Olivier GUICHARD SILOË ÉDITEUR 22, Rue Du Jeu-De-Paume - 53000 LAVAL 25, Rue Des Carmélites - 44000 NANTES
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Olivier GUICHARD SILOË ÉDITEUR 22, rue du Jeu-de-Paume - 53000 LAVAL 25, rue des Carmélites - 44000 NANTES © Siloë, 1996 En couverture ISBN : 2-84231-014-4 La Baule, avec Daisy Maurice GRASSIN Olivier GUICHARD SILOË Ma gratitude va tout particulièrement à Jean-Louis Lavigne sans lequel ce livre n'existerait pas. Il m'a apporté des informations, il m'a aidé à ouvrir des portes fermées et il m'a accompagné dans de nombreux entretiens. Qu'il en soit remercié. Olivier Guichard Le dernier acteur de l'histoire gaulliste Olivier Guichard, centurion du général de Gaulle, n'a pas été tenté, comme tant d'autres hommes politiques, d'écrire ses mémoires. Il fait obser- ver qu'il n'a pas noté au fur et à mesure de ses rencontres, comme naguère Alain Peyrefitte, le contenu de ses entretiens avec le Général ou avec Geor- ges Pompidou et il estime n'avoir pas gardé suffisamment en mémoire les événements pour se risquer, aujourd'hui, à une exégèse infaillible. On ne saura donc rien - sauf remords ultimes - de ses sentiments si ce n'est ce qu'il a écrit du gaullisme, il y a maintenant vingt ans, à travers deux livres remarqués, Le Chemin tranquille et Mon Général. L'homme atypique - qui s'est souvent retrouvé dans l'ombre du pouvoir - a pourtant vécu une carrière exceptionnelle, joué un rôle éminent auprès du général de Gaulle pendant sa traversée du désert et dans l'avènement de la V République. Il a été le chef de cabinet du général, l'ami proche de Pompidou, le père de l'aménagement du territoire, l'apôtre de la régionali- sation et le ministre d'une pensée politique qui ne s'est jamais altérée. Le plus jeune des barons et le dernier survivant de l'histoire gaulliste méritait qu'on s'y intéressât. Mais comme Olivier Guichard est, dans le même temps, un personnage pudique et qu'à l'image de son magistère Georges Pompidou, solennel et discret à la fois, il n'aime guère démasquer ses sentiments, il a parfois été malaisé de lui faire raconter ce qui, dit-il, « ne lui appartient pas ». Oli- vier Guichard s'est comporté avec nous comme on l'a toujours connu : dis- ponible, courtois, ne cherchant jamais à empiéter sur les prérogatives de l'enquête, mais réservé, avare de révélations, presque secret. Comme si, au regard de l'Histoire, il voulait garder enfouies les images d'une vie presque entièrement consacrée au service de l'Etat. Nous avons pensé au contraire qu'elles méritaient le grand jour et qu'il y avait lieu de conserver un peu de cette vie-là dans notre mémoire. Avec, sans doute, quelques blancs. Et l'espoir de ne pas l'avoir trahie avec nos mots ordinaires. M. G. Etre gaulliste « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l'inspire aussi bien que la raison. » Général de Gaulle Une pluie fine tombe sur le bosquet du château Siaurac en Gi- ronde. A Néac, le domaine de Siaurac se remarque vite : dans un pays où chaque mètre carré est planté de vigne, il s'offre le luxe d'une sompteuse allée de platanes, d'une vraie demeure bourgeoise et d'un bois de trois hectares hérissé de chênes et d'ormes centenaires. Octobre. Au milieu de l'allée, un homme, très grand, marche dou- cement en s'appuyant sur une canne. Il s'abrite de la bourrasque sous un chapeau en drap vert et un trois-quarts qui cache en partie son jean bleu cru. Il se dirige - pour l'arpenter exactement comme l'ont fait naguère son grand-père Joseph Brisson et son père le baron Louis - vers la prairie plantée, côté sud, de cyprès chauves et de tulipiers de Virginie, puis remonte vers les vignobles, en direction du bourg. De temps en temps, il jette un œil vers le ciel, s'arrête devant une rangée de ceps, happe une grappe et fait la moue. A ses pieds, la mince Bar- banne - tout juste un ruisseau qui sépare le Lalande de Pomerol des terres de Pomerol - longe Château-Gazin, l'autre domaine familier qu'exploite dans la passion Malcy, sa sœur cadette. Au loin, le clocher de Saint-Emilion et les coteaux s'assombrissent au fur et à mesure que les nuages se déchirent. Cette année, pour obtenir un millésime, il faudra des miracles, que saura accomplir, comme d'habitude, son chef de chais. Mais laissons le ciel se gorger d'eau, les vendangeurs cueillir le rai- sin, les pieds dans les flaques, et le merlot délavé saigner dans les re- morques. « Monsieur Olivier », le gentleman-farmer de Siaurac pour- suit son chemin. Il en a vu d'autres. A l'orée de sa vie, il ressemble plus que jamais - avec son gabarit impressionnant et son allure un peu voûtée - au général de Gaulle. Le baron Guichard a tellement côtoyé l'homme du 18 juin qu'il a fini par en épouser l'apparence : mêmes enjambées géantes sur des feuilles d'automne qui s'amoncel- lent sous les rafales de vent, même mouvement de tête vers l'avant, même air accablé de n'avoir plus vingt ans. C'est de Gaulle à la fin de sa vie traversant son parc de la Boisserie, en Champagne pouilleuse. D'évidence, Olivier Guichard s'est même laissé grossir pour mieux lui ressembler. Quand on mesure 1,90 mètre et qu'on chausse du 47, on ne passe pas inaperçu. Guichard se remarque de loin. Sa lourde silhouette, sa prestance césarienne et ses allures « british » en imposent. Son regard bleuté aussi qui toise les gens de haut en bas. Personnage flegmatique et nonchalant, il vous fait impression. A soixante-seize ans, sa pré- sence physique, presque marmoréenne, glace et suscite le respect. Tout le monde succombe devant ce dinausaure du gaullisme : depuis le vieux maire de Néac, un ancien pied-noir de la région de Mascara, qui a oublié toutes les rancunes algériennes du passé jusqu'au petit notable ligérien qui, depuis longtemps, s'est habitué à passer sous les fourches caudines du président de Région, personnage d'entre les personnages. Lui-même, maire de Néac pendant une petite dizaine d'années, Olivier Guichard avait pour principe de ne jamais ouvrir de débat sur la politique. Puis il est allé faire carrière à Paris sans qu'on sache très bien pourquoi et comment. Aussi, lorsqu'il passe dans son château de Lalande de Pomerol, le regarde-t-on comme s'il était, tout à la fois, le fruit de l'exception donc du mystère. La population libournaise sait qu'il est le fils du baron Louis, qu'il a été le collaborateur du général de Gaulle, qu'il fut longtemps ministre et qu'il a du bien au soleil, cinquante hectares de vignes qui mûrissent sur Lalande de Pomerol, Pomerol et Saint-Emilion. Mais on l'a perdu de vue et très peu de Néacois se rappellent avoir suivi avec Olivier les cours de « caté » ou être montés au château pour un goûter d'anniversaire. Quand le baron revient en Gironde, c'est en coup de vent. Pour des rendez-vous avec son régisseur et des visites-éclair à ses chais. Mais il n'a rien d'un passionné de l'œnologie : « Je ne suis là, dit-il, que par devoir, comme le maillon de la chaîne qui se doit de conserver un patrimoine familial qui a maintenant deux siècles. » Patron de la société civile d'exploitation Baronne-Guichard qu'il partage avec ses filles, il ne parle pas la langue savoureuse des viticul- teurs locaux qui conjuguent les mots et l'accent pour raconter leur vin de vanille, de truffe ou d'iris. Cela ne l'empêche pas, cependant, d'éprouver encore de l'émotion à l'approche de ses paysages familiers du Libournais et de prendre du plaisir à conduire sa vieille G S, im- passible, les yeux presque fermés tellement il connaît par cœur les paysages et les domaines de son enfance : Troplong-Mondot, Trot- tevieille, Cheval-Blanc, Ausone, Pétrus. Quand pointe l'automne, il ne lui déplaît pas d'organiser les vendanges, même s'il n'y met pas tout l'enthousiasme qu'il pourrait. Il partage le repas des vendan- geurs, grogne contre le pourrissement prématuré des raisins, pense aux cuves et aux barriques qu'il faudra remplacer, aux stocks qui prennent beaucoup de place. On ne devine pas en lui l'heureux vigne- ron qui produit et élève, bon an mal an 220 000 bouteilles de vins rouges. Il agit simplement par devoir. L'explication est simple : il préfère la politique à la viticulture. Pour lui, les « grandes années » ne sont pas celles des millésimes du Borde- lais mais les années-de Gaulle : l'adhésion au RPF, le soir du discours de Bayeux, la première rencontre avec le Général, la traversée du dé- sert, le retour aux affaires. Parce que depuis l'âge de vingt ans - celui des choix sentimentaux - il a fait sienne la phrase que le Général écri- ra dans ses mémoires de guerre : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France... » S'il préfère la politique à la viticulture, ce n'est pas par hasard. Oli- vier Guichard a vite appris dans l'entourage familial ce que signifient le devoir et la patrie. Tout jeune, il a le patriotisme et la notion du service d'Etat qui lui coulent dans les veines. Mais cela ne suffit pas à forger un destin. Il faut encore un coup de pouce.