Histoire Rou:\%Ìains Et De La Romanité Orientale Par N
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HISTOIRE ROU:\%ÌAINS ET DE LA ROMANITÉ ORIENTALE PAR N. IORGA PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE SA MAJESTE LE ROI CHARLES II PAR L'ACADÉMIE ROUMAINE VOL.I,PARTIE II _ LE SCEAU DE ROME BUCAREST x 9 3 7 PARTIE II LE SCEAU DE ROME LIVRE I LES CONQUERANTS CHAPITRE I PREMIER ACTE DE LA ROMANISATION Une nouvelle période dans l'histoire de ce monde, riche en mélanges, qui s'érige peu h peu en grandes synthèses dont se détachera une solide nation millénaire, s'ouvre par l'apparition de ceux qui rendent ainsi la visite, pendant quel- que temps si menafante, de Pyrrhus. La Macédoine n'eftait pas tombée, mais Rome était entrée dans le rae de celle-ci, qui n'était que celui d' Alexandre-le-Grand. Nous avons vu comment la pénétration de Rome dans les Balcans a commencé par les deux guerres d'Illyrie (229-228 et 219 avant J. Chr.), dont nous avons parléplushaut, en rapport avec les races aborigènes dans la Péninsule du Sud-Est Européen. Jusqu'au II-e siècle, Narona, Lissus, Salona, certaines iles avaient, sous le rapport romain, le méme caractère que, plus tard, h l'époque de la domination véni- tienne, ces localités eurent sous le rapport italien 1 Les guerres de Macédoine ont fait connaitre ensuite aux Romains tous les coins des vallées de l'Ouest de la Péninsule Balcanique, pendant la première moitié du II-e siècle. Bientôt, comme autrefois Athénes faisait venir ses servi- teurs de la Thrace 2, comme aujourd'hui les Vénitiens du Frioul ou les Roumains de Bucarest les font venir du pays des Szekler en Transylvanie ou ceux de Jassy de la Bucovine 'Voy. C. Daicoviciu, Gli Italici nella provincia dalmata, dans l'Ephemeris dacoromana, IV, p. 63 et suiv. (l'explication la plus récente de cate péné- tration, appuyée sur toute la bibliographie antérieure). La pénétration la plus profonde, de Narona vers l'Est; ihid., p. 87. 2 Voy. Tomaschek, ouvr. cité, I, p. x27. 8 LES CONQUÉRANTS voisine, Rome \Terra dans les luttes de gladiateurs, d'abord, les Thraces vendus « pour du sel >>,si rare dans les Balcans, où il est extrait h certains endroits, de l'eau de mer, et elle a tremblé devant ceSpartacus, empereur des esclaves ré- voltés, dont le nom thrace rappelle celui des royaux Sparto- cides sur le Bosphore. Pendant trois ans il put s'opposer aux légions 1 Plus tard Auguste, intitulé dans une inscription: « vain- queur de toutes les nations barbares » 2,représentera non seulement, ainsi qu'on l'a dit avec raison 3, - en dépit de son séjour prolongé en Orient, la romaniter ou, ainsi que nous ledisions ailleurs 4,l'occidentalisme,maisaussi la romanisation. Chez Sénèque il apparait menant « vers les guerres étrangères les armées fatiguées par le massacre ro- main » et allant jusqu'au Rhin, l'Euphrate et le Danube 5. Cette romanisation sera, du reste, en rapport avec Fat- mosphère mystique de cette époque, après les grands sacri- fices de sang des guerres civiles, atmosphère que, attendant « l'enfant », le sauveur, ne rend pas seulement Virgile, dans un passage si connu et depuis longtemps discuté, mais aussi une quantité de monnaies du temps, A. partir de César, mon- trant combien était désirée, jusqu'au Pont, non pas la monarchie d'un « roi », impossible d'après la légende royale, déjà acct.& ditée, du passé romain, mais celle d'un jeune « aion », d'un derni-dieu, d'un dieu présent, qui aurait commencé une 1 Les sources (Appien, Florus, Plutarque, Orose) sur son origine thrace chez Mateescu, dans l'Ephemeris dacoromana, I, p. 70, note 2. Cf. aussi Ka- tzarov, dans la Blgarska Sbirska, IX, 1902. Un célèbre gladiateur Bithus est mentionné par Horace (Satyrae, I, 7, zo); voy. aussi Mateescu, loc. cit., p. 77. Des prisonniers daces, ibid., p. 78, note 2. Pour le nom de Spartacus, Mateescu, loc. cit., p. zzo, note 4. Pour la popularisation, probablement par la même voie, du nom de Dace, voy. ibid., p. 208, note 6. Mane aussi celui d'Agathyrse, 4 Agatursus )),iba., p. 231 et note 3. 2 Omnium barbararum gentium debellator;Rev. Arch., XX (1924), p. 392, n° 70. 3 Voy. R. Heinze, Kaiser Augustus, dans Hermes, LXV (1930), p. 385 et suiv. 4 Cf. Iorga, Essai de syntlase de l'histoire de l'humanité, I, p. 305. 5 De brevitate vitae, 5. PREMIER ACTE DE LA ROMANISATION 9 nouvelle religion, un pacificateur, un harmonisateur, dans des formes de primitivisme italique, tel qu'il est présenté dans les Ge'orgiques, et par la glorification de répoque purement latine d'un Saturne 1. Une langue latine artificielle se formera aussi, comme le montre tel philologue, et cherchera h se populariser par les inscriptions des soldats. Mais, par suite des guerres contre les IIlyres et les rois de Macédoine, et d'une « délivrance » qui signifiait la puis- sance de pénétration pacifique de l'élément romain jusqu'à une annexion qui ne devait pas étre trop lointaine, cet éle'ment romain commenra de par lui-même, sous différentes formes, a pe'ne'trer dans les Bakans. Y étaient attirés non seulement les marchands que nous pouvons suivre par les inscriptions, mais aussi les p Atres et les agriculteurs. Les premiers trouvaient dans le Pinde des conditions de transhumance comme dans les Apennins, où leurs pèlerinages étaient de moins en moins acceptables pour une civilisation de grande exploitation entre les mains des riches. Les autres se voyaient chassés ou « achetés » sur leurs terres ancestrales, par les mémes capitalistes qui construi- saientleurs villes, décrites par un Cicéron, plus tard par Pline le Jeune, se servant d'esclaves trés nombreux pour toutes leurs affaires et tous les goíits. Le travail fécond des paysans libres n'était plus nécessaire lorsque Rome et le reste de l'Italie se nourrissaient des provisions envoyées par la Sicile, les îles de la Méditerranée, l'Egypte. L'attrait d'une émigration se produisait donc de la faqon la plus naturelle, et elle a dil avoir lieu, bien que de pareilles migrations lentes 1 Voy.Weinrich, Antikes Gottmenschtum, dans les Neue yahrbficher, 1926, p. 633 et suiv.; Alföldi, Der neue Weltherrscher der IV. Ekloge Vergils, dans Hermes, LXV (x93o), p. 269 et suiv. Le brutal Antoine lui-mérne avait été traité en dieu et comme un« nouveau Dionysos *,'Andmog 066g, vio; Az6vvaog; Jeanmarie, dans la Rev. Arch., XIX (1924), p. 245. César aussi apparalt sur une monnaie portant le diadème; Zeitschrift f. Num., IV (1877), p. 140. Un beau type, p. 143. Sur une autre monnaie, ibid., V (1878), p.245. ics LES CONQUERANTS ne puissent pas &re signalées dans les documents, ni mention- nées dans les ceuvres des historiens, les récits locaux n'existant pas, du reste, dans la civilisation gréco-romaine. L'achat en masse par l'Etat pour des distributions au peuple a contribué lui aussi A faire chercher ailleurs le blé. « L'agriculture italienne s'était dédiée presque exclusivement A la culture de la vigne et de l'olivier », la production dé- mesurée du vin devant amener une crise A l'époque de Do- mitien 1 Méme les mesures qui ont clii &re prises par l'em- pereur Nerva et continuées par Trajan pour aider, a force d'emprunts, le travail des terrains abandonnés et donner des bourses aux enfants des agriculteurs montrent à quel point était réduite la population rurale en Italie 2 Les marchands romains qui se fixent dans des pays ennemis, comme chez Marbod le Germain, prouvent aussi comment, sous l'Empire méme, qui s'enfermait, strictement, entre ses frontières, cette pénétration se produisait s. Appien 4 témoigne que les « riches », chassant les pauvres paysans, font travailler des terrains étendus par des hommes payés et méme des pâtres, qu'on faisait échapper au recrute- ment 5. 1 Paribeni, Optimus princeps, I, p. 778. Cf. Mommsen, Die italische Bodentheilung und die Alimentartafeln, dans Hertnes, 1884, et,aussi,De Pachtere, La table hypothicaire de Veleia, Paris, 1920. 2 Voy. De la Berge, Essai sur k rggne de Trajan, p. 1 io et suiv. Peu h peu elle devient o seulement le jardin de l'Empire Romain »; Jung, Romanische Landschaften, p. Ix. 3 Tacite, Annales, II, 62. Mais, pour la possibilité d'une romanisation rapide, voy, les cas d'Espagne et de Pannonie, chez Xénopol, Teoria lui R6sler, PP. 40-41. TtIV7reayparevdp.evot `Pcopaiot, pres de Monastir; Rev. Arch., 1934, p. 285. A Antigonéia on voit d'une partie la ville, de l'autre les marchands qui s'y trouvent (ol xectyparevolzévot 1-v avre) ; Bull, de corr. hell., XX (1896), p. 125. 4 Bell. civ., I, 7. Des l'époque d'Auguste, les legions ont un caractère local; L. M. Hartmann, dans les Arch.-epigr. Mitt., XVII, p. 127. Il rapproche le témoignage d'Appien de celui de Dion, sur l'utilité des soldats de pro- fession dans les garnisons de frontières. Il est question aussi des fils de sol- dats (Hartmann, loc. cit., p. 129, note 9). Des 332, ainsi que le montre la constitution dans le Cod. Theod., V, &, 1, des colons aussi pour la terre. 5 eilarearsta; Appien, loc. cit. Fig. r. Jules César. Zeitschrift fiir Numismatik, IV, p. 143. Fig. z. Jules César. Mionnet, ouvr. cité,I, p. 81. PREMIER ACTE DE LA ROMANISATION II Il faut accepter cette hypothèse, car sans elle on ne pour- rait pas expliquer la dénationalisation rapide des Thraces, les dénationalisés de la première heure devenant eux-mémes un facteur de dénationalisation ultérieure, pour que l'ava- lanche, une fois déchainée, porte méme en deçà du Danube la langue, les coutumes et le nom des Romains.