puis Souto de Moura qui se firent connaitre comme les plus grands architectesSOUMIS portugais de leurs générations respectives. SUPERIEURELeur approche de l’architecture, d’une modernité propre à leur région, se développa en continu au travers de l’enseignement de l’un à l’autre. On parle aujourd’hui d’une « École de Porto » pour désigner leur pratique.

Cette naissance DOCUMENTd’une école régionale autour d’un architecte et de ses élèves n’est pas un cas isolé. On NATIONALEpeut le comparer avec l’Université de Tokyo et l’architecte Kenzo Tange (PP 87), l’école de Barcelone et Rafael Moneo (PP 96), l’école de São Paulo et Paulo Mendes da Rocha (PP 06), ou avec celle de Mendrisio et l’architecte Peter Zumthor (PP 09). François Chaslin relève ce phé- nomène : « Il y a eu longtemps des pays d’Europe comme l’Espagne, dans lesquels vous aviez des ECOLEécoles régionales, dans tous les sens du mot. Vous aviez un lieu universitaire, des élites, un milieu architectural, une esthétique, une philosophie, des clients. Tout ça créait un milieu. Barcelone par exemple, c’est très connu. Mais c’était le cas aussi à Porto. La ville est devenue très célèbre parce que vous avez, là, une école d’architecture conçue par le plus célèbre architecte du moment, dont

1. Mainstream Chapitre 3 : Les écoles 71

le gendre est aussi Pritzker, Souto de Moura, dont tous les profs ont été formés par eux. C’est une sorte de chapelle. Et en plus, tous les élus font appel à ces gens là pour développer les bâtiments publics. Vous êtes là dans le cas très particulier d’une école, dans tous les sens du mot, école stylis- tique et école comme lieu d’enseignement, qui règne. »1 L’importance de ces écoles régionales est aujourd’hui visible. Elles ont su s’imposer d’une manière différente des prestigieuses écoles amé- ricaines. Le star-system y est même poussé à son paroxysme : un architecte, une école, une pra- tique, et une ville ou une région sous cette influence permettent à cette architecture de prendre une place dans le débat international. NANTES L’école d’architecture à l’ère du star-system DE

L’architecte-enseignant est donc une figure courante dans la petite liste des stars aujourd’hui. Certains affirment d’ailleurs que c’est à cette situation d’« intellectuel », plutôt qu’à leurs construc- tions, qu’ils doivent leur réputation2. D'AUTEUR « Education et célébrité sont devenues inséparables »3 Le système d’une école, regroupée autour d’une star, s’est installé peu à peu dans le monde entier. C’est ce qui a permis, d’une part, à l’enseignement de l’architecture de naître, au travers des plus grandes figures du XXe siècle. C’est ceD'ARCHITECTURE qui permitDROIT également à certaines architectures régionales d’acquérir la reconnaissance qu’elles méritaient. Cependant, au cours des trente der- nières années, la célébrité a pris une part très importanteAU dans l’enseignement. Dans un numéro de Volume consacré à l’Ambition, Marc Wigley, doyen de l’école de Columbia, porte sur le sys- tème actuel un regard ironique. « La formule de base est simple : plus vous êtes célèbre, moins vous devez passer de temps à l’école. En fait, la preuve de votre importance est la minimisation de votre présence. » Ainsi, les écolesSOUMIS bénéficieraient de la réputation de leurs professeurs, sans pouvoir profiter de leurSUPERIEURE présence. Le star-system a transformé les écoles sur ce principe absurde : « L’école la plus ambitieuse de toutes devrait alors réunir et glorifier une formidable armée de professeurs absents ». Dans les années 1970, un professeur pouvant se faire connaître par l’intermédiaire d’une école et de son influence. Cette relation s’est inversée. Ce sont aujourd’hui les écoles, qui pour prendre part au star-system,DOCUMENT invitent des architectes dont la réputation est déjà établie. L’école est alors extrêmementNATIONALE dépendante de la bonne volonté de ses professeurs « stars ». Si l’absence de ces professeurs est proportionnelle à leur célébrité, leur rémunération l’est aussi : « less time = more money »4. Ainsi, les écoles les plus riches peuvent s’offrir les professeurs les plus célèbres. Les ECOLEécoles semblent reproduire le système de célébrité propre aux agences d’architecture, à savoir

1. cf. annexe Un entretien avec François Chaslin 2. Magali Sarfatti Larson, Behind the Postmodern Facade, Architectural Change in Late Twen- tieth Century America, University of California Press, Los Angeles, 1993, p.135 3. Marc Wigley, « Mutations of Fame », Volume, n° 13, 2007, p.5 4. id. 72 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

« plus un architecte est célèbre, plus il a de projets, et moins il peut passer de temps sur chacun »1. De plus, les professeurs-assistants du studio de projet sont aussi la plupart du temps les assistants de l’agence de l’architecte, et par ailleurs ses anciens étudiants. Le fonctionnement des agences et celui des écoles sont donc plus liés que jamais ; mais avec quelles conséquences sur l’ensei- gnement ?

Selon Marc Wigley, seule Columbia échapperait aujourd’hui à ce système qui paralyse peu à peu l’éducation. « C’est une école où une personne inconnue avec une idée neuve est plus estimée qu’une personne célèbre sans aucune idée »2. On peut s’interroger sur la légitimité de cette posi- tion, quand la liste des professeurs de Columbia3 est faite de noms tels que Kenneth Frampton,NANTES Steven Holl, Kevin Roche (PP 82) ou Bernard Tschumi. DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

1. ibid. p.7 2. ibid. p.6 3. http://www.arch.columbia.edu/people/ 73

Chapitre 4 Concours internationaux et commandes prestigieuses

NANTES DE

Le rapport de l’architecte à la commande, qu’elle soit privée ou publique, a évolué. L’utilisation généralisée des concours depuis les années 1970 a permis l’éclosion de « stars », et les maîtres d’ouvrage ont peu à peu pris conscience de la valeur marchande de l’architecture. D'AUTEUR « Les conditions sociales de la pratique de l’architecte ont changées (...) Les clients - sociétés, promoteurs, municipalités - essaient d’utiliser le nom de l’architecte en symbiose avec ses créations pour faire du bénéfice, de la publicité, ou les deux.D'ARCHITECTURE » 1 DROITMagali Sarfatti Larson relève ici un chan- gement de comportement de la société par rapport à l’architecture. Selon François Chaslin, cette évolution est due à l’apparition récente du marketingAU 2 moderne. Dorénavant, l’architecture est un objet de consommation comme les autres produits culturels, mais surtout un outil de vente important pour les maîtres d’ouvrage. En effet, les constructions véhiculent l’image de leurs commanditaires. La signature de l’architecte prend alors une importance démesurée. François Chaslin relève l’exemple de la tourSOUMIS CGM de Zaha Hadid : « dans ce monde du marketing, il est indispensable d’afficherSUPERIEURE de grands noms, puisque c’est la seule chose qu’un journal, par exemple, puisse répercuter. Donc, même si la signature de Zaha Hadid à Marseille ne vaut rien, elle aurait pu être faite par n’importe quel Marseillais, même en mieux, le fait que ce soit ELLE résonne pen- dant des années dans la presse et dans les mentalités. »3

La commandeDOCUMENT joue donc un rôle déterminant dans la consécration des architectes. Elle est, auNATIONALE même titre que les publications ou l’enseignement, un moyen d’accéder à la célébrité. On dis- tinguera deux types de circonstance dans l’accès à la commande de prestige. D’une part, certains lauréats du prix Pritzker se sont fait remarquer par la participation à des concours internationaux. Il s’agissait d’accéder à la célébrité en prenant part aux compétitions majeures sans forcément ECOLE

1. Magali Sarfatti Larson, Behind the Postmodern Facade, Architectural Change in Late Twen- tieth Century America, University of California Press, Los Angeles, 1993, p.139 2. Définition de l’Encyclopédie Larousse : « ensemble des actions qui ont pour objet de connaître, de prévoir et, éventuellement, de stimuler les besoins des consommateurs à l’égard des biens et des services et d’adapter la production et la commercialisation aux besoins ainsi précisés. » 3. cf. annexe : Un entretien avec François Chaslin 74 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

gagner, comme l’a fait par exemple Jean Nouvel. Remporter un concours anonyme pouvait aussi bouleverser une carrière, c’est ce que démontrent les exemples de Rogers & Piano ou Utzon. D’autre part, certains lauréats eurent des affinités avec des maîtres d’ouvrage puissants, qui leur offrirent travail et célébrité. Il s’agissait alors d’un client représentant les pouvoirs publics, comme dans le cas de Niemeyer pour Brasilia, ou bien de grandes entreprises, comme dans les exemples de Bunshaft, Pei ou Roche.

Jean Nouvel, « de tous les combats »1. NANTES DE « En France, la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite “loi MOP”, a été le déterminant de la généralisation des concours d’architecture. Les jurys réunissaient alors 2/3 d’élus et 1/3 de maîtres d’œuvre qui auditionnaient des équipes sélectionnées pour la présentation de leur projet. Dans les années 1990, les concours ont vécu une époque faste et heureuse, encourageant un débat passionné et productif sur l’architecture. »2 D'AUTEUR Le concours est en architecture une tradition depuis l’Antiquité. Il en existe aujourd’hui de toutes sortes, concours ouverts ou restreints, concours d’idées ou de projets, indemnisés ou non. La France est cependant un des seuls pays d’Europe à les avoir rendus obligatoires pour les mar- chés publics. Du fait de ce changement, le concours s’estD'ARCHITECTURE généralisé,DROIT et est dorénavant utilisé par certains maîtres d’ouvrages privés, des promoteurs, etc. Cette initiative a donc fait de la France un témoin privilégié de l’évolution de la relation du maîtreAU d’ouvrage à l’architecture, depuis les années 1980. L’ouverture du concours aux architectes étrangers est également un facteur décisif de l’apparition d’un star-system. « La France a vu intervenir, pour des bâtiments de toute sorte, des architectes du monde entier, par plusieurs centaines », nous explique François Chaslin. Celui- ci fut un témoin primordial des concoursSOUMIS internationaux qui eurent lieu en France, en tant que critique et parfois en tant queSUPERIEURE juré. Son ouvrage « Les Paris de François Mitterrand » recensait en 1985 les dix grands projets parisiens mis en routes sous le mandat du président socialiste. Il y présentait aussi le revers politique du projet architectural d’un édifice public. Orsay, la Villette, la Cité des Sciences, l’Institut du Monde Arabe, le Louvre3, le Ministère des Finances, l’arche de la Défense, l’Opéra Bastille, le parc de la Villette et la Cité de la Musique : si François Mit- terrand est celui desDOCUMENT présidents qui mena le plus grand nombre de projets, ceux-ci sont une tra- dition nationaleNATIONALE. « Le “fait du prince”, les “chantiers du président” devinrent une singularité de la vie nationale », raconte François Chaslin, « une des rares occasions où l’opinion s’intéressait à l’architecture. »4 ECOLE

1. François Chaslin, « Jean Nouvel », Encyclopaedia Universalis 2. Dominique Gauzin-Müller, « Concours d’architecture, quel avenir ? », ecologik, n° 20, p.33 3. Pei fut choisi par le président lui-même, sans recours à la compétition, ce qui valut à Mitterrand le surnom de « Mitteramsès premier » (François Chaslin, Les Paris de François Mitterrand, Gal- limard, Paris, 1985, p.119) 4. ibid. p.17 Chapitre 4 : Concours et commandes 75

Pour Jean Nouvel, le plus célèbre des architectes français, le concours fut un outil de publicité inégalable. Les nombreux concours qui eurent lieu ces dernières décennies lui offrirent des 25% publi. occasions de militer, et de faire parler de lui. Jean Nouvel, lauréat 25% expos. du prix Pritzker en 2008, a conduit sa carrière d’architecte d’une 50% comm. manière qui ne pouvait que le mener à la célébrité. Il commençait en 1966 ses études aux Beaux Arts de Paris. Durant ces années, il était également le collaborateur de Claude Parent, alors au pre- mier plan de la scène culturelle française. Ce dernier était un ar- chitecte célèbre pour sa personnalité autant que pourNANTES son œuvre. Il était surtout le seul architecte de l’époque quiDE ne répugnait pas à utiliser les médias de masse pour se faire connaître. C’est donc avec Parent que Nouvel se formait, et qu’il côtoyait un milieu artistique engagé. « Très vite, il apparut comme une des figures marquantes du militantisme architectural et politique des années 1970 »1. Sa proximité avec les artistes français le mena, dés 1970, à prendre la direction de l’architectureD'AUTEUR à la Biennale de Paris. Dans les années 1980, il tenait, à ce titre, un rôle central dans les débats architecturaux en France. Il participa aussi à la création du mou- vement « Mars 76 », afin de « lutter contre le corporatisme des architectes », puisD'ARCHITECTURE en 1977,DROIT il créa le syndicat de l’architecture2, s’opposant ainsi à l’Ordre des Architectes. AU Mais c’est au travers des grands projets français de l’époque que cet « anar-chitecte »3 fit parler de lui. En 1975, il s’opposait au premier projet des Halles, pour lequel on avait choisi l’architecte françaisSOUMIS Vasconi, et réclamait un concours international. Malgré SUPERIEUREla prise de position publique et médiatisée de Nouvel, le projet de Vasconi suivit son cours, et il en résulta le projet controversé que nous connaissons. Dés 2003, un projet de réaménagement des Halles fut lancé, et Nouvel fut cette fois parmi les équipes sélectionnées pour concourir. S’opposant aux propositions de DOCUMENTMVRDV, Rem Koolhaas (PP 00), et David Mangin, Nouvel pro- NATIONALE posa le réaménagement complet du quartier des Halles. Son pro- jet fut écarté, et la proposition de Mangin sélectionnée fut l’occa- sion pour Nouvel de reprendre son militantisme. Il déplorait alors, dans un quotidien suisse, « cette réalisation minable réclamée par ECOLE une association de 30 habitants »4. En 1984, Nouvel fut invité par le maire de Nîmes, Bousquet, à

1. id. 2. id. 3. François Chaslin, Jean Nouvel Critiques, Infolio éditions, Paris, 2008, p.17 4. http://www.delanopolis.fr/Nouvel-des-Halles_a218.html 76 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

participer au concours du Carré d’Art. Parmi les 5 architectes choisis pour concourir (Nouvel, Foster, Isozaki, Pelli, et Gehry), c’est le Britannique Norman Foster (PP 99) qui fut sélectionné. Mais Jean Nouvel fit une proposition remarquée par les critiques pour son audace. C’était pour lui le début d’une longue série de concours, perdus pour certains, qui lui permirent de dévelop- per une « signature Nouvel », dans la provocation. À propos d’un concours pour le pavillon français de la Biennale de Venise, Fran- çois Chaslin déclarait « Le projet de Jean Nouvel, qui fut lauréat, avait cette dimension stratégique que l’architecte adopte souvent,NANTES et qui lui donne une grande force de conviction, alors mêmeDE que le jury devine qu’on le roule doucement dans la farine. »1 En 1999, Nouvel s’était également engagé dans un autre grand chantier parisien. Il avait pris la tête de l’Association pour la muta- tion de l’île Seguin, afin de s’opposer à la destruction des usines Renault. Il se posait alors, avec le pamphlet « Boulogne assassine Billancourt »2, en protecteur du patrimoineD'AUTEUR des années 1930. 10 ans plus tard, lauréat du Pritzker, Jean Nouvel fut choisi pour prendre la direction des projets de l’île en question. Il y projette cinq tours de bureaux hautes de 120 m. Aujourd’hui, c’est une autre association qui critiqueD'ARCHITECTURE sonDROIT « projet mégalomaniaque et déli- rant »3. AU L’Institut du Monde Arabe en 1985, la Fondation Cartier en 1994, le musée du Quai Branly en 2006... C’est en s’imposant comme l’architecte des grands projets français que Nouvel a acquis une célébrité internationale. Il se posait dans ses premières compétitions comme « l’apôtre du nouveau tous azimuts », l’architecte de « SOUMISla fête, l’insurrection permanente »4. Et c’est avec cette image qu’il s’est fait connaitre.SUPERIEURE « J’ai été éduqué (...) à dire ce que je pense en toute sincérité. C’est parfois dangereux pour moi, mais je n’aurais accompli que mon devoir moral. »5 On ne peut que sourire à cette déclaration de Jean Nouvel. Si son engagement peut lui avoir causé quelques échecs, la publicité de ses positions est indirectement à l’origine de son statut de star internatio- nale. DOCUMENT NATIONALE

ECOLE 1. François Chaslin, Jean Nouvel Critiques, Infolio éditions, Paris, 2008, p.78 2. http://www.lemoniteur.fr/133-amenagement/article/point-de-vue/682311-boulogne-assassine- billancourt 3. http://grandparis.blogs.liberation.fr/vincendon/2011/06/ile-seguin-beton-maudit.html 4. François Chaslin, Jean Nouvel Critiques, Infolio éditions, Paris, 2008, p.29 5. http://www.lavieeco.com/news/culture/jean-nouvel-l-architecte-qui-donnera-une-ame-a-tan- ger-med-15333.html Chapitre 4 : Concours et commandes 77

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

fig.46 : Centre Georges Pompidou, 1977, Renzo Piano et Richard Rogers fig.47 : Opéra de Sydney, 1967, Jørn Utzon 78 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Renzo Piano, Richard Rogers ou Jørn Utzon, le concours tremplin

En 1970, le concours international pour la conception du centre d’art contemporain Georges Pompidou fut lancé. Le succès du concours, avec ses 681 candidats, « reste la référence assez mythique en ce genre d’affaires, un modèle de volonté politique, d’ambition 20% expos architecturale, d’ouverture sur les créateurs du monde entier et 80% comm. surtout, quoi qu’il en ait coûté peut-être à Georges PompidouNANTES lui- même, de respect absolu de la décision d’un jury. » 1 Le projetDE rete- nu fut celui des jeunes architectes Renzo Piano (PP 98) et Richard Rogers (PP 07), associés aux ingénieurs d’Ove Arup & partners. Le projet, reçu comme une provocation du public parisien qui le surnomma « Notre-Dame de la Tuyauterie », fut cependant un des concours les plus importants de l’Histoire de l’architecture. 20% expos Il fut surtout un projet décisif dans la carrièreD'AUTEUR de ses architectes, 80% comm. dont il était l’une des premières réalisations. L’audace du projet en fit « un des plus controversés et des plus populaires du XXe siècle »2, et permit à Piano et Rogers de devenir des stars. D'ARCHITECTUREDROIT Le principe du concours anonyme et ouvert est donc un des fac- teurs de l’apparition de AUla célébrité en architecture. Il a permis, au cours des dernières décennies, à de nombreux architectes 15% publi. anonymes de faire un coup d’éclat décisif dans leur carrière. Jørn 15% expos. Utzon, lauréat du prix Pritzker en 2003, en est un parfait exemple. 70% comm. En 1942, SOUMIScelui-ci recevait le diplôme d’architecte de l’Académie SUPERIEUREdes Beaux-Arts du Danemark, puis entamait à Stockholm une carrière modeste, marquée par une courte collaboration avec Alvar Aalto. Dans les années 1950, de retour au Danemark, Utzon vivait de participations à des concours et de collaborations à des projets de petite ampleur. Malgré un style bien établi, et DOCUMENTune production continue, Utzon restait alors un architecte à la NATIONALE notoriété très locale. En 1957, âgé de presque 40 ans, Jørn Utzon participait au concours international pour l’Opéra de Sydney. Parmi 233 propositions, c’est celle du danois qui fut choisie, et qui ECOLE devint le bâtiment iconique que l’on connait aujourd’hui. Utzon entamait alors 10 ans de travaux en Australie, qu’il abandonna en 1966, en désaccord avec le gouvernement de Nouvelle-Galles- du-Sud. La suite de la carrière de l’architecte fut profondément

1. François Chaslin, Les Paris de François Mitterrand, Gallimard, Paris, 1985, p.13 2. François Chaslin, « Richard Rogers », Encyclopaedia Universalis Chapitre 4 : Concours et commandes 79

marquée par son expérience à Sydney, dans les changements que connut son architecture, mais surtout dans l’ampleur des projets qu’il put ensuite réaliser.

Le Centre Pompidou et l’Opéra de Sydney ont donc lancé la carrière internationale de leurs architectes. Ces réalisations sont les précurseurs du bâtiment « symbole » ou « icône » réalisé aujourd’hui par les architectes stars pour les musées, fondations, etc, et porté à son summum avec le Guggenheim de Bilbao. Si ces bâtiments ont rencontré un tel succès, c’est selon Oriol Bohigas1 parce que l’architecte est étranger. Portant un regard neuf sur la ville, il est capable de produire un objet décontextualisé et donc frappant, qui correspond aux attentes du maître d’ouvrageNANTES pu- blic. On percevait pour la première fois, avec le centre Pompidou puis avec l’OpéraDE de Sydney, la valeur du concours international. Qui mieux qu’un architecte étranger peut créer un monument ? Extérieurs aux enjeux, à l’histoire et au paysage locaux, Piano, Rogers et Utzon ont su créer un fort impact sur Paris ou Sydney. Leurs œuvres sont devenues des symboles. Ces exemples furent sans doute à l’origine d’un principe, aujourd’hui répandu lors des concours, qui veut que l’on préfère souvent la signature d’un architecte étranger à la réalisation d’un architecte local. L’anecdote de l’Opéra Bastille est d’ailleurs révélatrice. En 1983, le concours pourD'AUTEUR ce grand projet mitterrandien est organisé, et parmi les 756 projets reçus, on en choisit trois, qui devaient ensuite être affinés par leurs concepteurs (anonymes) pour une deuxième sélection. « Un projet, en fait, émergeait nettement, tant par sa parfaite fonctionnalité que par son écriture ‘white’, encore un peu lourde, mais qui laissait espérer que l’on tenait là l’œuvreD'ARCHITECTURE de DROITl’un des grands architectes américains du moment : Richard Meier ; cela rassurait. En fait, l’envoi de Meier avait coulé à pic, aucun membre ne l’avait remarqué (non plus que ceux de beaucoupAU de célébrités), mais on croyait l’avoir sélec- tionné sous le numéro 0222. À tel point que la chose s’éventa et que chez Meier, à New York, on pensait être en lice. » 2 Lorsqu’on leva l’anonymat des candidats, l’œuvre de Richard Meier (PP 84) s’avéra être celle de Carlos Ott, un architecte uruguayen de Toronto peu connu. Le concours anonyme, qui permettait aux architectesSOUMIS de devenir célèbres en éblouissant le monde par leur audace, s’est transforméSUPERIEURE en une séance de quizz.

Oscar Niemeyer et Brasilia

DOCUMENT NATIONALESi le concours ouvert est donc aujourd’hui un des mécanismes qui mènent à la célébrité, il existe d’autres exemples d’association d’un élu à un architecte. Oscar Niemeyer, le plus célèbre architecte brésilien de tous les temps fut récompensé par le ECOLEprix Pritzker en 1988. Son architecture comme son succès sont profondément liés à l’évolution politique du Brésil, ainsi qu’à la diffusion du mouvement moderne au début du XXe siècle.

1. Oriol Bohigas, « Haute-couture » and « prêt-à-porter », Quaderns d’arquitectura i urbanisme, n° 252, hiver 2006, p. 14 2. François Chaslin, Les Paris de François Mitterrand, Gallimard, Paris, 1985, p.198 80 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Niemeyer entamait des études d’architecture en 1930 à l’école de Rio de Janeiro, qui offrait alors un enseignement traditionnel, mais influencé par l’architecte moderne Lucio Costa. En tant que 10% expos dessinateur, Niemeyer rejoignit l’agence de Costa et se vit impli- 10% écoles qué dans un projet qui allait bouleverser sa carrière : le ministère 80% comm. de l’Éducation et de la Santé, réalisé en collaboration avec Le Corbusier. C’est à la tête de ce projet que Niemeyer fut confronté au maître de l’architecture moderne. Le brésilien se fit le porteur des idées de ce dernier, qu’il associa à ses idéaux communistes. En 1940, il rencontra Juscelino Kubitschek, alors maire de NANTESBelo Horizonte. Celui-ci lui proposa de développer un quartierDE de la ville appelé Pampulha. Niemeyer fut donc chargé de la concep- tion d’une église, d’un casino, un restaurant, un club de golf... Ces travaux offrirent déjà à l’architecte une renommée internationale. Plus tard, Kubitschek confia également à Niemeyer la conception de sa villa. « Cette entreprise marqua le début d’une entente pro- fonde entre l’homme politique ambitieux, D'AUTEURpassionné de construc- tion, et l’architecte plein d’imagination. »1 En 1956 en effet, Ku- bitschek fut nommé président de la République des États-Unis du Brésil. Il entreprit alors la création d’une nouvelle capitale, Brasi- lia, dont il confia la conceptionD'ARCHITECTUREDROIT à Niemeyer. L’architecte accepta d’en dessiner les monuments, mais il refusa le travail d’urbanisme qui fut confié à Costa aprèsAU un concours.

« Cette ville est un émerveillement. Jamais une capitale n’a été édifiée aussi rapidement, en seulement quatre ans »2. Brasilia est en effet un cas unique, surtout parce qu’elle représente pour les architectes l’œuvre monumentale d’unSOUMIS seul homme : Oscar Niemeyer. La collaboration entre un homme politique et un architecte,SUPERIEURE si elle n’est pas unique, trouve néanmoins son exemple le plus frappant avec Juscelino Kubitschek et Niemeyer. En effet, l’architecture choisie par les deux hommes pour cette nouvelle ville était porteuse d’une telle force symbolique, qu’il était impossible de ne pas y voir l’ambition d’un pays émergent. Les bâtiments dessinés par Niemeyer possédaient la monumentalité voulue par le président pour faire de la capitale une icône de la mo- dernité (fig.48 et 49).DOCUMENT Kubitschek l’avait compris, les architectes célèbres sont depuis la fin de XXe siècle les NATIONALEassociés privilégiés des élus qui souhaitent promouvoir leurs images de « bâtisseurs »3.

ECOLE

1. Yves Bruand, « Oscar Niemeyer », Encyclopaedia Universalis 2. http://www.leconomiste.com/article/niemeyer-le-communiste-qui-concut-brasilia 3. Valérie Devillard, Architecture et communication : les médiations architecturales dans les an- nées 80, Editions Panthéon Assas, Paris, 2000, p.12 Chapitre 4 : Concours et commandes 81

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE fig.48 : Inauguration de Bra- silia par le président Jusce- lino Kubitschek en 1960 fig.49 : Congrès de Brasilia, 1960, Oscar Niemeyer fig.50 : Lever House, 1952, Gordon Bunshaft pour S.O.M. 82 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Gordon Bunshaft, I.M. Pei, Kevin Roche et l’architecture «corporate»

« Si Mr. Niemeyer était une sorte de prophète du modernisme dans le royaume public, Mr. Bunshaft a joué un rôle similaire dans l’architecture d’entreprise »1 Récompensé la même année que Niemeyer, l’américain Gordon Bunshaft illustre un autre rapport à la commande. Il réa- lisa, au cours des années 1950 et 60, trois bâtiments importants sur Park Avenue à New York : Lever House, the Chase Manhattan Bank headquarters et the Pepsi-Cola and Union CarbideNANTES headquarters. Ces œuvres, emblématiques d’une part importante de la production de Gordon Bunshaft, sont des exemples de « corporate architecture ». Il s’agit de bâtiments d’entreprise,DE d’architectures au service d’une marque. Ce type d’architecture constitue une partie importante de l’architecture américaine de la seconde moitié du XXe siècle, et Bunshaft en est l’un de ses meilleurs représentants.

Cet architecte américain, lauréat du prix Pritzker en 1988, fut diplômé du Massachusetts Institute of D'AUTEURTechnology (MIT) en 19352. Dés 1937, il collaborait avec Louis Skidmore à New York, expérience qu’il dut interrompre pour faire son service militaire. À son retour en 1946, l’agenceD'ARCHITECTURE était devenue Skidmore, Owings & 100% comm. Merill, il en devint associé en 1949.DROIT S.O.M. est encore aujourd’hui connu pour être l’une desAU plus grosses agences des États-Unis. Gordon Bunshaft est responsable, en leur nom, des plus beaux et plus célèbres projets de S.O.M. Le Lever House (fig.50), réalisé en 1952, est le projet qui valu à Bunshaft et son agence une gloire internationale. Cette tour de 21 étages, construite pour accueillir SOUMIS SUPERIEUREle siège social de la compagnie Lever Brothers, était à l’époque de sa construction la première tour de la ville constituée en murs rideaux. Inspirée de Mies van der Rohe, sa façade entièrement vitrée et tramée inspira bon nombre de sièges de sociétés à New York. Par la suite, Gordon Bunshaft, et S.O.M. avec lui réalisa de nombreux autres exemples d’architecture « corporate ». C’est DOCUMENTd’ailleurs en tant que champion de ce type de commande qu’il fut NATIONALE récompensé par le prix Pritzker.

L’architecte chinois américain Ieoh Ming Pei est également un ECOLE exemple d’architecte « corporate ». Lauréat du prix Pritzker en 1983, cet architecte originaire du Canton, fils d’un riche ban-

1. Paul Goldberger, «Bunshaft and Niemeyer Share Architecture Prize», The New York Times, 24 mai 1988 2. http://www.som.com/content.cfm/gordon_bunshaft_interview Chapitre 4 : Concours et commandes 83

quier, migrait aux États-Unis en 1935 pour y entamer ses études1. Quelques années après Bunshaft, il étudiait au MIT, et en sor- tait diplômé en 1940. S’il avait alors l’intention de retourner en Chine, le contexte n’y était pas tellement favorable, et il s’installa 30% écoles définitivement aux États-Unis. En 1942, il complétait sa forma- 70% comm. tion à Harvard, sous l’enseignement des maîtres du Bauhaus, Gropius et Breuer. En 1949, il fut engagé en tant qu’architecte chez le promoteur William Zeckendorf, dans l’agence « Webb and Knapp ». « Ieoh Ming Pei was thrust immediately into the world of big buildings and big business »2 En 1955, Pei fondaitNANTES sa propre agence à New York et construisait dés 1976 DEla John Hancock Tower, la tour la plus haute de Boston. La suite de la carrière de Pei est marquée par les projets de gratte-ciel pour de grandes compagnies américaines.

L’architecte américain Kevin Roche lauréat du prix Pritzker en 1982, est issu de la même générationD'AUTEUR que Bunshaft et Pei, et représente la même branche de l’architecture américaine. En 1948, il quittait son Irlande natale pour entamer des études au 20% expos IIT, sous la direction de Mies van der Rohe. Dés 1950, il entrait 80% comm. dans l’agence duD'ARCHITECTURE célèbreDROIT Eero Saarinen, et il y demeura en tant que principal associé jusqu’à la mort de celui-ci en 1961. Ce n’est qu’après cette dateAU qu’il entama une pratique personnelle, associé à John Dinkeloo. En 1966, ils créaient l’agence « Kevin Roche John Dinkeloo and Associates », et travaillent depuis dans la lignée de Saarinen. Ainsi, parmi leurs projets les plus connus se trouvent nombreSOUMIS de « headquarters ». SUPERIEURE Ces architectes ont en commun leur arrivée, très jeune, dans de très grandes agences améri- caines. Ils furent donc confrontés dés leur débuts à des projets de grande échelle. On ne connait par exemple qu’un projet de maison à l’architecte Gordon Bunshaft, qu’il a réalisé pour sa propre famille. DOCUMENT NATIONALE« Much of the history of corporate architecture is defined by a parade of monuments tall, proud buildings marking a city skyline, their commerce-driven spires succeeding those of the cathedral or temple. Many of these corporate landmarks have effectively “branded” a city, providing a globally recognized, touristic ideogram for postcards and T-shirts. »3 ECOLE L’architecture est devenue un nouvel élément de l’identité d’une marque, et l’un des plus visibles. En tant que telle, elle est un enjeu important pour les plus grandes firmes américaines.

1. http://architect.architecture.sk/ieoh-ming-pei-architect/ieoh-ming-pei-architect.php 2. id. 3. Peter McKeith, The Dissolving Corporation : contemporary architecture and corporate identity in Finland, 2005 sur http://jeesjees.wordpress.com/2009/10/11/corporate-architecture-2/ 84 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Celles-ci s’arrachent, depuis déjà cinquante ans, les plus grands architectes de leur temps, conscientes de la valeur d’une signature. Cet intérêt nouveau pour l’architecture est avantageux pour ceux qui cherchent la notoriété. Outre qu’il s’agit d’un des marchés les plus rentables, être sélectionné par une entreprise prestigieuse peut en effet permettre d’être associé à la réussite d’une marque. De plus, il s’agit souvent de constructions d’une grande visibilité. Cependant, on est en droit de s’inquiéter sur les dérives de l’architecture « corporate ». «Still, MacKeith worries that, as corporations become ever more “boundaryless” — a term coined by GE’s former CEO Jack Welch — market forces such as “value-engineering, low-bidder contracting, fast-track construction schedules and optimized floor-area ratios,” along with the increasing privatization of urban life, “all combine to slowly erase architecture’s social contract with the public, and placeNANTES it solely in the service of the bottom line and the brand.”1 DE La « corporate architecture » semble avoir pris un tournant depuis quelques dizaines d’années. « Une identité d’entrprise solide associée à une image internationalement reconnaissable s’avère souvent aussi importante que le produit lui-même (ou même plus)»2. La marque a besoin plus que jamais des architectes pour avoir une relation physique et symbolique avec les consommateurs, établie par le biais d’un bâtiment reflétant son identité. L’architecte crée à l’entreprise une image qui lui est propre. L’architecte star peut alors vendre son style, unique etD'AUTEUR déjà reconnu dans le monde entier, à une marque prestigieuse. Mais l’évolution actuelle de l’architecture «corporate» va encore plus loin. Dorénavant, les architectes contribuent à l’expérience même du consomma- teur. Ils mettent en espace les stratégies de consommation. Il ne s’agit déjà plus de style, mais de concepts révolutionnaires. Les secteurs comme la modeD'ARCHITECTURE ou leDROIT design sont les terrains de prédi- lection des architectes déconstructivistes Koolhaas ou Hadid. L’architecture « corporate » semble plus ambitieuse que jamais. AU

Concours, commandes et star-system SOUMIS SUPERIEURE La relation qu’a l’architecte avec son client illustre l’importance croissante du star-system. Les concours d’architecture ont dès les années 1960 permis à certains architectes de se faire connaître à l’étranger. Le cas de Rem Koolhaas (PP 00) en est l’illustration de l’importance du concours une carrière, même lorsqu’il est perdu. Parmi les projets les plus connus du célèbre architecte, on trouve en effet le projetDOCUMENT de concours de la Bibliothèque nationale de France, celui de la Biblio- thèque deNATIONALE Jussieu, celui du parc de la Villette, celui de l’Hôtel de Ville de La Haye ou encore celui du terminal maritime de Zeebrugge. Ces concours manqués dans les années 1980 furent pour lui l’occasion d’établir et de breveter des concepts. Ces échecs successifs autour de projets ECOLE« géniaux » valurent à l’architecte le statut de théoricien. Pour leur part, Piano & Rogers ou Utzon sont les parfaits exemples de l’impact qu’un concours remporté pouvait avoir sur une carrière. En créant des bâtiments iconiques, ils ont prouvé que la signature d’un architecte étranger pouvait

1. id. 2. Alejandro Bahamón, Ana Cañizares, Corporate Architecture: Building a Brand, Parramon, 2009 Chapitre 4 : Concours et commandes 85

attirer les regards, et faire bénéficier toute une ville d’une image de modernité. Le concours international signait les débuts de l’architecture mondialisée. Aujourd’hui, cette préférence pour l’architecte étranger et célèbre est poussée à l’extrême lors des concours. Le rôle des concours anonymes dans l’émergence de nouveaux noms est cependant toujours important, ils sont pour les architectes l’une des meilleures formes de publicité. Les exemples d’Oscar Niemeyer et de Jean Nouvel sont eux révélateurs d’une évolution de la relation de l’architecte au pouvoir politique. L’architecte politisé, dont Niemeyer est l’une des figures les plus célèbres, s’est transformé en un homme public. Ainsi, les prises de position de Jean Nouvel semblent aujourd’hui plus médiatiques qu’idéologiques, et c’est l’une des particula- rités du star-system. NANTES Enfin, l’architecture « corporate », architecture d’entreprise, née au milieuDE du siècle der- nier, a également changé ces dernières décennies. Elle s’est accentuée, est devenue une part très importante de la pratique de nos « stars ». On parle aujourd’hui d’« architecture as a brand value»1, tant l’architecture porte l’image d’une marque. L’architecture, comme outil de stratégies de consommation, est en adéquation avec le star-system. Cela ne représente-t-il pas l’essence même de l’histoire du prix Pritzker ? D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

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Chapitre 5 Expositions : promotion et autopromotion

NANTES DE

Le MoMA, La Biennale de Venise et les expositions universelles sont la partie la plus visible du vaste monde des expositions, sélectionnant et diffusant l’élite archi- tecturale. Nous nous interrogerons ici sur le fonctionnement de ces mécanismes de sélection, et sur la légitimité aujourd’hui de tels modes d’exposition.D'AUTEUR

Après la publication, l’enseignement, et le concours, l’exposition est l’un des aspects de la mé- diatisation de l’architecture. L’exposition d’architectureD'ARCHITECTURE connaitDROIT depuis les années 1980 une évo- lution importante, marquée par l’apparition de nouveaux lieux prestigieux comme le Deutsches Architekturmuseum à Francfort, dont la construction AUdébute en 1979, et d’organismes dédiés à l’exposition, comme le Netherlands Architecture Institute dans les années 1980, ou l’Institut Français d’Architecture en 1981. Mais comme dans chacun des thèmes évoqués précédemment, l’exposition d’architecture possède ses propres « stars ». Le Museum of Modern Art de New SOUMISYork (MoMA) est l’institution culturelle la plus impor- tante du siècle dernier. Ce musée,SUPERIEURE créé en 1929, est depuis ses débuts un précurseur en matière d’art et de promotion artistique. C’est en 1932 qu’il prend une place dans l’histoire de l’architec- ture avec la création d’un département spécifique. Le MoMA est inséparable de l’apparition des stars en architecture ; il est particulièrement lié à l’un de nos lauréats, Philip Johnson. Cet archi- tecte américain fut le premier lauréat du prix Pritzker : il est sans doute la plus grande « star » que l’architecture aitDOCUMENT connue depuis Le Corbusier. En 1979, en récompensant Philip Johnson, le prix PritzkerNATIONALE rendait hommage au MoMA, et au rôle qu’il a joué dans la célébrité de certains architectes. Les expositions universelles ont une histoire vieille de plus de 150 ans. Elles sont le lieu de démonstration et de sélection de la diversité architecturale, et obéissent donc aux lois du star- ECOLEsystem. Enfin, la Biennale d’architecture de Venise fut créée en 1980. En tant qu’institution contem- poraine du Pritzker, son histoire est profondément liée à celle du prix. Qu’ils soient architectes ex- posants, commissaires de pavillons nationaux, ou même directeurs de la Biennale, les architectes lauréats du Pritzker ont pour la plupart fréquenté plusieurs fois la célèbre exposition de Venise. Ces trois espaces de démonstration occupent une place centrale depuis des décennies. Ils Chapitres 5 : Expositions 87

interviennent dans la sélection de l’élite architecturale, grâce à eux quelques privilégiés attein- dront la célébrité. Nous comprendrons dans ce chapitre comment fonctionne cette sélection, et nous nous interrogerons sur la légitimité, aujourd’hui, de ces modes d’exposition.

Philip Johnson et le MoMA

Premier lauréat du prix Pritzker à l’âge avancé de 73 ans, Philip Johnson apparaissait alors comme l’un des architectes les plus importants du XXe siècle. Pourtant, parmi les constructionsNANTES issues de ses diverses collaborations, on retenait la Glass House réalisée sous l’influenceDE des mo- dernes et de Mies Van der Rohe, et le AT&T Building, assimilé aux débuts du postmodernisme. Ces bâtiments apparentés tous deux à des mouvements majeurs du siècle dernier demeuraient dans l’ombre d’autres architectures, celle de Mies van der Rohe en particulier. La popularité pour Philip Johnson viendrait de son omniprésence dans le monde de l’architecture, de ses talents de critique et des personnalités qu’il a côtoyées plutôt que de son œuvre construite. Et son passage au MoMA en est la trace. D'AUTEUR

Le début de la brillante carrière de Philip Johnson1 se situe en 1928. Johnson avait alors 22 ans et venait d’entamer des études de 10% comm. philosophie et d’histoireD'ARCHITECTUREDROIT à l’Université d’Harvard, où il rencontrait 20% écoles Alfred H. Barr. C’est ce jeune historien de l’art qui l’orientait vers 20% publi. l’architecture, le poussantAU vers l’Europe à la découverte des archi- 50% expos tectes modernes. En Allemagne, Philip Johnson rencontra Mies van der Rohe, qui devint son ami et son maître. À son retour aux États-Unis, Johnson prenait la tête du département d’architecture d’uneSOUMIS nouvelle institution dirigée par son ami Alfred H. Barr : le SUPERIEUREMoMA. En 1932, associés au critique et historien Henry-Russel Hitchcock, Johnson et Barr montaient l’exposition « The Inter- national Style : Architecture since 1922 » et faisaient découvrir l’architecture moderne aux américains. L’exposition regroupait notamment les travaux de Walter Gropius, Le Corbusier et Mies DOCUMENTVan der Rohe, et pour la première fois on désignait ces architec- NATIONALE tures par un terme esthétique : « le Style International ».

L’exposition fut un succès, et puisque Philip Johnson était le pre- ECOLE mier à rencontrer et à publier ces grands architectes européens, il obtint, avant même d’avoir construit son premier bâtiment, un statut de précurseur du mouvement moderne américain. Plus tard, Johnson organisait le premier voyage de Le Corbusier aux États-Unis, puis l’exil d’Allemagne de Mies Van der Rohe et Gro-

1. Andrew Saint, «Philip Johnson Obituary», The Guardian, 29 janvier 2005 88 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

pius1. Il devint l’interlocuteur privilégié du mouvement moderne en Amérique, avant d’être un de ses architectes. Ce n’est qu’en 1943, à 37 ans, que Philip Johnson obtint un di- plôme d’architecte. En 1934, il quittait le département d’architec- ture du MoMA, pour en reprendre la tête en 1945 et y poursuivre sa démarche de promotion de l’architecture moderne. Il écrivit en 1947 la première monographie de Mies Van der Rohe. Philip Johnson quittait le poste de directeur du département d’ar- chitecture du MoMA en 1954, et le jeune Arthur Drexler, son col- laborateur et ami, prenait sa suite deux ans plus tard. Philip JohnNANTES- son, par le biais du nouveau directeur, resta présent DEet influent au MoMA. Durant les trente années qu’Arthur Drexler passa à la tête du département, celui-ci perpétua la politique entamée par Johnson et suivit ses conseils.

Dés 1960, sur les conseils de Johnson, Arthur Drexler fit la promotion du postmodernisme avec l’exposition « Visionary Architecture ». Pendant qu’à New York, les D'AUTEURarchitectes exploraient un champ antérieur au modernisme et cherchaient de nouvelles références dans l’histoire de l’architecture, le MoMA se posait en précurseur des tendances avec une série d’expositions histo- riques (« Gaudi », « L’Art Nouveau », « The Architecture of The Ecole des Beaux Arts »...). Après avoir traité du modernisme, le MoMA devenait ainsiD'ARCHITECTURE le porte-paroleDROIT du postmodernisme. Et lorsqu’en 1967, Peter Eisenman fondait le groupe Institute for Architecture and Urban Studies (IAUS), le MoMA fut son premier soutien. Cette organisationAU eut un rôle très important dans les années 1970, proposant des formations, organisant des expositions et des débats. On trouvait dans les collaborateurs de l’IAUS les plus grandes stars de l’époque2 : Kenneth Frampton, Diana Agrest, Anthony Vidler, Robert Slutzky, Rafael Moneo (PP 96), Rem Koolhaas (PP 00), et Philip Johnson. Le MoMA soutint ensuite la revueSOUMIS Oppositions , qui diffusait les recherches et essais de l’IAUS. Aux côtés d’Eisenman,SUPERIEURE le MoMA prit donc une place centrale dans le débat architectural des années 1970. En 1967, Arthur Drexler créait l’exposition « Five architects », qui présentait le travail de cinq architectes new-yorkais : Peter Eisenman, Michael Graves, Charles Gwathmey, John Hejduk et Richard Meier (PP 84). Avec cette exposition, le MoMA identifiait une nouvelle tendance de l’architecture. De laDOCUMENT même manière, et toujours conseillé par Johnson, Drexler créait en 1988 l’expositionNATIONALE « Deconstructivist Architecture ». Les architectes représentés étaient : Peter Eisen- man, Daniel Libeskind, Zaha Hadid, Coop Himmelblau, Bernard Tschumi et Rem Koolhaas, et enfin Frank Gehry. Ces architectes avaient alors surtout en commun le côte spectaculaire de leurs œuvres. Ni modernes, ni postmodernes, ils remettaient en cause radicalement les éléments ECOLEconventionnels de l’architecture : planchers, murs, fenêtres, portes, et ornementations. Mais le critique Paul Goldberger identifiait alors un problème : « the word ‘‘deconstructivism’’ has tended

1. cf. Partie 2 chapitre 2 2. Suzanne Frank, IAUS : The Institute for Architecture and Urban Studies, An Insider’s Memoir Chapitre 5 : Expositions 89

to call to mind ‘‘trend’’ and ‘‘publicity’’ more than any specific buildings »1. Alors que les expositions collectives du MoMA faisaient autorité, réunissant des architectes, identifiant des mouvements, l’exposition « Five Architects » annonçait déjà une transformation. En 1932, le MoMA identifiait un « Style International », en 1967, il exposait « Five Architects ». En l’espace de 35 ans, le MoMA était passé de l’exposition de l’architecture à l’exposition des architectes ! « The Five was never an official group, and its members had as much dividing them as joining them. (...) It’s still not entirely clear what it meant for the history of architecture, but the day in 1972 when Peter Eisenman, Michael Graves, Charles Gwathmey, John Hejduk and Richard Meier banded together to produce a spare, black-and-white book called «Five Architects» wasNANTES surely the beginning of high-end architectural marketing. » 2 Le critique Paul GoldbergerDE pointait du doigt la fragilité du choix du MoMA d’un point de vue théorique. Mais il remarquait déjà l’extraordi- naire habileté, à la fois du musée et des architectes, à manipuler l’outil marketing qu’est l’exposi- tion. Le MoMA, par l’intermédiaire de Johnson, absorbait les tendances mondiales et les diffusait en précurseur. Il ne s’agissait pas de créer un mouvement, mais de sélectionner des architectes en passe d’être célèbre, et de les présenter en groupe, comme un pseudomouvement. 30 ans après l’exposition en question, Paul Goldberger constatait les divergencesD'AUTEUR des cinq membres du «groupe», mais aussi le succès qu’ils ont connu individuellement. « Their work and their identities diverged more and more as the years went on. But by the late 1980’s every one of The Five had become a kind of icon, almost a logo, for something.[...] Every one has produced work of quality while remaining true to the passion for architectureD'ARCHITECTURE thatDROIT generated his career. Yet each, by his very success, has also become a bit of a caricature, at times too predictable, too easy to sum up. Is this the risk of achieving fame in our age? »3 AU Les expositions « New York Five » ou « Deconstructivist Architecture » furent critiquées à leur époque pour cette identification de modes et de personnalités plutôt que de véritables change- ments de la pensée. Aujourd’hui, on se rend compte que le MoMA y était en fait révélateur d’une véritable évolution : la popularité SOUMISnaissante de l’architecte en tant que figure unique, créant son propre style, ne pouvantSUPERIEURE être identifié à aucun autre de ses confrères.

À travers les choix du MoMA depuis 1932, c’est l’empreinte de Philip Johnson qu’on peut distinguer. Plus que tout autre, cet architecte a su sentir les tendances et les personnalités mar- quantes de son époque, se détourner d’elles lorsque le monde entier les adoptait, et en suivre d’autres sansDOCUMENT craindre la contradiction. Il a toujours rejeté les aspects fonctionnels, sociaux, et politiquesNATIONALE de l’architecture, et plus qu’aucun autre il a appréhendé l’architecture comme une question de style. Plus que l’architecte bâtisseur, c’est donc le personnage iconoclaste, puissant et médiatique qui fut admiré. Le premier des Prix Pritzker a donc récompensé, au-delà de l’archi- tecture, une certaine culture de la célébrité qui semble marquer les cinquante dernières années. ECOLEPhilip Johnson est le premier lauréat, et le premier d’une nouvelle lignée d’architectes.

1. Paul Goldberger, «Theories as the Building Blocks for a New Style», The New York Times, 26 juin 1988 2. Paul Goldberger, «A Little Book That Led Five Men to Fame», The New York Times, 11 février 1996 3. id. 90 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Les Expositions Universelles

Les Expositions Universelles se déroulent depuis 1851, tous les 5 ans environ, et ont « un but principal d’enseignement pour le public, faisant l’inventaire des moyens dont dispose l’homme pour satisfaire les besoins d’une civilisation et faisant ressortir dans une ou plusieurs branches de l’activité humaine les progrès réalisés ou les perspectives d’avenir »1. L’architecture n’y est qu’une des activités exposées, mais sans doute la plus importante. Ainsi, en 1851 à Londres, Joseph Pax- ton éblouissait le public avec le Crystal Palace, puis en 1889 à Paris, Gustave Eiffel créait la plus haute tour du monde. Les Expositions Universelles étaient à l’époque de la révolution industrielleNANTES des occasions uniques pour les architectes de faire la démonstration de leur talent, enDE utilisant les dernières avancées technologiques. Dés 1889, Charles Garnier soulignait d’ailleurs avec fierté que « ce sont les architectes qui ont fait d’abord le succès initial de cette exposition. C’est le conte- nant, et le contenant tout seul, qui a triomphé avant le contenu […] Elle est surtout la preuve de la puissance architecturale »2. Le pays à l’initiative de l’Exposition affichait, à travers des archi- tectures visionnaires, sa puissance technique, scientifique et politique. Depuis quelques dizaines d’années, si ce principe reste le même, le contexte des Expositions UniversellesD'AUTEUR a changé, et l’architecture aussi. En 2010, on attendait à Shanghaï plus de 70 millions de visiteurs. Les Expositions Univer- selles sont ainsi les évènements « architecturaux » déplaçant le plus grand nombre de personnes, et réunissant les publics les plus différents. MalgréD'ARCHITECTURE le coutDROIT faramineux des Expositions, le rayonnement qu’elles instaurent reste un enjeu important. Les états sont donc prêts à dépenser sans compter pour les organiser, ou pour bénéficier d’unAU pavillon national. Ces pavillons sont les lieux du « marketing d’état »3, ou chaque puissance fait état de son patrimoine et du savoir-faire national. Les architectes choisis pour les représenter font donc l’objet de la plus grande média- tisation. SOUMIS SUPERIEURE« C’est à l’occasion de l’Exposition universelle de 1958, à Bruxelles, que Sverre Fehn accède à la renommée internationale et remporte, 10% comm. avec son pavillon norvégien (fig.51), le premier prix du concours 10% publi. d’architecture »4 30% écoles « Cette période de production architecturale intense est consacrée 50%DOCUMENT expos par la commande de la piscine des jeux Olympiques organisés à NATIONALE Tokyo en 1964 et par la réalisation du plan directeur de l’Exposi- tion universelle d’Osaka en 1970, deux projets qui font de Kenzo Tange l’une des figures emblématiques de la renaissance écono- ECOLE mique du Japon, et lui apportent une reconnaissance internatio-

1. Article 1, 1. de la Convention de 1928 concernant les expositions internationales, Bureau international des expositions 2. Caroline Mathieu, Les expositions universelles à Paris : architectures réelles ou utopiques, Paris, 5 Continents – Musée d’Orsay, 2007, p.15 3. Tania Brimson, A quoi sert une exposition universelle ? , evene.fr, juin 2010 4. Universalis, Sverre Fehn, Encyclopaedia Universalis Chapitre 5 : Expositions 91

nale. »1 « En 1992, le spectaculaire pavillon japonais (fig.52) que Tadao Ando réalisa pour l’Exposition universelle de Séville, sorte de hié- ratique cénotaphe de bois dressé comme un temple ancien au-des- sus du désordre de cette manifestation, le fit largement connaître auprès du grand public européen. »2

On peut sans doute constater le même phénomène de célébrité internationale pour Oscar Niemeyer après le pavillon du Bré- sil à l’Exposition Universelle de New York en 1939, NANTESpour Paulo Mendes da Rocha après le pavillon brésilien DEqu’il réalisa pour celle d’Osaka en 1970, ou pour Peter Zumthor après le pavillon suisse conçu pour celle de Hanovre en 2000. Il s’agit pour ces architectes reconnus dans leurs pays, d’une première (et parfois unique) occasion de construire à l’étranger. D’autres, comme Souto de Moura à Lisbonne en 1998, Wang Shu avec le pavillon 30% comm. Tengtou-Ningbo (fig.53) à ShanghaiD'AUTEUR en 2010 se firent connaitre 30% écoles avec des réalisations dans leurs propres pays, lors d’Expositions 40% expos Universelles largement médiatisées.

On trouve lors de ces Expositions une sélectionD'ARCHITECTURE d’architectesDROIT internationaux dont l’œuvre est accessible au grand public. Il s’agit de mettre en avant des prouesses techniques, ou des enjeux de société, notamment l’écologie depuis quelquesAU années.

La Biennale de Venise SOUMIS SUPERIEURE À Venise se tient tous les deux ans une exposition internationale d’un autre genre. La Bien- nale d’architecture de Venise est née en 1980. Dirigée par des architectes, exposant des travaux d’architectes, et réunissant, avant tout, des architectes, la Biennale est pourtant l’actrice d’une vulgarisation inéluctable de l’architecture. À travers DOCUMENTles différentes expositions et les directeurs successifs, on perçoit une évolution des objectifsNATIONALE de cette manifestation, et la mise en place d’un système de sélection des grandes figures de l’architecture.

ECOLE La Biennale d’art de Venise existe depuis 1895. C’est en 1975 que pour la première fois, l’architecture y fit son entrée. Vittorio Gregotti avait été nommé directeur de la Biennale, mal- gré son statut d’architecte. Il accepta, mais obtint qu’on ajoute aux expositions d’art une petite installation d’architecture. Pour cette première introduction de l’architecture dans la Biennale,

1. Benoît Jacquet, Kenzo Tange, Encyclopaedia Universalis 2. François Chaslin, Tadao Ando, Encyclopaedia Universalis 92 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Gregotti fit une sélection assez pointue d’architectes : Oswald Mathias Ungers, Stirling, Cher- mayeff, « the New York Five »... « Il y avait alors seulement un petit nombre d’architectes connus internationalement, donc dans un sens le choix était facile. Maintenant, le choix est pratiquement impossible, et c’est ça le problème. » 1 L’exposition s’adressait alors exclusivement aux architectes, sans prétention de vulgarisation. Il s’agissait de guider le débat architectural vers de nouvelles directions. « Le problème aujourd’hui est simplement de savoir qui sont les nouveaux artistes »2 déplore Gregotti. Le changement eut lieu en 1980 avec la première Biennale spécifiquement dédiée à l’archi- tecture. Portoghesi en fut nommé directeur et avait l’intention, en opposition avec Gregotti, de créer une exposition aussi populaire que celle de la Biennale d’art. Le thème choisi « La presenzaNANTES del passato3 » donnait la vedette au postmodernisme. Selon Dietmar Steiner, cette DEexposition illustre un moment décisif dans la naissance du star-system. « La Strada Novissima » était l’élé- ment principal de l’exposition : cette rue était construite comme un décor auquel 20 architectes prirent part, chacun en construisant une partie. Pour la première fois, ce qui importait n’était pas ce qui était construit, mais bien QUI l’avait construit. En apparence, le sujet était celui de la rue et des nouvelles références à l’histoire. Mais en réalité, c’était les architectes qui étaient vedettes, chacun utilisant ce petit bout de façade pour illustrer sa place dans le mondeD'AUTEUR de l’architecture. « La Strada Novissima » recréait un concours dans lequel chaque construction illustrait la pra- tique d’un architecte. Jusqu’à 1980, on identifiait en architecture une école, un style, un mouvement. On parlait d’« architecture », on en vint à parler d’« architectureD'ARCHITECTURES » pourDROIT souligner le fait que chaque pro- duction est unique et est sur le même pied d’égalité4. Loin de diriger le public vers une avant-garde, PortoghesiAU souhaitait refléter la diversité de l’architecture contemporaine. Pour lui, l’ouverture de l’architecture à un large public allait de pair avec l’expression d’une grande variété de styles et de personnes, réunis sous l’appellation de « postmodernisme ». SOUMIS SUPERIEUREPar la suite, les directeurs successifs perpétuèrent cette volonté. Hans Hollein, lauréat du prix Pritzker en 1985, fut directeur de 20% comm. la Biennale en 1996. Pour toucher un large public, il expérimen- 20% écoles tait cette année-là de nouveaux modes d’expositions, privilégiant 30% publi. la maquette et les images 3D, plus accessibles. Il exposait cette 30% DOCUMENTexpos année-là des lauréats du Pritzker : Frank Gehry (PP 89), Alvaro NATIONALE Siza (PP 92), Tadao Ando (PP 95), de futurs lauréats : Rafael Moneo (PP 96), Renzo Piano (PP 98), Norman Foster (PP 99), Koolhaas (PP 00), Herzog & de Meuron (PP 01), Rem Jorn Utzon (PP 03), Zaha Hadid (PP 04), Jean Nouvel (PP 08), et des lauréats ECOLE potentiels : Coop Himmelb(l)au, Peter Eisenman, Arata Isozaki,

1. Aaron Levy and William Menking, Architecture on Display: On the History of the Venice Bien- nale of Architecture, AA Publications, Londres, 2010, p.26 2. ibid. p.30 3. «La présence du passé» 4. Dietmar Steiner, « Architecture as Spectacle », LOTUS, n°70, octobre 1991, p. 71 Chapitre 5 : Expositions 93

Toyo Ito, Philip Starck, Massimiliano Fuksas, etc. Hollein créa le Lion d’Or de l’architecture, qui n’existait auparavant que pour l’art, et l’attribua pour cette première année à Ignazio Gardella, Philip Johnson (PP 79) et Oscar Niemeyer (PP 88). Pour l’expo- sition « Emerging Voices », il choisit quelques nouveaux noms de l’architecture : Odile Decq, Diller&Scofidio, Peter Zumthor (PP 09) et Kazuyo Seijima (PP 10). La Biennale de Venise et le prix Pritzker semblaient définitive- ment liés. NANTES En 2010, le prix d’honneur fut attribué au chinoisDE Wang Shu (PP 12). C’est la japonaise Sejima qui était alors directrice de l’expo- sition. Kazuyo Sejima, est une architecte japonaise, récompensée 25% publi. par le prix Pritzker en 2010 avec son associé Ryue Nishizawa. À eux 25% écoles deux, ils forment depuis 1995 la célèbre agence SANAA. Sejima, 50% expos plus âgée que son collaborateur, reçut un diplôme d’architecture de la Japan Women’s University enD'AUTEUR 1981. Elle entra ensuite dans l’agence de Toyo Ito, et y demeura jusqu’en 1987, date à laquelle elle débutait à son propre compte. Sa pratique fut très influencée par celle de Toyo Ito, son mentor. Son travail lui permit d’acquérir une certaine notoriétéD'ARCHITECTURE auDROIT Japon, mais c’est avec Nishizawa, plus radical, qu’elle acquit une renommée mondiale. S’ils travaillent encore séparémentAU dans leur pays, toutes les commandes et com- pétitions internationales sont le fruit de leur collaboration1. Leur parcours est lié à la Biennale de Venise depuis 2000, où ils furent commissaires du pavillon japonais. Après y avoir exposé plusieurs fois,SOUMIS ils y reçurent le Lion d’Or, en 2004. En 2009, quelques mois SUPERIEUREavant de recevoir le Pritzker, Kazuyo Sejima fut nommée com- missaire de la Biennale de Venise 2010. Elle semblait alors assez dubitative sur l’intérêt d’une telle exposition. « I think that today everybody, because of the internet, is already famous ! (...) I would like people to feel the possibility of architecture »2. DOCUMENT NATIONALEAinsi, la Biennale de Venise, comme le Pritzker, aurait surtout pour mission d’attirer les re- gards, régulièrement sur le monde de l’architecture et sa diversité. Ils agissent tous deux comme des « happenings », à la fois évènements et performances, au sens artistique du terme. Massimi- liano Fuksas était directeur de l’exposition en 2000. Il avait alors insisté sur cette valeur de mani- ECOLEfestation, en projetant une nuit durant des images d’architectes sur les façades le long du Grand Canal, jusqu’à ce que la police l’en empêche. Selon lui, la Biennale a perdu sa valeur de manifeste,

1. Frédéric Edelmann : http://www.lemonde.fr/culture/article/2010/03/31/kazuyo-sejima-et-ryue- nishizawa-donnent-l-illusion-d-etre-simples_1326736_3246.html 2. Aaron Levy and William Menking, Architecture on Display: On the History of the Venice Bien- nale of Architecture, AA Publications, Londres, 2010, p.165 94 Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

elle n’invoque plus une architecture révolutionnaire. « [Bruno Zevi wanted me to do] a ‘Venice Manifesto’ about contemporary architecture and about revolutionary architecture. But this was the concept of a guy from another century, and it was not possible for me to do this. »1 Ainsi, il ne reste à la Biennale que sa valeur de réunion autour de l’architecture, elle est toujours une grande fête, sans plus de prétention. « It is not that people meet in architecture, as Sejima is arguing2, but rather that architects meet in architecture. »3

Expositions et star-system NANTES DE La multiplication des expositions d’architecture depuis les années 1980 est donc lisible dans les cursus de nos lauréats. Biennales de Venise, Milan, São Paulo, Paris, etc., Expositions Univer- selles, expositions individuelles ou collectives dans de prestigieux musées, la liste est tellement longue qu’il est impossible d’en faire le tour. Ces lieux ou évènements ont pour ambition de rendre l’architecture populaire, accessible à un public large. Les architectes y ont développé une manière de montrer l’architecture, puis de la faire sentir, pour enfin la faireD'AUTEUR vivre aux spectateurs. Depuis 2000, le musée d’art contemporain Kensington Gardens à Londres invite chaque an- née un architecte à construire un pavillon provisoire. C’est la Serpentine Gallery, ultime mode d’exposition de l’architecture, qui permet au public de se familiariser avec le meilleur de l’archi- tecture contemporaine. Dirigée par Lord Palumbo, membreD'ARCHITECTURE duDROIT jury du Pritzker, l’initiative de la Serpentine Gallery est manifeste de l’exaltation de l’esthétique et de l’expérience sensuelle, au détriment des visions politiques, idéologiques et sociologiques.AU La sélection ici fait apparaître une nouvelle fois les familiers de ce genre de manifestations :

2000 : Zaha Hadid 2001 : Daniel Libeskind SOUMIS 2002 : Toyo Ito avec Arup SUPERIEURE 2003 : Oscar Niemeyer 2004 : MVRDV, non réalisé 2005 : Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura avec Cecil Balmond – Arup 2006 : Rem Koolhaas et Cecil Balmond 2007 : Frank GehryDOCUMENT 2007 :NATIONALE Zaha Hadid 2008 : Olafur Eliasson et Kjetil Trædal Thorsen 2009 : Sanaa ECOLE2010 : Jean Nouvel 2011 : Peter Zumthor 2012 : Ai Weiwei et Herzog & de Meuron

1. ibid. p.89 2. Fuksas fait ici référence au thème de la Biennale 2010 « People meet in architecture » 3. Aaron Levy and William Menking, Architecture on Display: On the History of the Venice Bien- nale of Architecture, AA Publications, Londres, 2010, p.92 Chapitre 5 : Expositions 95

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ECOLE fig.51 : pavillon norvégien, Expo 58 Bruxelles, Sverre Fehn fig.52 : pavillon japonais, Expo 92 Séville, Tadao Ando fig.53 : pavillon Ningbo- Tengtou Pavilion, Expo 2010 Shanghai, Wang Shu NANTES DE

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ECOLE Partie 3 L’architecture au risque du star-system

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Chapitre 1 Comment gagner le prix Pritzker en 10 leçons

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L’étude des lauréats qui précède nous a donc permis de dégager un certain nombre de caractéristiques. Ainsi, sans évoquer le talent, ou l’œuvre architec- turale, il nous est possible de résumer en « 10 leçons » les conditions d’accès à la célébrité, et au prix Pritzker. Nous proposons ici une illustrationD'AUTEUR piquante des thèmes abordés. Évidemment, être visionnaire et talentueux est la condition sine qua non à la liste qui suit. D'ARCHITECTUREDROIT 1 Composer un personnage Populaire, puissant, mystérieux, snob, révolté, anonyme,AU ambitieux, engagé... La personne même de l’architecte a une importance nouvelle dans le débat autour de l’architecture. Le personnage médiatique doit être facilement compréhensible par le public, et identifiable par un ou deux traits de caractère. SOUMIS 2 Y assortir son apparenceSUPERIEURE Le physique de l’architecte est le meilleur porte-parole de son architecture. Du noir, des santiags, des kilts, des cheveux longs ou pas de cheveux du tout, des lu- nettes, et des vêtements déconstructivistes, écolos, high-tech ou minimalistes, c’est selon. L’identification par le physique peut être facilitée par l’association de l’architecte à une marque DOCUMENTde haute couture. Le comique de l’accoutrement doit être compensé parNATIONALE un visage à l’air sérieux ou absent.

3 Revendiquer une pensée indépendante L’architecte d’aujourd’hui refuse toutes les appellations, mélange les genres, les ECOLEréférences et les gouts. Il préfère dire que son approche est « contextuelle » ou « singulière ». Néanmoins, être assimilé à d’autres architectes, au sein d’une tendance, peut s’avé- rer intéressant. Les médias aiment en effet pouvoir mettre des mots sur les pra- tiques et les modes. Chapitre 1 : Comment gagner le prix Pritzker en 10 leçons 99

4 Produire 1 ou 2 bâtiments iconiques Musée, maison, opéra, ou siège d’une entreprise, l’œuvre doit être en rupture avec son contexte, et avoir un aspect frappant et innovant pour devenir le symbole d’une ville ou d’une marque. Elle doit également pouvoir résumer la carrière entière de l’architecte. Peu importe la tendance qu’elle suit, l’œuvre célèbre est « dans l’air du temps ».

5 Cacher l’homme d’affaires sous l’artiste L’architecte célèbre peut diriger plus de 100 personnes, maitriser son image comme un acteur, et communiquer comme un politique, mais il préfère être vu commeNANTES un artiste incompris et rebelle. DE 6 Infiltrer les institutions UIA, AIA, Ordre des Architectes... L’architecte influent est membre d’un ou plu- sieurs instituts, associations, académies ou conseils. Il lui faut cultiver les réseaux.

7 S’appuyer sur une revue d’architecture La revue exprime un intérêt collectif, laisse entendre que l’architecteD'AUTEUR est soutenu par un réseau d’intellectuels. Il peut donc créer ou acheter sa propre revue d’archi- tecture, ou bien laisser ses amis le faire pour lui. L’important est d’avoir le soutien et l’intérêt du monde de la publication. D'ARCHITECTUREDROIT 8 Enseigner dans une école prestigieuse Enseigner à l’étranger est l’expression certaineAU d’une réussite. Mais lorsque l’archi- tecte enseigne dans son propre pays, cela peut être l’occasion de créer une « école stylistique » avec l’aide d’enseignants ou d’élèves. Il y a plusieurs grades dans l’en- seignement (des conférences aux postes de titulaires, en passant par les invitations aux jurys de projet), il faut patiemment les monter un à un jusqu’à la création de SOUMIS son propre studio.SUPERIEURE 9 Être de tous les concours Mais les gagner n’est pas indispensable, le projet qui marque les esprits n’est pas toujours le lauréat. Lorsqu’il n’y participe pas, les concours et les grands projets publics peuvent être l’occasion pour l’architecte médiatique de prendre position publiquement.DOCUMENT L’architecte peut aussi avoir accès à des commandes de prestige en NATIONALEs’associant à une entreprise internationale ou à une marque célèbre.

10 Participer à des expositions Le MoMA, la Biennale de Venise, les Expositions Universelles ou les récents mu- ECOLE sées d’architecture sont les lieux idéaux pour organiser ou participer à une exposi- tion. Cela peut-être aussi l’occasion de développer une seconde vocation, comme l’art ou le design.

(Si vous remplissez 7 de ces conditions, vous êtes déjà une star ! Au-delà, vous êtes Philip Johnson...) 100 Partie 3 : l’Architecture au risque du star-system

Chapitre 2 « Qu’importe l’œuvre... »

NANTES DE

« Qu’importe l’œuvre, ce qui compte c’est le caractère, le parcours, depuis la pseudo marginalité de l’Architectural Association jusqu’au Pritzker. Derrière les oripeaux usés de l’avant-garde, ce qui se dessine ici, c’est une conception aristo- cratique de la profession d’architecte : on vaut pour ce qu’on est, pas pour ce qu’on fait. » 1 D'AUTEUR

C’est ce que concluait Valéry Didelon après l’annonce de la lauréate du prix Pritzker en 2004. Cette année-là, Zaha Hadid avait été récompensée pourD'ARCHITECTURE avoirDROIT « perfectionné un vocabulaire éta- blissant de nouvelles frontières pour l’art de l’architecture ». Pourtant selon Valéry Didelon, l’ar- chitecte avait alors peu construit, n’avait pas développéAU de théorie architecturale, et ses innova- tions formelles étaient restées à l’état d’ébauche. Selon le critique, il fallait chercher la vraie raison à ce choix dans une autre déclaration du jury, décrivant une femme qui « brave les conventions ». Hadid doit alors le prix à son caractère et à son personnage plutôt qu’à son œuvre ? Le potentiel médiatique des architectes serait le premierSOUMIS critère de sélection ? C’est hélas l’une des critiquesSUPERIEURE faites, de plus en plus régulièrement, aux prix d’architecture. Ainsi, en 1990 lorsque le prix européen Mies van der Rohe fut remis à Norman Foster pour l’aéro- port de Stansted, les critiques froncèrent les sourcils2. Le prix devait récompenser une œuvre réa- lisée, et l’aéroport était alors en cours de construction. Un membre du jury, Hans Hollein, avait exprimé son désaccord en citant Frank Lloyd Wright : « Only fools choose unfinished buildings ». Est-ce possible qu’ilDOCUMENT n’y ait eu aucune œuvre achevée digne d’être récompensée cette année-là ? Ou bien n’yNATIONALE en avait-il aucune qui puisse servir les fins du star-system ?

Le star-system s’alimente continuellement des prix d’architecture et des autres mécanismes qui distinguent les stars de la masse des architectes anonymes. Selon Magali Sarfatti Larson, «les ECOLEpublications, les récompenses, les expositions et les concours sont toujours les principaux méca- nismes à travers lesquels la profession sélectionne les oeuvres, construites ou non, qui accèderont

1. Valéry Didelon, « A quoi sert le star-system? », d’Architectures, n°138, juin/juillet 2004, p.9 2. Dietmar Steiner, « Architecture as Spectacle », LOTUS, n°70, octobre 1991, p. 73 Chapitre 2 : «Qu’importe l’oeuvre»... 101

à la reconnaissance de leurs pairs»1 Le prix Pritzker est un élément fondamental du star-system, puisqu’il est la plus haute dis- tinction qu’un architecte puisse recevoir. Mais aujourd’hui, il semble que ce prix se contente de récompenser des architectes « présélectionnés » par la publication, les écoles, les commandes de prestige, et les expositions. Ce sont ces quatre éléments, développés dans notre ouvrage, qui sont les mécanismes du star-system. Ils créent la célébrité, que le prix Pritzker vient ensuite couron- ner. Si ces 4 mécanismes sont les principaux vecteurs de la célébrité, il faut souligner également l’importance de l’identité de l’architecte. Plus celle-ci est forte, facilement identifiable, plus l’ar- chitecte sera capté par les médias, et plus il sera célèbre. Les lauréats du prix PritzkerNANTES ont en commun leur capacité à se créer une identité singulière, par leur architectureDE comme par leur personnalité. À l’inverse, une personnalité trop floue ou une architecture trop changeante seront des causes d’abandon des médias. François Chaslin remarquait : « Il y a un moment aussi où les architectures se dégradent et deviennent moins significatives. L’architecture de Chipperfield aujourd’hui, vous auriez du mal à la décrire, parce qu’elle devient tout à fait polymorphe. Il est en train de devenir une chose moins nette, moins porteuse d’idéal. Or le prix récompense tout de même une chose un peu idéale. » D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

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ECOLE

1. Magali Sarfatti Larson, Behind the Postmodern Facade, Architectural Change in Late Twen- tieth Century America, University of California Press, Los Angeles, 1993, p.136 102 Partie 3 : l’Architecture au risque du star-system

Chapitre 3 Pronostics

NANTES DE

« RR : Vous avez des pronostics ? FC : Steven Holl puisque vous y tenez ! Dominique Perrault pourrait l’avoir. Son œuvre est immense, dans le monde entier, il le mériterait ! Chipperfield ne l’a pas eu ? Il pourrait l’avoir, il est couronné de lauriers. [...] Si vous me demandiez quel français le mériterait, je vous dirais Perrault. Si vous me demandiezD'AUTEUR quel très grand architecte ne l’a pas eu, Toyo Ito. Il ne l’a pas eu et le méritait absolument. Quand il aura fini l’Opéra de Corée, il l’aura, je pense. Botta le méritait, mais maintenant Botta fait une architecture trop répétitive,D'ARCHITECTUREDROIT il n’est plus à la mode. Il y a des moments où vous êtes bon, et des moments où les choses se gâtent, pour des raisons qui échappent à toute logique. Botta estAU dans une période de déclin. C’est dû parfois à la taille de l’agence, ou à une lassitude, ou au fait que ce que vous poursuiviez n’est plus en adéquation avec la demande de l’époque. Toyo Ito est encore un immense créateur. Bizarre qu’il ne l’ait pas eu alors que son ancienne collaboratrice, la fille de SANAA, SOUMISl’a eu avant lui.»1 SUPERIEURE Nos pronostics se feront donc parmi la « présélection », c’est-à-dire parmi les architectes concernés par un ou plusieurs des mécanismes évoqués (publication, écoles, commandes pres- tigieuses et expositions). Pour réduire le champ des possibilités, il faut tenir compte du souci de diversité du prix Pritzker, et s’intéresser aux pays dont l’architecture a été rarement récompensée. Les enjeux politiquesDOCUMENT présents derrière le prix sont aussi à prendre en considération. Ainsi, les pays émergentsNATIONALE (du point de vue architectural ou économique) sont concernés.

50/1 : Mario Botta (suisse, 70 ans) Disciple de Le Corbusier, puis de Carlo Scarpa, il se fit remarquer dans les années 1980 pour ECOLEson style local. Kenneth Frampton vit en lui un exemple de « régionalisme critique »2. Sa signa- ture de brique lui valut bientôt une reconnaissance internationale, et il réalisa des musées dans le monde entier (Tokyo, Séoul, San Francisco). En 1987, le MoMA lui consacrait une exposition.

1. cf. annexe Un entretien avec François Chaslin 2. Jean Claude Garcias, « Mario Botta », Encyclopaedia Universalis Chapitre 3 : Pronostics 103

Malgré une célébrité incontestable, il semble peu probable que Botta soit récompensé. Il n’est déjà plus une figure « actuelle » de la profession.

30/1 : Valerio Olgiati (suisse, 55 ans) Il fut professeur à l’ETH de Zurich à la AA School, et à la Cornell University, et enseigne depuis 2002 à Mendrisio. Il a fait l’objet en 2011 d’un numéro de El Croquis (n°156). La majeure partie de ses réalisations est en suisse ou en Europe, mais il a été exposé en 2011 à Tokyo. Depuis un peu plus de 10 ans, cet architecte est le plus célèbre de la nouvelle génération d’architectes suisses. Mais 4 ans après la sélection de Peter Zumthor, il sera peut-être un peu tôt en 2013 pour récompenser à nouveau la discrétion suisse. NANTES DE 30/1Massimiliano Fuksas (italien, 69 ans) Celui-ci est « presque aussi influent que Jean Nouvel dans le monde politique français et dans les rouages de l’État, aussi présent que lui dans les jurys, aussi doté que lui de grosses commandes publiques »1. Il reçut le Grand Prix national de l’Architecture en 1999, fut directeur de la Bien- nale de Venise en 2000. Le public européen a pu suivre les frasques de cet architecte engagé politiquement : en 2008 il s’opposait à Berlusconi, en 2010 il se battaitD'AUTEUR en public avec un homme politique... Il est professeur à la Columbia University à New York. Depuis 2000, il également est rédacteur d’une chronique d’architecture dans l’hebdomadaire culturel italien L’Espresso. Mas- similiano Fuksas est un personnage médiatique de l’architecture, néanmoins sa célébrité reste principalement européenne. D'ARCHITECTUREDROIT

15/1 : Daniel Libeskind (américain polonais,AU 67 ans) Comme Zaha Hadid et Frank Gehry, Libeskind participa à l’exposition « Deconstructivist architecture » au MoMA en 1988. En 1998, il achevait le Musée Juif de Berlin qui lui offrait une renommée internationale. Le numéro 80 de la revue El Croquis lui fut consacré. Il fut retenu en 2003 pour la conception du master-planSOUMIS du World Trade Center, sur lequel construisent trois lauréats du Pritzker (Rogers,SUPERIEURE Foster et Maki). À Séoul, il conçoit un projet tout aussi gigantesque, avec l’urbanisme du quartier d’affaire Yongsan, dont la superficie est 9 fois égale à celle du World Trade Center. Il y construit la deuxième plus haute tour du monde, fin du chantier prévue en 2013.

15/1 : ToyoDOCUMENT Ito (japonais, 72 ans) NATIONALEL’architecte japonais est pressenti depuis plusieurs années, mais la sélection de son élève Sejima en 2010 semble annuler ses chances de victoires. Le travail de Toyo Ito fut exposé dés 1991 à Londres, et depuis partout dans le monde. Il enseigne depuis les années 1980 à la Japan Women’s University de Tokyo. Dés 1998, il fut sélectionné par El Croquis (n°71, puis 123, 147). ECOLEEn 2001, la médiathèque de Sendai le faisait connaitre internationalement. En 2002, il réalisait pour la Serpentine Gallery un pavillon plébiscité par la critique. En 2002, il recevait le Lion d’Or de la Biennale de Venise, en 2006 la Royal Gold Medal du RIBA, et en 2010 le Praemium Impe- rale. Il ne manque à son palmarès que le Pritzker.

1. François Chaslin, Jean Nouvel Critiques, Infolio éditions, Paris, 2008, p.218 104 Partie 3 : l’Architecture au risque du star-system

10/1 : David Chipperfield (britannique, 60 ans) L’architecte anglais est diplômé de la AA School. Son agence est basée à Londres, Berlin, Milan et Shanghai, et il emploie plus de 250 personnes. En 2010, Chipperfield a été anobli par la reine d’Angleterre, et a reçu le Wolfe Prize, puis la Royal Gold Medal du RIBA en 2011. Les numéros 87, 120 et 150 de la publication El Croquis lui sont consacrés. En 2000, il représentait la Grande-Bretagne à la Biennale de Venise, et en 2012, il sera le premier britannique directeur de la Biennale.

10/1 : Sheila Sri Prakash (indienne, 58 ans) NANTES Elle fut la première indienne à créer sa propre agence d’architecture1. Son travailDE prend en compte les problèmes environnementaux ainsi que l’habitat des plus démunis. En Inde elle est également célèbre pour ses performances de danse et de musique. Ces dernières années, elle a pris part à de nombreux sommets internationaux sur la question écologique (United States Green Building Council en 2007 ou Global Infrastructure Summit on Sustainable Architecture and Ur- ban Design pour les Jeux Olympiques de Londres en 2012). Sheila Sri Prakash est actuellement l’une des architectes orientales les plus influentes. D'AUTEUR

5/1 : Steven Holl (américain, 66 ans) Celui-ci est « largement en tête des sondages » sur internet, depuis déjà quelques années2. Dés 1989 il était exposé individuellement au MoMA.D'ARCHITECTURE Il enseigneDROIT depuis 1981 à la Columbia University. En 1998, il reçut l’Alvar Aalto Medal, le Arnold W. Brunner Prize et en 2012 la AIA Gold Medal. En 1994, il écrivait pour un numéro spécialAU de la revue A+U, avec Juhani Pallasmaa et Alberto Perez-Gomez. 4 numéros de El Croquis lui furent consacrés (n°78, 93, 108, 141). En 2012, il participera à l’exposition « Towards the Tectonic » de la Biennale de Venise, dirigée par Kenneth Frampton. Cela fera 8 ans qu’un architecte américain n’a pas été récompensé, est-ce enfin le tour de Steven Holl ? SOUMIS SUPERIEURE 3/1 : Elizabeth Diller & Ricardo Scofidio (américains, 59 et 78 ans ) Ces architectes américains sont également de bons prétendants au titre. Fondée en 1979, l’agence new-yorkaise est connue pour avoir développé une pratique riche autour de l’architec- ture, la scénographie, les performances, ou la peinture. Ils collaborent dans différents projets avec un groupe d’artistes,DOCUMENT parmi lesquels Olafur Eliasson, lui même star de l’art contemporain. ElizabethNATIONALE Diller est diplômée de la Cooper Union, où elle rencontra son compagnon Ricardo Scofidio qui y était alors professeur. De 1980 elle devint professeur assistant dans cette même école. Si Scofidio y enseigne toujours actuellement, Diller est elle professeure à l’Université de Princeton. L’agence a reçu le Brunner Prize, et la AIA Medal of Honor. En 2002 ils se firent ECOLEremarquer en concevant un pavillon extraordinaire pour l’Expo d’Yverdon en Suisse. En 2003, le Whitney Museum of American Art leur a consacré une rétrospective. En 2008 ils participèrent

1. http://www.shilpaarchitects.com 2. http://pablogilcornaro.blogspot.fr/2011/03/souto-moura-pritzker-prize-vs-pritzker.html ou http://www.archdaily.com/54041/and-the-2010-pritzker-goes-to/ Chapitre 3 : Pronostics 105

à la Biennale de Venise avec l’installation Chain City. Le couple est aussi à l’origine de quelques ouvrages parmi lesquels Flesh: Architectural Probes : The Mutant Body of Architecture, ou Blur: The Making of Nothing, dans lesquels ils expliquent les ambitions théoriques de leurs projets. Diller&Scofidio (+Renfro) forment une agence estimée de la critique et applaudie du grand pu- blic, en particulier grâce à l’intervention sur la High Line à New York, dont la deuxième section a ouvert en 2012. La dernière partie du projet ouvrira en 2014.

Le 30 juin 2010, le magazine Vanity Fair demandait à 52 experts, parmi lesquelsNANTES 11 lauréats du Pritzker, de choisir les bâtiments les plus importants depuis 1980, et l’œuvre laDE plus importante du XXe siècle.1 Dans cette catégorie, Kenneth Frampton nommait Steven Holl pour le Linked Hybrid Building de Pékin; Bernard Tschumi et Hans Hollein se nommaient en personne; Peter Eisenman, Steven Holl, Ben van Berkel ou Michael Graves choisissaient l’église St Pierre de Fir- miny de Le Corbusier; Michael Holzer nommait Peter Cook (Archigram) et la Kunsthaus en Autriche; Thom Mayne et Jean Nouvel préféraient le Scottish Parliament Building à Edinbourg de Enric Miralles; Paul Goldberger et Neil Denari, le Disney HallD'AUTEUR de Frank Gehry; Christian de Portzamparc choisissait le congrès de Brasilia de Niemeyer; Richard Rogers et David Chip- perfield, le Stade Olympique de Pékin de Herzog et de Meuron; Anthony Vidler l’œuvre de Rural Studio en Alabama de Samuel Mockbee; et Annabelle Seldorf nommait la Médiathèque de Sendai de Toyo Ito. D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

1. http://www.vanityfair.com/culture/features/2010/08/architecture-survey-list-201008 106 Partie 3 : l’Architecture au risque du star-system

Chapitre 4 L’architecture au risque du star-system

NANTES DE

Derrière le prix Pritzker, ce sont tous les mécanismes de la diffusion de l’architecture qui sont infiltrés par le star-system. Notre étude l’a illustré, il existe au sein de chacun de ces outils de promotion des « stars » : El Croquis pour la publication, Yale ou Columbia pour les écoles, Vitra ou Guggenheim pour les maîtres d’ouvrage et le MoMA pour les expositions sont des exemples que nous avons cités. Ceux-là, avec le prixD'AUTEUR Pritzker, forment la partie la plus visible du monde de l’architecture. Ils constituent ce que l’on nomme ici le « star- system ». Nous avons démontré au travers de l’analyse du prix Pritzker que la célébrité des archi- tectes connaissait depuis 1979 une évolution, un développementD'ARCHITECTUREDROIT qui n’épargnait aucun aspect du métier d’architecte. Ces dernières années ont été telles, que de nombreux critiques s’alarment aujourd’hui de l’impact de ce star-system sur la professionAU et sur l’architecture. Il y a plus de vingt ans, Ada Louise Huxtable s’inquiétait : « Today architects are looking at some very big buildings in some very small ways. The larger the structure, the less inclination there seems to be to come to grips with the complexities of its condition and the dilemma it creates. »1 La journaliste espagnole Juli Capella insistait: « All the architectsSOUMIS in the star system have extrodinary talent, there is no doubt about that... but the questionSUPERIEURE is how they use that talent. Wether they improve our cities or merely swell their ego and their wallet on account of spectators, rather than of users. »2 Et, le critique français Valery Didelon affirmait « Le star-system est non seulement inutile — il ne trans- met et ne défriche rien, mais il est aussi nuisible. Il occulte ce qui, dans la production massive et quotidienne, préfigure l’environnement de demain. »3 DOCUMENT Le star-systemNATIONALE peut avoir sur la profession d’architecte des effets néfastes, qu’il n’est pas dif- ficile de constater. Et si les publications d’architecture, à force de promouvoir l’architecture en images, la réduisaient à une question esthétique et la vidaient de tout contenu idéologique, poli- tique, sociologique ? Et si les écoles, en donnant une vision fausse du métier, agrandissaient le ECOLEgouffre entre la pratique des stars érigées en modèles et celle de la majorité des architectes ? Et

1. Paul Davies & Torsten Schmiedeknecht, An Architect’s Guide to Fame, Architectural Press, 2005, p.XI 2. Oriol Bohigas, « Haute-couture » and « prêt-à-porter », Quaderns d’arquitectura i urbanisme, n° 252, hiver 2006, p.17 3. Valéry Didelon, « A quoi sert le star-system? », d’Architectures, n°138, juin/juillet 2004, p.9 Chapitre 4 : l’Architecture au risque du star-system 107

si les commanditaires de l’architecture oubliaient les questions d’usage au profit de l’image ? Et si les expositions se paralysaient dans un cercle restreint d’architectes stars ?

« RR : Pour conclure, que gagne l’architecture au star-system ? FC : Elle perd diverses choses que j’ai tenté de vous expliquer. Et elle gagne une visibilité, un jeu de concurrence. Elle gagne à être contrainte de produire sans cesse des images, un peu idéali- sées, qui ont la qualité des choses idéales, elles sont troublantes, intéressantes pour nous et pour le public, pour le monde des émotions artistiques. Malgré ses défauts [l’architecture du star-system] est aussi pourvoyeuse de plaisir et de charme. »1 NANTES Ainsi l’architecte a appris à toucher le public. Il a perdu son rôle ancien de poèteDE maudit et sait dorénavant séduire les usagers comme les critiques. Avec le star-system, l’architecture est passée du domaine des élites à la culture populaire. Le star-system a donc offert à l’architecture une visibilité. Le prix Pritzker en est la preuve. En effet, il n’a ni vocation à découvrir des talents, ni l’ambition d’influencer l’architecture. Son seul rôle est d’offrir une vitrine à la production actuelle, de montrer au monde la variété et la puissance de l’architecture contemporaine. Il a une réelle valeur D'AUTEURen tant qu’évènement. Marta Thorne, consultante du jury du prix, disait dans une interview « Je doute que le prix Pritzker ait influencé l’architecture en termes de style ou de forme. Cependant, le prix a indirectement influencé l’évolution de l’architecture en attirant l’attention sur les architectes et les constructions et en augmentant la connaissance publique deD'ARCHITECTURE la bonneDROIT architecture. »2 Le Pritzker s’est fait le représentant de la « qualité architecturale », s’est donné pour mission de faire connaitre les archi- tectes à un large public. AU

En 1979 avec l’hôtel Hyatt Regency Atlanta, Jay Pritzker était le premier homme d’affaires à comprendre la valeur marchande de l’architecture. Quelques dizaines d’années plus tard, l’archi- tecture est un domaine capté et diffuséSOUMIS par les médias, elle est plus que jamais « bancable ». Le prix est né dans SUPERIEUREun contexte décisif. Le développement de la mondialisation et l’éclosion d’une pensée postmoderne tournée vers la culture « pop » ont porté l’ambition du Pritzker de rendre l’architecture populaire. Comme d’autres institutions au même moment, le prix a permis la médiatisation de l’architecture. Pour ce faire, il lui fallait insister sur une grande diversité de styles. Le jury a donc choisi des lauréats d’origines et de tendances différentes. En effet, c’est le propre de DOCUMENTla culture mainstream de vouloir séduire tout le monde3. Le prix Pritzker, modèle deNATIONALE la diversité culturelle chère aux États-Unis, est « constitué par des acteurs autonomes qui, poursuivant des objectifs privés et concurrents, finissent néanmoins par donner à l’ensemble du système sa cohérence. »4C’est la diversité standardisée. L’architecture promue par l’intermédiaire du star-system est porteuse d’une richesse esthétique, mais l’idéologie et la politique en sont des ECOLEaspects oubliés. Un second aspect de la médiatisation de l’architecture est son individualisation.

1. cf. annexe Un entretien avec François Chaslin 2. Marta Thorne interview, Conditions, 23 aout 2010 3. Frédéric Martel, Mainstream : enquête sur la guerre globale de la culture et des médias, Flammarion, p.19 4. ibid. p.534 108 Partie 3 : l’Architecture au risque du star-system

Afin d’être mieux appréhendés par les médias, les architectes choisis sont des personnages forts et indépendants, dont l’image est parfaitement maitrisée. Le prix Pritzker serait alors impliqué dans la mise en avant d’une architecture esthétiquement forte, mais faible dans son usage et ses valeurs politiques ou idéologiques.

Quelle évolution va connaitre un tel système ? Le prix Pritzker est-il capable de mettre en avant des questions sociologiques ou de s’intéresser à des pratiques locales ? En tant que repré- sentant du mainstream, le prix absorbe et diffuse toutes les cultures, même les plus indépen- dantes. La représentation d’un « régionalisme critique » en 2009 et 2012 en est la preuve. Les pratiques régionales de Peter Zumthor ou Wang Shu, inspirées d’architectures traditionnellesNANTES propres à leur pays, semblaient bien différentes de l’architecture taillée pour la célébritéDE de Frank Gehry ou Jean Nouvel. Pourtant nous l’avons vu, ces lauréats comme les autres participent aux mécanismes du star-system. Peter Zumthor ou Wang Shu ne perturbent pas l’histoire du prix, ils vont dans le sens de son ambition de diversité. L’avenir de l’architecture tel qu’on l’envisage aujourd’hui est marqué par les enjeux écolo- giques et démographiques. Quelle sera la réponse du star-system au réchauffement climatique ou à la surpopulation ? Les problématiques auxquelles le monde de l’architectureD'AUTEUR se voit dorénavant confronté sont d’un ordre nouveau, profondément politique. Face à des sujets qui divisent, quelle sera la réponse d’un prix qui entend séduire le monde entier ? Après avoir fêté l’architecte esthète, le Pritzker saura-t-il mettre en avant l’architecte respon- sable ? D'ARCHITECTUREDROIT AU

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ECOLE Annexe Un entretien avec François Chaslin

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ECOLE 112 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

Le 11 juillet 2012 à 10h, le critique d’architecture François Chaslin m’accueillit chez lui pour un entretien autour d’un café. Ce fut pour moi l’occasion de recueil- lir un témoignage primordial sur la naissance du star-system. Depuis 1973, et sur toute la période qui m’intéresse, François Chaslin a été au coeur du domaine de l’architecture en France. En tant que critique, rédacteur en chef de revue, directeur du département diffusion de l’Institut Français d’Architecture, ensei- gnant, architecte, membre de jurys de concours et de prix, auteur et spectateur attentif des dernières décennies : il a connu de près les institutions qui m’intéresse. Et il m’en donna un aperçu d’une grande valeur. NANTES DE

RR : François Chaslin, vous êtes aujourd’hui un critique d’architecture reconnu, depuis plus de 30 ans, vous travaillez dans le milieu de l’architecture et sa diffusion, et c’est ce qui m’intéresse.

FC : C’est plutôt 40 ans que 30, j’ai commencé en 73. D'AUTEUR RR : Est-ce que vous pouvez me raconter votre parcours ?

FC : Oh, mon parcours est un parcours assez classique de ma génération, la génération qui a 20 ans en 1968. C’est à peu près à ce moment-là queD'ARCHITECTURE j’ai commencéDROIT l’architecture, après des études assez diverses de sciences humaines, sociologie, géographie, maths sup. J’ai fait des choses diverses, avec, comme beaucoup de gens d’un milieu queAU j’appellerai « gauchiste », un refus abso- lu de construire, d’avoir une activité impliquant des dimensions financières. Donc , une carrière, une vie qui va un peu cahin-caha, faite de brics et de brocs, qui pour moi consiste alors à travailler pour un architecte qui est un peu oublié aujourd’hui, mais est très talentueux qui s’appelle André Bruyère. C’était un architecte très sensualiste,SOUMIS qui a fait de très belles choses, on pourrait le com- parer à une sorte de NiemeyerSUPERIEURE français. Il aurait d’ailleurs eu 100 ans cette année, mais il est mort il y a quelques années. Je travaillais tout en faisant beaucoup d’études, dont des études d’archi- tecture, très longues puisque je les ai faites en 13 ans et que je les ai terminées alors que j’étais déjà directeur du département diffusion de l’IFA. J’étais donc déjà très engagé dans le monde professionnel lorsque je les ai finies. Maintenant, on ne pourrait plus, on n’a plus le droit. Voilà un parcours comme ça,DOCUMENT avec des amis qui sont plutôt des écrivains en général. Un parcours qui m’a, à un moment,NATIONALE emmené vers les revues d’architecture, où j’ai commencé très modestement, dans une revue assez médiocre, qui s’appelle Techniques et Architectures. Et puis, par diverses occa- sions, j’ai contribué à créer puis j’ai dirigé une revue qui s’appelle Macadam, une sorte de « zine », ECOLEun journal bénévole, où le métier d’écriture m’a plu, et où j’ai commencé à me faire connaitre. Après j’ai travaillé dans pas mal de journaux, Libération, Le Monde, El Pais en Espagne, pas mal d’hebdos, et puis des revues d’architecture. Je suis devenu, à un moment, semi-fonctionnaire, à la direction de l’architecture, où j’ai dirigé Les Cahiers de la Recherche Architecturale, pendant quelques numéros. Puis je suis entré à l’IFA, où j’ai dirigé le département diffusion, c’était tout ce qui était expositions, édition, etc. Et puis, des activités diverses, avec un axe qui était la critique Annexe : Un entretien avec François Chaslin 113

architecturale. J’étais donc critique dans toutes sortes de situations. J’ai dirigé L’Architecture d’Aujourd’hui pendant 7 ans. Je faisais des septennats à l’époque, comme les présidents, j’étais entré à l’IFA en 80 donc L’Architecture d’Aujourd’hui c’était en 87. Je l’ai quitté en 93, parce que le groupe avait été vendu, cela me permettait de partir dans des conditions agréables. Ça n’est pas la revue qui avait été vendue, c’est le groupe Expansion. Quelque temps après je suis devenu professeur, pendant 15 ans, j’ai arrêté l’an dernier. J’étais à , puis à Paris-Malaquais. Et puis, un peu par hasard on m’a proposé de créer une émission à France Culture, ce que j’ai accepté à l’automne 1999. Je l’ai fait 13 ans, et là j’arrête. Vous remarquerez que je n’ai pas fait 2 septennats cette fois. On s’use ! NANTES RR : Vous avez travaillé pour une presse « grand public » en même temps queDE pour la presse spécialisée ?

FC : Oui. Ou la presse intellectuelle , Les temps Modernes , des revues de divers registres littéraires.

RR : Vous écrivez encore actuellement pour la presse? D'AUTEUR

FC : J’avais un peu arrêté parce que mon émission prend beaucoup de temps à écrire. Mais j’ai continué à écrire dans des revues étrangères pour continuer à y être connu. J’ai pas mal travaillé pour des revues espagnoles. Je vais surement reprendreD'ARCHITECTUREDROIT un peu plus l’écriture dans l’avenir.

RR : Un autre livre ? AU

FC : Eh bien, j’ai déjà publié l’année dernière Périphériques, qui est un petit carnet commen- taire du boulevard périphérique, plutôt poétique. Et puis j’ai fait avec ma femme qui est morte il y a 3 ans (Annie François, éditrice SOUMISdu Seuil) un livre à deux, qui est sur sa mort. Ça s’appelle Mine de Rien. SUPERIEURE

RR : Vous avez pu au cours de votre carrière, rencontrer des architectes célèbres, étrangers ou français, certains lauréats du prix Pritzker.

FC : Je penseDOCUMENT que je les ai tous rencontrés les Pritzker. NATIONALE RR : À quelle occasion avez-vous pu les rencontrer ?

FC : Vous savez, lorsqu’on est critique, on a énormément d’occasions de circuler, dans des ECOLEvoyages, dans des colloques. Par exemple, je voyageais beaucoup autrefois avec la fondation Aga Khan, qui me permettait de rencontrer pas mal d’architectes un peu en marge de l’occident. Donc les Pritzker, mais aussi des architectes de Ceylan, d’Amérique latine, des choses comme ça. J’ai été dans beaucoup de biennales. Parfois même j’ai été directeur de biennales, en Turquie, au Japon. On rencontre aussi beaucoup de gens à ces occasions. Par exemple la semaine dernière 114 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

j’étais à Pampelune et il y avait 4 Pritzker, enfin à vrai dire, un s’est cassé le bras, c’était Siza, qui n’était pas là. Il y avait Moneo, il y avait Souto de Moura, et Foster. Voilà, je rencontre ces gens assez fréquemment.

RR : Et pour ce qui est des interviews ?

FC : Ah ! les interviews des Pritzker c’est assez difficile à faire parce qu’ils sont extrêmement occupés. Dès lors qu’ils sont Pritzker et même parfois avant, ils sont très difficiles à avoir. Donc si je chope une interview, c’est à une autre occasion. Lorsque j’ai fait Foster il y a quelques années c’était parce que nous commémorions le 25e anniversaire du Carré d’Art de Nîmes. Là, je l’avaisNANTES pris une demi-heure ou une heure pour faire une petite interview. Parfois, c’est lorsqu’ilDE y a une exposition rétrospective : pour Rogers, pour Piano.

RR : Vous ne faites jamais d’interview juste après la réception du prix, pour marquer l’événe- ment ?

FC : Si, j’aurais pu, mais le Pritzker ne m’intéresse pas plus que ça. Je D'AUTEURn’attache pas de valeur particulière au Pritzker, à la différence de vous... Bon, parfois c’est une occasion radiophonique de faire quelque chose, c’est vrai. Pour Wang Shu, je n’ai pas pu le faire parce qu’il était en Chine, donc j’ai pris un morceau de conférence qui avait été faite, et j’ai fait un débat sur Wang Shu avec des gens. Ça n’est qu’aujourd’hui que je vais le voir. Je neD'ARCHITECTURE suis pasDROIT toujours avec un magnétophone dans ma poche ! D’autant plus que je n’ai pas le droit de faire du son pour la radio, il me faut un technicien. C’est assez compliqué à organiser. Les Pritzker,AU c’est compliqué !

RR : Et lorsque vous avez pu les rencontrer, est-ce que le fait que ceux-là soient plus populaires que les autres change quelque chose ? SOUMIS FC : Il y en a certains queSUPERIEURE je connais depuis très longtemps. Ando, par exemple, j’étais le premier à faire une exposition et un livre sur lui, au monde. Donc je l’ai connu, presque enfant. J’étais très jeune, j’avais 34 ans. On est très amis. Foster, j’ai fait, peut-être, il faudrait que je véri- fie, le premier vrai livre sur lui, en 1985 ou 1986. Donc c’est des gens que j’ai connus jeunes, avec lesquels j’ai des relations souvent anciennes pour les plus vieux d’entre eux. Les plus récents c’est différent, ils ne me DOCUMENTconnaissent pas ou quasiment pas. NATIONALE RR : Lesquels parmi eux sont les plus difficiles à atteindre ?

FC : Le pire c’est Zumthor. Moi je l’ai eu par chance, il y a très peu de gens qui peuvent inter- ECOLEviewer Zumthor, il affecte, il affiche un dédain complet pour les médias. Bien sûr, c’est une image qu’il se donne. Mais il a toujours été comme ça. J’étais dans un jury qui lui a donné, il y a une quinzaine d’années, un prix. Le prix Carlsberg, qui n’existe plus, qui était trois fois doté comme le Pritzker. Zumthor était déjà extrêmement bourru, peu aimable. Il recevait donc, trois fois le Pritzker, il était absolument comme un coq en pâte, mais à part ça... Il affiche un certain dédain, Annexe : Un entretien avec François Chaslin 115

il est un peu goujat. À part ça quand on réussit à parler avec lui, ça peut être d’un grand intérêt.

RR : Zumthor et les autres Pritzker font partie de ce que l’on appelle « star-system ». En tant que critique d’architecture, que pouvez-vous en dire ?

FC : D’abord, le star-system n’est pas une invention contemporaine, il y a toujours eu des grandes vedettes. Il ya toujours eu des architectes enclins à développer un type de comportement qu’on pourrait appeler « de vedettariat ». Et cela, si vous regardez par exemple les Mémoires du Voyage en France du Cavalier Bernin, de Chantelou, qui l’a accompagné lorsqu’il est venu quelques mois en France à la demande de Louis XIV, vous verrez une vraie cocotte. SiNANTES vous regar- dez les jugements très péjoratifs qu’un certain nombre de gens, dans la mouvanceDE de Gropius, ont émis à l’encontre de Le Corbusier, dés les premiers CIAM dans les années 20, vous verrez que Le Corbusier était détesté par un certain nombre d’autres architectes européens. Parce que Le Corbusier avait un certain nombre de traits de caractère, de traits physiologiques, de traits physiques même puisqu’il était extraordinairement habillé, qui le faisaient peut-être jalouser par certains, mais surtout détester par d’autres. Donc, le vedettariat est une chose de tout temps. Ce qui est maintenant différent, c’est que le vedettariat s’est mondialisé.D'AUTEUR Il l’a toujours été, mais là il s’est mondialisé à une échelle bien plus rapide. Et ce vedettariat a eu un certain nombre d’effets sur la réalité architecturale, parce qu’un certain nombre de gens se sont vu propulser dans une réalité économique qui était inaccoutumée. Foster dit qu’il a 500 salariés aujourd’hui, il en a eu peut-être 1500 il y a 7 ou 8 ans. Piano c’est le plusD'ARCHITECTURE grandDROIT chiffre d’affaires en France, Nouvel c’est le deuxième, de Portzamparc doit être plus ou moins le troisième. Donc, ces gens, qui sont des gens incontestablement de talent, qui ont une doctrine,AU une vision des choses, se trouvent pro- pulsés à une énorme échelle des valeurs financières, pas seulement dans leur propre pays, mais dans le monde entier. Ils sont sollicités à un point extraordinaire. Les concours d’architecture, quels qu’ils soient maintenant, et surtout dans les pays qui n’ont pas de tradition architectu- rale, les Émirats, la Chine, qui a peuSOUMIS d’architecture contemporaine, encore que ça commence à apparaitre, mais aussi bienSUPERIEURE à Orléans ou à Nantes, les gens qui organisent des concours veulent toujours des Pritzker. C’est une véritable maniaquerie ! Alors qu’ils ne se rendent pas compte que c’est une fausse valeur, puisque le Pritzker, maintenant, est un type qui tente de gérer une agence trop grande pour lui. C’est un effet de notoriété, parce que l’architecture est devenue un outil de marketing, pour les villes, les régions, les nations. Dans ce monde du marketing, il est indispen- sable d’afficherDOCUMENT des grands noms, puisque c’est la seule chose qu’un journal, par exemple, puisse répercuter.NATIONALE Donc, même si la signature de Zaha Hadid à Marseille ne vaut rien, elle aurait pu être faite par n’importe quel marseillais, même en mieux, le fait que ce soit elle résonne, pendant des années, dans la presse, dans les mentalités, etc.

ECOLE RR : Qu’est-ce qui a changé pour nous mener à ça ?

FC : Ce qui a changé c’est la mondialisation, le marketing, qui n’existait pas. Autrefois, si les gens qui ont été voir Le Corbusier pour Chandigarh ont été le voir c’est parce que c’était un homme d’une notoriété immense, mais aussi parce qu’ils pensaient que cette notoriété et ce qu’il 116 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

portait de valeurs architecturales pouvaient faire du bien à cette jeune nation. Ce qui est mainte- nant différent c’est la dimension que ça a prise, pour tous ces Pritzker, ou tous ces architectes du star-system, parce qu’on peut aussi bien prendre Libeskind, qui est à peu près au même niveau de notoriété et de sollicitation, et de caprices dans son architecture, et de coût faramineux. Donc, le problème, c’est que le marketing est une discipline récente, qui a 20 ou 30 ans, s’applique à des quantités de domaines de la vie sociale et politique, et l’architecture est un élément très actif et très important dans ce jeu.

RR : Et comment les « personnages » des architectes ont, eux, évolué ? NANTES FC : Ils ont évolué de différentes façons. D’abord, ils sont forcés de se déguiser. DEVous savez que les architectes se sont toujours déguisés. Par exemple, Le Corbusier, c’était évident, il des- sinait ses lunettes, son noeud papillon, etc. Auguste Perret, qui n’est pas un rigolo, s’est complè- tement dessiné, que ce soit sa barbe, que ce soit la sous-face de son canotier de paille qu’il avait peinte en blanc, etc. Il y a toujours eu une construction de soi même chez les architectes. Mais maintenant, c’est une chose tout à fait importante. C’est à dire, que les vêtements de Zaha Hadid comptent énormément, que les santiags de Libeskind comptent énormément,D'AUTEUR que les lunettes particulières d’Eisenman comptent particulièrement, ou la barbe de sage de Renzo Piano tout autant. Renzo Piano c’est une espèce d’abbé Pierre, dans l’image qu’il veut donner. Ce qui est manifeste, c’est qu’ils y sont forcés dans un monde de marketing. Une chose qu’il faut savoir, c’est que le monde du marketing, ce n’est pas un mondeD'ARCHITECTURE du « ceciDROIT contre cela », ou du « moderne contre postmoderne », du « social contre l’élitiste », c’est un monde dans lequel tout se vaut et dans lequel les gens choisissent des figures d’artistes lesAU plus singulières possible. Si vous prenez Ando, Ando ça a pu signifier quelques choses il y a 30 ans, aujourd’hui c’est l’architecte le plus prisé dans les milieux de la mode, dans les milieux de l’industrie, par les Pinault, les gens comme ça, ce n’est plus qu’une signature, une griffe. Donc, il y a un certain nombre de griffes. Mais pas plein ! Parce qu’on ne peut pas connaitreSOUMIS 400 griffes ! Des architectures extraordinairement « typées », il y en a peut-être 20.SUPERIEURE Et ces griffes sont très difficiles à définir, donc ça implique que l’architecte, outre ce qu’il croit, ce qu’il pense ou ce qu’il porte en lui comme valeurs, est contraint lui aussi de développer une identité très forte. C’est aussi pour ça qu’il se déguise. Jean Nouvel est déguisé, avec son chapeau noir, ses habits déstructurés Yamamoto, c’est un personnage qui s’est construit et dessiné d’une certaine façon. Il a géré son type extraordinaire de beauté, ou de laideur comme on voudra,DOCUMENT mais je trouve que c’est une tête assez exceptionnelle. C’est un person- nage qui s’estNATIONALE construit, beaucoup plus qu’un Vasconi, ou qu’un Jean-Marie Duthilleul, ou qu’un Viguier. Il leur suffisait, eux, d’avoir une écharpe rouge ou jaune autour du cou pour signifier « architecte ». Ils portaient cet élément significatif là. Les autres aujourd’hui, vont beaucoup plus loin dans la construction physique et vestimentaire de leur personnage. ECOLE RR : Et dans leur architecture également.

FC : Et dans leur architecture. Annexe : Un entretien avec François Chaslin 117

RR : Vous parliez de Jean Nouvel. Lui et de Portzamparc sont deux architectes de votre géné- ration. Quelles sont vos relations avec eux ?

FC : Je n’ai de relations avec aucun architecte. Mais je veux quand même dire que j’ai déjeuné avec de Portzamparc il y a trois semaines ! (rires) après une interview que j’ai faite de lui, mais ça n’était pas arrivé depuis longtemps. J’ai pour principe de ne pas avoir de relations avec ces gens.

RR : Je parlais de relation, au sens où vous les côtoyez forcément beaucoup plus que les archi- tectes étrangers. NANTES FC : Outre qu’on est fâchés, je n’ai pas vu Jean Nouvel depuis plusieurs DEannées : on s’est vaguement embrassé, pour la sortie d’un film sur Claude Parent, il y a un mois. Et puis je l’ai revu la semaine dernière, puisqu’il y a eu une présentation au Pavillon de l’Arsenal de son projet de gratte-ciel pour Paris. Mais comme j’avais fait une petite chronique pas très sympathique, c’était un peu froid. Je ne les fréquente pas trop. En plus, je n’aime pas beaucoup leur travail. De Portzamparc je n’aime pas son travail, il le sait. Je l’aime beaucoup, c’est un type délicieux, et tout ça. Mais je n’aime pas son travail, pour des raisons assez compliquéesD'AUTEUR à expliquer, mais qui tiennent à son manque d’architectonique, je trouve qu’il maitrise mal la dimension constructive des choses. Je n’aime pas son travail, et ça me gêne beaucoup. Nouvel également, je critique beaucoup son travail depuis quelques années, donc ça me gêne parce que ces gens je les aime assez, je les ai vus évoluer, j’ai voyagé avec eux, D'ARCHITECTUREon a souventDROIT diné ensemble autrefois à l’étranger, en colloque. Il y a donc cette difficulté de relation légitime entre les architectes et les critiques, en tout cas comme j’entends moi la critique. C’estAU que j’ai besoin d’avoir une certaine distance, ce sont des objets d’étude, des objets critiques, éventuellement des objets de reproche. C’est abso- lument impossible si les gens pensent que vous êtes leur ami. La première fois que j’ai dit un truc qui a déplu à de Portzamparc, il m’a téléphoné ici à minuit, j’étais un « fasciste épouvantable », je me souviens du mot, il était totalementSOUMIS effondré parce que j’avais critiqué son projet. C’était un concours qui opposaitSUPERIEURE de Portzamparc, Nouvel et Starck pour la transformation du pavillon français de la Biennale de Venise. Il était bouleversé, parce qu’il pensait que c’était comme une trahison, comme un amant qui vous trahit ! De fait, ils ont du mal à admettre ça les architectes. À la longue ils admettent. Au bout de 40 ans, ils se rendent compte qu’ils ont face à eux quelqu’un qui n’est pas principalement hostile. DOCUMENT NATIONALERR : Donc en tant que critique vous avez, presque du pouvoir, du moins une certaine influence.

FC : Je n’aime pas le mot de pouvoir, car je ne fais pas de critique pour constituer un pouvoir. Mais bien sûr que la critique a une influence. ECOLE RR : Est-ce que vous pensez que vous avez aussi une influence sur leur production ?

FC : Je ne pense pas qu’ils tiennent compte des critiques. Mais pour un architecte de moindre notoriété, peut-être que si je commente attentivement un bâtiment après il va y réfléchir. Un 118 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

type comme Jean Nouvel, sur lequel paraissent des milliers de choses, je ne suis pas sûr qu’il ait l’esprit à réfléchir à ça.

RR : Vous avez écrit pour différentes revues. Vous avez principalement été rédacteur en chef de L’Architecture d’Aujourd’hui .

FC : Avant j’ai été rédacteur en chef adjoint de Techniques et Architecture, j’ai été rédacteur en chef de Macadam, et des Cahiers de la Recherche Architecturale.

RR : Vous êtes donc depuis longtemps dans le milieu de la publication architecturale, quelleNANTES évolution ce milieu a-t-il connue ? DE

FC : Il y a eu beaucoup d’évolutions ! D’abord, j’ai eu la chance d’assister à un moment qui m’a paru extrêmement faste, c’est le moment où s’est développée une pensée critique. Je ne veux pas dire que dans les années 50 il n’y avait pas de critique, hein, il y en avait ! Mais est arrivé un moment ou s’est développée de manière très frontale et très évidente une pensée critique, pour deux raisons. D’une part le grand schisme du postmodernisme, avec en D'AUTEURBelgique un émetteur comme Culot, en France un émetteur comme Bernard Huet, qui était rédacteur en chef de L’Architecture d’Aujourd’hui, et qui a dirigé les Archives d’Architecture Moderne à Bruxelles, qui ont donné un autre ton et surtout un tout autre point de vue que celui des architectes à ce moment-là. En même temps est arrivé tout un mondeD'ARCHITECTURE de pensée,DROIT d’intellectualité, renvoyant à l’ethnologie, à l’histoire, à la psychanalyse, à la sociologie... Tout ça s’est fait à la fin des années 60. J’ai commencé mes études en 1968, dans ce monde assezAU nouveau pour l’architecture. Assez nou- veau, assez bouillonnant, avec aussi le pédantisme qui va avec ces choses là. J’ai vu arriver tout ça, et l’architecture qui était extrêmement peu appréciée autrefois a changé de place. À la fin des 30 glorieuses, l’architecture était complètement identifiée aux grands ensembles, à la destruction de Paris, aux échecs relatifs des villes nouvelles,SOUMIS etc. La reconstruction d’un désir d’architecture dans la presse et notamment dans SUPERIEUREles journaux où je travaillais, Libération, Le Nouvel Observateur ou Le Monde, était une chose qui était très frappante. On pouvait alors faire des papiers parfois très longs sur la question architecturale. Donc c’était ce qui était très intéressant, la constitution d’un milieu de critique. Pas seulement en France, c’était une chose un peu universelle. Puis, il y a quelque chose de nouveau aussi, à laquelle nous assistons, actuellement, c’est l’effacement de tout ça. Tout ça s’efface,DOCUMENT pour diverses raisons. D’une part parce que quelque chose est en train de disparaitreNATIONALE c’est le papier. Les articles que vous voyez dans le Monde sont très courts, par rapport à ce qu’on faisait il y a 20 ans. Pour un bâtiment, vous avez un bon feuillet, vous pouviez en avoir 4 autrefois. Les lecteurs ne s’en rendent pas compte, mais ça a considérablement diminué. Ce qui a changé, c’est la capacité des gens à lire des papiers longs et la capacité des journaux à en publier. ECOLEIl y a aussi l’effacement du monde des revues. Quand je dirigeais L’Architecture d’Aujourd’hui, la diffusion était de 27 000 exemplaires. Aujourd’hui, ils sont à 2000 ou 3000. C’est donc un effon- drement total. La principale raison à tout cela c’est la création d’internet. Alors on pourrait penser qu’internet serait un lieu de critique architecturale, mais je ne l’ai pas encore beaucoup vu. Sinon les grognements d’Archicool, remarquez il fait de la critique architecturale à sa façon. À part ça, je Annexe : Un entretien avec François Chaslin 119

vois assez peu de critiques sur internet, je ne vois pas de blog. Il y a des blogs en philosophie, en littérature, il pourrait y en avoir en architecture. Tiens je ferai peut être un blog dans les années qui viennent. Tout ça est donc en train de se tasser. C’est dû au statut du numérique par rapport au papier. Il parait que la baisse des ventes de livres d’architecture a été considérable en 2011, et ce n’est pas seulement un des effets de la crise. Les achats par les architectes ont baissé, et une des raisons c’est que le fisc ne rembourserait plus les achats de livres, parce qu’ils considèrent que les architectes n’en ont plus besoin, puisqu’ils ont toute l’information gratuitement sur internet. Donc vous voyer, les marxistes aurait dit, ce sont des transformations infrastructurelles. C’est la machine à produire de la réflexion, de l’information qui est en train de changer. C’est une des dimensions. L’autre est plutôt superstructurelle, c’est le fait que dans un monde du NANTESvedettariat, le débat de doctrine a moins de place. Les architectes entendent que les revuesDE soient juste un relai de leur notoriété.

RR : Et il n’y a plus de débat parce qu’il n’y a plus de doctrine ?

FC : Bien sûr il y a moins de doctrine. Mais il y a des bâtiments tout de même, et on peut les analyser, voir comment ils fonctionnent, s’ils tiennent leurs promesses,D'AUTEUR s’ils sont cohérents ou si c’est de la soupe au marketing. On peut faire ce que fait L’Architecture d’Aujourd’hui de temps en temps, on peut décrire le chantier, il y a plein de choses qui peuvent être faites, qui ne relèvent pas de la simple image. On peut analyser très en détail, et ce serait très intéressant, un quartier comme le quartier Confluence à Lyon. Ce que personneD'ARCHITECTUREDROIT ne fait sauf peut être la revue Criticat. Il y a de la place pour ça ! Autre chose, il y a un effondrement à la fois de l’autorité et de la présence des critiques comme individus. Et en même tempsAU ils sont toujours maintenant sollicités pour faire toutes ces saloperies de livres d’auteur, dont il parait plusieurs par semaines, vous ne vous en rendez pas compte. Chez les éditeurs spécialisés comme Anteprima ou Archibooks ou je ne sais quoi, paraissent des livres constamment. Et là, les journalistes actuels font des papiers, à la solde des architectes qui les paient. SOUMIS SUPERIEURE RR : Et il y a un public pour ce genre de livres ?

FC : Non, ce sont les architectes qui les paient, ça leur sert de cartes de visite, ça leur sert dans leurs dossiers. Ça se vend un petit peu, mais ça n’est pas principalement fait pour ça. Ça, c’est donc uneDOCUMENT chose. Autre chose aussi pour ne pas paraitre trop négatif, il y a un autre pôle de la penséeNATIONALE qui est apparu et qui s’est développé, c’est tout le pôle universitaire. Ce sont les commen- tateurs d’architecture qui sont professeurs, docteurs, dans telle ou telle discipline. Ça, c’est un monde qui n’existait quasiment pas quand j’étais jeune. On les comptait sur les doigts de la main. Il y avait un seul prof d’histoire pour toute la France en architecture. Et encore, ça devait être un ECOLEvieux bonhomme de 85 ans. Maintenant, des profs d’histoire vous en avez je ne sais pas 300 ! En sociologie vous en avez un nombre incroyable. Certains ont du talent, pas tous, mais certains ont une capacité à écrire, à se mobiliser, à faire des choses. Mais c’est alors sur un mode différent, un mode plus lent qui est celui de la recherche. Un peu plus gris aussi, mais respectable. Ne gommez pas « mais respectable » de mes propos ! « Mais respectable à certains égards, point ». (rires) 120 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

RR : Très bien ! Pour revenir aux revues, quel rôle jouent les publications actuelles dans l’archi- tecture ?

FC : Elles sont très différentes les unes des autres ! Qu’est ce qu’il y a comme revues actuelles en France ? Il y a AMC le Moniteur, dont on a parfois le sentiment qu’elle est un peu en perte de présence. C’est une revue de bonne facture, classique, bien tenue du point de vue de sa maquette, avec une espèce de règle « no polemic », avec certains choix dans les projets qu’ils choisissent de publier : une architecture principalement française, éventuellement européenne, mais pas trop. Tout ça sans commentaires trop novateurs, ni trop critiques. C’est ce rôle-làNANTES qui est un peu difficile à tenir maintenant, parce que ses ventes baissent beaucoup. VousDE avez une revue dont les ventes ne baissent pas, mais elles ne sont pas très hautes, c’est d’A, qui est un peu différente puisqu’elle ambitionne d’être un magazine, plutôt. Une revue plus liée à l’actualité. Avec plusieurs choses, parfois des articles signés, par Françoise Fromonot, par Scoffier, des per- sonnalités qui sont des critiques. Avec parfois de grands dossiers thématiques sur je ne sais quel sujet, qui est souvent confié à un chercheur. Des choses intéressantes pour les professionnels. Et puis vous avez L’Architecture d’Aujourd’hui, qui après avoir voulu faire unD'AUTEUR coup un peu sonore lorsque ça a été repris par Nouvel, ou disons sous son égide, et après avoir échoué totalement en termes de ventes, a depuis un an choisi de faire une revue un peu plus classique, dans la tradition de la revue. Une tâche un peu difficile et dans laquelle j’espère qu’ils vont survivre, mais on verra en décembre. D'ARCHITECTUREDROIT

RR : Et Jean Nouvel n’a plus rien à voir là-dedans ? AU

FC : Oh, Nouvel n’a jamais eu beaucoup à voir. C’est-à-dire que c’est Nouvel qui a donné son nom, avec Stark et quelques autres. Il l’a fait acheté par deux amis à lui : un ami d’enfance, qui s’appelle François Fontès, qui est unSOUMIS gros architecte promoteur de Montpellier, très riche, très très riche, et d’autre part,SUPERIEURE un homme d’affaires qui s’appelle Alexandre Allard, avec lequel il devait faire l’Hôtel de la Marine, Allard c’est un homme qui a acheté beaucoup d’hôtels, qui travaille beaucoup avec le Qatar. Voilà ces deux personnes ont racheté ça, mais ils ne voulaient pas y perdre trop d’argent. Nouvel avait aussi associé à ça son père adoptif, Claude Parent, et Patrice Goulet qui est rédacteur des articles et des livres autour de Nouvel, critique donc, mais proche de Nouvel. Ils avaient euDOCUMENT l’idée d’un certain format de revue, qui était assez frappant, et d’une revue qui seraitNATIONALE confiée à un rédacteur en chef invité, différent à chaque numéro, tous les deux mois. Mais ça a rapidement été complètement raté, les numéros n’étaient pas très bons. Le problème c’est que sur le nom de Nouvel et sur l’idée de redémarrage de la revue, beaucoup de gens se sont abonnés, quelques milliers. Et puis au bout d’un an, personne ne s’est réabonné, parce que ça ECOLEne plaisait pas. Et ça, les gens de la revue ne s’en étaient pas rendu compte puisqu’on ne sollicite d’abonnements que quand les abonnements sont écoulés. Au bout d’un an, donc ils se sont rendu compte de l’ampleur du discrédit. Donc ils ont fait machine arrière, ont embauché un nouveau gars qui s’appelle Vernholes, un garçon qui vient de l’édition et non pas de l’architecture, qui a travaillé à l’Équipe notamment et qui essaye de remonter ça en termes plus rationnels. Annexe : Un entretien avec François Chaslin 121

Il y a une autre revue, quand même, c’est pas tout à fait une revue, mais le bulletin d’informa- tion architecturale, de la cité de l’Architecture, Archiscopie. C’est plutôt un truc à destination du monde universitaire.

RR : Est-ce que vous pensez que ces publications sont encore un enjeu pour les architectes célèbres, d’une part, et pour les autres ?

FC : Les architectes très célèbres comme Koolhaas n’en ont rien à faire. Ils ont leurs propres trucs, ils font des livres extraordinaires, qu’ils mettent 4 ans à faire, qui pèsent 2 kilos 7, qui sont des événements gigantesques, ils n’ont pas besoin de ça. Pour les architectes moinsNANTES connus par contre c’est important. D’abord, c’est une sélection, ça veut dire que l’on a étéDE remarqués. Et quand ils concourent pour des concours, ou quand ils envoient leur press-book, on tient compte de tout type de publication.

RR : Est ce que vous pouvez me raconter des situations dans lesquelles vos critiques ont eu un impact que vous avez pu constater ? D'AUTEUR FC : Par exemple, j’avais été au jury d’un bâtiment de Piano le centre culturel Kanak de Nouméa. J’avais critiqué assez vivement le projet, même si nous l’avions choisi ce projet et j’étais partisan du choix. Mais je l’avais critiqué dans L’Architecture d’Aujourd’hui. Il m’a convoqué et on a passé pas mal de temps ensemble à réfléchirD'ARCHITECTURE auDROIT projet. Et à voir la façon dont il pouvait éventuellement tenir compte de mes arguments, qui lui paraissaient fondés. C’est donc le cas de relation avec un architecte dans laquelle la critiqueAU est entendue. Je me souviens aussi avec Ando, il avait fait une conférence que j’avais totalement détestée, que tout le monde avait détestée, au centre Pompidou, ça fait longtemps. Il m’avait demandé si ça avait eu du succès, je lui avais dit que pas du tout et je lui avais expliqué pourquoi. Et ensuite on a organisé une autre conférence, deux mois après, à la cité françaiseSOUMIS des Architectes, tout à fait sur un autre mode. Il y a aussi les cas douloureux,SUPERIEURE où j’ai attaqué des gens pour un comportement. Par exemple j’ai eu des difficultés assez fortes avec Taillibert, qui est maintenant un ami plutôt. Mais je l’avais violemment critiqué quand il attaquait les grands projets mitterrandiens, en expliquant qu’il ne fallait pas les donner aux étrangers, c’était en 1982 ou 1983. Et il avait plusieurs fois menacé de m’attaquer devant les tribunaux. J’ai été attaqué quelques fois quand même. Moins pour les articles parusDOCUMENT dans les revues d’architecture que pour les articles parus dans Le Monde. Parce que là,NATIONALE ça a un effet énorme.

RR : Parce qu’ils sont beaucoup plus lus ?

ECOLE FC : Ils sont beaucoup plus lus, oui. Par exemple j’avais dénoncé comme étant un plagiat, l’Opéra de Shanghai, d’un garçon qui est mort cette année qui s’appelait Charpentier. Il m’avait fait un procès, mais il était un peu forcé de le faire de toute façon puisque les Chinois ne l’auraient pas payé. Les Chinois étaient outrés que Le Monde dénonce ça, peut être même en une je ne sais plus. Parce qu’à l’époque les articles d’architecture faisaient souvent la une du journal « Soupçon 122 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

de plagiat sur l’Opéra de Shanghai ». Le procès était inévitable en quelques sortes. C’était une épreuve terrible, pour lui, pour moi parce qu’ils vous réclament 100 fois ou 1000 fois ce qui vous a été payé, ils vous réclament des sommes énormes, et si vous perdez c’est une sacrée affaire. Je n’avais pas perdu, mais vous pouvez perdre.

RR : Il y a quand même un véritable enjeu dans la critique.

FC : Il y a des tas de cas où une polémique sur quelque chose a des effets immédiats sur le projet. Il arrive aussi qu’un projet soit abandonné. Par exemple j’ai réussi à faire abandonner la transformation d’un immeuble parisien très particulier, à St-Germain des Prés, très ancien,NANTES qui a souvent été photographié, peint. Un immeuble des plus pittoresques, qu’un architecteDE voulait transformer à la façon de Boffil avec des arcades, etc. Et son projet a été abandonné.

RR : Pouvez-vous m’expliquer à quoi sert la promotion de l’architecture ?

FC : Je ne peux pas vous l’expliquer, mais je peux vous expliquer à quoi ça a servi autrefois. J’ai longtemps pensé que j’étais fonctionnaire, en quelque sorte, à la directionD'AUTEUR de l’architecture où nous avons développé des actions de promotion de l’architecture. En 1979-80. Nous faisions des réunions, entre le ministre et les patrons de presse. C’était d’Ornano le ministre de l’époque, nous faisions des déjeuners avec les patrons de Le Monde, Libération, pas mal de journaux, pour défendre l’architecture. Nous avons créé des actions, D'ARCHITECTUREpar exempleDROIT «les Milles jours pour l’archi- tecture». Enfin, toute la promotion de l’architecture était une chose très importante. Aujourd’hui, plein de gens le font, les CAUE le font, l’Ordre le fait, lesAU Ordres régionaux. Donc, longtemps, j’ai été un artisan, un défenseur de l’idée de promotion de l’architecture. Cette action collective a eu des effets positifs puisqu’on peut considérer que l’architecture est rentrée dans le champ culturel des Français pendant ces années 80. Maintenant, je ne me considère pas comme étant un « pro- moteur de l’architecture ». Enfin, je le suisSOUMIS puisqu’en parlant d’architecture à la radio, depuis 603 fois, je l’ai fait. Mais ce n’est plusSUPERIEURE comme un militant, maintenant, c’est plutôt par plaisir de faire partager une culture à des gens.

RR : Parce qu’il ne servirait plus à rien de « militer » pour l’architecture, aujourd’hui ?

FC : Si, et je suisDOCUMENT très content que des gens le fassent, à toutes les échelles, dans les départe- ments, lesNATIONALE villes, etc. Mais, c’est compliqué... C’est comme ça pour toute discipline, bien sûr la critique littéraire est utile pour la littérature, etc. Mais je trouve que l’urgence est moindre au- jourd’hui parce que l’architecture est assez reconnue, elle circule bien dans l’opinion, elle est bien à l’aise, elle est même un peu... Enfin je trouve que le travail critique, le travail réflexif m’intéresse ECOLEun peu plus. Mais enfin je fais tout de même la promotion de l’architecture. Mais je ne demande pas de médaille de promotion de l’architecture. Je l’ai déjà eu d’ailleurs il y a 20 ans ! (rires)

RR : Mais cette promotion, elle sert à faire connaître le domaine de l’architecture ou bien elle sert à trouver du travail aux architectes ? Annexe : Un entretien avec François Chaslin 123

FC : Trouver du boulot aux architectes ça n’est pas mon affaire ! Je veux dire, au pire c’est ça ! Mais au mieux, c’est qu’une culture soit partagée ! Vous savez, comme les actions pour la musique il y a 20 ou 30 ans ont fait que la musique s’est propagée de manière considérable ! Toutes les cultures demandent, pour être partagées par un public un peu plus large qu’elles ne le seraient, des efforts d’exposition, de conversation, de marketing. Sinon la culture se cantonne à des milieux assez réservés.

RR : Donc aujourd’hui, l’architecture est plus populaire qu’il y a 30 ans ? NANTES FC : Certainement oui. En tout cas dans les milieux bourgeois intellectuels ouDE bobo oui ! L’ar- chitecture y est populaire, et ce n’était pas le cas il y a 30 ans. Mais d’abord, elle est quand même plus aimable, elle est plus artistique, plus légère, plus superficielle aussi. Elle s’occupe moins de chemins de grues, de grands ensembles. Elle fait autre chose aujourd’hui. Elle est liée au paysage, elle améliore les villes de façon assez manifeste. On n’est pas dans l’époque où l’architecture avait pour mission de transformer radicalement, sur un mode technocratique, le paysage français. On est dans une situation un peu plus détendue, et dans laquelle l’architectureD'AUTEUR émiette, ça ou là, de petites interventions, plus gentilles que les grands ensembles de 4000 logements.

RR : Elle est moins politique ? D'ARCHITECTUREDROIT FC : Ah si elle est très politique, car elle sert beaucoup à la publicité des politiques des régions, etc. Mais l’architecture n’est plus un enjeu massifAU d’équipement, c’est plus des petites touches de plaisir, des interventions çà et là, à dose homéopathique.

RR : Est-ce que ce sont les architectes qui dans leur promotion ou dans leur façon de travailler, ont rendu cette architecture plus sympathique,SOUMIS et donc plus populaire ? SUPERIEURE FC : Oui, par exemple, même si je suis assez critique à l’égard de ce qu’ils font, la French Touch fait des architectures un peu bizarres, avec des volumétries plus afirmées, avec des couleurs, des choses comme ça.. C’est des messages un peu simplistes, mais des messages qui touchent aussi facilement l’opinion. L’opinion a l’impression d’une chose nouvelle, amusante, éventuellement un peu écologisanteDOCUMENT ou un peu écologisée au niveau esthétique. Ce sont des efforts des archi- tectes.NATIONALE C’est un peu une architecture de marketing, une architecture qui veut plaire à l’opinion. Et ça on ne peut pas lui reprocher.

RR : Et que pensez-vous de la façon dont les agences gèrent leur propre communication, et de ECOLEla façon dont ça a évolué, ça aussi ?

FC : Eh bien, les agences ont maintenant, vous le savez, presque toutes, des attachés de communication. Enfin, à partir d’un certain niveau d’agence. Parfois, elles ont des attachés, dans la maison, parfois elles ont en plus des partenariats avec de grosses boites de communication, 124 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

comme Anteprima, qui organisent les concours, qui poussent les équipes, etc. Les architectes ont ça pour plusieurs raisons. D’une part pour tenter de se faire connaître à l’extérieur, en envoyant des informations. D’ailleurs, certains vous envoient des informations constamment ! Beaucoup d’agences ont maintenant une newsletter. La première à l’avoir fait en France c’est Manuelle Gautrand dont le mari gère l’agence et sa communication. J’en reçois beaucoup maintenant des newsletters, c’est très répandu. Parce qu’il y a plusieurs problèmes. C’est que d’abord en France, il y a le principe des concours. Beaucoup d’architectes, parmi ceux qui sont intéressants, vivent des opérations qu’ils gagnent par concours. Pour se présenter à un concours, il faut offrir du maté- riau. Même si le jury qui va recevoir 144 dossiers, comme c’était le cas à Beauvais il y a 3 semaines pour le théâtre, ne va ouvrir aucun des dossiers, au moins les assistants techniques vont les ouvrirNANTES et on va projeter quelques images devant le jury. Tout ça, c’est un travail de promotion DEparticulier qui est un nouveau métier au sein des agences d’architecture. Il faut que des gens collectent les images collectent, les textes, fassent des plaquettes, pour constamment candidater. Même si la candidature a beaucoup de chances de ne pas être retenue tellement il y a une abondance de candidats depuis quelques années. Dans les agences, vous avez donc une personne , qui a fait des études d’attaché de presse ou de communication culturelle, qui fait ce travail de candidater et de communiquer avec l’extérieur, les clients, les maitres d’ouvrage, les banques,D'AUTEUR la presse. Dans les grosses agences, la communication est tellement maitrisée, que par exemple si vous voulez obtenir des images d’Herzog & de Meuron pour faire un article sur eux dans une revue turque, ça m’est arrivé, c’est un vrai casse-tête. Je voulais faire un papier sur le bâtiment à Madrid, la Caixa, comme Herzog & de Meuron ne connaissaientD'ARCHITECTURE pas DROITcette revue turque, c’était un véri- table souk pour obtenir une autorisation de l’attachée de presse. Il fallait répondre à des question- naires, « qu’allez-vous dire? » « combien de pages ? », etc.AU Mais c’est un cas particulier d’agence très organisée, suisse, très à cheval sur ses droits.

RR : Mais j’imagine que tous à cette échelle là doivent être très attentifs à ce qu’ils laissent filtrer de leur travail. SOUMIS SUPERIEURE FC : Bien sûr. D’abord, ils choisissent les photos, pour que les photos ne disent pas des choses qui leur déplairaient, ils proposent 4 ou 5 photos, prises sous les angles qui arrangent. Ce sont celles qu’ils ont choisies qui circulent ensuite. Et ils paient les photographes ! Pour chaque projet, les architectes paient des photographes pour réaliser des photos qui donnent une idée un peu idéalisée du bâtiment.DOCUMENT NATIONALE RR : Ils contrôlent leur image.

FC : Ils essaient que leur image ne dévie pas. Mais cela existait déjà. Si vous prenez un Ledoux ECOLEqui a passé une partie de sa vie et une partie de sa fortune a faire graver ses projets, vous ne pou- vez pas dire qu’il n’a pas passé toute sa vie à idéaliser ses projets, à les modifier un peu. Parce que la gravure n’est pas exactement le palais qu’il a construit. Et si vous regardez la sélection des photos par Le Corbusier, ou la façon dont les bâtiments étaient retouchés, à la gouache, c’est pareil ! Moi j’ai par exemple une collection de photographies, anciennes, des années 1920 ou Annexe : Un entretien avec François Chaslin 125

1930, je vois à quel point elles sont retouchées à la gouache ! Ce qui est normal aussi, puisqu’ils veulent sublimer le bâtiment. Donc ça a toujours existé ! Rien n’est très neuf donc, mais l’échelle est différente. Je ne pense pas qu’il y a 30 ans, il y ait eu un seul architecte qui avait un attaché de presse. Pouillon à un moment a eu des gens pour l’aider, pour les photos. Mais franchement, je ne pense pas. C’était souvent la femme de l’architecte qui faisait ce travail. Aalto écrivait à sa femme pour avoir des photos.

RR : Vous avez été professeur à Lille puis à Paris-Malaquais. Selon vous, est-ce que le star- system est présent dans les écoles ? NANTES FC : Pas tellement. Parce que les écoles sont tenues, d’une façon que moi jeDE reproche un peu, par un système de gestion des carrières et des embauches faites par des profs, une espèce de syn- dicat de profs, qui gère la plupart des écoles et qui le bloque, à son profit. Les profs ne sont pas des gens de grande notoriété, ce ne sont pas des vedettes. Ceux qui sont parfois tentés de faire éclater le système, ce sont les directeurs, pour faire venir par exemple une vedette pour 3 mois ou 15 jours ou autre. Mais en France c’est extrêmement difficile, c’est-à-dire qu’il y a une tension entre les profs à qui on ne peut pas reprocher de ménager leursD'AUTEUR intérêts, et l’antipathie qu’ils ont pour les vedettes. Ce qui fait que vous avez très peu d’architectes célèbres dans les écoles françaises. Ce qui n’est pas le cas à l’étranger. J’ai été dans des jurys à Yale, les profs c’étaient Gehry, Zaha Hadid, Krier ... Des architectes de premier plan mondial ! Quoi qu’on pense de leur architecture. Ce sont des gens qui viennent, quiD'ARCHITECTURE font deuxDROIT cours dans le courant du semestre, ou trois pas plus, mais qui laissent sur place des assistants, et le travail est fait dans leur doctrine. Mais c’est assez intéressant, et puis ils viennent aux jurys.AU C’est un mode de délégation de la notoriété qui est fécond. Enfin, je ne suis ni pour l’un ni pour l’autre des systèmes, mais ce système-là, d’écoles très chères avec des profs très célèbres est un système qui porte des fruits. C’est ce que fait un petit peu l’École Spéciale d’Architecture qui est une école semi-privée, dont la directrice est très ambitieuse, Odile Decq. MaisSOUMIS par exemple l’école de Malaquais où j’étais, où il y avait une directrice récente, ambitieuseSUPERIEURE aussi, qui s’appelle Nasrine Seraji, ça se passait toujours très mal. Elle avait organisé un colloque avec des Japonais il y a un mois, elle a fait venir un Pritzker, la fille de SANAA, il n’y a pas un seul prof qui soit venu ! Par antipathie ! Pas un seul sur une école où il y a 250 profs ! Ce n’est pas comme ça à Nantes ? Qui est le directeur ?

RR : C’estDOCUMENT Philippe Bataille. NATIONALE FC : Oui, Bataille est prof, il est issu de ce milieu. Il est donc plus intégré et ses ambitions sont celles de ses profs. Donc c’est différent.

ECOLE RR : Le star-system est donc plus présent dans les écoles étrangères qu’en France.

FC : Notamment dans certaines écoles, souvent privées. L’école de Mendrisio en Suisse, qu’avait créé Botta, avait pas mal de profs très connus. L’école de Yale, les écoles de Californie, UCLA, etc. L’Architectural Association School, à Londres. Ce sont des écoles qui fonctionnent 126 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

sur un plan mondialisé. Les élèves sont mondialisés, ils paient très cher, viennent des meilleures familles des Émirats, de Corée, du Japon. C’est une espèce d’élite sociale mondiale qui vient là bas. Cette élite est prête à dépenser beaucoup d’argent et a besoin d’avoir des références de premier plan. Quand Koolhaas a fait un livre avec des étudiants de Harvard, il n’y a pas passé beaucoup de temps ! Il y allait une fois tous les 15 jours passer 2 jours peut-être. Mais ce sont des étudiants de premier plan, qui paient très cher leurs profs, et qui investissent immensément de talent, d’argent, d’efforts, dans ce travail. C’est une vision de l’enseignement très loin de la vision un peu fonction publique, un peu démocratique, qui est celle de la France.

RR : Pensez-vous que les écoles de bonne réputation créent les architectes célèbres ? NANTES DE FC : Je crois que c’est une dialectique parce que les écoles de bonne réputation sont très couteuses, elles s’adressent à des élites. Et les élites, pour des raisons de tradition familiale, elles ont plus d’argent, elles peuvent voyager, elles sont plus cultivées. C’est différent d’une école qui recrute dans le bassin minier comme celle de Lille où j’étais prof autrefois. Vous savez c’est comme ce que le sociologue Bourdieu appelait des «héritiers». À Lille ce ne sont pas des héritiers ! Certains peuvent avoir un immense talent, mais globalement, ils n’ont jamaisD'AUTEUR voyagé, ils n’ont jamais vu un livre d’art ou une expo. En tout cas une bonne partie d’entre eux. Tandis que dans une école mondialisée vous avez des gens qui sont déjà promis, dès l’enfance, à être des gens de pouvoir. D'ARCHITECTUREDROIT RR : Quelle est la place de ces écoles de bonne réputation, à l’étranger donc, dans le débat architectural ? AU

FC : Il y en a tellement, les traditions sont tellement différentes d’un pays à l’autre ! Il y a eu longtemps des pays d’Europe comme l’Espagne, dans lesquels vous aviez des écoles régionales, dans tous les sens du mot. Vous aviez un lieuSOUMIS universitaire, des élites, un milieu architectural, une esthétique, une philosophie, desSUPERIEURE clients. Tout ça créait un milieu. Barcelone par exemple, c’est très connu. Mais c’était le cas aussi à Porto. La ville est devenue très célèbre parce que vous avez, là, une école d’architecture conçue par le plus célèbre architecte du moment, dont le gendre est aussi Pritzker, Souto de Moura, dont tous les profs ont été formés par eux. C’est une sorte de cha- pelle. Et en plus, tous les élus font appel à ces gens là pour développer les bâtiments publics. Vous êtes là dans le cas trèsDOCUMENT particulier d’une école, dans tous les sens du mot, école stylistique et école comme lieuNATIONALE d’enseignement, qui règne. Dans ce que ça peut avoir de bien, et parfois d’étouffant aussi. Mais aujourd’hui, les choses sont un peu plus brassées.

RR : Ces espèces de noyaux de célébrités gravitent autour des écoles depuis longtemps. ECOLE FC : Selon les endroits. En France vous avez l’école de Marseille il y a tout un monde autour de l’école. À Lille, une région assez protectrice dont la société est faite de notables, un peu franc- maçonne, vous avez tout un monde de notoriété, de blocages, autour de l’école et de ses figures. Annexe : Un entretien avec François Chaslin 127

RR : J’aurais aimé que vous me parliez des concours, sur lesquels vous avez beaucoup écrit, et du lien entre ces concours et le star-system.

FC : Les concours ont été mis en place en France, dès lors qu’a été abandonné en 68 le système de la commande directe, aux prix de Rome ou aux gens qui avaient eu une certaine distinction. L’État donnait ses Maisons de la Radio, Maisons de la Culture, etc., à une sorte d’élite qui était sélectionnée sur le mode du Prix de Rome. Après l’abandon du prix de Rome an 1968, l’État ne savait plus du tout comment faire, d’autant que le nombre d’architectes croissait énormément, et que se développait une nouvelle génération, celle qui maintenant a vieilli et occupe encore le haut du pavé. Il fallait trouver un moyen pour sélectionner parmi ces gens ceux capables deNANTES faire et de porter une nouvelle architecture, on en revient à la promotion. Les concours ontDE donc permis à un certain nombre de gens d’éclore. Les concours sont obligatoires pour tous les bâtiments publics, mais ils se sont aussi répandus dans d’autres occasions. Beaucoup de promoteurs privés font des concours, les offices HLM en font aussi. Le concours en France est très important. L’avantage des concours c’est que ça brasse les gens, que lorsque l’on s’est ouvert aux architectes européens ou étrangers, ça a fait venir beaucoup de gens, qui ont souvent gagné. La France a vu intervenir, pour des bâtiments de toute sorte, des architectes du monde entier,D'AUTEUR par plusieurs centaines. Tout ça s’est passé en gros dans les années 80 et celles qui ont suivi. Puis ensuite se sont pas- sées d’autres choses qui ont commencé à gripper le système du concours. C’est le fait que, pour gagner il faut faire une architecture qui plaise, qui porte des valeurs assez immédiates d’image, plutôt que de fonctionnement. Parce qu’un juryD'ARCHITECTURE de concoursDROIT ne peut pas étudier le fonctionne- ment, la longueur des couloirs, etc., il juge principalement sur des images et des esthétiques. Ce qui a du bon, mais qui a fait que d’autres dimensionsAU de l’architecture, les dimensions construc- tives, sociales, économiques sont étudiées par les commissions techniques que le jury n’écoute jamais. Autre défaut, ou particularité du concours, c’est que lorsqu’il s’agit de retenir les 4 ou 5 architectes qui vont concourir, de plus en plus, au fur et à mesure que s’est développé chez les décideurs une relative culture architecturale,SOUMIS qu’ils ont commencé à savoir ce qu’était le Pritzker, qu’ils ont appris qu’il ySUPERIEURE avait un mec qui s’appelait Jean Nouvel, et un autre de Portzamparc, à ce moment-là ils ont tous voulu faire concourir les gens dont ils connaissaient déjà le nom. C’est un honneur pour eux, ils pensent que ça va être un bon projet nécessairement, ils ne se rendent pas compte que ces noms ce sont d’énormes agences, et qu’ils ne verront peut être jamais Foster, jamais Piano. L’autre jour j’étais dans un jury pour une très grosse fac dans la citadelle d’Amiens, Piano n’avaitDOCUMENT pas regardé le projet. Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont au mieux, des grosses boitesNATIONALE avec de grosses mécaniques, dont Piano est peut-être le meilleur exemple, soit au pire, des architectes dépassés. Si par malchance ces architectes ont 2 ou 3 concours à rendre la même semaine, vous vous rendez compte de ce que représente le travail de conception, pas la mise au point, seulement la partie projectuelle, d’un musée, ou d’une école, s’il n’a plus le temps de s’y ECOLEmettre, c’est catastrophique. Donc beaucoup de projets sont très faibles pour ça, et très déce- vants. Donc il y a le risque que le projet soit mauvais, et le fait que ça ressert les possibilités à un nombre très limité de gens. Longtemps ça a contribué à consolider des réseaux plus ou moins locaux d’amitiés, d’interconnaissances disons, voire Francs Maçons, voire d’ intérêts financiers, 128 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

voire politiques. C’était le cas dans pas mal de régions et c’était assez éprouvant d’avoir face à soi des élus assez grossiers, qui ne vous écoutaient pas, qui avaient déjà choisis et voulaient que ce soit tel ou tel membre du Rottary Club qui l’emporte. Maintenant ça a changé, et à certains égards c’est dommage, puisque beaucoup d’architectes locaux disparaissent. Parce qu’ils n’ont pas réussi à se créer dans la sociologie locale une notoriété suffisante. Alors au mieux ils vont s’as- socier à un étranger, ils vont faire venir Hans Hollein d’Autriche et seront architectes d’exécution, mais ils disparaissent en tant que personnalité de pleine création. C’est frappant de voir combien d’architectes français, de rang 2 disons, pas des vedettes, tombent. Il ne faut pas être trop pessi- mistes non plus, il y a aussi des architectes qui arrivent à une relative notoriété, comme Guervilly en Bretagne ou Tetrarc à Nantes, grâce aux concours. Je vois d’ailleurs souvent que dansNANTES les concours les jurys s’efforcent de ce qu’il y ait une femme, un local, un étranger, une vedette,DE ce qui n’est pas mal, puisque finalement il est très difficile de tricher dans les concours. Je me rends souvent compte que les jurés se trompent dans les concours, lorsqu’ils essaient d’attribuer les projets . Ils se disent «tiens c’est de Portzamparc», et il suffit qu’on se trompe sur un pour qu’on se trompe sur tous. Donc, le concours est tout de même une occasion pour des tas de gens de notoriété moyenne de se faire connaître. D'AUTEUR RR : Vous êtes donc invités dans de nombreux jurys de concours, est-ce que vous avez déjà fait partie d’un jury de remise de prix ?

FC : Oui, le Carlsberg. Qui était beaucoup plus importantD'ARCHITECTURE DROITque le Pritzker, mais qui a disparu, c’est une marque chinoise maintenant. Avec ce prix, il s’agissait de donner le plus gros prix du monde en terme d’argent. Trois fois le Pritzker. DansAU le jury il y avait 4 ou 5 critiques et un architecte: un japonais, Frampton, moi, le plus grand architecte danois, Henning Larsen, Peter Davey, le rédacteur en chef d’Architectural Review. Ils nous ont laissé définir l’éthique du prix, ils voulaient quelque chose un peu comme le Nobel. Le Pritzker avait mauvaise réputation, il récompensait beaucoup d’Américains, d’architectesSOUMIS d’affaires, on voulait faire un anti-Pritzker. Donc, notre point de vue a étéSUPERIEURE de récompenser des architectes de notoriété moindre que les Pritzker, donc plus jeunes, et dont on pensait qu’ils incarnaient quelque chose sur le plan de l’éthique architecturale. À l’époque, cela correspondait dans notre esprit, à ce que Frampton avait appelé le «régionalisme critique» : des gens qui ne sont pas mondialisés, qui travaillent dans leur région, et qui font des choses sublimes. On a donné le prix à Ando, il n’avait pas encore eu le Pritzker, c’était il y aDOCUMENT longtemps. On l’a donné à Juha Leiviskä, un très grand architecte finlandais, et on a donnéNATIONALE le prix à Zumthor, qui à l’époque n’était pas du tout connu., il venait de faire les Thermes de Vals. C’était peut-être un peu une illusion ! Mais il y avait dans ce jury une espèce de doctrine non exprimée clairement, mais qui nous réunissait. C’était récompenser des gens qui étaient déjà de très grands architectes, mais n’avaient pas encore ce statut mondialisé. On l’aurait ECOLEsurement donné à Wang Shu par exemple cette année, ou à des gens comme ça. Tout en sachant que ces architectes accèdent ensuite de toute façon à la notoriété. Il avait d’ailleurs été question de le donner à Nouvel. Mais on avait surtout hésité à le donner à Siza. Des gens inscrits dans un territoire, c’était ce qui nous motivait. Mais c’est une idée d’autrefois. Annexe : Un entretien avec François Chaslin 129

RR : Il me reste encore une question : comment gagner le prix Pritzker ?

FC : (soupir) Il faut avoir des amis dans le jury ! Par exemple, Nouvel l’a eu parce que Gehry était dans le jury, et que Gehry aime beaucoup Nouvel. Il ne l’a pas eu au moment où il était le plus grand architecte de l’époque, il aurait dû l’avoir bien avant. Wang Shu l’a eu pour des raisons politiques. Parce que c’est quand même des intérêts financiers le Pritzker, ça représente certains intérêts diplomatiques des États-Unis aujourd’hui, d’établir des liens puissants avec la Chine. Mais bon il faut aussi être un grand architecte ! Ce sont quand même des bons architectes, il n’y a pas eu tellement de fautes ! On pourrait faire la liste de ceux qui ne l’ont pas eu et qui mérite- raient de l’avoir. NANTES DE RR : Steven Holl, Eisenman...

FC : Botta ne l’a pas eu ! c’était un très grand architecte et il méritait de l’avoir. Steven Holl, est-ce que c’est un très grand architecte ? C’est un bon architecte, précieux, élégant, mais un très grand ? Je n’en suis pas sur. Mais il l’aura sans doute ! D'AUTEUR RR : Vous avez des pronostics ?

FC : Steven Holl puisque vous y tenez ! Dominique Perrault pourrait l’avoir. Son œuvre est immense, dans le monde entier, il le mériteraitD'ARCHITECTURE ! ChipperfieldDROIT ne l’a pas eu ? Il pourrait l’avoir, il est couronné de lauriers. Mais il y a un moment aussi où les architectures se dégradent et deviennent moins significatives. L’architecture deAU Chipperfield aujourd’hui vous auriez du mal à la décrire parce qu’elle devient tout à fait polymorphe. Il est en train de devenir une chose moins nette, moins porteuse d’idéal. Or le prix récompense tout de même une chose un peu idéale.

RR : Vous, membre du jury, quelSOUMIS serait votre choix ? SUPERIEURE FC : Je ne prends pas position d’un jury, pour moi le jury est quelque chose qui doit arriver à une sorte de convergence des points de vue. Je n’ai jamais d’idée dans le jury. (rires) Mais si vous me demandiez quel français le mériterait, je vous dirais Perrault. Si vous me demandez quel très grand architecte ne l’a pas eu, Toyo Ito. Il ne l’a pas eu et le méritait absolument. Quand il aura fini l’OpéraDOCUMENT de Corée, il l’aura, je pense. Botta le méritait, mais maintenant Botta c’est une architectureNATIONALE trop répétitive, il n’est plus à la mode. Il y a des moments où vous êtes bon, et des moments où les choses se gâtent, pour des raisons qui échappent à toute logique. Botta est dans une période de déclin. C’est dû parfois à la taille de l’agence, ou à une lassitude, ou au fait que ce que vous poursuiviez n’est plus en adéquation avec la demande de l’époque. Toyo Ito est encore ECOLEun immense créateur. Bizarre qu’il ne l’ait pas eu alors que son ancienne collaboratrice, la fille de SANAA, l’a eu avant lui.

RR : Que pensez-vous de la légitimité du prix Pritzker ? On l’appelle le «Nobel de l’Architec- ture»... 130 Annexe : Un entretien avec François Chaslin

FC : Oui, mais vous savez on peut discuter la légitimité du Nobel aussi. Le Pritzker s’est im- posé puisqu’il n’y en a plus d’autres. Autrefois il y en avait, mais aujourd’hui il reste le Praemium Imperiale pour concurrencer, c’est à peu près tout. Donc il a la légitimité de ce qu’il occupe le terrain. Ce qui est amusant, c’est que le prix du Moniteur, l’Équerre d’Argent, il y a 2 ou 3 ans, ils ont tenté de faire dire par toute la presse que c’était le Goncourt des Architectes. «Le prix qui est généralement considéré comme le Goncourt de l’architecture». (rires) Mais déjà que le Goncourt n’est as si estimé que ça ! À chaque fois qu’il y a un Goncourt, les polémiques sont infinies. C’est une sorte de métaphore... NANTES RR : Pour conclure, que gagne l’architecture au star-system ? DE

FC : Elle perd diverses choses que j’ai tenté de vous expliquer. Et elle gagne une visibilité, un jeu de concurrence. Elle gagne à être contrainte de produire sans cesse des images, un peu idéa- lisées, qui ont la qualité des choses idéales, elles sont troublantes, intéressantes pour nous et pour le public, pour le monde des émotions artistiques. Malgré ses défauts, elle est aussi pourvoyeuse de plaisir et de charme. D'AUTEUR

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ECOLE 132 Table des illustrations

NANTES DE fig.1 : Chip Somodevilla/Getty Images North America fig.2 : Rex Stucky fig.3 : Mike Burley/The Honolulu Star-Bulletin, via Associated Press fig.4 : Scott Olson, 2008 Getty Images fig.5 : 2005 Paul Munsey fig.6 : 2011 Michael Foord fig.7 : Pritzker Prize website fig.8 : www.philipjohnsonglasshouse.org Photo: Paul Warchol D'AUTEUR fig.9 : aCaruthers fig.10 : image © lu wenyu via http://bj-bsc.lofter.com fig.11 : archidialog.com fig.12 : 25 juillet 2004 © Daveybot fig.13 : Hpschaefer D'ARCHITECTUREDROIT fig.14 : Pritzker Prize website fig.15 : Lee Salem via Pritzker Prize website fig.16 et 17 : Ruiz de Azua via Pritzker Prize website AU fig.18 et 19 : Zoog via Pritzker Prize website fig.20 et 21 : Pritzker Prize website fig.22 et 23 : Michael Nagle pour The New York Times fig.24 : archdaily fig.25-27 : archives du Time www.time.com/time/archive fig.28 : wright & brian franczyk SOUMIS fig.29 : Tourist Information SUPERIEUREWeil am Rhein fig.30 : Courtesy Galerie Ammann, Cologne. © Manufacturer Sawaya & Moroni, Milan, Italy – Anke Bornemann + Harald Seick fig.31 : Richard Bryant—Arcaid fig.32 : Vogue - L’Uomo fig.33 et 34 : Gonzalo Perez fig.35 : Sanghyun Lee fig.36 et 39 : egodesign.caDOCUMENT fig.37NATIONALE : Harvard Graduate School of Design fig.38 : Daniel Mayer - eng.archinform.net fig.40-45 : www.brucemaudesign.com fig.46 : galinsky fig.47 : Enoch Lau via wikipedia fig.48 et 49 : ©oscar niemeyer ECOLEfig.50 : eralsoto via flickriver fig.51 : PhotoHaine coll The National MuseumOslo fig.52 : Photo van der Vlugt & Claus, Domus 739 92 fig.53 : archdaily 133 Médiagraphie

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D'ARCHITECTUREDROIT AU Je tiens à remercier François Chaslin, pour son aide et son accueil chaleureux. Je remercie également Marie-Paule Halgand pour la direction de ce mémoire, et mes parents pour leurs corrections et leur enthousiasme à toute épreuve. Enfin, je remercie Jean Chevalier, PaulineSOUMIS Trochu, Anna Le Régent, Claire Le Cam et Cécile Le Guily pour leurSUPERIEURE soutien.

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ECOLE 10% comm. 20% écoles 30% expos 10% comm. 20% publi. 35% écoles 40% écoles 50% expos 35% publi. 50% publi. 1979 Philip Johnson 1990 : Aldo Rossi 1991 : Robert Venturi

15% comm. NANTES 15% écoles 20% comm. 35% publi. DE 80% expos 35% expos 10% expos 1980 : Luis 1989 : Frank 20% comm. Barragan Gehry 70% écoles 1992 : Alvaro Siza 10% expos 10% expos 10% publi. D'AUTEUR 10% écoles 80% écoles 80% comm. 1981 : James Stirling 1988 : Oscar Niemeyer D'ARCHITECTUREDROIT 20% expos AU 40% comm. 40% écoles 20% expos 100% comm. 1993 : Fumihiko Maki 80% comm. 1988 : Gordon Bunshaft 1982 : Kevin Roche SOUMIS SUPERIEURE 15% écoles 15% publi. 30% écoles 20% expos. 70% comm. 50% comm. 1983 : I.M.Pei 1994 : Christian de Portzamparc 10% expos 20%DOCUMENT comm. 40% écoles NATIONALE20% écoles 50% comm. 30% publi. 30% expos 1987 : Kenzo Tange 40% expos 1984 : Richard Meier 60% publi. ECOLE 20% comm. 20% écoles 1995 : Tadao Ando 30% publi. 20% écoles 30% expos 80% comm. 1985 : Hans Hollein 1986 : Gottfried Bohm 15% comm. 30% comm. 25% expos 10% comm. 30% écoles 25% écoles 40% écoles 40% expos 35% publi. 50% publi. 40% expos 2012 : Wang Shu 2000 : Rem Koolhaas 60% publi. 2001 : Jacques Herzog & Pierre de Meuron NANTES 10% publi. DE10% expos 30% expos 30% comm. 70% comm. 20% écoles 50% écoles 10% expos 40% comm. 2011 : Eduardo Souto de Moura 20% comm. 1999 : Norman Foster 40% expos 70% écoles 2002 : Glenn Murcutt D'AUTEUR25% publi. 25% écoles 20% expos 50% expos 80% comm. 15% publi. 2010 : Kazuyo Sejima & 15% expos. 1998 : Renzo Piano D'ARCHITECTURERyue Nishizawa 70% comm.DROIT 20% expos 2003 : Jorn Utzon AU 40% comm. 20% expos 40% écoles 40% comm. 15% comm. 40% écoles 25% expos 25% publi. 2009 : Peter Zumthor SOUMIS35% écoles 10%SUPERIEURE comm. 10% publi. 2004 : Zaha Hadid 30% écoles 25% publi. 50% expos 25% expos. 1997 : Sverre Fehn 50% comm. 25% publi. 2008 : Jean Nouvel DOCUMENT 25% expos. NATIONALE 50% comm. 2005 : Thom Mayne

40% expos 20% expos 60% publi.ECOLE 50% écoles 80% comm. 1995 : Tadao Ando 50% publi. 20% expos 2007 : Richard 1996 : Rafael Moneo 40% comm. Rogers 40% écoles 2006 : Paulo Mendes da Rocha Année 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 Année Christian de Lauréat Philip Johnson Luis Barragan James Stirling Kevin Roche Ieoh Ming Pei Richard Meier Hans Hollein Gottfried Bohm Kenzo Tange Gordon Bunshaft Oscar Niemeyer Frank O. Gehry Aldo Rossi Robert Venturi Alvaro Siza Fumihiko Maki Tadao Ando Lauréat Portzamparc Nationalité Américain Mexicain Anglais Américain Chinois/ Américain Américain Autrichien Allemand Japonais Américain Brésilien Américain/ Canadien Italien Américain Portugais Japonais Français Japonais Nationalité

Age 73 ans 78 ans 55 ans 59 ans 66 ans 50 ans 51 ans 66 ans 74 ans 79 ans 81 ans 60 ans 59 ans 65 ans 59 ans 65 ans 50 ans 54 ans Age

1941 : Liverpool School of 1923 : diplôme d'ingénieur 1942-46: étudie au 1934 : diplôme de l'Escola 1949-54 : études à 1952 : diplôme de 1928: voyage en Europe, Art 1956 : diplôme de 1935-1941: étudie de la Escuela Libre de Technische Hochschule à 1928-1935 : études Nacional de Belas Artes de l'Université de la Californie 1955 : diplômé de l'Université de Tokyo (prof rencontre M. Van der Rohe. 1942 : soldat volontaire, l'Academy of Fine Arts, l'architecture à l'Université 1956 : travaille pour Ignazio 1947 architecture à 1951-1958 : apprend Ingenieros in Guadalajara Munich d'architecture au MIT Rio de Janeiro du Sud. 1956-57 sculpture, peinture et Tange). 1953 : Cranbrook 1962 : commence à étudier 1930 :diplomé de rencontre Colin Rowe 1945 : diplôme d'architecte 1940 : diplôme du MIT School of Architecture of de Tokyo Gardella, puis pour Marco Princeton 1951 : travaille diverses métiers en suivant 1931 : rencontre à New 1957 - il obtient un diplôme 1947 : étudie la sculpture à 1935-1937 : voyage en 1934-40 : travaille pour, :urbanisme à la Harvard architecture à l’Ecole Academy of Art, Bloomfield l'architecture à l'Ecole des philosophie à Harvard. 1946-50 :études de la National University of 1945-1948 : maitrise à 1941 : travaille pour Kunio Zanuso chez Eero Saarinen des professionnels (design, York le peintre mexicain d'architecture à la Cornell l'Académie des Arts de Europe et en Afrique du puis avec Lucio Costa, à la Graduate School of Design Supérieure des Beaux-Arts Hills, Michigan, école sous Beaux-Arts de Paris 1930-34 puis 1945-54: d'architecture à Liverpool Ireland, Galway Harvard sous la direction de 1959 : remporte la bourse Maekawa, disciple de Le 1959 : diplôme d'architecte 1954-56 bourse de urbanisme, menuiserie) Orozco et l'artiste architecte University d'Ithaca. Munich Nord tête du mouvement sans diplôme. 1957-58: de Porto l'influence de Eliel (professeurs : Eugène direction du département 1948 : sélectionné pour 1948 : étudie avec Mies Marcel Breuer et Walter Harkness pour aller étudier Corbusier du Politecnico de Milan l'Académie de Rome 1959 : découvre Cursus Frederick Kiesler. A Paris, élève de Skidmore, Owings 1947-55 :travaille chez 1937 : Travaille chez moderne au Brésil travaille chez Welton Elève de Fernando Tavora, Saarinen. 1954 : master Beaudouin et George Cursus Architecture du MoMA. aller à NYC, travaille pour Van der Rohe au IIT Gropius aux USA où il étudie à 1946: travaille pour le War 1965 : voyage en Espagne, travaille chez Louis Kahn à l'architecture traditionnelle rencontre Le Corbusier & Merrill et de M. Breuer Bohm-père et pour la Sté Edward Durell Stone ( 1940 : rencontre le futur Becket & Associates. 1958- il travaille dans son agence d'architecture à Harvard Candilis) 1940 :études d'architecture l'agence O'Connor & 1950-61 : travaille avec 1948-1955 : rejoint l'agence l'Illinois Institute of Damage Rehabilitation collabore avec Salvatore la même période japonaise 1951 :rencontre R.Neutra 1960's : son ami le peintre de Reconstruction de célèbre architecte new président Kubitschek qui lui 61 : travaille chez V. Gruen de 1955 à 1958. Obtient de puis travaille chez 1966 : toujours étudiant, (par Gropius, Breuer) Kilham Eero et Eliel Saarinen à Webb & Knopp Technology in Chicago Board Tarragò et le groupe 1962 : enseignant titulaire à 1960s : fait des voyages 1953-1955 : voyage avec Frank Stella l'initie aux Cologne yorkais, auteur du MoMA), confie Pampulha puis (concepteur du 1er centre lui les deux premiers Skidmore, Owings and passe un an à New York Harvard Graduate School of 1951 :s'installe à Londres Bloomfield Hills, Michigan 1954 : naturalisé américain 1960 : diplôme 1951: participe aux CIAM et catalan Princeton, assistant de d'étude en Europe et aux Justino Fernández, collages et à la peinture 1951 : travaille à NYC, chez puis pour le designer Brasilia. 1945: membre du commercial en 54). 1961: projets réalisés à son Merrill , puis Sert Jackson 1969 : il obtient son diplôme Design 1953-56 : travaille pour d'architecture de l'University rejoint Team X en 1956 Kahn USA historien de l'art Cajetan Baumann industriel Raymond Loewy Parti Communiste 1965 : travaille à Paris chez A. compte. and Associates l'agence Lyons Israel Ellis , of California, Berkeley NANTES contraint à l'exil Remondet 1965 : retour au Japon avec J. Gowan

1949 : débute avec le 1956 : crée Stirling & 1937 : débute avec L. 1958 : ouvre sa propre 1946-51 : associé avec concours du Hiroshima 1965 : Il ouvre sa propre 1927-1936 :pratique Gowan à Londres Skidmore à NYC. agence, s'associe à William 1954 : débute à son compte Landes Gores, agence à Peace Center 1962 : ouvre Frank O. agence Maki and 1969 : fonde l'étude Tadao l'architecture à Guadalajara 1963 : se sépare de Gowan 1966 : fonde l'agence Kevin 1942-1946 : service 1940 : débute à Rio de Short en 1960, remplacé à Porto, avant même 1970 : ouvre son bureau à NYC 1955 : reprend la direction 1957 : crée l'agence Kenzo Gehry and Associates Inc .à DE Associates à Tokyo, 7 Ando Architect & 1936 : s'installe à Mexico 1967 : à NYC, monte une Roche John Dinkeloo and 1955 : fonde l'agence Pei 1963 : ouvre son agence à 1965 : ouvre Atelier militaire. 1946: travaille Janeiro 1986 : ouvre une agence par John Rauch en 1964 d'obtenir son diplôme Paris Agence associé avec Richard de l'agence de son père à Tange and URTEC qui Los Angeles personnes font alors partie Associates à Osaka, aidé Agence 1940 : décide de se équipe constituée de jeunes Associates , à Hamden, Leonard Cobb & Partners New York Hollein à Vienne chez Skidmore, Owings & 1966 : ouvre une agence à aux USA 1969 : s'associe avec son d'architecte. 1994 : emploie de 15 à 30 Rogers dans les années 60 Cologne devientThe Urbanists and 1979 : fonde Gehry & de l'agence. de son épouse Yumiko consacrer seulement au diplomés de Yale Connecticut Merill , 1949-79 : associé, Paris épouse Denise Scott-Brown 1992 : emploie une personnes 1967-91 : associé avec Architects Team en 1961 Krueger Inc. 1993 : emploie 39 Ando paysagisme 1971 : s'associe avec responsable des plus belles 1989 : départ de John vingtaine d'architectes John Burgee puisKenzo Tange personnes Michael Wilford réussites de l'agence. Rauch Associates en 1981

Durée d'exercice 37 années 53 années 25 années 16 années 29 années 21 années 20 années 31 années 38 années 51 années 52 années 27 années 30 années 33 années 38 années 33 années 24 années 33 années Durée d'exercice

22, son dernier projet est le 89 par l'agence, 38 dont il 43, presque exclusivement 16 pour S.O.M., une seule 54, presque exclusivement 19, dont 17 en région Projets construits 32 46 22 19, uniquement aux USA 15 32 57 17 32 43 16, dont 11 au Portugal 26 Projets construits premier aux USA fut à la tête en Allemagne maison, pour sa famille. au Japon parisienne

Hillside Terrace complex, 1936 - Ministério da 1971 : Gehry Residence 1964 : Vanna Venturi célèbre surtout pour ses 1951 - Lever House - New commencé en 1967 et 1975-1979 : ensemble des Educação e Saúde, Rio de Santa Monica, California House 1949 : "The Glass House", villas York, New York 1958-1963 Salon de thé terminé en 1992, célèbre Hautes-Formes, 209 1972-82 : Museum Yoyogi National Janeiro (projet de Le 1978-2002 : Loyola Law 1971-1984 : Cimitero di 1985-91 : National Gallery, New Canaan, Connecticut 1959-1963 : The sélectionné en 1984 pour la premier immeuble de NY Boa Nova, Leça de pour être la plus longue logements sociaux, Paris Œuvres construites Abteiberg à Gymnasium créé pour les Corbusier) School, Los Angeles San Cataldo a Modena, 1987 : Church of Light, Œuvres construites 1956 : Seagram Building, Engineering Building, réalisation du projet à revêtu d'un mur rideau de Palmeira collaboration architecte/ 13e célèbres Mönchengladbach Jeux Olympiques de Tokyo 1957-87 : Catedral California avec Braghieri 1988-91 : the Art Museum Osaka célèbres NYC, en collaboration avec Leicester 1milliard de $, Getty verre 1987-1993 Faculté client de notre siècle (35 1989-1992 : Immeuble débuts du postmodernisme de 1964 Metropolitana Nossa 1989 : Vitra Design 1979 : Teatro del Mondo in Seattle Mies Van der Rohe Center, Los Angeles, 1983 : National Commercial d'Architecture de l'université ans!). 1993 : Yerba Buena d'appartements, Nexus II, Senhora Aparecida, et Museum , Weil am Rhein Californie Bank in Jeddah. de Porto Gardens Visual Arts Center, Fukuoka, Japon autres projets à Brasilia Germany D'AUTEUR premier projet aux USA remporte les concours du participe aux concours du Pour la Beinecke Rare 1981 : remporte le concours Schlesisches Tor, quartier des Halles, Paris Book and Manuscript pour l'ilot n°10 C'est en remportant en Kreuzberg, Berlin en 1980; 1990 :remporte pour la (79), de l'Institut du Monde 1985 : remporte 2 concours Library, de la Yale Friedrichstrasse, à Berlin 1949 le concours pour le restoration of Campo di première fois un concours à Arabe (81)du musée du Participation à des internationaux : l'un pour le University, invité par Paul 1987 : il remporte le 1985 : remporte le concours Participation à des Hiroshima Peace Memorial Marte, Venice, en 1985; l'étranger avec les Büropark Quai Branly (89) du TGI de concours Museum of Modern Art de Rudolf à participer au concours de la Villette à de la National Gallery de concours Park qu'il accède à une redeveloppement du Casino Hallbergmoos à Munich, Bordeaux (92). Remporte Francfort et l'autre pour un concours. Opposé à Eero Paris, et celui du Deutsches Londres internationaux renommée internationale. et Cafe Winkler, Salzburg, construction en cours en les concours du Tribunal de internationaux Cultural Forum à Berlin Saarinen et Ed Stone, il Historisches Museum à 1986, et La Defensa 1993. Grasse (93), tour de Lille remporte finalement le Berlin Cultural Centre, Madrid, en (91); Cité de la Musique projet sans concours. 1988-89 (84)

1946 : crée le Tange 1966-69 puis 76-92 : 1956 : enseigne à la AA 1953 : sélectionné pour être 1963 : Professeur adjoint à 1956-58 puis 1960-62: Laboratory à l'Univ. de D'ARCHITECTURE1979 : William Bishop enseigne à l'Ecole School 1964 : il enseigne à la 1963 puis 66 : professeur professeur à Yale, puis pour Arezzo, et à Venise. 1965 professeur assistant, 1982 : professeur de projet Tokyo. 1959 : travaille avec DROITChair, Yale 1954-65 : enseignant à d'architecture de Porto 1959-64 : visiting professor Cooper Union de New York invité à la Washington devenir doyen de la Harvard : professeur à Milan. 1972- Washington University à l'Ecole d'Architecture de 1969 : Il est professeur 1970's : visiting professor à enseigne à l'Université des des étudiants sur un projet 1982 et 1989 : Charlotte l'Université de Pennsylvanie Visiting professor à la à Yale School of 1945-48 : professeur 1967-73 : il enseigne à la University de St. Louis Graduate School of Design, 75 :professeur à Zurich. 1962-65 : professeur Paris- Nanterre invité/ Davenport Chair à la la Yale School of Sciences Appliquées dont il s'inspirera pour le Davenport Professorship in 1960's :enseignant à Yale Harvard Graduate School of Ecoles Architecture assistant à la Harvard Yale University 1967-76 : Professeur de mais membre du PC, ne 1975 : professeur à Venise. associé, GSD Harvard 1985-1991 : directeur de Yale University Enseignement Architecture, et d'Aachen - Faculté plan de Tokyo. 1963 : prof. Architecture, Yale conférencier à l'Université Design à l' University of 1966-83 : Davenport Graduate School of Design 1980 : Conférence "On design et d'architecture à l' peut obtenir de Visa US. 1976 :enseigne à la Cornell University l'Ecole Supérieure Il est professeur invité à la enseignement à l'IAUS d'Architecture du Dept. of Urban 1984 : Eliot Noyes Chair, de Harvard avec Scott- Pennsylvania; à Los Andes professor of architecture à Architecture" à l'Université Académie d'Art de 1960's : nommé directeur University d'Ithaca puis à la 1979-89 : professeur, dArchitecture à Paris Columbia University Engineering. Ses étudiants : Harvard Brown University of Bogota et à l' Yale, poste qu'il partage un d'Harvard Düsseldorf de l'école d'architecture de Cooper Union, NYC. 1983- Departement d'Architecture, A. Isozaki, F. Maki. Ecole Polytechnique of temps avec R.Venturi AUl'Université de Brasilia 90 : professeur à Harvard Université de Tokyo Professeur invité au MIT Lausanne

1961 : Arnold Brunner 1956: Grand Prix de Rome 1988 : Médaille d'or pour Award, USA 1983 : The Thomas l'architecture de 1987 Reynolds Memorial 1985 : Alavar Aalto Medal, 1963 : Medal of Honor,AIA 1989 : Commandeur de 1965: Royal Gold Medal, Jefferson Foundation Medal l'Architectos Colegio de Award for SPIRAL SAFA 1978: Alvar Aalto Medal, 1976 :Thomas Jefferson l'Ordre des Arts et des 1978 : The Thomas RIBA 1963 : Lenin Peace Prize, in Architecture Madrid 1988 Wolf Prize, Israel 1989 : Gold medal de la SAFA Medal Lettres Récompenses ou Jefferson Foundation Medal 1976 : National Arts and 1972 : Arnold Brunner 1966 : AIA Gold Medal URSS 1986: Commendatore of Médaille d'or de la 1988 Chicago Architecture French Academy of Récompenses ou 1980: Royal Gold Medal, 1979 : AIA Gold Medal 1977 : Arnold W. Brunner 1993 Grand Prix national de in Architecture Sciences Prize, Mexique Award, USA 1970 : The Thomas 1963 : AIA honorary The Order of Merit, Fondation Alvar Aalto Award Architecture distinctions RIBA 1979 :Gold Medal, US Memorial Prize l'architecture du Ministère distinctions 1978 : AIA Gold Medal Jefferson Foundation Medal Member Republic of Italy Prix du Prince de Galles 1990 Thomas Jefferson 1992 : Carlsberg Academy of Arts & Letters Français de l’Urbanisme et in Architecture 1989 : AIA 25 Year Award Prix européen d'architecture Medal in Architecture, Architectural Prize 1981 : Médaille d'Or de de Transports to the Vanna Venturi House de la fondation Mies der Charlottesville, Virginia l'Académie Française Rohe

1987-91 :Recent Projects 1980 : Biennale de Venise IFA Paris, Venezia, Roma, 1973 : dirige la section 1969 :exposition "Five 1968 et 79 :Triennale de La presenza del passato: il Berlin, Stuttgart, Antwerp, 1991 : Urban Situations , architecture à la Triennale 1987 : le doyen de la Architects" au MoMA, avec Milan postmodern Copenhagen, Freiburg. Gallerie MA, Tokyo 1976 : Architecture of Luis 1972 : Biennale de Venise SOUMIS de Milan et participe en Harvard Graduate School of 1991 : Museum of Modern 1971 : Work in Progress: 1971 : Work in Progress: Peter Eisenman, Michael 1988 : Rétrospective au 1980 : Biennale de Venise 1991 : Biennale de Venise, 1990 : Pavillon français de Barragán , rétrospective au 1968 : "Three Buildings", 1970 : Expo Universelle 1939 : Pavillon Brésilien de 1964, 73, 81, 86 Design, Rafael Moneo, Art, New York Expos Architecture by Johnson, Architecture by Johnson, Graves, John Hejduk, 1976 : MANtransFORMS, New York's Whitney La presenza del passato: il pavillon Japonais la Biennale de Venise Expos MoMA qui le fait accéder à MoMA, New York d'Osaka, plan guide la New York World's Fair 1983-84 : directeur de la organise la première 1992 : pavillon japonais, Roche, Rudolph, MoMA Roche, Rudolph, MoMA Chiarles Gwathmey Cooper Hewitt Museum Museum postmodern :Proposals for the Kyoto 1980 : Biennale de Venise la célébrité mondiale SUPERIEURE Biennale d'Architecture de exposition du travail de Siza Expo Universelle de Séville 1973 : expose à La 1980 : Biennale de Venise 1988 : Deconstructivist Concert Hall La presenza del passato: il Venise et participe en 1977, aux Etats-Unis Triennale de Milan La presenza del passato: il Architecture , MoMA, New Competition; pavillon Italien postmodern 79, 85, 86 postmodern York :Proposals for the Palazzo 1984 : Biennale de Venise del Cinema

contribution à la revue Società 1964-70 : rédacteur en chef 1955 - 1961 : collaboration de « BAU » 1955-56 : écrit pour à la revue Casabella- Participation à des il y publie ses écrits Participation à des Architectural Review , grâce continuità revues théoriques dont le célèbre revues à son ami Reyner Banham 1959 : collabore à la revue texte « Tout est architecture Il Contemporaneo » 1961-64 : rédacteur de la revue Casabella-Continuità

n°44 El Croquis 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 n°68-69 0 0 El Croquis n°58, 1983-1993

Années 60 : dessins, Sa femme, Elizabeth de 1932 : au MoMA, célèbre Design pour Alessi, ACME, peintures et collages DOCUMENT Portzamparc est architecte- exposition organisée avec Knoll, Valli&Valli, Ibach accompagnent sa 1969-1973 : Design, ligne A partir de 1979 : design urbaniste, dessine du Alfred H. Barr, Jr. et Henry- Sohn, Ana Watch, démarche architecturale Militant communiste depuis Easy Edges 1984 : Design pour Swid Activités parrallèles NATIONALE pour Alessi, Molteni, Bruno mobilier, et possède sa Activités parrallèles Russell Hitchcock : "Le Baldinger, Cleto Munari, Années 60-80 : design pour 1945 1980's : Design, ligne Powell Longoni… propre gallerie qui expose Style International, depuis Swid Powell, Markuse, Alessi, Cleto Munari, Experimental Edges entre autres son travail et 1922" Pierre Junod Herman Miller, et mobilier celui de son mari de ses propres projets

proclamé "New Brutalist" déconstructivisme "Ecole de Porto", avec synthèse entre l’architecture considéré avec Cesar Pelli, considéré avec Cesar Pelli, par Reyner Banham, au modernisme Carlos Ramos et Fernando modernisme modernisme, vernaculaire et Moderniste I.M. Pei et Paul Rudolph Kevin Roche et Paul La Tendenza Initiateur de la pensée post- modernisme même titre que les "néo-corbusianisme" Expressionnisme structuralisme "Ecole de Los Angeles" ou Távora, à l’origine du membre fondateur du "régionnalisme critique" Tendance puis initiateur du influence de Ferdinand comme la deuxième Rudolph comme la Postmodernisme modernisme, minimalisme modernisme nouveau-rationnalisme moderne, aux USA et dans "hyperfonctionnalisme" Tendance Smithsons New York Five "Post-Bauhaus" Créateur de ce qui "Ecole de Santa Monica" courant appelé par Kenneth groupe des Métabolistes en minimalisme postmodernisme Bac, dessinateur et génération d'architectes deuxième génération postmodernisme en Italie le monde postmodernisme Nouveau modernisme deviendra le métabolisme. qui regrouperait Gehry, Eric Frampton le "régionalisme 1960 théoricien du paysage modernes d'architectes modernes anglais ECOLE Owen Moss , Thom Mayne critique " Année 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Année Jacques Herzog & Pierre Kazuyo Sejima & Ryue Eduardo Souto de Lauréat Rafael Moneo Sverre Fehn Renzo Piano Norman Foster Rem Koolhaas Glenn Murcutt Jørn Utzon Zaha Hadid Thom Mayne Paulo Mendes da Rocha Richard Rogers Jean Nouvel Peter Zumthor Wang Shu Lauréat de Meuron Nishizawa Moura Nationalité Espagnol Norvégien Italien Brittanique Néerlandais Suisses Australien Danois Irakienne / Anglaise Américain Brésilien Anglais Français Suisse Japonais Portugais Chinois Nationalité

Age 59 ans 73 ans 61 ans 64 ans 56 ans 51 ans 66 ans 84 ans 54 ans 61 ans 78 ans 74 ans 63 ans 66 ans 54 et 44 ans 59 ans 49 ans Age

1949 : diplôme de l'Ecole 1942 : diplôme d'architecture à 1961 : diplôme de la 1964-66 : étudie à l'Ecole des 1958: apprenti d'un Sejima : étudie la sculpture à l'Ecole 1988 : diplôme du Nanjing d'Architecture d'Oslo l'Académie Royale des Beaux- obtient un diplôme en Son père, Paulo de Menezes 1954-59 : études à la AA 1961 : diplomé de l' ETSAM Manchester University School Netherlands Film and 1956-61 :études au Sydney Beaux-Arts de Bordeaux charpentier (ou ébéniste?) 1981 : diplomée de la Japan des Beaux Arts de Porto Institute of Technology, 1950 : rejoint le groupe 1964 : diplôme d'architecture Arts de Copenhague. 1942- mathématiques à l'American Mendes da Rocha, était un School à Londres, influence (Escuela Tecnica Superior de of Architecture and City Television Academy, Technical College.1956 1966-72 : étudie à l'Ecole des 1963: étudie le design au Women's University bifurque vers l'architecture Department of Architecture PAGON (Progressive de Politecnico di Milano 1945 :La 2nde guerre University of Beirut ingénieur des ports, des Smithsons Arquitectura de Madrid) Planning Amsterdam, travaille en tant et1958-59:travaille chez Beaux-Arts de Paris Kunstgewerbeschule à Bâle travaille avec Toyo Ito après une rencontre avec recherches sur Architect’s Group of Oslo, 1958-64 : travaille avec son mondiale le pousse à rejoindre 1977 : diplôme de la 1968 : Licence de l'USC, Los responsable d'importants 1961 : diplôme d'architecte de 1956-1961 : travaille chez 1961 :obtient une bourse qui que journaliste et script avant Neville Guzman ,chezLevido & 1967-70 : assistant de Paul 1966: étudie au Pratt Institute 1987 : ouvre à Tokyo sa Donald Judd l'environnement et l'archi Norway). 1952-53 : étudie père, et sous la direction de Stockholm où il travaille à Architectural Association Angeles projets en Amérique du Sud, la Yale School of Architecture Francisco Javier Sáenz de lui permet d'étudier à Yale de devenir architecte 1975 : diplôme de l'École Baker (1956-57), et chez John Virilio et de Claude Parent à New York lors d'un échange propre agence, Kazuyo Pendant ses études, travaille traditionnelle au Zhejiang l'architecture primitive au Franco Albini l'agence de Hakon Ahlberg. School de Londres 1968-70 : travaille pour Victor et directeur de la Escola ses professeurs à Yale Cursus Oiza 1962 : master's degree en 1972 : diplôme de polytechnique fédérale de Allen & Russel Jack (1960- 1970 : fonde son agence avec scolaire Sejima & associates pour Noé Dinis, puis pour Academy of Fine Arts à Cursus Maroc. 1953 : CIAM d'Aix-en- 1965 -70: travaille chez Louis 1945 : travaille en Finlande 1977: commence à travailler Gruen Politecnica de la Universidade influencent son architecture : 1961-1962 : travaille chez Jorn architecture à l'Université Yale l'Architectural Association Zurich 62). 1961 :travaille chez Curtin François Seigneur 1968: devient architecte Nishizawa : Alvaro Siza pendant 5 ans Hangzhou Provence, présente un Kahn, à Philadelphie, et chez pour Alvar Aalto. 1945-1955 chez OMA, devient associée 1978: Master en architecture à de Sao Paulo. Paul Rudolph, Serge Utzon à Hellebaek, Danemark où il rencontre Rogers et son School of Architecture, & Partners. 1962-64:à 1971 : G. Boudaille lui confie conservateur du département 1990 : obtient un diplôme Fernandes de Sá lui offre sa travaille avec des artisans logement en collaboration Z. S. Makowsky, à Londres :voyage au Maroc, au Avec Koolhaas, rencontre l'Université d'Harvard 1954 : diplômé de la Faculté Chermayeff, James Stirling 1963 : séjour à l'Académie de professeur J. Stirling Londres, Londres,chez Ian Fraser. 1964- la Biennale de Paris de Préservation des d'architecture de l'Université première commande pendant 10 ans avec Jorn Utzon et rencontre 1965-70 : il fait la Mexique, aux E.U., en Chine, Peter Rice, ingénieur structure d'Architecture et d'Urbanisme il rencontre Norman Foster l'Espagne à Rome 1962 : travaille en Californie Université Cornell d'Ithaca, 69:en Australie, chez Ancher, 1976 : rencontre Jacques Le Monuments de la ville de Nationale de Yokohama Après 2 ans de service 2000 : Doctorat de la School of Jean Prouvé. 1953-54 : connaissance de Jean Prouvé au Japon, en Inde et en de l'Universidade Mackenzie, 1961 : travaille chez Skidmore, pour Carl Warnecke et New York Mortlock, Murray & Wooley Marquet qui éveille son intérêt Graubünden 1997 : ouvre sa propre agence militaire, débute à son compte Architecture of Tongji travaille dans l'agence de Australie Sao Paulo. Owings & Merill NANTES Anshen & Allen pour la scénographie the Office of Ryue Nishizawa à Porto University à Shangai Jean Prouvé

1971 : "Piano & Rogers" avec 1945 : ouvre son agence à 1963-67 : travaille sous le nom 1972 : associé à F.Seigneur et 1965 : en Espagne, se 1963-67: Team 4 avec Rogers Peter Rogers 1975 : à Londres, The Office Hellebæk, mais construit Team 4 Architects , avec G. Lézénès 1981 :associé à G. consacre en parallèle à et leurs épouses. 1968-83 : 1969 : ouvre son agence à 1977 : fonde son agence avec 1977 :fonde l'Atelier Piano & for Metropolitan Architecture seulement de petis projets Foster et leur épouses Lézènés et P. Soria. 1984 : l'enseignement et à la création collabore avec Buckminster Sydney son épouse Lu Wenyu : Rice , avec Peter Rice jusqu'à (OMA), avec Elia et Zoe jusqu'en 1957, où il gagne le 1972 : fonde l'agence respectives. 1971 : fonde associé à J-M Ibos et M. 1979 : fonde son agence de sa propre agence Fuller . 1967 : Foster 1972 : remporte un prix grâce DE 1980 : débute à son compte Amateur Architecture Studio , à 1954 : il fonde l'agence la mort de celui-ci en 1992. Zenghelis, et Madelon 1978 : créent l'agence Herzog concours anonyme de l'opéra 1980 : ouvre à Londres, "Zaha "Morphosis" avec Jim Stafford l'agence Piano & Rogers. Vitart.1989 : associé à E. 2009 : dirige son cabinet et Agence 1984-1990 : vit aux USA associates à Londres. 1981 : à une de ses 1eres 1957 : débute à Sao Paulo 1995 : Fondent SANAA après avoir emporté le Hangzhou Agence Fastingsgate à Oslo 1981 : fonde le Renzo Piano Vriesendorp & de Meuron à Bâle de Sydney Hadid Architects" à Santa Monica. Michael 1977 : fonde sa propre Cattani. 1994 : fonde Ateliers ses 30 employés à 1990 : Installe son agence à ouvre un 2e bureau. 1999: constructions, voyage pendant concours de la Casa das Artes 1990 : achève son premier Building Workshop à Gênes. 1978 : deuxième bureau 2003 : vit retiré à Majorque, Rotondi les rejoint en 1973. agence. 2007 : L'agence Jean Nouvel. 2008 :140 Haldenstein en Suisse Madrid , associé à son frère, implanté à Londres, Berlin et un an, rencontre Craig bâtiment 1987 : agence à Paris. 1989 : ouvert à Rotterdam pendant que ses fils Jan et emploie 150 personnes, avec collaborateurs, bureaux à ingénieur. Hong Kong, emploie plus de Ellwood, et José Cordech 1990-98 : pas de commande agence à Osaka. 1995 : 1990 : création d'AMO Kim continuent de travailler des bureaux à Londres, Paris, aux États-Unis, en 1996 : 15 employés 500 personnes cabinet recherche à Tokyo pour "Utzon Architects" Madrid et Shanghai Espagne et à Abu Dhabi

Durée 23 ans pour elle, 15 ans pour Durée 31 années 43 années 27 années 36 années 25 années 23 années 33 années 58 années 24 années 33 années 49 années 44 années 38 années 30 années 31 années 22 années d'exercice lui d'exercice Projets 37, la majorité sont des Près de 500 maisons et 48 Sejima : 27, Nishizawa : 6 Projets 15 38 37 connus 27 58 17 17 20, surtout au Brésil 69 75 19 42 10 ? construits maisons musées en Australie dernière œuvre en 1994 SANAA : 30 construits

1974-78 : Sainsbury Centre for Visual Arts, Angleterre 1994 : Signal Box Auf dem 1985-1987 : Nemausus 1,à 1997 : Kunsthaus Bregenz 1971-77 : Centre Pompidou, 1971: Centre Georges 1984-92 : Carré d'Art, Nîmes Villa dall'Ava à Saint-Cloud Wolf, Basel, Switzerland 1974-75 : Maison Marie Short, Nîmes 1999 : Vals, Suisse 1981/91 - "Casa das Artes", 1980-1986 Musée national 1957-1973 :Opéra de Sydney, 1994 : Vitra Fire Station, Weil Paris, avec Renzo Piano 2004-2010 : Rolex Learning Œuvres Pompidou, Paris, France 1987 : Stansted Airport, France, 1991. récemment terminés : Kempsey, NSW récemment achevé : Caltrans 1981-1987 : Institut du monde 2000 : the Swiss Pavilion for Cultural Center, S.E.C., Porto Œuvres d'art romain (Mérida, Espagne) Pavillon Nordique à la collaboration avec les am Rhein, Germany 1978-86 : Lloyd's Center at the École construites 1998 : Centre culturel Angleterre Dutch house, Netherlands, 2000 : Rue des Suisses 1989-94 : Maison Simpson- District 7 Headquarters in Los arabe à Paris, premier des Expo 2000 in Hannover 1991 - Burgo Project in construites 1987-1992 La fondation Miro, Biennale de Venise de 1962 ingénieurs de Ove Arup & 1999 - 2002 : Bergisel Ski headquarters, Londres Polytechnique Fédérale de Tjibaou, Nouméa, Nouvelle 1991-97 : Commerzbank, 1995. Apartment Buildings, Paris, Lee, Mount Wilson, NSW Angeles grands projets mitterrandiens, 2007 : the Kolumba Diocesan Boavista Avenue,Porto célèbres Palma de Majorque Partners, et Peter Rice Jump, Innsbruck, Autriche 2 projets en collaboration avec Lausanne, Suisse célèbres Calédonie Frankfurt Euralille Lille, 1988-1995. France le fait connaître du grand Museum, Cologne 2000-03 : Braga Stadium l'ingénieur Peter Rice 1992-99 : reconstruction du 2000 : Tate Modern, Londres public Reichstag, Berlin D'AUTEUR participe aux concours : 1997 1958 : Gymnasium in the Extension MoMA, NY. 1994 Paulistano Athletics Club São Tate Gallery, Londres. 1991 Le 1981-1987 : Institut du monde Participation à 1996: Millenium Bridge, 2000 : Inauguration de la Tate Paulo, Brazil Grande Axe, La arabe à Paris Participation à des concours 1971: Centre Georges Londres Modern Art Gallery de 1955 :Concours anonyme pour Concours national qui le fait 1971: Centre Georges Défense. 1989 Bibliotheque de 2006 : Musée du quai Branly, des concours Pompidou, Paris, France 1997 : Commerzbank Londres, dont ils ont gagné le l'Opéra de Sydney, Australie connaitre du public à 29 ans. Pompidou, Paris, France inter- France, Paris. 1989 Ferry à Paris 1992-1999 : Reichstag concours international en 1995 1971 : parmis les finalistes du internationaux nationaux Terminal, Zeebruge (1st prize). concours pour le Centre 1988 Netherlands Architectural Pompidou Institute, Rotterdam.

1966-70 : prof adjoint à 1988 :Southern California Sejima : 1997 : prof. invitée à 1981- 1991 : Professeur 1983 : Herzog enseigne à D'ARCHITECTUREenseigne à l'école de Pomona, l’ETSAM, Madrid. 1972-1982 : 1975 : Univeristy of California. 1959 : invité par Vilanova Institute of Architecture, Los la Japan Women's University, assistant à l'Université de l'Université de Cornell. 1977 : enseigne à la AA avec puis lui et 6 autresDROIT professeurs directeur du Architecture prof à l'ETSAB, Barcelone. 1975 : IAUS, New York. 1976 : Artigas, enseigne à la Faculté Angeles. 1989 : Technical au Tokyo Institute of Porto 1971-1995 : enseigne à l'Ecole 1989/98 : professeurs à Rem Koolhaas et Elia sont renvoyés. Ils fondent Department of the China 1976 : invité à participer à l' AA School. 1988-89 : d'Architecture et d'Urbanisme University of Munich Technology, à la Tokyo Fréquemment invité aux d'Architecture d'Oslo Harvard. 1991 : professeurs à 1970-1978: occupe un poste Zenghelis.1987: a son propre alors avec une quarantaine Academy of Art in Hangzhou IAUS .1980-1985 : prof à professeur à Delft. 1991-92 : Enseignant à l'University of de l'Universidade de Sao 1992 : Tulane University Science University. 2001 : Universités de Lausanne, Ecoles professeur honoraire à Yale et la Tulane University de New de tuteur à l'Université de studio de projet à la AA d'étudiants le Southern premier architecte chinois à Enseignement l'ETSAM. 1985-1990 : professeur à la Rice Hawaii Paulo. 1969 : est forcé de 1999 : Harvard Graduate Prof invitée à l'ETH de Zurich. Genêve et Zurich en Suisse, à à la Cooper Union de New Orleans. 1999- : professeurs à Sydney 1994 :enseigne à Harvard California Institute of obtenir le poste de “Kenzo directeur du dept d'archi. de University, Texas. 1990-95 : renoncer à son poste School of Design ( Kenzo 2001 : enseigne à Keio Dublin, Paris-Belleville, et à York Zurich co-fondateurs du Studio (Kenzo Tange Chair) Architecture (SCI-Arc) Tange Visiting Professor” à l'école d'Harvard. 1991- : professeur adjoint à Harvard. d'enseignant par la dictature, Tange Visiting Professor ) University, Tokyo. Nishizawa : Harvard au E.U. ETH Basel – Contemporary En 1978, il entre à Harvard Harvard Josep Lluis Sert Professor à 1995- : professeur à Harvard 1980-99 : enseigne à nouveau 1996- : enseigne à l'Académie prof. assistant à l'Université de enseigne à l'Université de City Institute AUIl est professeur à l'UCLA Harvard d'Architecture de Mendrisio Yokohama Porto

1985 : Chevalier de la Légion 1987 : Prix Aga Khan. 2000 : 1998: Professional Career 1985 : Royal Gold Medal, d'Honneur, France. 1989 : 2001: Prix de l'équerre Lion d'or à la Biennale de 1998 : Carlsberg Architecture 1993 : Arnold W. Brunner 1973 : Gold Medal from the Prize, Ibero-American Biennal RIBA.1989 : Arnold W Brunner Royal Gold Medal, RIBA. 1989 1983 : Royal Gold Medal, d'Argent Venise. 2001 : Premium Prize Memorial Prize 1974 Progressive Architecture 2001 :The Thomas Jefferson Royal Australian Institute of 1987 : Rome Prize Fellowship, of Architecture and Civil Memorial Prize. 1985: Ordre du Mérite Wang Shu et sa femme : Cavaliere di Gran Croce, RIBA. 1990 : Chevalier. 1994 : pour l'immeuble Rue des 2001 Equerre d'argent Prize, Imperiale, Japon. 2001 : Royal 1999 : Mies van der Rohe 1993 : Schock Prize in the Award (with Laurinda Spear) Foundation Medal in Architects American Academy in Rome, Engineering, Madrid 1991:Chevalier.1996 : baron 2002 : Arnold Brunner britannique reçoivent le German Schelling Italie. 1990 : prix de Kyoto. AIA Gold Medal. 1997 :Ordre Suisses. 1999: Schock Prize special mention Gold Medal, RIBA. Award for European Récompenses ou Visual Arts, Stockholm 1992 Antonio Gaudi Prize Architecture 1978 :RIBA Royal Gold Medal Italy 1999: 1st Latin-American Mies Rogers of Riverside.1999:The memorial prize 2001 :Médaille Heinrich- Architecture Prize Récompenses 1991 : Neutra Prize, California, du Mérite. 1998: prix Stirling. for the Visual Arts, Stockholm. 2002: Commander of the 2002:Légion d'honneur. 2005: Architecture distinctions 1994 : Laurea ad Honorem, 1997 : AIA Book Award for 1992 : Alvar Aalto Medal, 1982 : Alvar Aalto Medal 1992 : Brunner Prize in van der Rohe Architecture Thomas Jefferson 2004 : Lion d'Or de la Biennale Tessenow 2011 : il reçoit la Médaille d'Or USA. 1995: Praemium 1999 : baron Foster of Thames 1994: Brunel Award,USA, for British Empire Wolf Foundation Prize in Arts. 2006 : The Thomas Jefferson ou distinctions School of Architecture of SMLXL SAFA 1992 : Sir John Sulman Medal Architecture Prize Medal.2000:Praemium de Venise 2010 :Membre de l'Académie de l'Académie Française Imperiale, Japon. 1995 :Prix Bank, of Reddish Signal Box .1987: Kunstpreis 2003 European Union Prize for 2006 :Arnold W. Brunner Foundation Medal in Venice 1992 : Wolf Prize 2000: 2nd Latin-American Imperiale.2006:prix Stirling 2005 : Prix Schock des arts de Berlin d'Architecture Erasmus, Hollande Berlin, Akademie der Künste, Contemporary Architecture Memorial Prize Architecture 1996: IUA Gold Medal 1998 : Sonning Prize Mies van der Rohe 2006 : Lion d'Or de la Biennale Berlin, Germany 2008 : Praemium Imperiale Architecture Prize de Venise

1983 : Retrospective à la AA 2000 : Expo Universelle de 1957 : Biennale de Sao Paulo 1994 :contribution Pavillon School. 1985 : GA Gallery, Hannovre, pavillon portugais 1958 : Expo Universelle de Depuis 1988, expositions Suisse; Biennale de Sao 1993-94 : Rafael Moneo, Depuis 1979, expositions Tokyo. 1988 : Deconstructivist avec Siza Bruxelles, pavillon norvégien monographiques au MoMA, Paulo. 1991 et 1996 : 1986: exposition à la Biennale SOUMIS Biennale de Venise : 2000 - 2010 : Expo Universelle de Buildings and projects , et monographiques à l'IFA de architecture, MoMA, New Expositions au Portugal, en 1962 : Biennale de Venise, 1972 : Le Centre Beaubourg, Centre Pompidou, à Tokyo, contribution Pavillon Suisse, d'Architecture de Paris 1970 : Expo Universelle 1972 : Le Centre Beaubourg, 2000 : Expo Universelle de pavillon japonais 2010 - Shanghai, pavillon Tengtou- Expos autres expositions Paris, au MoMA de New York, York.1997 : San Francisco France (Biennale de Expos pavillon scandinave MoMA Londres, Barcelone... Biennale de Venise 1991, 1996: Biennale d'Osaka, pavillon brésilien MoMA Hannovre, pavillon suisse Sejima directrice de la Ningbo monographiques en Autriche, et dans les plus grandes villes SUPERIEUREMoMA. 2000 : British Pavilion, Paris),Grande Bretagne, Italie 1968 : MoMA 1988 : déconstructivist Depuis 1995 : expositions d'Architecture de Venise Biennale 2010 : Biennale de Venise Suisse, Suède et Finlande du monde Biennale de Venise (dont la Triennale de 1992 et 96 : Biennale de architecture , MoMA, New York monographiques à Paris, NYC, 2000 : Villa Medici, Rome. ICA Milan),Etats-Unis (New-York, Venise, exposition Milan, Tokyo Exhibition, Londres Harvard), Suisse (Zurich).

1998 : nommé à la tête du UK co-fonde le mouvement «Mars Government's Urban Task 1976 », en opposition à fonde le magazine Force l'héritage de la Charte Arquitectura Bis 1946 : design d'une chaise Conseiller en chef en d'Athènes Collab. À des Ecrits théoriques et critiques Depuis 1985 : design pour Collab. à des pour le MoMA de New York Architecture et Urbanisme du participe à la création du publiés aux E.U. et en Italie, Sawaya & Moroni et Alessi revues 1968 : design de mobilier maire de Londres Syndicat de l'architecture, en revues dans les revues Oppositions, Nommé Chair of the Greater rupture avec l'Ordre des Lotus , et Arquitectura Bis London Authority’s Design for architectes London Advisory Group design pour YSL et Alessi

n°53 n°60 Zaha Hadid: 1983- n°37 n°112-113, 1994-2002 1983-2008 : n°139, n°121-122, n°146, 2005-2009 El Croquis n°20 et n°64 0 0 0 0 0 0 0 0 0 El Croquis n°79, 1987-1998 n°84, 1981-2000 2004 (n°103, 52 et 73) n°59, 1979-1993 n°65-66, 1987-1998 n°99,n°77 n°124, 1995-2005

Design : Avec sa femme, Belén DOCUMENT 2000 : Le pouf Marumaru Feduchi, il fonde B.D. Madrid, 2009 : achat et relance de la pour Driade (Italie)1 Activités Depuis 1999, design pour Activités une compagnie dediée au NATIONALE revue l'Architecture 2001 : Flower Chair Alessi, Vitra parrallèles design et à la promotion de d'Aujourd'hui 2005 : Chaise lapin pour parrallèles meubles contemporains. Nextmaruni

"Brutalisme brésilien" fait partie de la génération d'architectes de la Faculty of "néo-miesien" Architecture and Urban modernisme modernisme High-tech postmodernisme minimalisme modernisme technologies 3D Planning de Sao Paulo : Flavio High-tech postmodernisme "régionnalisme critique" Tendance modernisme scandinave High-tech modernisme déconstructivisme "régionnalisme critique" minimalisme "régionnalisme critique" Tendance postmodernisme architecture écologique déconstructivisme architecture écologique déconstructivisme Motta, Vilanova Artigas, architecture écologique high-tech Avec Alvaro Siza et Fernando Abrahao Sanovicz, Pedro Tavora, il représente l'Ecole de Paulo de Melo Saraiva et Porto ECOLE Eduardo de Almeida, "l'école Pauliste"