LA DEMOCRATIE ET LES REALITES ETHNIQUES AU CONGO Xavier Kitsimbou
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LA DEMOCRATIE ET LES REALITES ETHNIQUES AU CONGO Xavier Kitsimbou To cite this version: Xavier Kitsimbou. LA DEMOCRATIE ET LES REALITES ETHNIQUES AU CONGO. Science politique. Université Nancy II, 2006. Français. tel-00168467 HAL Id: tel-00168467 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00168467 Submitted on 28 Aug 2007 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. UNIVERSITE DE NANCY II LA DEMOCRATIE ET LES REALITES ETHNIQUES AU CONGO Thèse de Sciences Politiques soutenue Par Xavier Bienvenu KITSIMBOU Sous la direction de Monsieur François Borella, professeur émérite Le 26 octobre 2001 à Nancy Membres du Jury François BORELLA, Professeur Emérite des Université Etienne CRIQUI, Professeur des Universités Michel BOURGI, Maître de Conférence Auguste MAMPOUYA, Professeur des Universités 1 RESUME Depuis l’accession du Congo à l’indépendance en 1960, la question ethnique a toujours été au centre de toutes les mutations qui se sont opérées aussi bien sur le plan politique que sur le plan social. Déjà en 1959 alors que le pays était encore sous contrôle de la puissance coloniale, de violents affrontements opposèrent les ressortissants de la région du Pool à ceux des régions du nord. Ce conflit qui fît de nombreuses victimes posa les bases de l’institutionnalisation d’un parti unique en 1964. A cette époque, le parti unique était présenté comme le symbole de l’unité nationale. En 1990, la vague de démocratisation qui secoue une grande partie des pays de l’Afrique noire francophone n’épargne pas le Congo qui, dès 1991, redéfinit son système politique en optant pour le pluralisme politique. Durant toute cette période, le Congo s’est inscrit dans un cycle de violence entre les différentes composantes de sa population. Aussi dans cette réflexion, nous tenterons : -de faire une analyse sur l’impact de la réalité ethnique dans la vie politique en général et sur le processus de démocratisation en particulier ; -de mettre en lumière à travers des exemples, les conséquences de cette réalité sur le plan de la cohabitation interethnique ; -et enfin d’analyser l’ensemble des mesures politiques et institutionnelles prises pour la résolution de cette question. Le processus de démocratisation engagé avait –au- delà des considérations purement politiques- pour but principal de jeter les bases d’une authenticité historique en reconnaissant les particularismes et la diversité socioculturelle des communautés ethniques d’une part et en reconsidérant la « Nation congolaise » non pas comme une juxtaposition conflictuelle des ethnies mais comme un ensemble homogène dont les composantes s’enrichissent de leurs différences d’autre part. Moins d’une décennie après son instauration, les flambées de violence qui suivirent sa mise en place posaient la problématique du type de système politique qui convenait le mieux dans cette société pluriethnique. La remise en cause en fin de compte des attributs de cette démocratie et la reprise du processus démocratique ont mis en lumière l’inadéquation structurelle d’un système avec les réalités locales et l’incapacité du facteur humain (l’homme politique) à s’inscrire aux changements. TERMES CLES Réalités ethniques, Pratique du pouvoir, Démocratie, Multipartisme, parti unique, pouvoir, conflit interethnique. 2 INTRODUCTION 3 I – GENERALITES Depuis les années 1960, la question ethnique est au centre de la problématique des conflits qui secouent le continent africain, la cause de l’échec des Etats – Nations en afrique. Mais cette question aussi sensible soit-elle, n’est pas une exclusivité africaine. En effet, l’humanité entière a encore en mémoire toute la conflictualité contemporaine qui a généré à travers le monde des expressions telles que la purification ethnique, le nettoyage ethnique, l’homogénéité ethnique au point que toute conflictualité est désormais interprétée en termes ethniques, régionalistes et même tribalistes. Ainsi, doit-on conclure que l’hétérogénéité ethnique rime avec conflictualité ? Que la différence ethnique aboutirait-t-elle immanquablement au conflit ethnique ? Que par nature l’homme manifeste-t-il des attitudes inhumaines lorsqu’il est confronté à une trop grande difficulté ? En fait l’approche du phénomène ethnique est très complexe en ce sens qu’elle est souvent dénaturée du fait des confusions qu’en font les chercheurs. Complexe aussi en ce que bon nombre de travaux d’historiens et d’anthropologues se réfèrent à ce phénomène censé, pour beaucoup, tout expliquer de l’Afrique passée, présente et future. Ainsi Jean-Loup AMSELLE et Elikia M’BOKOLO étaient – ils excédés de voir les débats qui animent les sociétés africaines ramener, sans cesse, à un tribalisme lui-même conçu comme l’expression politique de l’ethnie. Une manière, notent-ils, d’abaisser les sociétés africaines au rang le plus bas dans la hiérarchie des sociétés humaines(1). Or une étude rigoureuse du phénomène ethnique doit tenir compte des données socio- historiques propres à chaque société et dans le cas particulier du Congo, cette étude ne peut-être isolée de la pratique politique. En Afrique, s’il est en effet établi que la question ethnique est une réalité vivante, celle-ci ne peut en aucun cas être détachée dans son analyse des considérations socio-politiques qui la sous- tendent. Autrement dit, une analyse des conflits ethniques en Afrique en général et au Congo en particulier serait vouée à l’échec si elle n’intègre pas des considérations politique et socioculturelle. Au Congo, le problème ethnique s’est posé et se pose encore de manière cruciale. L’interpénétration entre la politique et l’ethnie est telle que Thomas SOTINEL, correspondant du journal « le Monde » a affirmé qu’<<Au Congo, la politique ne se conçoit pas hors des bases régionales et ethniques>>(2). Ceci est d’autant plus vrai que de 1959 à 1997, le Congo a enregistré plus de trois grands conflits ouverts avec plus de 10.000 morts. Une situation que l’historien Théophile OBENGA a appelée <<l’histoire sanglante de la violence politique congolaise>>(3). 1 -Jean Loup AMSELLE et Elikia M’BOKOLO, Ethnie, tribalisme et Etat en Afrique, Ed. La découverte, 1985, 228 pages. 2 -La guerre du Congo-Brazzaville, in le Monde diplomatique du 15 juin 1997 3 -Du titre de l’ouvrage de Théophile OBENGA, Présence africaine 1998. 4 Si les manœuvres politiques sont souvent à l’origine de ces conflits, les considérations ethnorégionales occupent une place très importante dans leur généralisation. L’histoire du Congo est enfin très complexe en ce sens que l’étude des réalités ethniques pose le binôme ethnie-politique car, à tout bien prendre, il n’est jamais apparu dans toute l’histoire des communautés congolaises, une certaine haine viscérale entre les différentes ethnies. La population congolaise formée de plusieurs ethnies, regroupe celles-ci au sein des grands groupes dans lesquels toute la société se retrouve au travers des caractéristiques communes à savoir les langues, les coutumes, les traditions, le patrimoine culturel…. Si des origines jusqu’à la moitié des années 1950, une certaine harmonie régnait au sein des groupes ethniques, cette cohérence a été mise à mal de manière ouverte depuis l’application de la loi DEFERRE(4) qui consacrait la nécessaire décentralisation administrative et la participation des indigènes à la gestion de leurs propres affaires donc la participation des congolais à la vie politique. Cette nouvelle organisation par le jeu des formations politiques, a mis en place au cours de cette période les bases de la différenciation ethnique entre groupes et plus tard, favorisé une hiérarchisation entre eux dans la conquête du pouvoir. Cette situation a eu non seulement des répercussions entre groupes ethniques mais, a aussi développé une certaine opposition au sein d’un même groupe ethnique. La manipulation du référent ethnique par le politique a expliqué par elle- même tous les débordements qui ont jalonné la vie politique du Congo, débordements que les hommes politiques ont pudiquement qualifié de « bétise humaine ». L’analyse de la vie politique congolaise au regard de cette différenciation se complexifie de plus en plus en ce qu’au-delà des clivages interethniques classiques, les oppositions interviennent parfois à l’intérieur d’un même groupe avec une certaine violence. La pensée ici matérialisée et systématisée est le produit d’une gestation dont les premiers éléments remontent il ya quelques années lorsque en tant qu’étudiant, nous envisagions déjà de focaliser notre réflexion sur l’impact des réalités ethniques dans la vie politique congolaise. D’une façon générale, lier l’intérêt de la recherche aux réalités de son pays a toujours été notre préoccupation comme l’exhortait si bien Amadou HAMPATE BA aux chercheurs africains <<une longue période de recherche s’ouvre en effet devant nous, tant il est vrai que, pour l’essentiel, nos grandes valeurs de civilisation restent à découvrir, à analyser, à conceptualiser>>(5). Ce message qui n’est pas resté sans écho en nous, n’a fait que stimuler, réactiver et surtout extérioriser le souci constant que nous éprouvions déjà. L’intérêt d’une telle entreprise est, pour nous, 4 - La loi cadre ou loi DEFERRE a été adoptée par le parlement français le 23 juin 1956 et sa mise en application est intervenue à partir de 1957. 5 -Amadou HAMPATE BA, cité par N’zihou MOUNDOUHA, Les modes opératoires du travail ouvrier, Etude comparative de deux brasseries : Kronenbourg de Pointe-noire et Kronenbourg de Strasbourg, Doctorat en sciences humaines, Metz 1997, P 2, 317 pages.