Chick Corea Trio Chick Corea Piano Eddie Gomez Double Bass Brian Blade Drums
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
2017 20:00 26.04.Grand Auditorium Mercredi / Mittwoch / Wednesday Jazz & beyond Chick Corea Trio Chick Corea piano Eddie Gomez double bass Brian Blade drums Chick Corea, un Trio dans tous ses états Franck Bergerot Paru en décembre 1968, huit mois après son enregistrement, l’album « Now He Sings, Now He Sobs » révéla Chick Corea. Si l’on y décelait un certain goût pour l’abstraction sonore, qui s’épanouirait plus tard, ainsi qu’une certaine façon de synthétiser les héritages récents de Bill Evans et McCoy Tyner, l’album son- nait déjà comme un classique. Sur un répertoire entièrement ori- ginal, avec une rythmique d’exception (le jeune Miroslav Vitouš et le vétéran Roy Haynes), cette musique possédait déjà sa patine : elle n’avait rien de révolutionnaire en un temps où le free jazz renversait les autels et brûlait les icônes, mais elle était immédiatement identifiable comme ces vieilles tables que l’on reconnaît moins à leur forme qu’au toucher de leur bois travaillé par les années de services et d’encaustique. À quoi cela tenait-il ? À l’époque, on n’aurait su le dire. Et nul commentateur n’identi- fia les espagnolades déjà discrètement présentes dont on ferait plus tard la marque de fabrique de Corea, au risque de réduire son art à quelques clichés. Ce pianiste de 28 ans qui, pour de nombreux amateurs semblait sortir de nulle part, avait déjà derrière lui un copieux passé sur la scène afro-cubaine de New York pour laquelle il avait déserté la Juilliard School et mis fin à des études de piano classique com- mencées à l’âge de 8 ans. On l’entendit ainsi à partir de 1962 aux côtés de Mongo Santamaría, Willie Bobo, Joe Montego ou sur les faces « latines » de Sonny Stitt et Herbie Mann. S’il s’y prête à l’art du montuno cubain, il y montre aussi ce qu’il doit à Horace Silver et Bud Powell. Aussi, les auditeurs attentifs de ses premiers disques de jazz enregistrés auprès de Blue Mitchell, 3 Pete LaRoca, Stan Getz ou Donald Byrd, et ceux qui ont eu connaissance en 1967 de son premier album en quintette, « Tones for Joan’s Bones », détenaient déjà bien des clés de « Now He Sings, Now He Sobs ». Il aurait pu s’en tenir là. Mais à l’automne 1968, Miles Davis l’invite à rejoindre son quintette et à abandonner le grand piano pour le piano électrique. Il y sympathise avec le contrebassiste Dave Holland et s’installe avec lui dans un immeuble déjà occupé par le saxophoniste David Liebman, lieu de jam sessions permanentes où il suffit de changer d’étage pour passer du free au rock dans un esprit de liberté et d’expérimentation extrême que Corea et Holland vont introduire chez Miles Davis, en totale complicité avec le batteur de Jack DeJohnette. Sur scène auprès de Miles Davis, Corea multiplie les extravagances sonores que permet son Fender Rhodes et dévoile un autre aspect de ses compétences en passant parfois à la batterie, instrument qu’il pratique depuis toujours au profit de son sens rythmique et des qualités percussives de son jeu. Chick Corea et Dave Holland quittent le groupe du trompettiste en 1970 pour transposer au trio acoustique cette veine expéri- mentale avec le batteur Barry Altschul, bientôt rejoints par le saxophoniste Anthony Braxton qui participe alors au second souffle de l’avant-garde free afro-américaine. Mais rapidement, le pianiste se sent prisonnier d’une impasse. L’expérience des grandes salles et des publics du rock qu’il a connue avec Miles Davis, l’influence du gourou Ron Hubbard et de son Église de Scientologie à laquelle il adhère, lui font ressentir le besoin d’une communication plus directe avec le public. S’ensuit d’abord, en 1971, un retour sur la noblesse de l’instrument avec les deux volumes de ses « Piano Improvisations » qui inaugurent la place qu’occupera le piano solo dans le catalogue ECM et que prolonge son duo avec le vibraphoniste Gary Burton (« Crystal Silence »). Puis, c’est le retour au piano électrique traité de façon plus limpide que chez Miles Davis. Il y revient à l’invitation de Stan Getz qui lui emprunte alors une partie de son nouveau 4 Chick Corea photo: Dan Muse groupe, Return to Forever, et le thème « La Fiesta », première espagnolade affichée et mise en évidence d’un caractère ludique et enjoué. La première mouture de « Return to Forever » fait encore la part belle à la limpidité des premiers disques ECM, les sonorités cris- tallines du Fender Rhodes épousant celles pastorales de la voix et de la flûte sous le titre évocateur de « Light as a Feather » (léger comme une plume). La suivante, avec l’album « Hymn of the Seventh Galaxy » est une réplique au succès du Mahavishnu Orchestra et à l’impression laissée par le groupe de John McLau- ghlin sur Corea. Même appétit de décibels, même frénésie de virtuosité instrumentale, remplacement de la voix par la guitare électrique, juxtaposition de l’orgue électronique et du synthéti- seur avec les pianos acoustiques et le Fender Rhodes, le tout avec une espièglerie qui se distingue des accents extatiques du Maha- vishnu. Au fil des disques (« Where Have I Known You Before », « No Mystery », « Romantic Warriors »), les ambitions formelles lorgnent de plus en plus vers le progressive rock anglais, de King Crimson à Yes et Genesis. Au milieu de la décennie, le jazz-rock s’essouffle, l’heure est à la fusion. Corea participe au retour vers la musique acoustique, en duo avec Herbie Hancock ou à travers une palette orchestrale de cuivres et de cordes sur « The Leprechaun », « My Spanish Heart » et « The Mad Hatter » où se mêlent tendances pop – voire « récréatives » – et influences classiques (Mozart, Debussy, Satie, Poulenc, Bartók) déjà perceptibles sous ses doigts, mais aussi sous sa plume lorsqu’en 1966 il composa son Trio for Flute, Bassoon and piano pour l’album du flûtiste Hubert Laws « Law’s Cause ». Cette veine affleurera périodiquement, que ce soit dans ses Children’s Songs (qui sont un peu ses Mikrokosmos), ses parti- tions pour orchestre de chambre, ses concertos, son interpréta- tion du Double Concerto pour piano et orchestre de Mozart avec Frie- drich Gulda. Lorsqu’au tournant des années 1980, il renoue avec le piano acoustique en solo (« Delphi », 1978), en duo avec Corea-Burton (« In Concert, Zurich », 1979) et en trio avec Vitouš et Haynes 7 (double album ECM de 1981, « Trio Music »), on serait tenté de dire que la boucle est bouclée et qu’il ne lui reste plus qu’à décli- ner les facettes esthétiques d’une œuvre composite, mais dont la cohérence est assurée par un répertoire de tubes désormais atten- dus, d’une formule à l’autre, par son public : « Windows », « 500 Miles High », « Spain », « Captain Marvel », « La Fiesta », « My Spa- nish Heart », « Armando’s Rhumba »… Plus, à partir des années 1980, le recours aux standards, jusque-là largement négligés, ainsi que des emprunts récurrents et hommages à Thelonious Monk (le deuxième disque du double « Trio Music » lui était entière- ment dédié) et à Bud Powell (le quintette « Remembering Bud Powell » en 1997). Ainsi va-t-il désormais naviguer d’un réper- toire à l’autre, du jazz-rock au jazz-jazz, au contact de généra- tions successives : les quartettes acoustiques avec ses pairs les saxophonistes Joe Farrell, Michael Brecker ou Joe Henderson, les contrebassistes Eddie Gomez et Gary Peacock, les batteurs Steve Gadd et Roy Haynes ; l’Elektrik Band avec les nouveaux claviers électroniques et la jeune fusion des années 1980 (le saxophoniste Eric Marienthal, les guitaristes Frank Gambale et Scott Hender- son, plus le bassiste John Patitucci et le batteur Dave Weckl qui constitueront la rythmique du trio Akoustik Band en 1989) ; le sextette Origin qui rassemble en 1998 la génération dite du Smalls, du nom d’un club new-yorkais ouvert en 1993, où l’on découvre notamment le contrebassiste Avishai Cohen et le batteur Jeff Ballard. Ces dernières années, toujours avide de variété, c’est encore ses trios auprès desquels on vient chercher la quintessence de son art, deux disques majeurs ayant marqué sa discographie : « Tri- logy » avec Christian McBride et Brian Blade et « Further Explo- rations » avec Eddie Gomez et Paul Motian. Ce dernier disparu, Chick Corea a décidé d’associer Eddie Gomez et Brian Blade. C’est cette combinaison idéale que découvrira ce soir la Philha- monie. Elle ne devrait pas le regretter. Eddie Gomez Né à San Juan (Porto Rico) en 1944, Eddie Gomez grandit à partir de sa deuxième année à New York, où il apprend le violon- celle puis, à partir de douze ans, la contrebasse. Deux ans plus 8 tard, il étudie avec Fred Zimmermann, enseignant réputé, bassiste depuis 1930 du New York Philharmonic. En 1959 et 1960, Gomez apparaît sur la scène du Newport Festival au sein de l’or- chestre de jeunes dont le directeur voit déjà en lui un bassiste d’exception. Diplômé en 1963 de la Juilliard School où il côtoie notamment Itzhak Perlman et un certain Chick Corea, il entre dans l’Histoire en participant à l’irruption du free jazz sur le devant de la scène new-yorkaise au sein du quartette de Giuseppe Logan et de Paul Bley, s’y adonnant avec la ferveur de ses idoles, Charles Mingus et Scott LaFaro. Il honorera la mémoire de ce dernier en rejoignant le trio de Bill Evans en 1966, dans une veine à l’opposé de la table rase du mouvement free. « J’espère une collaboration sur la durée », confia le pianiste qui portait encore le deuil de LaFaro, disparu en 1961 alors qu’il faisait le grand écart entre le free d’Ornette Coleman et la révolution tranquille de Bill Evans.